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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 153 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 16 mai 2019

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

     Bonjour à tous. Il s'agit de notre deuxième séance dans le cadre de la Semaine de la responsabilisation de l'Iran, une semaine à laquelle prend part le Sous-comité des droits de la personne depuis 2012. C'est une semaine au cours de laquelle nous faisons témoigner des gens qui peuvent nous parler de la situation des droits de la personne en Iran et offrons une tribune à ceux qui défendent ces droits.
    Aujourd'hui, nous entendrons quatre témoins. Dans un premier temps, nous accueillons Mme Maryam Shafipour, en personne. C'est une défenseure iranienne des droits de la personne qui a été condamnée à sept ans de prison à la suite de fausses accusations, et elle milite depuis lors pour la libération des prisonniers politiques et pour les droits des étudiants. Elle a été libérée en 2015 et elle déploie aujourd'hui de grands efforts pour obtenir la libération d'autres prisonniers d'opinion en Iran.
    Ensuite, Mme Raheel Raza, présidente du Council for Muslims Facing Tomorrow et auteure du livre Their Jihad...Not My Jihad!, se joindra à nous par vidéoconférence depuis Toronto.
    Mme Ladan Boroumand, participera également à la séance par vidéoconférence à partir de Washington, D.C. Mme Boroumand est cofondatrice du Centre Abdorrahman Boroumand, qui se consacre à la promotion des droits de la personne et de la démocratie en Iran. Ce centre a créé une base de données en ligne à la mémoire des quelque 25 000 victimes de la répression du gouvernement iranien.
    Je suis également fière de dire qu'elle est, tout comme moi, membre du comité directeur du Mouvement mondial pour la démocratie.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins. Comme nous n'avons pas beaucoup de temps — nous avons moins d'une heure —, je demanderais à chacun de limiter son exposé à huit minutes. Nous enchaînerons ensuite avec une courte période de questions, au cours de laquelle chaque parti pourra poser une brève question.
    Je vais tout d'abord céder la parole à Mme Shafipour, qui est ici présente. Vous avez huit minutes. Allez-y, je vous prie.
     Je remercie le Parlement du Canada de m'avoir invitée. Je vais m'exprimer en persan.
    [Le témoin s'exprime en farsi et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier du fond du cœur le Parlement canadien pour son soutien et pour l'attention particulière qu'il porte aux violations des droits de la personne. Grâce à la campagne d'Amnistie Canada, j'ai pu être libérée après moins de deux ans. Je tiens à dire que ce soutien s'est avéré très utile.
    Les universités en Iran représentent une véritable menace aux yeux des autorités de la République islamique. Les étudiants sont considérés comme une menace. Les gens qui veulent aller à l'université risquent de se retrouver en prison. Si on juge qu'ils ne se comportent pas comme il se doit ou qu'ils sont trop indépendants, c'est suffisant pour qu'on les mette en prison.
    Lorsque j'avais 22 ans, j'ai été assignée à comparaître devant le tribunal. J'ai été condamnée à une peine d'emprisonnement d'un an, après quoi, je devais m'en tenir à des activités universitaires régulières et pacifiques sous peine de ne plus pouvoir étudier pour le reste de mes jours. Si des étudiants agissent ainsi au Canada, je suis sûre que vous les encouragez. Or, en Iran, nous sommes privés de ces droits.
    Deux ans après la révolution culturelle, des milliers d'étudiants n'avaient plus le droit de poursuivre leurs études. Des enseignants et des professeurs n'étaient plus autorisés à enseigner.
    Je suis allée à l'université. Je ne m'attendais pas à ce qu'on m'empêche d'étudier pour toujours. J'ai ensuite été arrêtée une deuxième fois, en 2013. J'ai été placée en isolement pendant 65 jours, dans des conditions sanitaires déplorables, où je subissais de terribles pressions psychologiques. Je n'ai pas eu droit à des soins médicaux pendant un an sur ordre des autorités judiciaires. Cela a eu des conséquences importantes pour ma santé et j'en souffre encore aujourd'hui. Je ne suis pas la seule personne dans cette situation. Narges Mohammadi avait de multiples problèmes de santé et, pourtant, elle est toujours emprisonnée. Beaucoup d'autres subissent le même sort. Malheureusement, on continue de nous priver des soins médicaux dont nous avons besoin.
    Abbas Jafari Dolatabadi, qui représente le procureur général de Téhéran, une des 19 personnes, se moquait de moi pendant que je souffrais. Il m'a demandé: « Crois-tu vraiment pouvoir sortir d'ici vivante? » Hélas, mon séjour en prison va me marquer à jamais, sans compter les pressions exercées sur ma famille et les torts psychologiques que j'ai subis.
    Le juge Salavati, une autre des 19 personnes à qui le gouvernement du Canada doit imposer des sanctions, était le juge chargé de mon dossier. Il est celui qui m'a condamnée à sept ans de prison. Il avait demandé à mon avocat de s'asseoir derrière moi, de sorte que je ne puisse pas voir ses yeux ni ses expressions faciales, ni recevoir la moindre aide. Mon avocat, Amir Salar Davoodi, a dû purger une peine de plus de six mois en isolement pour avoir collaboré avec des pays ennemis.
    Je pense qu'on pourrait éviter de telles crises au pays, pourvu que les établissements...
    En Iran, le système judiciaire est un outil d'oppression. Je pourrais vous parler du juge Salavati et des huit heures que j'ai passées devant son tribunal. J'ai été interrogée par un interrogateur professionnel. Il m'a averti que des mesures pouvaient être prises contre moi, car je menaçais le fondement de la République islamique d'Iran.
