Passer au contenu
;

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 048 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 février 2017

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Bienvenue au Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous en sommes aujourd'hui à la deuxième réunion de notre étude de la situation des droits de la personne au Soudan du Sud. Nous entendrons deux témoins aujourd'hui. L'un comparaîtra par téléphone, avec qui nous essayons d'établir la communication. L'autre est M. Glen Pearson.
    M. Pearson a été député fédéral de la circonscription de London-Centre-Nord entre 2006 et 2011. De 2009 à 2011, M. Pearson a siégé au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Il a également été le porte-parole libéral en matière de coopération internationale.
    M. Pearson est actuellement le directeur exécutif de l'organisation Canadian Aid for South Soudan. CASS est un organisme axé sur les droits de la personne et le développement qui travaille dans la région d'Aweil Est au Soudan du Sud depuis 1998. CASS axait initialement ses efforts pour lutter contre l'esclavage et documenter les conflits et leurs conséquences, en amenant des groupes médiatiques comme la CBC et d'autres équipes de réalisation de documentaires dans des zones de conflit. CASS a depuis élaboré des projets pour bâtir des écoles, créer un YMCA, fournir de l'eau potable et mettre sur pied des microentreprises.
    M. Pearson a assisté aux pourparlers de paix en 2005 entre le Nord et le Sud du Soudan et était un observateur durant le référendum de 2011 qui a donné lieu à la création de de la République indépendante du Soudan du Sud. M. Pearson et son épouse ont adopté trois enfants du Darfour.
    Nous vous remercions énormément d'être ici aujourd'hui pour témoigner devant nous.
    Je pense que tout le monde, tous mes collègues, sont au courant de la situation et ont lu les articles parus la fin de semaine dernière dans lesquels les Nations unies ont déclaré officiellement l'état de famine au Soudan du Sud. Il est clair que la présente étude réalisée par notre comité tombe à point, est nécessaire et sera extrêmement importante à mesure que nous porterons nos conclusions et nos recommandations à l'attention du gouvernement.
    Sur ce, monsieur Pearson, je vous cède la parole.
    Nous avons le témoin par téléconférence.
    Je croyais qu'on attendait que la communication soit établie. La communication est-elle claire maintenant? Nous sommes prêts.
    Nous allons tout d'abord entendre Jeremy Hopkins. Jeremy est le représentant par intérim du Soudan du Sud pour l'UNICEF.
    Je suis désolé de toute cette confusion, monsieur Hopkins. Nous sommes ravis d'avoir réussi à établir la communication avec vous. Si vous voulez bien commencer votre déclaration, ce serait merveilleux.
    Avons-nous perdu la communication? Allô, monsieur Hopkins...?
    Nous pourrions peut-être essayer de le rappeler.
    Monsieur Pearson, nous allons commencer avec vous, puis nous entendrons M. Hopkins si nous pouvons le joindre.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, merci beaucoup. Je suis heureux de voir quelques anciens collègues et d'être des vôtres aujourd'hui. Nous communiquons régulièrement avec le Soudan du Sud. C'est toujours ce qui se passe. Dès que la communication sera rétablie, si vous le voulez, nous pourrons terminer notre déclaration par après. Je tenais simplement à vous le signaler.
    Comme je vous l'ai déjà dit, merci. C'est un dossier important pour nous. Nous travaillons encore au Soudan, et nous avons tout récemment eu une réunion avec notre équipe dans le cadre de laquelle nous nous demandions si nous pourrions continuer car la situation est très mauvaise et difficile. Nous avons décidé que nous continuerons d'essayer de faire ce que nous pouvons là-bas.
    Nous sommes une ONG canadienne qui est arrivée dans ce pays dans les années 1990 pour mener des activités en faveur des droits de la personne puis, du jour au lendemain, les Sud-Soudanais ont commencé à nous demander si nous pouvions nous livrer à des activités de développement. Sur notre site Web, nous sommes une organisation de promotion des droits de la personne et de développement, mais c'était à leur demande. Ils estimaient qu'en raison de toutes les injustices en matière de droits de la personne qui survenaient dans leur région... N'oubliez pas qu'une grande guerre sévissait dans le pays à l'époque, et les relations entre le Nord et le Sud du Soudan étaient très difficiles. Nous sommes situés directement à la frontière entre le Nord et le Sud du Soudan, et nous sommes juste à côté du Darfour. C'est une région qui a été durement touchée par la guerre. C'est pourquoi nous l'avons choisie. J'ai toujours trouvé fascinant que ces gens, qui traversaient tant d'épreuves, demandent que nous menions des activités en matière de développement, plutôt que de recevoir des fonds de secours ou d'urgence seulement. Ils voulaient reprendre une vie normale et voulaient accomplir des choses.
    C'était à l'époque du gouvernement Chrétien. Lorsque Paul Martin était au pouvoir, nous avons pu travailler avec le gouvernement canadien et avons obtenu du financement pour construire des écoles primaires ou d'autres infrastructures. Puis, lorsque les conservateurs de Stephen Harper sont arrivés au pouvoir, l'une des premières choses que j'ai faites lorsque je suis devenu député a été de discuter de la situation au Soudan du Sud. C'était ma première déclaration publique; j'étais un peu nerveux. Le premier ministre a répondu en offrant plus de 3 millions de dollars pour les centres pour femmes au Soudan du Sud et dans la région où nous travaillions, et nous avons toujours été reconnaissants envers le gouvernement conservateur de Stephen Harper de nous avoir fourni cette aide financière. Le Canada oeuvre dans la région depuis longtemps, depuis près de 20 ans. Cela fera 20 ans l'an prochain.
    Mon épouse Jane est ici. Jane est beaucoup plus au courant de la situation que moi. Elle ne voulait pas prendre la parole car elle est nerveuse, mais elle se fera un plaisir de répondre à vos questions. Lorsque nous nous sommes rendus là-bas pour la première fois et avons été témoins de ce qui se passait, nous nous sommes rendus compte que nous étions dans une région spéciale où la situation des droits de la personne était épouvantable. C'était catastrophique. La majorité des réfugiés se rendaient dans notre région. La majorité des décès survenaient dans notre région. L'esclavage et d'autres atrocités survenaient dans notre région, où la situation était très difficile.
