Passer au contenu
;

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 127 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(1300)

[Traduction]

    Bonjour. Nous vous souhaitons la bienvenue au Sous-comité des droits internationaux de la personne.
    Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur la situation des droits de la personne au Burundi et au Rwanda.

[Français]

    Conformément à la motion adoptée par le Sous-comité le jeudi 16 juin 2016, le Sous-comité va reprendre son étude sur la situation des droits de la personne au Burundi.
    Nous recevons aujourd'hui deux témoins par téléconférence. Le premier est M. Armel Niyongere, qui est avocat. Il est le président de l'ACAT-Burundi, soit l'Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Burundi, ainsi que l'initiateur et le directeur de SOS-Torture/Burundi. Le deuxième témoin est M. Pacifique Nininahazwe, qui est le président du Forum pour la conscience et le développement.
    Je veux remercier les témoins de leur participation, mais aussi de leur travail et de la persévérance dont ils font preuve à l'égard des droits de la personne.

[Traduction]

    Nous avons tenté de joindre nos deux témoins par vidéoconférence, mais en raison de problèmes techniques avec l'Afrique, nous pourrons seulement les entendre par téléconférence. Cela signifie que l'interprétation se fera probablement après l'intervention, et non pendant celle-ci. Les interprètes résumeront les réponses des témoins, alors je vous demanderais d'attendre.

[Français]

    Je vais demander aux témoins de se nommer quand ils commenceront à parler. Comme nous n'avons pas l'image vidéo, il sera très important que nous sachions qui parle.

[Traduction]

    Les témoins s'exprimeront en français. Je vous demande donc d'attendre l'interprétation si vous en avez besoin.
    Nous n'avons pas de témoin présent dans la salle, mais notre réunion est tout de même télévisée et la salle au complet est filmée. Je vous demande d'en tenir compte.

[Français]

