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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur les relations sino-canadiennes


NUMÉRO 030 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 21 juin 2021

[Enregistrement électronique]

(1835)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
     Bienvenue à la 30e réunion du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 23 septembre 2020, le Comité se réunit dans le cadre de son étude des relations sino-canadiennes.

[Français]

     Il s'agit d'une réunion hybride, conformément à la motion adoptée par la Chambre des communes le 25 janvier 2021.

[Traduction]

     J'aimerais souhaiter la bienvenue à un compatriote des Maritimes, l'honorable Dominic Cardy, ministre de l'Éducation et du Développement de la petite enfance à l'Assemblée législative du gouvernement du Nouveau-Brunswick.
     Merci beaucoup de votre présence.
     Veuillez procéder à votre déclaration liminaire. Vous disposez de cinq minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, c'est un honneur de pouvoir participer à cette conversation sur une question qui, selon moi, revêt une grande importance pour notre pays, en cette période d'instabilité mondiale croissante.
    Très brièvement, mon intérêt particulier pour ce sujet ne découle pas seulement de mon poste de ministre de l'Éducation et du Développement de la petite enfance au Nouveau-Brunswick, mais aussi du fait d'avoir milité pour la démocratie dans plusieurs pays du monde, incidemment au Cambodge et au Népal. Il se trouve que je vivais dans ces pays lorsque la Chine s'y est intéressée et les a effectivement, économiquement et, dans les deux cas fonctionnellement et politiquement, colonisés sur une très courte période de la dernière décennie, ou plutôt de l'avant-dernière décennie.
    Dans toute discussion de la Chine, il m'apparaît important de regarder la réalité des manchettes horribles que nous avons vues ici dans notre propre pays au sujet des pensionnats ces dernières semaines. Comme nous aimons le dire à propos des péchés que notre pays a commis: « N'oublions jamais et ne recommençons jamais ». Dans le dossier qui nous occupe, c'est ce que nous semblons faire dans les deux cas avec la Chine, et non seulement cela, mais l'amplifier alors qu'un système massif de pensionnats et de camps d'internement — d'un point de vue fonctionnel, il faut parler de camps de concentration — est déployé dans l'arrière-pays de l'un de nos plus grands partenaires commerciaux.
     Au lieu de nous élever avec véhémence contre ces pratiques et d'en faire la pièce maîtresse de notre politique étrangère, comme on s'y attendrait d'un pays qui a mené la lutte contre le fascisme et pour la démocratie pendant la Seconde Guerre mondiale et qui a fait entendre sa voix grâce à sa puissance discrète au cours des décennies qui ont suivi, nous amplifions plutôt ce message. Je ne parle pas seulement explicitement ici des échecs de notre politique étrangère en général, mais aussi de l'expérience des instituts Confucius, une filiale du Parti communiste chinois active dans des écoles publiques et des universités un peu partout au Canada.
     Ici, au Nouveau-Brunswick, l'Institut Confucius a pris pied à la fin des années 2000 et s'est étendu jusqu'à toucher plusieurs milliers d'élèves du Nouveau-Brunswick, tant au primaire qu'au secondaire, pendant plusieurs années. Les programmes censés être axés sur la culture et la langue comportaient souvent une propagande politique flagrante. Ainsi, des élèves du primaire ont dessiné des cartes de la Chine qui effaçaient la frontière avec Taïwan. Il s'agissait notamment de nier la réalité de la place Tiananmen et de sanctionner les élèves qui soulevaient des questions sur le bilan catastrophique de la Chine en matière de droits de la personne. Ces choses se passent dans des écoles canadiennes.
     Sachant cela, et avec mon bagage, lorsque je suis devenu ministre à la fin de 2018, j'ai résolu d'essayer de mettre fin aux programmes de l'Institut Confucius au Nouveau-Brunswick, ce qui a donné lieu à une série intéressante d'efforts de lobbying. Le premier a mis en scène l'ex‑premier ministre du Nouveau-Brunswick, Shawn Graham, travaillant comme lobbyiste pour les intérêts chinois, qui a tenté de me convaincre de maintenir mes relations avec les instituts Confucius actifs ici dans la province et avec les écoles gérées en Chine par le réseau scolaire du Nouveau-Brunswick .
     Puis, lorsque ces efforts ont échoué, assez étonnamment, il y a eu la visite du consul général de Chine à mon bureau sans aucun des protocoles diplomatiques habituels que je connais bien en raison de ma vie passée en politique internationale et en diplomatie. Il a tenté de faire pression sur moi pour que je revienne sur une décision du gouvernement, y compris par des menaces de représailles économiques, faisant de l'enjeu un problème entre deux nations au lieu d'un désaccord sur l'éducation. C'est ainsi que des membres de la diaspora chinoise m'ont contacté pour exprimer leur vive inquiétude face à l'ingérence de leur pays d'origine dans la politique canadienne, mais aussi dans notre système d'éducation qui, espérons-nous, est le lieu où ce que nous considérons comme les valeurs canadiennes...
    Peu importe les discussions que nous pouvons avoir autour des tables parlementaires et législatives à travers le pays sur ce que cela signifierait, cela n'inclut certainement pas des camps de concentration, des meurtres de masse et toute la myriade de crimes régulièrement commis par la République populaire de Chine et ses différents apologistes qui l'appuient dans le monde entier.
    Je serai heureux de répondre à toutes les questions auxquelles je pourrai répondre, notamment sur les activités de l'Institut Confucius ici au Nouveau-Brunswick, sur la réaction à la décision d'annuler les programmes et sur tout autre sujet qui s'y rattache.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir permis de comparaître devant vous.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
     Je crois comprendre que nous pourrions être interrompus une ou deux fois — probablement deux fois ce soir — au cours de notre séance pour des votes. Je suis sûr que la greffière me préviendra si les cloches commencent à sonner, car je ne suis pas certain que je les entendrai. Puis, je demanderai le consentement unanime pour poursuivre pendant une période raisonnable afin de nous rapprocher de l'heure du vote pour que nous puissions en entendre davantage.
     Nous allons maintenant passer à la première série de questions.
     Monsieur Williamson, vous disposez de six minutes, je vous en prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Cardy, je suis très heureux de vous voir ce soir.
     J'ai beaucoup de questions, alors je vais commencer sans plus tarder.
     Comme vous le savez, je suis un député du Nouveau-Brunswick. J'ai suivi les manchettes des journaux de notre province, alors que vous et votre gouvernement cherchiez à mettre une certaine distance entre l'Institut Confucius et le réseau de l'éducation.
     Tout d'abord, pouvez-vous me dire ce que vous avez pensé des efforts de lobbying, surtout de la part de l'ex‑premier ministre Shawn Graham? Cela vous apparaît‑il inhabituel? Craignez-vous que ce recours à d'anciens politiciens soit répandu dans tout le pays et puisse s'étendre?
    Merci beaucoup pour cette question.
     Si je me fie à mes lectures sur l'Institut Confucius et à mon étude des opérations de la politique étrangère chinoise, il est certain que cette pratique est devenue assez courante. On s'efforce d'abord de commencer par une méthode discrète, en exploitant, ironiquement il me semble, la sensibilisation grandissante du Canada aux questions de race et de racisme, en disant: « Comment pouvez-vous mettre en doute nos motivations, nous, un pauvre pays en développement qui essaie de faire son chemin dans le monde? Tout ce que nous voulons, c'est partager l'amour, l'harmonie et la compréhension à travers la danse, la langue et la musique ».
     En arrière-plan, il y a une réalité plus dure. Nous avons vu cette réalité plus dure, bien sûr, dans la façon dont la Chine s'est comportée.
     Pour répondre précisément à votre question, cela ne m'a pas étonné. Cela m'a déçu qu'un ex‑premier ministre choisisse de présenter le point de vue d'une puissance étrangère hostile qui s'est activement livrée à la répression de ses propres citoyens, et aussi à la détention arbitraire de Canadiens, bien sûr, comme nous le savons tous.
    Ça me déprime, mais ça ne m'étonne pas vraiment. Espérons que les choses puissent changer. Je suis toujours un optimiste.
     Oui.
     Malheureusement, nous avons récemment vu l'ex‑premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil, sermonné les Canadiens sur la nécessité de tendre l'autre joue lorsqu'il s'agit de défendre nos valeurs.
     Pourriez-vous nous parler un peu de la conversation que vous avez eue avec le consul général à votre bureau? Je pense qu'il est important de souligner à quel point cette conversation est bizarre et inhabituelle... Que la Chine, qui est normalement très à cheval sur les subtilités et les protocoles diplomatiques, se pointe à votre bureau à l'improviste est extrêmement inhabituel.
     Pourriez-vous nous parler un peu de cette rencontre, de cette conversation, et nous dire si elle a été suivie d'autres rencontres avec des fonctionnaires de l'ambassade de Chine?
(1840)
    Absolument. Le consul général est arrivé de Montréal. Je crois qu'il a aussi rencontré d'autres ministres. Il a dit très clairement que toute érosion des liens entre le gouvernement du Nouveau-Brunswick et la Chine pourrait entraîner des conséquences économiques et il a fait des menaces concernant les ventes de homard et un certain nombre d'autres points précis.
    Si je me fie à notre conversation, il est clair qu'il ne s'était pas beaucoup renseigné sur mes antécédents. Une série de mes publications sur les enjeux liés à la démocratie en Chine, remontant à environ 15 ans, ont récemment été rendues accessibles en ligne.
     Son premier objectif était de prétendre à nouveau qu'il s'agissait d'un simple malentendu. Il a répété à plusieurs reprises: « Écoutez, vous devriez apaiser toutes vos préoccupations en venant visiter la Chine. Vous pouvez venir. Nous en serions heureux. Nous allons vous faire visiter. Nous vous ferons passer de bons moments. Vous verrez que la Chine est effectivement un pays démocratique ». J'ai exprimé une certaine surprise en entendant cela, mais la conversation s'est essentiellement poursuivie dans cette voie.
     Il a eu une vive réaction lorsque j'ai fait valoir le point que vous avez soulevé dans votre question, à savoir qu'il s'agit d'un pays qui est régulièrement disposé, dès qu'il reçoit une critique, à dire qu'il s'agit d'une ingérence dans ses affaires internes, ses affaires intérieures et que cela viole les droits à l'autodétermination nationale et à l'autonomie de l'État. Lorsque je lui ai demandé comment cela ne s'appliquait pas dans ce cas, il a répondu qu'il s'agissait des écoles. J'ai dit: « Eh bien, c'est étrange. Il s'agit d'écoles, mais vous parlez aussi de homards. On dirait que le message est plutôt contradictoire ».
     Encore une fois, cela ne m'a pas particulièrement étonné. Si vous lisez les rapports de nos propres services du renseignement, ceux du gouvernement australien, ceux d'autres gouvernements démocratiques dans le monde, y compris de certaines démocraties émergentes qui se situent plusieurs rangs derrière nous dans le classement du PIB, mais qui sont de plus en plus conscientes de ce que la Chine fait, cela fait partie du modèle.
     Ça commence par la méthode discrète douce. Ça commence par des voyages toutes dépenses payées. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence si nous voyons un grand nombre de politiciens occidentaux répéter soudainement la ligne de Pékin sur une multitude de questions différentes, car la plupart de ces gens ont profité de l'hospitalité chinoise.
    L'étape suivante est celle de la menace voilée: si vous faites ceci, alors même qu'il s'agit uniquement d'éducation, les homards seront inexplicablement une composante du réseau de l'éducation du Nouveau-Brunswick. Même si cela n'a rien à voir avec le Parti communiste ou le gouvernement — il ne s'agit que d'un échange informel sur l'éducation — encore une fois Pékin pourrait être disposée à prendre des décisions sur ses relations économiques avec le Canada en fonction de ce qui se passe ici, au Nouveau-Brunswick.
     Je pense que les efforts pour menacer et cajoler n'auraient pas été acceptables de la part de quelqu'un d'autre. Je ne peux m'imaginer l'horreur avec laquelle la plupart des Canadiens, moi y compris, réagiraient si jamais des représentants du gouvernement américain se comportaient ainsi.
     Je ne suis pas étonné. Cela fait partie d'un modèle traditionnel. Encore une fois, j'espère que grâce à des conversations comme celle‑ci, nous pourrons reconnaître la menace que représente la Chine et agir rapidement pour tenter de nous distancer d'un pays qui ne partage pas nos valeurs.
    J'ai une dernière question brève. Il ne me reste que quelques secondes et vous n'avez que quelques secondes.
     Quel accès l'Institut Confucius avait‑il aux renseignements personnels des élèves, aux données sur les programmes d'études et autres choses du genre?