    Depuis la révolution, des milliers de personnes sont tuées en Iran pour leurs opinions politiques, religieuses ou ethniques. Dans les années 1980, des milliers de personnes ont été exécutées, et la semaine dernière, c'était l'anniversaire de l'exécution de cinq prisonniers kurdes. Non seulement les dépouilles de ces personnes n'ont pas été rendues à leur famille, mais après dix ans, on n'a même pas permis aux familles de savoir où les corps étaient enterrés.
    Les enterrements de masse dont nous entendons parler en Syrie et les exécutions massives perpétrées par le gouvernement de Bachar al-Assad ou Daech rappellent de mauvais souvenirs au peuple iranien tué pour ses opinions il y a 40 ans. Les familles sont même privées de leur droit de faire leur deuil.
    L'autre chose que je pourrais souligner à propos de la République islamique, c'est que les prisonniers et leurs familles sont toujours punis ensemble. Sur ordre de l'imam Khomeini, depuis le début de la révolution islamique il y a 40 ans, les biens des victimes — que ce soit des baha'is, des minorités ethniques ou des minorités religieuses — ont été saisis et confisqués. En raison de ses opinions, un couple condamné à 15 ans d'emprisonnement a récemment vu ses maisons et ses magasins confisqués et ses enfants se retrouver seuls, sans tuteurs légaux.
    Merci.
(1310)
    Je vous remercie pour votre courage, et notre comité est très heureux que vous puissiez être ici pour nous aider à faire la lumière sur cette situation.
     Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre notre première témoin par vidéoconférence. Madame Raheel Raza, vous disposez de huit minutes. La parole est à vous.
    Pour une septième année consécutive, la Semaine de la responsabilisation de l'Iran se déroule cette semaine à Ottawa. Je tiens à remercier l'ancien ministre de la Justice, l'honorable Irwin Cotler, ainsi que tous les députés qui ont appuyé ses efforts pour que cette semaine soit reconnue.
    Au cours des sept dernières années, les comités parlementaires ont entendu les témoignages de nombreuses victimes du régime iranien. Ces témoignages n'ont fait que confirmer que l’Iran est clairement l’un des acteurs les plus malveillants de la communauté internationale.
    L'Iran est un leader en matière de terrorisme international parrainé par l'État et abrite des milliers d'individus responsables des pires violations des droits de la personne sur la planète. Le régime iranien a été complice du massacre de centaines de milliers de Syriens par le président al-Assad, a exécuté et torturé des dizaines de milliers de ses citoyens et continue d'orchestrer des attentats à la bombe et des assassinats dans les pays occidentaux. L'Iran occupe également le premier rang dans le monde au chapitre de l'exécution de mineurs et est responsable de l'arrestation, de la torture et de l'assassinat de citoyens canadiens.
    La semaine dernière, vous avez entendu plusieurs femmes iraniennes extrêmement courageuses qui se sont opposées à ce régime.
    Je suis venue ici aujourd'hui pour essayer de renforcer leur message. J'ai travaillé avec des groupes de femmes du monde entier pour faire valoir les droits des femmes qui ont souffert de l'extrémisme islamiste.
    Contrairement à leurs homologues occidentales, ces femmes ne se battent pas pour l'inclusion ou l'équité, mais pour leur vie — et pour les droits de la personne les plus fondamentaux.
    L'an dernier, dans un article que j'ai coécrit avec Danny Eisen de la Coalition canadienne contre le terrorisme, nous avons réfléchi à ce que le mouvement #MoiAussi, si populaire en Occident, pourrait signifier en République islamique d'Iran.
    Je cite:
#MoiAussi — je suis l'une des milliers de femmes iraniennes à avoir été violées par le personnel carcéral du régime avec le consentement des autorités gouvernementales.
#MoiAussi — je suis l'une des milliers d'Iraniennes à avoir été flagellées pour des prétendus crimes liés à un comportement qu'on qualifiait d'« inapproprié ».
#MoiAussi — je suis une femme ou une fille iranienne qui peut être assassinée par des hommes de sa famille qui s'en tireront impunément en vertu du droit iranien.
     Ces femmes qui ont comparu devant vous ont clairement démontré la dignité que la politique d'aide internationale féministe du gouvernement canadien vise pour les femmes partout dans le monde. Je crois que le Canada devrait maintenant afficher ces mêmes convictions.
    À cet égard, je partage l’avis du sénateur Housakos, qui a déclaré la semaine dernière que la Semaine de la responsabilisation de l’Iran ne consiste pas uniquement à demander des comptes à l’Iran; nous devons également rendre des comptes. Le sénateur, à mon avis, a tout à fait raison.
    Si le Parlement mérite d'être félicité pour avoir permis à ces femmes de dénoncer publiquement les cruautés du régime iranien, ce n'est pas en écoutant ces récits sans prendre de mesures concrètes qu'il tiendra le régime responsable de ses actes. Autrement, on ne peut pas affirmer en toute honnêteté que nous avons respecté les normes les plus élevées relativement aux convictions que nous avons déclarées publiquement.
    La République islamique d'Iran s'est montrée implacable à l'égard de ses valeurs, au prix d'un coût financier et politique considérable pour le régime, en continuant de réprimer les minorités, d'exécuter des mineurs et de promouvoir le terrorisme dans le monde entier. Nous ne devons pas être moins assidus que le régime lorsqu'il s'agit de donner suite aux engagements que nous avons pris.
    Dans son plan ministériel de 2018-2019, Affaires mondiales Canada s'est publiquement engagé à tenir l'Iran responsable de ces graves violations des droits de la personne et à imposer des sanctions sévères au régime. Cependant, malgré le réseau mondial d'activités malveillantes de Téhéran et son piètre bilan au chapitre du respect des droits de la personne, aucun contrevenant relevant du régime n'a été sanctionné en vertu de la loi canadienne de Sergueï Magnitski. Je pense notamment aux personnes désignées par le Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne comme ayant été impliquées dans l'arrestation, la torture et le meurtre de Canadiens.
