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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 009 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 17 mai 2016

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Aujourd'hui, nous avons deux invités très spéciaux, qui ont tous deux déjà comparu devant notre sous-comité. Ils vont témoigner par vidéoconférence depuis Oxford, au Royaume-Uni, et Munich, en Allemagne.
    Avant de commencer, permettez-moi de vous rappeler que nous entamons aujourd'hui deux journées d'audience dans le cadre de la Semaine de responsabilisation de l'Iran qui a lieu chaque année depuis quatre ans. Notre sous-comité des droits de la personne tient à réitérer que la question des droits de la personne en Iran fait toujours partie de ses priorités et qu'il faut continuer à en parler.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Ahmed Shaheed, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, qui nous parlera depuis Munich, et Payam Akhavan, professeur à l'Université McGill — mon alma mater — et fondateur de l'Iran Human Rights Documentation Centre, qui nous parlera depuis Oxford.
    Monsieur Akhavan, si vous voulez bien commencer, vous avez la parole pendant 10 minutes.

[Français]

     Monsieur le président, honorables membres du comité, bonjour.
    Tout d'abord, je veux vous remercier de votre invitation. C'est avec regret que je ne peux pas être avec vous aujourd'hui, à Ottawa.
    Depuis plus de dix ans, je témoigne sur les questions relatives aux droits humains en Iran. Beaucoup de choses ont changé et beaucoup sont restées les mêmes. Cependant, nous sommes maintenant à un moment important pour les relations entre l’Iran et la communauté internationale. C’est une occasion importante pour le Canada de réévaluer sa politique vis-à-vis de l’Iran afin de déterminer si et comment le fait de rétablir ses relations diplomatiques avec ce pays pourrait améliorer les droits humains des Iraniens.

[Traduction]

    Mon intervention portera sur deux aspects de la question: le Canada doit-il rétablir des relations diplomatiques avec l'Iran, afin de promouvoir la cause des droits de la personne, et si oui, de quelle façon doit-il le faire? Je vais commencer par vous faire un bref résumé du conflit actuel, afin de jeter un certain éclairage sur cette question complexe.
    Vous vous souviendrez que le 14 juillet 2015, le groupe P5+1 a adopté, à Vienne, un Plan d'action global commun pour mettre un terme à la confrontation suscitée par le programme nucléaire iranien. Cet accord a été rendu possible grâce à une réorientation pragmatique de la politique étrangère de l'Iran, depuis l'élection à la présidence de M. Hassan Rouhani en 2013.
    Sous le règne de son prédécesseur particulièrement clivant, M. Mahmoud Ahmadinejad, les relations avec l'Iran se résumaient à des menaces de guerre et à des sanctions économiques sur le dossier nucléaire. L'acceptation d'un compromis sur le dossier nucléaire montre bien que le gouvernement iranien a bien pesé le pour et le contre, dans le but de se maintenir au pouvoir. Le régime a en effet besoin d'un accord international pour survivre. Il a conclu un accord parce qu'il n'avait pas d'autre choix.
    Ce rapprochement présente certains avantages. Premièrement, il réduit la menace d'un conflit armé. La désintégration violente de l'Irak, de la Syrie et du Yémen montre bien quelles peuvent être les conséquences catastrophiques d'un conflit armé. L'accord nucléaire a aussi donné aux Iraniens ordinaires l'espoir que la levée des sanctions améliorera leur quotidien, rendu extrêmement difficile par la corruption généralisée et la gabegie économique.
    Les pragmatistes savent bien qu'ils doivent produire des résultats pour la population, s'ils veulent réussir à tenir à distance les purs et durs. Le régime n'a pas oublié le Mouvement vert iranien de 2009. Même s'il a été brutalement réprimé, il a révélé une mutation radicale dans la conscience populaire. L'autoritarisme du régime dissimule à peine une fragmentation importante du pouvoir entre les élites politiques et, surtout, l'existence d'une population et d'une société civile jeunes et dynamiques, qui réclament le changement. Il est impossible de réprimer indéfiniment de telles forces.
    Entre deux maux, il faut choisir le moindre, et la transition politique progressive et non violente est encore la moins mauvaise option pour l'Iran et la région. Cela dit, il ne faut pas se leurrer, les concessions stratégiques accordées au niveau de la politique étrangère ne vont pas se traduire par des améliorations de la situation des droits de la personne dans l'immédiat.
    Les pragmatistes ne sont pas des réformistes. Ce sont des adeptes du double discours, promettant une chose aux auditoires occidentaux tout en continuant de faire le contraire chez eux. L'Iran Human Rights Documentation Center rapporte qu'en 2015, soit l'année de la signature de l'accord nucléaire, il y a eu 966 exécutions, soit une augmentation de 34 % par rapport à l'année précédente. Cette hausse vertigineuse du recours à la peine capitale s'est produite au même moment où la diplomatie iranienne se lançait dans une opération de charme, et où les Gardiens de la révolution islamique iranienne et le Hezbollah multipliaient leurs atrocités contre les civils en Syrie.
    Pressés d'engranger des profits commerciaux, certains Européens ont rapidement balayé sous le tapis les problèmes relatifs aux droits de la personne. Il y a certes des marchés lucratifs à exploiter, mais ceux qui ne pensent qu'à l'argent, sans se préoccuper des problèmes éthiques, devraient y réfléchir à deux fois avant de faire affaire avec un régime où n'importe qui peut être emprisonné de façon arbitraire.
    Prenons le cas de Siamak Namazi. Américain d'origine iranienne, cet homme d'affaires respecté s'opposait vivement aux sanctions. En octobre 2015, il a été emprisonné sur des accusations non fondées. Et comme si ce n'était pas suffisant, son père de 80 ans, Baquer Namazi, a lui aussi été arrêté en février 2016. Il semblerait que les Iraniens ayant la double nationalité soient la monnaie d'échange privilégiée du régime iranien.
    C'est avec la plus grande une circonspection que le Canada doit envisager de renouer des relations avec l'Iran, surtout qu'il y a un danger que le pendule diplomatique oscille maintenant de la belligérance vers la conciliation. À cet égard, le rétablissement des liens diplomatiques est une monnaie d'échange importante que le Canada ne devrait pas négliger. Le Canada est important pour l'élite politique de la république islamique, mais pas seulement pour sa légitimité internationale. Bon nombre d'amis du régime ont de la famille et des investissements au Canada. Le Canada profite de cet afflux massif de capitaux. Il profite aussi de l'exode massif de jeunes Iraniens très qualifiés qui quittent leur pays en quête de débouchés.