    Il y a ensuite eu le référendum et le Soudan du Sud est devenu son propre pays et, du jour au lendemain, on s'est rapidement tourné vers le développement. Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour vous parler des problèmes en matière de droits de la personne au Soudan du Sud, car vous êtes probablement plus au courant de la situation que nous. J'ai écouté la déclaration d'Affaires mondiales de la semaine dernière, alors je sais que vous connaissez la situation. Sur le terrain, où nous travaillons, lorsque la paix a été rétablie, nous nous sommes très rapidement tournés vers le développement. Nous avons ouvert des écoles. Nous avons ouvert une clinique médicale. Nous ne sommes qu'une ONG de petite taille, et nous ne sommes tous les deux que des bénévoles. Nous dirigeons tous les deux la banque alimentaire à London. Nous n'avons jamais essayé de devenir une grande organisation, mais ce que nous avons vu, c'est une soif de vouloir aller de l'avant sur le plan du développement, si bien que c'est ce que nous avons fait. Nous avons ouvert une école secondaire l'an dernier. Nous avons amené nos deux jumelles du Soudan du Sud à l'inauguration. C'était fantastique. Toutes ces femmes et ces filles étaient si emballées d'avoir enfin une école secondaire.
    Laissez-moi vous dire qu'il n'y a qu'une seule tribu dans cette région. Quelqu'un nous a demandé, juste avant la réunion, si le conflit au Soudan du Sud était un conflit ethnique et tribal. C'est tout à fait le cas. Nous ne pouvons tout simplement pas contourner le problème. Lorsque je travaillais dans le domaine des affaires étrangères, tout le monde nous mettait en garde que lorsque la paix serait établie entre le Nord et le Sud du Soudan, la situation au Soudan du Sud commencerait à se dégrader. La situation deviendrait de plus en plus difficile, et c'est ce qui s'est produit.
    Dans la région où nous travaillons, il n'y a qu'une tribu. C'est la tribu Dinka, si bien qu'il n'y avait pas de conflit. Vous pourriez alors être portés à croire qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes en matière de droits de la personne dans la région. Il y en a, mais ce n'est pas du tout comme dans d'autres régions, comme à Djouba ou dans les champs pétrolifères.
    Nous tenons à vous expliquer aujourd'hui ce qui s'est passé dans notre région en ce qui concerne les droits de la personne ou l'absence de ces droits au Soudan. Nous avons principalement travaillé avec des femmes. Ce sont d'ardentes défenseures des droits de la personne. Lorsque nous sommes arrivés là-bas, nous ne pensions pas qu'elles pourraient y arriver, mais elles y sont parvenues. Elles dirigent les programmes relatifs à l'eau. Elles envoient leurs enfants à l'école. Les écoles offrent des bourses. Les sept centres de l'ACDI, les centres pour les femmes qui ont été construits, sont florissants. C'est ce que notre équipe nous a fait savoir la semaine dernière. Malgré tout ce qui se passe, la relation entre ces gens et le Canada se poursuit.
    Le problème, c'est que ce qui se passe avec les droits de la personne ailleurs au pays commence à avoir une incidence sur notre région, où la situation est un peu moins grave. Ce que nous constatons, c'est que l'inflation a grimpé, si bien que les gens n'ont pas les moyens de se nourrir. Notre équipe est revenue la semaine dernière en disant: « Nous ne pouvions pas y croire. Tous ces gens — et nous travaillons là-bas depuis 20 ans — sont maintenant confrontés à la famine. » C'est terrible. C'est difficile. C'est à cause de l'inflation et du fait que les gens n'ont plus d'argent.
(1310)
    Je pense qu'il est important de comprendre que la question des droits de la personne, pour nous à tout le moins, n'est pas seulement en lien à des situations qui tournent mal, mais c'est aussi en lien avec le fait de ne pas continuer d'appuyer des mesures qui donnent des résultats positifs. Ces gens sont vulnérables et ces situations ne se produisent même pas dans leur région. Ces femmes ne sont plus victimes d'esclavage et les enfants peuvent fréquenter l'école, mais ils sont en train de perdre ces occasions. Des gens que nous connaissons depuis des années retournent à Darfour. C'est difficile à croire. Ils ont travaillé si fort pendant toutes ces années pour en arriver là où ils sont rendus, et ils retournent maintenant à Darfour, où ils peuvent peut-être trouver des fournitures médicales ou de la nourriture. Il y a peut-être aussi la possibilité que leurs enfants aillent à l'école.
    Un grand nombre de femmes qui ont quitté le Soudan du Nord lorsque le référendum a été signé et qui étaient libres de réintégrer leurs régions natales commencent à retourner également dans les régions du Nord, car leur tentative de vivre dans notre région a échoué. Bon nombre de ces gens sont venus s'établir dans notre région, car c'est un endroit où transitent la majorité des réfugiés. Ce que nous constatons ici, je pense, c'est une situation où les droits de la personne au Soudan, dans les régions où la situation s'est améliorée parce que le Canada a fait preuve de leadership grâce à l'ACDI et aux fonctionnaires d'Affaires mondiales qui travaillent ici, ainsi que... Nous sommes en train de perdre lentement ce que le Canada a accompli.
    Notre crainte est que les droits de la personne au Soudan soient tous... La situation est épouvantable. Nous avons toujours été honnêtes à cet égard. La première personne que j'ai rencontrée lorsque nous nous sommes rendus au Soudan du Sud en 1999 était Salva Kiir, qui est maintenant le président. Il était chargé de nous protéger lorsque nous traversions ces zones de guerre, et nous lui en étions reconnaissants. Il était responsable de son peuple. Il est maintenant le président du Soudan du Sud, et il n'aide aucunement ses concitoyens. Il ne les protège pas.
    Nous ne sommes pas nés d'hier, et nous avons été témoins de bien des choses, mais nous croyons que le caractère unique du Canada dans cette situation est qu'il a décidé de travailler avec les ONG locales et d'autres organismes pour améliorer la situation, pour apporter des changements en matière de développement. Cette collaboration a lieu dans les régions où il y a des enfants soldats. J'ai entendu le témoignage d'Affaires mondiales l'autre jour, lorsque vous avez posé des questions au sujet des enfants soldats. Nous avons travaillé avec Roméo Dallaire à ce chapitre. Il est vrai, il est très vrai, que la réalité des enfants soldats est très difficile, mais la raison pour laquelle les enfants deviennent des soldats est que les garçons se promènent librement et n'ont rien à faire. Nous avons un fils qui a cet âge-là en ce moment et il est au Soudan du Sud et à Darfour, et nous pouvons nous imaginer que cela pourrait se produire. Il n'y a pas de développement et des gangs se forment. De plus, les femmes et leurs enfants souffrent de la faim, si bien que les familles suivent les militaires, seulement pour pouvoir obtenir des fournitures, des soins de santé et des médicaments pour leurs enfants.
    Il n'y a pas que les mesures que nous prenons à l'égard des droits de la personne ou des enfants soldats. Sans développement, tous nos efforts échouent lamentablement. Il y a tellement de choses que nous pourrions vous dire. Nous avons vécu tellement d'expériences. Nous nous sommes rendus là-bas à maintes reprises pendant de nombreuses années, mais le Canada se démarque dans cette région donnée, qui a été durement touchée durant la mauvaise guerre qui a sévi entre le Nord et le Sud. Le Canada se démarque, mais la situation commence à se détériorer à mesure que les gens et d'autres ONG quittent la région, car nous n'avons pas la capacité de... Nous pourrions offrir aux gens une éducation, mais certains organismes pourraient offrir des médicaments et d'autres organismes, des infrastructures agricoles. Il y a tous ces facteurs. Un grand nombre de ces ONG ont maintenant quitté la région, et tous ces gens qui sont venus au Canada pendant 20 ans et se tournaient vers le Canada pour obtenir ce genre d'aide éprouvent de grandes difficultés.
