Monsieur le président, Hong Kong est le foyer d'une importante communauté canadienne, et les relations qui nous unissent sont vastes et profondes.
Au cours des 18 derniers mois, cette ville qui revêt une importance particulière pour le Canada a connu des changements politiques, sociaux et juridiques considérables. Tout au long de cette période, le gouvernement du Canada, notamment par l'entremise de notre équipe de 150 employés au Consulat général du Canada, s'est concentré sur deux aspects bien précis dans le cadre de son travail.
Premièrement, il a fait part des préoccupations du Canada quant aux menaces qui pèsent sur l'intégrité des institutions, les droits de la personne et la primauté du droit à Hong Kong dans le cadre de l'application du principe un pays, deux systèmes. Deuxièmement, il a veillé au bien-être de l'immense communauté de citoyens canadiens à Hong Kong pour garantir leur sécurité, leur liberté et leur capacité à prospérer.
Le Comité a déjà beaucoup entendu parler des Hongkongais qui ont lutté pour leurs droits fondamentaux pendant sept mois de manifestations extraordinaires en 2019. On vous a indiqué également comment la loi sur la sécurité nationale a été imposée à Hong Kong par le Congrès national du peuple chinois dans le cadre d'un processus secret compromettant sérieusement les principes du droit commun.
Le Canada et d'autres pays ont constaté que cette loi contrevient à la loi fondamentale de Hong Kong, aux obligations conventionnelles de la Chine en vertu de la Déclaration conjointe sino-britannique et aux engagements de Hong Kong en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Comité a entendu des experts juridiques de premier plan lui parler des aspects profondément préoccupants de la nouvelle loi. Le gouvernement du Canada est également préoccupé par ces questions, et je serais heureux d'apporter des précisions à ce sujet.
En réponse à l'imposition et à la mise en oeuvre de la loi sur la sécurité nationale, le Canada a pris différentes mesures, dont voici un aperçu.
Premièrement, nous avons mis à jour nos conseils aux voyageurs pour Hong Kong afin de les prévenir de nouveaux risques de détention arbitraire et d'un possible renvoi vers la Chine continentale pour des motifs de sécurité nationale. Chaque fois que ces conseils sont mis à jour, nous envoyons un courriel aux Canadiens figurant sur notre liste d'inscription consulaire et nous diffusons ces conseils sur la page Facebook de notre consulat, qui est maintenant suivie par plus de 49 000 personnes, et au moyen de présentations détaillées à des organisations communautaires canadiennes.
Deuxièmement, le Canada a été le premier de neuf pays à suspendre leur traité d'extradition avec Hong Kong.
Troisièmement, des modifications ont été apportées aux contrôles d'exportation du Canada le 7 juillet de telle sorte que l'exportation de biens de nature délicate vers Hong Kong soit traitée de la même façon que pour la Chine continentale.
Quatrièmement, en étroite collaboration avec des pays aux vues similaires à Hong Kong, à Beijing, dans les capitales et aux Nations unies, le Canada a publié une série de déclarations sur Hong Kong, au niveau ministériel ou à un niveau supérieur. Ainsi, il y a eu au moins une déclaration de haut niveau chaque mois d'avril jusqu'à août, puis à nouveau en octobre.
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De plus, nous avons constamment fait part de ces préoccupations directement, lors de réunions privées et publiques, aux représentants du gouvernement de Hong Kong et au ministère chinois des Affaires étrangères à Pékin, à Hong Kong et à Ottawa. Dans ce contexte, à chaque occasion, nous avons demandé qu'on libère Michael Kovrig et Michael Spavor et qu'on fasse preuve de clémence envers Robert Schellenberg. Nous avons même demandé publiquement si de telles mesures arbitraires en Chine continentale pouvaient se produire à Hong Kong en vertu de la loi sur la sécurité nationale.