    Pourquoi le Canada a-t-il inscrit sur la liste Magnitski des contrevenants vénézuéliens, russes, birmans et saoudiens, alors qu'il accorde un passe-droit au régime iranien? Qu'en est-il des sanctions rigoureuses promises par Affaires mondiales?
    De même, le 12 juin 2018, le Parlement a adopté une motion demandant au gouvernement canadien d'ajouter immédiatement le Corps des Gardiens de la révolution islamique à la liste des entités terroristes établie en vertu du Code criminel.
     Le Corps des Gardiens de la révolution islamique doit assurément figurer sur cette liste. Depuis sa création, cette brigade soutient et commet directement des actes qui constituent des activités terroristes en vertu du droit canadien. Les tribunaux canadiens se sont récemment penchés sur cette question dans le cadre d'une poursuite intentée par des victimes du terrorisme. En s'appuyant sur les conclusions de fait et de droit, les tribunaux ont tranché en faveur des victimes et confirmé la culpabilité de l’Iran et du Corps des Gardiens de la révolution islamique en ce qui concerne le parrainage du terrorisme.
(1315)
     Cet ajout à la liste a également été réclamé par des Canadiens distingués comme Irwin Cotler, Bob Rae et de nombreux autres députés de différentes allégeances. Or, cela fait maintenant presque un an que cette motion a été adoptée au Parlement, et le Corps des Gardiens de la révolution islamique n'a toujours pas été ajouté à la liste.
    Si, pour une raison que j'ignore, les tribunaux et MM. Cotler et Rae ne réussissent pas à nous convaincre de l'utilité d'une telle liste, peut-être devrions-nous tout simplement nous intéresser davantage au chef suprême de l'Iran, Ali Khamenei, qui a dit très simplement: « Si un jour cette brigade [le Corps des Gardiens de la révolution islamique] cesse d’exister dans notre société, l’autorité de notre révolution islamique s'effondrera ». De toute évidence, le Corps des Gardiens de la révolution islamique est un élément clé de l'Iran, car il permet au régime de persécuter et d'opprimer son peuple, et nous ne devrions pas lui donner les moyens d'agir en ne considérant pas cette entité pour ce qu'elle est: une organisation terroriste.
    J'aimerais terminer en parlant des témoignages de la semaine dernière qui semblaient exhorter le Canada à faire preuve de patience dans ses rapports avec le régime iranien. On semblait dire que l'inscription du Corps des Gardiens de la révolution islamique pourrait être secondaire par rapport à d'autres options politiques. Personnellement, la patience dans cette affaire n'est ni une vertu ni une stratégie tactique efficace en ce qui concerne les sanctions contre l'Iran et l'ajout de cette brigade à la liste. Sur quel principe se fonde-t-on? Doit-on faire preuve de patience face aux exécutions, aux amputations forcées, aux flagellations et au terrorisme que l'on voit tous les jours dans les prisons dirigées par le Corps des Gardiens de la révolution islamique? Doit-on être patient à l'égard de l'État qui parraine l'antisémitisme et le déni de l'Holocauste et qui incite au génocide des Juifs? Pendant combien de temps encore l'Occident tolérera-t-il que cette brigade détienne des ressortissants occidentaux en Iran et leur fasse subir des atrocités? Pendant combien de temps encore les baha'is devront-ils endurer la souffrance, lesquels, comme l'a décrit le journaliste Terry Glavin, ne sont pas considérés comme des « personnes » au sens de la loi iranienne ?
    Ceux d'entre nous qui exhortent les législateurs canadiens à sanctionner ce régime ne font pas preuve d'intempérance. Nous acceptons simplement la réalité historique qu'aucune instance ni aucune mesure extraordinaire de la part du monde occidental au cours des 40 dernières années n'a eu une incidence sur les outrages de ce régime. L'Iran a amplement prouvé qu'il ne peut être corrompu, persuadé ni intimidé pour renoncer à son engagement de principe à l'égard des atrocités, et ce, même au détriment de son intérêt national. Le seul précédent réel que nous avons pour au moins limiter l'agression iranienne, ce sont les sanctions prolongées et paralysantes qui ont menacé l'existence même de la révolution islamique iranienne et amené l'Iran à la table des négociations sur le programme nucléaire.
    J'espère sincèrement que d'ici la huitième édition de la Semaine de la responsabilisation de l'Iran, l'an prochain, la patience canadienne, qui a été mise à rude épreuve pendant de nombreuses années, sera remplacée par des principes et que le Corps des Gardiens de la révolution islamique, qui constitue l'épine dorsale de l'oppression en Iran, sera inscrit sur la liste des entités terroristes en vertu du Code criminel.
    Merci.
(1320)
    Merci beaucoup, madame Raza.
    Notre prochain témoin est Mme Ladan Boroumand, qui participera à la séance depuis Washington, D.C.
    La parole est à vous.
    Au nom du Centre Abdorrahman Boroumand pour les droits de la personne, j'aimerais remercier les honorables députés de l'intérêt qu'ils portent à la situation des droits de la personne dans notre pays.
    Puisque notre centre défend le droit à la vie de tous les êtres humains, nous souhaitons attirer votre attention sur le mépris total de la magistrature de la République islamique à l'égard de ces droits fondamentaux. En 2018, le Centre Abdorrahman Boroumand a recensé 253 exécutions, dont celle de quatre enfants délinquants. De plus, ce nombre ne tient pas compte des exécutions secrètes qui ont lieu en Iran.
    En outre, chaque année, on rapporte de nombreux décès attribuables à la négligence ou à la violation active des droits de la personne et des procédures par les forces de sécurité ainsi que par les autorités carcérales ou judiciaires. Le gouvernement n'autorise aucune enquête indépendante sur ces décès suspects. En 2018, nous avons recensé 30 décès en détention attribués à la négligence des autorités pénitentiaires et à l'absence de soins médicaux, à la torture ou à des altercations avec des gardiens de prison. Quarante-neuf porteurs non armés transportant des marchandises entre l'Iran et les pays voisins ont été abattus par des gardes-frontières. Cinquante-et-une personnes ont été victimes de l'utilisation abusive d'armes à feu lors d'affrontements avec les forces de sécurité. Outre les 253 exécutions signalées, 130 personnes ont perdu la vie lors d'exécutions extrajudiciaires ou en détention. À ces chiffres, il faut ajouter huit suicides en prison. L'une des victimes était l'environnementaliste canado-iranien Kavous Seyed-Emami. Qu'ils soient forcés ou volontaires, les suicides en prison témoignent de l'absence d'une procédure régulière, du recours systématique à la torture et de conditions de détention difficiles, lesquels devraient tous faire l'objet d'une surveillance internationale.
    En 2019, on a rapporté 66 exécutions et 51 cas d'exécutions extrajudiciaires, de décès en détention et d'utilisation abusive d'armes à feu. Ces statistiques sont abominables et tragiques. C'est pourquoi il faut remettre en question les lois et les mécanismes judiciaires qui les permettent.
    En République islamique d'Iran, 200 crimes sont passibles de la peine de mort, dont l'apostasie, l'adultère, la consommation d'alcool, l'homosexualité, le viol et des crimes vaguement définis comme « le fait de répandre la corruption sur Terre » et « l’inimitié à l'égard de Dieu ». Le code pénal n'est pas le seul problème. Le système judiciaire souffre de lacunes systémiques. En 1979, le pouvoir judiciaire moderne et indépendant de l'Iran est devenu la cible principale de ses nouveaux dirigeants révolutionnaires. Peu de temps après, un comité de cinq membres a été créé pour purger le système judiciaire des éléments indésirables. Les juges devaient être recrutés parmi des hommes qui étaient des enfants légitimes, qui avaient un engagement réel à l'égard de l'islam et qui étaient fidèles à la République islamique. Pratiquement n'importe qui pouvait être embauché comme juge et obtenir la permission du conseil supérieur de la magistrature. Les étudiants des séminaires qui avaient des connaissances générales équivalentes à un diplôme d'études secondaires étaient employés comme juges ou affectés aux bureaux des procureurs ou aux tribunaux révolutionnaires. En 1989, la magistrature comptait environ 2 000 nouveaux juges formés dans les séminaires théologiques, dont beaucoup avaient remplacé des juges formés dans des facultés de droit.
    Le risque d'incompétence des juges n'est pas le seul problème auquel les défenseurs sont confrontés. Aux termes de la Constitution de la République islamique, les juges n'ont aucune indépendance et exercent leurs fonctions de manière arbitraire, à la discrétion du chef suprême. Le chef suprême nomme le chef du pouvoir judiciaire, qui est la plus haute autorité judiciaire du pays. Le chef du pouvoir judiciaire peut nommer, promouvoir et destituer des juges conformément à des lignes directrices juridiques vaguement définies. Il est habilité à retirer un juge d'une affaire sans son consentement si c'est dans l'intérêt de la société.
    Pire encore, la loi lui donne le pouvoir d'invalider le verdict du tribunal qui a été approuvé par la Cour suprême s'il estime qu'il va à l'encontre de la charia. Or, tout est une question d'opinion et d'interprétation. Outre cette lacune structurelle, il importe d'ajouter la violation systémique du droit de l'accusé à la présomption d'innocence et à une enquête en bonne et due forme, ainsi que de sévères restrictions au travail des avocats de la défense, dont beaucoup sont réduits au silence et condamnés à de longues peines d'emprisonnement pour avoir défendu les droits de leurs clients et rendu publique la violation des procédures régulières.
(1325)
     Les aveux obtenus sous la torture et d'autres méthodes de contrainte sont acceptés par les juges dans le cadre d'une enquête. Il reste à voir comment ces déficiences systémiques épouvantables se traduisent dans la réalité et façonnent le sort des individus pris sous l'emprise du système judiciaire.
     La base de données Omid du Centre Abdorrahman Boroumand pour les droits de la personne compte plus de 24 000 victimes, qui ont toutes été privées de leur droit à l'application régulière de la loi et à un procès équitable conformément aux lois internationales en matière de droits de la personne.
    Comme il y a bien d'autres cas semblables, j'attire votre attention sur l'histoire de deux des victimes des exécutions de 2018. Zanyar et Loghman Moradi, deux jeunes citoyens kurdes iraniens, ont été arrêtés en août 2009 pour le meurtre présumé du fils d'un religieux et de deux de ses compagnons. Élevé par ses grands-parents en Iran, Zanyar était le fils du célèbre activiste politique kurde en exil Eqbal Moradi, qui vivait dans le Kurdistan irakien. Eqbal a été la cible de deux tentatives d'assassinat, en 2008 et 2018. La deuxième, qui a eu lieu en juillet 2018, a entraîné sa mort.
    Avant son arrestation, Zanyar avait été convoqué à de nombreuses reprises à l'administration de l'information de Sanandaj. On lui avait demandé de collaborer à l'enquête visant à arrêter son père. On a torturé et maltraité Zanyar et son cousin Loghman pour les forcer à avouer le meurtre en question.
    En décembre 2010, la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran les a condamnés à la mort par pendaison pour « inimitié à l'égard de Dieu », une accusation portée contre eux en raison de leur implication présumée dans ce meurtre. Le procès n'a apparemment duré que 20 minutes. Les témoins de la défense qui se trouvaient sur les lieux du crime et qui avaient vu les agresseurs, qui ne ressemblaient en rien aux cousins Moradi, n'ont pas été entendus par le tribunal. Ces derniers n'ont pas eu droit à un avocat, que ce soit avant ou pendant le procès.