    Je sais que vous seriez probablement plus intéressés à ce qu l'on vous parle des grandes améliorations qui sont vraiment importantes. Je vous ai entendu parler des tribunaux criminels, entre autres. Ce sont des éléments très importants, mais ce qui est vraiment important, ce sont les secteurs où nous avons des intérêts en jeu. Dans les régions où nous avons eu une présence dans le passé, nous avons des femmes qui sont d'ardentes défenseures des droits de la personne et qui ont décidé de dénoncer leur propre gouvernement. C'est arrivé lorsque nous étions là-bas l'an dernier, et nous n'arrivions pas à y croire. Habituellement, ces femmes feraient l'objet de censure, ou un incident surviendrait, mais elles ont décidé de se porter à la défense de leur collectivité, et maintenant, elles peuvent nourrir leurs enfants et envisagent de dénoncer à nouveau le gouvernement.
    Nous pouvons répondre à vos questions, mais je vous encourage ici à examiner d'autres aspects. Les droits de la personne ne se résument pas seulement aux droits qui sont retirés à des gens. C'est également une question d'infrastructures qui sont bâties et que l'on peut perdre si l'on ne continue pas d'y prêter attention. Je sais que 70 % des fonds de secours qui sont versés au Soudan du Sud proviennent d'ONG. Je sais cela. Je sais que des ONG travaillent avec l'UNICEF et d'autres organismes. Je comprends cela, mais le Canada a une présence unique au Soudan du Sud. C'est un pays qui a été un pays de concentration pour nous pendant 20 ans. Nous avons une histoire avec ces gens. Nous avons pratiquement des enfants là-bas. Il y a des enfants qui sont nés lorsque nous nous sommes rendus là-bas pour la première fois qui fréquentent maintenant l'école primaire ou secondaire, et ils perdront tout cela.
    Je vous encouragerais, en tant que Comité des affaires étrangères... C'est ce qui se faisait lorsque je siégeais au Comité des affaires étrangères. Nous avons passé cinq mois à étudier le Soudan du Sud pendant le référendum.
(1315)
    Les gens nous disent sans cesse que tout se passera à merveille, et nous savions que ce ne serait pas vrai. Nous savions que ce serait un défi, et c'est effectivement le cas en ce moment. C'est un moment crucial, et il nous est très difficile de comparaître devant vous et de ne pas répondre aux grandes questions auxquelles vous voulez sans doute des réponses. Je suis certain que vous voulez des réponses. Mais nous devons être témoins de ce qui se passe.
    Nous devons être témoins de la situation des Sud-Soudanais. Nos enfants étaient tenus en esclavage et leur mère a été abattue. C'est ainsi que tout a commencé. Nous sommes ensuite intervenus et sommes allés au-delà des droits de la personne pour bâtir des écoles, éduquer les gens et habiliter les femmes, puis une femme est devenue gouverneure. Il y a des tas d'exemples de ce genre. Nous construisons des écoles secondaires et nous accomplissons toutes ces merveilleuses choses et, à cause d'une situation qui sévit dans une autre région du pays, cette position de force et cette amélioration de la situation des droits de la personne — grâce à la présence du Canada et des mesures qu'il a prises — sont sur le point de s'effondrer parce que les autres ONG ont quitté la région et qu'il est difficile d'obtenir des ressources.
    Je vais m'arrêter ici, et Jane répondra à vos questions bien mieux que je pourrais le faire, mais je tiens simplement à vous dire, en tant que Comité des droits de la personne, que c'est une situation vraiment difficile pour nous. Nous sommes allés là-bas en tant que Canadiens. Nous sommes Canadiens et fiers de l'être. Nous avons trois enfants soudanais qui sont fiers d'être Canadiens. Nous les avons amenés devant les membres du Congrès américain pour qu'ils leur décrivent la situation au Soudan du Sud. Ils ont leur citoyenneté canadienne. C'est important pour nous, mais nous avons tous des frères, des soeurs et des enfants au Soudan du Sud. Ils sont là-bas, ont survécu et sont restés parce que le Canada était présent et est resté là-bas.
    Je veux seulement vous encourager dans le cadre de ces délibérations à pousser davantage votre réflexion. Pensez aux raisons pour lesquelles des enfants deviennent des soldats sur le terrain. Qu'est-ce qui nous échappe et que devons-nous faire? De plus, penchez-vous sur les régions où nous avons travaillé dans le passé. C'est notre oeuvre. C'est le fruit des efforts du Canada. Nous avons produit ces résultats. Maintenant, à cause d'une situation qui sévit dans une autre région du pays, nous pourrions perdre ce que nous avons accompli. Je vous encourage à ne pas permettre qu'une telle chose se produise. Peu importe ce que vous faites, ne laissez pas une telle situation se produire.
    Merci, monsieur le président.
(1320)
    Merci beaucoup, monsieur Pearson.
    Nous allons maintenant entendre M. Hopkins.
    Voulez-vous présenter votre exposé et ensuite nous passerons aux questions?
    [Conformément à une motion adoptée par le Sous-comité le 7 mars 2017, les notes d’allocution de M. Jeremy Hopkins ont été annexées aux témoignages de la réunion. Voir l’annexe — Points de discussion-Jeremy Hopkins]
    Je vais vous présenter ce que j'ai préparé; vous m'arrêterez si quelque chose vous semble inapproprié et que vous avez besoin d'explications.
    Je suis le nouveau représentant du Soudan du Sud. J'occupe ce poste temporairement, pas pour très longtemps. Je ne suis pas [difficultés techniques], mais je vais vous faire une mise à jour. À l'heure actuelle, je suis dans une petite ville appelée Yei au sud du pays, et c'est l'une des villes les plus préoccupantes sur le plan des droits de la personne.
    En résumé, le conflit a éclaté en 2013 et a repris en juillet 2016. Il a eu une incidence importante sur la situation [difficultés techniques]. Nous estimons qu'entre 2013 et l'année dernière, environ 3,2 millions de personnes ont été déplacées et plus d'un million de personnes ont fui le pays.
    Apparemment, [difficultés techniques], environ sept millions de personnes ont besoin d'une certaine forme d'aide. Le pays vit une crise économique et le taux d'inflation dépasse les 800 % [difficultés techniques].
