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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 068 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 juin 2017

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Bon après-midi, tout le monde. La séance est ouverte. Il s'agit de la 68e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous poursuivons notre étude sur la traite de personnes en Asie du Sud.
    Nous avons deux témoins qui se joignent à nous aujourd'hui de très loin. Tout d'abord, nous avons M. Joshy Jose, le directeur de la mise en application au Breakthrough Trust, qui nous parle de New Delhi. Selon sa propre description, Breakthrough cherche à rendre inacceptables, partout et sous toutes leurs formes, la discrimination et la violence à l'égard des femmes et des filles, y compris la violence familiale, le harcèlement sexuel dans les endroits publics, le mariage précoce et la sélection du sexe.
    Nous entendrons aussi M. Dipesh Tank, directeur de projet à la Rescue Foundation, une organisation non gouvernementale, qui nous parle aujourd'hui de Mumbai. Les activités clés de la Rescue Foundation sont le secours, la réadaptation et le rapatriement des victimes d'exploitation sexuelle commerciale en Inde, venant de l'Inde elle-même ou encore du Bangladesh ou du Népal. Plus précisément, la fondation enquête sur les signalements de filles disparues qui pourraient avoir fait l'objet de traite, porte secours aux victimes avec l'aide des services de police locaux, réadapte les survivantes en leur fournissant de la nourriture, un refuge, des soins de santé, une formation professionnelle et de l'aide juridique, et elle rapatrie les filles auprès de leurs familles ou vers d'autres ONG.
    Une fois de plus, je vous remercie tous deux de nous présenter votre témoignage pour notre étude continue. Ceci dit, vous avez chacun sept minutes pour présenter votre déclaration préliminaire, puis nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Tank, allez-y, je vous prie.
    Merci beaucoup tout le monde. Je vous envoie mes plus chaleureuses salutations de l'Inde.
    Rescue Foundation est une organisation à but non lucratif qui mène principalement des missions de secours. Au cours des 20 dernières années, nous avons secouru des jeunes filles, surtout des mineures, de bordels, de quartiers de prostitution, d'hôtels privés et d'autres endroits du genre dans tout le pays. Nous avons environ 150 espions dans le pays, desquels nous recevons des renseignements délicats. Notre objectif premier est de sortir les filles des bordels et des endroits où elles sont exploitées. Ensuite, nous les amenons à notre refuge et entreprenons une bataille juridique colossale, puis nous leur offrons la possibilité de réintégrer la société.
    La principale raison pour laquelle la plupart de ces filles sont poussées à la prostitution est la pauvreté. En Inde, le plus grand nombre d'activités de traite de personnes se déroule dans le Bengale-Occidental, et c'est à Rajasthan que le plus grand nombre de filles mineures sont poussées à la prostitution.
    Dans le Bengale-Occidental, la pauvreté est l'une des principales raisons. Le manque de possibilités dans cette région est tel que souvent les jeunes filles, les orphelines, sont séduites par des trafiquants et des proxénètes dans l'espoir d'obtenir un meilleur emploi et un moyen de subsistance. Elles sont amenées dans de grandes villes comme Mumbai, Delhi et d'autres grandes villes du genre, et vendues à des bordels.
    Malheureusement, le stigmate social entourant les quartiers de prostitution et les bordels fait qu'aucune personne saine d'esprit ne les traverse et peut entendre leurs voix quand elles crient, lorsqu'elles viennent tout juste d'être emmenées au bordel et se rendent compte qu'elles sont poussées à la prostitution. Au bout d'un moment, elles abandonnent; ensuite, c'est là que commencent l'injustice et l'exploitation.
    La Rescue Foundation collabore étroitement avec la police et les organismes de sécurité pour faire des descentes dans ces endroits, les sauver et les ramener. À notre refuge, nous leur offrons une éducation de base en anglais et en hindi, ainsi qu'une formation professionnelle, et nous leur enseignons comment elles peuvent retourner et gagner leur vie en toute dignité. C'est ce que fait la Rescue Foundation.
    C'est à peu près tout.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Jose.
    Breakthrough Trust est une organisation de défense des droits de la personne qui s'emploie à rendre inacceptables la discrimination et la violence à l'égard des femmes et des filles. L'intervention de Breakthrough en Inde porte sur la sélection du sexe, ou la coutume d'empêcher les filles de naître. La violence conjugale, qui rend les domiciles un des endroits où les femmes sont le plus vulnérables, est un autre aspect dont nous traitons. Nous avons présentement une campagne appelée Sonne la cloche, ou Bell Bajao, qui porte sur la violence conjugale.
    Dans le mariage précoce, une fille est forcée à se marier avant 18 ans contre sa volonté. Elle perd entièrement son enfance et devient confrontée à de graves formes de violence et de discrimination fondées sur le sexe.
    La plupart des interventions de Breakthrough ont pour but d'habiliter les femmes et les filles venant de communautés vulnérables. Breakthrough oeuvre dans quelque 4 000 villages dans les États d'U.P., de Bihar, du Jharkhand, de Hariana et de Delhi. La plupart de ces villages sont dirigés par des hommes de caste supérieure. Le système de castes est très fort en Inde et les atrocités fondées sur la caste sont très courantes.
     Plusieurs des villages sont dans des zones géographiques vulnérables. La région est de l'U.P., où nous oeuvrons, est voisine avec la frontière avec le Népal, où la traite de garçons et de filles est très fréquente tant à destination qu'en provenance du Népal. Ce sont ces villages dans lesquels nous oeuvrons en Inde.
    La plupart des villages où nous travaillons sont dirigés par un panchayat et sont principalement régis par le droit coutumier. Le droit coutumier est composé par les lois de ces villages, leurs propres lois, qui sont fondées sur des coutumes. Elles sont plus puissantes que le droit constitutionnel des communautés vulnérables, notamment les minorités, les filles, les tribus, les femmes et les invalides.
    Je vais vous donner un exemple de la façon dont le droit coutumier se distingue des lois du pays. Prenons l'exemple d'une fille qui est violée, surtout si elle fait partie d'une communauté du village. Selon le droit coutumier, le panchayat, c'est-à-dire le conseil du village se réunit, et décide de la justice en fonction de l'auteur du viol. Il estime que justice est faite si l'auteur peut épouser la fille. À nos yeux, ce n'est pas la justice que nous recherchons. Là encore, si elle fait partie d'une communauté du village, le simple fait qu'elle ait été seule est mis en cause. Plutôt que de punir l'auteur, elle et sa famille sont punies pour son viol.
    Selon les normes des villages, les filles sont considérées un fardeau, et puisque leur sécurité est étroitement associée à l'honneur de leur famille, leur mobilité est limitée, de même que l'accès aux services essentiels comme les soins de santé. L'éducation et l'acquisition de compétences ne sont pas considérées une priorité, comparativement aux à la sécurité. Selon cette perception des filles, une fois que celles-ci atteignent la puberté, elles sont préparées à être mariées, elles sont retirées de l'école et elles sont mal nourries et deviennent anémiques. Comme elles ne sont pas conscientes de leurs droits et ont appris très tôt à garder le silence et à protéger l'honneur de la famille, la violence dont elles sont victimes chez elles et aux mains de leur parenté n'est jamais mentionnée. Elles n'en parlent pas.
    Une fois qu'elles sont mariées, elles n'ont aucun pouvoir. Avec très peu de talent de négociation, elles sont soumises à une énorme violence conjugale, physique et mentale, mais ne se rendent même pas compte que c'est de la violence.
    Dans le Hariana, où nous travaillons et où la pratique de sélection du sexe est fréquente, il y a dans de nombreux villages des hommes de 40 ans qui ne sont pas mariés parce qu'il n'y a pas de femmes dans leur village. Au lieu de voir cela comme une chose qu'ils devraient changer, ils font venir des femmes d'autres États, par exemple, du Jharkhand, où le mariage précoce est fréquent. Ils les achètent littéralement. L'achat d'une conjointe est une pratique qui est suivie au Hariana, avec des épouses venant du Jharkhand et d'autres États vulnérables où les tribus et les différentes minorités résident. Ils achètent des filles et les emmènent dans le Hariana.
(1310)
    C'est une pratique. Pour nous, c'est très proche de la traite de personnes; ces filles sont donc victimes de traite de personnes et c'est une pratique suivie dans de nombreuses parties de l'Inde.
    Dans les districts où nous travaillons, plus près du Népal, les enfants, garçons et filles, sont utilisés comme intermédiaires pour le trafic de marchandises, [Difficultés techniques], de pétrole et quelquefois de drogues traversant la frontière vers le Népal, et à partir du Népal, les filles sont amenées en Inde. Cela se produit en trois étapes. Un groupe est amené à la frontière, et de la frontière à la ville de transit la plus proche, c'est-à-dire Gorakpur, ou Gaya. À partir de là, les filles sont expédiées vers les grandes villes comme Mumbai et Delhi.
    C'est sur ces aspects que nous travaillons à Breakthrough, pour nous attaquer aux problèmes causés par la pauvreté et le manque de pouvoir des filles. Les filles peuvent être sauvées. Les filles peuvent être habilitées à comprendre leurs droits et à éviter la traite de personne.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci beaucoup à vous deux.
    Nous passons directement aux questions, en commençant par M. Anderson.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Monsieur Jose, j'aimerais particulièrement vous saluer et vous remercier du travail que vous faites sur le plan de la sélection du sexe. Malheureusement, c'est un sujet que notre Parlement n'a pas eu le courage d'aborder.
    J'aimerais vous entendre tous deux parler du retour dans la collectivité de ces jeunes femmes. Nous avons entendu tant dans le cadre de cette étude que dans d'autres, les défis auxquels les femmes sont confrontées si elles retournent dans leur collectivité, surtout après avoir été victimes de traite ou d'exploitation sexuelle.
    Je me demande simplement dans quelle mesure vous réussissez à faire réintégrer les jeunes femmes dans leurs familles et leurs collectivités. Êtes-vous plutôt obligé de trouver d'autres collectivités pour elles dans plusieurs cas pour qu'elles puissent commencer une nouvelle vie loin de leur ancienne collectivité?
    Pouvez-vous nous parler un peu de cela? Je crois, monsieur Tank, que vous avez parlé précisément de vos efforts en ce sens. Si l'un ou l'autre d'entre vous peut commenter là-dessus, j'aimerais l'entendre.
    Écoutons d'abord, M. Tank.
(1315)
    Il y a divers scénarios. Quand une fille est victime de traite et est jetée dans la prostitution, il y a un énorme stigmate social pour sa famille et les familles qui y sont associées, parce que la famille ne sait pas qu'elle a été poussée à la prostitution. Le trafiquant dit à la famille qu'il va prendre sa fille pour lui donner de meilleures occasions d'emploi, puis il l'amène dans des grandes villes et la pousse dans le commerce du sexe.
    Quand une fille reste là un, deux ou trois ans, puis quand nous la sauvons et l'amenons à notre refuge, il y a un processus juridique qui se déroule, selon son âge. Si la fille est une mineure, elle ne peut quitter notre refuge avant d'avoir 18 ans, âge auquel elle est autorisée à décider elle-même de ce qu'elle veut faire.
    Jusqu'à ce moment-là, elle est dans notre refuge, mais si c'est une adulte, de plus de 18 ans, nous procédons alors à une vérification adéquate du foyer. C'est important pour nous de comprendre quelles étaient les circonstances dans lesquelles cette fille a quitté son foyer, et donc nous envoyons nos gens aux quatre coins du pays pour découvrir par le truchement des voisins et des communautés de la région comment cette fille a été envoyée loin de chez elle.
    Selon les résultats, ses papiers de rapatriement sont délivrés parce que ce rapport particulier sera présenté au tribunal, à la police et au comité de la protection de l'enfance en Inde, si c'est une mineure. Selon ce rapport, les instances décident si elles veulent la renvoyer chez elle ou la garder dans notre refuge.
    Bien souvent, les filles sont vraiment embarrassées, elle croient que quelque chose de terrible leur est arrivé et, à cause de cela, qu'elles ne peuvent retourner dans leur village. Dans ce cas, nous tentons de leur offrir des possibilités dans la ville.