    Au cours du procès, Zanyar et Loghman ont tous deux nié les accusations et expliqué que la torture les avait amenés à avouer des crimes qu'ils n'avaient pas commis. La Cour suprême a par la suite confirmé leur condamnation, et aucune enquête n'a été menée sur les allégations de torture. En réponse à ses objections à la torture, les responsables de la prison avaient alors dit à Zanyar: « C'est un jeu politique. Quand ton père agit contre nous, il doit s'attendre à ce que ce genre de chose s'ensuive. »
    En effet, il s'agissait d'un jeu politique sanguinaire, comme en témoigne l'exécution soudaine de Zanyar, Loghman et d'un autre jeune homme kurde iranien innocent, Ramin Hossein Panahi, qui a eu lieu quelques jours seulement après qu'un groupe armé kurde eut annoncé qu'il avait abattu au moins cinq des 10 gardes révolutionnaires qui se trouvaient à bord d'une voiture.
    Les autorités de la République islamique retiennent les dissidents en otages et les font payer pour les crimes que d'autres ont commis. L'administration de la justice n'est pas la fonction première du pouvoir judiciaire de la République islamique d'Iran. Cette institution ne respecte même pas les lois injustes du pays, comme le prouve la persécution continue des avocats. Le pouvoir judiciaire...
    Pourrais-je vous demander de conclure? Vous avez un peu dépassé le temps qui vous était alloué.
    J'ai encore quelques points.
    Le pouvoir judiciaire semble faire partie d'un arsenal destiné à semer la peur chez les citoyens et à les contraindre à se soumettre, comme en témoigne le sombre curriculum vitae du nouveau chef du système judiciaire iranien, Ebrahim Raisi, qui a joué un rôle important dans le massacre des prisonniers politiques de 1988. Plusieurs experts internationaux renommés dans le domaine des droits de la personne, du droit pénal et du droit international ont accusé Raisi de crimes contre l'humanité.
    Dirigé par un homme qui a à son actif des crimes contre l'humanité, le système judiciaire de la République islamique est plutôt un système arbitraire qui perpétue les crimes d'État. La communauté internationale a le devoir de tenir cet homme et l'institution responsables de leurs actes.
    Merci beaucoup.
(1330)
    Merci beaucoup. Je suis désolée de devoir être stricte quant au temps alloué. Nous avons quatre témoins et seulement une heure pour les entendre.
    D'ailleurs, nous accueillons maintenant notre quatrième témoin, M. Payam Akhavan, qui est professeur à l'Université McGill, un collaborateur émérite au Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne, et le cofondateur du Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran.
    M. Akhavan, qui est de foi baha'ie, a fui l'Iran avec sa famille dans les années 1970.
    Vous disposez de huit minutes. Allez-y, je vous prie.

[Français]

     Madame la présidente, honorables membres du Comité, j'aimerais vous remercier de cette invitation. Je regrette de ne pas pouvoir être à Ottawa avec vous.
    Je vais commencer par parler du cas de ma chère collègue Nasrin Sotoudeh, qui reflète la réalité de la lutte pour les droits de la personne en Iran, en particulier le rôle important des femmes.

[Traduction]

    Le 11 mars dernier, lors d'une brève conversation téléphonique, Mme Sotoudeh a informé son mari, Reza Khandan, que la 28e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran l'avait condamnée à 33 ans de prison et à 148 coups de fouet. Elle avait déjà été condamnée par contumace à cinq ans en juin 2018, ce qui lui fait au total 38 ans de réclusion si elle purge ses deux peines consécutivement. Son mari a également été condamné en janvier 2019 à six ans d'emprisonnement, en partie pour avoir donné des nouvelles de son épouse sur Facebook.
    Les présumés crimes pour lesquels Mme Sotoudeh a été emprisonnée, aujourd'hui et dans le passé, donnent un bon aperçu de l'idéologie de la République islamique d'Iran. Parmi les crimes dont on l'a accusée, mentionnons la défense du droit des femmes et des filles d'être traitées avec dignité et égalité; la dénonciation des injustices de la peine de mort, y compris de l'exécution de mineurs; la défense des prisonniers politiques; la défense de la minorité baha'ie persécutée; la revendication de la liberté de conscience et de croyance; et le militantisme en faveur d'une plus grande transparence et reddition de comptes de la part des tenants du pouvoir.
    D'après des notes manuscrites de Mme Sotoudeh sur le verdict rendu le 19 février, le tribunal révolutionnaire aurait fondé sa décision sur un rapport du ministère du Renseignement iranien, et je cite: « concernant le regroupement et la collusion dans le but de commettre un crime contre la sécurité nationale, l'appartenance à un groupe qui se livre à des activités contre l'État, la promotion de la corruption et de la prostitution, la perturbation de l'ordre et de la paix publiques, la publication de faussetés dans le but de troubler l'opinion publique et le fait de s'afficher en public sans le hidjab islamique ».
    Autrement dit, au-delà des graves entorses à l'application régulière de la loi, l'Iran a criminalisé la défense des droits de la personne, en particulier par une avocate réputée qui ose s'attaquer à la discrimination sexiste institutionnalisée qui fait partie intégrante de l'idéologie de l'État.
    Il y a quelques jours, soit le 3 mai dernier, une autre avocate célèbre, Narges Mohammadi, a quitté la prison d'Evin pour être transportée d'urgence à l'hôpital de Téhéran. Selon son mari, Taghi Rahmani, les médecins estimaient qu'elle « devait subir une hystérectomie et demeurer sous surveillance à l'hôpital... ». Mais les autorités de la prison n'ont pas autorisé son séjour. » Il a aussi indiqué qu'« après avoir réalisé une radiographie de ses poumons [...] les médecins ont remarqué un caillot de sang qui pourrait poser des risques », mais encore une fois, les autorités n'ont pas tenu compte des recommandations.