    Nous allons commencer par notre premier témoin.
    Monsieur Niyongere, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de m'accorder la parole.
    Je m'appelle Armel Niyongere. Je suis avocat. Je suis également le président de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture au Burundi et le directeur de SOS-Torture/Burundi. J'agis aussi à titre d'avocat pour les victimes dans l'enquête de la Cour pénale internationale. On parle ici de 1 600 familles de victimes. Je fais partie des avocats de la défense pour les parties civiles.
(1305)
    Très bien.
    Vous disposez maintenant de 10 minutes pour livrer votre présentation.
    D'accord.
    Mon intervention sera centrée sur l'impasse politique et le risque d'explosion des violences.
    Premièrement, je vais montrer comment l'échec du cinquième et dernier cycle de dialogue interburundais dirigé par la Communauté est-africaine enfonce le Burundi dans l'impasse politique et accroît le risque d'intensification de la violence comme seul mode de revendication politique.
    Deuxièmement, je vais donner quelques illustrations caractéristiques du contexte. De janvier à octobre 2018, au Burundi, il y a eu une recrudescence des violations des droits de la personne. Il y a également eu des actes de torture et d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants suivis de décès. Il y a eu des cas de disparitions forcées, mais mon ami Pacifique Nininahazwe pourra en parler davantage. C'est sa spécialité et il a beaucoup plus d'informations que moi sur cette thématique.
    Je vais aussi parler des violences sexuelles, ainsi que des exécutions extrajudiciaires et des assassinats.
    Finalement, je vais parler du venin véhiculé par les discours de la haine prononcés par certaines autorités du pays, à commencer par Pierre Nkurunziza, le président du Burundi.
    Au lendemain de l'échec du cinquième et dernier cycle des pourparlers interburundais, qui était prévu du 24 au 29 octobre 2018, le Burundi se retrouve dans une impasse politique grave et risque de s'engager dans la violence comme seule voie d'expression politique.
    Je veux aussi parler de la façon dont l'espoir d'un compromis a été ruiné par le boycottage des travaux par le camp gouvernemental et les partis de sa mouvance, qui ne se sont pas présentés à ce dernier cycle.
    Des représentants du CNARED, plateforme de l'opposition en exil, ainsi que des opposants résidant au Burundi se sont réunis, quant à eux, du 21 au 23 septembre 2018 à Entebbe, en Ouganda, et ont abouti à un mémorandum commun à transmettre à la facilitation.
    En général, toutes les parties ont déploré la révision unilatérale de la Constitution par le gouvernement burundais et insistent sur le respect de l'Accord d'Arusha, qui constitue toujours le socle du retour de la paix et de la sécurité au Burundi.
    Il doit y avoir des conditions propices au respect des droits de la personne et un retour volontaire des réfugiés pour la tenue d'élections libres, paisibles et transparentes en 2020, tout comme on doit procéder à la réouverture des médias détruits et des organisations de la société civile suspendues ou radiées.
    Manifestement, l'échec de la médiation de la Communauté est-africaine et le verrouillage continu de l'espace public par le gouvernement constituent des facteurs importants de la dégradation de la situation politico-sécuritaire face à la montée du discours de la haine et de la violence au cours du processus électoral de 2020.
    Je veux aussi donner quelques illustrations caractéristiques du contexte. J'ai envoyé à cet effet des photos à la greffière du Sous-comité.
    Il y a eu une recrudescence des violations des droits de la personne au Burundi entre janvier et octobre 2018. L'année en cours est marquée par de nombreuses violations des droits de la personne commises dans un contexte général de terreur entretenu par le pouvoir par l'entremise d'éléments de la police nationale et du Service national de renseignement ainsi que de la milice des Imbonerakure et de quelques éléments des Forces démocratiques de libération du Rwanda, ou FDLR, qui ont commis le génocide au Rwanda en 1994. La milice des Imbonerakure quadrille l'ensemble du territoire et se livre en permanence à toutes sortes d'abus, sans limites et en toute impunité.
(1310)
    De façon globale, le bilan des violations des droits de la personne de janvier à octobre 2018 a les mêmes caractéristiques que celui des trois années antérieures. SOS-Torture/Burundi a pu répertorier 182 assassinats, 571 arrestations arbitraires, 91 cas de torture, 24 cas de disparitions forcées et 27 cas de violences sexuelles. Ces divers actes ont été commis concurremment par la police nationale, le Service national de renseignement et des éléments de la milice des Imbonerakure et du parti CNDD-FDD qui ont bénéficié d'une totale impunité.
    Les exemples qui sont mis en exergue illustrent le pouvoir sans limites qui est dévolu aux miliciens des Imbonerakure quant au contrôle de la population et du territoire. Les agents de la police nationale et du Service national de renseignement commettent des abus de toutes sortes. Ces abus ont maintes fois causé la mort ou une dégradation importante de l'état de santé des victimes.
    Concernant les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants suivis de décès, nous avons pris comme exemple le cas emblématique de Simon Bizimana. Ce jeune citoyen de la commune Cendajuru, dans la province de Cankuzo, a été assassiné pour avoir refusé, en invoquant sa croyance religieuse, de se faire enregistrer pour voter au référendum constitutionnel de mai 2018. Simon Bizimana est mort à l'hôpital de Cankuzo le 17 mars 2018. Un mois plus tôt, plus précisément le 14 février 2018, il avait été arrêté par le chef de colline de Gisoro, Marc Nimpa, et soumis à un interrogatoire, à genoux devant le chef du poste de police de Cendajuru. Il aurait ensuite été conduit dans un bois et frappé avec un fer à béton et avec sa bible par l'administrateur de la commune Cendajuru, Béatrice Nibaruta. Le lendemain, après une nouvelle séance de torture commise par l'administrateur de Cendajuru, le jeune homme, le sang lui coulant des narines et des oreilles, a été emmené au chef-lieu de la province par le responsable provincial du Service national de renseignement à Cankuzo, Bonaventure Niyonkuru. Vous pourrez voir l'intégralité du cas de ce jeune homme dans le rapport no 119 de SOS-Torture/Burundi.
    J'aimerais maintenant parler de cas de torture ayant entraîné des séquelles graves.