    Nous avons une formule de foyer collectif selon laquelle nous louons un endroit à Mumbai dans lequel deux ou trois filles peuvent habiter ensemble et travailler de leur propre chef. C'est comme cela qu'elles travaillent. Mais en Inde, en fin de compte, qui dit réadaptation sociale dit mariage.
     En tant qu'organisme à but non lucratif, nous trouvons des hommes qui sont disposés à épouser nos filles, et il y a des étapes et une procédure adéquate pour ça. Ils doivent donner un montant d'argent x qui est gardé au nom de la fille. Ils doivent suivre certaines lois et certains règlements une fois mariés. Nous faisons beaucoup de choses, et nous les marions aussi, si c'est ce qu'elles veulent.
    Parfois, des filles s'adressent à nous ou à notre président et nous demandent de les aider à se marier; nous leur trouvons donc les bonnes personnes, et une fois qu'elles vivent là-bas, nous nous assurons, par des visites surprises, qu'elles sont saines et sauves et qu'elles n'ont aucun problème.
    Nous avons très bien réussi sur ce plan. Tout dépend de la fille et de ce qu'elle veut.
    J'aimerais vous poser un peu plus de questions au sujet de la discrimination fondée sur la caste, et si c'est un facteur dans tout ça également. Selon certains des renseignements que nous avons, jusqu'à 62% des femmes dans le milieu de l'exploitation sexuelle commerciale appartiennent aux castes répertoriées. Je me demande si vous pouvez nous en parler un peu.
    Je suppose que vous avez différentes difficultés lorsque vous tentez la réinsertion sociale de ces jeunes femmes, ainsi que de certains des autres groupes de caste dans la société.
    Oui.
    Il y a en Inde des collectivités que je ne voudrais pas nommer où les gens vendent leurs propres filles pour la prostitution. Malheureusement, c'est une tradition, un processus appelé nath-utarna, qui veut dire anneau de nez. Lorsqu'une fille atteint la puberté, soit 13 ou 14 ans, elle est vendue à un des bordels ou à un homme pour un montant d'argent donné.
    Malheureusement, c'est dans la culture, et de façon prédominante. Un grand nombre de filles ont été poussées du Rajasthan vers divers endroits du pays. À la naissance d'une fille, les parents se réjouissent, célèbrent.
    Tout d'abord, j'aimerais vous poser des questions au sujet des Nations unies. Estimez-vous que cet organisme est une aide ou un obstacle pour vous? Dans bien des endroits, il a mauvaise réputation sur le plan de l'exploitation sexuelle. Est-il une aide pour vous? Traitez-vous avec cet organisme, ou traitez-vous avec d'autres ONG? Avec quelles ONG collaborez-vous?
    Nous n'avons aucune interaction avec les programmes et autres choses du genre des Nations unies. Malheureusement, nous ne savons pas quel en est l'impact. Je suis sûr qu'il y en a un; je ne veux pas dire le contraire.
    Nous travaillons avec beaucoup d'autres organismes à but non lucratif à proximité du golfe du Bengale dans le Sud de l'Inde et dans le Nord de l'Inde.
    Nous avons trois refuges dans le pays, et dans l'État du Maharashtra. Un quatrième est en cours d'établissement à Delhi. Un refuge à Mumbai, un autre à 150 kilomètres de Mumbai et un autre encore à Pune, à 250 kilomètres de Mumbai. Un quatrième est en cours d'établissement à Delhi. Stratégiquement parlant, c'est très important pour nous d'avoir un refuge à Delhi, parce qu'un grand nombre des cas de rapatriement et le travail s'y rapportant relèvent du ministère des Affaires étrangères. Bien souvent, il y a des filles qui ne sont pas du pays, qui ont été amenées ici par la traite de personnes, et nous devons nous en occuper. Par conséquent, nous avons ces quatre bureaux et refuges.
(1320)
    Quels sont les défis au niveau de la corruption?
    Vous pouvez peut-être répondre tous les deux. Avez-vous des difficultés sur le plan de la corruption, où êtes-vous essentiellement capables d'éviter ce problème?
    Notre travail est très vulnérable. Nous avons plus de 150 hommes et femmes-espions. Ces espions ne sont pas des saints. Ils peuvent être des criminels ou des trafiquants. Nous prenons qui [Difficultés techniques]. Nous essayons de parler à des propriétaires de bordel pour leur demander s'ils peuvent nous donner des renseignements au sujet des autres propriétaires de bordel. Notre travail est si difficile qu'il ne peut pas être fait dans la sainteté.
    Quand on parle d'informateurs de la police ou d'informateurs d'organismes plus importants, il faut malheureusement entrer dans les égouts pour nettoyer les égouts. Ce faisant, il est impossible de rester propre. Nous devons malheureusement faire ce travail pour le bien des filles. Parfois, le trafiquant paiera davantage la police pour que celle-ci soit libérée. Nous disons à la police que nous lui donnerons plus d'argent que le trafiquant s'il nous la remet. La seule différence, c'est que le trafiquant la ramènera au bordel et nous, nous l'amènerons à notre refuge et prendrons soin d'elle.
    Les défis sont énormes. Il n'est pas facile de travailler dans le cadre des systèmes existants, mais nous avons grand espoir que les choses changent. Heureusement, dans l'État du Maharashtra, une cellule de lutte contre la traite de personnes a été créée. Nous travaillons étroitement avec elle. J'aurais bien aimé que ce soit une situation idéale.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Khalid.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de l'excellent travail que vous faites dans les collectivités à la source en Inde pour ce qui est d'aider une population si vulnérable.
    J'aimerais parler un peu du commerce de la traite de personnes à des fins sexuelles. Vous êtes très bien placés pour comprendre qui sont les auteurs. Parlons-nous d'opérations très complexes de très grandes sociétés qui sont en affaires pour exploiter une commodité, soit, dans ce cas, des femmes et des filles? Ou encore parlons-nous de petites ou moyennes entreprises?
     Pouvez-vous nous parler des gens qui prennent ces femmes et ces filles et font de l'argent sur leur dos?
    Merci.