    Les enfants, qui forment plus de la moitié de la population, font face à de nombreux risques. La malnutrition en est un important, et vous avez peut-être entendu parler de l'état de famine déclaré hier. La famine en soi n'est qu'une partie d'un problème plus vaste, et ne touche qu'une petite partie du pays. Toutefois, environ cinq millions de personnes — la moitié de la population — vivent l'insécurité alimentaire et 1,1 million d'enfants souffrent de malnutrition... Pardon, 1,1 million d'enfants souffrent de malnutrition et de ce nombre, 276 000 souffrent de malnutrition sévère. Cela signifie que ceux [difficultés techniques] qui ne sont pas traités cliniquement pour malnutrition risquent fort bien de mourir de [difficultés techniques], de la diarrhée, de la rougeole ou de la grippe.
    Les enfants risquent aussi de contracter des maladies mortelles qui affectent les enfants des pays pauvres, mais pas ceux des pays riches, comme [difficultés techniques]. Les violations des droits sont nombreuses. De façon générale, on pense au mariage forcé, au recrutement dans les groupes armés, à l'enlèvement, aux meurtres, à la mutilation, à de nombreux cas de violence sexuelle et de violence fondée sur le sexe [difficultés techniques] et au viol. Aussi, plus de la moitié des enfants ont quitté l'école. Ils se sont égarés.
    Aujourd'hui, en vertu de la résolution 1612 du Conseil de sécurité, l'UNICEF est chargé de surveiller les violations graves des droits des enfants; il y en a cinq ou six: le meurtre et la mutilation, l'enlèvement et le recrutement, le viol, les attaques contre les écoles et les hôpitaux, le refus d'autoriser l'accès humanitaire. En 2016, il y a eu 900 cas confirmés de violation grave des droits des enfants. Dans les faits, c'est plus que cela, mais nous avons pu confirmer 900 cas et [difficultés techniques].
    Au cours des dernières années, nous avons confirmé que 1 800 enfants étaient morts à cause du conflit, et la violence sexuelle est utilisée comme outil de guerre [difficultés techniques]. On rapporte constamment les cas de femmes et de filles violées par des personnes de [difficultés techniques].
    En ce qui a trait au traitement des enfants, nous savons que 17 000 enfants servent d'une quelconque façon les groupes armés. Le recrutement des enfants a toujours lieu. Nous avons documenté le recrutement de 1 300 enfants l'année dernière. En ce qui a trait à [difficultés techniques], les enfants sont séparés de leur famille au moment où ils fuient le conflit. Habituellement, les groupes armés brûlent les villages [difficultés techniques] et les familles doivent s'enfuir. C'est à ce moment-là que les enfants sont séparés de leurs parents.
(1325)
    Nous avons environ 15 000 enfants qui se déclarent séparés ou non accompagnés et nous cherchons à les réunir avec leur famille.
    La violence fondée sur le sexe semble avoir pris beaucoup d'ampleur au cours des derniers mois, depuis la crise de juillet. À notre connaissance, cette violence est perpétrée par toutes les parties mêlées au conflit. Il est difficile de documenter cette situation, bien sûr, mais il y a beaucoup de [difficultés techniques], surtout près de Yei, la ville où je suis en ce moment, et c'est une situation plutôt curieuse. La ville est sous le contrôle du gouvernement et à l'extérieur de la ville — tout juste [difficultés techniques] à la limite — se trouve une série de postes de contrôle. Il y a ensuite une zone neutre et quelques kilomètres plus loin, il y a [difficultés techniques] contrôlé par l'opposition. Plus loin, la zone est de nouveau contrôlée par le gouvernement. L'accès y est donc très difficile.
    [Difficultés techniques] tentent de se rendre dans les camps de réfugiés de l'Ouganda; certains tentent de s'y rendre puis reviennent. En traversant la zone neutre, [difficultés techniques] la possibilité d'être repérés; les femmes seront violées par des bandes et les hommes sont souvent torturés ou tués.
    C'est donc la situation dans laquelle nous nous retrouvons. Les enfants sont bien sûr durement touchés. Vous savez, le conflit dure depuis deux ou trois ans et il cause beaucoup de tort aux enfants. C'est difficile de composer avec [difficultés techniques], mais la dimension psychosociale des enfants [difficultés techniques] est terriblement compromise.
    Je vais maintenant parler rapidement du travail de l'UNICEF afin que vous compreniez la mesure de notre engagement. Notre mandat comporte trois volets: la défense des intérêts, les droits de la personne et l'offre de services sociaux. J'ai parlé de la résolution 1612, qui nous confie la tâche de [difficultés techniques] un mécanisme de surveillance et de communication de l'information, ou MSCI. Il est en oeuvre [difficultés techniques]. Nous tentons de documenter ces violations et de négocier avec les parties mêlées au conflit par l'entremise des mesures d'État.
    Jusqu'à récemment, nous réussissions relativement bien [difficultés techniques]. Nous avons réussi à libérer 1 900 enfants des groupes armés en 2015. En 2016, nous avons libéré 155 enfants d'un autre groupe armé. Nous avons aussi réuni environ 5 000 enfants et leur famille [difficultés techniques] au cours du conflit. Nous formons les professeurs et les travailleurs sociaux sur le terrain afin qu'ils offrent un soutien social aux enfants. Nous avons rejoint environ 300 000 enfants, mais le soutien offert est insuffisant; il faudrait en faire plus.
    En ce qui a trait à la violence fondée sur le sexe, [difficultés techniques] et au soutien des victimes et des survivants, nous travaillons en collaboration avec [difficultés techniques] et les travailleurs sociaux [difficultés techniques] ils comprennent la question et peuvent [difficultés techniques], ce qui est loin d'être suffisant, bien honnêtement.
    [Difficultés techniques] où se réunissent les gens [difficultés techniques] qui sont protégés par l'ONU, mais il [difficultés techniques] avec les gestionnaires des camps pour changer la façon dont les camps sont gérés pour aider les femmes et mieux les protéger contre [difficultés techniques] à l'extérieur. Je pense par exemple aux toilettes, à l'éclairage des rues ou [difficultés techniques].
    Nous sommes confrontés à plusieurs défis, et je vais les énumérer si possible. L'accès est le plus grand défi auquel nous sommes confrontés. Dans la région où je me trouve, si vous vous rendez à la ville, vous ne pouvez pas aller [difficultés techniques]. Je dois prendre un avion, même s'il ne faut que trois heures de route pour se rendre à Djouba. Cela nuit à notre capacité de réaliser notre mandat et c'est [difficultés techniques] pour tous les organes de l'ONU.