    Ayant sur son territoire une communauté iranienne aussi importante, le Canada a, pour le moins, la responsabilité morale de dire la vérité aux autorités du régime.
    Il ne faut pas oublier qu'un grand nombre de Canadiens d'origine iranienne sont profondément affectés par ces abus. En fait, c'est aujourd'hui le cinquième anniversaire de l'exécution de deux frères, Mohammad et Abdullah Fathi Shoorbariki, âgés de 27 et 29 ans lorsqu'ils ont été exécutés, apparemment pour des motifs politiques. Leur mère, Mme Mahvash Alasvandi, vit à Toronto et continue de pleurer chaque jour la mort de ses enfants. Cette souffrance existe ici, sur le territoire canadien.
    Dans ce contexte, même si le Canada a de bonnes raisons de reprendre prudemment des discussions avec l'Iran, le rétablissement des liens diplomatiques est une monnaie d'échange qu'on ne peut utiliser qu'une seule fois. Étant donné que la République islamique d'Iran compte d'excellents négociateurs, qu'est-ce que le Canada va obtenir en donnant à l'Iran ce qu'il veut désespérément? Certes, les Canadiens d'origine iranienne ont besoin de services consulaires, et le Canada a intérêt à jouer le jeu géopolitique dans cette région volatile qu'est le Moyen-Orient, mais avons-nous assez de marge de manoeuvre pour obtenir de l'Iran des concessions sur le front des droits de la personne?
    Je vais commencer par vous parler du cas célèbre de Saeed Malekpour, un résident canadien qui était en attente de sa citoyenneté lorsqu'il s'est rendu au chevet de son père malade en Iran, en octobre 2008. Il a été emprisonné dans la célèbre prison d'Evin, sur des accusations non fondées, où il a subi des mauvais traitements pendant huit ans. Le Canada peut certainement demander sa libération comme condition préalable à toute reprise des discussions diplomatiques. Hier, la soeur de Saeed, Maryam, qui habite à Vancouver, m'a envoyé le message suivant:
    Le seul espoir que nous ayons pour la libération de Saeed est le gouvernement canadien. Je souhaiterais que la libération de Saeed soit la condition préalable à toute reprise des relations avec le gouvernement iranien. Si le gouvernement canadien n'exige pas la libération de Saeed, je ne vois pas pourquoi les autorités iraniennes le libéreraient.
    Le Canada devrait exiger la libération de M. Malekpour, le message serait très clair pour le gouvernement iranien.
    J'aimerais également vous parler de la situation de la minorité religieuse baha'ie. Cette communauté est en quelque sorte le baromètre de la situation des droits de la personne en Iran. Cible de prédilection du régime, les baha'is sont régulièrement pourchassés par des propagandes haineuses, et accusés d'être des espions américains, des agents sionistes, des impérialistes russes, des wahhabites, des satanistes, des trafiquants de drogue débauchés, et toutes sortes d'autres monstruosités inventées par l'imagination fertile des démonologues iraniens. De façon générale, on les considère comme des infidèles rétifs, et ils sont systématiquement privés des droits fondamentaux de la personne. Mettre fin à cette persécution est devenu le critère décisif en matière d'égalité des droits en Iran.
    Je voudrais rappeler ici le cas des sept dirigeants baha'is qui ont été arrêtés le 14 mai 2008, soit huit ans jour pour jour dimanche dernier. Ils ont été condamnés à 10 ans de prison sur des accusations non fondées d'espionnage et de blasphème, entre autres.
(1310)
    C'est un signe des temps que l'icône des droits de la personne, Mme Nasrin Sotoudeh, fasse cause commune avec l'éminent ayatollah chiite, Masoumi Tehranito, pour demander leur libération.
    L'un des prisonniers est Mme Fariba Kamalabadi. Sa fille avait 13 ans lorsque Mme Kamalabadi a été arrêtée pour la première fois. Elle est restée derrière les barreaux pendant toutes les années où sa fille a fait des études, s'est mariée et est devenue mère elle aussi. Tout récemment, Mme Kamalabadi a bénéficié d'une courte permission de sortie. Elle a reçu la visite de son ancienne compagne de cellule, Faezeh Hashemi, la fille d'Akbar Hashemi Rafsanjani, un ancien président iranien très puissant.
    Cette visite a soulevé toute une controverse. Elle a été couverte, apparemment favorablement, par la télévision de la république islamique. C'est une réfutation sans précédent de la propagande haineuse des années passées, mais au même moment, il y a eu, ailleurs dans le pays, des arrestations massives de baha'is, dont beaucoup ont été torturés.
    Dans ces circonstances, si l'Iran veut rétablir des relations diplomatiques, le Canada peut-il demander la libération des sept dirigeants baha'is, en signe de bonne volonté?
    Ces forces contradictoires sont une illustration saisissante du passé et de l'avenir de l'Iran. À l'heure où semble émerger un nouvel espace politique de réconciliation et d'humanité partagée, les fanatiques et les idéologues s'accrochent désespérément à leurs vieilles méthodes en semant la haine et la violence.
    Étant donné que le Canada a adopté une politique pragmatique fondée sur des principes, ce que le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, appelle « conviction responsable », nous devrions veiller à être du bon côté de l'Histoire. L'élite politique de la république islamique n'est qu'un élément du tableau; la population iranienne en est un plus important. Le rétablissement des liens diplomatiques doit aller de pair avec l'affirmation de nos principes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
(1315)
    Merci beaucoup, monsieur Akhavan.
    Monsieur Shaheed, vous avez 10 minutes pour faire une déclaration liminaire.
    J'aimerais commencer par remercier votre comité de m'avoir invité dans le cadre de vos consultations pendant la Semaine de responsabilisation de l'Iran. Mon rôle, à l'ONU, consiste à suivre de près la situation des droits de la personne en Iran.
    En 2011, lorsque j'ai commencé mon mandat, le niveau de collaboration de l'Iran avec les instances onusiennes concernées par ce dossier était au plus bas de son histoire. L'Iran se remettait à peine d'une des plus graves crises qu'il ait connues depuis sa révolution. Les élections présidentielles avaient déclenché une série de protestations, au cours desquelles plusieurs manifestants pacifiques avaient trouvé la mort aux mains des forces de sécurité, et des milliers de personnes avaient été arrêtées et condamnées à la suite de parodies de procès. Cette expérience semblait avoir enhardi les purs et durs dans leur opposition à ce qu'ils qualifiaient d'« interférence » de l'ONU ou de la communauté internationale dans les affaires intérieures de l'Iran, au nom des « droits de la personne ».
    Les rapporteurs spéciaux de l'ONU s'étaient vu refuser l'accès dans le pays depuis six ans, alors que celui-ci s'était engagé à accepter toute demande de procédure spéciale, et l'Iran était le pays qui comptait le plus grand nombre de communications adressées par l'ONU en vertu des procédures spéciales et restées sans réponse. Tout en étant signataire de cinq traités internationaux sur les droits de la personne, l'Iran n'avait pas fait l'objet d'un examen par un organe conventionnel compétent depuis des années. Au début de mon mandat, le gouvernement répondait rarement par des informations substantielles aux allégations contenues dans mes rapports, préférant les considérer comme de la propagande et des mensonges.
    Près de six années plus tard, nous pouvons aujourd'hui affirmer que le niveau de collaboration de l'Iran avec les organes et mécanismes onusiens pertinents s'est quelque peu amélioré. Il a invité deux titulaires de mandat à se rendre dans le pays au cours des prochains mois, il s'est prêté à des examens par trois organes conventionnels et se prêtera à un quatrième l'an prochain. Il répond plus souvent aux communications que nous lui adressons en vertu de procédures spéciales, et aux miennes en particulier. En fait, depuis cinq ans, la qualité des réponses données par le gouvernement à mes rapports s'est améliorée, et celles-ci comportent maintenant des renseignements substantiels sur les allégations précises qui sont portées contre lui.
    De plus, les autorités iraniennes viennent régulièrement me rencontrer à New York et à Genève, et rencontrent de plus en plus souvent d'autres parties prenantes, notamment des juges, des membres des forces de sécurité, et des membres de la société civile, comme des ONG indépendantes.
    Je suis convaincu que les mesures décidées par la communauté internationale ont contribué au revirement de la position iranienne, et j'entends par là la résolution de l'AGNU qui a été présentée pour la première fois par le Canada en 2003, après la torture et le meurtre dans une prison iranienne de la journaliste canadienne d'origine iranienne, Zahra Kazemi, ainsi que la décision du Conseil des droits de l'homme, en 2011, de remettre l'Iran à l'ordre du jour de ses délibérations.
    Ces deux mesures ont joué un rôle capital dans la décision des autorités iraniennes d'accroître leur collaboration avec les instances onusiennes des droits de l'homme. Il est indéniable que c'est aussi le résultat des changements politiques internes qui sont survenus dans le pays, notamment l'élection du président Hassan Rouhani, et la priorité affichée par le régime de rétablir des liens avec la communauté internationale, même si, comme l'a fait remarquer M. Akhavan, il n'avait pas vraiment le choix.
    Je suis également convaincu qu'en surveillant assidûment la situation des droits de la personne en Iran, la communauté internationale a contribué à faire changer le comportement du gouvernement. Après tout, l'Iran tient à avoir une bonne réputation sur la scène internationale, et son refus de collaborer finissait par coûter trop cher à un régime qui tient à rétablir des relations avec la communauté internationale.
    Plus particulièrement, lorsqu'il est apparu évident aux responsables iraniens que leur refus de collaborer pendant mon mandat ne m'empêcherait pas, ni moi ni le Secrétaire général de l'ONU, de présenter des rapports détaillés sur de graves violations des droits de la personne dans le pays, la sagesse l'a emporté, je suppose, et ils ont décidé qu'ils avaient intérêt à collaborer avec les instances internationales des droits de la personne, ne serait-ce que pour donner leur propre version des faits. Même si, comme certains le prétendent, ce changement est une victoire des modérés sur les purs et durs, il est indéniable que les pressions internationales ont provoqué un changement de comportement. Et si ce changement se poursuit de façon positive, des vies seront peut-être épargnées.
    L'an dernier, 70 députés ont présenté un projet de loi qui, s'il est approuvé par le Parlement et le Conseil des Gardiens, pourrait faire passer de la peine capitale à une peine d'emprisonnement la sentence imposable en cas d'infractions non violentes liées à la drogue.
(1320)
    Si le projet de loi est adopté, le nombre d'exécutions pourrait diminuer de 70 %. Les représentants iraniens, y compris des juges, qui ont condamné à la peine de mort des personnes accusées d'infractions non violentes liées à la drogue, ont reconnu que les critiques de plus en plus vives des organes onusiens des droits de l'homme et d'autres organes conventionnels, en ce qui concerne le traitement des toxicomanes, les avaient amenés à réfléchir à toute la question du recours à la peine capitale en Iran. La communauté internationale doit continuer d'exercer des pressions, parce que nous n'avons pas encore observé d'amélioration notable et concrète de la situation à cet égard.
    Même si je me félicite des nouvelles dispositions du gouvernement à l'égard de mon mandat, je tiens à souligner que l'Iran continue de m'interdire l'accès sur son territoire pour que je puisse faire mon travail.
    Ce qui est plus inquiétant, c'est que des personnes que le gouvernement soupçonne d'avoir collaboré avec moi ont été victimes de représailles. De plus, même si deux procédures spéciales se sont traduites par des invitations, l'Iran continue, depuis 2003, de faire la sourde oreille aux demandes d'accès qui lui sont faites afin que des envoyés spéciaux puissent documenter sur place des violations des droits de la personne. L'Iran a rejeté la grande majorité des recommandations proposées par les États-membres, en ce qui concerne les réformes à apporter aux droits civils et politiques fondamentaux, au cours des deux derniers cycles de l'Examen périodique universel de 2010 et de 2014.
    Mais surtout, la situation des droits de la personne en Iran reste très inquiétante et nécessite une surveillance constante de la part de la communauté internationale. Pas plus tard que ce matin, j'ai appris que 13 personnes y avaient été exécutées, dont une en public. Dans ma dernière communication au Conseil des droits de l'homme, en mars dernier, j'ai décrit les défis très sérieux que l'Iran va devoir relever pour que la situation s'améliore véritablement.
    Dans mon dernier rapport, j'aborde toutes sortes de questions, notamment la hausse vertigineuse du nombre d'exécutions de prisonniers en 2015, qui a été d'au moins 966 et auxquelles M. Akhavan vient de faire allusion. C'est le nombre le plus élevé, depuis plus de 20 ans de pratiques discriminatoires contre les femmes et les filles. Le gouvernement continue d'exécuter des jeunes, l'administration de la justice pénale souffre de graves lacunes, les minorités religieuses et ethniques sont persécutées et pourchassées, et les défenseurs des droits de la personne, notamment les journalistes, qui sont la pierre angulaire de toute démocratie, risquent de longues peines d'emprisonnement et sont à la merci des autorités.
    Bref, il reste encore beaucoup à faire, et je ne pense pas que ce soit le moment de nous désintéresser de la situation des droits de la personne en Iran, de renoncer aux mécanismes de surveillance et de suspendre les mesures que nous avons prises jusqu'à présent, et qui peuvent avoir donné résultats.