    Des membres du Parti communiste chinois qui travaillaient pour l'Institut Confucius ont eu accès aux bases de données et aux renseignements sur les élèves du Nouveau-Brunswick. J'en ai entendu parler par des membres de la diaspora chinoise, qui en sont extrêmement préoccupés.
    Merci, monsieur Williamson.
     Nous donnons maintenant la parole à Mme Yip, pour six minutes, je vous en prie.
    Je vous remercie d'être venu nous voir pour répondre à nos questions. J'ai lu avec grand intérêt votre biographie. Vous avez une histoire intéressante.
     Malgré vos démarches, les Instituts Confucius sont encore autorisés au Nouveau-Brunswick jusqu'à l'an prochain. Si c'est inquiétant, pourquoi ne pas les fermer maintenant et non l'an prochain?
    Parce que, comme je pense que vous le savez tous très bien, les ministres du Cabinet ne prennent pas de décisions unilatérales, pas plus que les membres d'un parti ou d'un gouvernement de façon individuelle.
     J'ai été très heureux que nous ayons pu prendre des mesures immédiates pour mettre fin à tous les programmes que l'Institut Confucius offrait aux plus jeunes et, en attendant la fin du contrat en juin prochain, restreindre les programmes à quelques cours axés uniquement sur la langue au niveau secondaire. Je peux vous assurer que j'ai suivi de près la situation pour m'assurer qu'aucun des efforts visant à censurer ou à intimider des élèves canadiens ne se répète, y compris, en particulier, envers des élèves d'ascendance chinoise.
(1845)
    Comment êtes-vous en mesure de surveiller leurs progrès?
    Comme vous pouvez vous y attendre, avec un gouvernement étranger qui gère des programmes dans une école canadienne, je n'ai aucun scrupule à vérifier régulièrement ce qui se passe dans ces classes. Je pense que tout ministre responsable le ferait. Si des préoccupations étaient soulevées au sujet d'une classe, qu'il s'agisse d'un élément du programme d'études qui suscite une controverse particulière ou... vous vous feriez un devoir de vous assurer que vous êtes au courant de cette situation.
    De quoi la communauté chinoise du Nouveau-Brunswick, en particulier les parents, vous a‑t‑elle parlé au sujet de l'Institut Confucius? Vous l'avez évoqué dans votre déclaration liminaire. Vous pourriez peut-être nous en dire plus sur ce point.
    Je peux, et c'est un peu triste. Beaucoup d'entre eux ont ressenti le besoin de s'exprimer, et dans un cas, ils m'ont demandé de me rencontrer hors du bureau, dans un espace ouvert, parce qu'ils craignaient d'être surveillés. D'autres ont clairement indiqué qu'ils utilisaient des adresses courriel qu'ils avaient créées explicitement pour communiquer avec moi. Quelques-uns m'ont écrit directement.
     Ils ont exprimé de réelles inquiétudes à propos des répercussions potentielles pour leur famille en Chine s'ils parlaient ouvertement des problèmes que posent, selon eux, les programmes de l'Institut Confucius. Il est certain qu'ils se sont sentis censurés, comme on pourrait s'y attendre de la part de tout citoyen d'un pays qui, encore une fois, torture et assassine régulièrement un grand nombre de ses propres citoyens et qui n'hésite pas à faire subir ce mauvais traitement à des citoyens d'autres pays.
    Comme le Canada n'a pas un bilan particulièrement solide pour ce qui est de s'opposer à ces mauvais traitements, je peux certainement comprendre leur inquiétude. Tout ce que je pouvais faire, c'était de leur promettre que je protégerais leur confidentialité et que je ferais de mon mieux pour être la voix des centaines de millions de personnes en Chine qui aspirent désespérément au changement et aux libertés dont nous jouissons tous les jours.
    Quelles étaient exactement leurs préoccupations en tant que parents? Qu'est‑ce qui leur faisait si peur?
    Leurs craintes reposaient sur plusieurs bases différentes. D'abord, d'un point de vue éducatif, leurs enfants recevaient de la désinformation. Des sujets étaient censurés, des contenus étaient présentés comme des faits qui ne l'étaient pas, et la plupart de ces informations ne faisaient pas partie de la matière qui était censée être couverte par les cours sur lesquels l'Institut Confucius et le gouvernement du Nouveau-Brunswick s'étaient entendus.
     En outre, en tant que résidents permanents du Nouveau-Brunswick ou, dans certains cas, en tant que citoyens canadiens, ils avaient l'impression que s'ils s'exprimaient et que leurs propos risquaient d'une quelconque façon d'être liés à eux ou à leur nom, il y aurait des répercussions pour leur famille en Chine. C'est une préoccupation qui a été exprimée, encore une fois, dans plusieurs rapports gouvernementaux, ici et à l'étranger, au sujet de l'influence accrue que Pékin exerce sur les membres de la diaspora chinoise et des efforts déployés pour tenter de les mobiliser et de les arsenaliser, souvent contre leur gré, afin qu'ils deviennent des agents d'influence et qu'ils le fassent d'une manière qui, encore une fois, ne reflète pas forcément ce qu'ils veulent voir, ce qu'ils aimeraient faire, leurs croyances ou leurs allégeances politiques.
     Lorsque vous avez un gouvernement qui se comporte comme le fait Pékin et qui jouit des niveaux d'impunité dont le pays continue de jouir, il n'est pas étonnant que la Chine continue d'abuser de sa position dans ce domaine et dans une multitude d'autres domaines.
    Pouvez-vous nous décrire le type d'analyse qui a mené à la décision de fermer l'Institut au Nouveau-Brunswick?
    De mon point de vue, l'analyse a été assez simple. Je n'ai jamais toléré, je ne tolère pas et je ne tolérerai pas de soutenir un programme dirigé et géré par un parti politique étranger dans notre système d'éducation public. Cela m'a semblé inapproprié, indépendamment de toutes les autres préoccupations dont nous avons parlé ce soir.
     C'était certainement mon point de vue lorsque je suis devenu ministre. J'ai été élu en septembre 2018. J'ai amorcé presque immédiatement les conversations sur ce dossier. C'était vraiment l'une de mes positions en entrant en fonction, et j'ai agi rapidement pour accélérer l'élimination de l'Institut Confucius des écoles publiques du Nouveau-Brunswick.
    N'a‑t‑on pas fait une étude pour déterminer les différentes raisons pour lesquelles il devrait être fermé?
    Absolument. J'ai fait cette recherche en me basant sur des études menées sur l'Institut Confucius dans le monde entier. Je suis sûr que vous et votre comité avez accès à cette information. Sinon, je serais très heureux de vous fournir une longue liste de liens sur le sujet. Le nombre de ces rapports a augmenté de façon exponentielle depuis que j'ai lancé cette conversation en 2018.