(1330)
    Pour remédier à la situation, nous pourrions mettre en oeuvre des mécanismes d'intervention rapide. Nous envoyons par avion une équipe de professionnels dans les zones auxquelles nous n'avons pas accès parce que nous ne pouvons pas passer les [difficultés techniques] ou parce que le terrain est trop accidenté. C'est un très grand pays et les infrastructures y sont limitées. Lorsque les professionnels passent deux ou trois jours dans une zone, ils examinent, ils traitent et ils font un tri. Ils aident le plus grand nombre de personnes possible [difficultés techniques] sur le plan des droits de la personne. [Difficultés techniques] il n'est pas sécuritaire pour ces gens de rester là trop longtemps.
    La logistique en général représente un autre défi; les infrastructures sont terribles ici. À la fin de la saison sèche, lorsque la pluie commence, une plus grande partie du pays est inaccessible.
    En ce qui a trait à [difficultés techniques], ils ne sont pas trop mal financés. Je dois toutefois dire que le programme de protection de l'enfance, qui traite des droits de la personne et des droits des enfants, n'est pas aussi bien financé que certains autres programmes. Les programmes d'intervention en cas d'urgence ou de nutrition et santé sont habituellement bien financés. Bien sûr, nous aimerions avoir plus d'argent, parce que l'écart est critique, surtout chez cette population d'enfants séparés de leurs parents.
    J'ai parlé du chiffre [difficultés techniques]. Si nous avions plus de fonds, nous [difficultés techniques] tous les enfants en cause.
    Je sais que le gouvernement canadien offre un appui de taille à l'UNICEF et je sais que ce n'est pas la raison de notre [difficultés techniques] le gouvernement canadien pour son appui, surtout pour les programmes de protection de l'enfance pour les droits des enfants du Soudan du Sud, tant pour le [difficultés techniques] et la campagne Des enfants, pas des soldats, qui ont trait à [difficultés techniques]. Je voulais seulement faire un lien ici.
    C'est ce que j'avais préparé pour vous. [Difficultés techniques].
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Hopkins. Nous vous remercions de votre témoignage. Nous avons réussi à vous entendre assez bien étant donné les circonstances.
    Cela étant dit, nous allons passer à la première série de questions. Le député Sweet est le premier intervenant. Allez-y, monsieur.
    Je vous félicite, monsieur le président. J'ai compris seulement le tiers du témoignage de M. Hopkins, mais je lui en suis très reconnaissant.
    Je l'ai entendu assez souvent dire que la violence fondée sur le sexe et le viol était utilisée comme outil de guerre pour savoir que c'est un grave problème, et je l'ai entendu parler des services de protection de l'enfance.
    J'ai vu l'UNICEF à l'oeuvre dans le camp de réfugiés Zaatari. L'organisme joue un rôle de premier plan en Jordanie; je voulais simplement féliciter l'UNICEF pour son excellent travail partout dans le monde.
    Je voudrais aussi féliciter Glen Pearson, qui a été député à la Chambre. Je l'ai rarement vu faire preuve de partisanerie. Au contraire, nous avons travaillé ensemble à de nombreuses questions de façon très constructive; je félicite donc M. Pearson à cet égard.
    Monsieur Pearson, je vais commencer par vous parce que vous avez parlé des progrès réalisés dans les écoles, surtout avec les femmes, qui se sont senties suffisamment appuyées pour dénoncer énergiquement certains problèmes et parler contre leur propre gouvernement. Vous avez parlé d'un investissement de 3 millions de dollars, qui n'est pas énorme, mais qui semble avoir porté ses fruits.
    Avant de passer à d'autres questions, vous parliez tout à l'heure de protéger les progrès réalisés jusqu'à présent, et je suis d'accord avec vous. Quelles mesures pourrait prendre le Canada pour y arriver, pour protéger les progrès et, même s'il s'agit d'une crise d'une ampleur considérable et de la famine, peut-être faire certains progrès et créer un refuge pour aider les gens?
(1335)
    Merci.
    Je crois qu'en matière de droits de la personne, nous avons toujours tendance à penser à ce qui est difficile à régler. Ce n'est pas facile, mais après avoir travaillé dans diverses régions du monde, j'ai réalisé qu'il fallait cibler les bons coups et les réussites, pour les appuyer.
    Les sept centres dont vous avez parlé, qui ont été construits grâce à ces 3 millions de dollars, se situent juste à côté du Darfour. Là-bas, ces 3 millions de dollars valent 300 millions de dollars; ils ont permis de faire beaucoup de choses. Jane pourra vous parler plus en détail des centres pour les femmes.
    Ce qui m'inquiète toujours — parce que j'ai témoigné devant la Cour pénale internationale au sujet de la situation au Darfour —, c'est que nous nous concentrons tellement sur ce qui ne fonctionne pas que nous oublions d'appuyer ces programmes de développement. À l'heure actuelle, il n'y a pas de réel conflit dans cette région... quelques problèmes ici et là, mais dans l'ensemble, tout fonctionne très bien.
    Il faut protéger les droits de la personne et non pas seulement défendre ou lutter contre des gens. Je dirais que ces programmes de développement — demandés par la population — nous permettent de réussir. Comme nous avons un historique là-bas — je parle du Canada, pas de Jane et moi —, les gens perçoivent les Canadiens comme étant des personnes qui se soucient de leur qualité de vie, et pas seulement de l'aide d'urgence. L'ACDI a toujours bien travaillé à cet égard, surtout dans le dossier du sexe et du genre.
    Je dirais qu'il ne faut pas perdre cela. Je ne dis pas que le travail doit être fait par notre organisation, mais il faut cibler ce qui fonctionne et l'améliorer, parce que la seule chose qui pourrait tout gâcher serait un manque de ressources ou de voir les gens quitter la région, et non pas une tribu qui viendrait en prendre le contrôle, par exemple.
    J'encourage donc les gens à continuer d'investir, peu importe la façon de le faire.
    Je n'ai pas l'impression que vous plaidez pour votre propre organisation, mais il semble que la situation que vous décrivez est unique, en ce sens que la sécurité — du moins aujourd'hui — n'est pas un enjeu de taille.
    Vous avez tout à fait raison: un dollar canadien représente beaucoup plus que cela sur le terrain, mais est-ce qu'on a besoin d'un autre investissement « modeste » dans ces ONG? A-t-on des besoins en matière de sécurité? Que pourrait faire le Canada, sur le plan pratique, pour poursuivre le travail qui dure toujours, même si la situation est très grave dans le contexte plus large du Soudan du Sud?
    Encore une fois, je suis tout à fait d'accord. On traite les droits de la personne et le développement comme deux éléments distincts, alors qu'ils ne le sont pas. Lorsque les droits de la personne sont respectés — et c'est possible, et ces femmes prennent la parole et les filles commencent à aller à l'école, au secondaire —, alors tout à coup, les possibilités sont là.