    Nous ne devons pas oublier les leçons du passé. En 2002, le mandat de l'ancien rapporteur de l'ONU sur les droits de l'homme en Iran, le professeur Maurice Copithorne, n'a pas été renouvelé. À l'époque, un président réformiste, Mohammad Khatami, venait d'entamer un second mandat. L'ONU avait alors commencé à dialoguer avec l'Iran, et on espérait que cette nouvelle ouverture entre la communauté internationale et l'Iran allait contribuer à améliorer la situation dans ce pays, mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Les purs et durs ont multiplié les entraves aux réformes de M. Khatami, et le début d'ouverture qui avait caractérisé les quatre premières années de son mandat s'est rapidement évaporé.
    L'année 2005 a été celle de l'interruption du dialogue avec l'UE. L'Iran a cessé d'autoriser les représentants onusiens à entrer dans le pays, ce qui a ouvert la voie à de nombreuses violations des droits de la personne, par les membres des forces de sécurité et par les juges.
    Aujourd'hui, alors que nous réfléchissons à l'avenir de nos relations, nous devons tenir compte de ce qui s'est passé et donner du temps au temps. Nous devons prôner une plus grande responsabilité, en reconnaissant les progrès accomplis et en sanctionnant la non-conformité.
    Plus que jamais, il faut que le Canada et la communauté internationale travaillent main dans la main pour trouver des façons plus efficaces d'amener les autorités iraniennes à respecter les droits de la personne, d'autant plus qu'ils cherchent à développer leurs relations politiques et culturelles avec ce pays. Des relations plus approfondies avec l'Iran et une surveillance accrue de la situation des droits de la personne ne sont pas, à mon avis, nécessairement contradictoires. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la nouvelle ouverture de l'Iran vis-à-vis de la communauté internationale est l'occasion, non seulement de nouer des liens avec les dirigeants de la planète, mais aussi de s'assurer que les entreprises et les autres acteurs peuvent contribuer à un plus grand respect des droits de la personne dans ce pays. Mais l'établissement d'un dialogue avec ce pays, qui est quasiment inévitable avec la levée des sanctions, doit se faire avec prudence, et jamais au détriment d'un appui ferme de l'opinion publique au renforcement des droits de la personne, faute de quoi on risquerait de ne rien gagner, à plus long terme. Ce dialogue doit générer plus de transparence et ne pas oblitérer la question des droits de la personne.
    Merci.
(1325)
    Merci beaucoup, monsieur Shaheed.
    Sur ce, nous allons entamer le premier tour, et c'est le député Anderson qui va commencer.
    Je vous remercie, messieurs, de vous adresser à notre comité aujourd'hui. Vos déclarations m'ont beaucoup intéressé.
    Ce qui me préoccupe un peu, c'est que, vers la fin, vous avez dit que nous devions exiger de la responsabilité. Je me réjouis que nous cherchions à rétablir des relations avec ce pays, mais vous avez dit que nous n'avons toujours pas vu d'amélioration concrète et notable de la situation des droits de la personne.
    S'agit-il surtout, de leur part, d'un exercice de relations publiques, plutôt que d'une réelle volonté d'améliorer la situation de la population?
    Je vous dirai franchement que je n'ai pas observé de changement substantiel dans la façon dont le gouvernement considère les droits de la personne. En fait, on a constaté une nette hausse du nombre de violations de ces droits. Parlons par exemple du respect du droit à la vie. Des mesures timides ont été prises à cet égard, notamment la réforme des procédures pénales, qui comporte un certain nombre d'aspects positifs, mais d'autres aussi qui sont préoccupants. Par exemple, même si la nouvelle procédure permet à un avocat d'avoir accès à un détenu dès le premier jour de sa détention, elle prévoit aussi, pour certaines catégories d'infractions, que l'avocat doit être choisi parmi les noms figurant sur une liste [Inaudible]. Certains signes montrent que les choses vont peut-être changer, mais la réalité sur le terrain est tout autre: la situation n'a pas changé et, dans certains cas, elle a même empiré.
    Je vous en prie, monsieur.
    Permettez-moi d'ajouter quelques mots à ce que vient de dire M. Shaheed. Je pense qu'il faut situer cette question de l'amélioration de la situation dans le contexte plus général de ce qui se passe en Iran aujourd'hui. Les élites politiques iraniennes sont soumises à des pressions de toutes parts. Elles ont besoin de rétablir des relations avec d'autres pays, mais elles ont aussi besoin d'apaiser la population, car elles craignent un nouveau soulèvement populaire, comme celui que l'Iran a connu en 2009. Donc, la question n'est pas seulement de savoir ce que les élites politiques veulent faire, il faut bien comprendre qu'elles sont soumises à des pressions. C'est la raison pour laquelle je pense qu'au-delà des concessions à court terme qu'ils ont faites pour obtenir la levée des sanctions, nous allons devoir leur faire bien comprendre que le rétablissement des relations passe par l'amélioration des droits de la personne dans leur pays.
    J'aimerais ajouter aussi que l'exemple de la communauté baha'ie dont j'ai parlé tout à l'heure montre bien que l'Iran est pris en tenaille entre, d'une part, les manifestations de sympathie sans précédent dont fait l'objet cette minorité persécutée et, d'autre part, un regain de violence et de fanatisme de la part des purs et durs. Ce sont deux tendances nettement opposées.
(1330)
    Je suis content de vous l'entendre dire. Nous avons justement fait une déclaration là-dessus la semaine dernière. Mais je pense à quelque chose. Vous avez dit qu'ils avaient libéré une personne à court terme et qu'ils avaient organisé ce qu'on peut appeler une opération de relations publiques. Mais pensez-vous qu'il y ait eu des progrès en ce qui concerne leur libération et la libération d'autres prisonniers religieux en Iran? Les persécutions dont vous avez parlé se sont-elles intensifiées au niveau local? Nous avons vu qu'en Chine, ce sont surtout les autorités provinciales qui semblent prendre ce genre de décision. En Iran, ces persécutions sont-elles toujours décidées par le gouvernement central, ou bien sont-elles maintenant cantonnées à certaines régions, où il est plus facile de stigmatiser les gens en fonction de leurs croyances religieuses?
