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Bonjour, tout le monde. La séance est ouverte.
Bienvenue à la 32e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes. La séance d'aujourd'hui se déroulera en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier 2021. Les délibérations seront affichées sur le site Web de la Chambre des communes, et sachez que la vidéo diffusée montrera toujours la personne qui parle plutôt que tous les participants. Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'aimerais énoncer quelques règles à suivre.
Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont à votre disposition. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir le canal que vous préférez, soit le parquet, le français ou l'anglais. Veuillez sélectionner votre préférence maintenant.
Je vous rappelle que toutes les observations des membres et des témoins doivent être adressées à la présidence. Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole et, lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous que votre micro est éteint. Je vous prie également de ne pas parler en même temps, afin que les interprètes puissent faire leur travail.
Plus important encore, comme c'est mon habitude, je vous montrerai un carton jaune lorsqu'il vous restera 30 secondes de temps de parole, et un carton rouge lorsque votre temps de parole sera écoulé. Veuillez suivre la séance en mode mosaïque pour pouvoir me voir, et veuillez respecter le temps alloué pour que tout le monde ait la chance de poser des questions.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 23 février 2021, le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude sur la compétitivité au Canada.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Aujourd'hui, nous accueillons Trevor Tombe, professeur agrégé, de l'Université de Calgary; Robert Ulicki; Robert Donald, directeur général du Conseil canadien de l'aviation et de l'aérospatiale; Jim Balsillie, président du Conseil canadien des innovateurs; et Robin Shaban, économiste principale de Vivic Research.
Chaque témoin fera un exposé d'une durée maximale de cinq minutes, qui sera suivi d'une période de questions.
Nous allons commencer avec M. Tombe.
La parole est à vous pendant cinq minutes.
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Merci beaucoup. Je suis très heureux d'être ici.
Ma courte déclaration préliminaire portera sur la façon dont certains obstacles au commerce interprovincial au Canada peuvent freiner la productivité, la compétitivité et, au bout du compte, la prospérité économique de notre pays. D'abord, pour bien comprendre ce concept, il faut établir en quoi consistent les coûts du commerce intérieur, car, contrairement au commerce entre États, il ne s'agit pas de tarifs douaniers. Ils ne sont pas aussi faciles à cerner. Il s'agit plutôt de dizaines de milliers de différences modestes qui, une fois réunies, représentent de grands écarts dans la réglementation, les normes, la certification et ainsi de suite, ce qui vient s'ajouter aux coûts d'exploitation interprovinciale des entreprises.
Les exemples sont légion. En agriculture, il y a les inspections et les exigences d'étiquetage. Dans le cas du commerce des services et, surtout, de bon nombre de services professionnels, les normes et certifications provinciales peuvent empêcher des clients d'une province d'accéder aux services d'un fournisseur dans une autre. S'il s'agit du commerce de marchandises, les règlements sur le transport routier varient, et ainsi de suite. Et ce ne sont là que quelques exemples, mais des percées récentes dans la disponibilité des données et les techniques relatives à la modélisation économique permettent d'établir les coûts à plus grande échelle.
Par exemple, les chercheurs Robby Bemrose, Mark Brown et Jesse Tweedle à Statistique Canada ont récemment élaboré ce qui est probablement l'estimation la plus poussée et fiable des obstacles au commerce interprovincial. Ils ont établi que, dans le cas de la fabrication, cela équivaut à une augmentation d'environ 7 à 8 % des coûts d'expédition d'une province à l'autre. En nous fondant sur leur travail, un ancien diplômé de l'Université de Calgary, Lucas Albrecht, et moi avons estimé que, lorsque l'on ajoute les services, les coûts moyens du commerce interprovincial sont d'au moins 8 % et pourraient même atteindre 15 %.
Ces coûts peuvent paraître modestes de prime à bord, mais ce n'est pas le cas. Ils peuvent inhiber la croissance des producteurs productifs d'une région ainsi que leurs exportations. Ils empêchent aussi les clients d'acheter des biens et des services à meilleur coût ailleurs. Cela a une incidence sur la productivité, car si vous avez moins tendance à vous spécialiser dans les secteurs où vous avez un avantage comparatif, la productivité générale peut diminuer. Évidemment, il n'est pas simple d'évaluer l'ampleur de cet effet. Pour ce faire, il faut un modèle riche de l'économie canadienne, ce qui est désormais accessible. En effet, diverses personnes, dont moi, ont conçu de tels modèles.
Dans le cadre de travaux menés avec ma collègue de l'Université de Calgary, Jennifer Winter, qui paraîtront dans la Revue canadienne d'économique cette année, nous avons constaté, elle et moi, que le commerce intérieur peut réduire la productivité nationale de 3 à 7 %, selon les mesures employées. Dans leurs travaux, des chercheurs du Fonds monétaire international, ou FMI, avancent comme moi que la libéralisation du commerce intérieur des marchandises, bref de la fabrication, pourrait à elle seule augmenter la productivité canadienne de près de 4 %. Voilà qui est imposant. Il s'agit d'une augmentation de près de 90 milliards de dollars par an pour l'économie canadienne, soit plus de 2 000 $ par personne, voire 5 000 $ ou 6 000 $ par ménage, par an.
En outre, les résultats de ces travaux laissent entendre que les régions à faible revenu bénéficieraient davantage de cette libéralisation. Par exemple, parmi les cinq provinces ayant la moyenne par ménage la plus basse, les gains sont en moyenne de plus de 5 %, ce qui est beaucoup plus que la moyenne générale.
Le gouvernement peut intervenir de bien des façons. Nombre des réformes récentes ont permis des progrès dans ce dossier, surtout l'Accord de libre-échange du Canada, ou ALEC, de 2017, bien qu'il y ait encore beaucoup à faire. Il est primordial que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux continuent de travailler ensemble dans le cadre des différents efforts déployés relativement à l'ALEC. L'augmentation de la capacité doit être financée afin, par exemple, de soutenir le secrétariat de l'ALEC dans la mise en œuvre de ses plans de travail de plus en plus ambitieux. L'annonce budgétaire d'hier a d'ailleurs fait mention d'un petit montant à cet effet, ce qui peut s'avérer fort utile.
La norme de référence pourrait être une possible prise de mesures unilatérales par les provinces. À l'été 2019, l'Alberta a décidé d'abandonner nombre des exemptions qu'elle s'était imposées au titre de l'ALEC. J'estime que, si une province prend des mesures unilatérales et reconnaît que les règlements et normes des autres provinces sont d'office conformes aux siens, elle se prévaut ainsi d'environ les deux tiers des gains découlant de l'abaissement des obstacles au commerce intérieur.
On m'indique qu'il me reste 30 secondes. Je conclurai en disant qu'il y a bien évidemment des objectifs réglementaires valides qui s'appliquent dans chaque province. Donc, selon moi, le but ne devrait pas être de réfléchir à une réglementation qui permet d'atteindre un objectif très précis et bien défini de politique publique, mais plutôt de procéder à une harmonisation, d'aplanir les différences qui demeurent.
Merci beaucoup.
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Je m'appelle Robert Ulicki et je vais mettre en relief pour vous l'enchevêtrement complexe de règlements, de comités, de rapports d'experts, de tribunaux et d'exigences relatives aux licences dans lequel j'évolue pour créer une garderie.
En juillet 2016, ma femme et moi avons acheté un immeuble à usage mixte situé dans Cabbagetown, un quartier résidentiel au centre-ville de Toronto dont l'embourgeoisement s'est entamé dans les années 1970. C'est un emplacement idéal pour une garderie puisqu'il est situé près des familles, des parcs, des pistes cyclables et du transport en commun.
En mai 2017, nous avons demandé un certificat d'urbanisme. Quatre mois plus tard, la Ville nous a répondu que nous avions besoin d'une approbation du plan d'aménagement, ce qui coûte environ 100 000 $. Heureusement, la Ville avait mal interprété ses politiques, mais nous a précisé que des dérogations au règlement sur le zonage seraient nécessaires. Nous avons présenté une demande à un comité de cinq personnes à cet effet. Le comité a refusé de nous les accorder. Nous avons porté la décision en appel devant un tribunal municipal. Entre la date de la demande au comité et celle de la décision rendue par le tribunal, trois ans et demi se sont écoulés, et nous avons dû payer 100 000 $ pour des dérogations au règlement de zonage.
Pourquoi a-t-il fallu autant de temps? D'abord, nous avons dû réagir à l'opposition d'une poignée de voisins riches et bien branchés qui ont retenu les services d'un cabinet d'avocats de Bay Street, d'une grande firme d'ingénierie et d'un planificateur de l'aménagement des territoires chevronné pour plaider qu'une garderie n'avait pas sa place chez eux.