    La guerre contre les militantes ne se limite pas à ces deux championnes renommées des droits de la personne. Il y a à peine trois jours, le 13 mai, les tristement célèbres forces paramilitaires Basij s'en sont prises à une manifestation pacifique pour les droits des femmes à l'université de Téhéran. Les slogans scandés étaient très éloquents, par exemple « Les étudiants préfèrent mourir plutôt que d'être humiliés », « Le chômage, l'esclavage, le port obligatoire du hidjab pour les femmes » et « Réformistes, conservateurs, la partie est terminée ».
    Comme l'a mentionné ma collègue, Mme Boroumand, quelques jours à peine avant la condamnation de Nasrin Sotoudeh, le chef suprême, Ali Khamenei, avait nommé l'ancien candidat à la présidence Ebrahim Raisi au poste de juge en chef de l'Iran. Ce partisan de la ligne dure a notamment siégé à la fameuse commission de la mort responsable de l'exécution massive d'environ 5 000 prisonniers politiques en 1988. Au lieu d'être poursuivi pour crimes contre l'humanité, il a plutôt été promu à la tête de l'appareil judiciaire. Il y a même des rumeurs selon lesquelles il pourrait devenir le successeur de Khamenei. Cela en dit long sur ce régime. Il n'est donc pas surprenant qu'au lieu de protéger les droits de la personne, le système judiciaire iranien soit un instrument d'injustice et d'oppression.
    En 2016, Raisi a été nommé directeur de la fondation Astan Quds Razavi, une caisse noire dont l'actif dépasse les 20 milliards de dollars.
(1335)
     Cela fait partie de la roue de la corruption dont se sert le gouvernement pour enrichir les proches du pouvoir. C'est ce qui permet de rémunérer les hommes de main de Basij qui s'en prennent aux manifestants pacifiques, comme ce fut le cas à l'Université de Téhéran.
    La cote de 28 sur 100 accordée à l'Iran dans l'Indice de perception de la corruption de 2018 publié par l'organisme Transparency International place l'Iran au 138e rang sur 180 pays. Une bonne partie de l'argent de la corruption est blanchi ici même au Canada dans l'immobilier à Toronto et à Vancouver, où les initiés du régime solidifient leur présence et achètent de l'influence dans de nombreux quartiers du Canada.
    Dans son témoignage livré au Comité la semaine dernière, mon estimée collègue Mme Shirin Ebadi a souligné l'importance pour le Canada d'adopter des mesures afin de ne pas se faire complice de cette corruption. D'ailleurs, il y a un lien intrinsèque entre cette corruption endémique et les idéologies extrémistes dont l'objectif est de maintenir le statu quo et d'empêcher l'émergence d'un régime de gouvernance plus transparent et responsable qui menacerait les privilèges de l'élite politique.
    Fait à noter, le 11 mars, le jour même où Mme Sotoudeh a informé son mari qu'elle avait reçu une peine d'emprisonnement de 33 ans, l'Iran a été nommé à la Commission de la condition de la femme de l'ONU. La politique étrangère féministe du Canada est à la croisée des chemins: d'un côté, il y a les défenseurs des droits de la personne, les leaders de l'Iran au plan moral, des gens comme Mme Sotoudeh, Mme Mohammadi et Mme Ebadi, et, de l'autre, il y a ceux qui les oppressent, qui s'accrochent au pouvoir et cherchent à redorer l'image de la République islamique, autant à l'ONU qu'ici même au Canada. L'instauration d'un gouvernement qui traite les femmes de façon égalitaire et digne et au sein duquel elles peuvent jouer un rôle de leader en matière de morale pour remplacer l'idéologie haineuse et misogyne par une culture de respect des droits de la personne serait une solution beaucoup plus saine que la perspective d'une guerre et de violences dans la région, car ces dernières auraient des conséquences potentiellement désastreuses.
    Lorsqu'elle a été condamnée à la prison en janvier 2011, Mme Sotoudeh a écrit une lettre touchante à ses enfants, Nima et Mehraveh, qui avaient alors 3 ans et 11 ans. « Je veux que vous sachiez, écrivait-elle, que, en tant que femme, je suis fière de la lourde peine qu'on ma donnée et je suis honorée d'avoir défendu ceux qui font la promotion des droits de la personne. Les efforts soutenus des femmes ont finalement montré que [...] les femmes ne pourront plus être ignorées. »
    Dans une autre lettre, elle a écrit ceci à ses enfants: « Mon souhait était de défendre les droits de la collectivité, particulièrement ceux de mes enfants, et de me battre pour l'avenir de ces derniers [...] Je crois que ma famille et celle de mes clients n'auront pas souffert en vain au cours des dernières années. La justice survient exactement au moment où la plupart des gens ont perdu espoir. »
    À la suite de l'annonce de l'emprisonnement de Nasrin Sotoudeh en mars, le président français, Emmanuel Macron, l'a nommée au Conseil consultatif sur l'égalité des sexes du G7. Conformément à sa politique étrangère féministe, le Canada devrait prendre des mesures similaires afin d'indiquer clairement au peuple iranien que le pays est du bon côté de l'histoire, qu'il soutient les femmes courageuses qui sont des leaders sur le plan moral et qu'il veut un avenir meilleur pour l'Iran. Le Canada pourrait peut-être même aller plus loin et accorder la citoyenneté honoraire à Mme Sotoudeh à titre d'étrangère au mérite exceptionnel, ce qui serait un symbole mondial d'une conception différente du pouvoir.
    Merci beaucoup.
(1340)
    Merci beaucoup.