    Je vais laisser M. Shaheed répondre à cette question, mais personnellement, j'ai pu observer que la persécution de la minorité religieuse baha'ie est la politique du régime depuis bien des années. C'est une véritable idéologie, qui frise l'obsession. Les incidents locaux ne sont certainement pas sans rapport avec la politique et les orientations du pouvoir central. D'un autre côté, comme je l'ai dit tout à l'heure, le fait que la fille de l'ancien président fraye avec des prisonniers baha'is et le fait qu'un ayatollah chiite manifeste de la sympathie pour ces personnes sont extrêmement inquiétants pour le régime. C'est la preuve qu'ils perdent de leur emprise sur le pouvoir. C'est la raison pour laquelle je pense qu'au-delà de la libération des sept prisonniers baha'is, il y a le fait que les autorités iraniennes se voient contraintes de mettre un terme à leur campagne d'incitation à la haine et à la violence. Je pense qu'elles vont prêter une oreille attentive si un gouvernement comme le Canada leur demande de libérer ces prisonniers.
    Que pensez-vous qu'il va arriver? Vous avez dit qu'ils en étaient arrivés à la croisée des chemins, en quelque sorte, alors que pensez-vous qu'ils vont faire? Quelles sont les deux orientations possibles? Suffit-il de maintenir la pression internationale pour que les autorités de ce pays modifient leur façon de faire, parce qu'il ne semble pas que ce soit ce qu'elles aient envie de faire? Vous avez dit qu'il n'y avait pas eu d'amélioration notable ou concrète de la situation des droits de la personne. Je pense que vous l'avez dit tous les deux. Mais alors, que va-t-il se passer d'ici les 6 à 12 prochains mois?
    Si vous me permettez d'intervenir, je dirai que les récentes élections au Parlement se sont traduites par un recul de la représentation des religieux et des purs et durs. De façon générale, on peut dire que la majorité est composée de pragmatistes ou de modérés, sans compter que 18 femmes ont été réélues. Il se pourrait que le nouveau Majlis soit plus favorable à des politiques modérées. Je n'ai pas dit réformistes ou progressives, mais simplement plus modérées que celles adoptées par les législatures précédentes.
    L'Iran se doit de régler certains problèmes qui durent depuis longtemps, et le président Rouhani s'est engagé pendant la campagne électorale à répondre à certaines demandes de ces gens-là.
    Toujours à propos de la communauté baha'ie, permettez-moi d'ajouter que, même si nous pouvons nous réjouir qu'un prisonnier ait été libéré, alors que je réclame la libération des sept dirigeants, j'ai observé une montée en puissance des discours haineux contre la communauté baha'ie. J'ai également constaté leur victimisation de plus en plus fréquente, par toutes sortes de moyens.
    De mes discussions avec eux, j'ai pu comprendre que, s'il y a une question sur laquelle ils ne céderont pas, c'est bien celle de la communauté baha'ie. Ils refusent de reconnaître que les baha'is ont des droits civiques. Lorsqu'une personne se déclare baha'ie, elle perd toute une catégorie de droits. Je pense que nous devrions nous montrer très fermes sur cette question, et exiger que l'Iran change d'attitude vis-à-vis de cette communauté.
    Merci beaucoup, messieurs.
    Députée Khalid, vous avez la parole.
    Merci, messieurs, de vous adresser à notre comité aujourd'hui.
    J'aimerais savoir précisément ce qu'il en est des sanctions contre l'Iran. Le gouvernement du Canada a coupé ses relations diplomatiques avec ce pays en 2012, et, même si nous ne les avons pas officiellement rétablies, nous avons annoncé que nous étions prêts à reprendre le dialogue avec les représentants iraniens et à profiter de l'occasion pour faire la promotion des droits de la personne dans ce pays.
    Le rétablissement des relations diplomatiques va-t-il donner l'occasion au Canada d'exercer des pressions sur les Iraniens pour qu'ils respectent davantage les droits de la personne?
    Je m'adresse à l'un ou à l'autre de vous deux.
    La plus grande contribution que le Canada ait apportée à la cause des droits de la personne en Iran est la résolution qu'il a déposée à l'AGNU et les efforts qu'il déploie pour la faire adopter par de plus en plus de pays. C'est en quelque sorte la seule déclaration publique de la communauté internationale sur les mesures que l'Iran devrait prendre. Cette tribune reste la plus importante.
    À mon avis, si cela ouvre d'autres voies de communication pour prôner encore davantage le respect des droits de la personne, ce sera évidemment un avantage. En revanche, si on choisit la voie de la diplomatie discrète, où on ne parle plus de transparence et de droits de la personne, à ce moment-là, on n'aura rien gagné et on risquera même, en fait, de démoraliser ceux qui, sur le terrain, militent pour le respect des droits de la personne.
    C'est un choix à faire. Quelle surveillance veut-on continuer d'exercer sur la situation des droits de l'homme en Iran?
(1335)
    J'aimerais ajouter ceci. Je parlais tout à l'heure du pendule qui oscillait entre deux extrêmes, avec, d'un côté, l'isolement total, et de l'autre, le rétablissement inconditionnel des relations. À mon avis, la question fondamentale est de déterminer comment le Canada peut rétablir ces relations en se fondant sur des principes.
    Comme je l'ai dit, l'Iran a beaucoup plus à gagner que le Canada d'un rétablissement des relations diplomatiques. Le Canada devrait donc utiliser ses munitions avec la plus grande prudence. C'est peut-être le moment, pour le Canada, d'obtenir des concessions, puisque l'Iran n'a pas la garantie que le Canada va rétablir des relations diplomatiques. Faisons le meilleur usage de cette monnaie d'échange.
    Merci.
    À propos de cette monnaie d'échange, quelles méthodes concrètes le Canada devrait-il utiliser dans ses discussions avec l'Iran, surtout en ce qui concerne les droits de la personne?
    Je pense à deux ou trois choses.
    Premièrement, comme je l'ai dit, le Canada devrait, par la voie de la diplomatie discrète ou autrement, demander la libération de certains prisonniers. Le régime iranien emprisonne des gens depuis fort longtemps, afin de les utiliser comme monnaie d'échange. Comme je l'ai dit, c'est à dessein qu'il a arrêté des ressortissants iraniens ayant la double nationalité ou simplement des Iraniens ayant des liens avec l'étranger. Je pense que le Canada devrait demander la libération de Saeed Malekpour et des sept dirigeants baha'is. Voilà pour une première mesure concrète que le Canada pourrait prendre.
    Deuxièmement, le Canada pourrait annoncer sans ambages que le rétablissement des relations commerciales et diplomatiques passe par un dialogue constant sur les droits de la personne, et pas le genre de dialogue que les Iraniens ont eu avec les Européens pendant le régime de Khatami, car en fait, rien n'a changé sur le terrain.
    Troisièmement, le Canada pourrait continuer d'appuyer le mandat de M. Shaheed et de parrainer des résolutions, comme il le fait depuis 1980.