    Le 15 septembre 2018, Alexis Nibizi, secrétaire communal du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, ainsi que les membres de la milice des Imbonerakure Augustin Nkurikiye, Nestor Nzokirantevye et Paul ont violemment torturé Elias Yamuremye sur la colline Rugajo, dans la commune Mugina, située dans la province de Cibitoke. La victime est le vice-représentant du parti de l'opposition FNL des fidèles du député Agathon Rwasa, dans la commune Mugina. Le responsable local du parti au pouvoir lui a reproché d'avoir refusé d'adhérer au CNDD-FDD. M. Yamuremye a dû être évacué pour être amené aux soins intensifs d'un centre de santé. Vous trouverez aussi l'intégralité de son cas dans le rapport no 145 de SOS-Torture/Burundi.
    Mon ami Pacifique Nininahazwe va aborder plus en détail les cas de disparitions forcées.
    Depuis le déclenchement de la crise, le Burundi est caractérisé par de nombreux cas de disparitions forcées. Nombre de ces disparitions pourraient avoir des mobiles politiques au regard des victimes. Les cibles de ces disparitions sont des jeunes, mais aussi d'autres personnes considérées comme des opposants. Des personnes en provenance de la République démocratique du Congo et surtout du Rwanda ont été les cibles privilégiées de ces disparitions.
    Excusez-moi, mais les 10 minutes se sont déjà écoulées. Pourriez-vous terminer bientôt votre présentation? Vous pourrez aussi intervenir pendant la période de questions et réponses.
(1315)
    D'accord.
    Concernant les cas de violences sexuelles, les viols sont devenus courants au Burundi. Ils ne connaissent pas de limites ou presque, même pour ce qui est de l'âge. En effet, de très jeunes enfants en sont victimes, mais aussi des personnes âgées. Je vous ai déjà envoyé ma présentation. Vous pourrez y voir des photos et prendre connaissance de cas qui y sont relatés.
    Il y a aussi le venin véhiculé par les discours de la haine. Nous avons répertorié le discours prononcé par Pierre Nkurunziza lors du rassemblement pour le lancement officiel de la période de vulgarisation de la nouvelle Constitution, qui a été tenu le 12 décembre 2017 dans la commune Bugendana, qui est située dans la province de Gitega. Nous avons aussi répertorié le discours de Nzopfabarushe, un membre influent du CNDD-FDD. Il y a le discours de l'administrateur de la commune Gashoho, Désiré Bigirimana...
    Merci beaucoup. Je dois vous interrompre ici, faute de temps. Nous devons passer au deuxième témoin. Vous pourrez ajouter des commentaires pendant la période des questions et réponses.
    D'accord, merci.
    La deuxième témoin est M. Pacifique Nininahazwe.
    Vous pouvez commencer. Vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.
    Mesdames et messieurs les députés, c'est pour moi un honneur de me présenter devant vous pour témoigner au sujet de la situation qui a cours dans mon pays, le Burundi. Je mesure l'importance d'une occasion comme celle-ci, d'autant plus que je n'ai pas le droit de m'exprimer devant le Parlement de mon propre pays. En effet, en raison de mon engagement pour la défense des droits de la personne au Burundi, je suis taxé de criminel et de traître à mon pays.
    Comme toutes les principales organisations de défense des droits de la personne, mon organisation, le FOCODE, est frappée d'interdiction au Burundi. Les comptes bancaires de mon organisation ainsi que mes comptes personnels ont été saisis. Un mandat d'arrêt international a été émis contre moi, tout comme contre les autres responsables des principales organisations de défense des droits de la personne au Burundi. Fort heureusement, ces mandats fantaisistes n'ont pas été considérés par la communauté internationale. Enfin, comme la majorité des autres défenseurs des droits de la personne, je fais partie d'un demi-million de Burundais qui ont dû fuir le pays à cause d'un régime qui ne supporte aucune voix discordante.
    Je voudrais d'emblée profiter de cette occasion pour remercier le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes du Canada de l'intérêt qu'il n'a cessé d'accorder à la crise politique que traverse mon pays depuis avril 2015. Cette crise est née, il faut toujours le rappeler, de la volonté du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, en violation de la Constitution du Burundi de mars 2005 et de l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi du 28 août 2000. Nous avons toujours hautement apprécié les rapports et les recommandations issus des travaux de ce sous-comité. L'organisation de nouveaux débats et de nouvelles réunions sur la situation au Burundi permet de garder le pays au programme de la communauté internationale, au moment où les autorités burundaises tentent de faire oublier cette crise et ne cessent d'affirmer que « tout va bien ».
    La situation au Burundi n'a pas connu d'évolution positive depuis avril 2015. Elle continue plutôt à se détériorer et aucune solution ne semble poindre à l'horizon en ce moment.
    Sur le plan de la sécurité, le pays semble connaître une sorte d'accalmie depuis que les armes ont cessé de crépiter dans la ville de Bujumbura. On ne voit plus de cadavres joncher les rues de la capitale comme on en voyait au début de la crise. Toutefois, beaucoup de personnes, qui sont principalement des opposants au régime du président Nkurunziza, continuent à disparaître sans que la police et la justice mènent la moindre enquête sur ces disparitions.
    En réalité, ce qui a changé, c'est le modus operandi des crimes: les opérations d'enlèvement de citoyens sont devenues plus discrètes, les exécutions extrajudiciaires sont faites dans le secret, les cadavres sont jetés dans des lacs ou dans des fosses gardées par des miliciens des Imbonerakure. La population vit dans une peur généralisée sous le contrôle des miliciens des Imbonerakure, qui ont quasiment tous les pouvoirs d'une police, en plus de commettre de nombreuses exactions.
    Le risque de guerre civile n'est toujours pas écarté. Plusieurs attaques ont été récemment signalées au nord-ouest du Burundi et revendiquées par le mouvement RED-Tabara.
    Sur le plan politique, les autorités burundaises continuent le verrouillage de l'espace politique. La persécution de l'opposition continue. Les principales organisations de la société civile restent interdites, tout comme la majorité des médias indépendants.
    En mai dernier, le président Nkurunziza a fait adopter par référendum une nouvelle Constitution lui permettant d'écarter un certain nombre de dispositions gênantes de l'Accord d'Arusha. Même s'il a annoncé qu'il ne sera pas candidat en 2020, rien ne l'empêche désormais de briguer deux autres mandats et de rester au pouvoir jusqu'en 2034. La nouvelle Constitution lui permet d'instaurer la monarchie. Dans une tentative d'échapper aux éventuelles poursuites de la Cour pénale internationale, il s'est assuré que cette Convention stipule qu'aucun Burundais ne peut être extradé. Comme le disait Me Armel, cette Constitution a été adoptée dans un climat de terreur et sans aucune observation internationale indépendante.
