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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci d'avoir convié l'Association des universités et collèges du Canada à participer à la présente étude du projet de loi par le comité.
Je suis Paul Davidson, président et PDG de l'association. Steve Wills, notre gestionnaire des Affaires juridiques, m'accompagne aujourd'hui.
L'Association représente 95 universités et collèges universitaires canadiens, publics et privés à but non lucratif, répartis dans l'ensemble du Canada.
[Traduction]
Je vais être très clair: l'AUCC appuie le projet de loi parce qu'il établit un équilibre juste et raisonnable entre les droits des titulaires de droit d'auteur et ceux des utilisateurs d'œuvres protégées. Nous invitons le comité à achever son étude et à faire rapport à la Chambre. Comme tout le monde le sait, c'est la troisième fois que l'on essaie ces dernières années de moderniser cette loi, et il est important que ce travail soit achevé au cours de la présente session.
Les universités comprennent parfaitement la nécessité d'adopter un régime équilibré. Les universités créent de la propriété intellectuelle, elles utilisent la propriété intellectuelle et elles en vendent. Au sein des universités, vous avez des professeurs, ainsi que des chercheurs et des enseignants, des étudiants, des bibliothécaires, des libraires et des éditeurs.
Parmi tous les groupes qui comparaissent devant vous et parmi tous ceux qui souhaitent comparaître devant vous, je pense que notre organisation est une de celles qui comprend parfaitement la nécessité d'adopter une loi équilibrée.
[Français]
Les universités de toutes les régions du pays, qu'elles soient petites ou grandes, axées sur la recherche ou sur l'enseignement au premier cycle, recommandent avec insistance au comité d'apporter de légères modifications au projet de loi , puis de le renvoyer devant la Chambre des communes afin qu'il soit soumis à un vote dès que possible.
[Traduction]
Nous pensons que le projet de loi pourrait être amélioré si on lui apportait quelques amendements raisonnables et équitables, amendements qui figurent dans le mémoire de l'AUCC. Plutôt que de vous parler du mémoire que nous avons remis, et que vous avez aujourd'hui — il y a également un résumé d'une page —, je vais prendre quelques instants pour dissiper les mythes qu'ont propagés certains témoins qui ont comparu devant le comité.
En particulier, certains ont affirmé que le secteur de l'éducation ne voulait pas payer pour obtenir du matériel didactique et que le projet de loi , en particulier l'ajout de l'éducation à titre de nouvelle fin constituant une utilisation équitable, allait causer un préjudice au secteur de l'édition au Canada et faire fondre les recettes des sociétés de gestion du droit d'auteur comme Access Copyright. Selon une autre affirmation, le secteur de l'éducation ne veut pas indemniser les créateurs qui produisent du matériel didactique. Ces affirmations sont fausses et ne sont pas conformes à la réalité.
Les bibliothèques universitaires canadiennes dépensent plus de 300 millions de dollars par an pour acheter du contenu nouveau pour la recherche et l'apprentissage et pour obtenir des licences. En plus, Campus Stores Canada, qui représente les librairies appartenant aux établissements postsecondaires dans l'ensemble du Canada, estime que plus de 400 millions de dollars sont dépensés chaque année dans les librairies universitaires pour acheter de nouveaux manuels, des cours électroniques et certaines œuvres en format numérique.
Il est évident que les universités et les étudiants paient tous les ans des sommes considérables pour acheter du matériel didactique et obtenir les licences qui y sont associées. Ces dépenses constituent un appui considérable aux créateurs canadiens et le projet de loi ne contient aucune disposition qui aurait pour effet de réduire ces dépenses.
Certains ont également soutenu que le projet de loi allait nuire au secteur de l'édition au Canada et faire disparaître les recettes des sociétés de gestion du droit d'auteur. Par exemple, dans le témoignage qu'il a livré au comité le 6 décembre, Access Copyright a soutenu que cette organisation et la société de gestion de la reprographie du Québec, Copibec, risquaient de perdre 40 millions de dollars de recettes en raison de la modification de la portée de l'utilisation raisonnable dans le secteur de l'éducation, ainsi qu'en raison des autres exceptions reliées à l'éducation prévues par le projet de loi.
Cette affirmation est dépourvue de fondement. Il y a deux ans, la Commission du droit d'auteur du Canada a clairement défini ce qu'était l'utilisation équitable en matière de reproduction à des fins éducatives. Les enseignants de la 1re à la 12e année reproduisent des exemplaires des documents dont la lecture est obligatoire pour chacun des étudiants et les exemplaires en question représentent en moyenne quelques pages par mois par étudiant. La Commission du droit d'auteur a constaté que la reprographie à laquelle ont recours les professeurs ne respectait pas les critères de l'utilisation équitable exposés par la Cour suprême du Canada. Si le projet de loi avait été adopté avant cette décision, l'existence de l'éducation à titre de fin constituant une utilisation équitable n'aurait eu aucun effet sur cette décision, parce que celle-ci était fondée sur les critères de l'utilisation équitable et non pas sur les fins de la reprographie.
Autrement dit, la décision de la Commission du droit d'auteur a créé un précédent contraignant qui limite étroitement la reproduction à des fins éducatives constituant une utilisation raisonnable. Si le fait de reproduire plusieurs pages par mois pour chaque étudiant d'une classe ne constitue pas une utilisation raisonnable, alors il paraît vraiment déraisonnable d'affirmer que cette mesure législative autoriserait, à titre d'utilisation équitable, la reproduction en plusieurs exemplaires de journaux, d'articles de journaux, de chapitres de livre complets qui représentent la majorité des recettes que reçoivent Access Copyright et Copibec de la part des universités et des étudiants grâce à la vente de licences. En termes simples, les modifications que l'on se propose d'apporter à l'utilisation équitable ne compromettront pas la vente de livres, en particulier des manuels de classe, ni les recettes des sociétés de gestion du droit d'auteur.
Jetons un coup d'oeil rapide à ce que font nos voisins du Sud, qui ont adopté une exception en matière d'usage équitable qui est beaucoup plus large que ce que propose le projet de loi. L'exception américaine en matière d'usage équitable autorise expressément la reproduction d'une oeuvre en plusieurs exemplaires pour usage en salle de classe. Malgré la large portée de cette disposition relative à l'usage équitable, le secteur de l'édition didactique aux États-Unis continue de prospérer. En juillet dernier, l'Association of American Publishers a mentionné que les ventes d'ouvrages destinés aux études supérieures avaient augmenté de 6,3 p. 100 ce mois-là et de 21,4 p. 100 sur un an.
Nous recommandons dans notre mémoire d'apporter quelques amendements modestes qui ne changent pas l'équilibre fondamental instauré par le projet de loi et qui répondent à certaines préoccupations soulevées par d'autres intéressés.
Je remercie le comité de m'avoir donné la possibilité de vous présenter ces idées et je serai heureux de répondre à vos questions.
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Bonjour, monsieur le président. J'aimerais vous remercier ainsi que le comité de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.
L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université représente 65 000 membres du corps professoral et du personnel de plus de 120 universités et collèges de toutes les provinces. Il y a parmi nos membres aussi bien des créateurs que des utilisateurs d'oeuvres protégées. Nous avons connu les deux côtés des controverses dont il a été fait état devant vous. Nous savons que le comité ne réussira probablement pas à satisfaire tous les Canadiens mais nous espérons que notre exposé aidera le comité à en arriver à un équilibre approprié dans ce domaine complexe.
Nous aimerions commencer par mentionner les efforts qu'ont déployés les gouvernements successifs pour moderniser les règles du droit d'auteur au Canada. En particulier, nous aimerions mentionner les consultations qui ont précédé le projet de loi et qui ont été, d'une façon générale, utiles et ouvertes. Cette consultation a permis de prendre en compte les intérêts et les préoccupations de tous les Canadiens, et ce, d'une façon particulièrement efficace.
Quant au projet de loi lui-même, il contient certains aspects qui nous déçoivent et nous proposons plusieurs amendements. L'ACPPU est néanmoins favorable à l'orientation générale du projet de loi et reconnaît qu'il reflète une tentative d'instaurer de bonne foi un équilibre dans le domaine du droit d'auteur. Dans ces brèves remarques liminaires, nous allons aborder deux questions particulières: les serrures numériques et l'utilisation équitable à des fins d'éducation.
Pour ce qui est des serrures numériques, l'ACPPU estime que les efforts déployés dans le reste du projet de loi pour instaurer un équilibre sont absents ici. L'interdiction du contournement que contient le projet de loi est beaucoup trop large et n'aura pas pour effet de dissuader le piratage numérique; cette interdiction empêchera tout simplement les Canadiens honnêtes d'exercer des activités pour le reste légales et nuira gravement à la liberté d'expression, à la recherche et à l'éducation. Le projet de loi C-60 allait dans la bonne direction lorsqu'il a interdit le contournement des serrures assimilable à une contrefaçon, mais en autorisant cette activité pour des fins légales comme l'utilisation équitable. C'est là la façon équilibrée de procéder et nous invitons vivement le comité à formuler une recommandation en ce sens.
Pour ce qui est de l'utilisation équitable à des fins d'éducation, le projet de loi permettra aux Canadiens de mieux profiter des possibilités qui existent en matière d'enseignement et d'apprentissage. Par exemple, l'utilisation équitable à des fins d'éducation permettrait aux Canadiens d'incorporer des passages d'oeuvres dans des travaux individuels, des leçons, des conférences et des articles universitaires et de diffuser de façon également équitable des exemplaires de documents qui répondent à un besoin didactique spontané en salle de classe comme un poème, une chanson ou des paroles rappelant un événement spécial ou une coupure de presse traitant d'une crise mondiale.
Il est important de noter que l'utilisation équitable à des fins d'éducation sera conforme à nos obligations internationales aux termes du critère à trois volets de la Convention de Berne. Nous le savons parce que le critère établi par la Cour suprême en matière d'utilisation équitable reflète lui-même les exigences de la Convention de Berne. Nous le savons également parce qu'au Canada l'utilisation équitable à des fins d'éducation n'a pas une portée plus large que les pratiques américaines en matière d'usage équitable, la norme absolue en matière de respect du droit d'auteur.
Il est également important de noter, parce que nous avons entendu dire que le ciel allait nous tomber sur la tête pour cette raison, qu'il faut insister sur le fait que l'utilisation équitable à des fins d'éducation ne va pas supprimer la reproduction ou la diffusion de livres entiers, ne va pas remplacer la nécessité d'acheter des cours électroniques, de va pas non plus réduire, de façon significative, les millions et millions de dollars des contribuables que le secteur de l'éducation verse actuellement tous les ans pour acheter du matériel protégé. Sur ce point particulier, l'ACPPU reconnaît que, si l'utilisation équitable à des fins d'éducation permet à ces établissements de faire des économies, celles-ci devraient être utilisées par les bibliothèques pour acheter d'autres livres et d'autres licences d'exploitation de sites.