Ensuite, le conseiller municipal de l'époque s'est rangé du côté des voisins les plus vocaux et en colère, puis a demandé à la Ville de payer les honoraires de leurs avocats en plus d'embaucher un expert-conseil en transport indépendant pour s'opposer à notre projet devant ce tribunal. Au départ, deux jours étaient prévus pour l'audience qui a commencé en août 2018. Eh bien, de 2 jours, nous sommes passés à 6, à 8, puis à 12 et, enfin, à 14 jours sur une période de 2 ans. Heureusement, la décision s'est avérée en notre faveur.
Une fois tout ce mélodrame derrière nous, la priorité était de réserver des espaces de stationnement sur une voie publique pour faciliter [Difficultés techniques] et venir chercher leurs enfants. Toutes les maisons à proximité ont une allée où se garer, mais certains résidants préfèrent aménager leur cour arrière ou possèdent deux voitures et veulent une place de stationnement à faible coût dans la rue. Ils paient la somme ridicule de 55 ¢ par jour, soit 200 $ par année, pour le privilège de se garer 24 heures sur 24, sept jours sur sept, sur la voie publique au centre-ville de Toronto. Les résidants se sont férocement battus pour préserver ce privilège, avec les encouragements du conseiller de l'époque. Tout cela s'est produit alors qu'il y avait un manque réel de places en garderie en ville et une multitude de politiques visant à faire de Toronto une ville moins dépendante des voitures.
On pourrait penser que nos problèmes s'arrêteraient là. Eh bien non. Certains résidants et la Ville n'ont pas apprécié la décision du tribunal et demandé à un organe d'appel de l'examiner, ce qui fait que nous nous sommes une fois de plus retrouvés sur une liste d'attente. Nous avons attendu encore cinq mois pour une audience et avons reçu une décision en janvier 2021. Une fois de plus, nous avons gagné notre cause en nous fondant sur l'argument simple que s'occuper d'enfants l'emporte sur le stationnement de véhicules.
Où en sommes-nous aujourd'hui? D'une certaine façon, nous approchons du but, bien que nous en soyons encore loin, puisqu'il y a encore plusieurs autres murs à franchir. L'organe d'appel qui a approuvé la demande n'a pas l'autorité nécessaire pour modifier les règles de stationnement dans la rue. C'est la prérogative du conseil municipal. Oui, le même conseil municipal qui a envoyé un avocat et un ingénieur de la circulation au tribunal contre nous va décider de notre sort. Au bout du compte, l'approbation de notre demande est une décision politique sur le stationnement.
Nous gardons espoir. Le conseiller municipal qui s'opposait à notre demande a perdu ses élections. Sa remplaçante, Kristyn Wong-Tam, milite avec vigueur pour les familles et les garderies. Forts d'une décision de 32 pages qui appuie sans équivoque notre demande, nous avons bon espoir que les préoccupations de nos opposants seront résolues.
Depuis que la décision a été rendue, le service des transports de la Ville est prêt à recommander une disposition pour des places de stationnement par intermittence pour l'arrivée et le départ des enfants. Nous pouvons maintenant espérer que la logique, l'équité, les preuves et les politiques qui soutiennent davantage les garderies l'emportent sur le stationnement dans la rue devant le conseil municipal.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci au Comité de m'avoir invité de nouveau. Certains parmi vous se rappelleront que, en mars dernier, j'ai parlé de la grave pénurie de main-d’œuvre qualifiée et l'offre de formation insuffisante au Canada pour répondre à la demande en diplômés de l'industrie.
Aujourd'hui, on me demande d'approfondir mes remarques sur l'apprentissage et les attestations fondés sur les compétences, et de préciser ce que le gouvernement peut faire au sein du secteur aérospatial pour accroître sa compétitivité, réduire le fardeau réglementaire et éliminer les formalités administratives.
Pour vous rafraîchir la mémoire, la pandémie a temporairement fourni un sursis à certains secteurs de notre industrie aux prises avec une grave pénurie de main-d’œuvre, mais celle-ci a déjà recommencé à se faire sentir. Le plus grand avantage concurrentiel du Canada à l'échelle mondiale est notre main-d’œuvre qualifiée, mais sans la main-d’œuvre nécessaire, les emplois iront dans d'autres pays et ne reviendront pas.
La pandémie a entraîné une perte d'environ 35 % de notre main-d’œuvre en raison des mises à pied, de départs à la retraite ou de réorientations de carrière. Au fil de la relance, il y aura une augmentation soudaine de la demande pour de la main-d’œuvre qualifiée, demande à laquelle nous ne pourrons pas répondre strictement par la réembauche des personnes mises à pied.
Notre capacité de formation est insuffisante. Les établissements d'enseignement postsecondaire canadiens sont loin d'avoir la capacité de répondre à la demande de notre industrie. Même avant la pandémie, les diplômés ne représentaient que 25 % de la main-d’œuvre nécessaire, et ce, malgré le fait que tous les établissements, à l'exception de l'École nationale d'aérotechnique, ou ÉNA, à Montréal, ont des listes d'attente.
La pandémie a retardé la remise des diplômes et réduit la capacité d'environ 35 %. Je ne crois pas qu'il soit réaliste de s'attendre à ce que le gouvernement finance l'expansion de la capacité dans les établissements physiques, donc nous avons besoin de solutions de rechange, de nouvelles façons d'offrir de la formation et d'éliminer les formalités administratives associées à l'embauche de travailleurs étrangers.
Non seulement la capacité est insuffisante, mais il nous manque des établissements de formation. Au Yukon, aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, il n'y a aucun programme d'aviation. Au Québec, au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan, il n'y a qu'un établissement d'enseignement qui offre ce programme à l'échelle de la province, et seulement deux pour les quatre provinces de l'Atlantique.
En ce qui a trait à l'attestation fondée sur les compétences et à ce que le gouvernement peut faire pour aider notre secteur, de nouvelles méthodes de formation sont nécessaires. La dernière fois, j'ai longuement parlé de Transports Canada. Pour notre secteur, la réglementation de Transports Canada pose trois problèmes.
D'abord, il y a la formation fondée sur les compétences par rapport à celle fondée sur le nombre d'heures. Les avantages de l'apprentissage fondé sur les compétences sont bien documentés. Et pourtant, Transports Canada ne reconnaît que les heures passées en classe. Transports Canada exige que les établissements d'enseignement fournissent 1 800 heures d'instruction sur la maintenance et l'électronique d'aéronefs et 1 000 heures d'instruction sur la structure d'aéronefs. Si les étudiants terminent un travail en laboratoire en une heure au lieu des trois heures prévues par Transports Canada, ils doivent rester assis là deux heures et s'occuper, car l'enseignant doit attester qu'ils ont passé trois heures en classe. Transports Canada affirme que c'est trop difficile. Nous avons parlé à ses représentants et ils nous ont dit qu'il était trop difficile de passer à un apprentissage fondé sur les compétences. C'est faux.
Ensuite, il y a l'apprentissage en ligne et mixte. Comme j'y ai fait allusion la dernière fois, avant la pandémie, Transports Canada ne permettait pas aux établissements d'enseignement de recourir à l'apprentissage en ligne ou mixte. Vu la pandémie, le Ministère leur permet maintenant de le faire, mais seulement jusqu'au 31 décembre de cette année. Comme tous les autres secteurs de la société, celui du transport aérien est marqué par de rapides progrès technologiques. L'intelligence artificielle, l'apprentissage machine et la formation en réalité virtuelle et augmentée ont tous une incidence majeure sur la façon dont l'apprentissage se déroule. Les établissements d'enseignement veulent utiliser ces nouvelles méthodes, mais la réglementation du Ministère les en empêche.
Enfin, il y a les programmes dépassés. Les établissements d'enseignement autorisés par Transports Canada doivent respecter scrupuleusement des programmes terriblement dépassés, qui n'ont pas été mis à jour depuis 20 ans. Ils ont toujours l'obligation d'enseigner les techniques pour réparer des ailes d'avion en toile et des structures en bois en plus d'insister sur la réparation de pièces qui ne sont plus utilisées dans les aéronefs. L'incapacité de mettre à jour les programmes désavantage manifestement la main-d’œuvre du secteur canadien de l'aviation et de l'aérospatiale. La réglementation actuelle ne répond pas aux exigences des technologies nouvelles et émergentes, comme les habitacles vitrés et les composites. Si nous n'agissons pas rapidement, les entreprises ne vont pas choisir le Canada, mais plutôt aller là où elles peuvent obtenir ces services essentiels à une industrie moderne.
Les programmes fondés sur le nombre d'heures, de même que le contenu obligatoire, empêchent les établissements d'enseignement de s'adapter et de fournir des méthodes d'apprentissage plus pertinentes et efficaces. L'industrie a besoin de méthodes d'apprentissage plus accessibles, efficaces et ciblées, dans les établissements d'enseignement, mais aussi, vu le manque de capacité de formation en milieu de travail...