    Sur le plan des droits de la personne, des violations graves continuent d'être commises, comme mentionné dans le dernier rapport de la Commission d'enquête sur le Burundi des Nations unies. Ce rapport évoque de possibles crimes contre l'humanité, dont des cas d'assassinats, d'exécutions extrajudiciaires, de torture, de viol de femmes, de disparitions forcées.
(1320)
    En plus de ces violations graves, la Commission d'enquête sur le Burundi des Nations unies a dénoncé un discours de haine entretenu par les plus hautes autorités du Burundi, y compris le président Pierre Nkurunziza.
    Fidèles à leur réaction de déni et d'insultes, les autorités burundaises ont menacé de quitter le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, ont déclaré persona non grata les experts de l'ONU et taxé le président de la commission d'enquête de « fils de vendeurs d'esclaves ». À la suite du premier rapport déposé par la commission d'enquête, en septembre 2017, le Burundi s'était déjà retiré du Statut de Rome instaurant la Cour pénale internationale.
    Sur le plan socioéconomique, l'économie burundaise est en ruine et la population vit dans une pauvreté sans nom. Malgré cela, le régime Nkurunziza tient encore, notamment grâce aux fonds qu'il tire de sa participation aux missions de paix en Somalie et en République centrafricaine. Ces missions ont permis au régime d'encourager et de fidéliser les éléments les plus zélés dans la répression, de trouver des fonds pour payer les miliciens des Imbonerakure et de limiter les fluctuations du taux de change de la monnaie burundaise. Nous sommes donc dans une situation paradoxale de missions de paix qui aident à stabiliser d'autres pays, mais qui renforcent en même temps une dictature sanguinaire au Burundi.
    Dans ce contexte difficile, les organisations de défense des droits de la personne continuent le travail afin de répertorier les violations des droits de la personne. La plupart de ces organisations travaillent en exil, mais bénéficient de très bonnes relations avec la population et s'appuient sur des réseaux d'observateurs construits depuis plusieurs années. Le travail de la Commission d'enquête sur le Burundi des Nations unies et l'enquête de la Cour pénale internationale s'appuient notamment sur la documentation produite par les organisations de défense des droits de la personne. Ces organisations méritent un soutien plus substantiel de la part de la communauté internationale.
    À titre illustratif, mon organisation, le FOCODE, travaille depuis avril 2016 à répertorier les cas de disparitions forcées. Avant notre engagement, la thématique des disparitions forcées était quasiment absente de l'exposé de faits sur la répression en cours au Burundi. Des familles nous signalaient que des leurs avaient été arrêtés par des éléments des services de sécurité, mais qu'elles ne les retrouvaient pas dans les cachots officiels. Tétanisées par la peur et craignant des représailles, les familles préféraient se taire sur ces situations, mais vivaient traumatisées par un dilemme: fallait-il continuer à chercher les leurs, ou bien considérer qu'ils avaient été tués et commencer leur deuil?
    Le 28 avril 2016, le FOCODE a lancé la campagne Ndondeza contre les disparitions forcées au Burundi. Le mot « Ndondeza » est un mot kirundi qui signifie « aide-moi à trouver le mien ». Depuis ce moment, le FOCODE a pu répertorier 91 cas de disparition sur environ 300 cas soumis par les familles qui cherchent les leurs. Les cas répertoriés sont régulièrement affichés sur notre site Web et relatent l'identité des disparus ainsi que les circonstances de leur disparition.
    Selon nos recherches, la majorité des victimes sont des anciens manifestants contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza, des militants des partis de l'opposition, des militaires issus de l'ancienne armée ou d'anciens mouvements rebelles taxés d'opposants au régime en place, des défenseurs des droits de la personne, comme des journalistes ou des activistes de la société civile, et dans de rares cas des miliciens des Imbonerakure qui pourraient témoigner au sujet de certains crimes du régime. Les corps les plus impliqués dans les disparitions sont le Service national de renseignement, c'est-à-dire les services secrets du Burundi, la police nationale, l'armée et la milice des Imbonerakure. Fort malheureusement, les autorités burundaises ne se prononcent jamais sur ces cas de disparition de nos citoyens.
    Après ce tableau sombre, on s'interroge toujours sur ce qu'il faut faire pour se sortir de la crise. Quelle peut être la contribution du Canada dans une telle situation?
    Premièrement, il est très important de maintenir le Burundi au programme de la communauté internationale. Le Canada sera prochainement membre du Conseil de sécurité de l'ONU et nous nous attendons à ce qu'il pousse le Conseil à maintenir la pression sur les autorités burundaises.
(1325)
    Deuxièmement, la solution à la crise burundaise passera absolument par une véritable négociation entre les différents protagonistes politiques. Le gouvernement du Burundi a boycotté le cinquième cycle du dialogue interburundais, comme l'a dit Me Armel tout à l'heure, et la Communauté est-africaine a carrément échoué, au cours des trois dernières années, à faire asseoir ensemble le gouvernement et l'opposition. Il faut que le processus de dialogue soit pris en main par les Nations unies et l'Union africaine, et que des mesures de pression efficaces soient prises contre tout acteur qui torpillerait le dialogue.
    Je tiens à souligner quelque chose ici. Dans une des recommandations formulées dans votre récent rapport, vous souteniez que des sanctions ciblées devraient être prises contre certaines autorités burundaises, notamment l'interdiction de voyage et le gel de leurs avoirs.
    Troisièmement, la solution à la crise doit être bâtie autour de l'Accord d'Arusha de 2000 et on doit rejeter la nouvelle Constitution de Pierre Nkurunziza.
    Quatrièmement, la dissolution de la milice des lmbonerakure, la protection des leaders qui rentreraient d'exil, le rétablissement des libertés publiques, notamment les médias indépendants et la société civile, la réforme des corps de défense et de sécurité ainsi que le rapatriement des réfugiés sont des éléments clés pour un retour à la normalité.
    Cinquièmement, la solution à la crise burundaise doit désormais consister à éviter de consacrer l'impunité des crimes internationaux, à respecter le processus actuel devant la Cour pénale internationale et à déboucher sur la construction d'un système judiciaire indépendant capable de juger les crimes graves au Burundi.
    Je ne manquerais pas de terminer...
    Merci beaucoup, monsieur. Je suis désolée, mais cela fait déjà 12 minutes.