    Si nous n'arrivons pas à maintenir ce financement... Ce ne sont pas toujours les ONG canadiennes, et ce n'est pas ce que je veux dire. Certains groupes ont quitté notre région et sont allés dans des régions où la situation était plus urgente. Ainsi, lorsque nous avons pris en charge la situation en janvier 2016, il n'y avait personne pour distribuer les médicaments parce que l'ONG qui était qualifiée pour le faire avait quitté la région.
    Il ne s'agit pas seulement d'octroyer des fonds. Il faut aussi travailler avec les partenaires de la région et assurer un leadership canadien. Il faut que nous travaillions ensemble pour aller de l'avant, surtout pour les questions liées au sexe.
    Vous n'avez pas seulement besoin de ressources. Vous avez besoin d'aide au développement, en ce sens que vous devez avoir les bons partenaires sur place, comme Médecins sans frontières ou des infirmières diplômées pouvant s'occuper de la distribution, pour qu'il y ait un réseau apte à poursuivre ce bon travail.
    Exactement. Il y a probablement peu de groupes qui défendent mieux l'égalité entre les sexes que l'ACDI. C'est ainsi depuis 20 ans. L'ACDI intervient fréquemment auprès d'autres gouvernements à titre de conseillère sur demande. Je pense que nous pourrions assumer un rôle de leadership pour ramener ces groupes sur le terrain, ou au moins quelques-uns.
    Il y a une autre chose sur laquelle je souhaite vous interroger. La situation des enfants soldats semble assez unique dans ce pays. Dans la plupart des cas que nous avons étudiés auparavant, les enfants sont enlevés, se font donner toutes sortes de drogues, et leurs kidnappeurs menacent habituellement de tuer leurs parents devant eux, arme à la main. Ils se font enlever et sont détruits psychologiquement, au point où il faut énormément de thérapie pour qu'ils puissent redevenir des citoyens ordinaires.
    Dans ce cas-ci, on dirait que le désespoir est tellement grand, qu'ils sont tellement affamés, que la meilleure façon de subvenir aux besoins de leurs familles c'est d'appuyer les groupes armés pour s'assurer leur prochain repas.
    Est-ce que j'exagère?
(1340)
    Je pense que l'UNICEF serait mieux placé que nous à bien des égards pour répondre à cette question. D'une certaine manière, je pense qu'il y a un peu des deux.
    Quand on pense à l'histoire des enfants soldats, on s'imagine des enfants armés de fusils en train de tirer. Au Soudan du Sud, avant, la plupart des enfants soldats travaillaient en soutien des groupes armés. Ils s'occupaient du nettoyage. Ils s'occupaient des munitions. Ils faisaient toutes sortes d'autres choses et restaient là parce qu'ils pouvaient manger.
    Aujourd'hui, évidemment, nous sommes à l'aube d'un conflit, donc c'est très difficile. Je pense que vous devriez demander aux gens de l'UNICEF de répondre à cette question.
    Monsieur Hopkins?
    Monsieur Hopkins, êtes-vous toujours en ligne?
    Je suis vraiment désolé, mais je n'ai pas entendu la question.
    Reste-t-il du temps?
    Non, le temps est écoulé.
    Monsieur Fragiskatos?
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Glen et Jane, je vous remercie infiniment d'être parmi nous aujourd'hui. C'est un honneur de vous accueillir tous les deux. Nous savons que vous êtes évidemment très engagés pour le Soudan du Sud, mais les personnes ici présentes ne savent peut-être pas à quel point vous êtes engagés dans le combat pour la justice sociale en général, à London. C'est vraiment un honneur de vous accueillir aujourd'hui.
    J'ai une question à vous poser sur le développement. Elle concerne les droits des femmes et l'autonomisation des femmes. Tous les partis représentés au Parlement appuient la santé maternelle, et j'ai une question à vous poser sur l'importance des sages-femmes. À la lumière de ce qui se passe, avec le conflit qui s'envenime, les pressions inflationnistes qui l'accompagnent et la grande difficulté d'accès des femmes à un hôpital, les sages-femmes jouent un rôle de premier ordre.
    Je sais que notre gouvernement a versé une contribution l'an dernier (il y a presque un an jour pour jour), à l'appui des services de sages-femmes au Soudan du Sud. Pouvez-vous nous parler de l'importance des sages-femmes au Soudan du Sud, compte tenu de tous les facteurs que je viens de mentionner?
    Nous travaillons dans l'État du Bahr el Ghazal du Nord. Beaucoup d'ONG internationales y ont toujours une présence, mais elles se sont déplacées vers les régions de conflit, le plus souvent le Haut-Nil et l'Équatoria. S'il y a une chose très importante pour le développement des ressources humaines au Soudan du Sud, c'est la formation des Sud-Soudanais.
    MSF participe à l'administration d'un hôpital. Il y a également des cliniques dirigées par des ONG internationales. Au Soudan du Sud, ce n'est pas comme si l'on pouvait sauter dans un autobus ou un train pour se rendre à l'hôpital. Les Sud-Soudanais doivent marcher, parfois des heures, parfois des jours, pour s'y rendre. Pour la naissance et pour réduire le taux de mortalité des enfants, il est extrêmement important, évidemment, de former des personnes pour aider les mères à accoucher chez elles.
    C'est extrêmement important, et il est extrêmement important que ce type de programme se poursuive à long terme. On ne peut pas se contenter de former des gens, puis les laisser seuls. On les forme, puis on revient pour voir comment ils se débrouillent. Il faut faire un suivi. Ce n'est pas qu'une affaire de six mois ou une formation de neuf moins. Il faut constamment être là pendant des années, le temps que les gens acquièrent les compétences voulues.
    Je serais ravi de poursuivre cette conversation, mais je sais que le temps est limité. J'ai une question à poser sur les obstacles au travail humanitaire, une chose particulièrement importante à la lumière de ce qui se passe au Soudan. C'est peut-être une question qui s'adresse surtout au représentant de l'UNICEF, mais je ne suis pas certain que M. Hopkins puisse m'entendre. Je pense que vous seriez tous les deux en mesure de répondre à cette question, quoi qu'il en soit.
    Il y a des représentants de l'ONU et d'autres organisations humanitaires qui ont dit qu'il y avait énormément de bureaucratie et de paperasse pour avoir accès à ces régions. Un représentant en particulier, qui fait partie de Médecins sans frontières, a dit qu'il avait dû parler à 10 ou 15 personnes, des fonctionnaires, pour avoir accès à une zone en particulier, où l'organisation souhaitait faire du travail humanitaire.
    Encore une fois, compte tenu de la famine qui se pointe à l'horizon, une situation critique, pouvez-vous nous parler de la difficulté de ces organismes à avoir accès à la population sur le terrain, qui souffre tellement? Vous pouvez peut-être aussi nous parler des expériences que vous avez vécues qui pourraient nous aider à comprendre un peu mieux les enjeux.