     C'est à ces trois niveaux-là que le Canada peut, semble-t-il, adopter un pragmatisme fondé sur des principes, dans ses relations avec l'Iran.
    Permettez-moi d'ajouter ceci. Je ne saurais trop insister sur le fait que le rétablissement des relations ne doit pas se limiter au gouvernement de l'Iran, mais qu'il doit comprendre aussi la population et la société civile de ce pays, afin que celles-ci soient en mesure d'exiger le respect de leurs propres droits.
    Merci.
    Je vais maintenant changer un peu de sujet. Comme je suis une femme en politique, j'ai été ravie de vous entendre dire, monsieur Shaheed, que 18 femmes ont été élues au Parlement iranien. C'est très réconfortant. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur la discrimination dont sont victimes les femmes dans ce pays?
    Nous savons que, dans les pays où les droits des minorités sont violés et bafoués, ce sont les femmes qui sont le plus souvent visées, et c'est pour cela que j'aimerais avoir des précisions sur ce qui se passe en Iran à ce niveau-là.
    Dans mes rapports, j'ai parlé des préoccupations du CEDEF à l'égard de la discrimination systémique qui s'exerce contre les femmes. C'est omniprésent dans les lois et dans les pratiques. Mais paradoxalement, depuis une trentaine d'années, les femmes ont fait des pas de géant dans le domaine de l'éducation, si bien qu'aujourd'hui, les Iraniennes sont parmi les femmes les plus instruites de toute la région.
    Mais malheureusement, cela ne leur donne pas de vrais moyens sur le plan économique. Les lois et les pratiques les empêchent souvent de participer à la population active. En fait, une nouvelle loi vient d'être présentée, qui obligera un employeur à donner la priorité aux hommes mariés ayant une famille, puis aux hommes mariés, et seulement après aux femmes mariées. Des femmes célibataires, il n'en est pas fait mention. Ce genre de politique restreint évidemment les droits des femmes.
    Cela dit, depuis cinq ans que j'observe la situation en Iran, je constate que les femmes restent très puissantes et qu'elles sont capables de défendre leurs propres droits et ceux de la société civile dans son ensemble. L'élection de 18 femmes au Parlement est un signe que les femmes vont continuer de jouer un rôle dans la vie publique, mais il n'en reste pas moins que le système lui-même est très discriminatoire à leur égard.
(1340)
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à la députée Hardcastle.
    Je tiens à remercier nos deux témoins de s'adresser à notre comité aujourd'hui. Ce qu'ils nous ont dit est matière à réflexion.
    On a entendu certaines choses très surprenantes, récemment, sur lesquelles j'aimerais avoir votre avis, mais auparavant, j'aimerais vous poser une question.
    Je pense qu'il vaut mieux que je m'adresse à vous, monsieur Shaheed, puisque cela concerne des problèmes de drogue. En février dernier, l'Iran a prétendu avoir exécuté toute la population adulte mâle d'un village parce qu'ils consommaient de la drogue. J'aimerais avoir des précisions sur la répression que le régime exerce sur les narcomanes. J'aimerais aussi savoir si l'Iran reçoit toujours une aide financière de l'agence onusienne de lutte contre la drogue?
    Je voudrais préciser, à propos de ce que vous venez de dire, que c'est un rapport adressé par la vice-présidente du Département des affaires féminines, Mme Molaverdi, qui indiquait que, dans certains villages — et le mot était au pluriel — des provinces du Sistan et du Baluchistan, tous les hommes avaient été massacrés dans le cadre de la lutte contre la drogue. Ce n'est donc pas seulement un village, ça pourrait être beaucoup plus que ça.
    Entre 60 et 70 % des personnes exécutées en Iran sont des personnes condamnées pour infractions non violentes à la législation antidrogue. C'est là le pourcentage de condamnations à la peine capitale. Cela ne comprend pas les personnes qui sont tuées à la frontière, sans procédure juridique.
    S'agissant de l'ONUDC et de sa programmation, il a en effet un programme assez important en Iran, qui appuie la politique de l'Iran d'interdire le trafic de drogue. Mais je n'ai pas réussi à convaincre cet organe onusien de la nécessité d'utiliser son expérience et son expertise avec l'Iran pour prôner le respect des droits de la personne dans le contexte du trafic de drogue.
    Je voudrais dire également que, tout récemment, l'Iran a signé un Programme élargi des Nations unies pour le développement, sur trois ans. Encore une fois, je regrette que ce programme ne fasse aucune mention des droits de la personne.
    Les Nations unies pourraient faire beaucoup plus, notamment pour les défenseurs des droits de la personne qui œuvrent dans l'ombre, en affichant une position plus claire sur la situation des droits de la personne dans ce pays.
    Merci.
    Monsieur Shaheed, c'est un domaine dans lequel le Comité pourra proposer des façons de rendre notre message plus clair aux Nations unies.
    En effet.
    Je voulais simplement m'assurer que c'était une question que nous devions privilégier.
    Je voudrais maintenant m'adresser à M. Akhavan.
    S'agissant de renouer des liens avec la population iranienne, dans le cadre d'une diplomatie prudente qui serait bénéfique à l'Iran, j'aimerais savoir ce qui, à votre avis, risque de nous poser des difficultés, étant donné que les droits de la personne qui sont bafoués sont notamment l'accès aux médias sociaux, l'accès à l'information et la liberté de la presse.
    Quelles sont les questions fondamentales que notre comité devrait examiner?
    Comme l'a dit M. Shaheed, il faut avant tout bien comprendre qu'il existe une société civile en Iran, qui constitue un espace politique complètement différent. Et le gouvernement canadien doit absolument inclure, dans le rétablissement de relations diplomatiques avec ce pays, l'établissement d'une relation diplomatique avec la population de ce pays.
    Nous avons au Canada un très grand nombre d'étudiants iraniens, par exemple, et nous avons toutes sortes de moyens pour essayer d'influer sur cet espace public émergent.
    Je pense, à cet égard, que l'isolement complet de l'Iran a servi les intérêts des purs et durs. Plus la société civile iranienne était coupée du reste du monde, plus cela servait les intérêts des purs et durs qui veulent que leur population reste arriérée, indifférente et isolée.
    Je tiens à dire aussi que, parfois, des gestes symboliques peuvent avoir des conséquences sur le très long terme. Par exemple, une délégation de l'Union européenne s'est rendue en Iran il y a quelques mois, et ses membres ont insisté pour rencontrer Mlle Nasrin Sotoudeh, que j'ai mentionnée dans ma déclaration liminaire.