Mon temps est écoulé. Je vais m'en tenir à cela.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je félicite les membres du Comité et le personnel pour leur excellent rapport sur la Loi sur Investissement Canada et ses recommandations qui indiquent la nécessité de revoir l'orientation des stratégies économiques nationales.
Aujourd'hui, mon exposé misera sur ces recommandations afin d'améliorer la compétitivité du Canada. Je vais formuler des remarques sur trois points, soit le sens de la compétitivité dans l'économie intangible; l'inclusion de la prospérité dans l'évaluation de notre économie afin de promouvoir une meilleure gestion; puis le développement de la capacité institutionnelle dans le secteur public pour soutenir l'élaboration de politiques.
Dans une économie traditionnelle, la compétitivité était synonyme de faible coût. Pour attirer des investisseurs internationaux, les entreprises réduisaient les formalités administratives, offraient des terrains à des taux de faveur et des avantages fiscaux, etc., en sachant que cette activité économique allait générer un rendement intéressant pour l'hôte. Toutefois, vu la migration toujours plus grande du rendement économique vers les détenteurs de propriété intellectuelle et, dernièrement, de données, cette stratégie se limite à miser sur les possibilités de rendement les plus faibles de l'économie mondiale, ce qui équivaut à opter pour des emplois à faible revenu dans un centre de traitement des commandes d'Amazon plutôt que pour les loyers numériques extrêmement profitables de Jeff Bezos.
Dans l'économie intangible, la compétitivité correspond à la capacité de s'approprier le loyer économique perçu par les détenteurs de propriété intellectuelle et par ceux qui contrôlent des ensembles de données qui alimentent eux aussi la possibilité de s'approprier des loyers. Les politiques du Canada ne s'appliquent qu'à une économie traditionnelle axée sur la production, qui perd en importance au gré de la transformation numérique au sein de toutes les industries. Si nous voulons que le Canada soit compétitif au sein de l'économie mondiale du XXIe siècle, nous devons concevoir des cadres stratégiques qui permettent à nos entreprises de s'approprier leur juste part des loyers économiques au sein de l'économie intangible.
Selon le FMI, le PIB par habitant du Canada avant la pandémie était de 3 % inférieur à celui de 2010, comparativement à une augmentation de 35 % aux États-Unis pendant la même période en raison de l'harmonisation de ses stratégies économiques aux réalités économiques modernes. Le PIB par habitant ne suffit plus à indiquer la prospérité, car il ne tient pas compte des gains sur actifs à l'étranger ni de la valeur selon la comptabilité d'exercice des biens matériels détenus. Cet écart serait sûrement plus grand encore si nous tenions compte de ces effets de richesse.
Le déficit canadien en matière de paiements tirés de la propriété intellectuelle et de rentrées croît à une vitesse alarmante. Ce déficit serait plus grand si la valeur nette du flux de données était incluse.
Je vous recommande de procéder à la refonte du Conseil économique du Canada de sorte qu'il puisse analyser lui-même l'économie moderne, ce qui pourrait améliorer de manière fondamentale la compétitivité du Canada. De par sa nature, l'économie mondiale actuelle exige une intégration horizontale sans précédent, de la précision analytique et une réaction rapide vu le rythme effréné de l'innovation et des rétroactions et retombées majeures qui caractérisent notre société réseautée. Cela s'avère crucial particulièrement pour le marché axé sur l'information, qui comprend des économies d'échelle et de gamme de même qu'une asymétrie de l'information qui, ensemble, favorisent la création de monopoles qui réduisent le taux d'entrepreneuriat, d'innovation et de dynamisme commercial.
La réglementation adéquate de l'économie de la propriété intellectuelle, de l'économie fondée sur les données, peut rétablir le dynamisme d'un marché compétitif. C'est d'ailleurs pour cette raison que les géants de ce secteur font l'objet d'enquêtes antitrust, menées par les autorités fédérales et d'État aux États-Unis, de même que par les autorités de l'Union européenne, entre autres.
Un conseil économique revitalisé aurait plusieurs fonctions de base: développer les compétences nécessaires pour évaluer et gérer l'économie intangible, y compris la capacité de concevoir des stratégies de gouvernance en matière de propriété intellectuelle et de données; agir à titre de ressource centrale pour soutenir le ministère responsable et évaluer de façon experte les retombées des décisions stratégiques sur les actifs incorporels du Canada; et fournir une perspective stratégique aux chercheurs canadiens qui ont une vaste expertise sur nombre de ces questions, mais dont les travaux n'illustrent pas nécessairement les priorités de gouvernance.
Dans la foulée de la publication du budget du gouvernement fédéral hier, j'avance que la redistribution d'une économie fixe ou des cibles budgétaires prudentes ne suffisent pas et doivent s'accompagner d'une stratégie pour générer de nouvelles richesses. Le Canada a un besoin urgent de stratégies de croissance au diapason des réalités modernes.
Les tableaux et statistiques qui accompagnent mon exposé sont irréfutables. Tandis que les entreprises et pays novateurs mettent l'accent sur la génération stratégique de propriété intellectuelle de valeur et, au cours de la dernière décennie, sur le contrôle de données de valeur pour accroître leurs richesses, le Canada a raté le coche et, de ce fait, est devenu un grand importateur de propriété intellectuelle et de services de données.
La propriété intellectuelle et les données ont des caractéristiques différentes des biens matériels. Sur le marché, leur comportement est différent, ce qui veut dire que les ensembles d'outils nécessaires sont différents, tant pour les entreprises que les décideurs. Un conseil économique adéquatement constitué dirigerait la revitalisation intellectuelle qui s'impose dans l'élaboration de nos politiques et aiderait le gouvernement à acquérir la capacité essentielle pour soutenir nos intérêts nationaux, y compris favoriser notre compétitivité.
Merci pour votre attention.
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Merci, madame la présidente.
Merci aux membres du Comité. Je suis heureuse de comparaître à nouveau devant vous.
Je m'appelle Robin Shaban et suis économiste principale et cofondatrice de Vivic Research. Je suis également doctorante à l'Université Carleton, où j'étudie le droit canadien de la concurrence.
À ma dernière comparution, M. Erskine-Smith m'a demandé de vous soumettre un mémoire soulignant les changements qui, selon moi, devraient être apportés à la Loi sur la concurrence. Je le ferai dans les jours à venir. Dans le cadre de ma déclaration préliminaire, je vais souligner certaines des réformes que je propose dans ce mémoire.
Au cours des dernières réunions, il a été question de la nécessité pour le Bureau de la concurrence d'être plus indépendant. Actuellement, le Bureau fait partie du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, ou ISDE. Les mesures d'application de la loi du Bureau ne sont pas assujetties à l'examen ni à l'approbation d'ISDE, mais le commissaire relève du sous-ministre pour tout ce qui n'est pas lié à ces mesures, ce qui signifie que le Bureau n'a pas l'autorité nécessaire pour se prononcer ouvertement sur les nombreux problèmes généraux de la politique en matière de concurrence. Cette structure nuit à la transparence et n'est pas conforme à ce qui se fait à l'étranger. Ainsi, je propose d'apporter des changements à la structure du Bureau de la concurrence afin que le commissaire n'ait plus à rendre de comptes au sous-ministre d'ISDE.
Deuxièmement, le Bureau devrait avoir la capacité d'obliger les entreprises à fournir des renseignements pour les fins d'études de marché et de l'évaluation de l'efficacité de ses décisions d'application de la loi. Actuellement, le Bureau ne peut recueillir des renseignements auprès des entreprises qu'en cours d'enquête. Aux États-Unis, par exemple, la Federal Trade Commission a de vastes pouvoirs qui lui permettent d'obtenir des renseignements sans effectuer d'enquête, et elle utilise ces pouvoirs pour mener des études qui sont d'accès public.
Troisièmement, comme nous en avons déjà discuté, le Parlement doit abolir la défense des gains en efficience puisqu'elle ne cadre pas avec les principales lois sur la concurrence dans le monde et n'est pas compatible avec une croissance économique équitable. Il ne faut pas croire que l'abolition de la défense des gains en efficience nuira à la capacité de la Loi sur la concurrence de bien promouvoir l'efficience. Elle aura plutôt pour effet d'accorder la priorité aux gains en efficience qui bénéficient directement à tous les Canadiens et non seulement aux entreprises.
Quatrièmement, certains ont fait ressortir que le Bureau manque de ressources. Réviser la Loi pour rendre son application plus efficace est une façon supplémentaire de remédier aux pressions budgétaires du Bureau.
Par exemple, le système canadien d'autorisation des fusionnements est complexe et plus restrictif que celui des États-Unis. Ainsi, les agents doivent analyser dans le menu des fusionnements qui sont peu susceptibles de nuire à la concurrence, car le risque de faire abstraction d'un fusionnement néfaste est plus grand dans notre système. Harmoniser notre système d'autorisation avec celui des États-Unis pourrait se traduire par des gains d'efficience pour le Bureau, qui aurait ainsi plus de ressources à consacrer à du travail de grande portée.
L'application de la loi dans les marchés de l'emploi est un autre secteur où la politique en matière de concurrence présente de graves lacunes. D'après mes recherches, aucun renseignement de nature publique ne donne à penser que le Bureau a déjà mené une enquête sur toute pratique anticoncurrentielle qui pourrait affecter les travailleurs. Je crois qu'il y a deux raisons à cette omission.
D'abord, notre loi est inadéquate. Par exemple, contrairement à ce qui prévaut aux États-Unis, les dispositions relatives à la criminalité de la Loi sur la concurrence ne s'appliquent pas aux accords de fixation de salaires. Ces cas doivent plutôt être plaidés en se fondant sur les dispositions civiles de la Loi, ce qui signifie que, pour avoir gain de cause, le Bureau doit respecter un critère juridique beaucoup plus élevé, vu la différence entre la norme criminelle de preuve et son pendant civil. Ses chances de réussite s'en trouvent donc réduites. Pour remédier à ce problème, les révisions apportées à l'article 45 de la Loi en 2009 doivent être annulées.
Ensuite, je ne trouve aucune preuve que le Bureau a évalué l'incidence anticoncurrentielle possible d'un fusionnement sur les emplois, même s'il aurait pu le faire. De ce fait, le Bureau n'applique pas pleinement la Loi. Il s'agit d'une omission majeure compte tenu de l'importance croissante du travail à la demande et d'autres types d'emplois auxquels les lois sur le travail traditionnelles ne s'appliquent pas. Pour remédier à la situation, le Bureau devrait établir des lignes directrices qui portent précisément sur les fusionnements et qui exposent de quelle façon il compte évaluer l'incidence d'un fusionnement sur les salaires, la qualité des emplois et leur disponibilité.
Ma dernière proposition est la suivante: plutôt que de modifier la Loi, c'est notre approche par rapport à la politique en matière de concurrence qui doit changer. La logique de notre loi sur la concurrence repose principalement sur des modèles économiques conçus entre les années 1960 et 1980. Depuis, les méthodes de recherche en économie ont beaucoup évolué, ce qui nous permet d'élaborer des politiques fondées sur des données empiriques plutôt que sur des modèles théoriques. Dans le cadre d'une réforme de la Loi sur la concurrence, les analystes devraient recueillir des données empiriques, les décortiquer et s'en servir pour étayer leur processus décisionnel. Ramener le Conseil économique du Canada serait une façon d'y parvenir.
Au cours de notre conversation aujourd'hui, je serai heureuse de parler de ces propositions et de répondre à toutes les questions des membres du Comité au mieux de mes compétences.
Merci beaucoup.
Monsieur Ulicki, votre présence parmi nous tombe à point. Le gouvernement nous affirme qu'il souhaite imposer 9 milliards de dollars aux contribuables canadiens pour des garderies. Il estime que la meilleure façon d'offrir des services de garde consiste à prendre l'argent des parents, à le remettre aux provinces, qui le remettront aux administrations municipales, qui verseront enfin ces fonds aux organismes qui offrent des places en garderie.
Vous aviez une autre idée, qui était simplement de construire une garderie et d'y accueillir 80 enfants. Bien sûr, les obstacles que vous avez rencontrés étaient au sein de l'appareil municipal, mais ce sont ces mêmes leaders municipaux qui demandent constamment des fonds au fédéral. C'est pour cette raison qu'ils ont soumis la question des garderies au fédéral. Je remarque qu'environ 80 millionnaires se sont opposés à votre proposition. Vous alliez fournir 80 places en garderie. Il y avait donc un millionnaire par place, un millionnaire se dressant contre chaque enfant qui a besoin d'une place en garderie. Ce ratio est très intéressant.
L'un des membres de cette élite privilégiée était, bien sûr, Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada. Il clame haut et fort son soutien aux garderies publiques, et pourtant, sa famille et lui se sont opposés à la vôtre, affirmant que votre garderie enlèverait tout son charme au quartier et qu'il serait même nécessaire que des camions à ordures viennent chercher tous les déchets produits par la garderie. Je ne sais pas qui collecte leurs ordures. Peut-être que M. Macklem pourrait venir témoigner de la façon dont il dispose de ses déchets.
Dans vos efforts pour offrir une place en garderie à 80 enfants, combien avez-vous dû verser jusqu'ici aux administrations publiques?
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C'est vrai. Donc, ils veulent les espaces pour eux-mêmes plutôt que pour les enfants.
M. Robert Ulicki: Absolument.
L'hon. Pierre Poilievre: Eh bien, nous verrons. Cela risque de susciter beaucoup d'inquiétude pour , puisqu'elle dit qu'elle va créer toutes ces nouvelles garderies avec son plan de 9 milliards de dollars par an, financé par les contribuables. Je ne sais pas si elle sera en mesure de faire approuver ces accommodements par les conseils municipaux si elle se retrouve dans la même situation que vous.
Vous savez, j'ai du mal à comprendre pourquoi quelqu'un comme vous se donne tout ce mal. Vous êtes manifestement un homme d'affaires prospère. Vous avez investi presque une demi-décennie de votre vie et un demi-million de dollars pour essayer de faire quelque chose de bien pour 80 enfants. Tout ce que cela vous a donné, c'est de vous faire bloquer le chemin par une bande d'empêcheurs de tourner en rond égoïstes qui cherchent à protéger leur propre cour. L'une de ces personnes s'est même plainte que le danger était que des enfants fassent trop de bruit à côté de sa maison. Elle a signé sa plainte à la ville par « Ph.D. », donc je présume qu'elle passe son temps dans sa maison à réfléchir à des idées brillantes et qu'elle ne veut pas être interrompue par des bambins qui courent, chantent des chansons et gambadent en se rendant au parc.
Cela nous montre à quel point les choses sont sens dessus dessous dans notre pays. Un jour, j'espère que les gens se soulèveront — des consommateurs, des travailleurs et des entrepreneurs comme vous — contre cette économie d'empêcheurs de tourner en rond. Merci de nous avoir fait part de votre parcours et de persévérer en dépit de toute cette bureaucratie.
Madame la présidente, combien de temps me reste-t-il?
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier tous nos témoins d'être ici aujourd'hui. Nous abordons plein de sujets intéressants.
Monsieur Tombe, vous êtes la première personne à qui je vais poser des questions.
Vous avez beaucoup parlé du commerce interprovincial et des règlements qui empêchent les entreprises de faire ce type de commerce. Vous avez mentionné que, fondamentalement, il y a un coût supplémentaire de 7 à 15 % pour un grand nombre d'industries distinctes qui souhaitent faire ce genre de commerce. Évidemment, beaucoup de ces règlements — tous, en fait — sont imposés par les provinces.
Nous sommes le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie du gouvernement fédéral, et je me demande donc si vous pouvez nous faire des suggestions sur le rôle que nous pouvons jouer pour aider les provinces à aller dans cette direction, afin que les entreprises canadiennes aient moins de tracasseries administratives à gérer relativement au commerce interprovincial.
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Merci de cette excellente question.
Vous avez raison de noter qu'au Canada, la source des frictions commerciales entre les provinces provient des différences qui existent d'une administration à l'autre quant aux règles, règlements, normes, etc., que les entreprises doivent respecter. En fin de compte, cela signifie que les provinces doivent agir pour aplanir ces différences. C'est ce que l'Accord de libre-échange canadien est censé faire.
Pour l'instant, c'est la Table de conciliation et de coopération en matière de réglementation qui s'occupe de cela. C'est un processus lent mais important qui consiste à cerner les obstacles, à négocier des accords d'harmonisation ou des accords de reconnaissance mutuelle, puis à mettre ces accords en œuvre. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle à cet égard, d'abord en s'assurant que les règlements fédéraux qui touchent directement le commerce interprovincial n'ajoutent pas au fardeau avec lequel les entreprises doivent composer.
À titre d'exemple, un domaine où certains progrès ont été réalisés récemment est l'inspection agricole. Si vous expédiez des produits alimentaires d'une province à l'autre, ils doivent être inspectés par les organismes désignés des gouvernementaux provinciaux et du gouvernement fédéral, ce qui peut ajouter trois régimes d'inspection différents à une seule transaction. Dans certains cas, il pourrait être judicieux pour le gouvernement fédéral d'adopter un profil bas et de faire au moins confiance aux agences d'inspection provinciales.
De manière plus générale, le gouvernement canadien peut s'assurer que l'accord de libre-échange dispose des capacités nécessaires pour faire en sorte que les différences réglementaires soient examinées ligne par ligne dans les meilleurs délais. Cela nécessite du personnel au sein du secrétariat. Cela signifie qu'il faut fournir de l'aide aux provinces, en particulier aux petites provinces qui n'ont peut-être pas elles-mêmes les capacités voulues.
Le gouvernement fédéral peut également jouer un rôle en s'assurant que cette question reste en tête du programme national lors des discussions entre les dirigeants fédéraux, provinciaux et territoriaux.
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À vrai dire, ce qu'il y a de bien avec la propriété intellectuelle, c'est qu'elle favorise les petits pays qui se focalisent sur certains secteurs, que ce soit les produits pharmaceutiques en Suisse, la microélectronique à Singapour ou les jeux et les télécommunications en Finlande. Le gouvernement joue un rôle central dans ce domaine, car il crée le cadre.
J'ai fait la liste de certaines choses qui entrent dans l'infrastructure de la politique numérique. Dans le cadre de mes activités à travers le monde — dans les quelque 150 pays où j'ai fait des affaires —, j'ai noté que les pays qui ont réussi se sont focalisés sur le côté droit de ce graphique en veillant à ce que tous les éléments fonctionnent les uns avec les autres. Si nous ne travaillons pas en tandem avec nos entreprises, avec nos champions nationaux, et si nous ne comprenons pas que nos entreprises se heurtent aux champions nationaux d'autres parties du monde... Qu'il s'agisse de la manière dont nous finançons la recherche ou de la manière dont nous réalisons les investissements directs étrangers, c'est un travail qui doit se faire de manière centralisée. Par exemple, quand on regarde ce qui s'est passé avec le Fonds stratégique pour l'innovation qui a été bonifié et les supergrappes, on s'aperçoit que la moitié de l'argent est allé à des entreprises étrangères parce que nous croyons qu'il s'agit là d'une stratégie d'emploi, ce qui est une course vers le bas.
Toute économie prospère mise sur la génération de ces actifs pour son économie nationale. C'est là qu'est la richesse découlant de la location, ainsi que la sécurité. C'est une question d'orientation et d'expertise.
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Merci, madame la présidente.
Merci à nos invités d'être ici.
Ma première question s'adresse à vous, madame Shaban.
Je ne sais pas si vous avez vu le budget, mais on y apprend qu'il y aura enfin une augmentation pour le Bureau de la concurrence. Ce sera ma première question. Je sais qu'il est très tôt pour se prononcer, mais à votre avis, sur quelles priorités le Bureau de la concurrence devrait-il mettre l'accent maintenant qu'il dispose d'un peu plus de ressources?
Je sais que vous y avez travaillé il y a longtemps, mais pourriez-vous quand même nous donner une idée de ce à quoi nous pouvons nous attendre avec les ressources qui arrivent? Quelles seraient, selon vous, les priorités?
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Oui, je pense que c'est une question très pertinente.
La prochaine étape, selon moi, serait de comprendre comment la Commission européenne, par exemple, s'inscrit dans le cadre de l'Union européenne ou comment la Federal Trade Commission ou le Département de la justice des États-Unis fonctionne au sein de cette bureaucratie. Je reconnais que ces organismes ne font pas partie du gouvernement, au sens large du terme. Ce ne sont pas des ministères, mais bien des entités distinctes.
Pour ce qui est de savoir comment les choses se dérouleraient dans notre structure gouvernementale, je n'en suis pas encore très certaine, là non plus. Maintenant que je sais que vous réfléchissez à la question, je vais en prendre note et faire de mon mieux pour y répondre dans le document d'information.
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Je serais ravi de connaître vos idées.
Il y a quelques modèles que nous examinons également. J'aimerais obtenir un avis et une analyse. C'est certainement possible, mais encore faut-il que nous sachions comment procéder.
Je vais maintenant m'adresser à M. Balsillie.
Je suis vraiment heureux que vous ayez évoqué l'exemple d'Amazon. Les gens considèrent qu'il s'agit d'une innovation parce qu'on utilise un entrepôt appelé « centre de traitement des commandes ». Je sais qu'ils se vexent quand je leur dis que c'est une façon détournée de...
Je viens du domaine de la livraison juste-à-temps dans l'industrie automobile, et nous utilisons ce genre de logistique depuis 30 ou 40 ans. Lui donner une autre appellation n'est pas forcément une innovation. C'est utile. Cela nous permet de déplacer les choses plus rapidement, d'être plus autonomes et tout le reste, mais je ne considère pas cela comme une innovation, bien franchement.
En ce qui concerne votre suggestion, quels seraient les mécanismes nécessaires à l'élaboration d'une stratégie nationale pour le Conseil économique du Canada? Autrement dit, quels sont les mécanismes nécessaires pour le faire passer à un palier supérieur?
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Je pense qu'il faut le ressusciter et l'administrer soit de façon indépendante, soit à l'échelon le plus élevé, sous l'égide du Cabinet du premier ministre, puis du Bureau du Conseil privé ou d'une partie de celui-ci. Il est tellement important que nous nous dotions de cette expertise.
Si je peux me le permettre, j'entends beaucoup de commentaires sur la stratégie industrielle. Nous avons des stratégies industrielles depuis des décennies au Canada. Nous dépensons beaucoup d'argent pour les supergrappes et le Fonds stratégique pour l'innovation, d'autant plus que ces investissements ont été bonifiés. Il faut comprendre qu'en l'occurrence, il n'est pas question de stratégie industrielle. Il s'agit plutôt d'évaluer le rôle du gouvernement dans une économie intangible. Il faut une expertise très pointue pour veiller à ce que nous l'emportions réellement dans ce domaine.
Je ne parle pas de plus ou de moins d'argent. Nous sommes un pays industrialisé dans nos intrants, mais un pays du tiers monde dans nos extrants. Qu'il s'agisse de 100 millions, de 1 milliard ou de 10 milliards de dollars, il faut changer nos résultats. Il doit y avoir une entité qui guide toutes ces décisions au palier le plus élevé, et il faut des experts. Cette entité doit interagir avec des experts mondiaux et nationaux en la matière, à défaut de quoi nous n'obtiendrons pas de rendement sur le capital investi.
Nous investissons [Difficultés techniques] depuis des décennies, mais nous obtenons un rendement de plus en plus modeste, ce qui est la définition même de la folie, selon Einstein. Notre problème, c'est l'approche.
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Merci, madame la présidente, et merci aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Mme Shaban.
Je vous remercie de comparaître à nouveau devant nous. J'ai pu lire l'article d'opinion que vous et Mme Bednar avez fait publier dans le National Post. J'ai trouvé intéressant votre argument selon lequel la mise à jour de nos lois sur la concurrence peut s'avérer une arme à double tranchant. Nous essayons en quelque sorte de trouver un juste équilibre, ce qui est un exercice délicat.
Vous avez dit que, peu importe les mesures que nous essayons de prendre, surtout en ce qui a trait à notre économie numérique, il faut assurer la croissance et l'expansion des petites entreprises en démarrage, mais sans restreindre la concurrence. Voilà un exercice d'équilibre délicat.
J'attends avec impatience de prendre connaissance de votre mémoire. Je me demande si vous avez d'autres observations à faire à ce sujet. Lors de votre dernière comparution, vous nous avez parlé de la notion des gains en efficience. Toutefois, nous avons reçu des représentants de grands exploitants qui ont souligné la nécessité de prendre de l'expansion. C'est là un aspect important puisque la taille compte.
Comment pouvons-nous trouver enfin un juste équilibre pour protéger non seulement les entreprises, que nous voulons encourager à croître, mais aussi les consommateurs?
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Il y a deux facettes à ce que vous venez de dire. La première, c'est un élément de connaissance. Dans l'état actuel de la recherche économique, nous essayons de comprendre la nouvelle économie numérique et d'en saisir le sens réel.
Comme M. Balsillie l'a expliqué, l'économie numérique est fondamentalement différente de l'économie des produits de base. Nous devons donc comprendre, d'une part, ce que cela signifie vraiment pour la concurrence et, d'autre part, comment créer des lois qui se prêtent bien à ce domaine. C'est le premier élément, et force est de constater qu'il y a beaucoup d'inconnues.
Le deuxième élément, c'est la révision des lois qui sont clairement inéquitables. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il est possible d'avoir une loi qui favorise l'efficacité, qui permet aux entreprises de prendre de l'expansion afin de soutenir la concurrence internationale, sans créer de compromis brutaux entre les consommateurs et les entreprises. Des approches comme la défense des gains en efficience vont manifestement à l'encontre de cet objectif.
L'essentiel, c'est de reconnaître que la concurrence et les directives stratégiques sont de nature foncièrement politique. Il s'agit de savoir qui obtiendra quoi et qui portera la responsabilité de surveiller et de contrôler la concurrence au Canada.
Je n'ai pas beaucoup de réponses concrètes, parce que ces questions exigeront une réflexion très approfondie, tant du point de vue de la recherche que du point de vue politique et philosophique.
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Merci. Nous avons hâte de recevoir votre mémoire lorsqu'il sera prêt.
Monsieur Donald, j'aimerais vous souhaiter un bon retour parmi nous et vous remercier de votre exposé. Je relisais mes notes. Vous avez parlé d'une perte de 35 % de la main-d'œuvre. Vous avez dit que lorsque la demande recommencera à grimper après la COVID, nous ne serons pas en mesure d'y répondre. Vous avez d'ailleurs expliqué que les collèges ne pouvaient répondre qu'à environ 25 % des besoins de l'industrie.
Ma question porte sur l'un des points que vous avez soulevés concernant l'existence de programmes dépassés. Comment faire pour les modifier et les mettre à jour afin de pouvoir commencer à former les nouveaux employés de l'avenir?
J'aimerais également aborder le processus d'évaluation des titres de compétences. Pouvez-vous nous parler du processus d'élaboration de programmes? Qu'est-ce qui entre en ligne de compte dans ce processus et dans sa mise à jour?
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Transports Canada a dit à plusieurs reprises qu'il allait s'en occuper, qu'il reconnaît les lacunes, mais qu'il n'a pas les ressources nécessaires.
Il y a six mois, les gens du ministère ont fait savoir à un groupe d'entre nous, dont moi et d'autres représentants de Collèges et instituts Canada, qu'ils allaient lancer quelque chose à l'automne, mais ils ne l'ont pas fait. Cela se réduit à une question de ressources, selon eux, mais ils doivent s'entretenir avec l'industrie pour savoir ce qui est nécessaire dans le cadre de ce programme.
Ils doivent cesser de faire de la microgestion. Ils n'ont pas besoin de détailler toute la liste des cours à enseigner. Ils doivent évaluer les compétences des finissants, mais ils ont tort de dicter tous les cours et toutes les tâches qu'il faut enseigner dans les collèges. Ils devraient discuter avec l'industrie et simplifier le processus.
Aux États-Unis, la FAA ne s'occupe plus d'imposer le contenu des programmes. Transports Canada pourrait envisager de faire de même.
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J'espère que nous verrons plus de progrès dans ce dossier, parce que c'est vraiment crucial, comme vous l'avez souligné à juste titre.
Faute de temps, je vais passer tout de suite à Mme Shaban.
Madame Shaban, je vous remercie de votre témoignage. Une fois de plus, vous avez mis en lumière diverses questions qui méritent, à mon avis, l'attention du Comité dans le cadre de son rapport final. Vous avez dit, entre autres, que le Bureau de la concurrence ne fait pas grand-chose en matière d'application de la loi.
Vous avez déjà demandé un financement accru pour le Bureau de la concurrence. Il s'agit d'un problème récurrent depuis 2010, lorsque le Bureau de la concurrence n'avait pas les ressources nécessaires. Comment réagissez-vous à la nouvelle annoncée hier dans le budget, à savoir que le Bureau de la concurrence recevra 96 millions de dollars supplémentaires au cours des cinq prochaines années? En particulier...
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Je vous remercie de votre question.
Le plus important, c'est la sensibilisation. Nous devons faire comprendre à nos responsables des politiques et à nos entrepreneurs, ainsi qu'à toutes les personnes qui œuvrent au sein des organisations, comment le tout fonctionne afin qu'ils puissent prendre leurs idées fantastiques et en devenir propriétaires ou générer une propriété intellectuelle à cet égard pour pouvoir exiger des loyers. Parallèlement, nous devons nous assurer que tous nos autres programmes — le financement de la recherche universitaire, les accords commerciaux internationaux, etc. — prévoient des règles qui profitent à nos entreprises, car c'est exactement ce que font les autres pays.
L'ALENA compte un million de mots, mais vous n'y trouverez pas les mots « libre-échange ». Les entreprises ont simplement créé cette expression pour accroître les profits qu'elles tirent des biens intangibles en les imposant aux autres pays.
Tel est le monde dans lequel nous vivons. Il faut jouer des coudes, car il y a beaucoup de rivalité. Ce n'est plus un système très coopératif. La route sera cahoteuse pendant un certain temps dans ces dossiers, et nous devons donc nous préparer à faire face à cette nouvelle réalité.
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Eh bien, il en existe beaucoup.
En un certain sens, l'économie des idées, l'économie intangible, fonctionne à l'inverse de l'économie tangible. Il faut donc élaborer des règlements qui lui sont favorables.
Quand nous entendons des gens comme Robin Shaban parler, nous savons que nous devons protéger la force de nos entreprises par la manière dont le Bureau de la concurrence fonctionne. Nous devons protéger le pouvoir de nos citoyens et de nos entreprises par la manière dont nous réglementons les données dans l'économie de la protection des renseignements personnels, établissons des normes, négocions des accords commerciaux et finançons la recherche.
Les programmes doivent réellement mettre l'accent sur le gain à réaliser, c'est-à-dire générer les actifs qui déterminent notre prospérité et notre sécurité. C'est un rôle complètement différent pour le gouvernement. C'est, à dire vrai, ce qui manque dans notre approche depuis 25 ans et pourquoi nous nous sommes effacés dans ce domaine, mais nous pouvons corriger le tir.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je vais continuer avec M. Balsillie.
Ma question porte sur votre expérience avec le Conseil des affaires des États-Unis et le Conseil canadien des affaires. Je suis vice-président du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Certains membres du Comité ont fait partie des délégations qui sont intervenues auprès du Congrès et du Sénat américains. C'est quelque chose de bipartisan au Canada. En fait, la question fait intervenir des membres du Parlement et du Sénat. Cette approche s'est avérée efficace à bien des égards.
Je pense qu'une des choses que nous ne comprenons pas entièrement ici, c'est qu'il y a toujours une impression de libre-échange, comme vous l'avez souligné, ou d'économie de libre marché. Or, jamais je n'ai rien vu de tel depuis que j'ai été élu. Tout ce qu'il a actuellement, c'est la loi Buy American, mais la loi qui l'a précédée, la Jones Act, s'accompagnait d'une flopée d'accords commerciaux qui favorisaient les États-Unis.
Est-ce quelque chose au sujet duquel le Conseil canadien des affaires pourrait formuler des conseils sur la manière d'agir dans ce dossier? Nous avons terminé nos intercessions devant le Congrès et le Sénat il y a quelques semaines. Même les solides et très empathiques alliés que nous avons là-bas — étant Américains, ce sont des élus — ne semblent pas avoir la moindre influence quand il s'agit exempter le Canada de la loi Buy American, comme il l'a été par le passé.
Que pensez-vous de ces éléments? Ces démarches s'inscrivent-elles également dans ce que vous proposez?
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Oui. Le monde a changé et est plus axé sur la rivalité que sur la collaboration.
Dans l'économie tangible, quand on signe un accord de libre-échange et élimine les frictions, tout le monde y gagne. Cependant, l'économie des idées se fonde sur le principe de friction. On trouve toujours des moyens d'exiger des loyers. Oui, c'est certainement quelque chose qui devrait nous aider.
Il est beaucoup plus difficile d'ériger des obstacles dans une économie à haute valeur ajoutée. Il est difficile d'arrêter un produit, comme des produits technologiques, des produits automobiles à valeur ajoutée ou des produits pharmaceutiques, mais quand il s'agit de marchandises, c'est bien plus facile de créer des problèmes.
En ce qui concerne votre question précédente sur la manière de constituer le conseil et d'en déterminer les divers rôles, si cela présente un intérêt pour vous ou le Comité, je serais plus qu'heureux de préparer un document résumant certaines approches à ce sujet.
Il faut comprendre que le monde a changé. Nous avons beaucoup plus besoin d'approches souveraines qu'il y a 30 ans. Le monde a changé depuis 25 ans.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
C'est un bonheur de recevoir tous les témoins ce matin.
Monsieur Balsillie, vous avez indiqué plus tôt que le Canada est le premier pays au monde sur le plan des revenus, mais qu'il est troisième au chapitre des résultats. Nous avons entendu plus tôt que des fonds considérables allaient être accordés à divers projets potentiels pour contribuer à résoudre les problèmes de l'industrie, mais vous avez aussi fait observer qu'il y avait beaucoup d'argent, mais peu de résultats. En ce qui concerne le financement accordé avec tambours et trompettes à la recherche, vous avez fait remarquer que les supergrappes sont une bonne idée, mais que ce sont, bien entendu, d'autres pays qui y gagnent et qui mettent la main sur la propriété intellectuelle.
Je sais que par le passé, vous avez souligné comment nous semblons perdre notre place. Je me demande si vous pourriez traiter maintenant de certains de ces problèmes.
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Bien sûr, je le ferai volontiers.
Il s'agit en fait d'un train de mesures, d'un amalgame d'approches antérieures, mais avec plus d'argent. Quand on examine les supergrappes, on constate qu'elles ont été créées sans idée, sans données, sans stratégie et sans gouvernance, et que c'est une fois le train en marche qu'on a tenté de corriger le problème. Dans le cadre du programme du Fonds stratégique pour l'innovation, la moitié du financement est allé à des entreprises étrangères. Ici encore, dans une économie de production traditionnelle, on peut compter sur les retombées bénéfiques de ces partenariats, mais dans l'économie des idées, tout ce que nous faisons, c'est enrichir d'autres pays et appauvrir le Canada.
Je ne pense pas que nous ayons de stratégie d'innovation. Il y a des stratégies d'emploi, mais les emplois sont de piètre qualité. C'est un ravalement vers le bas. Si nous examinions la question en nous appuyant sur une solide expertise, nous remanierions ces programmes.
Le gouvernement a un rôle de premier plan à jouer à cet égard. Je pense qu'il faut investir dans ce domaine, mais je voudrais que nous tirions 10 $ de chaque dollar investi, pas 10 ¢.
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Je vous remercie. Je pense que c'est un aspect important.
Dans le passé, le Canada a géré notre prospérité et notre souveraineté énergétiques. Nous avons réalisé des projets hydroélectriques novateurs, et mis au point des technologies porteuses de transformation dans les secteurs de l'énergie nucléaire et de l'extraction du pétrole et du gaz, ainsi que dans d'autres domaines. Selon l'indice d'innovation 2020 de Bloomberg, le Canada est tombé au 22e rang. Voilà qui semble indiquer que nous avons abandonné le concept des idées édificatrices de pays, alors que nous excellions à cet égard par le passé.
Bien entendu, monsieur Balsillie, vous avez déjà livré des témoignages dont je pense qu'il faut tenir compte en ce qui concerne la propriété intellectuelle et les données. Pourriez-vous peut-être énumérer certains des facteurs que nous pourrions utiliser pour corriger certains de ces problèmes à court et à long terme?
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Je le ferai avec plaisir.
Il faut certainement améliorer le Bureau de la concurrence. Vous avez entendu ce qu'a dit Robin Shaban à ce sujet. Nous devons absolument nous doter de règlements adéquats en matière de protection des renseignements personnels pour contrôler les données. J'ai écrit que le projet de loi est complètement inadéquat, car il est écrit pour favoriser Silicon Valley, pas le Canada. Je sais que le a réagi en approchant des universités au sujet de lignes directrices sur le financement de la recherche. J'ignore pourquoi nous dépensons l'argent des contribuables pour rendre Huawei et la Chine plus riches et plus sécuritaires au détriment de la sécurité et de la prospérité du Canada.
Il faut agir sur tous les plans. Regardez du côté droit du tableau que je vous ai montré. Des pays prennent chacune de ces mesures pour changer leur économie depuis 25 à 30 ans. Le plus important message que je puisse vous laisser aujourd'hui, c'est que nous devons comprendre que le rôle du gouvernement a changé depuis 25 ans. Ce n'est pas une question de stratégie industrielle, mais de rôle du gouvernement. Comment alors pouvons-nous façonner ce rôle?
Voilà pourquoi je parle du Conseil des affaires. Là, nous pouvons renforcer l'expertise. Nous n'avons pas renforcé cette expertise. Vous pouvez dépenser tout l'argent que vous voulez, mais si l'expertise est inadéquate — que ce soit au chapitre de la concurrence, du financement de la recherche, du commissaire à la protection de la vie privée, des normes ou des « accords commerciaux » qui sont en fait des mégaententes de réglementation —, d'ici à ce que nous comprenions le rôle, l'objectif et la technocratie dans ce domaine, nous ne ferons rien d'autre que de rendre des pays étrangers plus riches et plus sécuritaires avec l'argent des contribuables canadiens. Le recul que je vous ai montré dans le tableau se poursuivra, car le rythme du changement s'accélère.
J'insiste sur le fait que le problème peut être corrigé. L'optimisme est de mise. Nous possédons une expertise considérable. Nous pouvons renverser la tendance, mais nous devons comprendre que c'est un problème.
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Oui. Ma seule réflexion à ce sujet, c'est qu'il est réellement important que le Parlement réfléchisse à ce que sera le rôle du Bureau de la concurrence si ce droit est autorisé.
À l'heure actuelle, le droit de la concurrence ne favorise pas les intérêts du public au Canada. Ce n'est pas une philosophie enchâssée dans la loi, et cette dernière ne contient pas beaucoup de dispositions qui permettent au Bureau de la concurrence de s'attaquer à des affaires dans l'intérêt public en général comme c'est le cas dans d'autres pays. Le fait qu'il existe une véritable rupture entre la politique de la concurrence et la protection des consommateurs l'illustre amplement. Pourtant, dans d'autres pays, ces deux politiques fonctionnent de concert et sont en fait appliquées par un seul et même organisme.
Pour conclure rapidement, je ferais remarquer que je pense que si nous autorisons le droit privé à l'action devant le tribunal, le Bureau devrait toujours pouvoir se pencher sur des affaires, et le droit privé...
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins.
Madame Shaban, j'espère que vous allez vous lancer en politique, en espérant que vous choisissiez la bonne couleur de veston, pour être le plus subtil possible. Je vous trouve très intelligente, et vos commentaires sont très instructifs. Madame la présidente, puisque je suis nouveau au Comité, je ne sais pas si j'ai le droit de faire de la sollicitation. Quoi qu'il en soit, nous avons besoin de femmes comme vous en politique, madame Shaban. Je trouve très instructif ce que vous nous apprenez à ce sujet. Je m'arrêterai ici pour l'instant et j'y reviendrai si j'en ai le temps.
Monsieur Ehsassi, je me mets en porte-à-faux avec ce que vous avez dit concernant M. Ulicki. Sa présence est tout aussi pertinente sinon plus, aujourd'hui, que celle de n'importe quel autre témoin, si vous voulez mon avis. Ce n'est pas parce qu'il est en relation directe avec le gouvernement fédéral, mais plutôt parce qu'il est en relation indirecte avec celui-ci, puisque les provinces et les municipalités sont des créations de l'ensemble de l'univers politique canadien.
Monsieur Ulicki, si vous aviez appris le français, je vous aurais dit de venir au Québec, parce que nous avons besoin de gens qui veulent ouvrir des garderies, et c'est probablement pas mal moins compliqué qu'à Toronto.
J'aimerais vous poser une brève question, monsieur Ulicki.
Avez-vous fait d'autres investissements, à part le demi-million de dollars que vous disiez avoir perdu, tantôt? Aviez-vous commencé les travaux d'aménagement de votre garderie avant d'avoir tous ces permis?
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous les témoins. Nous avons une discussion très large ce matin.
Je siège aussi au comité des transports. Ma première question s'adresse donc à M. Donald, au sujet des industries de l'aviation et de l'aérospatiale, qui étaient très prospères avant la pandémie, et qui le seront de nouveau, nous l'espérons.
Monsieur Donald, vous avez dit clairement que vous trouviez le programme désuet en ce qui a trait à la formation des travailleurs dont nous avons besoin dans les secteurs de l'aviation et de l'aérospatiale. Si Transports Canada s'attaquait à la question, et puisque dans le budget d'hier, on a annoncé quelque 721 millions de dollars sur deux ans pour environ 100 000 possibilités d'emploi à venir, comment souhaiteriez-vous que les fonds soient affectés dans les secteurs de l'aviation et de l'aérospatiale, de façon particulière?
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Je vous remercie pour votre question.
L'un des deux programmes a été offert par l'entremise d'EDSC par le passé et l'autre est en cours: le Programme de stages pratiques pour étudiants. Ils ont été très bénéfiques pour l'industrie. Le Conseil canadien de l'aviation et de l'aérospatiale ou CCAA à lui seul a intégré plus de 1 000 étudiants sur le marché du travail, et bon nombre d'entre eux ont conservé leur emploi après avoir obtenu leur diplôme.
EDSC a déjà offert un programme qui s'appelait Objectif carrière, qui accordait un financement aux employeurs afin qu'ils embauchent des diplômés. L'apprentissage intégré au travail est destiné aux étudiants. Nous aimerions que le programme Objectif carrière soit de nouveau offert pour encourager les employeurs à embaucher et à former des travailleurs qui sont d'importants atouts pour l'industrie.
Est-ce que j'ai répondu à votre question, madame Jaczek?
J'espère que ces commentaires seront repris par nos analystes, parce que je crois que c'est la bonne façon de faire. Le rôle du gouvernement fédéral consiste bien sûr à prendre des engagements d'envergure, mais s'il n'y a pas de résultats sur le terrain, ces engagements ne servent à rien.
D'un point de vue pratique, monsieur Tombe, vous avez dit que chaque province avait son propre collège de réglementation, par exemple. J'ai travaillé dans le domaine des soins de santé. Vous avez parlé des divers règlements au sujet du champ d'exercice des hygiénistes dentaires, par exemple, et d'autres professions du domaine de la santé, et je suis tout à fait d'accord avec vous: tout cela ne semble pas logique. Pourquoi ne voudrions-nous pas collaborer? Bien sûr, on parle ici de la nature humaine. Tout le monde veut garder le contrôle sur son domaine.
Comment pouvons-nous faire tomber cette barrière?
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C'est une très bonne question.
Certains pays comme l'Allemagne, la Corée du Sud et Singapour ont intégré certains éléments comme l'expertise en matière de propriété intellectuelle et la gouvernance en matière des données au financement de la recherche, et ils font appel à la même société pendant des dizaines d'années. Il ne faut pas voir cela comme une transaction, mais bien comme une relation entre un parent et un enfant. On reste avec les mêmes sociétés jusqu'à la fin, au lieu de passer par des transactions de type « chaud-froid ».
Je crois que nous pourrions nous inspirer de ce que fait l'institut Fraunhofer, en Allemagne. La collaboration est permanente. Elle vise le financement de la recherche, la commercialisation et d'autres choses du genre. Le travail de l'institut pourrait nous guider.
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Donald, j'aimerais que vous nous parliez davantage de votre proposition voulant que l'industrie forme les travailleurs des métiers spécialisés. J'aimerais que vous élaboriez sur ce sujet.
Ce qui me préoccupe, c'est qu'une telle façon de faire pourrait dévaluer la formation suivie par d'autres, qui sont passés par le processus d'accréditation. Chez nous, nous nous battons pour obtenir un nouveau poste frontalier. Une partie du poste a été faite par l'entremise d'un partenariat public-privé où l'on a fait appel à des travailleurs étrangers, qui n'ont pas fait la soudure de façon appropriée. On a dû sortir plus de 200 poutres de la terre pour réseau routier après coup. En fait, je l'ai appris d'un homme qui s'entraîne au même centre sportif que moi. Il a fallu creuser pour sortir ces poutres.
Comment pouvons-nous régler la situation? Y a-t-il un moyen d'offrir plus de soutien et plus d'accréditations, sans toutefois laisser tomber nos normes ou être trompés par de mauvais acteurs?
Pour répondre à votre première question, au sujet de la formation de la main-d'oeuvre, comme je l'ai dit plus tôt, la capacité du pays est limitée et les installations peu nombreuses. Les gens du nord du Québec, par exemple, doivent passer trois ans dans la ville de Québec pour suivre leur formation, ce qu'ils ne font pas.
AAR est une société de Windsor. Elle doit embaucher des gens dans la rue. Il s'agit de la plus importante entreprise d'entretien, de réparation et de remise en état de l'Amérique du Nord. Elle doit embaucher des gens dans la rue parce qu'il n'y a pas de collège local qui offre la formation.
Ces entreprises ont besoin d'aide et nous travaillons avec elles.
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Monsieur Donald, nous accueillons 300 000 immigrants au Canada chaque année. En moyenne, ils sont plus scolarisés que les personnes nées au Canada. lls sont plus nombreux à être titulaires d'une maîtrise ou d'un doctorat. Toutefois, ils ont moins de chance de travailler dans leur domaine de formation.
Nous avons aussi des anciens combattants qui quittent les forces armées avec de grandes compétences, mais qui n'ont pas de permis d'exercice. Ils font toutes sortes de travaux spécialisés sur l'équipement militaire, mais ils n'ont pas le permis requis pour être mécaniciens ou exercer un autre métier spécialisé.
Enfin, nous avons d'autres personnes qui acquièrent des compétences tout au long de leur vie; des compétences bien réelles. Les enfants d'agriculteurs sont le meilleur exemple à cet égard. Ils apprennent à travailler avec toutes sortes d'équipements. Ils sont évidemment qualifiés. Ils utilisent des appareils mécaniques très complexes sur la ferme. Toutefois, s'ils quittent la ferme et tentent d'exercer un de ces métiers spécialisés, ils ne peuvent le faire parce qu'ils n'ont pas de permis.
L'octroi d'un permis se fonde sur le nombre d'heures travaillées et sur d'autres détails plutôt que sur les compétences réelles des travailleurs.
Je vais vous donner l'exemple d'un habitant de ma circonscription. ll est venu ici pour exercer le métier de cardiochirurgien. Il réalisait des chirurgies cardiaques à Singapour, un pays plus avancé que le Canada. Il a obtenu un permis d'exercice du collège de médecins, mais devinez quoi: Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a refusé de lui octroyer un permis de travail parce que le ministère n'avait pas réalisé d'analyse judiciaire indépendante de sa vie. Le collège des médecins le jugeait qualifié. Les Singapouriens le jugeaient qualifié. J'ajouterais que, sur le plan biologique, le coeur d'un humain est le même à Singapour qu'au Canada. Le ministère lui a presque retiré son permis de travail, et il s'apprêtait à rentrer chez lui parce, bien franchement, il pourrait travailler n'importe où dans le monde. Dieu merci, nous sommes intervenus et nous lui avons permis de reprendre sa pratique. Il y a probablement des centaines de personnes à Ottawa qui ont eu la vie sauve grâce à lui depuis.
De quelle façon pourrions-nous modifier le système pour éliminer cet obstacle bureaucratique qui empêche les gens qui ont les qualifications requises d'obtenir un permis pour exercer leur travail?
Nous avions au Canada une approche traditionnellement axée sur le fondamentalisme néo-libéraliste extrême, selon laquelle il ne fallait jamais intervenir, et l'économie des idées, par définition, consiste à intervenir pleinement tous les jours. Une fois que nous comprenons que le rôle du gouvernement ne consiste pas à réduire les tracasseries administratives ou à offrir des incitatifs aux entreprises étrangères et ainsi de suite, mais plutôt à mettre en place des formalités administratives astucieuses, si je puis dire, il faut s'engager dans cette voie.
C'est technique. Ces pays le font de manière très coordonnée. Je pourrais parler abondamment de leur façon de procéder, mais je n'ai manifestement pas le temps. Chaque pays s'adapte à ses propres approches. C'est pour cette raison que l'idée d'un conseil économique où la gestion de ces questions transversales complexes est centralisée, pour éviter d'inventer le vaccin contre l'Ebola et de le transférer aux États-Unis pour 200 000 $, où une entreprise le vend rapidement quatre jours plus tard pour 50 millions de dollars, un vaccin qui est un élément fondamental pour un vaccin contre la COVID et donc... Cela ne se produirait pas si on avait l'expertise et une approche intégrée. Cet...
Je veux m'assurer que les analystes ont une chose. Dans la question précédente de M. Poilievre, nous avons parlé de la reconnaissance des acquis, qui provient du G.I. Bill. Le mécanisme a été créé pour aider les militaires qui revenaient de la guerre à faire reconnaître leurs compétences et à se trouver un autre emploi. C'est une pratique qui existe. Au Québec, on parle de
[Français]
la reconnaissance des acquis et des compétences.
[Traduction]
C'est une chose qu'on pourrait absolument mettre à contribution. L'Association canadienne pour la reconnaissance des acquis, la CAPLA, fait un travail extraordinaire à cette fin.
Avant que je lève la séance, je sais que M. Poilievre voulait parler, et je lui donne donc la parole.
Nous sommes saisis d'une motion. Quelqu'un souhaite-t-il ajouter quelque chose au sujet de la motion?
Avant de procéder au vote, je vais la lire une autre fois:
Que, en ce qui concerne l'étude de l'acquisition proposée de Shaw par Rogers, un appel de mémoires d'un maximum de cinq pages soit lancé et que la date de réception de ces mémoires soit au plus tard le vendredi 30 avril 2021, à 16 h.
Je vois qu'on ne demande pas de vote par appel nominal.
(La motion est adoptée.)
Merci beaucoup, monsieur Poilievre.
C'est tout le temps que nous avions aujourd'hui. Je remercie les témoins de s'être joints à nous. Leurs témoignages se sont révélés être extrêmement utiles.
Pour ceux qui soumettront un mémoire, veuillez le soumettre directement au greffier. S'il n'est pas traduit dans les deux langues officielles, il veillera à ce que ce soit fait pour pouvoir le distribuer aux membres du Comité. Tous les documents du Comité doivent être distribués dans les deux langues officielles.
Sur ce, chers collègues, je rappelle gentiment à ceux qui n'ont pas présenté leur liste de témoins pour l'étude sur la reprise verte que l'étude commence la semaine prochaine. Veuillez faire parvenir les noms au greffier pour que nous puissions envoyer les invitations et faire parvenir les casques d'écoute avant la réunion.
[Français]
Je veux remercier encore une fois les employés du service d'interprétation de leur travail acharné.
[Traduction]
Je remercie beaucoup nos analystes, notre greffier et toutes les personnes dans la pièce qui nous permettent de faire tout cela.
La séance est levée.