(1345)
    Quand j'ai été élu, je trouvais que la politique ici était tordue, mais au Soudan du Sud, c'est autre chose. C'est vraiment le cas. Nous le sentons même dans notre région. La bureaucratie est extrêmement lourde. Je dirais qu'il y a énormément de corruption aussi. Si l'on veut atterrir sur telle piste d'atterrissage, on vous demande de payer, même si l'on transporte des vivres pour aider les gens. C'est la même chose partout. C'est à tous les niveaux. Si l'on veut trouver une solution, elle doit vraiment venir des gouvernements qui alimentent ce système. Elle doit venir de groupes comme l'IGAD.
    Nous avons rencontré le ministre des Affaires étrangères en février, M. Dion. Je sais qu'il n'est plus là, mais nous lui avons parlé de ce qu'on appelle l'IGAD-plus, qui regroupe les États-Unis, la Chine, la France et d'autres... Il faut faire des pressions sur tous ces acteurs pour obtenir l'accès à ces régions.
    Si c'était en Syrie, on parlerait de corridors humanitaires, n'est-ce pas? Mais au Soudan du Sud, comme c'est endémique et que la situation est la même partout, toutes les ONG ont le même problème. Si nous avons ce problème, je ne sais pas comment l'UNICEF se débrouille, parce qu'il est partout et qu'il fait un travail extraordinaire. C'est une fonction fondamentale. Le problème ne se réglera pas sur le terrain. Il ne peut pas se régler sur le terrain. Il ne pourra se régler qu'à force de pressions internationales. Le gouvernement du Soudan ne pourra pas obtenir l'aide dont il a besoin tant qu'il ne simplifiera pas les choses.
    Merci beaucoup.
    Je suppose que ce sera la dernière question, et j'aimerais terminer sur une note d'espoir. Je sais qu'il y a du potentiel de toutes sortes au Soudan du Sud, particulièrement en agriculture. La région d'Équatoria est particulièrement citée pour la richesse de ses terres agricoles, et tous les avantages qu'on pourrait en tirer profiteraient sûrement beaucoup à la population.
    Pouvez-vous nous parler du potentiel du Soudan, et non seulement en agriculture? J'aimerais que vous nous en présentiez les grands traits, si vous le pouvez, et je parle de son potentiel en général. Je pense qu'il est important de nourrir l'espoir dans la catastrophe qui prend forme là-bas.
    Avant l'arrivée des pétrolières... Quand nous y avons mis les pieds pour la première fois, il n'y était pas question de pétrole. Tout le monde parlait de poisson. Les gens parlaient des minéraux, ils disaient que ce pourrait être le grenier de l'Afrique. Puis les pétrolières sont arrivées, et tous les autres ont commencé à étouffer.
    Oui, il y a du potentiel, et il est immense. Il y a même un groupe à London, du nom de CEDASS, qui déploie des projets agricoles autour de Djouba. Ce genre de projet a des effets. Ce à quoi on assiste dans la région n'est pas attribuable qu'à la famine ou au changement climatique... Les saisons ne sont plus ce qu'elles étaient quand nous avons commencé à travailler là-bas. Les pluies arrivent plus tard. Il y a toutes sortes de difficultés du genre.
    Il est vrai que les gens n'arrivent pas à se payer de la machinerie agricole au prix du marché. L'inflation à bondi, comme tout le reste. Même si les gens pourraient faire de l'agriculture, ils n'y arrivent pas, parce qu'ils ne peuvent pas se procurer le matériel dont ils auraient besoin. Encore une fois, c'est un problème de développement. Ce n'est pas seulement un problème économique. Les gens sont prêts à travailler — c'est dans leur histoire —, mais ils ne peuvent pas le faire, parce qu'ils n'ont pas les outils dont ils auraient besoin.
    En raison du conflit qui prend de l'ampleur, les gens vont clairement fuir, que les terres soient fertiles ou non. Cela n'a pas d'importance. Ils ne peuvent pas rester et cultiver ce dont ils auraient besoin, et c'est la principale raison pourquoi on peut dire que cela devient vraiment une famine attribuable à l'homme. Il devient vraiment important de résoudre ce conflit, particulièrement en Équatoria et dans le Haut-Nil.
    Merci beaucoup.
    Avant de donner la parole à Mme Hardcastle, j'aimerais mentionner qu'il y a un représentant de l'UNICEF dans la pièce ou à l'écoute, qui pourra ultérieurement répondre aux questions qui sont posées si nous n'arrivons pas à communiquer par téléphone. Si vous avez des questions à lui poser, n'hésitez-pas à le faire, et nous pourrons lui demander une réponse écrite.
    Madame Hardcastle.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins à mon tour. Je ne perdrai pas trop de temps en remerciements.
    Je souhaitais entendre M. Hopkins nous en parler un peu plus. Peut-être nos témoins présents en personne peuvent-ils nous aider un peu, parce qu'il est extrêmement difficile d'entendre M. Hopkins. Je souhaitais qu'il nous parle de la difficulté d'accès et de la difficulté à fournir les documents requis aux postes de contrôle. Ces difficultés sont-elles liées? Croyez-vous qu'il y a quelque chose que nous pourrions faire pour améliorer ce système? Je vais commencer par cette question.
    Je ne sais pas qui souhaite me répondre. Comme je l'ai dit, si M. Hopkins nous répond, nous aurons peut-être besoin qu'une personne dans la pièce nous répète ce qu'il a dit.
(1350)
    Monsieur Hopkins, avez-vous entendu la question?
    [Difficultés techniques]. J'ai entendu la dernière partie concernant l'accès, et je pense que j'ai entendu la partie sur l'inflation. [Difficultés techniques] changer de micro ou...?
    Je pense qu'il veut que je répète la question.
    Vous avez dit que l'accès était difficile, puis vous avez parlé de la difficulté de faire parvenir la documentation requise aux postes de contrôle. S'agit-il des mêmes difficultés? Sont-elles liées ou parlez-vous dans un cas des enfants et dans un autre, des diplomates ou des personnes qui viennent fournir de l'aide étrangère?
    Très bien. C'est beaucoup plus clair. Merci.
    Elles sont liées [Difficultés techniques]. Le problème vient en partie du fait que le gouvernement... [Difficultés techniques] Donc on ne peut pas se rendre dans la région [Difficultés techniques] et simplement décider d'aller quelque part, bien que parfois, je me demande qui nous surveille. Mais bien sûr... [Difficultés techniques].
    J'ai été des deux côtés de... [Difficultés techniques]. Hier, on nous a dit que nous ne pouvions pas... [Difficultés techniques] entre Djouba et... [Difficultés techniques] à l'extérieur de Djouba, et on nous a demandé nos documents [Difficultés techniques]...
    Monsieur Hopkins.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Madame Pearson, vous pouvez peut-être poursuivre, à partir des petits segments que vous avez pu capter?