    Je souhaite remercier les quatre témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
    Nous avons tout juste le temps de prendre trois courtes questions de quatre minutes chacune. Nous allons commencer par M. Sweet.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je vais tenter d'être aussi bref que possible.
    Madame Shafipour, je ne peux imaginer le tourment que vous avez vécu, mais je voulais obtenir quelques précisions. J'ai bien écouté l'interprétation de votre discours.
    Vous avez été emprisonnée deux fois, on vous a torturée et on ne vous a pas donné accès à des soins médicaux alors que vous en aviez besoin. Vous avez également mentionné qu'une des raisons de votre libération était la campagne internationale d'information concernant votre situation. Est-ce exact?
    Oui.
     Le caractère délicat de ce genre de situations est parfois soulevé lors des réunions du comité, mais, dans le cas de l'Iran, publiciser autant que possible la situation vécue par les personnes incarcérées est souvent bénéfique.
    Je voulais également porter quelque chose à l'attention de mes collègues. Vous avez mentionné que le juge qui a prononcé votre peine était Abolghassem Salavati. Est-ce exact?
     Oui.
    Nous avons ici la preuve vivante des peines d'emprisonnement et de la torture infligées par l'une des 16 personnes qui figurent sur la liste du rapport du centre Raoul Wallenberg et qui pourraient être les premières personnes à être sanctionnées au moyen des lois de Magnitski. Je crois que votre présence aujourd'hui aura été très bénéfique, car elle nous a permis de mettre un visage sur les statistiques et de mieux comprendre ce qu'elles signifient concrètement.
    Professeur Akhavan, il y avait longtemps que je ne vous avais pas vu. Je me souviens que, il y a sept ans, vous aviez déjà fait part de vos préoccupations concernant le réseau sophistiqué de blanchiment d'argent mené dans l'ensemble du Canada au profit du régime iranien et que vous aviez mentionné que quelques arrestations avaient été effectuées.
    J'ai seulement quatre minutes. Brièvement, en quoi cela est-il important pour les droits de la personne? Qu'est-ce qui fait que l'application des lois au Canada aura un effet bénéfique sur la défense des droits de la personne en Iran?
    Comme je l'ai mentionné, monsieur Sweet, il existe un lien intrinsèque entre la corruption extrême caractéristique du régime et son recours à une idéologie extrémiste, ainsi qu'à la violence pour se maintenir au pouvoir.
    Le Canada est devenu une destination de choix pour une bonne partie de cet argent sale. Sans surprise, cela favorise et encourage les violations des droits de la personne, en plus de permettre l'établissement de réseaux d'influence qui peuvent être utilisés pour faire taire et intimider les personnes qui font la promotion des droits de la personne. Bon nombre de mes collègues n'osent pas prendre la parole en public au Canada, parce qu'ils ont de la famille en Iran et que les réseaux d'espionnage au Canada les forcent au silence par l'intimidation. Il faut penser à toutes les facettes de cet enjeu.
    Si j'ai le temps, je reviendrai à vous.
    Madame Raza, je suis heureux de vous revoir. Vous semblez vous porter mieux; j'espère que c'est le cas.
    Vous avez mentionné qu'il faudrait désigner la Brigade des Gardiens de la révolution islamique comme étant une organisation terroriste et que les 16 personnes dont le nom figure dans le rapport du centre Raoul Wallenberg devraient être sanctionnées au moyen des lois de Magnitski.
    Considérez-vous, à l'instar du professeur Akhavan, que les forces de l'ordre canadiennes devraient s'attaquer davantage au blanchiment d'argent mené au Canada par le régime iranien? Croyez-vous que ce serait une mesure efficace pour le Canada afin de réduire les violations des droits de la personne?
    Oui, absolument. Je suis tout à fait d'accord avec le professeur Akhavan sur tous les points. Je crois que le blanchiment d'argent est un aspect très important, car c'est ce qui alimente l'extrémisme qui fait rage et finance les institutions, les organismes et les mosquées sous l'égide du régime.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à Mme Khalid, qui a quatre minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins de leur courage incroyable. J'ai toujours pensé que la façon de déterminer la moralité d'un pays et sa progression en tant que démocratie était d'examiner la façon dont il traite les minorités, les femmes et les personnes handicapées. Malheureusement, force est de constater que, depuis toutes ces années où nous tenons la Semaine de responsabilisation de l'Iran, la situation là-bas ne s'est pas du tout améliorée. Je vous remercie de votre courage et des actions que vous entreprenez.
    Professeur Akhavan, M. Sweet a brièvement parlé des sanctions prévues par les lois de Magnitski et de la possibilité d'y avoir recours. D'autres témoins ont également affirmé au Comité que l'utilisation de telles sanctions d'application générale touchait surtout le peuple iranien plutôt que les gens qui violent les droits de la personne.
    Pourriez-vous nous dire, professeur, quelle serait l'utilité des lois de Magnitski dans un cas comme celui de l'Iran?
(1345)
    Je voudrais d'abord souligner qu'il y a une différence entre les sanctions collectives, qui touchent l'Iranien moyen, et les sanctions ciblées, qui visent les centres de pouvoir et d'influence. Je suis conscient que les sanctions sont souvent un moyen élémentaire d'intervention, mais je crois que nous devrions envisager des sanctions ciblées, qui soutiendraient les populations déjà mal en point en Iran plutôt que de les marginaliser davantage, car elles peinent vraiment à survivre.
    Cela dit, je crois sincèrement que l'idée est de punir les violations aux droits de la personne au lieu de se contenter des résolutions adoptées annuellement par l'Assemblée générale des Nations unies. Lorsqu'on fait payer le prix aux personnes qui profitent de la criminalité systémique, je crois qu'on permet à la société civile et aux forces progressistes en Iran de commencer à prendre leur place.