En outre, l'utilisation équitable ne va pas déclencher un flot de litiges. Il n'y aura pas de tsunami contentieux pour la raison que l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire CCH a défini les paramètres de l'utilisation équitable. Ces paramètres familiers ne vont pas changer si l'on ajoute de nouvelles fins comme la parodie, la satire ou l'éducation et il ne sera pas nécessaire de soumettre sana cesse ces aspects aux tribunaux.
Enfin, sur la question de l'utilisation équitable à des fins d'éducation, il y a eu une discussion au sujet de savoir s'il fallait définir cette notion étroitement. L'ACPPU estime que l'utilisation équitable à des fins d'éducation ne doit pas se limiter aux établissements d'enseignement officiels, tels que définis par la Loi sur le droit d'auteur. L'intérêt de la notion d'utilisation équitable est qu'elle constitue un droit pour tous les Canadiens, et non pas une exception spéciale qui avantage quelques privilégiés. Elle devrait pouvoir être invoquée par des entités diverses, y compris les bibliothèques publiques, les galeries d'art et les musées. Elle devrait également pouvoir être invoquée par une troupe de guides qui veut connaître les arbres, par une classe d'études religieuses qui veut comprendre la géographie de la terre sainte, par le photographe qui donne un cours de photographie, par l'entraîneur de hockey qui explique les techniques de patinage, par un club Kiwanis qui accueille un conférencier qui va parler du pouvoir économique émergent de la Chine. L'apprentissage se fait aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des établissements d'enseignement et bénéficie aussi bien aux jeunes qu'aux aînés. La Loi sur le droit d'auteur doit en tenir compte et respecter cette réalité.
Monsieur le président, merci. Mon collègue Paul Jones et moi-même serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
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Merci de nous donner cette possibilité.
Je m'appelle Chris Tabor. Je suis le directeur de la librairie de l'Université Queen's. Je suis ici aujourd'hui au nom de Campus Stores Canada, l'association commerciale nationale des librairies universitaires appartenant à des établissements d'enseignement et exploitées par eux.
Nous avons près de 100 magasins membres au Canada et plus de 80 membres associés, vendeurs et fournisseurs. En bref, si vous connaissez un du million d'étudiants qui fréquentent une université ou un collège au Canada, il est très probable que vous connaissez quelqu'un qui a recours aux services de Campus Stores Canada.
J'aimerais passer quelques moments à expliquer notre appui à l'ajout de l'éducation à l'exception relative à l'utilisation équitable que prévoit la loi. L'utilisation équitable est un important droit universitaire. Grâce à lui, les étudiants et les chercheurs peuvent utiliser le matériel dont ils ont besoin sans avoir à s'inquiéter de violer sans le vouloir un droit d'auteur. Cette disposition apporte une sécurité importante aux milieux universitaires.
Il est important de souligner que l'utilisation équitable et les autres avantages accordés dans le domaine de l'éducation risquent d'être compromis par la protection absolue accordée aux serrures numériques. En autorisant le contournement des serrures numériques pour des motifs ne constituant pas de la contrefaçon, la recherche et l'utilisation légitimes ne seraient pas gênées trop gravement, tout en préservant la protection accordée aux créateurs. Nous ne devrions pas traiter les utilisateurs légitimes comme nous traitons les criminels.
Un certain nombre d'organisations ont affirmé craindre qu'une telle mesure déboucherait sur la reproduction intégrale de manuels sans aucune rémunération pour les auteurs. D'autres soutiennent, tout comme nous, que ces craintes ne sont pas fondées si l'on se base sur la jurisprudence actuelle en matière d'utilisation équitable. Je peux ajouter, du point de vue de quelqu'un qui crée et distribue commercialement des cours électroniques et pour qui les recettes provenant de la vente de livres scolaires sont très importantes, que nous ne considérons pas que l'expansion de la notion d'utilisation équitable fait courir un risque à nos activités commerciales.
J'aimerais maintenant parler d'une disposition de la Loi sur le droit d'auteur qui encourage une augmentation artificielle du prix des livres. Le comité sera peut-être heureux de savoir qu'au cours des années 2008 et 2009, le gouvernement fédéral des États-Unis et près de 23 États ont examiné des mesures législatives touchant l'accès et le prix de documents didactiques pour les étudiants des États-Unis. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour vous dire comment, d'un seul trait de plume, un changement réglementaire pourra faire économiser aux étudiants canadiens des dizaines de millions de dollars chaque année, sans qu'il en coûte un sou au trésor public.
La Loi sur le droit d'auteur autorise les éditeurs à créer des monopoles d'importation de livres d'auteurs étrangers et précise ensuite le prix que ces monopoles d'importation peuvent demander pour ces livres. Plus précisément, le règlement relatif à l'importation énonce que l'importateur peut facturer au libraire le prix auquel le livre est vendu dans son pays d'origine plus la différence entre les taux de change des deux pays, plus un montant supplémentaire de 10 ou 15 p. 100 selon le pays d'origine.
Campus Stores Canada estime qu'il s'agit là d'un impôt privé créé par une politique publique. C'est un impôt qui sort du portefeuille des étudiants canadiens et de leurs familles et qui bénéficie principalement à des intérêts privés étrangers. Il autorise les éditeurs à recevoir un bénéfice net supplémentaire de près de 10 à 15 p. 100 sans qu'ils risquent de perdre une vente à des importateurs concurrents. Il est important de mentionner que ce bénéfice supplémentaire ne profite aucunement aux artistes et aux auteurs qui ont créé les oeuvres en question.
Ces coûts inutiles ne sont pas minimes. Le commerce des livres importés par les librairies universitaires représente environ 262 millions de dollars, soit environ la moitié des livres que vendent ces librairies. En supprimant ce tarif, les étudiants épargneraient près de 30 millions de dollars annuellement, et les économies commenceraient pratiquement du jour au lendemain.
Cet impôt a été conçu dans le cadre du secteur de l'édition, de la distribution commerciale et des politiques dans ce domaine qui ont changés radicalement depuis l'entrée en vigueur de ce règlement en 1999, principalement à cause de l'arrivée du commerce électronique.
À la différence des libraires, les consommateurs ne sont pas liés par ce règlement et peuvent librement et légalement acheter des livres du vendeur qui les leur fournit au plus bas coût, quel que soit l'endroit où ils se trouvent et ils le font.
Grâce aux détaillants qui utilisent Internet, les consommateurs canadiens sont souvent en mesure d'acheter des livres à un prix inférieur à celui auquel les revendeurs canadiens peuvent les vendre. Il paraît contraire à la logique du marché qu'un étudiant canadien puisse importer lui-même des livres, à un prix moindre que celui que paie une société multinationale qui importe des quantités commerciales de ces produits, mais c'est le résultat direct de l'inflation artificielle du prix des livres canadiens qu'entraîne l'existence de ce tarif.
Par conséquent, pour obtenir leurs livres au meilleur prix possible, les étudiants sont pratiquement obligés, à cause de cet impôt, de s'adresser sur Internet à des détaillants situés à l'étranger, une démarche supplémentaire qui est aussi absurde que peu pratique. Nous pensons que la suppression de cette importante taxe sur les manuels entraînerait une réduction significative du prix des livres de classe. Cela fera épargner aux étudiants des millions de dollars sans que le gouvernement ait à dépenser quoi que ce soit.
Sur le plan législatif, on peut obtenir ce résultat en supprimant l'article 27.1 de la loi. Ces changements n'étaient pas prévus dans la mise à jour opérée par le projet de loi C-32, mais il n'est pas nécessaire de modifier la loi pour supprimer cette taxe, étant donné que le règlement pertinent peut être modifié d'un trait de plume
À une époque où la prudence financière est reine, le gouvernement doit tirer parti des possibilités qui s'offrent à lui de diminuer les coûts qu'assument les Canadiens sans augmenter ceux du gouvernement. C'est là un de ces domaines. C'est là une de ces possibilités.
Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Vous êtes très populaire, monsieur Chong.
Le président: Bienvenue à vous aussi.
M. Pablo Rodriguez: Je vous remercie.
[Français]
Bonjour et bienvenue ici. Merci d'être là.
Je vais d'abord poser une question générale. En incluant le terme « éducation » dans le fair dealing, est-ce que le réseau universitaire, le monde de l'éducation, va épargner de l'argent?
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J'aimerais tout d'abord répondre à votre première question.
Comme je l'ai mentionné dans mes brèves remarques d'ouverture, nous ne pensons pas que l'ajout de l'éducation à l'utilisation équitable entraîne des économies importantes. Nous pensons que la différence sera minime. Le coût pourrait augmenter, comme il pourrait diminuer. Nous estimons que si nous réalisons des économies, nous allons nous en servir pour faire des acquisitions pour la bibliothèque, au moins dans certaines universités.
Pour ce qui est de votre deuxième question, je vais demander à mon collègue, Paul Jones, d'y répondre.
M. Pablo Rodriguez: Merci.
J'avoue, messieurs, que je ne vous comprends pas. Vous représentez des universités et des collèges canadiens, vous représentez des professeurs d'université et vous devriez, dans ce sens, avoir à coeur la culture canadienne, puisque c'est la culture que vous représentez. Vous devriez aussi avoir à coeur d'inculquer aux jeunes qui sont dans vos universités le principe du respect du droit d'auteur, le respect des artistes et de la valeur des oeuvres artistiques. Il me semble que ce serait minimal. Vous venez défendre ici le principe de l'utilisation équitable. La semaine dernière, d'imminents avocats sont venus nous dire que l'utilisation équitable, au Canada et aux États-Unis, ne sera jamais jugée de la même façon et que, pour passer à travers la définition qu'il y a actuellement dans le projet de loi , ça va prendre de 10 à 12 ans d'incertitude et de non-paiement aux artistes.
Au Québec, l'Assemblée nationale s'est prononcée contre le projet de loi tel qu'il est rédigé actuellement et contre cette utilisation équitable pour l'éducation. Une motion à cet effet a été adoptée. La ministre de l'Éducation du Québec a écrit une lettre expressément pour faire valoir, elle aussi, le fait qu'elle n'approuvait pas cette exemption pour l'éducation. La Fédération des commissions scolaires du Québec s'est également prononcée, dans une lettre, dans un communiqué de presse, dans un mémoire que vous pourrez voir sur Internet, contre cette nouvelle exception pour l'éducation qu'on retrouve dans le projet de loi C-32.
Vous, vous arrivez ici et vous dites que ça ne nous coûtera pas tellement moins cher. Mais cela va vous coûter moins cher. On se demande, de toute façon, pourquoi vous faites cela sinon pour payer moins cher. Si vous faites tous ces mémoires pour payer exactement le même prix ou pour payer davantage, je vous dis que quelqu'un perd son temps ici.
La Commission du droit d'auteur a émis un tarif provisoire pour que les universités puissent continuer de se prévaloir de la licence de photocopie avec Access Copyright, en décembre dernier. C'est vrai que les universités ne sont pas obligées de se prévaloir de cette licence, mais elle a émis un tarif de 3,38 $ par étudiant, plus 10 ¢ la copie, ce qui est exactement le tarif actuel.
Les universités ont préféré s'adresser aux titulaires de droits ou à des sociétés étrangères pour libérer elles-mêmes les droits. C'est une de mes questions. N'est-il pas bizarre que, pour éviter d'utiliser la licence d'Access Copyright à 10 ¢, les universités préfèrent s'adresser directement au Copyright Clearance Centre, la société américaine, pour libérer des droits sur certaines publications américaines et accepter de payer alors deux fois plus cher, soit 25 ¢ la copie? Je n'ai pas fini.
Le système au Québec fonctionne très bien. D'ailleurs, l'Assemblée nationale, la Fédération des commissions scolaires, la ministre de l'Éducation, en plus évidemment de la ministre de la Culture, se sont prononcés contre cette exception. Ça fonctionne bien. Copibec fonctionne bien, les artistes sont heureux, ça va bien. Ils sont tous venus ici, ou ils viendront, pour dire qu'au Québec, ça va bien.
Alors, sincèrement, je dois vous dire que voir les gens du Canada venir ici défiler pour demander une exception afin de ne pas payer les artistes ou payer moins cher les artistes — des gens qui gagnent à peu près 23 000 $ par année — renforce notre goût de faire l'indépendance du Québec. Cela nous donne le goût de vous dire de laisser faire, de vous arranger comme vous le voulez, et nous en ferons autant de notre côté parce que nous, au Québec, respectons nos artistes. On a un système culturel et artistique qui fonctionne très bien. D'ailleurs, personne ne se plaint de devoir respecter la valeur des oeuvres des artistes. Le Québec tout entier réclame depuis longtemps la pleine maîtrise d'oeuvre des arts, de la culture, donc des droits d'auteur. Vous voir aujourd'hui insister et voir toute la gamme de représentants du Canada qui viendront nous dire ici qu'ils veulent payer moins cher les droits d'auteur parce qu'ils veulent payer moins cher leurs artistes ne fait que renforcer notre idée qu'au Québec, on s'arrangerait beaucoup mieux tout seuls.
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Madame Lavallée, j'aimerais répondre à certains des points que vous avez soulevés.
Tout d'abord, pour ce qui est du secteur de l'éducation, j'aimerais vous dire pour commencer qu'aucune disposition du projet de loi ne va modifier les recettes que reçoivent les sociétés de gestion comme Access Copyright et Copibec. Il ne s'agit pas d'épargner de l'argent. Ce dont il s'agit — en particulier avec l'extension de la portée de l'utilisation raisonnable —, c'est de permettre certaines choses en matière d'éducation qui, à l'heure actuelle, ne sont pas permises.
Prenez le processus d'obtention d'une autorisation. Disons, par exemple, qu'un étudiant veut utiliser une partie d'une oeuvre dans un projet multimédia. Il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que l'étudiant essaie de déterminer qui est le titulaire du droit d'auteur, qu'il attende une autorisation qui viendra ou ne viendra pas, et qu'il paie ensuite des redevances pour pouvoir utiliser cette partie.
Je peux vous donner un autre exemple dont m'a parlé une personne qui travaille dans le domaine des autorisations dans une université. Un professeur voulait utiliser de brefs extraits de deux émissions de télévision pour les montrer à ses étudiants. On lui a demandé des frais de 8 $ par seconde et de 66 $ par seconde. Et bien, le résultat net de ce genre de chose est que les oeuvres en question n'ont pas été utilisées. Je pourrais vous citer de très nombreux exemples de ce genre de choses, de situations où nous avons dû renoncer à des possibilités dans le domaine de l'éducation parce que le coût d'obtention des autorisations était prohibitif.
Quant à votre suggestion selon laquelle les établissements paient 3,38 $ par étudiant, ce n'est qu'un coût provisoire, et il ne comprend pas les 10 ¢ par page qui sont versés pour les cours électroniques. Access Copyrights demande 45 $ par étudiant. Nous ne savons pas encore très bien quel sera le coût final.
Enfin, très rapidement, pour ce qui est d'avoir recours à des sources étrangères, l'une des raisons pour lesquelles les universités se sont adressées au Copyright Clearance Center, c'est qu'Access Copyright refuse de s'occuper d'obtenir les autorisations pour des transactions concernant les oeuvres numériques, quelque chose qui se faisait sans difficulté antérieurement, parce que cet organisme essaie d'amener les établissements à utiliser son nouveau barème. C'est la raison pour laquelle les établissements qui ne veulent pas se voir appliquer ce barème sont obligés de s'adresser au Copyright Clearance Center aux États-Unis.
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu aujourd'hui. Je trouve cette discussion très intéressante.
Je représente une région qui est plus grande que la Grande-Bretagne. Un bon nombre de mes collectivités ne peuvent être rejointes par la route. Les possibilités qu'offre l'apprentissage numérique sont très intéressantes pour nos collectivités: elles nous donnent accès à des niveaux d'éducation supérieurs, elles nous permettent de donner une formation supplémentaire aux étudiants et aux personnes qui ont été mis à pied pour qu'elles puissent retourner étudier dans un collège. Ces personnes ne pourraient tout simplement pas le faire si elles devaient voyager et assumer le coût de la vie dans une collectivité qui n'est pas la leur.
C'est la raison pour laquelle les dispositions du projet de loi qui touchent le téléapprentissage m'inquiètent beaucoup, en particulier l'article 30.01, qui demande aux étudiants qui suivent des cours dans un cadre d'apprentissage numérique de détruire leurs notes dans les 30 jours de la fin de leur semestre.
J'aimerais tout simplement savoir pourquoi ce projet de loi supprime pratiquement les droits des étudiants qui choisissent un environnement d'apprentissage numérique alors que celui-ci offre des possibilités tellement vastes.
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Je m'intéresse à l'effet que peut avoir le projet d'article 41 sur l'éducation — et sur la recherche en particulier. Il s'agit des mesures techniques de protection qui font du contournement d'une serrure numérique un acte illégal.
Nos collègues du Parti conservateur disent qu'il faut laisser le marché décider de cette question. Il semble pourtant que nous ayons clairement défini les droits législatifs que possèdent les Canadiens en matière d'accès, comme, par exemple, le droit à l'utilisation équitable, le droit à la satire, le droit à la parodie et un certain nombre d'autres droits, mais tous ces droits sont supprimés par les serrures numériques.
Nous constatons pourtant qu'aux États-Unis, en juillet 2010, la Fifth Circuit Court of Appeals s'est prononcée sur les droits aux États-Unis, qui avaient été jusqu'ici très restrictifs en contournement, et qu'elle a déclaré que le droit d'accès à une oeuvre ne déclenchait pas l'application des mesures anticontournement du DMCA. Il semble donc que le Canada ait adopté une approche beaucoup plus restrictive que celle des États-Unis.
Les gens à qui j'ai parlé aux États-Unis, dans le secteur de l'éducation, m'ont mentionné leurs craintes au sujet des effets, sur le plan du contentieux, des dispositions antérieures relatives aux serrures numériques sur la possibilité de favoriser la recherche et l'innovation au niveau universitaire. Pourriez-vous nous parler des préoccupations que suscitent chez vous les MTP et de ce que cela voudrait dire, sous sa formulation actuelle, pour l'innovation dans le domaine de l'éducation?
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Oui, je peux rapidement vous dire quelques mots à ce sujet.
Les MTP ou les dispositions relatives aux serrures numériques du projet de loi occupent une place particulière parce qu'elles ne reflètent aucunement une position équilibrée. Elles vont avoir pour effet de supprimer l'utilisation équitable, mettre un terme à un droit fondamental garanti par la Loi sur le droit d'auteur, dans tous les environnements numériques.
Ce qui est vraiment regrettable avec l'expansion de la portée de la règle relative aux MTP est qu'il existe une solution très élégante pour régler ce problème et que nous l'avons vu dans le projet de loi ; la voici: si vous contournez une serrure pour pirater un matériel, pour voler l'oeuvre d'un artiste, cela n'est pas permis. C'est une approche que nous approuvons totalement.
Nous disons toutefois qu'il peut exister des raisons de vouloir contourner une serrure, raisons qui sont légitimes. Cela pourrait être l'utilisation équitable. Cela pourrait être la reproduction de matériel à des fins d'archivage. Il pourrait s'agir de faciliter l'accès à une oeuvre à des personnes ayant une déficience visuelle. Il serait facile de modifier la loi pour dire qu'il est interdit de contourner une serrure à des fins de contrefaçon, mais que cela est permis si le contournement vise d'autres fins.
Pour ce qui est des MTP, je crois que l'on ne pense pas parfois suffisamment au fait que la consommation de contenu est de plus en plus mobile. Nous voulons pouvoir reproduire un certain nombre de produits, des produits éducatifs pour nos étudiants. Ils peuvent les consommer sur leurs portables, sur leurs téléphones, bientôt sur leurs iPad ou leurs tablettes Androïd. Ils doivent pouvoir modifier le support du contenu. C'est de plus en plus important pour eux.
Quant aux effets de l'utilisation équitable sur notre commerce, je dois vous dire que cette exception n'a jamais eu vraiment d'effet sur nos activités, sous sa forme actuelle. L'ajout de l'éducation n'aura pas non plus d'effet pour nous. Franchement, nous avons du mal à comprendre comment certains réussissent à établir un lien entre l'utilisation équitable et ouvrir la porte à la reproduction de masse. À l'Université Queen's, nous vendons 10 000 cours numériques, qui comprennent du matériel protégé qui donne lieu à la perception de redevances et nous vendons des millions de dollars de manuels chaque année. Nous ne voyons pas comment l'on peut faire un tel lien.
Nous ne comprenons pas pourquoi le professeur qui montre une diapositive pendant une seconde, qui contient des renseignements sur la diminution des recettes de la TPS l'année dernière, va avoir un effet sur ces ventes, tout comme, à l'heure actuelle, un professeur qui parle de macroéconomie, qui reprend les principes exposés dans un livre, va influencer les ventes de ce livre. Nous ne voyons pas de lien entre les deux choses.
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Je vais essayer de vous donner une réponse brève.
Les États-Unis ont un secteur de l'édition qui est dynamique. Ce pays possède un secteur des divertissements ou du contenu vraiment incroyable, et c'est sans doute le plus riche au monde. Il a prévu une exception pour l'utilisation équitable à des fins d'éducation. La loi américaine sur le droit d'auteur mentionne que l'utilisation équitable peut rechercher des fins « comme les fins suivantes »; elle en énumère quelques-unes, mais il est possible de rechercher d'autres fins. Il est généralement accepté que l'éducation est une de ces fins. Elle figure dans certaines lignes directrices, notamment le droit de reproduire mécaniquement des exemplaires d'une oeuvre, en grand nombre, pour les utiliser en salle de classe.
Rien ne dit que le projet de loi s'oriente, même de loin, dans cette direction, mais c'est la norme appliquée aux États-Unis. Cela est autorisé dans ce pays; ils ont encore des auteurs, ils ont encore des écrivains; ils exercent encore toutes sortes d'activités culturelles. Affirmer que, si le Canada s'engageait, ne serait-ce que timidement, dans cette direction le ciel nous tomberait sur la tête, est tout simplement ridicule.
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C'est l'Association des bibliothèques de recherche du Canada qui nous a fourni le chiffre de plus de 300 millions de dollars. Cela représente les dépenses effectuées par les bibliothèques universitaires dans l'ensemble du Canada. Sur cette somme de 300 millions de dollars, je crois savoir que 160 millions de dollars environ correspondent à l'obtention de licences pour les sources numériques — par exemple, les versions numérisées des revues universitaires.
Il y a diverses... Par exemple, il y a le Réseau canadien de documentation pour la recherche, qui a été mis sur pied par un regroupement de, je crois, 68 universités environ. Cet organisme négocie directement des accords de licence avec des éditeurs universitaires pour que les universités qui ont constitué ce consortium puissent utiliser les versions numérisées de ces revues. De la même façon, les divers regroupements régionaux de bibliothèques universitaires au Canada, comme l'Ontario Council of University Libraries, ainsi que leurs homologues dans l'Ouest, dans l'Est et au Québec, négocient tous des accords de licences semblables.
De sorte qu'une bonne partie du matériel qu'utilisent les universités provient de ressources numériques et beaucoup moins de la reprographie. C'est pourquoi, lorsque les gens parlent de la diminution possible des revues provenant des licences, par exemple, comme pour Access Copyright ou Copibec, la menace ne vient pas du projet de loi . La menace vient du fait que, dans cet environnement numérique, ceux qui offrent des licences d'accès aux oeuvres numériques contournent bien souvent les sociétés de gestion et traitent directement avec les institutions pour négocier de nouveaux accords.
Comme je l'ai dit, 160 millions de dollars environ de cette somme de 300 millions de dollars représentent des frais de licences de ce genre. Je n'ai pas la répartition du reste de ces fonds.
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Ce projet de loi et vraiment essentiel. Je sais que les membres de l'opposition ont des opinions diverses sur la façon dont il devrait être examiné, mais je peux leur dire que le droit d'auteur est une question nationale particulièrement polarisée. Ce projet soulève de nombreuses questions de principe.
J'ai passé près de cinq ans à travailler sur la dernière ronde de réforme du droit d'auteur et je représentais en fait le côté des créateurs, parce qu'il fallait faire des progrès importants grâce à cette réforme. Cette fois-ci, je pense que le projet de loi propose un équilibre approprié et cela est important parce que...
Je peux vous dire qu'il a fallu 25 ans au Canada pour arriver à régler la question de la photocopie. Va-t-il nous falloir encore 25 ans pour passer à l'ère numérique alors qu'il existe tant de possibilités en matière d'éducation et qu'il y a tant de défis qui se posent aux étudiants canadiens? Nous devons faire de nos étudiants, les étudiants les mieux équipés au monde, nous voulons qu'ils aient accès aux meilleurs professeurs et ce projet de loi va nous aider à y parvenir. Il faut que tout cela soit clair.
Je ne voudrais pas que le prochain ministre du commerce international soit amené à parler de commerce international si ce projet de loi sur le droit d'auteur n'est pas adopté. Je sais que le comité a déjà entendu un certain nombre de témoins et il y en a beaucoup qui aimeraient comparaître; mais pour l'essentiel, je pense que c'est la meilleure mesure législative, le meilleur effort que nous ayons déployé depuis des années, et nous devons aller de l'avant.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être venus. Il a été très utile de vous entendre exposer vos positions.
Je vais commencer par l'ACPPU et passerai ensuite à vous, monsieur Davidson, de l'AUCC.
Vous savez qu'en 2008, j'essayais encore de sauver ce que je pouvais d'un projet de loi qui n'avait pas réussi à rendre déductible d'impôt les REEE, mais nous y reviendrons à un autre moment.
J'ai obtenu le bulletin numéro trois de l'ACPPU en décembre 2008. Vous donniez à vos membres certaines lignes directrices en matière d'utilisation équitable et si cela peut être utile, je vais vous citer « pour que le personnel des universités sache quels sont ses droits en matière d'utilisation équitable, et les exerce pleinement. »
Le document mentionne que l'effet économique de cette utilisation sur les titulaires de droit d'auteur n'est « ni le seul facteur ni le facteur le plus important [...] lorsqu'il s'agit de décider si une utilisation est équitable ».
Je me demande si vous n'étiez pas en fait en train de dire aux Canadiens, à vos propres membres en particulier, qu'une reproduction peut être équitable même si elle a un effet préjudiciable sur le marché qui existe pour cette oeuvre.
Quant au mémoire de l'AUCC — je n'ai que cinq minutes ou même moins et je veux poser deux questions en même temps, si j'y parviens — il semble que le mémoire que vous avez présenté au comité et pour lequel nous vous remercions, et que vous nous avez présenté à nouveau aujourd'hui, mentionne qu'il conviendrait d'introduire dans la loi les critères énoncés dans l'arrêt CCH.
J'ai l'impression que vous êtes tous les deux en train de dire que, si l'on étend l'utilisation équitable à l'éducation, il y aura sans doute une affaire, peut-être même beaucoup plus, dans lesquelles quelqu'un a reproduit une oeuvre et a ainsi causé un préjudice au marché du titulaire du droit d'auteur, mais que cela n'importe pas — et je vais vous citer encore une fois: « Ce n'est ni le seul facteur ni le facteur le plus important [...] lorsqu'il s'agit de décider si l'utilisation est équitable ».
Est-ce que pour vous deux, c'est une affirmation qui vous paraît juste?
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C'est ce que je fais et c'est ce que nous faisons.
Je vous remercie, monsieur Davidson et monsieur Jones.
Il ne me reste qu'une minute environ, et je vais donc vous poser une dernière question.
Vous avez affirmé qu'il n'était nullement — et personne ne l'a affirmé — question d'argent sur ce point. Accepteriez-vous de modifier l'exception relative à l'utilisation équitable en ajoutant « si l'utilisation a un effet important sur le marché actuel de l'oeuvre, elle n'est pas équitable »?
Je m'adresse à vous deux, seriez-vous en faveur d'un tel amendement?
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, bonjour et bienvenue au comité.
Depuis tout à l'heure, vous dites qu'à toutes fins pratiques, il n'y aura pas de pertes pour les créateurs. Par contre, les gens qui sont venus nous voir il n'y a pas tellement longtemps évaluaient les pertes à 74 millions de dollars environ. Maintenant, ils évaluent à 126 millions de dollars les redevances de toutes sortes qui pourraient être perdues si le projet de loi était adopté.
De votre côté, vous semblez dire que non, il n'y aura pas de pertes. Par exemple, en éducation, on parle de 40 millions de dollars pour le Canada et de 10 millions de dollars pour le Québec. Prenons comme exemple les photocopies. S'il n'y a pas de pertes avec le projet de loi , pourrait-il y avoir, tout au moins, des ralentissements dans les redevances? Que se passe-t-il à l'heure actuelle? Que va changer le projet de loi C-32 dans ce secteur, entre autres?
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Je pourrais peut-être répondre à cette question.
Tout d'abord, le commentaire visait la modification de l'utilisation équitable et la question de savoir si cette modification risquait de compromettre les revenus de 40 millions de dollars que reçoit Copibec. Je ne pense pas que nous voulions dire qu'aucune des dispositions du projet de loi n'entraînerait une perte de revenu. Évidemment, il existe une disposition, par exemple, qui autorise la présentation, en salle de classe, de matériel audiovisuel, d'oeuvres cinématographiques, disposition qui existe en droit américain depuis un certain nombre d'années. Cela voudrait dire que les établissements d'enseignement n'auraient pas à verser de redevances pour la représentation publique de ces oeuvres.
Il faut toutefois mentionner que les oeuvres que présentent les sociétés de gestion dans ce domaine, sont principalement des films américains. Étant donné que les établissements d'enseignement des États-Unis ne versent pas de redevances pour la présentation publique de ces oeuvres, on peut se demander s'il n'est pas illogique de continuer à obliger les établissements d'enseignement canadiens à payer pour l'utilisation de ces oeuvres, en particulier si l'on pense au fait que la plupart des redevances vont à l'étranger.
Pour répondre à la question de savoir si ce projet de loi entraînera des pertes, il est possible qu'une disposition comme celle-là entraîne des pertes, mais nous répondions en particulier aux affirmations de Copibec et Access Copyright, selon lesquelles ces entreprises allaient perdre leurs 40 millions de dollars de revenus. Le projet de loi ne contient aucune disposition qui modifierait les revenus qu'elles obtiennent du secteur des universités.
Même pour les secteurs primaires et secondaires, et comme vous le savez peut-être, il y a un litige qui porte sur l'utilisation équitable. Il y a eu un appel devant la Cour suprême et nous ne savons pas encore si la Cour suprême va accorder l'autorisation de présenter un pourvoi.
Même si elle rendait une décision qui infirmait la décision concernant la Commission du droit d'auteur que la Cour d'appel fédérale a rendue, cela représenterait 6 p. 100 des revenus que perçoit annuellement Access Copyright, ou 1,2 million des 20 millions de dollars qu'elle perçoit annuellement.
Ce litige n'a rien à voir avec l'éducation en tant que fin constituant une utilisation équitable; il concerne le caractère équitable du droit d'auteur dans un contexte d'éducation.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins. J'ai beaucoup aimé la façon dont vous avez précisé la question de l'utilisation équitable, en particulier l'utilisation équitable à des fins d'éducation.
J'espère que cela va changer un peu le débat devant le comité, parce que jusqu'ici, le projet de loi a surtout été dépeint comme une attaque du gouvernement contre les créateurs, ce qu'il n'est pas, et une attaque contre les sociétés de gestion du droit d'auteur dans le domaine de l'éducation, ce qu'il n'est pas non plus. Il me paraît important de reconnaître ces choses.
Ce dont il s'agit vraiment... et j'aimerais beaucoup avoir vos commentaires sur ce point.
Monsieur Davidson, vous avez dit qu'il nous avait fallu 25 ans pour régler la question des photocopies. Mais la réalité est que si nous remontons à cette période et que nous la comparons à la nôtre, nous constatons que la technologie évolue aujourd'hui beaucoup plus rapidement. L'éducation doit s'adapter à cette évolution et à cette progression. Si nous ne le faisons pas, nous allons prendre du retard et nous courons le risque de prendre du retard de façon exponentielle par rapport à ce qui s'est passé en 1975, année au cours de laquelle la photocopie a commencé à prendre autant d'importance.
Pourriez-vous nous dire pourquoi l'adoption de règles appropriées — et j'invite les autres témoins à faire des commentaires sur ce point — va aider nos établissements d'enseignement à répondre aux défis de demain et nos étudiants à mieux se préparer aux défis de l'économie numérique?
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Si vous le permettez, je dirais que la première raison pour laquelle cela est important, c'est parce que nous en sommes arrivés à un équilibre. Comme beaucoup d'autres, je suis préoccupé par la façon dont les questions ont été posées. Les universités veulent réellement rémunérer les créateurs et elles le font. Les universités font la promotion de la culture. Les universités représentent une force vitale pour la culture et la création au Canada et il est important que nous en arrivions à un équilibre approprié.
La deuxième raison pour laquelle cela est important, c'est parce que ce projet de loi apporte des précisions. Disons-le franchement, lorsque vous avez été choisi pour faire partie de ce comité, vous ne vous êtes pas dit: « Oui très bien! Je vais passer des semaines et des semaines à examiner en détail les règles du droit d'auteur ». C'est un sujet complexe. C'est un sujet aride.
Jack McClelland, l'icône de l'édition canadienne, a dit que le droit d'auteur était un sujet particulièrement ennuyeux, mais très important.
Il a raison. Il est important parce que nous voulons faire en sorte que les artistes soient rémunérés correctement. Nous voulons que les gens aient accès aux oeuvres de création de très grande qualité que nous avons dans notre pays.
C'est important sur le plan mondial à cause de la vitesse avec laquelle la technologie évolue. Je me trouvais en Inde en novembre dernier avec 15 présidents d'université qui faisaient la promotion de l'image du Canada en Inde. Il y a dans ce pays, 500 millions d'étudiants de moins de 25 ans. Ils veulent savoir comment ils peuvent apprendre en ligne. Ils veulent savoir comment ils peuvent avoir accès rapidement à du matériel didactique. Ils veulent savoir ce qu'est l'apprentissage numérique.
Ce sont là des opportunités pour les Canadiens. Ce sont des opportunités pour les étudiants canadiens. Ce sont des opportunités pour les instructeurs canadiens. Ce sont des opportunités pour les chercheurs canadiens. Ce sont des opportunités pour les entreprises technologiques canadiennes.
Nous avons besoin de la clarté qu'apporte ce projet de loi et nous devons entrer dans l'âge du numérique pour ce qui est de nos lois sur le droit d'auteur.
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Une des choses qui me préoccupe dans cette discussion est que l'on continue à opposer les créateurs et les utilisateurs.
Notre organisation est peut-être la principale organisation qui représente les auteurs de livres au Canada. Lorsque nous avons élaboré notre position, nous avons été confrontés à toutes les questions qui vous ont été soumises: comment être équitable envers les étudiants, envers les professeurs et les libraires, et comment faire pour être équitable envers nos membres dans leur rôle de créateurs de matériel culturel et intellectuel.
L'équilibre que nous proposons — c'est-à-dire adopter une disposition claire en matière d'utilisation équitable — est important pour tous les créateurs, parce qu'ils utilisent tous les oeuvres d'autres personnes, ils s'en inspirent et en ont besoin pour pouvoir créer. Il est important pour nos étudiants et comme mon collègue Paul Jones l'a dit à plusieurs reprises, si vous examinez les dispositions relatives à l'usage équitable aux États-Unis, vous constaterez qu'elles sont beaucoup plus généreuses que la disposition que nous examinons à l'heure actuelle et ce pays n'a aucunement ressenti les effets dévastateurs que certains témoins que vous avez entendus ont mentionnés.
Nous avons vraiment beaucoup travaillé pour essayer d'équilibrer toutes ces choses, parce que nos membres viennent des différents côtés de ces questions. Nous pensons que ce genre de recommandations, tant sur la question de l'utilisation équitable... mais nous vous demandons également de revoir l'interdiction générale du contournement des serrures numériques et de la modifier pour qu'elle s'applique uniquement au contournement des serrures numériques lorsque son but est la contrefaçon et pour qu'elle soit autorisée lorsque le but recherché est autre.
Je crois que, si vous effectuez ce changement, cela sera un grand progrès qui nous permettra de présenter une mesure législative dont tous les Canadiens pourront être fiers.
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Nous apprécions vos commentaires à ce sujet.
Je pensais que l'ajout des mots « comme » aurait fait bondir les personnes présentes ici, ... mais je comprends pourquoi vous l'avez proposé.
Monsieur Davidson, vous avez parlé des opportunités qui s'offraient et c'est bien là l'aspect qui m'intéresse énormément; il s'agit du potentiel qu'offre ce projet de loi pour créer l'économie de demain et aider les Canadiens à comprendre que leur avenir réside dans une économie numérique, et je pense que nous sommes vraiment très bien placés pour en profiter.
Je crois beaucoup dans les vertus du marché. L'industrie canadienne de la musique vient de perdre 750 millions de dollars. Si nous pensons à ce qui a été perdu et que nous regardons les opportunités qui s'offrent, ne devrions-nous pas nous dire qu'il faut vraiment aller de l'avant et présenter ce projet de loi à la Chambre?
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de bien vouloir prendre le temps d'entendre les commentaires de l'ABRC.
Je suis ici à titre de président de l'Association des bibliothèques de recherche du Canada, même si je suis également le bibliothécaire et le vice-recteur de l'Université de l'Alberta, ce qui m'amène à surveiller les bibliothèques, mais également certaines unités apparentées, y compris les presses universitaires et la librairie.
L'ABRC est la principale organisation du secteur des bibliothèques de recherche canadiennes. Nos membres comprennent les 29 grandes bibliothèques de recherche universitaires au Canada. Elles appuient la recherche et l'innovation en facilitant l'accès aux renseignements spécialisés. Elles fournissent des services de bibliothèque pour appuyer l'enseignement, la recherche et l'apprentissage dans les grandes universités canadiennes.
L'ABRC a été heureuse de voir présenter le projet de loi . Cela fait longtemps que la Loi sur le droit d'auteur aurait dû être mise à jour et nous sommes heureux de voir dans ce projet de loi quelques dispositions utiles qui permettront à nos bibliothèques de répondre aux besoins changeants de leurs clients.
Les bibliothécaires des établissements universitaires font constamment face à des problèmes de droit d'auteur. Sur nos campus, nous aidons à la fois les utilisateurs et les créateurs. Nous facilitons l'accès aux oeuvres, tout en respectant les droits des auteurs. C'est ce que nous faisons. C'est ce que nous ferons toujours. C'est dans ce contexte que je vais aborder dans mes remarques d'aujourd'hui les raisons pour lesquelles il était approprié d'ajouter l'éducation aux fins constituant une utilisation équitable.
Une bonne partie des changements technologiques qu'ont connus les bibliothèques et les salles de classe au cours des 15 dernières années ont eu des répercussions importantes sur la façon dont les bibliothécaires acquièrent le contenu pour la recherche et l'enseignement et le rendent accessible. Pour que nos universités et leurs diplômés soient compétitifs dans l'économie internationale de l'information, il est essentiel que les étudiants, les instructeurs et les bibliothécaires tirent pleinement parti des technologies émergentes.
Il est temps de reconnaître, comme d'autres pays l'ont déjà fait, que l'environnement universitaire contemporain ne peut facilement répartir ses activités en fonction des catégories actuelles de l'utilisation équitable. Dans les salles de classe et les bibliothèques d'aujourd'hui, la recherche, l'étude personnelle, l'examen, les critiques et l'instruction sont des activités intimement reliées entre elles. Les frontières entre ces activités se chevauchent souvent. L'ajout de l'éducation aux fins constituant une utilisation équitable permettra d'adopter de nouvelles méthodes novatrices, tout en encourageant la créativité des étudiants en leur permettant d'utiliser plus largement l'information sur tous ses supports.
Certains soutiennent que l'inclusion de l'éducation à titre de fins constituant une utilisation équitable va entraîner la reproduction massive d'oeuvres complètes. Cette affirmation ne tient pas compte du fait que les bibliothèques et les universités respectent le droit d'auteur en se conformant aux fins constituant actuellement une utilisation équitable et repose sur l'idée fausse que l'ajout d'une autre fin dans ce domaine va automatiquement entraîner des abus.
Nous reconnaissons que l'utilisation équitable doit être équitable. La reproduction en masse dont certains groupes ont parlé ne peut jamais être une utilisation équitable au sens de la loi actuelle, et ne le deviendra pas non plus avec une loi modifiée. L'ajout de l'éducation à titre de fin constituant une utilisation équitable ne changera pas ce qui est acceptable à titre d'utilisation équitable. La reproduction constituant une utilisation équitable doit toujours respecter le critère de l'équité fixé par la Cour suprême. Les bibliothèques ont toujours été prudentes, voire tatillonnes, lorsqu'elles ont exercé les droits associés à une utilisation équitable et il est très peu probable qu'elles changent d'attitude.
À l'heure actuelle, les bibliothèques universitaires canadiennes dépensent plus de 300 millions de dollars annuellement pour l'achat de contenu et pour les licences y donnant accès. L'ajout d'une nouvelle fin en matière d'utilisation équitable ne changera pas non plus cette situation.
Le but n'est pas de faire des économies. Nous n'allons pas réduire nos dépenses. En fait, je crois que nous allons dépenser davantage. Il s'agit simplement de tenir compte de la réalité que l'on trouve dans les salles de classe modernes et dans les bibliothèques modernes.
Enfin, j'aimerais rappeler aux membres du comité que le projet de loi est un ensemble de dispositions qui a pour but de concilier les besoins des utilisateurs et ceux des créateurs. La suppression de l'éducation comme fin constituant une utilisation équitable détruirait l'équilibre que reflète ce projet de loi — c'est du moins ce que nous pensons.
Il contient de nombreuses dispositions qui répondent aux besoins des titulaires de droit d'auteur. Il ne faut pas oublier que de nombreux Canadiens ont exprimé le désir d'élargir la notion d'utilisation équitable; l'ajout de l'éducation parmi les fins constituant actuellement une utilisation équitable reflète ce désir.
J'aimerais faire une dernière remarque. Un aspect très important du rôle que remplissent les bibliothèques de recherche consiste à préserver nos grandes oeuvres et nos grandes collections et de veiller à la sécurité de ces produits culturels en organisant, cataloguant et archivant ce qui a été créé. Le but est de préserver à perpétuité ces réalisations humaines pour les Canadiens non seulement pour les cinq prochaines années, mais également, croyez-le ou non, pour les 500 prochaines années. C'est une partie de ce que nous faisons.
Notre secteur craint que tout resserrement du projet de loi — il n'y en a pas de proposé pour le moment — risquerait de compromettre notre capacité de préserver l'information à perpétuité. Nous demandons au comité de tenir compte de cet aspect lorsqu'il proposera des amendements.
J'aimerais remercier le comité pour le travail qu'il a accompli et pour avoir pris le temps de nous écouter aujourd'hui.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Jon Tupper. Je suis le président du conseil d'administration de l'Association des musées canadiens. Au quotidien, je suis le directeur de la Art Gallery of Greater Victoria en Colombie-Britannique. Je suis accompagné par mon directeur général, John McAvity.
Créée en 1947, l'Association des musées canadiens est l'organisation nationale vouée à l'avancement et au service des musées du Canada. On compte au pays plus de 2 700 musées à but non lucratif, y compris de grandes galeries d'art dans les centres métropolitains et des musées patrimoniaux de moindre envergure exploités par des bénévoles dans de petites collectivités. On les retrouve dans toutes les circonscriptions.
Les musées sont à la fois des utilisateurs et des propriétaires de matériel protégé par un droit d'auteur, ce qui amène à s'intéresser de près à leur situation. Ce double statut nous incite d'ailleurs à chercher un équilibre entre une politique publique équitable et les droits privés, équilibre qui est au coeur même de la législation sur le droit d'auteur.
Nous sommes ici aujourd'hui afin de nous prononcer pour l'essentiel en faveur du projet de loi et de vous présenter certaines recommandations visant à l'améliorer. Nous sommes satisfaits de la plupart des dispositions du projet, notamment en ce qui a trait à la reconnaissance de l'éducation comme un avantage public équitable et légitime.
De nos jours, la fréquentation des musées atteint des niveaux inégalés. Les Canadiens s'intéressent à notre patrimoine et à notre art et ils désirent y avoir un plus grand accès, non seulement sur nos murs, mais aussi sur les écrans de leurs ordinateurs.
Ce sont là les services que nous offrons dans l'intérêt de la population et nous n'en retirons guère de revenus à cause de l'échec du marché de l'art au Canada. Et pourtant, nous commettons des contrefaçons, lorsque nous permettons l'utilisation d'oeuvres à des fins non commerciales, même si nous sommes les propriétaires de ces oeuvres. Les musées doivent payer des droits aux artistes pour exposer leurs oeuvres, même s'ils en sont propriétaires. Ce n'est pas juste. Nous ne pouvons reproduire ou afficher une oeuvre sur nos sites Web sans payer. Nous ne pouvons reproduire des documents ou les photographier pour qu'ils soient utilisés par des tiers sans enfreindre le droit d'auteur. Nous ne pouvons présenter des diapositives d'oeuvres d'art lors de nos conférences publiques sans payer des droits et nous ne pouvons pas publier à perte un catalogue sans avoir à payer des droits.
J'aimerais aborder ici d'autres sujets. L'un d'entre eux est le droit de suite de l'artiste. Certaines organisations demandent d'ajouter ce nouveau droit qui n'entre pas, d'après nous, dans le cadre du projet de loi actuel. Nous ne sommes pas en faveur d'un tel ajout, parce que cela nous paraît prématuré et exigerait une étude approfondie. Un tel droit aurait des répercussions sur les musées et encore plus sur le marché de l'art. Notre principale crainte est que cette proposition ne profite qu'à un petit nombre d'artistes de renom et pas à ceux qui ont vraiment besoin d'un soutien.
L'expansion du droit d'exposition,instauré en 1988 dans la controverse et malgré le refus du Sénat du Canada. Ce droit, prévu par la loi canadienne sur le droit d'auteur, est toujours problématique. D'ailleurs, aucun autre pays ne prévoit un tel droit dans sa législation. La semaine dernière, un témoin a proposé que le droit d'exposition publique soit étendu en le rendant rétroactif. Nous croyons qu'il ne serait pas sage d'aller dans cette direction.
Notre loi comporte une telle disposition depuis plus de 20 ans mais aucun pays ne nous a emboîté le pas. La mesure est coûteuse et lourde et elle ne procure aucun revenu important aux artistes. Nous recommandons que le droit d'exposition soit revu et examiné dans la prochaine ronde d'amendements dans l'objectif de l'abolir et de le remplacer par un programme de compensation semblable à celui qui est prévu par le droit de prêt public.
Nous nous joignons à nos collègues, dont le Conseil canadien des archives, pour vous exprimer notre inquiétude au sujet des serrures numériques. Nous y voyons une entrave à la capacité de nos institutions dont c'est le mandat, d'acquérir, d'avoir accès et de préserver le matériel ainsi verrouillé. Nous croyons que le contournement des MTP aux fins de la préservation des collections publiques devrait avoir préséance sur les droits de propriété privés.
Pour ce qui est de l'utilisation équitable à des fins d'éducation, nous recommandons de conserver ces dispositions telles que formulées. Le projet de loi propose d'ajouter les fins « d'éducation, de parodie ou de satire » à l'utilisation équitable d'une oeuvre ou de tout autre objet du droit d'auteur; c'est une mesure raisonnable qui devrait favoriser l'accès aux oeuvres. Cette disposition ne mènera pas à l'exploitation massive des oeuvres d'art et ne s'appliquera que dans le cadre de l'utilisation équitable en tenant compte des besoins des propriétaires des oeuvres.
Enfin, le projet de loi ne traite pas de la question des oeuvres orphelines et nous croyons qu'il devrait le faire. Les oeuvres orphelines sont celles dont on n'a pu retrouver les propriétaires. Il est donc difficile d'obtenir les droits ou les licences d'utilisation et c'est un problème fréquent. Il faut de toute urgence adopter un mécanisme pour remédier à la situation.
Pour ce qui est de l'article 46, je dirai que nous sommes satisfaits des dispositions de la clause 38.1 sur les sanctions préétablies en cas de violation à des fins non commerciales. Il s'agit d'une approche raisonnable et nous l'appuyons.
Merci monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à vos questions et à celles de vos collègues.
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Merci monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m'appelle David Molenhuis. Je suis ici aujourd'hui pour représenter la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, la principale organisation canadienne nationale qui représente les étudiants. Je suis accompagné par mon collègue, Noah Stewart, qui répondra aux questions des membres du comité. Nous avons plus de 600 000 membres qui sont composés d'étudiants fréquentant les universités et les collèges, dans les programmes de premier et de deuxième cycles.
Les étudiants sont des utilisateurs et des créateurs. Il nous faut à la fois avoir un accès facile aux travaux d'autres personnes et la capacité de protéger nos oeuvres en cas d'appropriation ou d'utilisation inéquitables. J'aimerais commencer par parler de l'ajout de l'éducation aux catégories énumérées d'utilisation équitable que propose le projet de loi . Cet ajout est loin de proposer la définition souple de la notion d'utilisation équitable que demandent les étudiants, mais elle représente tout de même une mesure positive. Le fait d'énumérer expressément l'éducation modifiera peu la loi, puisqu'elle autorise déjà l'utilisation équitable à des fins de recherche, d'étude privée et de critique — catégories qui englobent l'immense majorité des utilisations à des fins d'éducation — pour autant, bien entendu, que l'utilisation soit équitable.
L'utilisation équitable fait appel à un critère à deux volets. Le projet de loi C-32 propose d'ajouter l'éducation à la liste des utilisations autorisées, mais il ne propose pas de modifier le deuxième volet du critère, qui est l'analyse du caractère équitable de l'utilisation. Il n'autorise pas la reproduction en masse de manuels, comme certains l'ont faussement prétendu, et cet ajout ne permettra pas non plus aux étudiants de remplacer les manuels et les romans par des extraits photocopiés.
Avec le projet de loi , la notion d'utilisation équitable demeure une disposition essentielle de la loi. Si l'utilisation n'est pas équitable, elle contrefait le droit d'auteur, même si elle vise des fins parfaitement éducatives. Le projet d'élargissement de cette notion va faciliter l'utilisation novatrice d'oeuvres protégées — par exemple, l'enseignant qui montre un extrait d'un film à sa classe ou l'étudiant qui distribue des coupures de magazine pour accompagner un exposé ou même un travail pour lequel des étudiants construisent un site Web consacré, par exemple, à l'oeuvre d'un artiste canadien contemporain.
Les établissements postsecondaires ont souvent été réticents à s'en remettre à la notion d'utilisation équitable parce qu'ils craignaient les poursuites que pourraient intenter les titulaires de droit d'auteur. L'ajout de l'éducation va rassurer les étudiants, les professeurs et les autres membres du secteur de l'éducation qui sauront que l'utilisation qu'ils font des oeuvres constitue une utilisation équitable, pourvu bien sûr qu'elle soit véritablement équitable.
Certaines personnes ont affirmé que l'utilisation équitable à des fins d'éducation était une notion imprécise et entraînerait de nombreux litiges, ce qui est loin d'être la vérité. L'extension proposée va au contraire préciser la loi, et combler la zone grise qui existait entre la recherche et l'étude privée. En outre, les limites de la notion d'utilisation équitable ont été très bien fixées par les décisions successives de la Cour suprême, de la Cour d'appel fédérale et de la Commission du droit d'auteur. Le secteur de l'éducation contribue de façon importante à l'industrie de la création au Canada. Les étudiants qui fréquentent les collèges et les universités dépensent plus de 1,3 milliard de dollars pour l'achat de matériel didactique chaque année. En outre, c'est un domaine dans lequel les redevances destinées aux oeuvres protégées augmentent, puisque les sommes payées ont augmenté de 35 p. 100 au cours des 10 dernières années.
L’élargissement du principe de l’utilisation équitable n’entraînera pas une réduction de ces dépenses. Au contraire, cette modification incitera les étudiants et les professeurs à utiliser encore plus les oeuvres protégées, ce qui augmentera la notoriété des auteurs et des créateurs et contribuera à stimuler la création au Canada.
Les termes larges qu'utilise le projet de loi sous sa forme actuelle font de l'utilisation équitable un droit qui appartient à tous les citoyens et non pas une exception qui privilégie une minorité. Avec la formulation retenue, l'utilisation équitable peut être invoquée par tous les citoyens, qu'il s'agisse d'un groupe religieux, par exemple, d'un professeur de musique ou même d'un étudiant qui fréquente l'université. L'utilisation équitable à des fins d'éducation s'inspire des meilleures valeurs des Canadiens. Elle reconnaît qu'il faut équilibrer, de façon équitable, l'appui accordé aux créateurs et l'engagement pris envers l'éducation.
Dans l'ensemble, le projet de loi reflète l'équilibre souhaité par les Canadiens, mais il y a lieu de signaler une omission frappante, savoir l'approche adoptée à l'égard des serrures numériques. Ces dispositions empêcheraient, par exemple, un étudiant d'utiliser un graphique ou une image tirée d'un manuel électronique dans son travail, un enseignant d'utiliser un extrait d'une vidéo dans un exposé en classe et un musicien d'utiliser des morceaux de musique enregistrée dans le but de créer une chanson tout à fait nouvelle. Cette approche inquiète particulièrement les membres du secteur de l'éducation qui se tournent de plus en plus vers les cours électroniques, les livres électroniques, les réserves électroniques et les autres documents numériques.
Le projet de loi prévoit certes des mesures de protection expresses pour les serrures numériques, mais il ne contient aucun mécanisme facilitant aux utilisateurs l'accès pour des fins légitimes à des documents verrouillés. Le fait d'incriminer l'utilisation légale de ces documents supprime tous les droits que possèdent les utilisateurs et accorde aux titulaires du droit d'auteur un contrôle absolu sur l'utilisation de leurs oeuvres. Il conviendrait de modifier ce projet de loi pour changer la définition de contournement pour qu'elle s'applique uniquement aux utilisations constituant une contrefaçon. Une telle solution résoudrait la plupart de ces problèmes.
Un dernier sujet de préoccupation est l'exception spéciale pour la communication de leçons au public par télécommunication que l'on trouve à l'article 30.01. Cet article est inutilement complexe et va nuire à l'apprentissage numérique. Le fait d'exiger la destruction des leçons à la fin du cours obligera des professeurs déjà surchargés à refaire leurs cours à partir de zéro à chaque semestre et les étudiants à supprimer leurs documents didactiques à la fin de chaque semestre.
Il serait plus facile de transmettre les documents didactiques par voie numérique en modifiant simplement la définition de « locaux » d'un établissement d'enseignement pour englober tous les lieux à partir desquels toute personne — à savoir les membres du personnel, professeurs et étudiants — est autorisée par l'établissement à y avoir accès.
Cela dit, je remercie le président et serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.
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Absolument, nous avons des opinions au sujet des autres parties du projet de loi. Je peux vous en dire quelques mots, si vous le souhaitez.
Nous avons insisté sur l'éducation parce que c'est à ce sujet que le projet de loi propose un mécanisme concret et efficace. C'est pourquoi nous aimerions que vous vous souveniez de cette partie et que vous l'appuyiez.
Mais il y a d'autres aspects importants. Par exemple, la question des serrures numériques; ce n'est pas nécessairement une question qui nous touche. En réalité, bien souvent, si nous voulons faire le travail que mes membres font, nous devons négocier l'achat de licences qui nous permettent de faire certaines choses à l'égard de certains types d'information.
Nous sommes préoccupés... et j'ai été ravi d'entendre le commentaire qu'a fait le groupe d'étudiants au sujet de la préservation. Comme cela est mentionné dans notre mémoire, la préservation est un aspect très important de nos activités et de notre mission; nous ne voudrions pas que ces serrures nous empêchent d'exercer ce genre d'activités.
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Si vous le permettez, j'aimerais bien parler du droit de présentation.
Nous sommes ici pour parler du droit d'auteur. Le droit d'auteur touche la question de la reproduction d'une oeuvre. Le droit de présentation ne vise pas la reproduction d'une oeuvre; il s'agit d'exposer une peinture dans un espace public, dans un but autre que la vente ou la location, pour une oeuvre créée après 1988.
C'est pourquoi nous pensons, premièrement, que cette notion est une anomalie. Elle ne devrait pas faire partie de la Loi sur le droit d'auteur. Les musées payaient, avant l'adoption de ces dispositions, volontairement, des redevances aux artistes et nous allons continuer à le faire. Nous sommes convaincus que c'est une bonne chose lorsque l'oeuvre a été créée par un artiste.
Par contre, lorsque le musée achète une oeuvre qu'il place dans une collection permanente, nous estimons qu'il devrait avoir le droit de l'exposer librement et de ne pas être obligé de demander la permission de le faire ou de verser une redevance au titulaire du droit d'auteur.
Je peux dire, comme point de départ, que notre position ne serait pas de limiter cette définition, que l'utilisation du terme simple « éducation », dans un sens large et extensif est conforme à l'opinion de la Cour suprême selon laquelle l'utilisation équitable est un droit fondamental de l'utilisateur et qu'il est également conforme aux valeurs fondamentales des Canadiens. Quel que soit le contexte de l'éducation, que ce soit l'éducation formelle dans la salle de classe d'un collège ou d'une université ou pour reprendre les exemples donnés par mon collègue — un groupe religieux, un cours de natation du YMCA, ou autre — tout le monde devrait pouvoir invoquer cette exception.
Je pense que cela permettrait d'appliquer le critère de l'utilisation équitable à ce qui nous paraît être la partie la plus importante, à savoir l'analyse du caractère équitable de l'utilisation. Selon cette exception, tant que l'oeuvre est utilisée à une fin d'éducation, quel que soit le contexte, et pour autant que cette utilisation est équitable... vous pouvez invoquer cette exception, dans la mesure où elle doit profiter à tous les Canadiens et non pas à une minorité de privilégiés.
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Merci, monsieur le président.
Mon premier commentaire sera destiné à M. McAvity. Tout à l'heure, vous avez dit que le droit d'exposition n'avait rien à voir avec un projet de loi sur les droits d'auteur. C'est sans doute parce que nous avons une approche très différente, en français et en anglais. Si en anglais on parle d'un Copyright Bill, un projet de loi sur le droit de copier, copy right, en français on parle d'un projet de loi sur le droit des auteurs et des créateurs. La différence des approches réside en grande partie dans la façon de nommer ce projet de loi. Dans un projet de loi sur le droit des auteurs, le droit d'exposition prend tout son sens parce qu'il s'agit du droit des auteurs d'oeuvres visuelles de se faire rembourser quand leur exposition est rendue publique. Je voulais simplement souligner ce point de vue.
De la même façon, notre approche est immensément différence aussi de celle de la Fédération des étudiants. Dans toutes les interlignes de leur mémoire, on constate qu'ils considèrent qu'il y a également un droit des utilisateurs, alors que la création appartient toujours à son créateur. Il peut céder certains droits de temps à autre, un peu ou beaucoup, mais le droit fondamental du créateur est que la création lui appartient toujours, et il a le droit de refuser qu'elle soit rendue publique, comme on l'a vu dans le cas de Gilles Vigneault à l'occasion des Jeux olympiques de Vancouver. Je ne sais pas si vous avez suivi cette affaire dans les journaux, mais il refusait que sa chanson soit chantée pour faire hommage au Canada, puisque sa chanson Mon pays est un hommage au Québec. Il a donc refusé, et c'était son droit de le faire, parce que sa création lui appartient. C'était une première mise en situation.
Je veux maintenant vous parler essentiellement des droits de suite. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord sur le droit de suite. Pourtant, 59 pays dans le monde ont adopté ce droit, dont certains depuis presque 100 ans. À ma connaissance, ces pays, européens pour la plupart, ont quand même un marché de l'art très profitable et très vivant.
Vous avez également mentionné que vous craignez que cette proposition ne profite qu'à un très petit nombre d'artistes de renom, et non pas à ceux qui ont réellement besoin d'un plus grand soutien. Soit dit en passant, pour ceux qui ont vraiment besoin d'un plus grand soutien, le ministère du Patrimoine canadien a une panoplie de programmes de subventions. Il y en a aussi au gouvernement du Québec. Vous avez dit que cela profitait à un très petit nombre d'artistes.
Pourquoi, même s'il s'agit d'un petit nombre, refusez-vous que ces artistes participent à la prospérité engendrée par leur notoriété et leur popularité?
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Je vais répondre à quelques-uns de vos commentaires préliminaires.
Je crois que vous avez effectivement raison de faire une différence entre les droits d'auteurs et le copyright, le droit de copier.
Nous sommes tout à fait en faveur des droits moraux. Nous sommes tout à fait en faveur d'appuyer les artistes. C'est la raison pour laquelle il y a des musées. Ces rapports sont très forts.
Je crois toutefois que vous avez également déclaré qu'il était très important que les artistes profitent de leurs oeuvres — c'est-à-dire lorsqu'ils sont propriétaires de leurs oeuvres. Nous sommes d'accord avec vous. Nous voyons les choses différemment lorsque l'oeuvre traverse la ligne et entre dans une collection publique — c'est-à-dire dans la collection d'un musée. Jusque-là, nous pensons que l'artiste devrait en profiter.
Pour ce qui est du droit de suite, des droits d'auteurs...
Je voudrais parler un peu de la situation des prêts interbibliothèques et du règlement, en particulier ce qui est proposé à l'article 30.2 du projet de loi.
Il y a très longtemps, j'ai travaillé à la rédaction d'un livre et fait la recherche nécessaire. J'avais besoin d'une thèse de maîtrise qui avait été publiée. Je me suis rendu à la bibliothèque locale. Il m'a fallu à peu près deux ou trois semaines pour que cette thèse arrive par courrier. Elle est arrivée par la poste. Je l'ai eu pendant quelques 20 jours et j'ai dû ensuite la rendre. Je suis peut-être un criminel du droit d'auteur, mais je m'en suis fait une copie parce que j'en avais besoin pour poursuivre ma recherche. J'ai encore cette copie, et je l'ai citée très souvent.
Je sais combien une telle chose serait étonnante dans notre monde numérique, où je pourrais obtenir un texte en PDF, qui m'arriverait en quelques secondes et pourtant, selon les dispositions du projet de loi, il faudrait que cette copie disparaisse miraculeusement ou soit brûlée après cinq jours.