    C'est assurément un énorme réseau. Ce n'est pas facile. Récemment, l'an dernier justement, grâce à une de nos descentes, un des plus grands trafiquants à Delhi a été arrêté. Cet homme était riche de millions de roupies. Il avait des voitures de luxe et, lui et sa femme les utilisaient pour la traite de plus de 5 000 mineures dans tout le pays.
    Les réseaux de ce genre fonctionnent, malheureusement, grâce à des failles dans les lois. Il y a les enquêtes. Par exemple, si je sauve une fille à Mumbai et je sais que je peux attraper un propriétaire de bordel, je peux attraper le trafiquant local. Le trafiquant local est le point de contact de trois ou quatre autres trafiquants qui sont sur le chemin.
    Par exemple, si une fille a été victime de traite au Bengale-Occidental, c'est un type qui l'a amenée à Delhi. De Delhi, quelqu'un l'amène à Pune. De Pune, on l'amène à Mumbai.
    Il y a une multitude de personnes qui ont cette fonction, et le plus triste, c'est qu'il n'y a pas d'enquête inter-États. Quand une enquête a été lancée à Mumbai, la police n'a pas le pouvoir de poursuivre son enquête dans le Bengale-Occidental ou à Delhi, ou encore dans n'importe quel autre État que le Maharashtra.
    Cela rend très difficile pour nous la tâche d'attraper les véritables auteurs; par conséquent, la traite de personnes ne cesse jamais. Nous essayons d'arriver à ce stade. Aussi, nous déposerons bientôt une pétition au tribunal demandant qu'il tienne responsables les gouvernements et les organismes de sécurité pour l'exécution de ce travail et déclare qu'ils doivent aller dans les différents États pour mener leurs enquêtes.
(1325)
    En ce qui concerne les nouvelles lois adoptées par l'Inde pour la lutte contre la traite de personne, quelles sont, d'après vous, les difficultés qu'aura l'Inde dans l'application de ces lois?
    Je crois que les difficultés seront grandes. Une des plus grandes difficultés est la main-d'oeuvre. Je dis que c'est le travail de la police, mais celle-ci manque tellement de personnel. Elle fait de son mieux.
    C'est très difficile de faire ça. Aussi, il y a, dans ce pays, le gros problème — que nous essayons de régler —, soit le fait que beaucoup de gens sont induits en erreur par des personnes qui affirment que les prostitués le font par choix.
    Comprenez bien que dans notre pays, les quartiers de prostitution et les bordels sont perçus comme étant une nécessité. Si vous posez la question aux gens qui passent dans la rue, ils vous diront que oui, c'est important, parce qu'apparemment ça contribue à calmer les frustrations sexuelles des hommes qui peuvent aller dans des bordels et satisfaire leurs besoins. C'est un énorme mythe, parce que je ne vois pas comment cela aide à garder bas le nombre des infractions sexuelles dans le pays.
    Il a fallu mener un programme de sensibilisation massive demandant pourquoi vouloir sacrifier la fille de quelqu'un pour assouvir la frustration sexuelle de quelqu'un d'autre. C'est vraiment triste, et c'est une énorme difficulté que de lutter contre cette perception, parce qu'à chaque étape, que ce soit un donateur ou que ce soit la police, ou encore que ce soient des fonctionnaires, il est difficile de leur faire comprendre que ce n'est pas juste de laisser une fille se faire exploiter.
    Je ne comprends pas ce choix, parce qu'il y a des filles de 9 ou 10 ans qui ont été amenées dans des bordels. Je ne comprends pas. Une fois qu'elle atteint l'âge de 18 ans, quand la fille devient adulte, elle ne va certainement pas choisir de devenir pilote dans l'armée de l'air.
    C'est parce qu'elle vit dans ces conditions qu'elle choisit de faire ce qu'elle fait. Ce n'est pas un choix équitable. En tant que société, nous avons failli à notre devoir de lui offrir ce choix.
    Merci.
    Monsieur Jose, vous avez parlé un peu du panchayat. J'aimerais vous demander...
    Mme Khalid, je crois que nous avons perdu M. Jose puis nous l'avons eu de nouveau. Je l'ai vu brièvement, mais il semble avoir disparu de nouveau.
    Oh, vous êtes là?
    Êtes-vous là? Allô.
    Monsieur Jose, pouvez-vous nous entendre?
    Je suis là.
    Fantastique. Vous nous avez parlé un peu du panchayat et de l'application du droit coutumier dans les villages. Je voulais vous demander si les panchayats collaborent avec les organismes d'application de la loi locaux pour ce qui est de l'éducation ou de la sensibilisation, ou encore des problèmes sociaux au sein d'une collectivité, ou s'il s'agit plus d'une mentalité axée sur les castes et très conservatrice qui règne au sein des panchayats dans les petites collectivités.
    Si vous regardez le panchayat, vous voyez qu'il a un double rôle.
    Pouvez-vous m'entendre?
    Oui, nous pouvons vous entendre.
     Si vous prenez le panchayat, il a un double rôle. D'une part, il [Difficultés techniques] comme pour le Punjabi... Avec le panchayat, le système des castes a un rôle important. Le droit coutumier est fondé sur ces normes, qui sont appliquées au sein du panchayat. Comme l'a dit mon collègue de Mumbai, [Difficultés techniques].
    Monsieur Jose, nous avons de la difficulté à vous entendre. La communication se coupe par bouts. Je propose que nous laissions le conseiller technique essayer de rétablir la communication pour voir si nous pouvons vous entendre mieux.
    Allez-y, madame Khalid.
(1330)
    Merci.
    Je pose une question à M. Tank.
    Quel est l'impact des médias et de l'industrie du spectacle, comme Bollywood, pour ce qui est du statu quo et de la façon dont les femmes et les droits des femmes sont perçus en Inde? Dans quelle mesure cela a-t-il un impact sur la traite de personnes?
    Malheureusement, ce que je pense n'est peut-être pas juste. Il y a des films dans lesquels un acteur bien connu malmène une des prostituées, et la façon dont il la traite... Je ne sais pas à quel point la contribution de l'industrie de Bollywood est bonne. Je suis sûr qu'il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas que des filles mineures et d'autres filles soient emprisonnées et exploitées dans des bordels.