    Oui. Une partie des difficultés que connaissent les travailleurs des ONG, par exemple, viennent du fait que les exigences en matière de visa ont changé, de sorte que tous les travailleurs des ONG travaillant au Soudan du Sud doivent retourner demander un visa. On ne peut rester qu'un mois dans la région, puis on fait constamment le voyage entre Djouba et Nairobi, ce qui rend les séjours très difficiles.
    Pour l'accès humanitaire, quand Operation Lifeline Sudan et l'UNICEF avaient des vols vers la région, ils faisaient décoller tous leurs Hercules de Loki. Il y avait alors une vingtaine d'avions Hercules qui partaient chaque jour survoler le Soudan du Sud pour y larguer de la nourriture. Ces vols n'existent plus. Il faut faire venir la nourriture par voie terrestre, à partir de l'Ouganda ou du Kenya, ou d'ailleurs, donc ce qui arrive la plupart du temps, c'est que les convois de l'ONU se font attaquer. De même, pour ce qui est des postes de contrôle, tout dépendant des routes empruntées, on peut devoir traverser différents postes de contrôle qui ont des exigences différentes, donc elles changent tout le temps.
    Le gouvernement du Soudan du Sud change constamment ses exigences depuis des années, donc soudainement, ce qu'il semblait demander il y a un mois ne correspond plus nécessairement à la réalité. C'est très difficile.
    Est-ce que cela vous aide?
(1355)
    Oui. Cela nous aide, parce que ce sont des éléments très tangibles que nous pourrons intégrer à nos recommandations.
    Monsieur Pearson, vous avez parlé un peu plus tôt des mesures qui ont été discontinuées, de choses dont nous savions qu'elles fonctionnaient et que nous devons poursuivre. J'aimerais vous demander de poursuivre la réponse que vous avez donnée à mon collègue sur les enfants soldats. Il y avait un programme pour les enfants soldats qui a disparu, la campagne « Des enfants, pas des soldats ».J'aimerais avoir d'autres exemples concrets de choses qu'on pourrait continuer ou réinstaurer, à votre avis, comme un programme d'aide que nous pourrions nous engager à relancer.
    Pouvez-vous nous en parler, nous parler de tout ce qu'il vaudrait la peine de relancer ou de réaffirmer, que nous pourrions mentionner dans nos recommandations?
    Oui, c'est une excellente question.
    Je pense que M. Dallaire a beaucoup d'exemples à vous donner. Il s'est rendu au Soudan du Sud récemment et en est revenu avec des recommandations.
    Ce que j'essayais de dire, c'est que c'est un mécanisme, un cycle très complexe, ce que le sénateur Dallaire appelle une chaîne de montage pour conditionner les enfants soldats. C'est tout un écosystème. Ce que j'essayais de dire, c'est qu'il ne faut pas laisser les enfants mettre le pied dans l'engrenage au départ.
    Une fois qu'ils se sont fait prendre, comme c'est arrivé beaucoup pendant la guerre, ce peut être très difficile. Quand des jeunes filles vont vers ces groupes parce que leurs parents ne peuvent plus les nourrir, quelle que soit la raison, quand elles se retrouvent autour des soldats, les soldats les utilisent comme esclaves sexuelles. Ils leur demanderont de cuisiner. Le plus souvent, ils ne leur mettront pas de fusil entre les mains pour qu'elles tirent, mais cela devient un mécanisme de soutien pour l'armée.
    Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles ils en sont arrivés là, mais l'une des principales, c'est qu'ils ont manqué d'aide au développement. À cause de la guerre ou des déplacements de population, les enfants ne sont plus nourris dans leurs propres maisons, ils ne peuvent plus aller à l'école, les parents ne trouvent plus de médicaments. L'armée a tout cela, donc les enfants se retrouvent au service de l'armée.
    J'ai parlé aussi des jeunes hommes, et c'est un réel problème. Il n'y a pas de travail pour eux, ils n'ont pas accès à une véritable formation. Dans bien des régions, il n'y a pas d'école secondaire. La situation est très difficile, donc ils se retrouvent en gangs, se mobilisent, puis se déplacent. Si l'armée passe par là, ils joignent ses rangs. Encore une fois, cela ne veut pas dire que ces jeunes deviendront des combattants actifs, mais cela veut dire qu'ils pourront être utilisés pour nettoyer les armes, aller chercher des munitions, faire la cuisine, n'importe quoi.
    J'essaie d'encourager les gens à voir le développement comme un outil pour limiter le recrutement d'enfants soldats. Ils ne se font pas nécessairement kidnapper ou enrôler de force. Ces jeunes gravitent autour de l'armée, puis l'armée finit par les intégrer, tout simplement.
    Le développement pourrait mettre un frein à tout cela, si nous lui en donnions la chance.
    Merci, monsieur Pearson.
    Je vais donner la parole à M. Tabbara pour une minute et demie. Je sais qu'il a une question à poser.
    J'avais plus de questions, mais je vais me contenter de la dernière.
    Quels sont les projets du Canada qui connaissent de bons résultats, que nous pourrions poursuivre à court et à long terme au Soudan du Sud? Je sais que les possibilités en matière de développement sont un thème récurrent de votre témoignage. Pouvez-vous nous en parler encore un peu?
    Je pense qu'il y en a beaucoup. Pour protéger les droits de la personne et réagir aux véritables urgences, je pense que le Canada a le pouvoir de rassembler des équipes, de déployer rapidement des forces et d'autres ressources, de se rendre sur le terrain pour constater les besoins en matière de développement, puis d'aller chercher des partenaires et d'en parler.
    Mais à la place de tout cela — et c'est très important de le faire — nous sommes devenus membres de grandes coalitions qui travaillent ici à ce qui compte vraiment. Le Canada a vraiment des forces, particulièrement sur les enjeux qui touchent les femmes et l'environnement sur le terrain.
    Il s'agirait surtout de mettre l'accent sur nos succès, et si l'on croit qu'une école ou une clinique vont fermer, il faudrait se rendre sur le terrain, puis mobiliser nos partenaires du monde entier. Nous devons pouvoir dire: « Il faut qu'elles restent ouvertes, ou la défense des droits de la personne sera une cause perdue, parce que nous ne serons plus en mesure d'offrir des services. »
    Je pense que le Canada ne doit pas se limiter à financer des initiatives ou des ONG. Il doit faire preuve de leadership gouvernemental, rassembler les acteurs et dire: « Dans tel domaine, nos efforts portent vraiment fruit. Que pouvons-nous faire pour miser sur ces succès? »
    Il faut continuer nos projets et intensifier le développement.
    Sur ce, nous n'avons plus de temps.
    Je souhaite remercier nos témoins par téléconférence, M. Hopkins, ainsi que les Pearson, bien sûr, qui sont avec nous aujourd'hui et qui ont prononcé un témoignage très important devant le Comité sur un sujet absolument crucial.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU