:
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je vais commencer par vous expliquer ce que fait Access Copyright. Pour ce faire, je vais vous présenter une seule image et je vais vous demander d'y réfléchir quelques secondes.
Voici une copie d'une page tirée d'un livre pour enfants de l'auteur Alan Cumyn. Ce n'est rien d'autre que des mots, sur du papier. Des mots et du papier. Où donc réside la valeur de l'oeuvre? Évidemment, la valeur de cette oeuvre réside dans l'organisation des idées et des pensées sur la page, c'est-à-dire, dans les mots. Ainsi, quand nous photocopions, nous reproduisons, nous affichons ou nous publions ce texte pour que d'autres personnes puissent s'en servir, nous reproduisons les mots, et pas le papier ou le support qui ne sert qu'à les transmettre.
Access Copyright capte ainsi la valeur de ces reproductions et la redistribue à ses créateurs et aux éditeurs qui ont investi leur créativité, leurs efforts et leur argent pour produire des mots sur du papier.
[Français]
Les réformes de la Loi sur le droit d'auteur de 1988 et de 1997 ont donné naissance à des sociétés de gestion collective comme la nôtre pour gérer une partie du régime du droit d'auteur au Canada. D'autres sociétés du même genre existent dans les pays développés et dans bon nombre de pays en voie de développement de par le monde.
Chaque année, le secteur de l'éducation au Canada reproduit à lui seul plus d'un demi-milliard de pages pour utilisation dans les classes de cours. C'est une quantité industrielle, qui se matérialise une page à la fois, un chapitre à la fois. Ceux-ci représentent environ 3 millions de livres, des livres qui ne seront pas vendus, mais dont les mots sont suffisamment appréciés pour qu'on les copie. Nous ne parlons pas ici d'un élève qui reproduit un poème afin de le mémoriser; nous parlons plutôt de la copie qui se fait à l'échelle industrielle pour utiliser des textes comme ressource éducative.
D'un bout à l'autre du pays, le secteur de l'éducation ainsi que d'autres secteurs ont des ententes avec Access Copyright, justement pour couvrir ce genre de reproduction. Ces ententes permettent de s'assurer que les ayants droit sont compensés lorsque leurs oeuvres sont reproduites au lieu d'être achetées.
Le droit d'auteur existe depuis des siècles à cette fin: protéger la valeur investie dans les mots et les images, car ce sont ces mots et ces images qui transmettent les idées qui font avancer notre culture et notre civilisation.
[Traduction]
Ce n'était peut-être pas voulu, mais le projet de loi C-32 vient renverser la vapeur par une série de nouvelles exceptions, exceptions selon lesquelles les utilisateurs continueront à payer pour le papier, les iPods, les iPads, mais ils pourront utiliser les mots gratuitement.
Je vais donc aujourd'hui vous présenter les dispositions qui illustrent les véritables conséquences du projet de loi C-32, soit le fait qu'il anéantira les revenus des industries canadiennes de la création et les redistribuera à titre de subventions au secteur de l'éducation. Et tout cela au nom de l'équité. Le mot « équité » agit un peu comme la feuille de vigne qui semble cacher une réalité embarrassante.
J'ai longtemps tenté de comprendre le raisonnement qui explique ces changements du point de vue de la politique publique.
J'ai tenté de comprendre le raisonnement lié à la politique publique qui, dans le projet de loi C-32, justifie que soit retirée la compensation que versait le secteur de l'éducation aux créateurs et aux éditeurs pour l'usage de matériel protégé par le droit d'auteur dans les cours et les examens, usage actuellement couvert par des licences collectives.
J'ai tenté de comprendre le raisonnement lié à la politique publique qui exigeait que soit retirée la compensation pour l'affichage, dans les salles de classe, de matériel protégé par le droit d'auteur, affichage qui est aussi actuellement couvert par les licences collectives. Ces licences génèrent un rendement sur l'investissement qui permet aux créateurs et aux éditeurs canadiens de demeurer de solides partenaires dans l'élaboration des ressources canadiennes destinées aux étudiants et aux élèves canadiens.
Puis j'ai tenté de comprendre le raisonnement lié à la politique publique selon lequel on devrait ajouter le secteur de l'éducation à l'exemption de la prétendue « utilisation équitable ». Ne nous trompons-pas; c'est une fausse appellation. Lorsque l'utilisation est considérée comme une utilisation équitable, on ne la paie pas. En fait, l'utilisation équitable est une utilisation gratuite..
Est-ce que j'ai tort, ou s'agit-il là d'une conséquence imprévue du projet de loi C-32? Est-ce que les exemptions pour le secteur de l'éducation sont une subvention? À l'heure actuelle, on paie pour un demi-milliard de pages. Combien de millions de pages seront gratuites demain?
Dans le document explicatif du gouvernement, on peut lire que cette disposition « réduira les coûts administratifs et financiers ». De la façon dont elle est rédigée, cette exception est un trou béant dans lequel bien des camions vont passer: tout va devenir de l'éducation.
La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants le comprend. Elle s'est dite très heureuse de la situation. Le Conseil des ministres de l'Éducation le comprend. Ils ont même, à l'exception notable du ministère de l'Éducation du Québec, l'intention de nous traîner devant la Cour suprême pour faire valoir que « la majeure partie, sinon la totalité, des photocopies faites dans les écoles tombent sous l'exception de l'utilisation équitable. »
L'adjectif « équitable » ne signifie toutefois pas que les créateurs et les éditeurs seront traités équitablement. Pour moi, cela ressemble à une feuille de vigne qui cache l'expropriation sans compensation.
Vous le savez peut-être déjà: 400 des écrivains les plus prestigieux du Canada ont signé cette lettre de protestation, qui a été publiée il y a quelques jours dans le Globe and Mail.
Si ces conséquences n'étaient pas celles que vous aviez prévues, nous vous prions de le préciser clairement dans le projet de loi. Corrigez la situation aujourd'hui et épargnez-nous des décennies devant les tribunaux.
[Français]
Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
Merci.
Bonjour. Je m'appelle Brian Isaac. Je suis le président du Réseau anti-contrefaçon canadien, que l'on appelle aussi le RACC. Je suis aussi un associé au sein du cabinet Smart et Biggar, le plus grand cabinet au Canada dont la pratique est exclusivement consacrée au droit de la propriété intellectuelle.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Comme il s'est écoulé peu de temps entre le moment où nous avons reçu l'invitation à prendre part à la réunion et la date de cette réunion, nous n'avons pas encore présenté nos observation écrites, mais nous prévoyons le faire dans les semaines à venir.
Le Réseau anti-contrefaçon canadien est une coalition nationale qui regroupe des personnes, des entreprises, des cabinets et des associations qui se sont unis pour lutter contre la contrefaçon de produits et le piratage des droits d'auteur au Canada. Nous sommes contre la violation de la propriété intellectuelle. Le RACC compte, parmi ses membres, des organisations, des entreprises et des spécialistes canadiens qui ont une expérience pratique de l'application de la loi en ce qui concerne la violation de la propriété intellectuelle, y compris le piratage des droits d'auteur, au Canada.
La question des lois sur la violation de la propriété intellectuelle fait l'objet d'études depuis plusieurs années au Canada. En 2007, le Comité permanent de l'industrie a reconnu le besoin de modifier les lois canadiennes sur la violation de la propriété intellectuelle. Il a notamment recommandé la ratification des traités Internet de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle que le Canada a signés en 1997.
Il est vrai que le projet de loi C-32 ne traite pas de tous les enjeux qui doivent être réglés en ce qui concerne les problèmes de contrefaçon et de piratage au Canada, par exemple le besoin de corriger d'autres lois, comme la Loi sur les marques de commerce et les lois en matière de douane, mais il aborde la question des traités Internet, et il s'agit là d'une étape importante dans l'élimination du piratage à l'échelle commerciale au Canada.
À notre avis, il est urgent d'adopter le projet de loi C-32. Le Canada doit prendre des mesures législatives qu'il aurait dû prendre il y a déjà longtemps, et, bien que nous recommandions certains changements particuliers pour éliminer certaines lacunes et certains enjeux pratiques de mise en application, nous appuyons pleinement l'adoption du projet de loi le plus rapidement possible.
Pour ce qui est de nos commentaires plus importants, je commence en disant que, en ce qui concerne les dispositions sur les règles refuges pour le FSI, nous craignons que l'avertissement et le système d'avertissement proposés dans le projet de loi ne soient pas suffisants pour éliminer efficacement le commerce de produits piratés par Internet. Quelle que soit la situation, les avertissements et le système d'avertissement doivent reposer sur les dispositions solides qui visent les personnes ou les organismes qui facilitent le piratage par Internet. La disposition concernant le fait de faciliter la violation qui est proposée dans le projet de loi s'applique seulement si un service est « principalement destiné » à faciliter la violation. Je peux dire, par expérience, qu'il sera souvent très difficile de prouver qu'un service a été conçu pour être principalement destiné à faciliter une violation, même quand il sera possible de prouver qu'un fournisseur de services autorise sciemment que le service soit principalement utilisé pour faciliter et encourager une violation du droit d'auteur.
Nous proposons donc que la disposition sur la facilitation soit modifiée de façon à inclure les services « principalement destinés ou offerts » pour faciliter l'accomplissement d'actes qui constituent une violation. La disposition devrait aussi contenir une mention claire selon laquelle une personne ou une organisation qui facilite une violation peut faire l'objet de n'importe quel des recours judiciaires, y compris une poursuite en dommages-intérêts.
Deuxièmement, nous pensons qu'il faut absolument prévoir des dispositions qui offrent une protection pour les mesures techniques de protection si l'on veut combler un trou béant dans la loi canadienne sur le droit d'auteur. Le fait d'interdire le trafic d'outils ou de services de contournement permettra aux titulaires des droits d'auteur et aux responsables de l'exécution de la loi de poursuivre les entités qui facilitent la généralisation du piratage. De par leur nature, les actes qui facilitent le contournement et les actes de violation du droit d'auteur sont généralement des actes distincts qui ne sont pas commis par les mêmes personnes. Nous pensons donc qu'il n'est pas possible d'interdire seulement les actes de contournement accomplis à des fins de violation puisque cela créera une faille dans le système, que les trafiquants exploiteront.
Il faut aussi examiner attentivement la formulation des exceptions pour essayer de nous assurer qu'il n'y a pas de faille involontaire dont pourraient se servir des personnes qui font le trafic de produits et de services de contournement. Prenons, par exemple, le cas de fournisseurs d'outils ou de services de contournement adaptés de façon à permettre le chargement et l'utilisation d'un contenu piraté dans des dispositifs protégés par des moyens technologiques. L'utilisation d'un tel outil ou service peut être permise pour le chargement de contenu légitime, mais cela ne devrait pas créer une faille qui rendrait possible l'utilisation d'outils ou de services dont la viabilité économique repose uniquement sur leur capacité à faciliter le piratage.
D'un point de vue général, nous sommes fortement contre toute mesure qui viendrait diluer le pouvoir des dispositions sur les MTP parce qu'elle pourrait facilement devenir inutilisable d'un point de vue pratique.
Troisièmement, et dernièrement, nous craignons fortement que le système à deux niveaux prévu pour les dommages-intérêts soit utilisé à des fins abusives et entraîne des incitatifs qui auront un effet pervers sur les titulaires de droits et les personnes qui commettent des violations. Le nouveau niveau, qui touche les violations commises à des fins non commerciales, prévoit des dommages-intérêts allant de 100 $ à 5 000 $ qui s'appliquent à toutes les violations commises par la personne, ce qui pourra inciter une personne à copier le plus de matériel possible puisqu'elle n'aura à payer de dommages-intérêts qu'une seule fois, et que le montant ne pourra pas dépasser un certain plafond.