[Traduction]

    Nous allons passer aux questions. Monsieur Reid, vous disposez de sept minutes.
    Je remercie les deux témoins.
    Je vais commencer avec notre premier témoin.
    C'est peut-être un problème d'interprétation, mais à un certain point, j'ai cru vous entendre dire que la violence s'était accentuée. Toutefois, j'ai aussi cru entendre dire qu'elle état stable. Pouvez-vous me dire si la violence s'est accentuée ou non au cours des 6 à 12 derniers mois?
    Cette question s'adresse à Armel.

[Français]

    Merci de la question.
    Effectivement, dans le contexte actuel, on observe une recrudescence des violations des droits de la personne au Burundi, selon les données de janvier à octobre 2018 que nous avons.
    J'ai parlé également des discours de la haine qui sont prononcés par les hautes autorités du pays, à commencer par le président de la république, Pierre Nkurunziza. Il y a aussi les discours prononcés par le président du Sénat ainsi que des vidéos des membres de la milice des lmbonerakure qui chantent qu'ils vont commettre des crimes contre des opposants, advenant des élections en 2020. On voit que la milice des Imbonerakure, les hautes autorités du pays et le Service national de renseignement sont en train de s'organiser. On remarque une recrudescence des violations des droits de la personne.
    J'ai aussi fait allusion au récent rapport de la Commission d'enquête sur le Burundi des Nations unies, selon lequel des crimes contre l'humanité sont commis au Burundi.
    Les discours de haine prononcés par les hautes autorités du pays, les chansons chantées par les membres de la milice des Imbonerakure, tout cela montre que quelque chose se prépare. Nous demandons donc à la communauté internationale, entre autres au gouvernement du Canada, de prendre des mesures urgentes pour protéger la population burundaise.
(1330)

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Nininahazwe, votre site Web présente une liste des personnes qui sont victimes de disparitions forcées. Tout d'abord, pourriez-vous répéter l'adresse de ce site Web?
    Ensuite, vous avez consigné 91 personnes, sur environ 300 cas connus. Pourriez-vous nous dire au cours de quelle période ces 300 disparitions ont eu lieu? Est-ce que c'est au cours des trois dernières années, depuis 2015, ou est-ce au cours d'une période plus courte?

[Français]

    Merci de votre question.
    L'adresse du site Web de la campagne Ndondeza contre les disparations forcées au Burundi est www.ndondeza.org. Vous y trouverez des cas que nous avons répertoriés.
    En fait, le but de Ndondeza n'est pas tellement d'effectuer un travail de statistiques, mais plutôt de donner un visage à la victime, de dévoiler son identité, de retracer son parcours depuis son arrestation jusqu'au moment où la famille a constaté sa disparition. C'est un travail de fond. Nous enquêtons systématiquement sur tout ce qui s'est passé depuis l'arrestation de cette personne.
    Nous avons déjà répertorié 91 cas, mais nous avons été abordés par plus de 300 familles depuis avril 2016. Selon les estimations d'autres organisations, notamment d'ordre international, de 300 à 900 personnes ont disparu depuis avril 2015. Je dois dire qu'à la lumière des enquêtes que nous menons, nous constatons que le nombre de disparitions forcées a augmenté en 2018.

[Traduction]

    Croyez-vous qu'un tel registre des incidents pourrait décourager certaines personnes susceptibles de violer les droits de la personne, parce qu'elles risquent une punition?
    Est-ce que le registre pourrait servir à cela?

[Français]

    Oui, tout à fait.
    Nous avons déjà des échos qui nous parviennent de la police nationale et du Service national de renseignement selon lesquels certains agents de l'État avaient refusé de participer à ces crimes, de peur qu'on ne les dénonce dans le cadre de la campagne Ndondeza.
    Nous sommes aussi en train de constater en 2018 que les opérations d'enlèvement de personnes sont de plus en plus secrètes. Les trois années précédentes, des agents de la police nationale ou du Service national de renseignement allaient dans les familles et arrêtaient les gens au vu et au su de tous, puis ces personnes disparaissaient. Cependant, en 2018, ils ont raffiné leurs opérations. De nos jours, ils demandent à un ami de la victime de l'appeler pour lui fixer rendez-vous dans un endroit généralement inconnu. Par la suite, la famille constate la disparition de la victime sans avoir pu être témoin de son arrestation. Cela signifie que les agents de l'État commencent à avoir peur des gestes que nous posons dans le cadre de la campagne Ndondeza.
(1335)

[Traduction]

    D'accord.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Vos sept minutes sont écoulées.
    Nous passons maintenant à M. Tabbara. Vous disposez de sept minutes.
    Monsieur Picard, voulez-vous parler en premier?
    Allez-y, et je terminerai s'il reste encore du temps.

[Français]

    Je remercie les témoins de leurs présentations.

[Traduction]

    Ma première question s'adresse à notre premier témoin, Armel.
    Dans votre témoignage, vous parlez de violations des droits de la personne et d'enlèvements. Je voulais vous parler du rôle de l'Union africaine à cet égard.
    Est-ce qu'elle a joué un rôle essentiel au Burundi pour réduire ces violations des droits de la personne?

[Français]

    L'Union africaine n'a rien fait en ce qui concerne les crimes commis au Burundi depuis le début de la crise. Des observateurs de l'Union africaine sont au Burundi depuis le début, mais je ne pense pas qu'ils aient produit de rapports sur les violations des droits de la personne. Je ne crois pas qu'ils aient le pouvoir de visiter les lieux secrets et de rencontrer les agents du Service national de renseignement pour constater les arrestations et les détentions arbitraires. Je pense donc que l'Union africaine n'a pas le pouvoir ou la volonté de faire enquête sur les violations des droits de la personne.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Nininahazwe.

[Traduction]

    Ma question a trait au rôle des médias. Est-ce qu'ils sont largement influencés par le régime? Est-ce que certaines personnes ont été emprisonnées pour avoir diffusé certains renseignements que le régime ne jugeait pas favorables? Pourriez-vous nous parler du rôle des médias au Burundi?

[Français]

    Je vous remercie de la question.
    Les médias indépendants ont joué un rôle extrêmement important pendant la crise. Cela explique que le pouvoir s'en soit pris notamment aux stations de radio indépendantes. Celles-ci ont été brûlées par les corps de défense et de sécurité de l'État.
    Depuis le début de la crise, beaucoup de journalistes sont en exil. Plus d'une soixantaine de journalistes sont réfugiés. La plupart d'entre eux se trouvent dans les pays limitrophes du Burundi. Malgré cet exil, la presse burundaise est restée très dynamique. Le peu d'information que les Burundais reçoivent aujourd'hui provient notamment de deux radios indépendantes en exil. Leur contribution est extrêmement importante.
    Au Burundi, les journalistes sont toujours pourchassés, réprimés par le régime de Pierre Nkurunziza. Nous constatons de temps à autre qu'encore une fois un journaliste a fui le Burundi parce qu'il a osé soit enquêter sur un dossier difficile, soit écrire un éditorial qui ne plaît pas au pouvoir. La plupart des journalistes qui sont restés au pays sont très timides quand vient le temps de dénoncer ouvertement les graves violations des droits de la personne. Le journal en ligne Iwacu, qui se débat de plus en plus, connaît lui aussi des difficultés de fonctionnement énormes et continue à subir des pressions de la part du régime.
(1340)
    Monsieur Picard, la parole est à vous.
    Bonjour. Je m'appelle Michel Picard. Mon collègue m'a cédé le reste de son temps de parole pour vous poser des questions.
    Monsieur Niyongere, quel est le risque que des interventions internationales entraînent des représailles plus sévères à l'endroit de la population, en guise de revanche?
    Pouvez-vous répéter la question?
    Dans quelle mesure une intervention internationale pourrait-elle provoquer des représailles qui seraient pires encore pour la population, du fait qu'elle serait considérée comme une ingérence de l'extérieur?
    Je crois plutôt que la communauté internationale pourrait essayer de prévenir le pire, notamment en ce qui concerne les missions de maintien de la paix en Somalie et en Centrafrique. La communauté internationale devrait arrêter ou suspendre ces missions, parce que les fonds provenant de ces missions servent directement à payer les membres de la milice des Imbonerakure pour qu'ils commettent des crimes et se livrent à de l'intimidation à l'égard de la population. La communauté internationale devrait plutôt prendre des mesures urgentes pour prévenir le pire.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Nininahazwe.
    J'ai consulté votre site Web. Quelques noms qu'on y retrouve sont associés à des partis de l'opposition. Plusieurs sont identifiés simplement par leur état civil.
    S'agit-il de personnes qui manifestent leur opposition ouvertement, avec les conséquences que cela entraîne? Y a-t-il aussi une culture de la dénonciation voulant qu'on écarte des gens par précaution?
    Il ne reste que 20 secondes pour répondre. Je vais donc vous demander d'être très bref.
    Merci.
    La majorité des victimes dont nous avons répertorié les cas dans le cadre de la campagne Ndondeza sont en effet des militants de l'opposition. Il s'agit généralement de membres du parti MSD ou du parti FNL d'Agathon Rwasa. La plupart de ces gens ont participé aux manifestations liées au troisième mandat du président Nkurunziza dans la ville de Bujumbura et dans d'autres régions du pays.
    Nous avons aussi constaté qu'un très petit nombre de membres du parti CNDD-FDD ou de la milice des Imbonerakure avaient été victimes de disparitions forcées. Ces gens avaient été impliqués dans des crimes extrêmement graves. Nous pensons qu'ils auraient été éliminés pour éviter qu'il y ait des témoins devant la Cour pénale internationale relativement à certains crimes graves commis par le régime.
    Dans la majorité des cas, les victimes sont des opposants, mais il est très possible que des victimes soient des membres du parti au pouvoir.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    La prochaine intervenante est Mme Hardcastle. Vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, messieurs.
    J'aimerais que vous me parliez de la réforme des autorités en matière de défense et de ce qui devrait être fait, à votre avis.
    J'aimerais d'abord entendre la réponse de M. Niyongere.
    J'entends les interprètes, mais je crois que nous avons perdu M. Niyongere.
(1345)

[Français]

    Il y a des difficultés techniques et nous n'entendons pas M. Niyongere.
    Dans ce cas, M. Nininahazwe peut répondre en premier.
    Je vais répondre à la place de Me Niyongere.
    L'Accord d'Arusha prévoyait la mise en place de corps de défense et de sécurité [difficultés techniques]. Certains de ces corps de défense et de sécurité sont en train d'être ethnicisés. C'est notamment le cas du Service national de renseignement, qui est le premier corps utilisé dans la répression qui se compose presque à 100 % de Hutus aujourd'hui.
    Nous avons aussi des craintes sur la situation de l'armée et de la police. La composition ethnique de ces corps de sécurité avait été fixée par l'Accord d'Arusha, mais nous craignons qu'elle ne soit pas respectée, d'autant plus que beaucoup de militaires et de policiers appartenant à l'ancienne armée à majorité tutsie ont disparu ou ont été assassinés. Plusieurs de ces personnes se sont réfugiées ailleurs.
    La réforme de la défense au Burundi devrait toujours s'aligner sur l'Accord d'Arusha. Il faudrait voir dans quelle mesure les militaires en exil seront repris dans les corps de sécurité du Burundi, afin d'éviter que les cycles de violence ne continuent. C'est ce qui arrivera si ces militaires restent dans la nature et ne sont pas intégrés dans les corps de défense et de sécurité.
    Monsieur Niyongere, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je n'ai pas entendu la question.
    Pouvez-vous répéter la question, madame Hardcastle?

