Passer au contenu

LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 019 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 février 2021

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Français]

     Je déclare la séance ouverte.

[Traduction]

    Bienvenue à la 19e séance du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.

[Français]

    Le Comité se réunit au sujet de son étude intitulée « Mesures du gouvernement pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada ». Il s'agit de la première séance de cette étude.
    Madame la greffière, y a-t-il des remplaçants ou des membres qui participent en personne?
    Il n'y a personne dans la salle aujourd'hui.
    Il y a M. Scarpaleggia, qui remplace Mme Lalonde.
    Encore une fois aujourd'hui M. Mazier, remplace M. Williamson.
    Merci, et bienvenue à tous.

[Traduction]

    Pour assurer le bon déroulement de la séance, j'aimerais vous présenter quelques règles à suivre.

[Français]

    Pour ceux et celles qui participent à la réunion à distance, je profite de cette occasion pour rappeler à tous les participants que les captures d'écran ou la prise de photo de votre écran ne sont pas autorisées et que cela a aussi été souligné par le Président Rota le 29 septembre 2020.

[Traduction]

    Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation vous sont offerts pour la séance. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre « parquet », « anglais » et « français »

[Français]

    Avant de prendre la parole, cliquez sur l'icône du micro pour activer votre propre micro. Lorsque vous avez terminé, mettez votre micro en sourdine pour minimiser l'interférence.

[Traduction]

    Je rappelle aux députés et aux témoins que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.

[Français]

    Lorsque vous parlez, exprimez-vous clairement et lentement.

[Traduction]

    À moins de circonstances exceptionnelles, tous les participants à distance doivent utiliser un casque d'écoute et un micro-perche.

[Français]

    Veuillez signaler tout problème technique à la présidence et noter que nous pourrions devoir suspendre la séance pendant quelques minutes, étant donné que nous devons garantir la pleine participation de tous les membres.
    Je ne lirai pas les informations qui sont habituellement adressées à ceux qui participent à la réunion en personne. Nous savons qu'il n'y a personne dans la salle aujourd'hui.
    J'aimerais donc souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos témoins et leur dire que, pour leur allocution d'ouverture, nous leur accordons un total de sept minutes et demie, et que suivra une période de questions de la part des membres du Comité.
    J'ai l'habitude d'utiliser un carton jaune pour vous indiquer qu'il vous reste une minute. Quand j'utilise le carton rouge, cela veut dire que votre temps de parole est écoulé.
    Comme témoins, cet après-midi, de l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick, nous accueillons M. Érik Labelle Eastaugh, professeur et directeur de l'Observatoire international des droits linguistiques, Faculté de droit, Université de Moncton, et, d'Impératif français, nous recevons M. Jean-Paul Perreault, président, accompagné de M. François Côté, avocat.
    Monsieur Labelle Eastaugh, vous avez la parole pour sept minutes et demie.
    Monsieur le président, honorables membres du Comité, je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir offert l'occasion de prendre la parole dans le cadre de vos importants travaux sur l'avenir des droits linguistiques au Canada.
    Je tiens également à souligner qu'il est très agréable de voir que vous avez tous allumé vos caméras. C'est assez différent des cours que je donne depuis le début de la pandémie.
    Comme je suis juriste, mon allocution portera sur les aspects juridiques des thèmes retenus par le Comité dans le cadre de sa résolution du 24 novembre 2020. Je me propose d'aborder brièvement les trois thèmes suivants: premièrement, les rôles respectifs du gouvernement fédéral et des provinces relativement aux questions linguistiques d'un point de vue constitutionnel; deuxièmement, le rapport entre le principe d'égalité en droit canadien et la notion d'asymétrie; et, troisièmement, l'approche que devrait retenir le Parlement en ce qui concerne l'encadrement des entreprises fédérales.
    D'entrée de jeu, il importe de souligner qu'en tant que champ de compétence, la langue relève tant de l'État fédéral que des états provinciaux. Chaque ordre de gouvernement a le pouvoir de légiférer sur les questions linguistiques qui sont accessoires à ses compétences matérielles.
    Par ailleurs, la Constitution impose à certains gouvernements, tant fédéral que provinciaux, des obligations particulières quant à la protection de la langue française. Il s'ensuit que l'aménagement linguistique n'est pas la responsabilité d'un seul ordre de gouvernement et qu'il ne peut l'être. À preuve, le paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés invite le Parlement ainsi que les législatures provinciales à légiférer afin de faire progresser l'égalité de l'anglais et du français dans la société canadienne.
    La question du principe d'égalité des langues officielles, notamment dans son rapport avec la notion d'asymétrie, revient souvent dans les débats récents qui entourent la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Je crois qu'il y a lieu de préciser certains points à ce sujet.
     D'abord, nul ne peut douter que le français et l'anglais sont asymétriques sur le plan sociologique. L'énorme pouvoir d'attraction de l'anglais, qui découle en partie de son poids numérique, fait que les communautés francophones, qu'elles soient minoritaires ou majoritaires à l'échelle provinciale, doivent consacrer beaucoup plus d'efforts que les communautés anglophones pour se maintenir et s'épanouir dans leur langue. Cette différence sociologique fait dire à certains que le principe d'égalité enchâssé dans la Charte canadienne et la Loi sur les langues officielles a pour effet de désavantager le français et non de l'appuyer, car il exigerait qu'on accorde un traitement identique aux deux langues. Toutefois, il s'agit d'une erreur.
    Il ne faut pas oublier que le système des langues officielles a été mis en place afin de renforcer la langue française et de protéger les francophones, qui étaient nettement désavantagés. Pour sa part, la langue anglaise n'avait nul besoin d'une loi pour la protéger. Si la Loi sur les langues officielles repose sur un principe d'égalité entre l'anglais et le français, son existence même découle et témoigne d'une reconnaissance des inégalités entre l'anglais et le français.
    Le principe d'égalité linguistique, tel que défini par la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, et tel qu'il est reconnu par les tribunaux, cherche à conférer aux collectivités francophones la capacité de se maintenir et de s'épanouir malgré l'asymétrie sociologique que l'on connaît. Il s'agit en effet d'un principe d'égalité dite « réelle » et non « formelle ». À la différence de l'égalité formelle, l'égalité réelle exige que l'État tienne compte des asymétries entre les deux communautés linguistiques et qu'il y applique parfois des normes différentes.
    En effet, la jurisprudence relative aux droits linguistiques tient compte systématiquement de l'asymétrie sociologique entre l'anglais et le français. Par exemple, dans l'arrêt Ford, qui portait sur les exigences en matière d'affichage contenues dans la Charte de la langue française, la Cour suprême du Canada a reconnu la fragilité du français et le fait que le gouvernement du Québec a un rôle particulier à jouer dans sa protection.
    Par ailleurs, les arrêts qui traitent de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment l'arrêt Solski, qui porte sur les écoles passerelles, soulignent que cette disposition doit être interprétée en tenant compte du contexte particulier de chaque communauté linguistique. De fait, l'article 23 s'applique de façon asymétrique au Québec, en raison d'une exception explicite prévue à la Loi constitutionnelle de 1982. Il s'ensuit que, si le Parlement souhaite prendre des mesures additionnelles pour protéger et promouvoir le français à titre de langue vulnérable, il peut le faire dans le cadre du système actuel, et ce, sans déroger à ses principes fondamentaux.
(1545)
     Au cours des derniers mois, les débats entourant la promotion du français ont été alimentés par la suggestion voulant que le Parlement adopte une loi pour soumettre les entreprises fédérales situées au Québec au régime de la Charte de la langue française. Or, dans la mesure où l'objectif d'une telle loi serait de garantir aux travailleurs francophones le droit de travailler dans leur langue sans être victimes de discrimination et de garantir au public le droit d'être servi en français, il n'est ni nécessaire ni souhaitable d'abandonner le cadre du régime actuel. Le Parlement pourrait facilement atteindre ce résultat en assujettissant les entreprises fédérales à la Loi sur les langues officielles. En revanche, une approche calquée sur la Charte de la langue française comporterait des désavantages importants.
    Premièrement, une telle approche ne viserait que le territoire québécois. Ce faisant, le Parlement s'éloignerait sensiblement des obligations de base du gouvernement fédéral en matière linguistique. Lorsqu'on a élaboré le système des langues officielles, on a explicitement rejeté un modèle « territorial », comme celui employé en Suisse, dans lequel les droits linguistiques seraient définis sur une base provinciale. On a plutôt adopté un modèle « mixte » dans lequel les mêmes droits sont attribués à tous les francophones du pays, sous réserve d'un critère numérique à l'échelle locale. Au regard de ce principe fondamental, on pourrait difficilement justifier une loi qui accorde des droits aux francophones de Montréal, mais pas à ceux de Moncton ou de Sudbury.
    Deuxièmement, une loi qui reprend directement le libellé de la Charte de la langue française, comme certains projets de loi déposés par le passé, risque de contrevenir au paragraphe 16(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte de la langue française est fondée sur le principe de la primauté du français et cela se répercute dans le libellé des droits qu'elle confère. Une loi fédérale qui reprendrait le même cadre pourrait être contestée en vertu de l'article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés, car elle accorderait des droits au français qu'elle n'accorde pas à l'anglais.
    En revanche, les parties IV et V de la Loi sur les langues officielles confèrent essentiellement les mêmes droits aux francophones que la Charte de la langue française, mais sans établir une hiérarchie entre le français et l'anglais. Dans cette optique, l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick accueille favorablement les propositions récentes de la ministre Joly à cet égard. Toutefois, il nous faudra prendre connaissance du projet de loi qui suivra pour être en mesure de nous prononcer de façon définitive.
    Sur ce, je vous remercie à nouveau de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous.
    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
(1550)
    Merci beaucoup, monsieur Labelle Eastaugh.
    Si vous le souhaitez, vous pouvez nous faire parvenir vos notes. Cela pourrait être utile aux membres du Comité et à nos analystes.
     Nous allons entamer une période de questions et réponses au cours de laquelle chaque parti disposera de six minutes.
    Nous allons commencer par M. Blaney.
     Monsieur Blaney, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
     Monsieur Labelle Eastaugh, je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
    Nous étions suspendus à vos lèvres pendant votre présentation, tout comme doivent l'être vos étudiants.
    Y a-t-il des points sur lesquels vous aimeriez revenir?
     Deux éléments de votre discours m'ont frappé.
    D'abord, vous avez dit que « nul ne peut douter que le français et l’anglais sont asymétriques sur le plan sociologique. »
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Oui, je viens de constater ce qui se passe.
    Je m'excuse, monsieur Blaney, mais nous avons trois témoins pour la première heure. Nous recevons aussi les représentants d'Impératif français. Mille excuses.
     Nous allons donc passer à Impératif français et revenir à vous ensuite.
    Nous nous mettons en mode écoute.
    Oui.
    Nous accueillons donc MM. Perreault et Côté, d'Impératif français. Je ne sais pas lequel des deux souhaite commencer.
    Vous disposez aussi de sept minutes et demie.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Oui, monsieur Godin, je vous écoute.
    J'aimerais savoir si nous avons reçu les notes d'allocution des témoins de cet après-midi. Je sais, pour ce qui est de M. Labelle Eastaugh, que nous ne les avons pas reçues. Vous les lui avez demandées.
    Par contre, j'aimerais savoir si nous avons reçu celles des représentants d'Impératif français. Ma question s'adresse à la greffière.
    À ma connaissance, nous ne les avons pas reçues, mais je vais céder la parole à Mme la greffière.
     Comme vous le savez, tous les documents qui sont transmis aux membres du Comité doivent être dans les deux langues officielles. Tant qu'ils ne sont pas traduits, je ne peux pas les distribuer. Nous les ferons donc traduire et nous les enverrons ensuite aux membres du Comité.
     Je vous remercie beaucoup de la précision.
    Je donne maintenant la parole à MM. Perreault et Côté.
    Vous avez sept minutes et demie.
    Allez-y.
    Bonjour à tous et à toutes.
    Je vais prendre la parole, étant donné que le président d'Impératif français, M. Jean-Paul Perreault, semble avoir quelques problèmes techniques. Il se joindra probablement à nous par la suite.
    Monsieur le président, membres du distingué Comité et chers citoyens du Québec à l'écoute des présentes, en direct ou pour la postérité, je vous salue.
    C'est un honneur pour moi de comparaître devant le comité parlementaire. Je remercie et salue particulièrement Impératif français et son président, M. Perreault.
     Je vais présenter trois propositions législatives simples, claires et détaillées. À notre avis, elles sont parfaitement réalisables sur le plan juridique, et le gouvernement fédéral pourrait les adopter afin de concrètement contribuer à endiguer le déclin de la langue française au Québec dans ce qui relève de ses champs de compétence, au seul prix — douterions-nous qu'il soit trop cher à payer? —, d'avoir la volonté politique d'agir véritablement en ce sens.
    Les recommandations et propositions législatives que nous soumettons au gouvernement fédéral sont mises par écrit et détaillées dans le mémoire d'une soixantaine de pages que nous avons déposé à la Chambre des communes le 5 février. Il comporte en annexe des propositions détaillées ainsi que des amendements de modèle législatif qui sont de nature à être directement mis en vigueur par le gouvernement.
    Nous avons choisi de cibler nos recommandations sur trois points précis. À notre avis, ils sont de haute importance, sans porter préjudice aux nombreux autres enjeux linguistiques qui intéressent l'État du Québec au sein de la fédération. Elles évoluent toutes...
    Monsieur Côté, excusez-moi de vous interrompre. Je vous demanderais de ralentir votre débit, s'il vous plaît, pour l'interprétation qui est faite en même temps.
(1555)
     D'accord.
    Nos propositions évoluent toutes à la manière d'une idée directrice commune: celle du constat que le modèle du bilinguisme d'égalité symétrique individualiste, actuellement et depuis longtemps prôné par le gouvernement fédéral, ne fait que proclamer une égalité de façade artificielle et dont l'utilité concrète est discutable au Québec, en ce qu'il échoue de manière absolue à protéger les droits linguistiques collectifs de la nation québécoise à sa seule langue commune, la langue française.
    Le modèle d'égalité de droit et de statut des langues française et anglaise au sein du palier fédéral, qui accorderait un traitement identique au français et à l'anglais, se révèle selon nous n'être qu'une égalité entre le pot de terre et le pot de fer dans le contexte nord-américain.
    Il est temps, nous l'affirmons, de se défaire de ce modèle dysfonctionnel pour plutôt privilégier une approche de bilinguisme asymétrique et territoriale où, dans une perspective collective et plus large que les revendications individuelles seules, la langue française reçoive un traitement et une protection distincte, renforcée et particulière pour tenir compte de la réalité nord-américaine, mais aussi pour le fait que la question linguistique n'est pas qu'une affaire individuelle au Québec. C'est un enjeu de société commandant le maintien permanent d'une forte majorité francophone dans la population du Québec, condition liée à l'existence même de la nation québécoise. L'histoire en attestait hier, la réalité contemporaine en atteste aujourd'hui.
    Cela dit, nos trois propositions sont les suivantes:
    Nous suggérons premièrement d'étendre la Charte de la langue française aux entreprises privées de compétence fédérale. Il s'agirait ici de permettre la pleine extension de la Charte de la langue française aux entreprises privées de compétence fédérale, dans les secteurs de l'aviation et des télécommunications notamment, pour permettre aux travailleurs québécois y gagnant leur vie de disposer enfin des mêmes droits que leurs millions d'homologues déjà protégés par cette loi dans le reste du secteur privé, au Québec.
    Nous proposons concrètement deux voies pour y parvenir. La première serait tout simplement, pour Ottawa, de laisser l'Assemblée nationale du Québec procéder seule à une telle extension, ce qui serait tout à fait constitutionnellement faisable depuis la reconnaissance de la théorie constitutionnelle du double aspect, reconnue et clarifiée depuis l'affaire Banque canadienne de l'Ouest. Le fédéral pourrait aussi procéder lui-même à une telle extension, et nous suggérons alors pour ce faire d'amender plutôt le Code canadien du travail pour y inclure une disposition de renvoi aux dispositions de la Charte de la langue française, lui permettant de demeurer l'objectif législatif opérant.
    Nous sommes d'opinion ferme que, sur cette question précise, une modification de la Loi sur les langues officielles serait probablement une mauvaise idée. Celle-ci est une loi publiciste, faite pour encadrer la fonction publique et les services aux citoyens beaucoup plus que les relations de travail dans le secteur privé. La remodeler, en ce sens, risquerait de causer des problèmes de cohérence législative. En outre, l'étendre ainsi, si ce n'est que pour étendre la politique linguistique fédérale actuelle en ce domaine, ne règlerait pas le problème. Plutôt, cela ne ferait que le censurer sous un voile législatif. Vraiment, il faut un régime complet et détaillé qui a fait ses preuves et qui fonctionne très bien: celui de la Charte de la langue française, qui viendrait par ailleurs avec des décennies d'enseignement, de jurisprudence et de stabilité juridique.
    En outre, sur cette question, et nous épousons ici l'approche territoriale, l'Assemblée nationale est manifestement beaucoup plus proche qu'Ottawa de la réalité des entreprises au Québec et constitue, selon nous, l'interlocuteur politique législatif et démocratique le plus légitime au sein de la fédération pour aborder de tels enjeux.
    Notre seconde proposition serait de modifier la Loi sur les langues officielles pour mettre en place un régime particulier de protection de la langue française au Québec et dans la région de la capitale fédérale, vu son importance incontournable au sein de la fédération. Notre seconde proposition ainsi soumise serait de modifier la Loi sur les langues officielles pour y inclure un régime de protection détaillé des droits linguistiques des fonctionnaires au Québec et dans la capitale fédérale de pouvoir pleinement travailler et communiquer en français au travail qui s'inspirerait des articles 45 et 46 de la Charte de la langue française, empêchant toute forme de discrimination ou de pression linguistique à l'embauche ou en cours d'emploi.
    Nous proposons ici de reprendre non seulement l'esprit de la Charte de la langue française et de le transposer dans le domaine fédéral, mais aussi le régime juridique et les droits d'accès aux tribunaux qu'elle comporte — adaptés au contexte fédéral, mais la même idée — pour garantir une protection effective et véritable des droits linguistiques des fonctionnaires fédéraux à l'usage du français au Québec, dont plus de 44 % ont été révélés par les récents rapports du Commissariat aux langues officielles comme souffrant d'insécurité linguistique en milieu de travail dans une culture de passage à l'anglais. Encore une fois, pour lutter contre une telle situation, la Charte de la langue française serait le modèle à suivre.
(1600)
     Je vais accélérer un peu, mais je répondrai à vos questions avec plaisir par la suite.
    Notre troisième et dernière proposition sera de rouvrir le dossier constitutionnel et de proposer un retour à la mouture initiale de la Charte de la langue française en matière d'officialité des lois. Il est temps de tourner la page sur l'arrêt Blaikie, une décision rendue par la Cour suprême il y a plus de 40 ans dans un contexte constitutionnel différent du nôtre, qui a grandement évolué depuis, pour permettre au Québec d'avoir comme seule langue officielle de sa législation la langue française.
    Une situation est étrange au Canada: seul le Québec est assujetti, en vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, à une obligation de bilinguisme législatif, alors que, juste à côté, l'Ontario peut avoir ses lois en langue officielle anglaise avec une traduction en français. Nous ne réclamerions que l'égalité, un changement symbolique qui aurait un effet puissant sur le renouveau générationnel et l'immigration.
    Finalement, je voudrais ouvrir une toute petite parenthèse simplement pour contextualiser mes propos. Nos interventions sont uniquement concentrées sur la situation du Québec, sans porter préjudice aux francophones hors Québec. Nous partageons leurs préoccupations, mais nous ne nous concentrons ici que sur le Québec.
    Merci beaucoup, monsieur Côté.
    Nous attendons toujours que M. Perreault se joigne à nous, mais nous allons passer à la période de questions.
    Membres du Comité, comme vous le savez, j'ai le rôle ingrat de gérer le temps, alors je vous informe que les prochaines interventions seront limitées à cinq minutes.
    Monsieur Blaney, vous avez la parole pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais laisser tomber ma petite introduction.
    C'est intéressant, car cette fois-ci, nous avons entendu deux témoignages et deux versions parfois contradictoires.
    Je me tourne vers vous, monsieur Labelle Eastaugh, pour vous poser une question. Vous reconnaissez donc qu'il y a une asymétrie sur le plan sociologique et que c'est la preuve que la Loi, dans sa mouture actuelle, n'a pas atteint ses objectifs.
    Qu'est-ce que vous proposez de concret pour qu'on reconnaisse cette asymétrie factuelle?
     Je poserai la même question à M. Côté.
    Je vous remercie de votre question.
    Premièrement, la jurisprudence de la Cour suprême est très claire. L'asymétrie entre les deux communautés doit être prise en compte dans l'interprétation des droits qui existent déjà. Je reviens au commentaire que j'ai fait au début: la création même du système de droits linguistiques que nous avons aujourd'hui avait pour but la protection du français en particulier. Donc, ces droits-là sont conçus d'abord et avant tout pour protéger la langue française et l'égalité des francophones. Selon moi, critiquer ce système pour sa symétrie apparente, c'est manquer le contexte dans lequel ces mesures ont été adoptées et c'est perdre de vue la façon dont les tribunaux ont interprété ces normes-là.
    Je n'ai pas de proposition globale à vous faire, sauf de vous dire que la façon de répondre aux besoins de chaque communauté doit être évaluée au cas par cas, selon le contexte provincial et la dynamique linguistique en cause.
    Je serai plus concret, monsieur Labelle Eastaugh.
    Le Comité permanent des langues officielles s'est toujours penché sur le sort des minorités francophones hors Québec. Or, avec cette lecture que nous faisons, nous nous rendons compte qu'il y a une minorité que nous avons négligée pendant des décennies. C'est la minorité québécoise, c'est le Québec, le coeur francophone canadien dans l'ensemble nord-américain. Je pensais que vous auriez des propositions à faire à ce sujet, et c'est dans ce contexte que s'inscrivait ma question.
    Monsieur Côté, on entend dire qu'il ne faut pas changer la Loi, que tout va bien et qu'il y a une symétrie. De votre côté, vous préconisez une approche asymétrique. Comment doit-on traduire cela?
    Vous avez fait des propositions pour le Québec, mais j'aimerais vous entendre sur la manière dont on pourrait effectuer ce virage et élargir la portée de la Loi sur les langues officielles afin d'y inclure ce que j'appellerais la minorité francophone québécoise dans l'ensemble nord-américain.
    Ma réponse est simple: ce ne serait pas la voie à suivre. La Loi sur les langues officielles ne m'apparaît pas être la voie à suivre pour véritablement protéger les droits linguistiques de la société québécoise majoritairement francophone.
    Le modèle individualiste est le modèle sur lequel la Loi sur les langues officielles se base, et il peut avoir ses avantages. Je ne me prononcerai pas sur les communautés qui sont démographiquement minoritaires sur leur territoire, mais la Loi ne peut pas — sa facture même est faite ainsi — véritablement protéger les droits linguistiques d'une communauté qui est majoritaire sur son territoire, mais minoritaire dans un ensemble plus grand.
    Pour mieux protéger les droits linguistiques de la majorité francophone au Québec, qui est minoritaire au sein de la fédération, nous sommes d'avis qu'il faudrait véritablement faire preuve de déférence envers l'Assemblée nationale du Québec et lui déléguer des pouvoirs, et se tourner vers l'approche plus amplement territoriale du Québec à l'égard du droit. Le modèle territorial serait véritablement, selon nous, le modèle à suivre.
(1605)
    D'accord, mais le Québec a quand même ses défis, notamment en matière d'éducation.
    Ma dernière question s'adresse à M. Labelle Eastaugh.
    Vous proposez justement d'assujettir à la Loi sur les langues officielles les entités fédérales sur le territoire québécois. Cela s'appliquerait-il là où le nombre le justifie, un peu comme le gouvernement le propose? Est-ce l'approche que vous préconisez afin que les employés des institutions fédérales dans des espaces francophones puissent travailler en français?
    Oui. Selon moi, c'est l'approche à retenir. C'est d'ailleurs celle qui est retenue pour les services fédéraux: les services ne sont pas offerts de manière uniforme partout au pays, mais uniquement dans des régions où il y a une demande importante. Il faudrait évidemment se pencher sur la question des particularités du secteur privé pour déterminer le genre de découpage géographique à adopter. Cela dit, cette approche serait semblable à celle qui existe pour les services fédéraux.
    C'est parfait. Merci beaucoup.
    Je crois que mon temps de parole est écoulé. Je vous remercie, monsieur le président.
    C'est effectivement le cas. Merci, monsieur Blaney.
    Monsieur Arseneault, vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aurais aimé m'adresser au président d'Impératif français, M. Perreault. Est-il des nôtres?
    Non. Il éprouve des difficultés techniques.
    D'accord. Dans ce cas, mes questions s'adresseront à Me Côté.
    Vu mon nom de famille, ma provenance et mon accent, vous vous doutez certainement que je fais partie de ces francophones hors Québec qui comptent malheureusement plus de 400 ans d'expérience en matière de lutte contre l'assimilation et contre le déclin de la langue d'Antonine Maillet.
    Il y a deux jours, le premier vice-président régional pour la région du Québec de l'Alliance de la fonction publique du Canada, M. Yvon Barrière, est venu témoigner. Il nous a raconté une anecdote dont je souhaite vous faire part, dans le but que nous en discutions, vous et moi.
    M. Barrière faisait partie d'un comité composé d'une douzaine de hauts fonctionnaires fédéraux. À l'exception d'une seule personne, tous ces fonctionnaires étaient des francophones, des Québécois pour la plupart, ou parlaient français, y inclus la présidente du comité. De façon proactive, un service d'interprétation simultanée était offert lors de ces réunions et tous les éléments visant à respecter les droits linguistiques étaient en place. M. Barrière a dit que, lors de l'une des réunions, il s'est soudainement aperçu que tout le monde parlait en anglais, malgré le service d'interprétation simultanée. Pour ainsi dire, puisque tous les francophones s'exprimaient en anglais, les interprètes devaient interpréter des propos tenus dans leur langue maternelle, plutôt que l'inverse.
    C'est une expérience que nous avons déjà vécue. Toutefois, le contexte illustré par le témoin était frappant: tous les participants étaient des francophones, à l'exception d'une seule personne unilingue anglophone, alors il n'y avait aucune obligation pour eux de parler en anglais.
    Comment expliquez-vous ce phénomène?
    Je vous remercie de cette question.
    On aimerait bien que ce ne soit qu'une anecdote. Malheureusement, des témoignages de ce genre, nous en recevons beaucoup. En réalité, l'égalité symétrique de droits et de statut des langues officielles au sein de la fonction publique n'est qu'une égalité de façade. On présente le français comme une simple option égale à l'anglais et...
    Permettez-moi de vous interrompre, maître Côté, car je ne dispose que de cinq minutes.
    C'est parfait.
    Je vous ai fait part d'un exemple frappant.
    Dans l'un des documents que nous avons reçus d'Impératif français, il est écrit que la Loi sur les langues officielles a une part dominante de la responsabilité du déclin du fait français au Québec.
    Je vous ai donné cet exemple où des francophones, des Québécois pour la plupart, n'étaient aucunement contraints de parler en anglais. Tout était en place pour respecter le bilinguisme. Pourtant, c'est la langue anglaise qui a été utilisée lors des réunions. Dans ce cas, comment pouvez-vous affirmer que la Loi sur les langues officielles a failli à sa tâche?
    En fait, vous venez de le dire: c'est un exemple de plus.
    Il y a une culture du passage à l'anglais par simple pression passive, une véritable culture institutionnelle voulant que l'anglais soit la langue des affaires, la langue de la réussite et la langue dominante qui s'impose naturellement en présence d'une égalité symétrique de droits. Pourquoi retrouve-t-on cette situation? C'est parce que la Loi sur les langues officielles ne protège pas de façon différenciée ou accrue le droit fondamental de travailler et d'évoluer en français au sein de la fonction publique.
(1610)
    Maître Côté, ce que vous dites est totalement contraire à l'exemple dont je vous ai fait part. Je partage votre inquiétude quant au déclin du fait français en Amérique du Nord, au Québec et à l'extérieur du Québec. Par contre, dans le cas mentionné, il n'y avait aucune urgence. Rien ne contraignait qui que ce soit à parler dans l'autre langue. Alors, je ne comprends pas.
    C'est exactement cela, le problème. Vous avez tout à fait raison. Nous déplorons une telle situation. C'est pour cela qu'il faudrait...
    Oui, mais qu'est-ce qui explique cela? Ce n'est pas la Loi qui explique cela. Ce n'est pas la protection...
    C'est la géopolitique nord-américaine.
    Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ce n'est pas la protection des droits linguistiques sur le plan réglementaire ou législatif qui a créé cela?
    Non, monsieur Arseneault. C'est que la protection n'est pas assez forte pour tenir compte du contexte nord-américain et canadien. Il en faut plus.
     Si je transpose ce même exemple chez des gens du Québec qui baignent dans la francophonie bien plus que moi, cela voudrait-il dire que même la loi 101 aurait failli à sa tâche?
    Est-ce que je peux répondre ou est-ce que le temps est écoulé, monsieur le président?
    Il vous reste 15 secondes pour répondre, monsieur Côté.
    La loi 101 essaie de répondre à la tâche. Malheureusement, elle se trouve plombée par une certaine jurisprudence, contre laquelle il va falloir adopter des mesures au provincial. Son esprit est cependant présent. Cette loi a effectivement permis de faire de gros progrès. La situation actuelle est sans commune mesure avec celle qui avait cours avant son adoption. Le fédéral aurait intérêt à s'en inspirer.
    Merci, monsieur Côté.
    J'ai vu que vous aviez levé la main, monsieur Labelle Eastaugh. Vous allez sûrement pouvoir intervenir lorsque d'autres questions vont seront adressées.
    Je voudrais maintenant passer la parole à M. Beaulieu pour les cinq prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Côté, vous faites le constat suivant: la politique linguistique du gouvernement fédéral relève d'une conception individualiste et symétrique fondée sur des droits individuels transportables, en quelque sorte, alors que la loi 101 est davantage inspirée d'un modèle territorial. Autrement dit, un modèle asymétrique permettrait une application plus efficace de la loi.
    Permettez-moi de l'expliquer à ma manière. En matière d'aménagements linguistiques, on voit que, dans tous les endroits du monde où il existe un modèle de bilinguisme plus territorial, comme en Suisse ou en Belgique, il n'y a pas d'assimilation des langues minoritaires à la langue majoritaire. Au Canada, c'est le contraire: il y a une assimilation de la langue minoritaire. En fait, partout au monde où il y a des systèmes fondés sur un bilinguisme individuel et symétrique, comme au Canada, il y a une assimilation des langues minoritaires.
    Cela correspond-il à ce que vous pensez?
    Je répondrais que oui, absolument.
    Il y a même des études qui ont été portées à l'échelle internationale au sujet de l'utilisation des langues officielles. Je vais vous donner un exemple intéressant. Dans les organisations internationales, lorsque plusieurs langues officielles sont déclarées égales et laissées au choix individuel de chacun, cela conduit systématiquement à une domination de l'anglais. C'est le cas aux Nations unies, mais aussi au Conseil de l'Europe, où l'anglais est utilisé jusqu'à 70 % du temps. Par ailleurs, cela est particulièrement ironique maintenant que le Royaume-Uni est sorti de l'Union européenne.
    L'idée de déclarer une égalité individualiste de choix linguistique profite toujours à l'anglais. Cela est incontournable, à tout le moins en Amérique du Nord.
    Je suis donc absolument d'accord sur votre interprétation de la situation. C'est notamment pour cette raison que le modèle territorial doit être privilégié. Le législateur fédéral aurait donc grand intérêt à s'inspirer de son homologue québécois et à adopter, sinon le texte, à tout le moins l'esprit la Charte de la langue française. Il faut des mesures pour véritablement protéger les droits collectifs d'utilisation du français au sein des entreprises fédérales et de la fonction publique, sans oublier notre droit constitutionnel.
    J'aimerais revenir à l'exemple soumis par le premier vice-président régional pour le Québec de l'Alliance de la fonction publique du Canada, lorsqu'il a comparu devant le Comité. Il disait que les conférences se tenaient souvent de façon unilingue anglaise et que les documents étaient souvent en version anglaise. Je pense que c'est le poids de l'habitude. Plusieurs fonctionnaires fédéraux nous rapportent que, chaque fois qu'il y a un contact à l'extérieur du Québec, il est très difficile de travailler en français.
    Vous proposez des modifications pour assurer le droit de travailler en français dans les institutions du gouvernement fédéral au Québec. Or je n'arrive pas à penser à une mesure en particulier. Pourriez-vous nous en parler un peu plus? À mon avis, tant que le français n'est pas la langue commune dans un endroit donné, la langue majoritaire, c'est-à-dire l'anglais, va avoir tendance à prédominer.
    Mme Joly a déjà dit que des mesures seraient prises en ce sens. Pour votre part, à quels moyens en particulier songez-vous? Quelles sont vos suggestions, précisément?
(1615)
    Je ne peux pas me prononcer sur les mesures que la ministre va finalement proposer. Nous pouvons en avoir une vague idée en lisant les communiqués publics, mais nous attendons de voir le contenu de ces mesures, pour dire les choses ainsi.
    Pour ce qui est des mesures concrètes à adopter, je reviens encore une fois à la Charte de la langue française. Ses articles 45 et 46 offrent une protection effective et efficace du droit véritable de travailler et de communiquer en français en milieu de travail, sans préjudice à l'anglais, bien sûr. Une protection différenciée et particulière pour le Québec qui s'inspirerait de ces dispositions serait tout indiquée.
    Dans le mémoire que nous avons soumis, nous proposons une modification législative qui se composerait de trois articles. L'idée est tout simplement de reprendre le régime de la Charte de la langue française et de l'intégrer dans la Loi sur les langues officielles pour encadrer la fonction publique fédérale, en offrant des recours effectifs, c'est-à-dire la possibilité de recourir aux tribunaux, au lieu de simplement recourir au commissaire aux langues officielles.
    Il faut véritablement s'inspirer d'un modèle en place depuis plus de 40 ans, qui a fait ses preuves et qui pourra avoir un poids réel devant les tribunaux judiciaires: la Charte de la langue française. Le fédéral aurait intérêt à s'en inspirer s'il veut véritablement protéger les droits linguistiques de ses fonctionnaires qui travaillent au Québec et dans la capitale fédérale.
    Merci beaucoup, monsieur Côté.
    Merci, monsieur Beaulieu; il ne vous restait plus qu'une dizaine de secondes.
    Nous allons passer à M. Boulerice pour les cinq prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins, MM. Labelle Eastaugh et Côté, d'être parmi nous aujourd'hui. C'est fort apprécié.
    Monsieur Côté, je vais commencer par vous.
    Au cours de la dernière semaine, les libéraux et la ministre Joly ont effectué beaucoup de communications sur une possible modernisation de la Loi sur les langues officielles. Nous nous attendions à un projet de loi, mais nous avons plutôt eu droit à un document de travail qui accouchera d'un comité, lequel accouchera d'une recommandation. Pourtant, les libéraux sont au pouvoir depuis cinq ans. La Loi n'a pas été modifiée depuis à peu près 30 ans.
    Voyez-vous dans cette approche une espèce de manœuvre électoraliste de dernière minute de la part d'un gouvernement minoritaire qui sait qu'aucune de ces propositions ne sera adoptée?
    Oui, c'est absolument exact. Selon nous, c'est une tactique purement dilatoire visant à gagner du temps pour repousser la présentation d'un projet de loi ou d'un livre blanc.
    D'ailleurs, un professeur de l'Université de Moncton, dont le nom m'échappe, s'est amusé à compiler le nombre de fois, depuis le premier gouvernement Trudeau, où l'on a parlé de modifications à la Loi sur les langues officielles: plus de 150. Le gouvernement en parle, mais ne fait jamais rien. Continuer à en parler, faire des études et proposer un livre blanc, à mon avis, est une tactique dilatoire permettant, au moyen de belles paroles, de renvoyer cela à plus tard, après les élections.
    D'ailleurs, je suis très content que vous m'ayez posé cette question, car j'en profite pour faire savoir à l'ensemble des membres du Comité et, plus largement, à la Chambre qu'il sera impératif que tous les partis politiques à Ottawa clarifient leur position officielle et offrent des propositions concrètes avant les élections. Il est absolument hors de question qu'ils reportent cela à plus tard, après les élections. Il faut arrêter d'essayer de gagner du temps.
    Merci, monsieur Côté.
    Vous savez qu'au NPD, nous avons toujours été en faveur d'accorder les mêmes droits linguistiques aux personnes qui travaillent dans des entreprises québécoises de compétence fédérale. C'est une revendication que nous portons. La situation est absurde: si l'on travaille pour le Mouvement Desjardins, on a certains droits, notamment celui de communiquer et de travailler en français, mais on n'a pas les mêmes droits si l'on travaille pour la Banque Royale. Cela n'a évidemment aucun sens.
    Par contre, monsieur Côté, je suis assez surpris de constater que vous ne vous préoccupez pas vraiment des droits des francophones à l'extérieur du Québec. Peut-être qu'ils sont dans votre angle mort ou que vous y êtes moins sensible. Il me semble cependant que nous devrions faire preuve de solidarité.
    Je voudrais justement m'adresser à M. Labelle Eastaugh à ce sujet.
    Vous avez dit qu'on pouvait faire preuve de cohérence en accordant les mêmes droits, c'est-à-dire communiquer avec son employeur et travailler en français, en utilisant des outils fédéraux. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus d'explications à ce sujet.
(1620)
    Merci, monsieur Boulerice.
    Je ferai le lien avec un dossier dans lequel je suis impliqué. Lorsque je porte mon chapeau d'avocat, je fais partie de l'équipe qui représente M. André Dionne, un fonctionnaire québécois qui a travaillé pendant 20 ans pour le Bureau du surintendant des institutions financières et qui comparaît actuellement devant la Cour d'appel fédérale pour défendre son droit de travailler en français.
    Dans ce dossier, nous avons constaté que le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère de la Justice adoptent depuis longtemps une interprétation très restrictive des droits qui sont conférés par la partie V de la Loi sur les langues officielles, laquelle porte sur la langue de travail. C'est un problème qui a également été souligné par l'ancien juge à la Cour suprême M. Michel Bastarache. Les droits existants des fonctionnaires sont robustes, mais ils ne sont pas mis en œuvre, parce qu'ils sont interprétés de façon trop restrictive par le gouvernement.
    Une des mesures que je proposerais, si le Parlement voulait agir dans cette direction, serait de modifier le libellé de la Loi pour clarifier les obligations actuelles en matière de langue de travail. En effet, je crois que ces obligations, si elles étaient interprétées correctement, suffiraient pour protéger les droits que revendique Impératif français.
    Comme il ne me reste que quelques secondes, je vais vous poser une dernière question.
    La ministre Joly propose d'augmenter les pouvoirs du commissaire aux langues officielles. Selon vous, est-ce suffisant? Devrions-nous également imposer des sanctions pécuniaires, ce qui ne semble pas être le cas en ce moment?
    Je crois qu'il s'agirait d'un progrès.
    Je rappelle que la Cour fédérale possède le pouvoir d'imposer des sanctions financières à titre de dommages-intérêts de droit public. Cette possibilité existe, mais elle a rarement été exercée.
    Cela pourrait donc être une bonne idée que le Parlement donne au commissaire un mandat clair qui aille dans cette direction.
    Merci beaucoup, messieurs.
    Merci, monsieur Boulerice et monsieur Labelle Eastaugh.
    J'ai vu que vous aviez la main levée, monsieur Côté, mais le temps de parole de M. Boulerice est malheureusement écoulé. Espérons que vous aurez l'occasion d'intervenir plus tard en réponse aux prochaines questions.
    Je donne maintenant la parole à M. Williamson pour quatre minutes.
    Monsieur le président, je pense qu'il y a confusion sur la liste des intervenants, puisque M. Williamson n'est pas présent. Si vous me le permettez, je vais prendre la parole.
    Je vous en prie, monsieur Godin.
    Je vais partager mon temps de parole avec M. Dalton.
    Je vais renchérir sur les commentaires de mon collègue du NPD à propos de l'importance que l'on accorde à la langue française.
    Monsieur Côté, comme vous l'avez bien dit, on se doit de respecter la langue française et d'arrêter de se servir de ce sujet pour toucher les cordes sensibles seulement en période préélectorale. En effet, il est important que chaque parti clarifie sa position à cet égard.
    Pour ma part, je peux vous dire que les Canadiens sauront à quoi s'en tenir à l'égard de la langue française dans les 100 premiers jours de mandat du chef du Parti conservateur. Les langues officielles ainsi que les minorités linguistiques sont importantes au Québec comme ailleurs au pays.
    Vous avez parlé d'un système symétrique en matière de langues officielles. Vous êtes ici dans un forum fédéral où sont représentés plusieurs territoires. Le gouvernement du Québec, pour sa part, gère la langue française sur le territoire de la province de Québec. Or, notre étude porte sur les mesures du gouvernement pour protéger et promouvoir la langue française au Québec et au Canada.
    Je vous invite donc à faire preuve d'une plus grande ouverture et à ne pas regarder seulement du côté du Québec pour trouver une solution. Arrêtons de mettre le français et l'anglais en opposition et travaillons ensemble pour promouvoir le français. Personnellement, je suis porté davantage à promouvoir une langue qu'à l'isoler en pensant que nous pouvons être solides sur un petit territoire. Je préfère voir plus grand et étendre la langue française partout au Canada.
    J'aimerais entendre votre opinion à cet égard, monsieur Côté.
    Je vous remercie de votre question.
    En fait, je partage votre esprit d'ouverture.
    Pour répondre également à la question précédente de M. Boulerice, je dirai que, si nous avons concentré notre étude et nos propositions sur la situation du Québec, c'est tout simplement parce que cela correspond à l'encadrement du projet de recherche intellectuelle. Nous ne sommes absolument pas opposés à l'idée d'étendre à l'extérieur du Québec les mesures que nous proposons. À vrai dire, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario ou le Manitoba pourraient tout à fait s'inspirer des mesures que nous proposons dans notre mémoire. Ces mesures seraient applicables sur le territoire du Québec là où le fédéral a compétence. Cela dit, absolument rien n'empêche le fédéral d'appliquer des mesures analogues au sein des autres provinces. Nous sommes dans une fédération, non pas dans un État unitaire. Au sein d'une fédération, les distinctions provinciales de chacun des états provinciaux méritent un traitement différencié.
    Nous proposons un traitement différencié pour le territoire du Québec, qui est le siège de la francophonie et la seule province où les francophones sont majoritaires. Cependant, absolument rien n'empêche le fédéral de faire migrer de telles mesures vers l'extérieur pour protéger également les francophones hors Québec. En fait, si c'était le cas, nous nous en réjouirions. Il n'y a aucune opposition de notre part.
(1625)
    Merci, monsieur Côté.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste 45 secondes.
    Je vais donner les secondes restantes à mon collègue M. Dalton.
    Monsieur Dalton, vous avez la parole.
    J'aimerais dire à M. Côté que j'ai beaucoup aimé ses propos. Il a fait valoir son point de vue haut et fort.
    Le Comité permanent des langues officielles avait demandé au gouvernement de présenter un projet de loi avant Noël, mais cela n'a pas été fait. Comme vous l'avez dit, nous n'avons droit qu'à de belles paroles de la part du gouvernement. On parle de projets et de plans, mais, ce que nous voulons, ce sont des propositions concrètes. Nous voulons un projet de loi avant la prochaine élection. Voilà le problème devant lequel nous nous trouvons présentement.
    À moins que vous ne puissiez répondre en moins de 10 secondes, monsieur Côté, le temps de parole est écoulé.
    N'en déplaise à Justin Trudeau et à Mélanie Joly, la loi ne croit pas au père Noël, alors nous aurons besoin de mesures concrètes avant les prochaines élections, à tout le moins.
    Merci, monsieur Côté.
    Monsieur Duguid, vous avez la parole pour les quatre prochaines minutes.

[Traduction]

    Monsieur Duguid, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'excuse, mais mon ordinateur a planté et j'ai dû le redémarrer avant de revenir.
    Cela fait plaisir de revoir tout le monde.
    Je crois que ma question s'adresse à Me Labelle Eastaugh.
    Deux des députés qui siègent au Comité viennent du Manitoba, et j'ai fait valoir de nombreuses fois devant le Comité qu'il y a dans cette province une communauté francophone historique très dynamique, qui y est établie depuis des siècles.
    Les données montrent que le français recule dans l'Ouest canadien. Il y a une pénurie d'enseignants francophones dans l'Ouest du Canada, et peu de places pour recevoir une éducation en français. Cela va à l'encontre du droit constitutionnel de ces communautés de recevoir une éducation dans la langue de la minorité. Ces communautés doivent s'adresser aux tribunaux pour faire valoir leurs droits.
    J'aimerais avoir vos commentaires quant à votre interprétation du Livre blanc publié par la ministre Joly il n'y a pas si longtemps; croyez-vous qu'il y a une amélioration de ce côté-là, que les communautés n'auront plus besoin de se tourner vers les tribunaux? Avez-vous des conseils à nous donner pour faire en sorte que ces communautés n'aient plus à se tourner vers les tribunaux pour faire valoir leurs droits constitutionnels?
    Merci, monsieur Duguid.
    Un commentaire positif que je pourrais faire par rapport au Livre blanc est que le gouvernement, pour la première fois, reconnaît clairement et ouvertement l'importance des institutions pour la survie et le développement des communautés linguistiques en situation minoritaire du Canada. Les minorités défendent cela devant les tribunaux depuis 40 ans, et nous sommes heureux de voir que le gouvernement fédéral s'est engagé à offrir son soutien pour cela.
    Dans l'avenir, si nous voulons garder espoir d'inverser les tendances que vous avez mentionnées dans vos commentaires, il va falloir des investissements substantiels dans le développement des institutions des communautés en situation minoritaire, parce que c'est dans ces espaces que la langue vit. Sans ces espaces, la langue va simplement disparaître.
    Pour ce qui est d'éviter les tribunaux, je dirais que les gouvernements pourraient commencer par mettre en œuvre leurs obligations, dans un esprit de générosité, au lieu d'adopter les interprétations restrictives qui leur sont imposées par leur ministère de la Justice.
    Si le Parlement veut aider ces communautés à éviter ce genre de problème, je lui recommanderais d'essayer de réduire au minimum l'ambiguïté de la loi et d'imposer des obligations claires à l'égard du développement des institutions des communautés minoritaires. Je comprends tout de même que cela pose un problème, parce que vous voulez que les obligations puissent être adaptées selon le contexte.
    Vous pourriez aussi songer à inverser le fardeau de la preuve dans les poursuites judiciaires relatives aux droits linguistiques. Actuellement, une personne qui croit que ses droits sous le régime de la loi ont été violés va déposer une plainte et le commissaire va préparer un rapport; mais ensuite, si la personne croit qu'elle doit se tourner vers les tribunaux pour résoudre le problème, parce que l'institution refuse de se conformer, alors elle doit monter un dossier et défendre sa cause devant la Cour fédérale.
    Une option que vous pourriez examiner, pour inverser le fardeau de la preuve, serait de faire en sorte que, si le commissaire dépose un rapport selon lequel il y a eu un manquement, il incomberait à l'institution de contester la conclusion devant les tribunaux, plutôt que d'imposer aux particuliers le fardeau de la défendre, parce que ceux-ci ne disposent habituellement pas de beaucoup de moyens pour cela.
(1630)
    Peut-être que Me Côté pourrait faire un bref commentaire.
    Oui, en 15 secondes.
    Merci.
    À dire vrai, c'est ce qui est prévu dans la Charte de la langue française. Il incombe à l'employeur de démontrer que l'anglais est nécessaire; cela allège le fardeau des plaignants, qui n'ont pas à démontrer que leurs droits linguistiques ont été violés. On pourrait remplir précisément cet objectif en transposant dans la loi fédérale le régime juridique de la Charte de la langue française.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Côté.
    Merci, monsieur Duguid.
    Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour les deux prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    L'une des propositions que nous entendons est d'adapter la Loi sur les langues officielles pour satisfaire aux demandes du Québec. Il faut comprendre que le modèle territorial que le Québec essaie de mettre en place a pour objectif de faire du français la langue commune en milieu de travail, la langue commune de la province et la langue d'intégration. Or, ce n'est pas l'objectif de la Loi sur les langues officielles, laquelle propose plutôt de donner un libre choix et d'assurer une forme de bilinguisme. Cette proposition est impossible dans le reste du Canada, étant donné que les francophones sont vraiment en minorité.
    La raison pour laquelle il faut favoriser l'esprit de la loi 101 plutôt que le bilinguisme, c'est que celle-ci vise à faire du français la langue commune. En favorisant le bilinguisme, on envoie aux nouveaux arrivants le message selon lequel ils n'ont pas besoin d'apprendre le français pour s'intégrer à notre société, car ils peuvent tout aussi bien s'y intégrer grâce à l'anglais.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Côté?
    Je suis absolument d'accord avec vous. C'est là l'essentiel. C'est au coeur des propositions que nous soumettons à la Chambre des communes. Il faut avoir un modèle territorial pour véritablement conférer un statut particulier et distinct à la langue française. Nous le proposons au Québec, mais rien n'empêche qu'on l'étende ailleurs.
    Au Québec, à tout le moins, la langue française doit véritablement être la langue commune, et non faire l'objet d'une simple revendication individuelle. C'est le modèle territorial qui nous permettra véritablement de défendre une langue collective là où elle se trouve en majorité, alors qu'elle est en minorité dans un ensemble fédéral.
    On a besoin carrément de rompre avec l'esprit du bilinguisme symétrique pour épouser le bilinguisme asymétrique, avec une facture territoriale, dans l'esprit de Camille Laurin et de la Charte de la langue française. C'est la seule véritable manière d'obtenir des effets de protection linguistique au Québec.
    J'aimerais ajouter un commentaire, monsieur le président.
    Vous avez 10 secondes.
    Je veux seulement dire que M. Côté véhicule une vision quelque peu utopique des effets de la loi 101. J'ai travaillé pendant presque deux ans dans une grande entreprise à Montréal, et je peux vous dire que la dynamique décrite par M. Arseneault tout à l'heure est très présente dans les entreprises privées. Il est donc inexact de prétendre que la loi 101 est nettement plus efficace que la Loi sur les langues officielles.
    Merci, monsieur Labelle Eastaugh.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour les deux prochaines minutes.
(1635)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Nous constatons bien que les témoignages d'aujourd'hui présentent des visions opposées. C'est correct, c'est tout à fait normal. Or, je suis content de voir que nos deux témoins s'entendent sur une chose, c'est-à-dire la situation asymétrique des deux langues. Je pense que c'est quelque chose d'intéressant que nous, tous ensemble, devrions pouvoir mettre à profit dans le cadre de cette étude, en vue du rapport à venir.
    Monsieur Labelle Eastaugh, nous avons vu récemment les propositions et le document de travail de la ministre. Il y est question des droits linguistiques des travailleurs et travailleuses francophones à l'extérieur du Québec, mais en tenant compte des concentrations de francophones, qui varient selon les régions. Cela inquiète certaines personnes.
    Monsieur Arseneault, j'ai rencontré récemment des artistes acadiens francophones du Nouveau-Brunswick qui ne voulaient pas que le Nouveau-Brunswick soit divisé en petites régions et que les droits des francophones soient ainsi inégaux.
    Monsieur Labelle Eastaugh, vous avez parlé de critères fédéraux. Qu'est-ce qui pourrait être proposé pour qu'on respecte au maximum les droits des travailleurs et travailleuses francophones en situation minoritaire?
    Je vous remercie de la question, monsieur Boulerice.
    Pour ce qui est des travailleurs et travailleuses, le gouvernement fédéral pourrait d'abord s'inspirer du système déjà en place dans la fonction publique. En vertu de la Loi sur les langues officielles, certaines régions sont désignées comme étant bilingues, c'est-à-dire qu'on a le droit d'y travailler soit en français, soit en anglais, au choix. Il me semble que ce système pourrait être adapté dans le cas des entreprises privées. Puisqu'un système existe déjà, je ne vois pas pourquoi on ne s'en servirait pas.
    Pour notre part, nous serions inquiets si le gouvernement fédéral proposait de conférer ces droits uniquement dans des régions à majorité francophone. Cela exclurait une part très importante de la francophonie canadienne.
    Je vous remercie.
    C'est tout le temps que nous avions...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Vous avez la parole, monsieur Arseneault.
    Serait-il possible de rappeler aux témoins que, s'ils ont de l'information supplémentaire, ils ne doivent pas hésiter à la faire parvenir au Comité?
    Voilà, le message est passé. N'hésitez pas à envoyer toute information à notre greffière, s'il vous plaît.
    Souhaitez-vous invoquer le Règlement, monsieur Beaulieu?
    En fait, M. Perreault semble être là maintenant, alors je me demandais s'il allait pouvoir prendre la parole.
    Nous avons un autre groupe de témoins qui nous attend pour la deuxième heure, et nous devons faire des tests de son. Nous devons malheureusement bien gérer notre temps.
    Maîtres Labelle Eastaugh et Côté, au nom des membres du Comité permanent des langues officielles, je tiens sincèrement à vous remercier de vos témoignages. Ils sont importants pour l'étude que nous menons.
    Je vous remercie également, monsieur Perreault, même si nous n'avons pas pu vous entendre.
    Je rappelle que Me Labelle Eastaugh est directeur de l'Observatoire international des droits linguistiques et professeur à la Faculté de droit de l'Université de Moncton. Il fait également partie de l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick.
    Me Côté, qui représente Impératif français, nous a entretenus en l'absence de M. Perreault, qui éprouvait des difficultés techniques.
    Encore une fois, je vous remercie et je vous invite à nous envoyer des mémoires ou des rapports, puisque nous venons à peine de commencer notre étude.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes, de façon à accueillir les prochains témoins.
(1635)