Nous continuons de collaborer avec les organisations de la société civile, les dirigeants politiques, les militants, les experts juridiques, les universitaires et les journalistes qui œuvrent à l'échelle locale, afin de recueillir leurs points de vue sur la situation locale. En même temps, nous poursuivons nos efforts en vue de promouvoir les priorités et les valeurs du Canada au chapitre des droits de la personne grâce à des programmes offerts sur place, comme nous le faisons depuis de nombreuses années.
Le personnel du consulat général a également assisté à des audiences importantes, où comparaissaient des militants prodémocratie et des dirigeants politiques, avec l'aide de collègues de l'Union européenne.
À propos de la volonté de mobiliser et d'aider les Canadiens, j'ajouterai que, depuis le début de la période des troubles civils de l'année dernière, nous avons pris une série de mesures pour aborder les risques auxquels doivent faire face les Canadiens. Nous avons fourni une aide consulaire directe aux Canadiens. Depuis juin 2019, notre équipe a répondu à 204 demandes de service consulaire liées aux troubles civils, allant de simples demandes de renseignement à des visites auprès des Canadiens hospitalisés ou emprisonnés.
Lorsque les troubles civils se sont généralisés en juillet 2019, le consulat général, avec l'aide des experts en planification d'urgence d'Affaires mondiales Canada, s'est appuyé sur nos plans d'intervention d'urgence toujours actualisés afin de préparer des plans détaillés visant à réagir à de nouvelles circonstances qui pourraient survenir. Nous avons également fait venir du personnel du monde entier pour des affectations temporaires afin qu'il apporte un soutien d'urgence pendant la période la plus intense des troubles civils.
Nous avons régulièrement informé les Canadiens situés à Hong Kong de la possibilité d'affrontements à grande échelle dans les rues, et nous avons activement diffusé ces messages par notre service d'inscription de Canadiens à l'étranger et par les médias sociaux. Tout au long de cette période de 18 mois, et avec un effort renouvelé depuis la mise en place de la loi sur la sécurité nationale, nous avons noué des liens avec les milieux d'affaires canadiens, tant les entreprises individuelles que la Chambre de commerce du Canada, pour faire part de nos points de vue sur l'évolution de la situation et pour voir comment notre service de délégués commerciaux pourrait leur être utile.
J'attends avec intérêt de fournir de plus amples détails sur ces questions et sur tout autre point intéressant le Comité.
Je vous remercie de votre invitation à comparaître.
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Merci, monsieur le président.
La situation à Hong Kong est préoccupante pour le Canada. Prétendre le contraire, c'est ne pas tenir compte du fait qu'un État comme la Chine qui signe des traités internationaux renonce à une partie de sa souveraineté. En 1984, la République populaire de Chine et le Royaume-Uni ont signé la déclaration conjointe qui est entrée en vigueur en 1997 pour une période de 50 ans. Cette déclaration conjointe n'est pas simplement un traité bilatéral. Elle a aussi été enregistrée aux Nations unies avec le Canada comme témoin. En conséquence, le Canada est tenu à veiller à ce que ce traité international soit respecté, ce qui n'est pas le cas actuellement. C'est dans ce contexte que je vais vous poser mes questions.
Récemment, un citoyen des États-Unis a demandé de l'aide au consulat américain à Hong Kong avant d'en être expulsé puis arrêté par la police hongkongaise. En septembre, les journalistes australiens Bill Birtles et Mike Smith ont quitté la Chine à l'issue d'un incident diplomatique de cinq jours après avoir demandé refuge à leur ambassade à Pékin.
Monsieur Nankivell, quels plans votre consulat a-t-il établis pour le cas où un citoyen canadien impliqué dans l'activisme à Hong Kong demanderait votre protection?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie infiniment, monsieur Nankivell, d'être avec nous à une heure si tardive. Nous vous en sommes grandement reconnaissants, d'autant plus que nous avons eu un certain nombre de problèmes techniques, que vous avez dû vivre avec nous en dépit de l'heure tardive.
Je vous offre mes compliments pour la qualité de votre français et pour l'attention que vous avez portée aux travaux de ce comité depuis le début. Puisque vous avez été attentif aux travaux de ce comité, vous savez certainement que nous avons décidé de procéder à un rapport provisoire, particulièrement pour répondre à cette demande instante qui nous a été faite d'accueillir éventuellement des dissidents de Hong Kong qui auraient besoin d'un refuge, compte tenu de l'application de la loi sur la sécurité nationale.
Or l'ambassadeur de la République populaire de Chine, dans une déclaration qu'il a faite le 15 octobre, mettait en garde le Canada contre la possibilité d'accueillir des dissidents sur son territoire. Nous sentons que le gouvernement de la République populaire de Chine fait pression sur l'ensemble des démocraties occidentales pour qu'elles se gardent d'accueillir des dissidents sur leur territoire. La République fédérale d'Allemagne a accueilli un dissident, ce qui a valu à ses représentants de se faire tancer par les autorités de Hong Kong, qui leur ont dit que ce n'était pas la voie à suivre.
Dans les circonstances, je ne peux présumer des conclusions de ce comité, mais, puisque celui-ci, vraisemblablement, recommandera au gouvernement canadien d'accueillir des dissidents de Hong Kong et de mettre en place des mécanismes pour leur permettre de trouver refuge au Canada, est-ce qu'il y a, de votre côté, une préparation à cette éventualité, en dépit des pressions qui sont exercées par les autorités de Hong Kong et celles de la République populaire de Chine?
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Comme la plupart des autres pays, le Canada a comme politique générale de ne pas accepter dans ses missions diplomatiques, y compris ses consulats, de demandes d'asile présentées par des gens se trouvant sur le territoire de leur propre pays.
Pour être accepté au Canada à titre de réfugié, il faut soit présenter une demande à partir d'un pays tiers, soit revendiquer le statut de réfugié au Canada lorsqu'on s'y trouve déjà comme certains Hongkongais l'ont fait récemment.
Si des gens se présentent à notre porte pour formuler une telle requête — et il n'y en a pas eu encore, comme je vous l'indiquais —, nous allons leur transmettre de l'information sur le fonctionnement du système au Canada, mais il nous sera impossible de les accueillir ou d'accueillir leur demande, car ils se trouveront sur le territoire de leur propre pays.
Pour ce qui est des nouvelles politiques qui sont à l'étude, je vais encore là faire preuve de prudence. Lorsqu'on élabore ainsi des politiques, il y a bien sûr des mesures à prendre au préalable pour s'assurer que l'on dispose de toutes les ressources nécessaires. La section d'immigration de notre consulat de Hong Kong est l'une des plus importantes que nous ayons au monde. On y traite actuellement des dossiers pour le compte de missions d'autres régions de la planète, notamment en Afrique et en Asie du Sud, où il est impossible d'effectuer le travail habituel en raison de la pandémie. Nous jouissons donc d'une grande capacité sur le terrain. Notre section d'immigration peut compter sur 60 employés qui sont aptes à accomplir différentes tâches.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Nankivell, d'être ici aujourd'hui et d'avoir fait une déclaration fort complète.
Tout d'abord, j'aimerais revenir sur la déclaration de M. Chong au sujet de la mise en œuvre du traité de 1984 entre le Royaume-Uni et la République populaire de Chine et me contenter d'ajouter que non seulement le Canada en a été témoin, mais que les partis de l'entente, notamment la République populaire de Chine, ont également demandé au Canada et à d'autres pays d'offrir leur aide pour veiller au bon fonctionnement du principe « un pays, deux systèmes ». Le Canada a donc été invité à participer à la réussite de cet accord, et cela comprend évidemment certaines des choses que nous faisons actuellement.
Tout d'abord, les 300 000 Canadiens dont nous parlons de temps en temps, comme vous le dites, représentent une part plus importante que ceux qui se sont identifiés au consulat. Lorsque nous parlons de Canadiens dans ce contexte, parlons-nous de Canadiens qui sont allés vivre en Chine ou cela pourrait-il inclure des résidents de longue date de Hong Kong qui possèdent la double citoyenneté?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Nankivell, vous ne serez pas surpris de me voir poursuivre exactement dans la même veine qu'il y a quelques instants.
Parmi les démocraties occidentales, outre la République fédérale d'Allemagne, comme je l'évoquais tout à l'heure, le Royaume-Uni a laissé entendre qu'il avait mis en place une espèce de mécanisme migratoire qui s'adresserait aux Hongkongais. Toutefois, d'après ce qu'on en comprend, cela s'adresserait essentiellement aux personnes nées avant la rétrocession de 1997. Cela veut donc dire que la plupart des contestataires, qui sont des jeunes de moins de 23 ans, ne seraient pas admissibles à un refuge au Royaume-Uni.
Contrairement au discours très audible à l'encontre du régime chinois, on a vu les États-Unis annoncer d'emblée que toute demande d'asile devait être faite sur le territoire américain. Il n'est donc pas possible — M. Chong y faisait allusion — de procéder par l'entremise du consulat à Hong Kong.
Compte tenu des liens très étroits entre le Canada et Hong Kong depuis nombre d'années, notamment depuis la Seconde Guerre mondiale au moins, alors que des soldats canadiens ont défendu l'intégrité territoriale de Hong Kong, le Canada ne devrait-il pas effectivement envisager, à l'instar des autres démocraties occidentales, comme la République fédérale d'Allemagne, de donner refuge à des protestataires pour les droits de la personne à Hong Kong?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Nankivell, le jeune homme auquel je faisais allusion dans ma dernière question est Tony Chung, un jeune homme de 19 ans qui a été arrêté le 27 octobre près du consulat des États-Unis à Hong Kong. Des rapports indiquent qu'il prévoyait demander l'asile, mais qu'il a été arrêté en juillet 2020 en vertu de la loi sur la sécurité en raison de ses publications dans des médias sociaux, ce qui n'est habituellement pas considéré comme un crime violent.
Si M. Chung s'était présenté au consulat canadien et à l'entrée des visiteurs, auriez-vous eu accès, vous et votre consulat, à des mécanismes qui auraient pu vous permettre d'aider une personne comme M. Chung, qui pourrait demander l'asile, même si, comme vous le dites, vous n'accordez pas l'asile dans le pays de résidence d'une personne? Existe-t-il un mécanisme qui vous permet de fournir des documents de voyage à une personne ou qui vous permet d'aider cette personne, d'une manière ou d'une autre, à se rendre dans un lieu où elle pourrait demander l'asile?
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Je vous remercie, monsieur Nankivell.
Chers collègues, je vais suspendre la séance pour nous permettre d'aller voter.
L'Administration de la Chambre nous a informés que nous pouvons utiliser certaines ressources entre la fin du vote et le début des déclarations des députés. Nous allons donc suspendre la séance maintenant. Je vais consulter notre président habituel, qui est libre, je crois, pour lui demander si nous poursuivrons la réunion avec quelques questions supplémentaires pour M. Nankivell ou si nous aborderons plutôt les travaux du Comité.
Veuillez vérifier vos courriels pour savoir si nous nous réunirons à huis clos ou en public.
Monsieur Nankivell, nous vous remercions chaleureusement de votre temps et de votre témoignage. Nous vous reverrons peut-être plus tard, ou peut-être pas, mais si nous ne sommes pas en mesure de vous revoir, je pense que les membres du Comité vous seraient reconnaissants de donner suite, par écrit, à certains des points sur lesquels nous avons manqué de temps.
Je vous remercie beaucoup. La séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]