[Traduction]

    Oui. Je voulais vous entendre parler des façons dont le Burundi pouvait réformer ses autorités, surtout les autorités en matière de défense.

[Français]

    En ce qui concerne la réforme de la défense, je crois qu'il est beaucoup plus question ici de l'armée et d'autres services de sécurité.
    D'abord, il faut s'aligner sur ce qui avait été prévu dans l'Accord d'Arusha afin de rassurer tous les Burundais, étant donné que ces corps de sécurité ont toujours été utilisés pour tuer une partie de la population burundaise.
    Deuxièmement, il faut savoir que beaucoup de militaires et de policiers sont en exil en ce moment. Il y a des mouvements rebelles qui commencent à se former, mais ils ne sont même pas invités à prendre part au dialogue sur l'Accord d'Arusha. Il est important que la réforme de la défense intègre ces éléments qui sont aujourd'hui à l'extérieur et qui continueront à perturber la sécurité du Burundi s'ils ne sont pas intégrés.
    Troisièmement, il faut organiser des formations pour avoir une armée et une police professionnelles qui soient réellement au service du peuple burundais.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la deuxième série de questions, je crois, mais elle sera très courte. Vous disposerez de trois minutes chacun.
    Nous allons commencer par M. Fragiskatos.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais faire suite aux questions de Mme Hardcastle. On en a peut-être parlé dans la question au sujet des forces de défense et dans la réponse sur la politique ethnique qui a été donnée, mais j'aimerais approfondir le sujet. De quelle façon l'identité ethnique est-elle politisée à l'heure actuelle par les organismes décisionnaires? Quelles en sont les conséquences, le cas échéant?

[Français]

    Merci de votre question.
    Effectivement, il nous semble de plus en plus que les corps de défense et de sécurité sont politisés. Il y a un certain nombre de généraux issus de l'ancienne rébellion du CNDD-FDD qui se trouvent à être les véritables patrons du parti au pouvoir. Quand on énumère les responsables et ceux qui ont réellement du pouvoir au Burundi, après Nkurunziza, il y a toujours un certain nombre de généraux issus du CNDD-FDD qui décident dans les faits du sort des Burundais aujourd'hui.
    Il est également anormal qu'aux plus hauts échelons de l'armée et de la police nationale, il n'y ait aujourd'hui que des Hutus, mais aucun membre de l'ancienne armée et de l'ancienne police du Burundi. Cela constitue une grave violation de l'Accord d'Arusha conclu en 2000.
    Par ailleurs, le parti au pouvoir aujourd'hui est dirigé par un général du CNDD-FDD, et nous avons l'impression que les militaires et les généraux du CNDD-FDD continuent d'influer lourdement sur la politique burundaise. Tant que la classe politique du Burundi ne sera pas démilitarisée, nous vivrons dans la crainte d'une situation de crise, comme à l'époque des coups d'État militaires que nous croyions révolue.
(1350)
     Pour compléter les propos de M. Nininahazwe, je dois dire que les forces de défense et de sécurité sont effectivement politisées au Burundi. Dernièrement, il y a eu une mesure de suspension provisoire des ONG internationales pendant trois mois. Cette mesure a été prise par un organe consultatif, le Conseil national de sécurité, où siègent des généraux et qui est présidé par le président de la république, Pierre Nkurunziza. Cet organe ne pouvait pas prendre une telle mesure, mais comme il regroupe des généraux et d'anciens militaires du CNDD-FDD, il est supérieur à un organe exécutif. Nous voyons donc que le régime burundais est un régime militaire. Les corps militaires et les forces de sécurité sont politisés.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Sorenson, vous disposez de trois minutes.
    Je m'appelle Kevin Sorenson et je suis un député de l'Ouest du Canada.
    Je tiens à vous remercier pour vos témoignages et pour votre travail. Vous vous battez pour la liberté et pour les droits de la personne dans un lieu très dangereux.
    J'aimerais faire quelques commentaires et vous poser une ou deux questions.
    Au Burundi, comme dans bon nombre d'autres pays, on a l'impression que ceux qui contrôlent l'armée contrôlent aussi le pays. Mon collègue a passé du temps au Burundi. À l'époque, on avait encore recours aux enfants-soldats. Il a rencontré un jeune soldat de 12 ans et il m'a dit que cet enfant avait le regard le plus vide qu'il n'avait jamais vu. Ce jeune soldat disait avoir tué plus de 25 personnes. Je ne sais pas s'il y a toujours des enfants-soldats au pays, mais à cette époque-là, oui.
    En ce qui a trait à l'économie du Burundi, nos notes montrent que 400 000 personnes ont été déplacées, et je crois que vous avez parlé de 500 000 personnes. Cette situation perturbe évidemment l'économie. Je sais que l'Allemagne, le Pakistan et d'autres pays sont de plus importants partenaires commerciaux du Burundi que le Canada. Nous sommes environ septièmes sur la liste. Pour l'économie, le déplacement des personnes est une mauvaise chose, mais leur retour peut aussi être très négatif, parce qu'ils n'auront pas d'emploi ni de compte bancaire.
    Pourriez-vous nous parler un peu de leur état à leur retour? Est-ce qu'ils reviennent volontairement? Est-ce que cela fait partie des arrestations internationales dont on fait la promotion? Pourriez-vous donner au Comité une idée des déplacements et de la façon dont certains pays... Est-ce qu'ils s'allient au Burundi ou est-ce qu'ils reconnaissent les problèmes et ne s'en mêlent pas?