De plus, c'est le premier titulaire de droits d'auteur qui dépose une action qui pourra profiter de la réclamation des dommages-intérêts. Les titulaires de droits d'auteur pourraient donc être portés à entreprendre des poursuites rapidement pour être les premiers à le faire.
De plus, de nombreuses personnes et organisations qui facilitent le piratage à grande échelle, comme « warez » ou des groupes de diffusion, commettent ces actes pour se bâtir une réputation sur Internet. Elles ne le font pas pour l'argent. Nous craignons donc que le système à deux niveaux soit profitable pour ces personnes qui commettent intentionnellement ces actes pour établir leur réputation puisqu'il viendrait limiter leur responsabilité.
Nous recommandons l'élimination du système à niveaux multiples et nous pensons que vous devriez plutôt mettre l'accent sur les facteurs que les tribunaux devraient prendre en considération pour déterminer le montant des dommages-intérêts, de façon à vous assurer que les personnes qui copient du contenu piraté à des fins personnelles sont protégées contre toute poursuite inappropriée en dommages-intérêts.
Nous pensons qu'il faut, de toute urgence, fournir aux titulaires des droits, aux responsables de l'exécution de la loi et aux poursuivants des outils juridiques robustes pour leur permettre de mettre fin aux activités des personnes et des organisations qui facilitent le piratage. Nous applaudissons le projet de loi, qui constitue une étape importante. Nous pressons aussi le comité d'apporter les amendements requis pour pleinement reconnaître les principes du projet de loi et pour que celui-ci soit rapidement adopté et mis en oeuvre.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci.
:
Bonjour, je m'appelle Annie Morin et je suis la présidente de la Société canadienne de perception de la copie privée. La redevance pour la copie privée a constitué une composante essentielle du régime du droit d'auteur canadien depuis plus d'une décennie. La redevance, qui est incluse dans le prix d'achat des supports audio vierges est distribuée aux titulaires de droits d'auteur du secteur de la musique.
À l'heure actuelle, il n'y a qu'un seul support vierge assujetti à cette redevance qui produise un revenu quelque peu substantiel pour les artistes. Il s'agit des CD vierges, auxquels est attachée une redevance de 29 ¢.
Toutefois, les montants générés par la redevance sur les CD vierges sont en décroissance, et ce, à un rythme de plus en plus alarmant parce qu'ils constituent un support de plus en plus désuet pour copier de la musique. Je voudrais partager avec vous quelques chiffres assez édifiants.
En 2008, les montants de redevances pour distribution aux titulaires de droits d'auteur représentaient 27,6 millions de dollars. Cette année, les montants prévus sont de l'ordre de 10,6 millions de dollars. Ceci correspond à une chute de 60 p. 100 en trois ans.
Le dilemme est à la fois évident et urgent. Nous savons tous que les lecteurs MP3 du style iPod sont devenus le support par excellence pour copier de la musique. En effet, quelque 70 p. 100 des 1,3 milliard de chansons copiées annuellement au Canada le sont sur des enregistreurs audionumériques.
C'est donc dire que les artistes canadiens ne reçoivent rien en échange de la vaste majorité de ces copies. Ce dont nous avons besoin de manière urgente est un simple amendement de la Loi sur le droit d'auteur qui permettrait que la redevance soit appliquée aux lecteurs MP3 tels que les iPod.
Un tel amendement ne changerait pas l'esprit de la loi, qui est de reconnaître et de protéger le droit des artistes canadiens à une compensation équitable pour l'utilisation de leur travail. Il constituerait plutôt une simple mise à jour de la loi.
En 2004, la Commission du droit d'auteur avait défini un montant de redevance s'établissant entre 2 $ et 25 $, selon le type de mémoire en question. Selon notre recherche et notre expérience, nous pensons que ces montants — entre 2 $ et 25 $ — sont encore pertinents aujourd'hui. Lorsque ces montants ont été appliqués en 2004, notons bien qu'il n'y a eu aucun impact négatif sur le marché.
Une telle redevance s'appliquerait uniquement aux appareils développés, manufacturés et mis en marché pour copier de la musique. Il y a eu de nombreuses discussions quant au fait que la gamme complète d'appareils électroniques tels que les ordinateurs domestiques ou les BlackBerry seraient assujettis à la redevance. Ce n'est absolument pas le cas.
Il est maintenant temps d'adapter cette redevance au XXIe siècle. Elle a besoin de refléter comment la musique est réellement copiée aujourd'hui, et non pas comment elle était copiée il y a une décennie.
Cela dit, le meilleur moyen de vous démontrer l'importance de la redevance pour nos artistes est sans doute de demander à Sophie Milman, une artiste canadienne, de partager son expérience avec vous.
Je m'appelle Sophie Milman. Je suis une chanteuse de jazz, et j'aimerais vous expliquer ce que la redevance signifie pour les artistes canadiens. Elle nous aide à financer nos enregistrements, la production de nos vidéos et nos tournées, et à payer nos musiciens, nos gestionnaires de tournée, nos techniciens aux enregistrements, nos webmestres, nos artistes maquilleurs et nos photographes. La redevance nous aide à soutenir d'innombrables fournisseurs canadiens.
L'époque des maisons de disque qui dépensaient des sommes faramineuses est révolue, mais la production d'un album de bonne qualité coûte encore plus de 100 000 $, avant la mise en marché et la promotion. Les artistes ont donc dû devenir des entrepreneurs et prendre chaque jour des décisions très difficiles concernant leurs investissements.
La redevance nous permet aussi de payer des biens de base, comme l'essence, l'épicerie et le loyer, et à subvenir aux besoins de notre famille. Saviez-vous que la plupart des musiciens au Canada gagnent moins de 30 000 $ par année? Sans la redevance, nous serions nombreux à devoir faire un choix entre poursuivre notre carrière et survivre.
Nous avons besoin que vous compreniez que les copies de nos oeuvres ont une valeur intrinsèque. Combien de temps les gens passent-ils, à votre avis, à écouter des iPods vides? La redevance représente la valeur qui est payée pour la valeur qui est reçue; c'est une solution commerciale parfaite qui garantit aux artistes une rémunération pour la création de valeur. Mais cette valeur devient presque nulle puisque le CD vierge devient désuet.
Nous trouvons très frustrant d'entendre parler de la soi-disant taxe sur les iPods. La redevance n'est pas une taxe. Les taxes sont versées au gouvernement. La redevance est versée aux personnes qui font la musique. Et nous ne parlons pas d'une somme exorbitante. La redevance moyenne est moins élevée que le coût d'une paire d'écouteurs convenable. Maintenant plus que jamais, les gens consomment de la musique et l'apprécient; pourtant, la rémunération des artistes est moins élevée que jamais. C'est tout simplement injuste.
La culture constitue la plus importante exportation du pays, et celle qui jouit de la plus grande reconnaissance. Quand j'ai immigré au Canada à l'âge de 16 ans, tout ce qui m'importait, c'était le fait que Leonard Cohen et Oscar Peterson étaient nés ici.
Si nous voulons préserver la réputation d'excellence artistique du pays à l'échelle mondiale, nous devons soutenir la communauté canadienne musicale.
Nous ne demandons pas la charité. Nous ne voulons pas que l'accès à notre musique soit limité. Nous voulons seulement être rémunérés pour les copies de nos oeuvres qui sont faites afin d'être utilisées par des dispositifs conçus spécialement à cette fin. Toutes les autres personnes qui participent à la fabrication et à la vente des iPods ou des autres lecteurs MP3 sont rémunérées. Il n'y a qu'aux artistes que l'on dit qu'ils doivent travailler gratuitement. Vous ne demanderiez jamais à aucun autre groupe au pays de se priver d'une source de revenu légitime.
Nous vous demandons, s'il vous plaît, de sauver la redevance.
:
Merci, monsieur le président.
Welcome et bonjour à tous.
[Traduction]
Merci d'être ici.
[Français]
Je vais commencer par vous, madame Levy.
Il est intéressant de noter que, lorsque vous parlez de l'exemption en ce qui concerne l'éducation, vous considérez cela comme une subvention au secteur de l'éducation. Je comprends, selon votre présentation, qu'il y a une perte nette potentielle de droits acquis, en termes de revenus.
Avez-vous une idée des montants qui sont en jeu, ou avez-vous des exemples concrets de choses que, dans le passé, le système de l'éducation aurait eu à payer et, qu'aujourd'hui, il n'aurait plus à payer?
:
Merci, monsieur le président.
Bienvenue à toutes et à tous. Je suis contente de recevoir des représentants de sociétés de gestion collective. L'UNESCO a reconnu l'importance de la gestion collective du droit d'auteur. Madame Levy; qui avez un nom prédestiné, madame Milman et madame Morin, bonjour.
Madame Morin, je veux vous parler plus particulièrement parce que le Bloc québécois a fait adopter par la majorité des députés de la Chambre des communes une motion qui visait à actualiser la Loi sur le droit d'auteur en mars dernier. On a présenté une motion de principe pour moderniser la Loi sur le droit d'auteur en appliquant aux lecteurs audionumériques la redevance pour les artistes.
Depuis ce temps, on a entendu beaucoup de critiques. Le Bloc québécois défend les intérêts des artistes, mais je vais vous parler de cinq critiques particulières émises par le et son à la Chambre des communes. J'aimerais que vous répondiez à chacune d'entre elles.
Je vais les citer toutes. Si vous voulez les noter, vous me répondrez en rafale. Je sais que Mme Milman m'a répondu, mais à l'intention des gens qui sont autour de la table, j'aimerais que vous répondiez.
Monsieur Del Mastro, vous devriez écouter, elle va peut-être vous répondre en anglais, en plus.
Premièrement, ils nous disent toujours qu'il s'agit d'une taxe.
Deuxièmement, ils disent que ça va coûter de 25 $ à 75 $. Ils disent cela quand ils sont de bonne humeur. Quand ils ne sont pas de bonne humeur, ils disent que ça va coûter plus de 75 $. Je pourrais retrouver les citations. De plus, ça s'appliquerait à tous les supports informatiques, y compris les téléphones, les ordinateurs et même les voitures. En effet, on a même mentionné ça.
Ensuite, ils disent que les consommateurs y sont opposés et qu'ils ne veulent pas d'une taxe. Ils nous disent également qu'il ne s'agit pas de pirates et que, par conséquent, il ne faut pas les taxer, car c'est comme si on les prenait d'avance pour de méchants bandits parce qu'on pense qu'ils téléchargent des fichiers illégalement.
Voici donc les cinq arguments que j'entends tous les jours lors des séances de ce comité. Je voudrais que vous y répondiez.
:
Non. Écoutez, ce sont deux choses distinctes.
Il y a l'accès à la musique et il y a les reproductions qui sont faites de la musique. Alors, à l'époque, en 1997, quand les gens, effectivement, achetaient un DC, une partie des redevances allait aux artistes, tout comme quand les gens, maintenant, vont télécharger une chanson sur iTunes.
Même dans un commerce légal, effectivement, il demeure qu'une valeur est rattachée aux copies de la musique qui sont faites subséquemment. Par conséquent, cela n'a aucun rapport. Ce sont deux débats tout à fait distincts que le piratage de la musique et les copies de musique qui sont faites sur les enregistreurs ou sur n'importe quel autre support.
Donc, je comprends mal cet argument. Je pense que cela brouille les cartes. Je n'arrive pas à voir le rapport entre les deux.
La redevance, en fait, réussit à assurer un revenu aux artistes qui est proportionnel à leur succès. Ces sommes sont distribuées, d'une part, en fonction du nombre de ventes faites par les artistes et, également, en fonction du broadcasting, de la diffusion de cette musique.
Il est certain qu'un artiste qui réussit à créer un produit très populaire aura davantage d'argent de la redevance que quelqu'un qui a créé un produit qui n'est pas populaire.
Cela fonctionne de la même façon que pour les inventions. Si une invention est très populaire, elle fait gagner plus d'argent. Si c'est une invention qui n'est pas très populaire, à ce moment-là, il y aura moins d'argent.
:
Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus aujourd'hui.
Je crois que toute cette question qui vise à déterminer qui a le droit de copier une oeuvre et qui a le droit d'être payé est au coeur même de l'enjeu général.
J'aimerais donner suite à certaines des questions que mes collègues ont posées concernant la redevance parce que, Seigneur, les conservateurs se sont beaucoup énervés avec tout cela. Ils envoient, à toutes les deux ou trois semaines, des messages dans leur circonscription pour dire que les séparatistes et les socialistes vont forcer tous les jeunes à payer 75 $ par l'entremise de leur facture de téléphone cellulaire. Je regarde les déclarations des conservateurs, que ce soit du ministre ou de son secrétaire parlementaire. Soit elles sont inexactes, soit ils ne comprennent pas le rôle de la Commission du droit d'auteur. J'aimerais donc revenir encore une fois sur le sujet.
Ils affirment qu'il s'agit d'une nouvelle taxe, tandis que, en réalité, la Commission du droit d'auteur a fixé, en 2003-2004, un tarif en fonction des éléments de preuve dont elle disposait. Elle a fixé un nouveau tarif en 2008. Maintenant, quand la SCPCP arrive et exige un tarif, la Commission du droit d'auteur ne se contente pas d'approuver. Il faut apporter des preuves. Il faut apporter des éléments de preuve. Il faut faire l'objet d'un contre-interrogatoire.
Quel est le rôle de la Commission du droit d'auteur quand vient le temps de déterminer si une utilisation est légitime ou non?
:
En fait, la Commission du droit d'auteur du Canada est un organisme de régulation économique, et cela fonctionne exactement comme un tribunal.
D'une part, la Société canadienne de perception de la copie privée va venir avec son armada d'experts et d'avocats pour prouver, effectivement, quelle est la valeur des reproductions faites et de combien devrait être la redevance.
Mais, croyez-moi que, de l'autre côté, il y a tous les fabricants, les importateurs, les détaillants de ces supports audio vierges qui viennent eux aussi avec leur armada d'experts pour essayer de contredire ce qu'essaie d'obtenir la SCPCP.
À la lueur des expertises faites devant elle, la Commission du droit d'auteur du Canada, tel un tribunal, tranche et rend une décision par laquelle elle détermine ce qu'il est juste et équitable de payer pour un support, en fonction de l'usage qui en est fait.
:
Tout à fait. Je crois que vous avez raison de le souligner, surtout dans une situation où des créateurs et d'autres titulaires des droits d'auteur reçoivent actuellement une rémunération et où le fait d'éliminer cette rémunération serait en contradiction avec l'exploitation normale d'une oeuvre ou entraînerait des préjudices déraisonnables pour les intérêts légitimes des titulaires des droits. Si vous connaissez bien nos obligations internationales, vous sauriez qu'il s'agit de deux des trois étapes que chaque exception doit respecter.
Il y a, dans le projet de loi C-32, un nombre étonnant de changements qui éliminent purement et simplement une rémunération qui est actuellement versée. Ces changements touchent le secteur de l'éducation, ils touchent le secteur de la reproduction mécanique, et ils touchent aussi d'autres secteurs.
Ils ont aussi une incidence sur la capacité des créateurs de toucher des revenus dans l'avenir. À mesure que l'on passe à un environnement numérique, comme on élimine les régimes d'octroi de licence et que l'on sape les fondements de la société collective, les créateurs et les titulaires de droits subiront un grand coup en ce qui concerne leur capacité à réellement profiter des promesses de l'économie numérique, eux qui auraient dû être rémunérés en fonction de là où se trouve le consommateur, de là où il utilise vraiment l'oeuvre.
Quand on pense à l'économie numérique, on pense à une toile sans accroc de licences, des licences octroyées dans le contexte d'une société collective, mais aussi directement par les titulaires des droits, et qui permettrait aux consommateurs d'utiliser une oeuvre de façon intégrée, mais qui permettrait aussi aux créateurs et aux titulaires des droits d'auteur d'être rémunérés. L'élimination de ces revenus, et le démantèlement des sociétés collectives d'un point de vue général, tous deux attribuables au projet de loi C-32, aurait de graves conséquences sur le caractère innovateur de ces modèles d'affaires au sein de l'économie numérique.
:
Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
La discussion est intéressante. Il me semble que le rôle des droits d'auteur est d'établir un marché. Ils permettent d'établir un système afin que les personnes qui créent des oeuvres soient rémunérées pour celles-ci. Ils sont la preuve que, quand une oeuvre est créée, elle doit être achetée, et non volée.
Je veux revenir à certains commentaires qu'ont formulés mes collègues en cours de route parce qu'ils ne semblent pas comprendre le but du projet de loi. Je ne veux pas que les gens copient votre musique gratuitement; je ne veux pas. Je veux qu'ils paient pour l'avoir. Quand j'étais enfant — ça ne fait pas si longtemps; je suis à peu près sûr que j'ai quelques années de moins que tous les représentants de l'opposition — je devais acheter des 45 tours, je devais acheter des cassettes et je devais acheter des CD. D'ailleurs, j'ai acheté des centaines de CD.
J'ai l'impression que, dans l'opposition, mais aussi, parfois, dans l'antichambre, il y a des gens qui ont une attitude défaitiste et qui disent: « Vous n'arriverez jamais à fermer isoHunt; vous n'arriverez jamais à fermer ces organisations. » Cela n'a pas d'importance. M. Isaac nous demande d'éliminer les failles. Je veux éliminer les failles. Je veux qu'elles disparaissent, et je veux que vous soyez rémunéré pour chaque chanson que vous vendez.
Ce que je ne veux pas faire, c'est inclure dans un système... J'ai besoin de mieux comprendre tout cela. Vous dites que vous taxeriez uniquement les appareils musicaux. Ce téléphone est un appareil musical. C'est un téléphone, c'est un ordinateur et, en passant, à mesure que la technologie évolue, tout cela deviendra encore plus complexe. Vous utiliserez le même appareil pour ouvrir votre porte de garage et pour changer de poste à la télévision, et cet appareil pourrait bien être votre télévision. Toutes ces choses sont en convergence. La technologie est en convergence. Ça n'existera pas — essentiellement, ça n'existe pas aujourd'hui, au moment où nous nous parlons... Si vous allez au magasin et que vous ne vous contentez pas d'acheter un dispositif vraiment, mais vraiment bon marché, vous ne trouverez pas de dispositif qui sert strictement à lire la musique. Tous les bons appareils sont en convergence. Ils ont de multiples fonctions.
Je ne sais même pas comment vous pourriez créer une taxe de cette façon, et il s'agit bel et bien d'une taxe. Je veux aussi aborder cette question, le fait de savoir s'il s'agit d'une taxe ou d'une redevance. Un gouvernement n'est qu'un conduit. D'ailleurs, à l'heure actuelle, le gouvernement est un très bon conduit puisqu'il verse plus d'argent qu'il n'en reçoit, et une partie de cet argent est versée aux artistes, ce dont je suis très fier. Pourtant, pour le consommateur, l'endroit où aboutit l'argent n'a aucune importance. Au bout du compte, l'argent ne revient jamais à ce que l'on appelle le « gouvernement »; il retourne toujours aux Canadiens d'une façon ou d'une autre. Donc, essentiellement, c'est une taxe.
J'aimerais comprendre comment vous pourriez l'imposer seulement sur les appareils qui permettent uniquement de copier de la musique. D'abord et avant tout, de tels appareils n'existent pas. Ensuite, je ne vois pas comment on pourrait fixer cette taxe à 2 $, 10 $ ou 15 $ compte tenu du fait que, ce que le projet de loi C-32 tente de faire, c'est de faire fermer les sites comme BitTorrent. Vous devez appuyer le projet de loi. N'est-ce pas ce qu'il y a de plus important pour les artistes — que les gens ne puissent pas simplement voler leur musique?
:
Il n'est pas question de piratage dans ce cas. J'appuie tout à fait n'importe quel projet de loi qui s'attaque à ce type de site et qui l'oblige à fermer. On a toutefois vu, au cours des dix dernières années, depuis 1999, que, quand vous réussissez à en faire fermer un, il y en a d'autres qui arrivent sur le marché en Chine, et vous n'avez absolument pas de pouvoir judiciaire qui vous permet de vous attaquer à eux.
Il faut lutter contre les bandits, mais nous avons aussi besoin de véritables mécanismes de marché qui nous permettent de donner une valeur monétaire aux copies qui sont faites — elles peuvent d'ailleurs être faites par des sources légitimes, n'est-ce pas? Quelqu'un achète un disque de façon tout à fait légitime et a envie de l'enregistrer sur son iPod pour pouvoir l'écouter quand il va jogger. En vertu du nouveau projet de loi proposé, cette copie ne me rapporterait aucun argent, même si la personne qui écoute son iPod en tire beaucoup de plaisir.
Ce n'est pas que nous soyons défaitistes. Nous sommes, d'une certaine façon, réalistes. Si, d'une part, vous souhaitez lutter contre le crime, nous voulons, d'autre part, des mécanismes de marché. Vous affirmez que la redevance est une taxe. Le gouvernement utilise l'argent des taxes à sa discrétion. D'une certaine façon, le gouvernement est un conduit, mais c'est tout de même lui qui décide où va l'argent. La redevance est versée seulement aux artistes. Le gouvernement n'a rien à voir là-dedans. Il n'y a aucune tierce partie ayant quelque mandat que ce soit qui se trouve placée entre la redevance et l'artiste. Nous voulons que ces mécanismes demeurent en place parce que nous voulons être certains d'avoir les moyens de pouvoir continuer à faire des disques.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Ysolde Gendreau, et j'enseigne à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Toutefois, aujourd'hui, je me présente à titre de présidente de l'ALAI Canada, la filiale canadienne de l'Association Littéraire et Artistique Internationale, une association fondée en 1878 qui vise à faire la promotion des droits d'auteur.
Je vais poursuivre mon exposé en français.
[Français]
Parce que l'ALAI a été à l'origine de la Convention de Berne, je suis venue aujourd'hui vous parler de la conformité du projet de loi au droit international et surtout aux exigences de ce même droit international en matière d'exceptions. Avant de parler des exceptions, il faut peut-être parler du principe de base. J'aimerais soumettre d'abord qu'une loi sur le droit d'auteur, que ce soit le droit d'auteur ou le copyright, représente un partenariat entre des auteurs et des diffuseurs. Depuis que la première loi sur le droit d'auteur existe, c'est-à-dire depuis 300 ans, le Parlement est intervenu pour dire aux diffuseurs d'oeuvres — à l'époque il s'agissait d'imprimeurs et de libraires — qu'ils devaient tenir compte des auteurs dans la rémunération qu'ils obtenaient de la vente de leurs livres. Le rôle du législateur est d'encadrer ce partenariat et son évolution au fur et à mesure que de nouveaux diffuseurs se présentent.
Je vous donne un exemple relativement récent. En 1954, la Cour fédérale — à l'époque on l'appelait la Cour de l'Échiquier du Canada — avait considéré que la retransmission par câble des oeuvres ne donnait pas lieu au paiement de redevances de droits d'auteur. C'est en 1988 que le Parlement est intervenu, soit 34 ans plus tard, pour imposer aux câblodistributeurs une redevance à payer aux auteurs. J'aimerais faire remarquer que cette intervention s'est produite à l'occasion d'un accord commercial avec les États-Unis.
C'est en faisant évoluer ce partenariat entre auteurs et diffuseurs au fur et à mesure que la technologie évolue qu'on favorise la neutralité technologique du droit d'auteur. Les exceptions au droit d'auteur viennent marquer les limites de ce partenariat, parce que, sinon, ce pourrait être sans fin. Ce partenariat comporte des exceptions — vous le savez, vous en avez déjà entendu parler — à l'échelle internationale. Ces exceptions sont sublimées dans ce qu'on appelle le test des trois étapes qui existe dans la Convention de Berne et dans l'ADPIC, deux instruments auxquels est lié le Canada, et se trouve également dans les traités de l'OMPI. Il y a certains cas spéciaux, pas d'atteinte à l'exploitation normale des oeuvres, pas de préjudice injustifié aux intérêts légitimes des auteurs ou titulaires des droits d'auteur.
J'aimerais soumettre quelques exemples que l'on trouve dans le projet de loi qui, selon l'ALAI, portent atteinte au principe des trois étapes, soit parce que ces exceptions sont trop larges, parce qu'elles reposent sur des conditions irréalistes qui en font, encore une fois, des exceptions beaucoup trop larges. On parle ici de l'utilisation équitable aux fins d'éducation, le nouvel article 29. On parle du contenu non commercial généré par l'utilisateur, des reproductions à des fins privées de l'article 29.22. On peut ajouter, bien sûr, la fixation pour écoute ou visionnement en différé. On peut ajouter les copies de sauvegarde qui ne sont pas limitées aux logiciels et qui s'appliquent à l'ensemble des oeuvres à l'article 29.24.
Le test des trois étapes est ce qui dit que les droits d'auteur et les titulaires de droits d'auteur ont des limites. Ce test des trois étapes n'est pas seulement une déclaration d'interdiction, il porte en lui une solution pour régler les cas des exceptions qui pourraient ne pas se conformer au test des trois étapes.
Pourquoi porte-t-il en lui ce germe de solution? Parce que ce test des trois étapes a été conçu dans les années 1960, à l'époque où on vivait la montée de la photocopie. Les penseurs de droits d'auteur de l'époque voyaient dans cette montée de la photocopie la montée des utilisations de masse, ils pressentaient que la technologie allait poursuivre dans cette voie. Qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui? On est bel et bien face à une utilisation de masse sur toutes sortes de supports. Ils comprenaient aussi que la réponse à ces utilisations de masse a été la gestion collective. On pourra y revenir plus tard, à la faveur de certaines questions que vous voudrez poser. Ce qu'a été l'origine de la gestion collective, pour expliquer cette réponse et le contexte d'exception, permet de moduler la gestion collective, les licences obligatoires et la détermination de la valeur.
Le droit international du droit d'auteur protège ce partenariat entre auteurs et diffuseurs. Il lui impose aussi des limites qu'on doit respecter.
Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.
Merci.
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Bonjour.
Good afternoon. Je m'appelle Glen Bloom et je suis l'un des associés du cabinet juridique Osler, Hoskin et Harcourt. Aujourd'hui, je comparais au nom de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, l'IPIC.
[Français]
C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui au nom de l'IPIC. Je vous remercie de nous avoir invités.
[Traduction]
L'IPIC est l'association des professionnels du droit de la propriété intellectuelle. Notre association compte plus de 1 700 membres, et réunit des praticiens issus de cabinets juridiques et d'organismes de toutes tailles, des sociétés, des entités gouvernementales et des établissements d'enseignement. Je préside le comité technique sur les lois relatives aux droits d'auteur de l'IPIC, et c'est à ce titre que je me présente devant vous aujourd'hui.
Afin de mieux expliquer le but de mon exposé, je dois d'abord vous présenter un peu d'informations sur notre comité.
Le comité technique est composé de spécialistes en droits d'auteur. Nous exerçons le droit en pratique privée, à l'exception de Mme Gendreau, un membre du comité qui nous vient du milieu universitaire. Les clients que nous représentons couvrent l'ensemble du spectre des intervenants touchés par le débat sur cette politique. Cependant, le comité ne prend pas position relativement aux décisions politiques qui sous-tendent le projet de loi C-32.
Les membres de notre comité possèdent une vaste expérience de la pratique du droit en matière de droits d'auteur; en vertu de cette expérience, ils ont une bonne compréhension du fonctionnement de la Loi sur le droit d'auteur et de l'incidence que les modifications pourraient avoir, tant sur les titulaires de droits d'auteur que sur les utilisateurs. Ainsi, nous apportons une perspective distincte de celle des représentants gouvernementaux qui travaillent à l'élaboration du projet de loi C-32 et s'occupent de prendre des décisions stratégiques, et des rédacteurs de lois, qui, tout expert qu'ils soient en rédaction juridique, n'ont peut-être pas l'expertise en matière de droits d'auteur et de leur application pratique.
Notre comité s'est penché sur les questions techniques soulevées par les modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur. Quand je parle de questions techniques, je renvoie à la formulation du projet de loi C-32. Nous avons pour but d'aider le gouvernement à s'assurer que la formulation du projet de loi réalise effectivement l'intention de la politique gouvernementale et permette d'éviter des conséquences inattendues. Nous faisons des suggestions visant à préciser les modifications proposées, afin de veiller à ce que le texte des versions anglaise et française soit harmonisé pour réaliser l'uniformisation interne de la Loi sur le droit d'auteur, et afin de signaler d'éventuelles conséquences possiblement inattendues des modifications proposées.
Nous avons préparé un mémoire détaillé portant sur les problèmes techniques relevés dans le projet de loi C-32. Vous avez entre les mains une copie de la table des matières, laquelle illustre la portée de nos commentaires. L'IPIC transmettra sous peu le mémoire aux représentants du gouvernement. Nous serions heureux de soumettre une copie de notre mémoire à votre comité parlementaire, si tel est votre souhait.
Je vais vous donner deux exemples de nos nombreux commentaires techniques.
Tout d'abord, dans sa forme actuelle, le paragraphe 13(2) de la Loi sur le droit d'auteur prévoit des règles spéciales relatives à la possession du droit d'auteur d'une gravure, d'une photographie ou d'un portrait commandé par une tierce personne. L'article 7 du projet de loi C-32 abroge le paragraphe 13(2). En guise de remplacement de ce paragraphe, le projet de loi C-32 promulguera un nouvel alinéa, soit l'alinéa proposé 32.2(1)f). Cette nouvelle disposition fournira aux Canadiens certains droits à l'utilisation non commerciale de photographies ou de portraits commandés par une tierce personne. Les gravures ne sont mentionnées nulle part. Notre comité demande s'il s'agit d'une omission involontaire, et propose que l'on envisage de modifier l'alinéa 32.2(1)f) proposé afin qu'il mentionne « la photographie, la gravure ou le portrait ».
Le deuxième exemple tiré de nos commentaires techniques renvoie aux obligations imposées par traité. Notre comité comprend que la question de la mesure dans laquelle le projet de loi C-32 met en œuvre les obligations imposées par le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur ainsi que le Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes est considérée comme une question de politique. Cependant, ce n'est pas le cas pour les mesures techniques de protection (ou MTP), qui, selon notre interprétation, sont réputées être une question technique. Par conséquent, le comité ne se prononce pas sur la mise en œuvre des traités, à l'exception du contexte des MTP. En ce qui concerne ces dernières, nous sommes d'avis que le projet de loi C-32 se conforme aux obligations énoncées dans les traités de l'OMPI. Nous ne nous prononçons pas sur le fait qu'un seuil plus bas de protection des MTP ou un plus petit nombre de recours juridiques relatifs au contournement de ces dernières respecteraient les conditions des traités ou pas.
Vous vous posez peut-être la question suivante: pourquoi notre comité souhaite-t-il réduire les ambiguïtés du projet de loi, et par conséquent les éventuels domaines donnant matière à poursuites judiciaires? L'IPIC, incluant notre comité, est fermement convaincu que, dans le domaine du droit d'auteur, tout comme dans d'autres domaines de la propriété intellectuelle, la certitude est plus avantageuse pour tous. Moins il y a de zones d'ombre en matière de portée et d'application du droit d'auteur, mieux ce sera pour la créativité ainsi que pour la diffusion et l'utilisation des œuvres protégées par droits d'auteur au Canada.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir écouté.
Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, merci beaucoup.
Chers témoins, merci de votre présence parmi nous.
Je vais reprendre là où nous avions laissé avec nos précédents témoins, parce que, en matière d'ambiguïté, l'un des thèmes qui viennent manifestement à l'esprit est la définition, l'objet de l'utilisation équitable. Quelques témoins se sont présentés devant nous pour énoncer l'idée selon laquelle l'ajout du mot « éducation », dans le cadre de la définition élargie de l'utilisation équitable, ne permettra sans doute pas la copie à grande échelle de manuels scolaires, entre autres choses. De fait, ces personnes sont convaincues qu'il s'agit d'utilisation équitable, et non pas d'utilisation gratuite.
Comment réagissez-vous à ce point de vue, monsieur Bloom? Arrivez-vous à le concilier avec votre préoccupation relative à la nomenclature adéquate?
Madame Gendreau, j'ai beaucoup apprécié votre présentation, particulièrement lorsque vous avez dit: « Le droit d'auteur est un partenariat entre auteurs et diffuseurs », et le mot « diffuseurs » est pris ici dans son sens le plus large. J'entends trop souvent le ministre dire qu'il faut plutôt un équilibre entre les artistes et les consommateurs. J'ai entendu cela aussi beaucoup de la part des conservateurs. Ils disent la même chose.
Toutefois, si on se reporte à l'histoire et au Statut d'Anne — Anne, reine d'Angleterre —, on s'aperçoit que cela a toujours été la recherche d'un équilibre entre les auteurs et les diffuseurs dans le sens le plus large du mot. Cela fait du bien de voir les faits rétablis.
Par ailleurs, sauf erreur, quand vous parlez des exceptions du projet de loi qui vont à l'encontre du test en trois étapes, vous dites que ledit projet de loi n'est pas conforme aux traités internationaux?
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Je pourrais peut-être ajouter quelque chose. Il y a deux choses que j'aimerais ajouter.
D'autres dispositions de la loi pourraient aller à contre-courant des conventions internationales, pas seulement celles qui traitent des exceptions. L'article proposé 30.04, qui porte sur les oeuvres sur Internet, aussi connues sous le nom de contenu mis à la disposition du public, s'appuie en partie sur l'existence d'un avis publié par le titulaire du droit d'auteur pour empêcher la copie. Cela soulève de graves problèmes relativement à l'exigence de la Convention de Berne, selon laquelle le droit d'auteur ne dépend pas de l'existence de formalités.
Un autre aspect est très intrigant: le projet de loi a élargi les exceptions à l'intention des personnes ayant des handicaps perceptuels, ce qui est, bien entendu, un objectif très louable. Il y a déjà une exception à cette fin. Cependant, en ce moment, vous savez sans doute qu'un traité international fait l'objet de négociations. N'est-il pas un peu ironique que nous prenions des mesures sur cette question avant même qu'un traité ne soit effectivement mis en place? Cela serait éventuellement appelé à changer.
Dans l'ensemble, je pense que je dirais tout bonnement que le XXIe siècle est censé être le siècle de l'économie du savoir. Les lois d'auteur, en tant que droits de propriété intellectuelle, protègent une forme de savoir. Si nous souhaitons devenir un joueur avec lequel il faut compter dans cette économie du savoir, il faut reconnaître l'importance de protéger les oeuvres des créateurs dont les titulaires de droits d'auteur font la promotion, tout particulièrement dans le contexte du déclin du secteur manufacturier dans nos pays.
Merci.