     Il existe une énorme masse de preuves expliquant pourquoi les Instituts Confucius représentent un danger pour les pays où l'on en trouve, et je l'ai utilisée pour étayer cette décision.
     Il y a absolument eu une étude approfondie. Elle a été menée en grande partie dans mon mandat de ministre. Les preuves que j'ai reçues par la suite, à propos de l'opérationnalisation de ce programme dans les écoles du Nouveau-Brunswick, n'ont fait que confirmer ma décision.
(1850)
    Peut-être pourriez-vous nous faire part...
    Merci, madame Yip.
     Aimeriez-vous obtenir un document écrit...?
    Non, c'est simplement que notre conversation m'intéresse trop.
    Je crains que votre temps soit écoulé, mais je vous remercie beaucoup.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre, et merci d'être des nôtres aujourd'hui.
     Je suis très heureux de vous recevoir. Je vois derrière vous le drapeau acadien et j'en suis très heureux. Vous voyez derrière moi un drapeau bleu, blanc et rouge. Ne vous méprenez pas, ce n'est pas le drapeau de la France, c'est bel et bien le drapeau de l'Acadie, puisque j'en suis originaire. Mes ancêtres viennent du village de Sainte‑Anne, de la rivière Saint‑Jean. C'est d'ailleurs sur ses ruines que les Britanniques ont construit Fredericton.
    Au départ, j'ai été agréablement surpris de constater qu'un ministre de l'Éducation de l'une des provinces du Canada souhaitait nous rencontrer au sujet des questions de sécurité entourant les relations sino-canadiennes. C'était d'autant plus intéressant que, dans un témoignage livré le 19 avril dernier, M. Michel Juneau‑Katsuya, un ancien membre du SCRS et expert en renseignement et en sécurité nationale, nous a dit qu'un ancien directeur de l'Institut Confucius au Nouveau‑Brunswick avait été forcé de quitter le Canada à la suite d'activités qui s'apparentaient beaucoup plus à de l'espionnage. Il avait ajouté avoir enquêté sur un dossier dans lequel un directeur antérieur avait demandé à un employé du gouvernement provincial d'obtenir une adresse courriel officielle afin d'avoir accès aux informations du gouvernement provincial.
     Avez-vous eu accès à ces informations avant de prendre la décision de suspendre partiellement, pour le moment, et complètement, éventuellement, les liens entre le gouvernement du Nouveau‑Brunswick, son système scolaire et l'Institut Confucius?
    Je vous remercie de la question, monsieur Bergeron.
    Je vous remercie aussi de la solidarité acadienne. De mon bureau, je peux voir Pointe Sainte‑Anne, qui est l'endroit où l'ancien village acadien a été construit.
    C'est l'ancien cimetière où sont probablement enterrés mes ancêtres.
    D'accord. Je leur dirai bonjour à mon retour à la maison, ce soir.
    M. Stéphane Bergeron: Ha, ha!
    L'hon. Dominic Cardy: Non, je n'avais pas cette information quand j'ai pris la décision, parce que cette dernière était basée sur des inquiétudes qui précédaient le moment où j'ai été élu au Nouveau‑Brunswick, comme je l'ai mentionné.
    J'étais assez convaincu de prendre la bonne décision pour avoir examiné, à partir des années 2000, la situation partout dans le monde, en particulier parce que je vivais et je travaillais dans des pays près de la Chine, c'est-à-dire au Cambodge et au Népal, où l'influence de la Chine s'est imposée rapidement, changeant complètement la culture politique de ces pays en quelques mois, et je n'exagère pas. Il était évident que le gouvernement de Pékin utilisait beaucoup d'outils semblables pour essayer de nous influencer. On ne peut pas avoir cette prétention ici. Ils perçoivent le Canada comme un petit pays, riche en ressources mais qui a peu d'habitants et qui a une politique étrangère pas vraiment forte, pour dire les choses poliment.
    C'est dans ce contexte que je me suis dit que je ne pouvais pas faire grand-chose en tant que politicien provincial. Cela m'ennuyait de constater qu'il y avait une opération contrôlée par le parti communiste de Chine dans des écoles du Nouveau‑Brunswick qui faisait de la propagande dans des salles de classe. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour éliminer ces cours aussi rapidement que possible. Si j'en avais eu la chance, j'aurais évidemment aimé leur dire adieu l'an dernier et même avant. On doit maintenant attendre le mois de juin de l'année prochaine. J'ai bien hâte de voir arriver juin 2022.
     Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Je comprends bien ce que vous me dites, et je dois dire que j'ai trouvé assez particulier que M. Juneau‑Katsuya, lors de son témoignage, cible précisément le Nouveau‑Brunswick. Je me demandais s'il y avait un lien à établir entre le fait qu'il avait ciblé le Nouveau‑Brunswick et le fait qu'un ministre de cette même province avait pris des mesures contre les instituts Confucius et avait souhaité rencontrer les membres de ce comité concernant les relations sino-canadiennes sur le plan de la sécurité. D'ailleurs, lors de son témoignage, M. Juneau‑Katsuya a qualifié les instituts Confucius de satellites d'espionnage pour le compte des autorités chinoises. D'après ce que vous venez tout juste de nous dire, vous avez parlé d'un véhicule de propagande, pour ainsi dire, dans les écoles du Nouveau‑Brunswick.
    Diriez-vous qu'il s'agit aussi, au sein de la province du Nouveau‑Brunswick, de satellites d'espionnage pour le compte du régime chinois?
(1855)
    Je ne veux pas contredire le monsieur qui a tenu ces propos. De toute évidence, on voit d'autres pays où l'un des buts des instituts Confucius est de surveiller la communauté chinoise et, en particulier, de protéger les intérêts de Pékin.
    Je veux revenir sur la déclaration de l'ancien premier ministre Shawn Graham, soit qu'on n'allait pas mettre un terme au lien avec les instituts Confucius simplement pour empêcher de parler de politique.
    Avez-vous eu l'impression qu'on parlait effectivement de politique dans les cours donnés par l'Institut Confucius?
    Ce sont plutôt les discussions sur la politique qui y sont interdites, malgré le fait que le cursus du Nouveau‑Brunswick est basé sur les principes du multiculturalisme, du libéralisme avec un « l » minuscule, absolument...
    Je vous remercie. Excusez-moi, mais le temps de parole de M. Bergeron est terminé.
    Je suis comme Mme Yip, j'ai vraiment l'impression que je n'ai pas eu tout mon temps de parole.Toutefois, je sais que vous êtes un gardien du temps extrêmement rigoureux, monsieur le président, alors je me soumets volontiers.
    Merci beaucoup, monsieur Bergeron, j'en suis heureux.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Harris. Vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci, monsieur le ministre Cardy, de vous joindre à nous.
     Vous avez dit que vous avez commencé à vous préoccuper de cette question en 2018, lorsque vous êtes devenu ministre de l'Éducation du Nouveau-Brunswick. La question vous préoccupait-elle depuis un certain temps déjà? Avez-vous pris des mesures pour condamner l'Institut Confucius ou pour en faire un enjeu?
    Non. Je n'ai été élu qu'en 2018. Lorsque j'étais dans l'opposition, j'avais soulevé la question à plusieurs reprises. J'étais devenu inquiet des efforts que la Chine déployait pour analyser par ingénierie inverse un outil que le Canada avait employé avec beaucoup d'efficacité pendant plusieurs décennies, en vue d'utiliser la puissance discrète contre les démocraties libérales.
    Le sujet m'inquiétait de plus en plus, surtout après avoir vécu à l'étranger près de la Chine, au Cambodge et au Népal. Là‑bas, l'influence chinoise est passée d'importante, mais non déterminante à dominante, pour le dire poliment, en l'espace de moins d'un an dans les deux cas. C'est bien connu, comme en fait foi toute lecture de la presse népalaise ou cambodgienne.
    Je m'intéresse au Nouveau-Brunswick, bien sûr, parce que nous parlons de quelque chose qui existe depuis... Depuis combien de temps l'Institut Confucius est‑il actif au Nouveau-Brunswick?
     Depuis 2007.
    Dans combien d'écoles joue‑t‑il un rôle dans votre système d'éducation public?
    En 2016, il était présent dans 28 écoles. Nous avons plusieurs centaines d'écoles dans la province. Ce nombre se réduit à deux ou trois au niveau du secondaire, avec des cours de langue seulement.
    Était‑il aussi présent dans les universités du Nouveau-Brunswick ?
    Je ne le crois pas. Les études supérieures relèvent ici d'un ministère distinct, alors je ne peux pas répondre à cette question avec certitude. Lors de conversations avec le ministre de l'Enseignement postsecondaire, de la Formation et de la Main-d’œuvre, il m'a dit ne pas être au courant des activités de l'Institut Confucius. Ils n'y avaient pas de relation officielle.
     Il convient de souligner que, si vous lisez les rapports de plusieurs organismes du renseignement dans différentes démocraties, si l'Institut Confucius est présent, il étend souvent son influence à une gamme de domaines qui ne font pas nécessairement partie du travail quotidien des gens. En l'occurrence, dans une ville qui compte plusieurs universités, je suis sûr que l'Institut Confucius s'y intéressait également, mais il faudrait leur poser la question.
    Êtes-vous en train de nous dire que vous avez fondé votre décision d'essayer d'éliminer l'Institut Confucius non pas sur ce que vous saviez de ses activités au Nouveau-Brunswick et de ce qu'il y faisait, mais sur ce que vous saviez de son fonctionnement ailleurs? Est‑ce exact?
    Ce n'est pas exact. Comme je l'ai dit, j'avais déjà soulevé la question dans l'opposition. Encore une fois, j'ai écrit sur le sujet, pas abondamment, mais dans quelques articles, j'ai reçu de la correspondance, au fil des ans, sur l'influence chinoise et...
    D'accord, donc des gens se seraient plaints à vous de choses qui s'étaient produites.
    Des gens se sont plaints. J'ai reçu des plaintes de la part de Canadiens d'origine chinoise et non chinoise à propos des activités de l'Institut Confucius.
(1900)
    Je suppose donc qu'il y avait une relation officielle, une quelconque forme d'entente avec le ministère de l'Éducation sur laquelle vous travailliez.
    Oui. Elle avait été renouvelée en 2012 et en 2017, avant l'élection du gouvernement dont je fais partie. Assez bizarrement, le plus récent renouvellement a supprimé la possibilité pour le Nouveau-Brunswick de se retirer du contrat. Cette clause a été supprimée à la demande de la Chine, et le gouvernement de Brian Gallant a accepté cette demande.
     C'est en partie pour cette raison que nous avons dû laisser courir le reste du contrat de façon beaucoup plus restreinte dans les écoles secondaires, avec des cours de langue, à cause du libellé utilisé dans ce contrat, qui était également sans précédent dans tous les documents internationaux que j'ai vu un gouvernement signer, y compris ceux dont la capacité est beaucoup plus faible que celle à laquelle on pourrait s'attendre du gouvernement du Nouveau-Brunswick.
    Avez-vous une idée de la façon dont cela aurait commencé? Y avait‑il une sorte d'entente économique entre le gouvernement du Nouveau-Brunswick et l'Institut Confucius, ou avec la Chine ou Pékin, pour parrainer cet institut? Quelle en est l'origine?
    Quelques personnes avaient établi des liens entre le Nouveau-Brunswick et la Chine au cours des dernières décennies et avaient ouvert des écoles en Chine, en s'inspirant du programme d'études du Nouveau-Brunswick, par exemple, en particulier le Dr Francis Pang, qui a joué un rôle de premier plan sous ce rapport. En 2007, il a évoqué la possibilité que le Nouveau-Brunswick accueille l'Institut Confucius et un accord a été conclu en 2008, je crois. Les écoles ont poursuivi leurs activités sans interruption jusqu'en 2018, avant que celles‑ci soient restreintes, comme je l'ai mentionné.
    Ai‑je raison de supposer qu'on a pu penser que c'était bénin au départ?
    Je pense que oui. Selon ce que des personnes qui ont participé à cette discussion initiale m'ont dit, je pense qu'à l'époque, il y avait un grand optimisme à l'égard de la Chine et de l'idée que la libéralisation du commerce s'accompagnerait d'une libéralisation de la politique. Je peux comprendre, et je pense que beaucoup de Canadiens bien intentionnés en politique pensaient que c'était une voie pertinente jusqu'à tout récemment.
     Manifestement, ce n'est plus du tout le cas, et je dirais que nous avons été probablement un peu plus lents que nous aurions dû l'être à prendre conscience d'un changement sérieux dans les intentions de Pékin à l'égard des démocraties au cours des 15 dernières années.
    Mis à part le développement de cette idée d'échanges, y avait‑il beaucoup d'intérêt au Nouveau-Brunswick envers la Chine, ou l'apprentissage des langues chinoises et ce genre de choses? Est‑ce que c'est à l'origine de cette idée, ou est‑ce quelque chose qui s'est développé simplement dans le cadre d'une politique officielle?
    Je n'ai certainement jamais entendu dire que quelqu'un ait exprimé un fort désir d'avoir des programmes en chinois, même si cela m'apparaît une excellente idée. L'un de mes objectifs est de travailler avec le gouvernement de la République de Chine, Taïwan, pour essayer de remplacer toute programmation perdue en raison de la fin de notre relation avec les Instituts Confucius, par un pays qui respectera nos valeurs démocratiques. Nous avons déjà entamé ces discussions, et j'espère qu'elles aboutiront très bientôt.
    Merci, monsieur Harris.

[Français]

     Nous commençons maintenant le deuxième tour.
    Monsieur Paul‑Hus, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Cardy. Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
    Premièrement, je voudrais vous dire que vous êtes très courageux d'avoir osé mettre en place de telles réformes. J'espère qu'ailleurs au Canada les gens s'ouvrent les yeux sur ce qui se passe actuellement dans les instituts Confucius.
    Ma première question est la suivante. Le 5 mars dernier, le Sénat américain a voté contre le financement par le ministère de l'Éducation des universités qui hébergent des instituts Confucius.
    Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait considérer une telle approche?
    Nous avons besoin de prendre toutes les mesures possibles pour réduire l'influence de Pékin dans toutes nos institutions, nos politiques et notre économie.
    C'est assez clair, merci.
    Avez-vous eu de l'aide du gouvernement fédéral quand vous avez décidé d'aller de l'avant? Je parle des services du renseignement, soit le SCRS ou la GRC. Vous avez eu des pressions de la Chine, j'imagine, de façon indirecte. D'ailleurs, vous parliez des menaces d'arrêter d'acheter des homards, par exemple.
    Avez-vous eu de l'aide des agences fédérales pour recueillir les preuves dont vous aviez besoin pour influencer le cabinet ministériel du Nouveau‑Brunswick?
    Du côté du gouvernement fédéral, il y a eu des inquiétudes, parfois, de la part d'élus fédéraux. Cependant, elles ne m'étaient pas adressées, je ne peux donc pas faire de commentaires précis à ce sujet.
    Pour ce qui est des autres agences, j'ai eu des discussions avec le SCRS, juste pour échanger l'information. Avec mes années de travail à l'étranger dans les affaires diplomatiques, je trouvais un peu bizarre de voir un diplomate arriver et exercer des pressions sur un membre du Cabinet provincial sans aucun soutien d'une équipe professionnelle, aucun représentant du fédéral. C'était un peu exceptionnel, selon mon expérience.
(1905)
     Je comprends.
    Avez-vous eu des discussions avec vos homologues d'autres provinces, comme le ministre de l'Éducation du Québec? Certains de vos collègues ont-ils posé des questions?
    Oui. Je me suis entretenu avec le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, qui regroupe l'ensemble des provinces et des territoires. Le Conseil a adopté cette année une proposition soumise par le Nouveau-Brunswick et visant à limiter tout contact scolaire avec la Chine en raison du sort des militants prodémocratie à Hong Kong, des Ouïghours, des minorités religieuses et de mille et une autres raisons justifiant de prendre ses distances par rapport à la Chine. J'ai obtenu l'appui du Conseil dans cet effort.
    C'est excellent. Je passe la parole à mon collègue M. Williamson.
    Merci, monsieur Paul-Hus.