[Français]

    Vous avez 30 secondes chacun pour répondre.
    Monsieur Niyongere, vous avez la parole.
(1355)
    Actuellement, les réfugiés du Burundi qui se trouvent dans les pays limitrophes de la région, par exemple ceux qui sont en Tanzanie, sont très menacés. Parfois, ils se voient contraints d'être renvoyés au pays sans leur consentement.
    C'est pourquoi nous demandons au Canada d'appuyer le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés dans son travail auprès des pays hôtes afin de garantir la sécurité civile des réfugiés burundais. Ici, je fais allusion à des réfugiés qui sont en Tanzanie, qui sont menacés et qui nous envoient chaque jour des messages pour nous alerter. Nous sonnons donc l'alerte et demandons au Canada ainsi qu'à la communauté internationale d'aider le HCR pour tenter de garantir la sécurité civile des réfugiés burundais.

[Traduction]

    D'accord.

[Français]

    Nous allons maintenant donner la chance à M. Nininahazwe de répondre.
    La question des enfants soldats n'était pas une préoccupation à l'époque, mais aujourd'hui, nous sommes très inquiets de voir les enseignements marqués de haine qu'on dispense à des enfants encore en bas âge, qui fréquentent l'école primaire. Ces enfants chantent des chants de haine des Imbonerakure. Il faut aussi dire que, dans le cas des miliciens des Imbonerakure, il est parfois difficile de savoir s'ils sont encore des enfants ou s'ils sont déjà adultes, parce qu'on dispense ces enseignements à tous ces jeunes, dans les collines, sans forcément faire de distinction quant à l'âge.
    Pour ce qui est des personnes déplacées, nous distinguons deux catégories. D'une part, il y a les personnes déplacées internes, qui sont toujours au Burundi depuis 1993. Il s'agit en majorité de Tutsis. D'autre part, il y a les personnes réfugiées à l'extérieur du Burundi. Les gens de ces deux catégories sont tous menacés. Ceux qui se trouvent au Burundi sont déjà gravement menacés. Le parti du CNDD-FDD, qui est au pouvoir, et la milice des Imbonerakure menacent de détruire les camps où les personnes déplacées internes sont réfugiées depuis 1993. La sécurité des personnes réfugiées à l'extérieur du pays est gravement menacée également. C'est le cas des réfugiés en Tanzanie. On les fait rentrer au Burundi par la force. En outre, presque tous les réfugiés burundais qui se trouvent dans les pays limitrophes vivent dans des conditions très précaires, parce que le HCR ne dispose pas de moyens financiers suffisants. Nous faisons donc appel au Canada pour qu'il offre son soutien au HCR relativement à cette situation.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Je suis désolée, mais il ne reste que trois minutes pour Mme Hardcastle.

[Traduction]

    Merci.
    Est-ce que les tensions ethniques peuvent également expliquer l'inactivité ou l'inefficacité des organisations régionales comme la Communauté de l'Afrique de l'Est ou l'Union africaine?

[Français]

    Je crois que les dirigeants et les présidents qui font partie de la Communauté de l'Afrique orientale ne perçoivent pas de la même façon la crise burundaise et sa possible issue. C'est la raison pour laquelle, depuis trois ans, on n'a jamais fait avancer le dialogue. Certains pays soutiennent notamment le président Pierre Nkurunziza. Nous demandons donc que le dialogue soit étendu à l'échelle de l'Afrique, de l'Union africaine ou des Nations unies, car nous avons déjà constaté que les gens de la Communauté n'avaient pas le même point de vue ni la même volonté de trouver une solution pour sortir le Burundi de cette crise.
    Comme le disait Me Niyongere, il y a des aspects régionaux qu'il faut considérer dans la crise en cours au Burundi. On constate déjà que des miliciens des Interahamwe qui avaient participé au génocide au Rwanda sont en ce moment au Burundi. On a même signalé très récemment des attaques au Rwanda à partir du Burundi. Il est donc à craindre que cette crise, si elle n'est pas résolue rapidement, ne finisse par toucher toute la sous-région des Grands Lacs. Nous commençons aussi à voir des attaques de rebelles burundais à partir de l'est de la République démocratique du Congo.
    Comme le disait Me Niyongere, les dirigeants de la région ont des perceptions différentes de la crise au Burundi. Certains tentent de lui donner une coloration ethnique, mais ce n'est pas le cas. En réalité, la crise actuelle n'a rien à voir avec les anciennes crises ethniques au Burundi. Il s'agit d'une crise politique née de la volonté de Pierre Nkurunziza d'accaparer le pouvoir. Au sein tant de l'opposition que du régime, vous trouverez des Hutus et des Tutsis. Il est donc faux de croire que cette crise est de nature ethnique. Pourtant, certains pays de la région en font cette analyse.
(1400)
    Merci beaucoup.
    Malheureusement, nous ne disposons que d'une heure pour la réunion.
    Messieurs Niyongere et Nininahazwe, je voudrais vous remercier de votre témoignage et de votre courage.

[Traduction]

    Je remercie également les interprètes qui ont fait un travail incroyable aujourd'hui dans des circonstances difficiles.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de votre engagement, mesdames et messieurs les députés. Nous vous remercions vivement.

[Traduction]

    Merci.
    Je rappelle aux membres du Comité qu'il n'y aura pas de réunion jeudi.
    Sur ce, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU