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Je déclare la séance ouverte. Bonjour à toutes et à tous.
Bienvenue à la 42e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
À titre d'information, la diffusion sur le Web montre toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Aujourd'hui, nous consacrerons la première heure de la réunion au projet de loi , puis nous passerons à huis clos pour la deuxième heure afin d'étudier un rapport.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'aimerais énoncer quelques règles à suivre.
Les membres du Comité et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts pour la réunion. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le son du parquet, l'anglais et le français. Veuillez faire votre choix maintenant.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence. Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
Comme je le fais habituellement, je lèverai un carton jaune lorsqu'il vous restera 30 secondes et un carton rouge lorsque votre temps de parole sera écoulé. Je vous prie de toujours utiliser l'affichage « galerie » pour me voir lever les cartons.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 12 mai 2021, le Comité se réunit pour poursuivre son étude du projet de loi .
J'aimerais maintenant accueillir nos témoins.
Nous recevons M. Michael Powell, président de la Fédération canadienne des retraités; M. Hassan Yussuff, président, et M. Chris Roberts, directeur, Politiques sociales et économiques, du Congrès du travail du Canada; ainsi que Mme Trish McAuliffe, présidente de la Fédération nationale des retraités.
[Français]
Nous recevons également deux représentants du Syndicat des Métallos: M. Dominic Lemieux, directeur du District 5, c'est-à-dire le Québec, et M. Nicolas Lapierre, coordonnateur du Bureau régional de Sept‑Îles.
[Traduction]
Chaque groupe de témoins aura droit à cinq minutes pour présenter son exposé, après quoi nous passerons aux questions.
Sur ce, nous allons commencer par M. Powell.
Vous disposez de cinq minutes.
Je suis Mike Powell. Je suis le président de la Fédération canadienne des retraités, ou FCR.
Les 23 organisations membres de la FCR défendent directement les intérêts de plus de 300 000 retraités à prestations déterminées, et nos alliés en représentent des millions d'autres. Nous appuyons le projet de loi et l'extension de la superpriorité aux déficits des régimes de retraite. Il s'agit de la solution la plus simple pour améliorer considérablement la protection des pensions des aînés canadiens.
Dans notre environnement réglementaire canadien, le seul endroit où l'on peut protéger les pensions est la réglementation sur l'insolvabilité. Ce comité et le Parlement doivent choisir entre le statu quo — qui met en péril le bien-être financier futur des aînés et perpétue un système injuste conçu pour empêcher les aînés de protéger leurs propres intérêts financiers, un système injuste qui s'est avéré préjudiciable aux Canadiens âgés — et un nouvel avenir qui offre une protection aux aînés vulnérables.
J'aimerais aborder cinq préoccupations que les intervenants du secteur de l'insolvabilité peuvent soulever.
La première est que les taux d'intérêt débiteurs augmenteraient pour les entreprises qui ont des régimes à prestations déterminées, ce qui entraînerait davantage d'insolvabilités. Cet argument était central en 2010 lorsqu'un projet de loi semblable, le projet de loi , a fait l'objet de débat. En 2011, cependant, la Cour d'appel de l'Ontario a jugé que le déficit des régimes de retraite était une fiducie présumée dans l'affaire Indalex. Une fiducie réputée est la priorité absolue en cas d'insolvabilité, qui passe avant la superpriorité prévue dans le projet de loi . Cette décision a été maintenue pendant deux ans avant d'être infirmée.
Il est essentiel de noter que cette décision n'a eu aucune retombée. La vague d'insolvabilités d'entreprises dotées de régimes à prestations déterminées qui avait été prédite n'a pas eu lieu. Les emprunteurs et les prêteurs ont pris des dispositions, et les affaires se sont poursuivies.
La deuxième préoccupation est qu'il y aurait moins de restructurations et plus de liquidations. Il s'agit là aussi d'un vieil argument bancal qui obtiendrait une mauvaise note dans un cours de politique commerciale de première année. Imaginez que vous soumettiez un travail dont l'hypothèse clé de votre argumentaire serait la suivante: « En cas de changement important de l'environnement réglementaire, les dirigeants d'entreprise ne modifieraient pas leurs décisions stratégiques essentielles; par conséquent, j'utiliserai les résultats antérieurs sans apporter d'ajustements à mon modèle futur. » En plus d'une note d'échec, il y aurait probablement une observation selon laquelle il n'est pas recommandé de fonder son argumentaire sur la gestion inepte de l'entreprise pour élaborer une politique.
La troisième préoccupation est que cela découragerait la création de nouveaux régimes à prestations déterminées et conduirait les entreprises à fermer les régimes existants. La dure réalité est que les régimes à prestations déterminées sont en déclin depuis de nombreuses années, malgré les mesures prises par les gouvernements pour réduire les coûts pour les entreprises.
La quatrième est que les autres créanciers seraient désavantagés. Cette affirmation repose sur la fausse conception que les intervenants sont traités de la même manière aujourd'hui. L'incidence de l'insolvabilité est beaucoup plus importante pour les retraités que pour les autres créanciers. Les retraités perdent une part importante de leur revenu pour le reste de leur vie; les autres intervenants ne perdent qu'une partie de l'argent qui leur est dû au moment de l'insolvabilité, et non la totalité de leur contrat, et ils ne sont pas non plus confrontés à de futures réductions de revenus en raison de l'insolvabilité de l'un de leurs clients.
Il y a aussi une différence de contrôle. Les autres intervenants à la table de l'insolvabilité ont tous négocié leur risque financier. Ils ont pris des décisions conscientes concernant les modalités de paiement, les prix, les taux d'intérêt et les conditions contractuelles. Le gouvernement traite les personnes âgées comme des pupilles de l'État. Les retraités n'ont aucune possibilité de contrôler, d'approuver ou même d'influencer leur risque financier en cas d'insolvabilité. Les retraités ne sont même pas assurés d'avoir un siège à la table de l'insolvabilité.
La cinquième est que les changements apportés dans le budget de 2019 ont uniformisé les règles du jeu. La protection des pensions en 2019 est comme essayer de renflouer le Titanic avec une tasse. On peut mesurer les progrès, mais cela ne changera pas le résultat. Nous devons nous poser la question suivante: les changements apportés dans le budget de 2019 auraient-ils protégé les retraités de Sears? La réponse est non.
En résumé, le gouvernement s'est désigné comme gardien exclusif du bien-être financier futur des personnes âgées vulnérables. La législation gouvernementale empêche les retraités d'avoir toute forme de contrôle ou d'influence sur les pensions en cas d'insolvabilité. Le projet de loi corrige ce déséquilibre.
Ce comité et le Parlement doivent prendre une décision. Vous connaissez le prix réel payé par les personnes âgées confrontées aux dommages collatéraux en cas d'insolvabilité. C'est un fait. Vous entendrez les préoccupations soulevées par d'autres intervenants au sujet des préjudices théoriques. Ce n'est que pure spéculation. C'est à vous de faire le choix. Nos 300 000 membres vous exhortent vivement à cesser de traiter les pensions comme des tirelires en cas d'insolvabilité et à appuyer le projet de loi .
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Permettez-moi premièrement de remercier le Comité de l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Je représente le Congrès du travail du Canada, ou CTC, la plus grande centrale syndicale du pays, qui s'exprime sur les questions nationales au nom de trois millions de travailleurs et travailleuses d'un océan à l'autre du pays. Le CTC appuie, bien sûr, le projet de loi , et je tiens à remercier les membres qui ont voté en faveur de ce projet de loi.
Depuis des années, le CTC préconise la modification des lois sur la faillite dans notre pays. Les travailleurs et travailleuses et les retraités devraient être en tête de liste et non pas les derniers, lorsqu'il s'agit de payer les créanciers. Les travailleurs et travailleuses paient leurs prestations déterminées, leurs pensions et autres avantages sociaux après la retraite en reportant une partie de leur rémunération. Les employeurs ont l'obligation légale de payer ces pensions promises au moment de la retraite. Il est totalement inacceptable que les prestations acquises soient retirées aux retraités, sans qu'ils en soient responsables, à un moment de leur vie où ils sont le moins en mesure de s'adapter. Les retraités ne peuvent pas simplement retourner au travail lorsque leur pension est réduite. Ils ont besoin de l'assurance-médicaments et des avantages sociaux après la retraite qu'ils ont gagnés en travaillant toute leur vie.
Cette tragédie dure depuis trop longtemps. Elle s'est produite trop souvent. Elle ne peut plus durer. Il est temps de régler ce problème.
Le processus d'insolvabilité désavantage les travailleurs. L'exemple récent de l'Université Laurentienne montre comment les petits syndicats sont isolés et submergés par les procédures de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Les travailleurs sont menacés de pertes d'emploi dévastatrices à moins qu'ils acceptent de faire d'énormes concessions sur les salaires, les pensions et les avantages sociaux.
Le CTC estime que les institutions publiques devraient être totalement exclues de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LACC, et la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la LFI. Les lois fédérales sur l'insolvabilité sont destinées à la réorganisation des entreprises commerciales. Elles n'ont jamais été conçues pour couvrir les gouvernements provinciaux qui refusent de respecter leurs obligations fiscales et qui s'attendent à ce que les travailleurs et les retraités en paient le prix. Le CTC préférerait que les revendications des travailleurs et des retraités soient placées au haut de la liste, ce que le projet de loi vise à faire.
S'il n'y a pas de consensus pour le faire, le CTC estime que toutes les parties devraient envisager d'accorder aux réclamations des retraités et des employés le statut de « créanciers privilégiés ». Cela les placerait immédiatement après les créanciers garantis pour ce qui est de la priorité des créances, mais avant les créanciers non garantis. Nous croyons que le fait de traiter les réclamations des employés comme étant des créances privilégiées améliorera sensiblement les résultats pour les travailleurs et les pensionnés.
Cependant, il n'est pas facile d'obtenir les données qui permettent de l'établir. À l'heure actuelle, les données sont gérées par les grands cabinets comptables — en particulier Ernst & Young, KPMG, Deloitte et PricewaterhouseCoopers — qui agissent en tant que contrôleurs dans les procédures en vertu de la LACC et syndics de faillite. Il y a un objectif clair de politique publique pour mettre ces données à la disposition des chercheurs. Nous recherchons des données agrégées et anonymes sur les faillites de grandes entreprises dans lesquelles des déficits des fonds de pension sont en cause. Nous ne cherchons pas à obtenir des données délicates sur le plan commercial. À notre avis, le surintendant des faillites devrait être tenu d'obtenir ces données auprès des contrôleurs et de les mettre à la disposition des chercheurs.
Nous recommandons également que le gouvernement fédéral mène une étude de faisabilité en vue d'établir un régime national d'assurance-pension pour le Canada. Cette étude devrait servir de base aux discussions avec les provinces en vue d'établir un régime national de sauvetage des pensions en souffrance.
Enfin, le gouvernement doit empêcher les dirigeants d'entreprise de s'enrichir et d'enrichir les actionnaires lorsqu'il y a un énorme déficit du régime de pensions.
Le dépôt d'une demande de protection en vertu de la LACC et la liquidation des actions de Sears Canada en 2017 ont été un scandale. À partir de 2010, Sears a versé 1,5 milliard de dollars aux actionnaires en dividendes et en rachats d'actions. Ce faisant, Sears a versé à ses actionnaires cinq fois et demie la somme que ce qu'il en aurait coûté pour éliminer entièrement le déficit de son régime de retraite à prestations déterminées. La décision de Sears en 2013 de verser un dividende de 500 millions de dollars alors que le déficit du régime de retraite s'élevait à 313 millions de dollars aurait suffi à elle seule à éliminer le déficit. Au lieu de cela, les retraités de Sears Canada à l'extérieur de l'Ontario ont été contraints d'accepter des réductions de prestations. Il s'agit d'une profonde injustice. On ne devrait jamais permettre que cela se reproduise.
Merci beaucoup. J'attends avec impatience les questions que les membres du Comité pourraient avoir.
Je vous adresse mes meilleurs voeux.
Nous allons entendre Mme McAuliffe un instant.
Nous avons de la difficulté à établir la connexion avec vous, madame McAuliffe.
Votre casque d'écoute n'est pas sélectionné; le son passe par l'ordinateur. Je vais demander aux membres de l'équipe de TI de communiquer avec vous. Ils essaient de vous contacter pour vous expliquer comment le sélectionner.
Nous allons céder la parole aux Métallos, puis nous reviendrons à vous.
[Français]
Je cède donc la parole aux représentants du Syndicat des Métallos pour cinq minutes.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à souligner que nous représentons 225 000 travailleurs et travailleuses partout au Canada, dont 60 000 au Québec. Pour nous, les Métallos, le dossier des régimes de retraite est très important.
Je tiens aussi à remercier l'ensemble des parlementaires que nous avons rencontrés lors d'activités de lobbyisme auxquelles nous avons participé avant la crise de la COVID‑19. Nous avons rencontré plus de 250 députés et sénateurs pour leur parler du problème des régimes de retraite. Je dirais que nous avons eu de très bons échanges avec l'ensemble des parlementaires que nous avons rencontrés.
Nous, les Métallos, avons vécu très difficilement ce qui s'est passé à la minière Cliffs, sur la Côte‑Nord. Comme mon confrère M. Yussuff l'a dit, on a vécu des situations difficiles également chez Papiers White Birch, à Québec, chez Sears, chez Nortel, chez Stelco, où j'ai déjà travaillé. Ce sont des exemples parmi tant d'autres.
Malheureusement, dans le cas de la minière Cliffs, il y a eu des conséquences sur plus de 1 700 retraités, veuves et conjointes. Pour nous, cela a été un très grand drame. Des travailleurs syndiqués et non syndiqués ainsi que des cadres à la retraite ont mené une longue bataille juridique. En fin de compte, on a pu récupérer quand même 18 millions des 28 millions de dollars de déficit qu'il y avait dans la caisse de retraite. Malgré tout, les retraités ont vu leur rente diminuer de 8,5 %, ce qui est une catastrophe, surtout pour nos plus vieux retraités. Certains d'entre eux vivent avec une rente mensuelle de 800 $ seulement. Il est difficile de voir des retraités se faire amputer d'une partie importante de leur pension, alors qu'ils n'ont plus aucun moyen de se refaire. Ce sont des gens de 80 ans et plus, dont des veuves, qui ne peuvent pas retourner sur le marché du travail. Cela a vraiment été une catastrophe. Pendant ce temps, la minière Cliffs, aux États‑Unis, continuait d'engranger des dizaines de millions de dollars de profit.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons mené des activités de lobbyisme. Au cours du processus, nous sommes restés à l'écoute. Au départ, nous réclamions de passer avant les banques dans l'ordre de priorité des créanciers. Ensuite, nous avons compris que cela pourrait empêcher des relances économiques, car les banques seraient plus frileuses à relancer des entreprises. C'est pourquoi nous avons changé un peu notre position: nous sommes prêts à occuper le rang juste avant celui des municipalités et des commissions scolaires. Ainsi, nous ne mettons pas en péril d'éventuelles relances d'entreprises.
Il faut comprendre que cela touche 1,2 million de Canadiens et de Canadiennes. Nous, chez les Métallos, croyons que c'est le rôle de l'État, votre rôle à vous tous, de protéger tous ces Canadiens et Canadiennes qui font partie de la classe moyenne. Les retraités qui ont des régimes de pension à prestations déterminées sont tous issus de la classe moyenne. Le budget de 2019 déposé par les libéraux parle expressément d'une volonté de protéger les régimes de retraite. D'ailleurs, lors de son congrès tenu à Halifax en 2018, le Parti libéral du Canada a réitéré sa volonté de protéger les régimes de retraite, qui sont, pour la plupart, sans protection. Il est important de mutualiser le risque auquel ces retraités sont exposés et de ne pas les laisser à eux-mêmes.
La crise de la COVID‑19 s'est accompagnée d'une grande volatilité des marchés. Certaines entreprises auront de la difficulté à survivre lorsque les programmes d'aide du gouvernement canadien prendront fin. Nous pensons donc que c'est le moment idéal de légiférer pour protéger les régimes de retraite. Les circonstances sont favorables et je pense qu'il y a une belle ouverture de la part de l'ensemble des partis politiques, une ouverture comme on en a rarement vu, afin de protéger les régimes de retraite. C'est la troisième mouture d'un tel projet de loi au cours des cinq dernières années, et cela fait plus de 17 ans que nous essayons de protéger les régimes de retraite, alors nous ne devons pas manquer de profiter de cette conjoncture favorable.
Je vous dirais que nous avons besoin de vous. C'est important. Cette question fait l'objet d'un consensus. Les sondages démontrent que 75 % des Canadiens et des Canadiennes appuient l'idée de trouver un mécanisme pour protéger les régimes de retraite.
Quand une catastrophe survient, on dit souvent qu'on veut qu'elle serve de leçon pour éviter qu'elle se répète. Quand on a un accident, par exemple, on dit qu'on va tout faire pour éviter qu'il se répète. Or les retraités ont subi plusieurs catastrophes. Je pense qu'il est temps de trouver une façon de faire cesser ces catastrophes.
Merci, madame la présidente.
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Je vous salue et je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité de l'industrie dans le cadre de son étude du projet de loi .
Je suis Trish McAuliffe et je suis la présidente de la Fédération nationale des retraités, qui représente près d'un million de membres au Canada depuis plus de 75 ans — pas moi en particulier, mais nous sommes en existence depuis environ 75 ans.
Nous avons un groupe de défense des intérêts solide sur la protection des pensions. Aujourd'hui, nous sommes ici pour appuyer le projet de loi . Respectueusement, j'aimerais appuyer votre comité avec notre question, « Pourquoi maintenant? », après près de deux décennies où des projets de loi semblables ont été présentés à la Chambre des communes, en vain.
Ce qui est différent aujourd'hui, c'est l'émergence de la population de personnes âgées et les 4,2 millions d'aînés retraités qui dépendent de régimes de retraite à prestations déterminées.
Les régimes à prestations déterminées sont connus pour être un élément essentiel des trois piliers économiques de notre système de retraite. Nous devons protéger tout cela, et ce, sans frais pour le gouvernement, comme le propose le projet de loi .
En outre, il s'agit d'une réponse claire à la crise de la COVID, et ce, pour les années à venir. Il est vrai que le gouvernement a offert du soutien financier aux personnes âgées en augmentant le financement de la SV et du SRG, en reconnaissant qu'il est important pour chaque aîné de vivre et de prendre sa retraite dans la dignité à tout prix. En fait, la façon la plus optimale et efficace d'assurer un revenu sûr et prévisible à tous les travailleurs canadiens est d'avoir des régimes de retraite à prestations déterminées protégés et un RPC en santé. Autrement, les mesures de soutien financées par le gouvernement et les difficultés ne feraient que s'accumuler.
Encore une fois, je sais que nous sommes tous ici parce que nous comprenons cela et que nous voulons nous assurer que tous les Canadiens ont un revenu de retraite sûr.
Il est à noter que le Parti conservateur du passé a voté contre des projets de loi semblables, et pourtant, le nouveau leader, l', s'est engagé à soutenir l'établissement de meilleures relations avec les syndicats et les travailleurs. Ici, le projet de loi pourrait être le début de cette occasion.
Permettez-moi d'insister sur le fait que les régimes de pension à prestations déterminées constituent le moyen le plus efficace d'utiliser les gains actuels pour financer la retraite. Les milieux de travail organisés par les travailleurs, comme les syndicats et les associations, ont fait leurs preuves en travaillant avec les employeurs pour assurer la viabilité des régimes de retraite à prestations déterminées. Les participants aux régimes de retraite paient une partie importante du coût de leur pension, et ces régimes font partie de la rémunération globale négociée — un contrat, si vous voulez, selon lequel votre investissement sera là pour vous à la fin de votre vie professionnelle, c'est garanti. Dans ce contexte, une « prestation déterminée » signifie que les promesses de pension qu'un employeur fait à un travailleur deviennent des obligations juridiquement contraignantes pour l'employeur. Nous dirions qu'il s'agit d'une fiducie présumée. Pourquoi cela devrait‑il changer les priorités à tout moment, et pourquoi les retraités ne sont-ils pas à la table ou, à tout le moins, consultés?
Le paysage économique canadien des deux dernières décennies a offert de nombreux motifs de crise financière aux grandes entreprises. J'ai moi-même vécu cette frayeur en 2008, juste à l'approche de ma retraite. Les associations de travailleurs et les syndicats sont venus à la table pour négocier avec leurs employeurs et le gouvernement lors des renflouements de 2008 afin de trouver des solutions viables avant la faillite. Les travailleurs et les retraités ont fait des concessions, et aujourd'hui, ces entreprises prospèrent. Les travailleurs et les retraités n'ont jamais récupéré, et on ne s'attend pas à ce qu'ils le fassent. Est‑ce exact?
En fin de compte, les banques prospèrent. Pourquoi faisons-nous une fixation sur les prêteurs et les acteurs alors que nous avons vu, depuis 20 ans et plus, que ce sont les retraités, les travailleurs, leur famille et la communauté qui portent le lourd fardeau de ces faillites soudaines?
Aucun secteur n'est épargné des préjudices causés par la LACC et la LFI. Aujourd'hui, l'Université Laurentienne est la première université ontarienne à se déclarer insolvable et à entamer des procédures en vertu de la LACC, la première ligne de défense en cas de détresse financière. Il s'agit de travailleurs du secteur public, et il ne fait aucun doute qu'ils seront suivis par les milieux de travail des PPP à mesure que nous en ferons la promotion.
L'histoire nous a montré que des avocats spécialisés dans l'insolvabilité ont fait carrière pendant un quart de siècle en abusant de la législation sur la faillite et l'insolvabilité pour démanteler des entreprises et les vendre pour quelques centimes de dollars. Ils vident régulièrement les pensions des travailleurs, déchirent leurs contrats et enrichissent leurs clients aux dépens d'employés qui n'ont jamais été en position de force. C'est leur travail, et ils sont bien rémunérés pour cela. De plus, ils détruisent la vie des employés et des familles depuis 20 ans, pendant que nous regardons les gouvernements débattre des détails.
Mme Gill vous a rappelé le coût social des faillites. Eh bien, voici une leçon de vie: ne vous attendez pas à un résultat différent lorsque vous continuez à causer le même tort. Essayez quelque chose de différent.
En tant que défenseurs de la coalition pour la sécurité de la retraite, nous avons fourni des solutions avec des propositions crédibles qui ne coûtent pas un sou au gouvernement. Je pose la question suivante: qu'ont fourni les détracteurs du projet de loi ou à ses itérations antérieures?
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Merci. N'importe quel témoin peut répondre à cette question.
Dans le cas d'une faillite où il y a un manque à gagner pour les pensions, les retraités sont actuellement à l'échelle de toute une série d'autres créanciers qui risquent de perdre dans le cas de cette faillite. Par exemple, à Ottawa, nous avons eu l'énorme faillite de Nortel. Non seulement les retraités, dont le fonds de pension avait perdu de la valeur, étaient en difficulté, mais aussi un grand nombre de petits entrepreneurs, de très petites entreprises qui se rendaient dans ce grand et vieil immeuble juste à côté de l'autoroute 417 pour y effectuer des travaux de plomberie et d'électricité, réparer les fenêtres, faire de la peinture et l'entretien. C'étaient tous des entrepreneurs qui n'avaient pas été payés. Ces gens‑là aussi ont dû payer les pots cassés.
Si ce projet de loi était adopté, ces gens tomberaient-ils plus bas dans la liste des demandes de paiements issus de la liquidation des actifs de la société en faillite?
Monsieur Yussuff, je vois que vous levez la main.
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Oui, monsieur Poilievre. Je pense qu'il est essentiel de remettre cela dans un certain contexte.
Ce qui est essentiel, en ce qui concerne notre argument, c'est que la promesse que les employeurs ont faite aux travailleurs concernant les salaires et avantages différés est évidemment censée être comptabilisée dans leurs livres. Bien sûr, ce que nous constatons sans cesse, c'est que les employeurs n'ont pas versé la contribution ou ont laissé leur fonds de pension manquer à ses obligations.
Lorsqu'ils font faillite, on nous dit que les créanciers garantis — les banques et autres — doivent passer avant les travailleurs. Nous pensons que c'est fondamentalement inacceptable. En ce qui concerne la situation que vous décrivez à propos des entrepreneurs locaux, ils seront dans la file d'attente; la question est de savoir quelle priorité ils auront.
Bien sûr, ils pourraient être derrière les travailleurs. Nous soutenons que les travailleurs devraient être les premiers dans la file d'attente, puis nous verrons qui d'autre devrait être là une fois que la question des pensions et des avantages sociaux des travailleurs sera réglée...
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Merci. Je suis désolé, mais nous n'avons que très peu de temps.
À l'heure actuelle, si je comprends bien les règles, le problème n'est pas que l'entreprise ne cotise pas au régime de retraite; c'est que les prestations de retraite, les prestations déterminées, ne sont pas maintenues. En vertu de la loi actuelle, les salaires impayés, les indemnités de départ et les cotisations au régime de retraite sont au premier rang, mais ce qui ne l'est pas, c'est la garantie que le régime de retraite offrira les prestations déterminées qu'il a promises.
C'est vraiment l'objet de notre débat: il s'agit de savoir s'il faut veiller à ce que la pension actuariellement soit saine pour qu'elle apporte au travailleur les prestations promises. Pour que cela devienne une priorité, d'autres éléments devront reculer par définition, sinon nous ne serions pas ici. Je serais curieux d'entendre certaines des autres personnes très sympathiques qui ne sont pas des banquiers et qui vont évidemment perdre aussi en cas de faillite.
Je vais maintenant poser ma prochaine question, et quiconque le souhaite peut revenir sur la précédente.
Si une entreprise, disons, veut embaucher 200 personnes, mais doit ouvrir une usine pour le faire, elle va demander un prêt parce qu'elle n'a pas l'argent. Si le projet de loi dont nous débattons est en place et que le prêteur dit: « bien sûr, nous allons vous accorder le prêt, mais nous avons besoin d'une garantie », et que l'entreprise répond: « eh bien, nous ne pouvons pas vous offrir de garantie parce que toutes les garanties sont d'abord et avant tout engagées en vertu de cette loi », alors l'usine ne pourra pas ouvrir.
Comment feriez-vous pour veiller à ce que ce projet de loi permette aux entreprises de continuer à offrir des garanties que la loi ne rendrait pas caduques?
Monsieur Powell, voulez-vous commenter?
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Merci, madame la présidente. J'aimerais remercier tous nos témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
Je comptais aller dans le même sens que M. Poilievre, concernant les créanciers et les prêteurs. J'imagine que si la loi devait être modifiée, ce serait de manière générale, et que toutes les entreprises seraient soumises à cette obligation. Je suppose que la façon dont nous considérons le prêt changerait également, et que les gens n'auraient pas le choix. Cependant, cela pourrait encore entraîner des conséquences et des risques pour notre économie.
Est‑ce que l'un d'entre vous peut nous donner de l'information sur ce que font d'autres pays à l'heure actuelle, et sur la façon dont le Canada se distinguerait des autres pays? En quoi cela nous avantagerait ou nous désavantagerait‑il à l'échelle mondiale?
Monsieur Powell, voulez-vous réagir?
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Aucun autre pays n'a le même environnement législatif que le Canada. Est‑ce qu'un pays a exactement la même solution que nous? Probablement pas.
Les États-Unis, par exemple, ont une société de garantie des prestations de retraite. Il s'agit d'une entité nationale qui garantit les pensions. La dernière fois que j'ai vérifié, il y a quelques années, si votre pension faisait défaut alors que vous aviez 65 ans, on vous garantissait une pension maximale de 60 000 $ par an, et celle‑ci augmentait chaque année.
Les États-Unis peuvent faire cela parce qu'ils ont un régime de retraite national. Les États-Unis ont également donné à cette société le pouvoir d'intervenir et de contraindre les entreprises à cotiser davantage à leurs caisses de retraite et à modifier leur portefeuille de risques d'investissement. Ce sont des pouvoirs énormes.
Est‑ce que ce modèle serait bon pour le Canada? Probablement, mais je ne sais pas comment contourner les problèmes de compétences, puisque nous avons 11 instances différentes au Canada, en matière de pensions. Si nous pouvions résoudre ce problème, ce serait une excellente solution, mais encore une fois, notre environnement est très différent des autres environnements dans le monde.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci beaucoup aux membres du Comité également.
Je voulais simplement ajouter un élément. La raison pour laquelle les projets de loi antérieurs n’ont pas été acceptés par les différents partis politiques, c'est que les régimes de retraite étaient considérés comme des créances ayant priorité sur les banques, ce qui rendait difficile la relance des entreprises.
J’ai participé au lobbying en 2018‑2019. Comme l'a dit mon confrère M. Lemieux, nous avons rencontré 250 députés et sénateurs, et le fait que les régimes de retraite passent avant les banques dans l'ordre de priorité constituait une préoccupation.
En vertu du projet de loi , les régimes de retraite n'auraient pas la priorité sur les banques, mais seraient plus prioritaires que les commissions scolaires et les taxes municipales. Nous pensons que cela permettrait d'assurer un équilibre entre les droits des travailleurs, les régimes de retraire et la nécessité de maintenir les activités des entreprises.
Dans le cas très concret de la minière Cliffs sur la Côte‑Nord, dans l’Est du Québec, parmi les créanciers, la Ville de Sept‑Îles a eu priorité sur les régimes de retraite. Elle a ainsi obtenu 10 millions de dollars en taxes impayées. C'est l'équivalent du montant qui manquait dans le régime de retraite. Ce cas très concret démontre que, si les régimes de retraite avaient eu priorité sur les municipalités et les commissions scolaires, les pensions des retraités auraient pu être assurées.
Bien entendu, l'adoption du projet de loi par les parlementaires ne garantirait pas que l'argent serait toujours disponible, car chaque cas est différent. Cependant, cela nous donnerait une chance supplémentaire, puisque les régimes de retraite monteraient dans l'ordre de priorité des créanciers. Ce serait un bon compromis pour ménager à la fois l’économie, les droits des travailleurs et travailleuses et les droits des retraités.
Ce projet de loi est un peu le reflet du lobbying que nous avons fait auprès de vous. Il est aussi le reflet de vos préoccupations. Il est plus souple, mais il représenterait un pas de géant pour les régimes de retraite, qui auraient priorité sur les municipalités et les commissions scolaires. Il est donc important de voir ce projet de loi comme un moyen d'assurer un équilibre nécessaire et souhaité par vous, les parlementaires, lors du lobbying.
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Merci, monsieur Lemire.
Je pense qu’il n’y aura aucune incidence sur les contribuables canadiens. Le projet de loi serait à coût nul pour le gouvernement, car nous ne lui demandons pas de financer les régimes de retraite.
Comme l'a dit mon confrère Nicolas Lapierre, ce projet de loi va même favoriser la relance des entreprises. Quand une entreprise est en difficulté financière, les représentants des travailleurs sont préoccupés, bien sûr. Or, il ne faut pas oublier que l'entreprise a besoin de l'argent des banques pour se restructurer.
Cela dit, le projet de loi est à coût nul pour les contribuables canadiens et pour le gouvernement du Canada. Voilà pourquoi nous disons qu'il s'agit d'un beau compromis: bien qu'il ne soit parfait pour personne, il représenterait un pas de géant. Je pense qu'on est capable de mettre la partisanerie de côté et de travailler ensemble afin de protéger les retraités canadiens, d'autant plus en temps de pandémie, et de les aider à maintenir un train de vie décent.
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Les travailleurs, c'est une chose. Prenons mon exemple. J'ai 43 ans et je travaille pour le Syndicat des Métallos. Si, demain matin, le Syndicat déclarait faillite, une partie des rentes que je toucherais plus tard serait réduite. Par contre, à 43 ans, je serais capable de trouver un nouvel emploi, de réduire mes dépenses un peu et de changer mon train de vie.
Pour les retraités de 75, 80 ou 85 ans, cependant, c'est vraiment une catastrophe. Lorsque la Côte‑Nord a été touchée, des retraités ont dû décider d'arrêter de prendre leurs médicaments, parce qu'ils n'en avaient plus les moyens: ils devaient choisir entre faire l'épicerie et acheter des médicaments.
Ce projet de loi offrirait une sécurité aux retraités. Ces derniers sont déjà inquiets en raison de la pandémie. De plus, les personnes qui ont travaillé pendant 30 ans au sein d'une entreprise et qui sont à la retraite depuis 20 ans s'inquiètent de ce qui pourrait arriver, en cas de mauvaise situation financière de l'entreprise. Un tel projet de loi offrirait une sécurité aux personnes âgées, qui sont souvent parmi les plus vulnérables de notre société.
Bienvenue à tous et merci de participer à cet important débat.
J'ai personnellement vécu l'expérience de la faillite de Stelco et de la première demande en vertu de la LACC, et je peux vous dire que c'est désastreux. C'est désastreux pour les travailleurs et pour les retraités. Tout ce que j'ai vu pendant ces deux ans et demi de protection en vertu de la LACC, ce sont des avocats qui ont gagné des millions de dollars et des cadres qui se sont enrichis grâce à des primes, et tout cela au détriment des travailleurs et des retraités.
La première chose qu'ils ont faite a été de supprimer toutes les prestations de santé des retraités. Puis ils ont suspendu tous les paiements du régime de retraite lui-même. De plus, s'ils procèdent à la liquidation, les gens sont à nouveau frappés. De même, toutes les indemnités de départ des personnes licenciées sont supprimées, et ces personnes doivent ensuite grappiller des miettes. C'est désastreux, et je pense que c'est injuste.
Cette question s'adresse à quiconque veut y répondre. Lors d'une faillite sous le régime actuel, les travailleurs et les retraités sont-ils fortement désavantagés lorsque l'entreprise traite avec des créanciers tels que les grandes institutions financières?
Tout le monde est invité à répondre.
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Tout d'abord, bien sûr, je pense que les travailleurs sont désavantagés par rapport aux banques. La loi exige clairement que les banques soient en tête de file en ce qui concerne la manière dont les actifs vont être répartis. Fondamentalement, elles ont toujours été les bénéficiaires d'une entreprise en faillite.
Nous débattons de cette question depuis des décennies, et dans presque tous les parlements dont je peux me souvenir au cours des 22 dernières années, il y a eu des initiatives visant à modifier la loi sur les faillites dans ce pays afin de la rendre un peu plus équitable pour les familles de travailleurs et pour les travailleurs qui font face à une faillite, en ce qui concerne leurs pensions. Malgré cela, bien sûr, nous n'avons pas fait de progrès significatifs pour ce qui est de la priorité accordée aux travailleurs. Certains changements ont été apportés aux dispositions législatives en réponse à certains enjeux, mais la question fondamentale est de savoir pourquoi les travailleurs ont été placés à la fin de la file lorsqu'il s'agit de répartir les actifs de l'entreprise en faillite et de ne pas contribuer aux actifs du régime de retraite.
Je pense que ce Parlement a une occasion unique. De toute évidence, c'est l'opposition qui a présenté le projet de loi, et je pense qu'il est essentiel que le Parlement l'examine et reconnaisse le caractère inégalitaire de la loi actuelle entre les travailleurs et les banques. Les banques auront toujours la priorité.
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Il y a plusieurs façons de le faire. Rappelez-vous que les revendications salariales — les salaires non payés — ont été initialement débattues de la même façon. Devait‑on leur accorder la prépondérance et les placer avant les créanciers garantis, ou devait‑on créer un fonds pour s'assurer que les travailleurs seraient indemnisés et que le gouvernement pourrait subroger ces droits et faire valoir ces revendications en cas d'insolvabilité?
C'est ce que nous avons fait lorsque nous avons mis en place le Programme de protection des salariés en 2005. Nous pourrions faire la même chose avec le déficit du régime de retraite. Nous pourrions mettre en place une assurance nationale obligatoire pour les pensions, de sorte qu'il n'y ait pas de conflit pour les créanciers garantis, mais que les retraités et les travailleurs soient rétablis dans leurs droits à la retraite grâce à un régime d'assurance.
L'autre solution consiste à examiner la priorité des créances en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et à voir quelle aurait été la différence si le déficit du régime de retraite suivait immédiatement les créanciers garantis, comme l'a dit le Syndicat des Métallos, mais précédait les autres créanciers non garantis — en fait, une créance privilégiée. À mon avis, il y aurait une amélioration importante et significative des paiements aux retraités et aux cotisants au régime. Le problème est que nous n'avons pas les données.
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Vous venez de comprendre pourquoi je voulais que le Comité procède au deuxième tour, madame la présidente.
Je vais me faire l'avocat du diable. J'appuie le projet de loi, mais je veux qu'il avance pour les bonnes raisons.
Monsieur Lemieux, vous venez de dire que le projet de loi n'était pas parfait. Afin qu'il atteigne la perfection à vos yeux, aurait-il fallu qu'il fasse passer les retraités avant les banques? C'est ma première question.
Je passe à ma deuxième question.
J'ai déjà été maire. Vous avez mentionné tantôt la Ville de Baie‑Comeau ou la Ville de Sept‑Îles, je ne m'en souviens pas. Vous disiez qu'une entreprise devait 10 millions de dollars à cette ville et que celle-ci avait été remboursée avant les pensionnés. Or, à titre de créancière, cette ville agit comme représentante de l'ensemble de ses citoyens. Dans une ville comme Sept‑Îles ou Baie‑Comeau, un montant de 10 millions de dollars en taxes non perçues représente un manque à gagner considérable. Êtes-vous en train de dire que c'est moins important que l'argent des retraités?
J'essaie de comprendre ce qui aurait pu être inclus dans le projet de loi pour amoindrir les répercussions autant d'un côté que de l'autre. Il faut comprendre que, même si les pensionnés reçoivent 100 % de leur argent, ils demeurent des contribuables de la Ville, et si la Ville a un manque à gagner de 10 millions de dollars, les pensionnés vont inévitablement voir leurs taxes municipales augmenter.
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Merci beaucoup, monsieur Généreux.
Pour répondre à votre première question, je dirais qu'en effet, le projet de loi aurait été parfait s'il avait fait passer les régimes de retraite avant les banques. Cependant, ce n'est pas ce que nous demandons, car nous comprenons la nécessité d'arriver à un compromis satisfaisant.
Plus concrètement, dans le cas de la Ville de Sept‑Îles, par exemple, il y aurait effectivement eu une incidence sur ses contribuables, inévitablement. Il y a cependant une différence fort importante à noter: la Ville de Sept‑Îles, contrairement à l'entreprise, ne peut pas faire faillite. La Ville aurait pu mutualiser les pertes et les étendre sur 20 ans, voire 30 ans. Un retraité de 75 ou 80 ans qui est tout seul au bâton et qui doit choisir entre payer l'épicerie et subvenir à d'autres besoins essentiels, pour sa part, ne peut pas mutualiser les risques et étirer les pertes dans le temps, puisqu'il ne lui reste peut-être que 5 ou 10 ans à vivre. C'est là toute la nuance.
C'est certain qu'une faillite, ce n'est parfait pour personne.
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Je comprends. Je voulais vous l'entendre dire. Comme je l'ai dit au départ, je me fais l'avocat du diable.
En tant qu'entrepreneur, je me dis que, si j'avais un fonds de pension dans mon entreprise, la capitalisation de celui-ci serait essentielle. L'employeur qui prend un engagement doit s'assurer d'apporter sa pleine contribution.
Comme mon collègue l'a dit tantôt, lors d'une faillite, l'entrepreneur commence par arrêter d'investir dans le régime de pension. Les fonds s'effritent de plus en plus et, ultimement, il n'y en a plus assez.
Bien que les créanciers souhaitent récupérer la totalité de leur argent en cas de faillite, cela n'arrive probablement pas souvent.
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Monsieur Lemieux, lorsque j'ai demandé ce qui aurait permis au projet de loi d'atteindre la perfection, M. Lapierre a dit que vous auriez effectivement aimé que les régimes de retraite passent avant les banques. Ils occuperaient potentiellement le deuxième rang. Cependant, qu'en est-il des sous-traitants?
Comme mon collègue le faisait remarquer, avec raison, plusieurs sous-traitants ont aussi des employés. Parfois ces derniers sont syndiqués, parfois ils ne le sont pas. Or, quand un sous-traitant essuie une perte à la suite de la faillite d'une entreprise, il n'est protégé d'aucune façon. Les pertes financières subies auront probablement des répercussions sur l'ensemble des employés du sous-traitant en question, que ceux-ci soient syndiqués ou non.
Dans le cas d'entreprises comme Stelco, où vous avez travaillé, ce sont souvent des millions de dollars qui sont en jeu pour les sous-traitants. Ces entreprises ont passé des contrats immenses avec des sous-traitants et de grosses sommes d'argent sont en jeu.
Selon vous, ce projet de loi peut-il apporter une solution, ou est-ce impossible?
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J'aurais une suggestion à vous faire. Comme le Syndicat des Métallos est membre du Congrès du travail du Canada, je peux répondre à cette question.
Oui, les provinces peuvent faire des choses. Au Québec, par exemple, nous avons la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, qui oblige les entreprises à mieux financer leurs régimes de pension. Je vais faire une comparaison un peu caricaturale avec les cartes de crédit. C'est comme si, auparavant, un émetteur de carte de crédit permettait aux entreprises de rembourser seulement le montant minimum requis, alors elles se retrouvaient en difficulté 10, 15 ou 20 ans plus tard. Maintenant, on oblige les entreprises à payer 95 % de leurs régimes de retraite.
Il y a plein d'autres choses que les provinces peuvent faire. Par contre, il faut saisir l'occasion qui se présente aujourd'hui. Vous, les parlementaires, avez la possibilité d'offrir une sécurité aux 1,2 million de retraités canadiens. Je rappelle que 76 % de la population est d'accord pour trouver une façon de protéger les régimes de retraite. Il faut le faire maintenant. La situation de la COVID‑19 nous oblige, comme société...
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais souligner le commentaire de M. Lemieux concernant l'importance, dans ce débat, d'accorder la priorité aux personnes retraitées qui n'ont pas la capacité de se refaire.
J'aimerais également lui poser une question.
Monsieur Lemieux, vous avez vu le contenu du projet de loi , dont le Comité devra fait l'étude article par article. Y a-t-il des éléments là-dedans auxquels vous proposeriez des modifications concrètes, ou est-ce que vous nous suggéreriez fortement de l'adopter tel qu'il est?
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Je vous remercie de la question.
Je vous dirais que ce n'est pas le temps de s'arrêter pour des peccadilles ou de faire des flaflas; c'est le temps d'avancer. Le projet de loi n'est pas parfait, mais je crois que nous sommes sur une lancée et que nous avons le devoir, comme société, de procéder rapidement et de protéger les gens plus vulnérables de notre société, ceux qui n'auront pas d'autres moyens pour se sortir la tête de l'eau.
Comme je l'ai dit tantôt, souvent, quand survient un drame ou un accident, par exemple un écrasement d'avion, tout le monde se dit qu'il ne faut pas que cela se reproduise. Aujourd'hui, vous avez le pouvoir de dire que les drames que vivent nos retraités canadiens doivent cesser. Il faut saisir l'occasion et aller de l'avant.
Pour répondre à votre question, je dirais que le projet de loi tel qu'il est nous convient. Ma vie consiste à négocier des conventions collectives, et je n'ai jamais négocié une convention collective qui était parfaite pour les travailleurs et les travailleuses que je représentais. Nous devons trouver des compromis satisfaisants, et c'est la même chose aujourd'hui. Nous nous satisfaisons de ce que nous propose le projet de loi .
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Oui, désolé. Accordez-moi une minute, s'il vous paît.
Jeudi, nous recevons des représentants de l'Association des banquiers canadiens. Désolé, vous allez devoir faire preuve d'un peu de patience pendant que j'essaie d'obtenir...
Il y a un avocat, Mark Zigler, qui est associé dans le cabinet d'avocats Koskie Minsky. Il y a également Cody Cooper, le président de la Chrysler Canada Retirement Organization, ainsi que Robert Thornton, qui représente l'Institut d’insolvabilité du Canada . Il reste donc ces quatre groupes de témoins.
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J'ai deux choses à dire.
D'abord, je ne suis pas sûr que toute personne portant le nom de Carney vous trouverait très amical, monsieur Poilievre.
Deuxièmement, ne serait‑il pas possible de modifier simplement l'objet de la motion? Il nous est également possible d'ajouter des témoins à l'avenir. Ne pourrions-nous pas nous contenter de dire que nous allons entendre ces deux témoins supplémentaires, puis passer immédiatement à l'étude article par article? Cela cadrerait avec l'échéancier existant, et cela nous permettrait ensuite de formaliser cet échéancier peut-être de façon excessive à certains égards.
Nous pourrions aussi rejeter la motion et procéder comme prévu, mais si les gens veulent simplement avoir la certitude que nous n'entendrons que deux témoins de plus, cela me convient aussi. Cela ne me fait rien d'une manière ou d'une autre. Dans l'état actuel des choses, nous entendrons deux témoins supplémentaires, puis nous passerons à l'étude article par article.
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Cela équivaut à retirer de l'argent des poches de nos retraités pour le redistribuer à des actionnaires, pour la plupart bien nantis.
J'en reviens donc à ma proposition initiale. Tout d'abord, il faut adopter le projet de loi . Par ailleurs, les provinces doivent s'assurer que les fonds de pension sont financés à 100 %. Il est indécent qu'une entreprise donne de l'argent à ses actionnaires pendant qu'elle ne verse pas sa contribution au fonds de retraite. C'est comme si, en tant que père de famille, à l'aube de la retraite, j'étais endetté et que mes cartes de crédit étaient remplies, mais que je décidais de partir dans le Sud pendant deux semaines. Cela n'aurait aucun sens de laisser mes enfants de la sorte, dans une position vulnérable. Or, c'est exactement ce qu'on permet de faire, au Canada, c'est-à-dire prendre de l'argent dans les poches des retraités, des gens les plus vulnérables, et de le distribuer aux actionnaires d'une entreprise.