[Traduction]

    Monsieur Cardy, vous avez parlé de « puissance discrète », mais c'est un euphémisme. Lorsque la discussion a eu lieu, j'ai entendu des électeurs du Sud-Ouest du Nouveau-Brunswick, des vendeurs de homard en particulier, qui craignaient beaucoup de perdre l'accès au marché.
     Pourriez-vous nous parler du drame qui se déroulait, de la menace que la Chine faisait peser et du fait qu'il s'agit d'une puissance discrète avec une main de fer dans le gant?
    Absolument. Encore une fois, je pense que cela s'inscrit tout à fait dans la capacité de la Chine d'exploiter certains des instincts les plus nobles de la classe politique canadienne, une tendance à vouloir écouter, à trouver des accommodements et à se montrer raisonnables. Dans ce cas, d'une part, il y a eu des discussions amicales: pensez aux enfants. Pourquoi ne venez-vous pas visiter la Chine? Comme le consul général l'a dit, vous pouvez voir que la Chine est aussi un pays démocratique et que les gens qui visitent la Chine en reviennent transformés, ce dont je n'au aucun doute.
     D'autre part, d'autres personnes dans la même ville transmettent un message très clair faisant état de corruption économique, faisant comprendre très clairement que ce qui se dit dans une pièce, à savoir qu'il s'agit d'une question d'éducation et que cela n'a rien à voir avec l'économie, n'est pas ce que l'on voit dans une autre pièce: « Vous feriez mieux de lui tenir la bride, sinon cela vous coûtera des dizaines de millions de dollars en ventes de homard. »
     Je pense que cela se passe de commentaires.
    Pourriez-vous nous parler aussi des retombées? Nous avons vu que l'Australie, malgré l'embargo, a trouvé de nouveaux marchés. Y a‑t‑il eu des conséquences économiques au Nouveau-Brunswick?
    Les prix du homard sont proches des niveaux record en ce moment, je crois. Venez au Nouveau-Brunswick, régalez-vous de nos petits pains au homard et aidez-nous à protéger la démocratie en même temps.
    Je crois que mon temps est écoulé. Merci beaucoup, monsieur Cardy.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Williamson.
    Madame Zann, vous disposez de cinq minutes, je vous en prie.
     Bonjour, monsieur Cardy, il y a longtemps que nous nous sommes vus.
     L'hon. Dominic Cardy: C'est un plaisir de vous voir.
    Mme Lenore Zann: C'est un plaisir de vous voir. Je crois que c'était ici en Nouvelle-Écosse, alors que nous étions tous deux membres du Nouveau Parti démocratique. J'étais une députée d'arrière-ban dans le gouvernement de Darrell Dexter qui faisait des voyages en Chine et augmentait les échanges commerciaux avec la Chine.
     Avez-vous avisé M. Darrell Dexter, qui était premier ministre à l'époque, que ce n'était pas une bonne idée?
    Non, je ne me rappelle pas avoir eu des conversations à ce moment‑là avec M. Dexter. Je pense que tous ceux qui sont en contact régulier avec moi connaissent certainement mes sentiments envers la Chine et la nécessité pour le Canada de rompre les liens avec ce gouvernement le plus rapidement possible. Je ne me souviens pas d'avoir eu des conversations avec M. Dexter portant explicitement sur ce sujet.
    Bien sûr, vous étiez le chef du NPD au Nouveau-Brunswick à l'époque. En Nouvelle-Écosse, nos ventes de homard en Chine ont aussi augmenté. En fait, je crois que la Chine est l'un de nos plus importants acheteurs.
     Apparemment, le premier ministre Higgs était lui aussi préoccupé par le risque de compromettre les exportations du Nouveau-Brunswick vers la Chine, car il a récemment déclaré que la province respecterait son contrat avec l'Institut Confucius et conserverait le programme financé par Pékin jusqu'en 2022. Avez-vous eu l'occasion de lui en parler?
    Oui, je crois que j'en ai parlé dans mes commentaires précédents. Le gouvernement précédent, sous la direction du premier ministre Gallant, a conclu un contrat qui supprimait le droit du Nouveau-Brunswick d'annuler le contrat. Encore une fois, je n'ai jamais vu ça dans un contrat, peu importe l'incompétence des avocats concernés. Cela a sérieusement limité notre capacité de résilier entièrement le contrat.
     Nous avons annulé tous les programmes dans presque toutes les écoles et nous nous sommes limités à quelques programmes linguistiques dans les écoles secondaires, en veillant soigneusement à ce que les élèves ne soient plus sanctionnés pour avoir évoqué le massacre de la place Tiananmen, d'autres violations des droits de la personne et ainsi de suite.
(1910)
    Bien sûr, l'éducation est une compétence provinciale.
     Suggérez-vous que toutes les provinces devraient suivre votre exemple et annuler l'enseignement du chinois?
    Non, je pense que nous devrions préconiser l'apprentissage du chinois. Simplement, nous ne devrions pas embaucher des membres du Parti communiste chinois pour enseigner la langue.
    En Australie, d'où je viens, le chinois est très important. Ils encouragent beaucoup les élèves à apprendre le chinois parce que, bien sûr, la Chine est un acteur très important sur la scène mondiale.
     Que suggérez-vous comme mesure à prendre?
     J'ai remarqué que vous avez dit que nous devions jouer la carte de la fermeté, mais plusieurs témoins nous ont dit que la carte de la fermeté ne fonctionne pas nécessairement et qu'il faut trouver le juste équilibre avec la Chine. Que répondez-vous à cela?
     Regardez les années 1930.
    Que voulez-vous dire?
    Nous avons affaire à un régime agressif qui ne respecte aucune des valeurs qui nous sont chères, qui réprime la démocratie et qui incarcère actuellement plusieurs millions de musulmans dans des camps de concentration, les stérilisent de force, et les femmes sont obligées d'accueillir chez elles des soldats de l'Armée populaire de libération et des membres de la police chinoise. Ce n'est pas moi qui le dis, ces faits sont tous étayés par de nombreux rapports internationaux. Ils commettent un génocide, selon de nombreux acteurs internationaux.
    Si nous disons que le Canada a une quelconque autorité morale dans le monde, à quel moment l'exerçons-nous, sinon contre un pays qui se comporte ainsi?
    Je suis tout à fait favorable au dialogue avec les pays...
     Je suis désolée. J'ai simplement besoin de vous poser une autre question.
    ... c'est peut-être difficile, mais je ne suis pas en faveur de travailler avec des pays comme...
    Puis‑je vous poser une autre question?
     Envisagez-vous de vous lancer dans l'arène fédérale?
    Non, je suis très heureux là où je suis.
    D'accord, merci beaucoup.
    Qu'en est‑il du National Democratic Institute, l'agence de promotion de la démocratie basée aux États-Unis? Pouvez-vous nous en parler un peu, s'il vous plaît?
    Je ne suis pas sûr de la pertinence de cette question pour la discussion, mais je suis plus qu'heureux de le faire.
    Eh bien, vous y avez travaillé dans les années 2000.
    Le National Democratic Institute a été fondé au début des années 1980 à Washington, D.C., sous l'égide de quatre organismes non gouvernementaux différents, l'un lié au Parti démocrate américain, l'autre au Parti républicain américain, le troisième à l'organisation américaine représentant les syndicats, et le dernier, à une organisation représentant les intérêts commerciaux des États-Unis au sens large.
     Le NDI travaillait dans des pays du monde entier, généralement des pays sortant d'un conflit civil, pour édifier de nouvelles démocraties. Ma spécialité dans ces régions était de travailler sur des programmes liés aux élections pour les campagnes et la formation de scrutateurs, que les Américains appellent des agents électoraux, en travaillant avec les partis sur les élections internes des partis.
    Avez-vous aussi travaillé dans des pays d'Amérique latine?
    Non, je ne parle pas espagnol. J'ai travaillé en Asie et en Afrique.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Zann.