    J'aurais bien aimé que cette question particulière de la traite de personnes soit aussi populaire que... les orphelinats et les autres questions importantes comme le cancer, etc. Le stigmate social est énorme. Personne ne veut parler des prostituées et de leur bien-être. C'est un sujet tellement souillé et mal interprété, que personne ne veut l'aborder. Quand j'étais enfant, mon père n'a jamais parlé des prostituées dans la maison, de la façon dont elles vivent ni de la question à savoir si elles veulent vivre là ou non. Nous avons bien du chemin à faire encore.
    Merci, monsieur Tank.
    Nous passons maintenant à M. Weir.
    Je vous remercie de votre témoignage devant notre comité et du bon travail que vous faites.
    Mme Khalid a demandé quelles étaient les difficultés pour ce qui est d'appliquer et de faire respecter la nouvelle loi indienne contre la traite de personnes. J'aimerais revenir un peu en arrière et vous demander votre opinion de la loi elle-même. Quels sont ses points forts et ses points faibles? Pensez-vous qu'elle aura une influence positive?
    Une nouvelle modification est annoncée, comme on l'a lu dans le journal. Il y a l'indemnisation des victimes. Il y a des enquêtes interétatiques et on va tenir compte de beaucoup de propositions formulées par diverses autres organisations de tout le pays. Cependant, comme je l'ai dit, les lois ne seront appliquées que si les mentalités changent dans la population, au gouvernement, chez les autorités et dans la police. Il est important qu'ils commencent à prendre ce problème très au sérieux. Dans notre pays, la majorité du temps, quand on va au poste de police dire qu'une fille est forcée à se prostituer et qu'elle veut arrêter, malheureusement, la réaction n'est pas celle qu'elle devrait être, car les policiers doivent s'occuper de tellement d'autres crimes, comme les agressions sexuelles et les assassinats, entre autres. Ils ne réagissent guère. Nous devons trouver une solution en nous adressant aux autorités ou à leurs supérieurs pour leur demander, humblement, leur aide. Pour leur demander au moins un ou deux policiers, parce que nous avons notre personnel et plus de personnel...
    C'est difficile. Ces lois seront mises en oeuvre et appliquées de manière stricte si les mentalités changent ou si le gouvernement décide de le faire à tout prix.
    D'accord.
    Vous nous avez parlé de traite de personnes entre différents États en Inde. Je me demande si vous pourriez nous parler de la traite entre l'Inde et d'autres pays.
    C'est le même système.
    Il y a de plus gros trafiquants au Bangladesh et au Népal, et comme la frontière est poreuse, n'importe qui peut entrer et sortir. Le Népal surtout est comme notre petit frère. Beaucoup de Népalais travaillent en Inde.
    Il est difficile d'attraper ces trafiquants parce que ce ne sont pas des Indiens, mais un gros bonnet se rend au Népal et ramène une fille quelque part chez nous. Dans le cas du Bangladesh, un type aide à faire passer la frontière à la fille et la fait venir à Kolkata, au Bengale-Occidental. De là, un autre trafiquant la conduit à Delhi, à Pune ou à Mumbai. C'est le même réseau.
    Malheureusement, à cause de nos propres limites, nous ne pouvons pas faire juger ces personnes à l'étranger. Faire les choses comme il se doit prend beaucoup de temps.
(1335)
    D'accord.
    Il me semble que vous parlez de personnes victimes de la traite qu'on amène en Inde. Pouvez-vous nous parler de personnes qu'on enverrait de l'Inde vers d'autres pays ou d'autres régions du monde?
    Je n'ai pas rencontré cette situation personnellement. Je suppose qu'il y a moins de possibilités économiques ou d'emplois au Népal et qu'on paie plus en Inde. C'est pourquoi on voit plus de victimes de la traite en Inde que là-bas.
    Il y a une note d'espoir. À propos des filles que secourt la Rescue Foundation, nous constatons une baisse massive du nombre de filles originaires du Népal.
    Il n'est pas facile de trouver des jeunes Népalaises à Mumbai, à Pune ou ailleurs. Contrairement à il y a 10 ans. À l'époque, il y en avait beaucoup, surtout des mineures victimes de la traite qui étaient emmenées en Inde.
    Je voudrais aussi souligner rapidement que les catastrophes naturelles et les émeutes sont les meilleurs endroits pour les trafiquants parce qu'ils profitent d'enfants qui sont vulnérables. Ils ont perdu leurs parents ou ne savent pas où ils sont. S'ils ont disparu, les trafiquants les emmènent aussitôt en Inde.
    Vous avez déclaré que la traite en provenance du Népal diminue.
    Savez-vous pourquoi? Est-ce que le Népal applique avec succès une politique ou une loi depuis quelque temps?
    Je crois que cela tient à la physionomie des Népalais. Ce n'est pas facile. En Inde, on reconnaît tout de suite quelqu'un qui vient du Népal à son physique ou à sa façon de parler. C'est évident, c'est pourquoi le trafiquant... Par exemple, un des enquêteurs m'a expliqué que ce n'est pas facile parce que le trafiquant a l'impression que le risque est grand, immense même.
    C'est différent avec quelqu'un qui vient du Bangladesh. Les Bangladais ressemblent beaucoup aux Indiens. Toutes les jeunes Bangladaises qui viennent en Inde ont une fausse carte bancaire, une carte d'identité avec un faux nom. C'est très facile de les faire travailler.
    Avec une fille qui vient du Népal, il faut justifier de sa présence. Elle ne parle pas une langue du Nord-Est ni aucune autre langue de l'Inde. Le trafiquant doit louvoyer avec la police et les autorités. Je crois que c'est la raison.
    Je suis certain qu'il y a plein d'autres raisons, mais c'est ce que je pense.
    Où en sommes-nous du temps?
    Il vous reste une minute et demie.
    Très bien, merci.
    Nous avons beaucoup parlé de la traite des filles et des femmes. Je me demande s'il existe aussi une traite des garçons et des hommes.
    Désolé, je n'ai pas entendu votre question. Pourriez-vous la répéter, s'il vous plaît?