    Merci de le mentionner.
    Je sais qu'il faut une pression importante de la communauté internationale sur le régime, pression qu'elle exerce d'ailleurs depuis quelques années.
     Madame Boroumand, le Canada n'entretient pas vraiment de relations diplomatiques avec l'Iran, en fait, il n'en entretient pratiquement aucune. Comment pourrait-il alors exercer une pression sur ce pays? Comment peut-il négocier? Comment le Canada peut-il donner au peuple iranien les ressources dont il a besoin pour combattre ceux qui violent les droits de la personne?
    Je vous prie de répondre en 30 secondes.
    En fait, les sanctions ciblées contre les coupables de violations des droits de la personne n'ont pas seulement un effet dissuasif, elles remontent également le moral de ceux qui luttent sur le terrain. L'une des tactiques du système totalitaire est de faire en sorte que les militants et les dissidents se sentent complètement isolés, dans leur pays et sur la scène internationale.
    Lorsqu'un gouvernement comme celui du Canada, qui accueille un grand nombre de migrants iraniens, cible les auteurs de violations des droits de la personne, c'est bon pour le moral des autres Iraniens, ne serait-ce que sur le plan psychologique. Le chef du pouvoir judiciaire devrait faire l'objet de sanctions individuelles pour violations flagrantes des droits de la personne. Je me demande même s'il est possible de considérer le système judiciaire comme une institution et de l'accuser d'être une grande source systémique de violations des droits de la personne. Voilà la question.
    Merci beaucoup.
    Madame Hardcastle, vous avez quatre minutes pour poser des questions.
    Merci à vous tous. J'entre immédiatement dans le vif du sujet en raison des contraintes de temps.
    Des sanctions ciblées et un soutien ciblé: c'est ce que je retiens. Mme Shafipour a raconté que l'avocat qui l'a défendue est maintenant en prison. Mme Boroumand vient de nous parler de cibler le système judiciaire. Y a-t-il des moyens encore inutilisés que le Canada devrait étudier afin de se concentrer sur le système judiciaire?
    Je sais qu'un examen périodique aura lieu en novembre prochain. À mon avis, ce serait le bon moment de monter un dossier et de faire connaître cette situation. J'aimerais avoir vos suggestions en quelques minutes sur la façon de cibler le système judiciaire tout en appuyant ses membres en première ligne qui aident à défendre les droits de la personne.
    Madame Shafipour, voulez-vous prendre la parole en premier?
(1350)
    [La témoin s'exprime en farsi et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'insiste sur le fait que des sanctions ciblées contre le personnel judiciaire et les agents de sécurité en Iran pourraient être très efficaces. La sanction contre les Gardiens de la révolution a fait en sorte qu'ils n'ont pas participé directement à la répression des manifestants au début de 2018. Ils ne se trouvaient pas en première ligne. Auparavant, les Gardiens de la révolution adoptaient fièrement le rôle d'intimidateurs dans les actes de répression. Ils ont changé leur comportement après avoir reçu la sanction.
    Merci.
    Madame Boroumand, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui. Comme M. Akhavan le sait très bien, les juristes ont analysé le crime contre l'humanité commis par M. Raisi en 1988. Ils ont déterminé quelques options que le Canada pourrait appuyer pour soumettre l'affaire à une cour internationale plus importante, comme celle à La Haye, afin d'obtenir un avis consultatif. L'appui indéfectible du Canada au rapporteur spécial sur la situation des droits de la personne en Iran est aussi crucial.
    De plus, sanctionner les individus coupables de violations des droits de la personne serait très utile parce que le Canada est une destination extrêmement importante pour les immigrants de la communauté iranienne.
    Madame Raza, vous avez 30 secondes.
    Je pense aussi qu'il faut appuyer les militants des droits de la personne et imposer des sanctions ciblées à ceux qui violent ces droits. Je suis allée au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, à Genève. Il ne veut prendre aucune mesure. Il nous revient, en tant que pays, de montrer l'exemple. Nous pouvons y arriver.
    Par ailleurs, inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique à la liste des entités terroristes enverra un message très fort de soutien au peuple iranien.
    D'accord.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Akhavan?
    En plus de l'imposition de sanctions ciblées, vous demandez si nous pouvons fournir des ressources à certaines parties du système judiciaire. Je ne le crois pas. Les tribunaux révolutionnaires ont été créés comme un outil d'exécutions de masse depuis le début de la révolution, comme l'a dit Mme Boroumand.
    Les membres du système judiciaire qui défendent les droits de la personne, comme Nasrin Sotoudeh et Narges Mohammadi, croupissent tous en prison. Il faut, d'un côté, imposer des sanctions ciblées et, de l'autre côté, reconnaître la légitimité des véritables autorités morales en Iran. C'est pourquoi j'ai proposé que Mme Sotoudeh reçoive la citoyenneté canadienne honoraire. On enverrait ainsi un message très puissant qui encouragerait la société civile en Iran en lui indiquant qu'elle n'est pas seule, qu'elle n'est pas isolée.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les quatre témoins d'aujourd'hui: le professeur Akhavan, que j'ai malheureusement oublié de mentionner au début de la séance, Mme Maryam Shafipour, qui est présente en personne, Mme Ladan Boroumand et Mme Raheel Raza.
    Je remercie également les témoins de mardi passé et ceux qui se sont présentés devant le comité des affaires étrangères la semaine dernière.
    C'est ainsi que se termine la Semaine de responsabilisation de l'Iran de 2019. Le Comité espère qu'il est parvenu à mettre de l'avant les voix très courageuses de défenseurs et de militants des droits de la personne en Iran et à l'extérieur de ce pays. Nous remercions tous les participants.
    Nous suspendons la séance quelques instants avant de reprendre à huis clos pour discuter des affaires du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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