[Français]

     Nous poursuivons maintenant avec M. Bergeron pendant deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, encore une fois, je vous remercie.
    J'aimerais vous signaler que, dans un article publié dans La Presse en mai 2013, on pouvait lire ce qui suit:

Dans un rapport secret consacré en 2006 aux Instituts Confucius, les services de renseignement canadiens écrivent que la «Chine veut que le monde s'éprenne d'elle et de tout ce qui est chinois». Selon le SCRS, cette «puissance douce» va de pair avec la campagne de l'empire du Milieu pour «accroître sa puissance militaire et son pouvoir économique».
     Est-ce une information que vous saviez déjà lorsque vous avez pris la décision de rompre les liens de façon progressive avec l'Institut Confucius, ou l'apprenez-vous encore une fois en discutant avec nous aujourd'hui?
    Je ne connaissais pas directement cette information, mais elle se trouve dans beaucoup de rapports publics d'agences de pays démocratiques de partout dans le monde. Ce n'est donc pas une surprise, parce qu'elle reflète la réalité de l'époque.
    Plusieurs changements ont été instaurés par le nouveau régime du président Xi. Depuis la fin de l'ère Mao, Pékin élimine graduellement la transparence du pouvoir. Qu'un dictateur d'un pays à un seul parti politique supprime les mesures qui empêchent sa mainmise complète sur le pouvoir est une raison de s'inquiéter.
     Les gestes de la Chine ces dernières années, depuis l'accession au pouvoir du président Xi, soulèvent selon moi de bonnes raisons de s'inquiéter. Il n'y a qu'à constater la politique étrangère de ce pays en mer de Chine ou avec ses voisins, le traitement qu'il réserve à ses propres minorités, l'emprisonnement de citoyens canadiens sans raison judiciaire valable et strictement pour des raisons politiques, ainsi que l'impossibilité de discuter de ces manquements entre parlementaires ici même au Canada.
(1915)
     Le Nouveau‑Brunswick a-t-il eu à essuyer des représailles économiques à la suite de la décision que vous avez prise?
    Anticipez-vous de telles représailles en ce qui concerne la suite des compressions exercées sur les instituts Confucius?
    Pas du tout. Le Nouveau‑Brunswick est une petite province. J'espère que nos actions inspireront les autres provinces et que le gouvernement du Canada passera aux actes.
    Je ne pense pas qu'il y aura de grandes conséquences ici.
    Merci, monsieur Cardy.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Harris pour deux minutes et 30 secondes, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Cardy, dans notre province, Terre-Neuve‑et‑Labrador, et je suppose que c'est le cas dans la plupart des provinces, le ministère de l'Éducation surveille de très près les programmes d'études, le matériel pédagogique et ce qui est enseigné, surtout dans les écoles publiques de la province. Était‑ce le cas au Nouveau-Brunswick?
     Ont-ils manqué quelque chose, ou n'exerçaient-ils aucun contrôle sur le programme que l'Institut Confucius offrait aux élèves du Nouveau-Brunswick?
    Un certain degré de contrôle était censé être exercé, mais les normes n'ont pas été respectées, et c'est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec des élèves du primaire à qui on a dit que Taïwan n'était qu'une autre partie de la Chine. Je pense qu'on a un peu péché par excès de confiance en s'attendant à ce que la Chine respecte sa part du marché.
    Est‑ce que cela a été intégré progressivement dans le programme d'études, ou le programme d'études a‑t‑il été lancé avec tous les éléments dont vous vous êtes plaint en ce qui concerne le traitement réservé aux élèves et les sanctions disciplinaires qui leur étaient imposées, par exemple, pour avoir évoqué la place Tiananmen?
    Ce n'était que dans le contexte des cours offerts par les enseignants de l'Institut Confucius.
    Le moment est bien choisi pour souligner quelque chose que je n'ai pas dit plus tôt, à savoir que lorsque le consul général est venu me rendre visite, il était accompagné d'un interprète, et après que le consul a dit que l'Institut Confucius n'avait absolument rien à voir avec le Parti communiste chinois ou le gouvernement de la Chine, il s'est avéré que l'interprète qui l'accompagnait était un enseignant de l'Institut Confucius.
     Encore une fois, à aucun moment n'ai‑je été informé que ces enseignants ou ces agents du gouvernement chinois agissaient en dehors de ces cours dans ces écoles.
    Avez-vous eu de la difficulté à convaincre vos collègues du Cabinet d'appuyer votre décision de débarrasser la province de l'Institut Confucius ?
     Je ne peux pas parler de ce qui se passe au Cabinet.
    Il a quand même fallu plusieurs années pour y arriver.
    Cela a pris deux ou trois mois après l'élection de mon gouvernement. Nous avons été élus en septembre 2018, nous avons pris le pouvoir en novembre 2018 et nous avons commencé à préparer cet effort plus tard en novembre 2018.
    Avez-vous des plans, monsieur Cardy, pour veiller à ce que les programmes en chinois soient offerts au Nouveau-Brunswick, que ce soit au niveau secondaire ou universitaire, afin d'offrir le genre de solutions qui nous ont été demandées avec insistance par plusieurs témoins d'ailleurs, en particulier pour protéger le peuple chinois au Canada?
    Absolument. Nous avons travaillé avec les représentants de la République de Chine, de Taïwan, qui ont un programme d'échanges pédagogiques d'une qualité étonnante que j'encourage tout le monde à examiner.
    Je vous remercie.
     Merci beaucoup, monsieur Harris.
     Nous passons maintenant à M. Genuis pour cinq minutes. Allez‑y, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
     J'invoque le Règlement avant de commencer mes questions, car il semble que la Chambre soit sur le point de faire sonner les cloches. Pouvons-nous adopter une motion pour nous accorder 15 minutes ici afin de ne pas être interrompus?
    Je pense que j'aurais besoin du consentement unanime pour cela.
     Je demande le consentement unanime pour que nous puissions continuer 15 minutes de plus. Je suppose que ce sera 30 minutes lorsque les cloches commenceront à sonner. Y a‑t‑il consentement unanime?
    D'accord, je vous remercie.
     C'est seulement avec le consentement unanime, monsieur Genuis.
     Veuillez commencer.
    Les cloches sonnent maintenant. Puis‑je demander le consentement unanime pour 10 minutes?
    J'invoque le Règlement, les cloches sonnent. Non.
    Cinq minutes...?
    Non.
    Nous devons...
    Ne voulez-vous pas entendre le ministre? Avez-vous besoin d'une demi-heure? Allons, monsieur Oliphant. C'est incroyablement impoli pour le ministre.
    À l'ordre.
     Monsieur Genuis, je suis désolé. Le Règlement m'oblige à suspendre la séance.
(1920)
    Eh bien, c'est décevant.
    Monsieur le ministre, j'apprécie beaucoup votre témoignage. C'est bon de voir un compatriote des Maritimes.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur.
    Merci aux membres du Comité.
(1920)

(2105)
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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