    D'après votre expérience, arrive-t-il que des garçons ou des hommes soient victimes de traite à des fins d'exploitation sexuelle?
    Chaque fois que je me rends dans des collèges ou de grandes entreprises, je vois que notre pays est malheureusement très dominé par les hommes et nous ne voyons pas de bordels où des garçons ou des hommes sont exploités.
    Je tiens à bien faire comprendre que la traite de personnes est dans 80 % des cas à des fins de commerce sexuel et qu'elle alimente dans 20 % des cas la mendicité et le travail des enfants. Vous verrez des enfants travailler dans de petits hôtels comme serveur ou garçon de service, mais nous n'avons jamais rencontré dans les quartiers chauds de jeunes garçons victimes de la traite. Je suis certain qu'il existe des cas où des garçons sont exploités sexuellement, mais ce n'est pas aussi flagrant qu'avec les filles mineures ou les femmes dans ce pays.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Tabbara.
    Monsieur Tabbara, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je partagerai mon temps de parole avec M. Fragiskatos.
    Merci de votre témoignage. Vous avez mentionné plus tôt que la principale raison était la pauvreté et le manque de possibilités. Dans des documents que j'ai parcourus sur le sujet, j'ai lu qu'on retire des filles de l'école à un jeune âge parce qu'on croit que l'éducation réduit leurs perspectives de mariage. Quitter l'école réduit aussi leur indépendance économique potentielle et entrave leur développement.
    Pouvez-vous en dire plus à ce sujet? Vous avez mentionné la pauvreté comme étant la principale raison. Que se passe-t-il si on y ajoute le manque d'éducation?
(1340)
    Il se peut qu'il y ait des cas, mais selon moi, on attache beaucoup d'importance à l'éducation, du moins depuis deux, trois ou cinq ans, surtout depuis l'entrée en vigueur de la loi sur le droit à l'éducation, la Right to Education Act. Il arrive que l'administration dans le Maharashtra et ailleurs dans le pays aille voir chez les gens et si elle s'aperçoit qu'un enfant n'est pas scolarisé, elle fait le nécessaire pour qu'il le soit.
    L'éducation en soi est assurément une des grandes priorités, et nous savons que les parents y sont attachés, du moins à ma connaissance. On peut, toutefois, s'interroger sur la qualité de l'éducation et les possibilités par la suite. Par exemple, si un enfant étudie jusqu'en 10e année, après, nous ne savons pas. Les abandons sont massifs après la 10e année. Nous savons qu'on dispense un enseignement de base, mais nous ne savons pas si cela aide vraiment. Je ne suis pas certain. Je n'ai pas entendu parler de filles qui n'iraient pas à l'école et qui feraient autre chose.
    Je vous remercie. Je suis d'accord que l'éducation est un facteur très important en l'espèce et que, pour vraiment combattre la traite de personnes, nous pouvons commencer par l'éducation.
    Je vous demanderai d'être bref dans votre prochaine réponse, car je veux garder un peu de temps pour mon collègue. Ma question porte sur les activités de secours et de réadaptation des femmes exploitées à des fins sexuelles qui ont attrapé le VIH ou d'autres maladies transmises sexuellement. Que fait, par exemple, votre organisation pour aider les jeunes femmes et les filles?
    Toutes les jeunes filles auxquelles nous portons secours sont soumises à une série d'examens. Très souvent, nous découvrons qu'elles sont séropositives. Dans ce cas, nous avons un plan de soins spécial pour être certains qu'elles reçoivent les soins voulus. C'est un exemple.
    Malheureusement, dans la majorité des cas, les familles ne veulent pas qu'elles rentrent à la maison ou elles sont dans le déni total. Dans ces cas, la jeune fille reste dans notre refuge jusqu'à ce qu'elle soit en bonne santé. En fait, elle reste aussi longtemps qu'elle veut. Nous prenons soin de ces jeunes filles. Nous avons beaucoup de filles dans notre refuge de Boisar, qui accueille de jeunes séropositives, et nous prenons bien soin d'elles.
    Je vous remercie de votre témoignage aujourd'hui.
    Je vais mettre l'Inde de côté un instant, mais je tiens à souligner que, d'après le département d'État américain, même si les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes ne sont pas sans problèmes, le gouvernement est loin de rester les bras croisés. Nous avons beaucoup entendu parler de ce qui se passe dans le pays. Beaucoup de ce que nous avons entendu incite aussi, et nous a en fait pousser en tant que comité, à regarder ce qui se passe au-delà de l'Inde et à examiner le problème à l'échelle de l'Asie du Sud.
    J'aimerais poser une question du point de vue du Canada, en tant que député canadien, en tant que personne qui s'intéresse beaucoup à la politique du développement en particulier. Qu'est-ce qu'une puissance moyenne comme le Canada peut faire pour aider dans les zones rurales? Je sais que dans les zones rurales, le problème de la traite des personnes est particulièrement important à cause des niveaux de pauvreté très élevés.
    Pouvez-vous parler de programmes qui aideraient? Je pense à de petits prêts aux agriculteurs pour les aider à développer des entreprises et le commerce, par exemple. Le microfinancement est une possibilité qui vient à l'esprit. Pouvez-vous en parler de manière générale, dans les zones rurales, et de ce qui peut être fait?
    Personnellement, je ne sais pas combien de filles ou de fils d'agriculteurs choisissent de travailler dans l'agriculture, pour diverses raisons. Je ne sais donc pas dans quelle mesure cultiver la terre sera la bonne solution. Cependant, je ne veux pas écarter cette possibilité. Je crois que beaucoup de jeunes étudiants, de jeunes hommes et de jeunes femmes de ce pays, se rapprochent des métropoles. Apprendre de nouvelles choses fait partie de ce qui les attire le plus, de ce qui leur donne envie d'aller en ville.
    Dans notre refuge, nous dispensons des formations de base, par exemple, des cours de soins de beauté ou de coiffure. Nous leur donnons des cours de sérigraphie, nous leur apprenons à créer de petites illustrations et à en faire une impression numérique pour les vendre si elles le souhaitent. Nous essayons de leur donner ces possibilités pour qu'elles sachent qu'elles pourront faire ce travail. Elles peuvent aller en ville imprimer un motif qu'elles ont créé sur une tasse, puis la vendre au marché local, au marché aux puces ou ailleurs. Voilà le genre de possibilités que nous devons créer.