    Elle est, si l'on peut dire, le Nelson Mandela de l'Iran. Nous avions une question sur la discrimination à l'égard des femmes. Les principaux défenseurs des droits de la personne en Iran sont des femmes comme Shirin Ebadi et Nasrin Sotoudeh. Le fait que la délégation ait insisté pour la rencontrer a très fortement indisposé le gouvernement iranien, mais cela a clairement montré à ce dernier quelles étaient les conditions de l'Union européenne à un rétablissement des relations diplomatiques.
    Je sais qu'au sein de l'Union européenne, le débat fait rage entre ceux qui veulent que le respect des droits de la personne soit une condition au rétablissement des relations diplomatiques, et ceux qui préféreraient balayer tout ça sous le tapis.
    À cet égard, le Canada peut accomplir beaucoup de choses, ne serait-ce que sur un plan symbolique, en plus d'avoir des programmes d'aide pour les étudiants, les syndicats, les groupes de femmes et les groupes environnementaux. C'est la raison pour laquelle l'ouverture graduelle, si elle est opérée adroitement, peut contribuer à donner aux forces progressistes les moyens dont elles ont besoin pour remodeler l'avenir de ce pays.
(1345)
    Excellent. Merci beaucoup.
    Merci.
    Je vais maintenant donner la parole au député Miller, pour cinq minutes.
    Merci à tous les deux de comparaître devant notre comité. La question que j'aimerais poser concerne les deux extrêmes du pendule dont a parlé M. Akhavan, à propos de l'approche que nous pouvons adopter pour le rétablissement des relations diplomatiques. Vous avez dit au début que le Canada était obligé de jouer le jeu géopolitique. Je sais que c'est très important et que ce n'est pas du tout un jeu, mais d'un autre côté, un rétablissement sans conditions des relations diplomatiques avec ce pays n'est pas souhaitable, pour toutes les raisons que vous avez mentionnées.
    Monsieur Akhavan, vous avez parlé à plusieurs reprises de la société civile iranienne, en disant notamment qu'elle avait le plus fort potentiel de développement et d'épanouissement, par rapport à la société civile des pays voisins. Je souhaiterais que vous nous donniez plus de détails là-dessus, dans le contexte de nos relations commerciales et de la levée des sanctions. J'aimerais également que vous fassiez la comparaison avec ce que les Européens sont en train de faire et les décisions symboliques que le Canada pourrait prendre, afin que le pendule oscille dans le bon sens et que nous soyons en mesure d'utiliser notre monnaie d'échange à bon escient.
    En qualité d'ancien collaborateur des Nations unies, je peux vous dire que dans les négociations de paix, par exemple, il y a ceux qu'on appelle les pragmatistes, c'est-à-dire ceux qui croient que la défense des droits humains fondamentaux appartient aux militants et aux idéalistes naïfs de certaines ONG, et que les vrais enjeux à négocier sont la sécurité, les relations économiques, etc.
    C'est une très grave erreur. Les problèmes que nous observons aujourd'hui au Moyen-Orient, que ce soit en Iran, en Irak ou en Syrie, sont inextricablement liés à la nature des régimes. Un régime qui se maintient au pouvoir en encourageant la haine religieuse et la violence ne peut pas être un bon partenaire commercial, pas plus qu'un instrument de paix et de stabilité durables dans la région.
    J'estime par conséquent qu'il faut inclure les droits de la personne dans nos discussions, et ne pas en faire la chasse gardée d'une poignée de militants et d'idéalistes naïfs. Le respect des droits de la personne est un élément fondamental de la gouvernance mondiale. Imaginons ce qui se passerait si, non seulement en Iran, mais dans l'ensemble du Moyen-Orient, les forces progressistes qu'on sent prêtes à émerger prenaient le pouvoir en Iran. Comment l'Iran repenserait-il alors, non seulement ses relations avec ses propres citoyens, mais aussi son rôle au Liban et en Syrie, et ses relations avec Israël et l'Irak?
    Je n'ai pas le temps de développer ces idées, mais je tiens simplement à souligner que les droits de la personne ne sont pas seulement un enjeu moral. Ils sont aussi un enjeu pragmatique, qui fait partie de l'équation géopolitique.
(1350)
    Merci.
    Monsieur Shaheed, qu'avez-vous à dire à ce propos? Je sais que votre rapport a été fustigé par l'Iran d'une façon très cavalière. Pensez-vous que les puissances occidentales aient adopté la bonne approche — ou la mauvaise, en fait — dans le contexte de l'accord P5+1?
    S'agissant des droits de la personne, je pense qu'il faut continuer d'exercer des pressions. Ce serait une grave erreur de chercher à balayer cette question sous le tapis, une erreur qui serait lourde de conséquences. Ce ne serait d'ailleurs pas une position tenable pendant très longtemps.
    Pour revenir sur ce que disait M. Akhavan il y a quelques instants, à propos de la nécessité d'établir des relations avec la société civile, puisque des entreprises vont aller faire des affaires en Iran, je pense qu'il sera important de leur rappeler leurs propres obligations, en vertu des principes de Ruggie. Il s'agit des mesures que prennent les gouvernements ou pays d'attache pour obliger leurs entreprises à respecter les principes de Ruggie, et pour les empêcher de contribuer aux politiques discriminatoires d'un pays, en l'occurrence l'Iran, ou de participer à des violations des droits de la personne.
    Il faut inclure les droits de la personne dans nos discussions avec l'Iran, c'est important de le faire. Je ne dirai pas, pour le moment, que nous avons choisi la mauvaise méthode. Jusqu'à présent, tout s'est déroulé d'une façon très mesurée, et il faut que ça continue jusqu'à ce qu'on observe des progrès substantiels dans ce pays et qu'on ait suffisamment de preuves que la situation s'est améliorée.
    Merci beaucoup.
    Député Kent.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, comme vous le savez, l'Union européenne a retiré de sa liste des organisations terroristes l'Organisation des moudjahidines du peuple iranien, et chaque année, depuis quelque temps, la Résistance démocratique d'Iran — c'est le nom sous lequel cette organisation est connue au Canada — envoie des délégués à la conférence annuelle de Paris. Un certain nombre de politiciens canadiens s'y rendent également depuis plusieurs années.
     Que diriez-vous de l'idée d'établir des liens avec la diaspora iranienne, notamment avec cette organisation?
    À mon avis, il faut établir des liens avec la diaspora iranienne la plus large possible. Celle-ci comprend toutes sortes de communautés, notamment des communautés ethniques minoritaires, des communautés religieuses, etc. Plutôt que de cibler une communauté en particulier, il vaut mieux chercher à établir des liens avec l'ensemble de la diaspora, afin de couvrir un maximum d'intérêts différents.