Pourquoi placer des limites aussi arbitraires sur la facilité de faire de la recherche et d'utiliser ce que nous offrent les bibliothèques canadiennes?
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J'aimerais commencer à répondre à cette question et je demanderai ensuite à mon collègue de poursuivre.
L'autre membre du comité a demandé s'il y avait d'autres aspects du projet de loi qui nous préoccupaient et en voici un. Nous pouvons parler de la lettre de ce projet de loi. Nous pouvons, grâce à des moyens technologiques, vérifier que cette copie a été supprimée de la technologie qui a été utilisée pour la livrer. Qu'est-ce qu'un étudiant ou quelqu'un qui a reçu ce document peut faire pour l'imprimer et le conserver de la façon dont vous avez parlé, je n'en sais trop rien.
C'est un problème que nous aimerions voir supprimé jusqu'à un certain point de cette loi. Cela dit, nous considérons que nous pouvons vivre avec la situation actuelle. Il y a d'autres aspects, comme l'éducation, qui nous préoccupent davantage. L'aspect essentiel est de savoir si le créateur ou l'auteur a subi un dommage important lorsqu'on autorise ce genre de chose. À notre avis ce n'est pas le cas.
Je demanderai à Brent d'intervenir.
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Oui, je pense qu'effectivement il s'agit d'une disposition qui est complètement décalée par rapport à la réalité de l'apprentissage dans le secteur de l'éducation postsecondaire moderne. Je pense que vous avez raison; la plupart du temps, les étudiants qui vont utiliser ces oeuvres ne pourront pas en exploiter toutes les possibilités au cours d'une période de cinq jours. Lorsqu'on sait qu'un cours dure souvent 120 jours ou 90 jours, et que les étudiants doivent avoir accès à ces outils pendant toute la durée du cours.
Le cas est un peu semblable à celui d'une autre disposition inquiétante, celle qu'a mentionnée mon collègue, le projet d'article 30.01 qui s'applique à la communication numérique des leçons pour le téléapprentissage, l'apprentissage électronique; cette disposition exige que tous les documents utilisés pour le cours soient détruits 30 jours après la fin du cours. Cela vise à la fois les étudiants qui utilisent les documents électroniques, ainsi que les professeurs déjà surchargés de travail qui ont passé de nombreuses heures à préparer leurs cours, à préparer leurs exposés. Tous ces documents doivent être détruits.
Ces dispositions démontrent, d'après moi, que les rédacteurs n'ont vraiment pas compris comment se fait l'apprentissage au niveau universitaire. Les étudiants ne se contentent pas d'assister à un cours. Les étudiants ne se contentent pas de rédiger un travail pour passer ensuite au cours suivant sans jamais revenir sur le précédent. Si vous pensez à un étudiant en biologie, il prend un cours de chimie organique en première année, ensuite un cours de chimie organique en deuxième année et un en troisième année. Il a besoin d'avoir constamment accès aux documents utilisés pour ses cours. Il a besoin d'utiliser les termes qu'il a déjà utilisés et qu'il continuera à utiliser.
Je crois que dans le cas des prêts interbibliothèques, il existe une disposition qu'il sera très difficile de mettre en oeuvre. L'Association des bibliothèques canadiennes a déjà déclaré, au cours de la dernière série de réformes du droit d'auteur avec le projet de loi , qu'aucune bibliothèque n'aurait les ressources pour mettre en oeuvre ce genre de disposition.
Ce genre de disposition a également pour effet de transformer les bibliothécaires, qui sont en fait des gens qui veulent aider les étudiants, faciliter leur apprentissage, l'éducation, pour en faire des policiers du droit d'auteur et je crois que cela établit également un inquiétant précédent. Je pense que ce n'est pas le genre de chose qui est souhaitable dans un établissement d'enseignement moderne.
Je dirais que pour l'essentiel, ce genre de disposition est tout simplement inutile. À l'heure actuelle, on ne voit pas des étudiants enragés, prêts à tout, qui veulent s'emparer de tous les ouvrages de la bibliothèque pour qu'ils les copier et les afficher sur Internet. Cela ne correspond pas du tout à la réalité.
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Ne serait-ce pas une excellente chose qu'ils aient autant envie d'apprendre?
Il me semble, et c'est là la question que je veux poser, que les rédacteurs traitent l'apprentissage numérique comme s'il n'y avait qu'un « livre » — comme si la bibliothèque n'avait qu'un livre et que tous les étudiants devraient avoir accès à ce livre, ou à un chapitre de ce livre.
J'aimerais revenir à nos bibliothécaires avec l'article 32, les droits des aveugles. On semble craindre que, si quelqu'un reproduit une page en caractères suffisamment gros pour qu'une personne qui a une déficience perceptuelle puisse y avoir accès, il va y avoir un flot de personnes qui vont venir à la bibliothèque exiger des exemplaires de ce livre parce qu'ils peuvent le lire malgré leur déficience visuelle. Entre-temps, les iPad permettent d'agrandir un texte autant ququ'on veut voulez.
Pourquoi pensez-vous qu'on ait inclus une telle disposition?
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins. Je tiens à vous remercier tous des témoignages que vous nous avez livrés, en particulier sur les questions touchant l'utilisation équitable et la façon dont l'éducation s'intègre à cette exception. Je pense que dans l'ensemble, vous êtes tous en faveur de l'équilibre que nous avons essayé d'instaurer en matière d'utilisation équitable.
J'ai toutefois réagi, monsieur Molenhuis, lorsque vous avez dit que le projet de loi faisait du contournement des serrures numériques une infraction pénale. Je crois que c'est bien ce que vous avez dit. Était-ce bien ce que vous vouliez dire? Parce que j'ai lu ce projet de loi à plusieurs reprises, et je n'ai rien vu qui faisait du contournement d'une serrure numérique une infraction pénale.
La loi impose des réparations civiles. Elle impose des dommages-intérêts préétablis. Mais je n'ai pas vu de dispositions qui incriminaient ce genre de comportement. Voulez-vous retirer vos paroles ou vous ai-je mal compris?
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Je comprends. J'ai déjà été étudiant, de sorte que je vous comprends.
J'aimerais poursuivre quelque peu au sujet des serrures numériques. Comme vous le savez, le projet de loi contient un article qui autorise le ministre à prendre des règlements qui permettraient de contourner les serrures numériques dans d'autres genres de situations que celles qui sont mentionnées dans la loi. Le but est d'introduire une certaine souplesse pour répondre aux besoins de notre ère numérique.
Il est certain qu'il y aura des cas où il sera justifié de contourner les serrures numériques, mais je voulais vous poser la question. S'il existait un droit général de contourner ce genre de serrure à des fins d'utilisation équitable, admettez-vous avec moi que la plupart des consommateurs se procureraient progressivement des dispositifs de contournement, parce que nous aurons tous un moment donné une bonne raison d'avoir accès à du contenu visé par l'exception de l'utilisation équitable. Si tout le monde possédait ces appareils, les serrures numériques ne serviraient plus à rien, parce que tout le monde pourrait les contourner.
Maintenant nous avons résolu certaines choses avec cette loi, à savoir préciser ces questions tout en tenant compte des réalités de notre ère numérique, nous voulons aussi restreindre certaines activités pour que le vol de contenu cesse, pour que le vol de contenu protégé cesse, mais si vous supprimez les serrures numériques en autorisant le contournement de façon générale à des fins d'utilisation équitable, vous allez rouvrir encore une fois cette porte. Il y aura des consommateurs qui, en faisant un clic, pourront contourner ces serrures et s'emparer non seulement d'un contenu visé par l'utilisation équitable, mais également d'un matériel protégé auquel ils ne devraient pas avoir accès.
Je sais bien sûr que la plupart des Canadiens sont respectueux des lois, mais vous et moi savons qu'il y en a beaucoup qui sont prêts à s'emparer des oeuvres de ceux qui les créent. J'aimerais savoir comment vous expliqueriez aux créateurs de contenu que vous voulez en pratique éliminer complètement les serrures numériques pour permettre leur contournement à des fins d'utilisation équitable.
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Merci d'avoir posé cette question.
Il y a plusieurs aspects à cette intervention. Pour commencer, il ne s'agit pas ici simplement de contourner les serrures numériques à des fins d'utilisation équitable. Nous parlons de toute une gamme de droits qui comprennent, lorsque vous avez acheté une oeuvre, le droit de l'utiliser ensuite. Si vous achetez un CD, il s'agit de pouvoir le changer de support, opération qui est prévue par le projet de loi, que ce CD soit ou non verrouillé. Nous parlons d'une série de droits qui est plus large que la simple utilisation équitable.
Pour revenir au début de votre question, il est vrai que la loi autorise le gouverneur en conseil à adopter des règlements qui permettent d'autres usages. Mais je crois que nous en sommes à un point clé lorsque nous disons que l'utilisation légitime et parfaitement légale d'une oeuvre va devenir... Peut-être pas criminelle, mais nous allons imposer à quelqu'un des recours civils, une responsabilité civile, pour avoir contourné la serrure numérique sur son manuel électronique, par exemple, pour pouvoir en citer un passage, ou sur un film, pour en tirer une séquence qui sera utilisée pour faire un exposé en classe, par exemple.
Pour ce qui est d'avoir accès aux outils qui permettent le contournement des serrures numériques, nous vivons dans un monde numérique et il est composé de centaines de pays — 200 pays environ — et je ne pense pas que nous vivons dans un monde où une loi canadienne va empêcher quelqu'un d'avoir accès à un de ces outils par Internet. Je pense que la situation dans laquelle nous allons nous trouver, lorsque vous dites qu'en ajoutant cette responsabilité, en disant que toute personne qui contourne une serrure numérique, quelle que soit la fin recherchée, peut être condamnée à des dommages-intérêts, ne va pas vraiment arrêter ces personnes d'agir ainsi si leur utilisation est légitime... Pour ma part, je ne pense pas que cela se passera ainsi.
Deuxièmement, ce n'est pas là le coeur du problème. Ce dont nous parlons — et je crois que c'est ce que recherche le gouvernement — c'est de mettre un terme à la contrefaçon commerciale à grande échelle, à bloquer les sites comme Pirate Bay qui sont responsables de contrefaçons à grande échelle. Une poursuite vient d'être déposée contre isoHunt, un site canadien BitTorrent, aux termes de la Loi canadienne sur le droit d'auteur. Je crois que la loi actuelle contient des outils pour poursuivre ces auteurs de contrefaçon à grande échelle, et ce n'est pas en ajoutant une protection pour les serrures numériques que nous obtiendrons grand-chose. Cela ne servira pas vraiment à empêcher...