    Il est important, en même temps, d'avoir en place un programme de sensibilisation massive, pas seulement de l'État, du gouvernement indien, mais aussi de la population et des autorités locales, pour faire en sorte que les jeunes filles bénéficient de possibilités équitables et qu'elles ne soient pas poussées dans ce système.
(1345)
    Merci beaucoup.
    J'ai une petite question de plus. Je crois avoir le temps.
    D'accord.
    Monsieur Jose, êtes-vous sur la ligne aussi?
    Oui, je suis là.
    Allez-y.
    Je vais poser ma question et j'espère que M. Jose pourra y répondre. Si nous avons de nouveau des problèmes techniques, je la poserai à l'autre témoin.
    À propos des services d'aide juridique, au Canada, nous cherchons à aider à les financer, pas complètement, mais nous affectons des sommes importantes à ce type de services pour qu'ils contribuent à la promotion de la justice. Pensez-vous que ce genre de démarche aiderait à régler la situation qui existe en Inde et, à vrai dire, en Asie du Sud en ce qui concerne le problème de la traite de personnes et, pour être précis, d'enfants?
    [Difficultés techniques]
    Je crois que la liaison n'est pas très bonne.
    Monsieur Tank, voulez-vous répondre rapidement à cette question? Vous avez 30 secondes. Ensuite, nous passerons à la question suivante.
    Je suis désolé. Pouvez-vous répéter? Toutes mes excuses.
    Certainement, c'est au sujet des services d'aide juridique, de leur importance et j'aimerais savoir si vous travaillez avec ces services.
    Je pose la question parce que le gouvernement canadien aide à financer des services d'aide juridique dans le monde entier et que cela aide beaucoup dans la défense des intérêts et dans la recherche de la justice.
    Les services d'aide juridique sont importants, c'est vrai.
    Se battre devant les tribunaux indiens, devant la justice indienne, coûte très cher. C'est un autre défi. Par exemple, nous défendons actuellement ce cas devant une des cours supérieures de Bombay, à propos d'une ordonnance de mise en liberté émise pour 68 filles que nous avons secourues il y a quelques mois. Nous les avons ramenées de régions très rurales de l'État. Malheureusement, la situation est devenue très difficile pour nous parce que la majorité de l'argent que nous recueillons est destinée aux filles et à leur réadaptation. En Inde, tout le monde veut donner de l'argent pour la nourriture, l'éducation et la santé, mais pour les services d'aide juridique ou de meilleurs salaires, c'est tellement difficile.
    Heureusement, des avocats nous aident gratuitement, mais se battre devant les tribunaux coûte toujours très cher. Malheureusement, c'est le seul endroit où les gens pensent pouvoir obtenir justice, et ils le peuvent, mais cela prend tellement de temps qu'ils se fatiguent. Un organisme à but non lucratif comme le nôtre ressent aussi un fardeau sur ce front.
    Je vous remercie, monsieur Tank.
    Monsieur Sweet.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Tank, de votre témoignage et du travail que vous faites.
    J'aimerais vous demander plus de détails sur votre travail, justement. Mais pour revenir à ce que vous disiez, voyez-vous un changement d'attitude? Vous disiez à mon collègue qu'il était plus risqué de faire venir de jeunes Népalaises, apparemment parce que le risque d'arrestation est plus élevé.
    Voyez-vous un changement dans la mentalité des policiers, des arrestations, et est-ce qu'on cherche davantage à obtenir des condamnations maintenant?
(1350)
    Oui, je voudrais clarifier un point, en précisant que je soulève aussi beaucoup de questions dans mon pays.
    Je voudrais dire rapidement que je sais que c'est le problème dans notre pays et que nous sommes déterminés à le régler et que, oui, les choses bougent énormément d'après ce que j'entends dire. J'ai renoncé à ma carrière à plein temps dans la publicité et à la radio pour rejoindre cet organisme à but non lucratif il y a six mois maintenant. Je connais la Rescue Foundation depuis six ans, mais mes collègues qui y travaillent depuis 10 ou 15 ans me disent que le genre de problèmes qu'ils rencontraient ont certainement changé. Les mentalités évoluent. Les autorités policières sont davantage sensibilisées. De nombreux ateliers sont organisés pour l'armée et la police des frontières pour qu'elles sachent comment repérer une fille victime de la traite ou comment reconnaître un trafiquant.
    Les choses ont certainement beaucoup évolué depuis deux ou cinq ans, au point qu'on met sur pied actuellement une équipe spéciale dans l'État du Maharashtra. Dans la cellule de lutte contre la traite des personnes, il y a x hommes et femmes qui ont pour seul rôle de récupérer les filles victimes de la traite dans les bordels et dans d'autres endroits où elles sont placées.
    Oui, nous voyons un changement.
    Merci.
    L'autre réponse que vous avez faite à mon collègue m'intéresse aussi. Vous avez parlé de l'argent que vous recueillez. Vivez-vous uniquement de dons de particuliers en Inde?
    Oui, des donateurs étrangers nous aident aussi. Ils voient notre travail et nous aident, mais le défi est de taille. Il arrive que nous ne puissions pas organiser certaines descentes parce que nous savons que nous n'avons pas les fonds nécessaires pour nous occuper des filles.
    Nous nous sentons impuissants et démunis. Il est tellement difficile de réunir des fonds pour une cause comme la lutte contre la traite de personnes. Comme je l'ai dit, ce n'est pas accrocheur, pas comme un orphelinat, une maison de retraite ou un centre anticancéreux. Nous ne suscitons pas la même sympathie ou la même émotion au sujet de filles ou de garçons qui souffrent. J'ai l'impression que nous sommes les victimes d'une charité de facilité où les gens veulent aller participer, prendre des photos, les mettre sur les réseaux sociaux et se sentir remplis de bons sentiments.
    Dans notre refuge, nous ne pouvons pas les laisser prendre des photos pour les mettre sur Facebook pour la simple raison que nous devons protéger l'identité des filles.
    N'avez-vous jamais eu l'occasion de vous associer au ministère de la Justice d'autres pays dans ces cas de répression de la traite de personnes?
    Non. En tant qu'organisation, nous sommes très solides, très au point dans les opérations de secours et les activités de réadaptation, mais nous ne sommes malheureusement pas bons pour ce qui est du marketing et de faire savoir ce qui se passe. Je pense être le deuxième à parler anglais dans mon organisation.
    Je ne considère pas que ce soit un problème, mais ça l'est quand même parce que nous n'attirons pas de gens brillants, car cela demande beaucoup d'argent.
    Vous avez parlé de recueillir beaucoup d'argent. Vous avez mentionné beaucoup d'histoires aussi et parlé en particulier des soins à long terme de certaines des jeunes filles qui ont contracté le VIH, ce qui est terrible, mais vous êtes prêts à vous occuper d'elles, et c'est vraiment réconfortant.
    Quelle est votre capacité? Vous avez mentionné que vous avez trois centres, je crois. On dirait que vous avez une capacité énorme, vu le nombre de filles que vous secourez, dont vous vous occupez, que vous formez et à qui, je suppose, vous essayez de trouver un emploi, étant donné que bon nombre d'entre elles, comme vous le disiez, sont rejetées par leur famille. Donnez-nous une idée de votre capacité actuelle.
    Nous portons secours à environ 250 filles par an et nous nous occupons de 500 filles environ. Notre refuge est régi par la loi sur la justice des mineurs, le Juvenile Justice Act of India, ce qui veut dire que nous accueillons non seulement les filles que nous secourons, mais que si une jeune fille ou une enfant dans la société est victime de violence physique ou sexuelle, le tribunal nous la confiera pour que nous la protégions, et il est aussi de notre devoir de veiller sur elle.
    La plus jeune fillette de notre refuge a quatre ans. Elle a été violée par son père. Et elle va commencer à aller à l'école dans une semaine.
    Recevez-vous une aide financière publique, alors?
    Oui, mais elle ne nous suffirait pas à survivre. Si je ne me trompe, nous recevons environ 500 roupies par fille par mois. Nous demandons d'autres subventions, oui, nous essayons d'en obtenir, mais nous sommes financés à 90 % par les donateurs individuels que nous devons solliciter.
    Nous avons trois centres et, comme je l'ai dit, chaque centre a une capacité d'une centaine de filles. Nous pouvons nous en occuper.
(1355)
    J'aimerais vous poser une autre question. Vous avez dit que vous avez 150 espions. À vous entendre, on dirait qu'il s'agit d'une sacrée troupe, si je puis dire. Est-ce qu'il arrive que certains de vos employés ou des passants veuillent vous aider dans leur propre intérêt? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
    Évidemment. Si je dois expliquer pourquoi, nous avons peu de temps, mais comme je l'ai dit, ces espions ne sont pas des saints. Il peut s'agir d'un drogué, d'un trafiquant ou même d'une trafiquante. N'importe qui. Même un violeur. Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c'est qu'il nous donne des informations. Dipesh Tank ne peut pas aller dans les quartiers chauds se renseigner sur les bordels. Quelqu'un doit le faire. Quelqu'un doit vérifier que la fille est là. On nous téléphone pour nous dire que le colis est arrivé. Nous demandons s'il s'agit d'un petit colis, s'il y en a plusieurs. On nous renseigne et nous envoyons notre enquêteur vérifier au bordel si les renseignements sont bons.
    Tellement de fois, ce sont des pièges. Le mari de ma présidente a été tué au cours d'une opération de sauvetage. Nous savons donc que la tâche n'est pas facile. Il y a tout juste un mois, j'ai participé à un raid dans une région intérieure du Maharashtra, et j'étais encerclé par des trafiquants et des propriétaires de bordels qui voulaient récupérer une jeune fille de 13 ans que nous avions secourue, ainsi qu'une autre de 14 ans et deux de 18 ans. C'est parfois très dangereux, mais nous devons le faire. Autrement, nous ne pouvons pas enquêter. Nous secourons 200 filles par an et cela ne se fait pas en appelant un bordel pour lui demander si nous pouvons débarquer pour secourir des filles. Alors, en effet, on ne peut pas fonctionner sans ces espions.
    Ce que vous faites est louable.
    Oui, tout à fait.
    Merci, monsieur Tank.
    Nous avons du temps pour une dernière question de M. Weir.
    Encore merci.
    Que peut faire le Canada pour aider davantage dans l'assistance qu'il apporte à l'Inde? Avez des idées à nous suggérer?
    Ce qui arrive parfois, surtout dans les organismes à but non lucratif comme le nôtre, c'est qu'il faut se battre pour obtenir assez d'argent pour s'occuper des filles et les protéger, et pour s'attacher les bons talents. Par exemple, nous avons désespérément besoin de conseillers, notamment pour les enfants, mais c'est très coûteux. Nous nous débattons tellement à ce sujet et il devient très difficile pour nous d'offrir les soins et la protection voulus.
    Cela dit, je pense que nous pouvons certainement améliorer les soins et la protection que nous apportons à nos jeunes filles. Il est effectivement important que quelqu'un vienne nous aider à obtenir plus de processus et de systèmes parce qu'en ce moment, il est parfois très difficile de fonctionner dans les scénarios actuels et les budgets. Nous avons besoin de spécialistes qui viennent nous former pour que nous puissons mieux nous attaquer à ce problème.
    Merci beaucoup, monsieur Tank. Je tiens à vous remercier vous-même et M. Jose — même si je crois que nous ne l'avons plus au téléphone.
    Mesdames et messieurs, nous contacterons M. Jose et lui demanderons peut-être d'écrire son témoignage d'aujourd'hui ou de le coucher dans un mémoire qu'il nous adressera.
    Monsieur Tank, vous avez certainement éclairé pour nous, de façon incroyable, ce qui se passe sur le terrain même et qu'il est si important que nous comprenions. Je vous remercie infiniment de votre témoignage.
    Cela dit, la séance est levée.
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