    Dans le cadre de mon travail, il m'apparaît important de faire la distinction entre les activités à motivation politique et les activités axées sur les droits de la personne. En ciblant clairement les droits de la personne, non seulement on élève le débat, mais on contribue aussi à rendre les objectifs plus nets. J'estime donc qu'il serait plus utile d'établir des liens avec un maximum de communautés de la société civile, à la fois en Iran et dans les communautés de la diaspora.
    Monsieur Akhavan, je vous en prie.
    J'estime, par principe, que tout groupe qui renonce à la violence comme monnaie d'échange devrait avoir une place à la table. Comme l'a dit M. Shaheed, l'Iran est une société très complexe, sur les plans ethnique, religieux et politique. Il est important de comprendre que tous ces éléments font partie de l'avenir de l'Iran, qu'ils font partie d'une nouvelle culture des droits de la personne. Dans le passé, les groupes politiques se servaient des droits de la personne pour se faire élire, et devenaient ensuite les pires ennemis des droits de la personne. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est vraiment important de mobiliser la société civile — parce que, dans un certain sens, elle est détachée du pouvoir et que cela crée des règles différentes en matière de légitimité.
    Je pense que la diaspora a un rôle très important à jouer, d'autant plus que la diaspora iranienne est considérable en raison des nombreux réfugiés et migrants économiques qui ont quitté l'Iran pour les raisons que l'on sait. Ils retournent régulièrement dans leur pays, ils transmettent des informations. L'Internet et la télévision par satellite sont d'ailleurs un véritable casse-tête pour le régime, car les jeunes Iraniens en sont friands et ils savent ainsi ce qui se passe dans le reste du monde.
    Il est donc très important d'entretenir ce genre de relations, et c'est la raison pour laquelle le Canada a beaucoup plus d'influence qu'il ne l'imagine. Au-delà de la diplomatie, au sens le plus strict du terme, le Canada peut avoir une influence positive beaucoup plus vaste.
(1355)
    Messieurs, pour revenir sur cette hausse vertigineuse du nombre des exécutions l'an dernier en Iran… La plupart de ces exécutions concernaient — comme on l'a appris tout à l'heure — des infractions liées à la drogue et au trafic de drogue ainsi que des délits ordinaires. Peut-on accorder la moindre crédibilité au système judiciaire qui a prononcé et fait exécuter ces sentences?
    D'après les rapports que je reçois, les procès sont dans la très grande majorité des cas des parodies de justice, certains durant à peine quelques minutes avant de décréter la peine de mort. Les garanties juridiques sont rarement respectées, et dans certains tribunaux, surtout les tribunaux judiciaires, le procès est une véritable parodie de justice. Le plus gros problème est, bien sûr, le nombre d'infractions passibles de la peine capitale, dont certaines sont illégales en vertu du droit international, mais la procédure selon laquelle ils prononcent leurs sentences est, elle aussi, gravement déficiente.
    Permettez-moi d'intervenir pour dire que, premièrement, le système judiciaire iranien est vicié à la base. Après la révolution, les juges compétents ont été remplacés par des juristes religieux. Il est très difficile d'avoir des juges compétents en Iran.
    Deuxièmement, la question du trafic de drogue est très complexe, surtout quand de nombreux rapports indiquent que le Corps des Gardiens de la Révolution islamique en est un protagoniste important, ce qui témoigne du cynisme du régime qui fait exécuter des gens alors que le CGRI trempe lui-même dans ce trafic. Tout le monde sait que, parmi les élites politiques, y compris le dirigeant suprême, l'ayatollah Khomeiny, l'usage de l'opium est très répandu.
    Ce que je voudrais souligner, c'est le spectacle public qu'on fait de ces exécutions. Peu importe la raison pour laquelle les gens sont exécutés, quand on les voit pendus à des grues au milieu d'une place publique, on pense tout de suite à la loi du talion au Moyen- Âge, en Europe. L'objectif est de répandre la terreur parmi les citoyens. Ce qui est important dans l'esprit des gens, ce n'est pas tant les motifs de ces exécutions, mais plutôt leur côté sordide et horrible, en public. Je pense que ce qu'il faudrait essayer de faire —en plus de ce que M. Shaheed a dit, à savoir réduire le nombre d'infractions passibles de la peine de mort —, c'est amener simplement l'Iran à abolir la peine de mort, et je pense qu'au sein de la population iranienne, il y en a beaucoup qui le souhaitent.
    Merci beaucoup.
    Il nous reste du temps pour une courte question du député Tabbara.
    Je vous remercie tous les deux de comparaître devant notre comité.
    Étant donné le peu de temps dont je dispose, je vais passer directement à ma question.
    Monsieur Akhavan, la dernière fois que vous avez comparu devant notre comité, en mai 2013, vous avez parlé du cas de Barmaan, qui était âgé d'un mois lorsque sa mère lui a été enlevée pour purger une peine d'emprisonnement de 23 mois. C'était en juillet 2012, et le seul crime qu'elle avait commis était d'être baha'ie.
    Pourriez-vous rapidement faire le point sur la situation des baha'is, et nous dire s'ils sont toujours persécutés?
    Malheureusement, les persécutions se poursuivent et s'intensifient. Comme je l'ai expliqué rapidement pendant ma déclaration liminaire, il y a eu récemment une cinquantaine d'arrestations de baha'is dans diverses provinces iraniennes. Un grand nombre de magasins baha'is ont été brûlés et pillés. Les enfants baha'is sont terrorisés à l'école par leurs professeurs. Autrement dit, face aux nombreuses manifestations de sympathie provenant de personnalités publiques et de dissidents, les purs et durs commencent à paniquer et sont en train d'intensifier leurs pressions sur la communauté baha'ie.
    Le groupe dont j'ai parlé, qui a été récemment arrêté dans la province du Golestan, était composé d'une vingtaine ou d'une trentaine de jeunes. Ils ont été gravement battus et torturés. La situation est très sérieuse, car si les purs et durs craignent de perdre une partie de leur pouvoir, nous risquons d'assister à une multiplication des exécutions de baha'is, comme cela s'est produit au début de la révolution.
(1400)
    Merci beaucoup, messieurs Akhavan et Shaheed.
    Nous avons débordé de notre grille horaire, il est exactement 14 heures.
    Je tiens à vous remercier de vous être adressés à nous en téléconférence aujourd'hui, et d'avoir donné le coup d'envoi à nos audiences de la Semaine de responsabilisation de l'Iran. Encore merci d'avoir jeté un nouvel éclairage sur toute cette question, et de nous avoir donné des conseils sur un enjeu qui revêt une grande importance pour notre gouvernement et pour notre Parlement.
    Merci d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
    Merci.
    Merci.
    La séance est levée.
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