(1640)
    Le Comité reprend ses travaux.
    Aujourd'hui, le Comité se réunit dans le cadre de son étude sur les mesures du gouvernement visant à protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.

[Traduction]

    J'ai quelques commentaires à faire à l'intention des témoins.

[Français]

    Avant de prendre la parole, s'il vous plaît, attendez que je vous nomme. Lorsque vous êtes prêts à parler, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer. Les députés préciseront à qui s'adressent leurs questions.

[Traduction]

    Je vous rappelle à tous que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.

[Français]

    Les services d'interprétation offerts pour cette vidéoconférence sont à peu près les mêmes que ceux offerts pendant les réunions ordinaires du Comité. Au bas de l'écran, vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français.

[Traduction]

    Je vous demanderais de parler lentement et clairement et de mettre votre micro en sourdine quand vous n'avez pas la parole.

[Français]

    J'aimerais maintenant accueillir les témoins et leur souhaiter la bienvenue.
    Vous disposerez de sept minutes et demie pour faire votre allocution d'ouverture. Nous aurons ensuite une période de questions et de réponses.
    Comme à l'habitude, je vais vous aviser lorsqu'il vous restera une minute de temps de parole et lorsque celui-ci sera écoulé.
    Nous recevons l'honorable Serge Joyal, juriste et ancien sénateur. Il témoignera à titre personnel.
    Nous recevons également l'honorable Marlene Jennings, présidente du Quebec Community Groups Network, ainsi que Mme Sylvia Martin-Laforge, directrice générale du QCGN.
    Monsieur Joyal, vous avez la parole pour sept minutes et demie.
    Je vais tenter d'utiliser mes sept minutes et demie de la manière la plus efficace possible.
    Je voudrais vous remercier de m'avoir invité cet après-midi.
    Je possède 45 années d'expérience personnelle en ce qui a trait à la Loi sur les langues officielles au Canada.
    Cela a commencé en 1976, lorsque j'ai intenté une poursuite à la Cour supérieure du Québec, devant l'honorable juge Jules Deschênes, contre Air Canada, qui était à l'époque une entreprise d'État. Le recours avait pour but de permettre aux employés d'Air Canada de travailler en français et, surtout, d'obtenir une injonction pour l'obliger à traduire tous ses manuels d'entretien, afin que la langue française comme langue de travail soit véritablement efficace.
    Par la suite, j'ai été à l'origine de la création du Comité permanent des langues officielles, dont vous êtes les honorables membres aujourd'hui. Pour ce faire, j'ai déposé en 1981 un projet de loi, avec mon collègue M. Pierre De Bané.
    Je suis également l'auteur du Programme de contestation judiciaire pour les articles 16 à 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, articles qui définissent le statut du français et lui donnent la protection que vous connaissez.
    Je suis intervenu en 1997 dans le dossier de l'Hôpital Montfort. Je n'ai pas à donner de détails sur cette situation; je pense que la majorité d'entre vous s'en souvient.
    Je suis également intervenu auprès du président du Conseil du Trésor en 1998, lorsque les communautés francophones ont dû subir les conséquences des compressions budgétaires décrétées par le gouvernement de l'époque. D'ailleurs, aucun poste budgétaire du gouvernement n'y avait échappé, sauf ceux visant des groupes autochtones et pour lesquels une exception avait été faite. Il n'y avait cependant eu aucune exception pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je suis donc intervenu pour que cette décision soit révisée.
    J'ai été le porteur de la modification apportée à la partie VII de la Loi sur les langues officielles en 2005. Quand notre collègue le feu sénateur Jean-Robert Gauthier s'est retiré, nous avons pu poursuivre les débats et faire adopter la modification à la partie VII. Je reviendrai sur cet aspect tantôt.
    Je suis intervenu en 2007 pour empêcher l'abolition du Programme de contestation judiciaire par le gouvernement de l'époque. J'ai appuyé la Fédération des communautés francophones et acadienne, qui menaçait de poursuivre le gouvernement afin qu'il revienne sur sa décision d'abolir le Programme.
    J'ai participé à l'étude du Comité sénatorial permanent des langues officielles sur la révision de la Loi sur les langues officielles, en 2018.
    Finalement, en 2019, j'ai adressé une demande à la Cour supérieure du Québec en vue de faire appliquer l'article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982, c'est-à-dire de faire adopter une version française officielle de la Loi constitutionnelle de 1867. Nous sommes présentement devant les tribunaux pour défendre ce dossier.
    C'est donc sur cette base que je vous remercie de m'avoir invité cet après-midi.
    Je ferai une brève présentation, mais j'imagine que, lors de la période de questions, nous aurons l'occasion de préciser plusieurs des points que j'aurai soulevés.
    Mettons d'abord les choses au clair pour tout le monde.
    Mon premier point a trait à l'immigration, c'est-à-dire qu'il faut maintenir une masse critique stable de locuteurs francophones. Cet objectif est essentiel à la vitalité du français au pays. Pourquoi? C'est parce que le taux de fertilité ne réussit pas à surpasser le taux de décès. C'est le cas même au Québec, province dont je suis moi-même originaire. Il y a donc une perte nette annuelle si l'on n'a pas recours à l'immigration.
    Deuxièmement, le Québec est la province où les gens vieillissent le plus rapidement. Dans le monde entier, nous sommes presque ex æquo avec le Japon. Selon les statistiques, 25 % des Québécois auront 65 ans et plus d'ici 2030. C'est donc dire que 25 % de la population aura quitté le marché du travail ou n'y participera plus de façon active. C'est une donnée qu'il est absolument important de considérer relativement au marché du travail.
(1645)
    Je vous renvoie à l'éditorial du Devoir d'hier, le 24 février. L'Institut de la statistique du Québec concluait que « les personnes immigrantes occupaient 12,2 % de tous les emplois au Québec il y a 10 ans », mais qu'elles en occupent maintenant 18 %. C'est donc dire qu'il y a eu 250 000 emplois occupés par les sources d'immigration alors que les emplois occupés par les personnes déjà résidantes au Québec ont diminué de 110 000.
    Cela signifie que, si l'on ne peut pas recourir aux ressources démographiques de l'immigration, le rapport entre les locuteurs francophones et les locuteurs anglophones au Québec va s'amenuiser. Il va s'amenuiser au point où la vie communautaire en français va devenir extrêmement difficile dans certaines régions.
    À mon avis, cette question est fondamentale si nous voulons comprendre la dynamique dans laquelle nous sommes engagés collectivement, en tant que Québécois et Canadiens, en matière d'immigration. Il est essentiel de s'assurer que les personnes qui veulent immigrer peuvent avoir un parcours de formation facilité par un appui financier, non seulement aux travailleurs, mais aussi à la famille et à ceux qui font partie de la cellule familiale. Cela permettra de reconstituer ce rapport d'équilibre qui, à mon avis, est essentiel dans notre pays.
    En conclusion, ce qui m'apparaît extrêmement important, c'est la découvrabilité des œuvres françaises sur les plateformes numériques. Les nouvelles générations sont soumises à l'influence de la langue anglaise par cet instrument que vous avez tous dans la main. À mon avis, la question de cette anglicisation est une priorité beaucoup plus importante, et elle doit faire l'objet d'initiatives de la part du gouvernement. Sinon, les quelques mesures que nous pouvons prendre à droite et à gauche ne réussiront pas à renverser la tendance de l'omniprésence de l'anglais dans toutes les sphères de la vie quotidienne.
    Merci, monsieur le président. Je serai heureux de participer à votre échange cet après-midi.
(1650)
    Merci beaucoup, monsieur Joyal. C'est toute une feuille de route.
    Nous passons maintenant aux représentantes du Quebec Community Groups Network.
    Mesdames, je vous cède la parole pour sept minutes et demie.

[Traduction]

    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je m'appelle Marlene Jennings, et je suis la présidente du Quebec Community Groups Network. Je suis accompagnée aujourd'hui de la directrice générale du QCGN, Mme Sylvia Martin-Laforge.
    Au cours de la dernière décennie, le gouvernement du Canada a subi des pressions de la part de communautés de langue officielle en situation minoritaire pour moderniser la Loi sur les langues officielles. Sous la direction du QCGN, des anglophones du Québec ont participé activement à de nombreux processus de consultation qui ont abouti aux propositions sur la voie à suivre déposées par l'honorable Mélanie Joly la semaine dernière.
    Le mémoire du QCGN sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, qui a été présenté au Comité le 27 novembre 2018, a été rédigé avec la collaboration d'une grande partie du secteur communautaire servant les anglophones du Québec. Nous tenons à remercier les organisations ayant pris le temps d'y contribuer.
    Les attentes du Québec anglophone à l'égard de la modernisation de la loi demeurent les suivantes:
    Le principe directeur de la loi actuelle doit demeurer intact: l'égalité du statut de l'anglais et du français. L'égalité de statut doit être garantie catégoriquement dans toutes les institutions assujetties à la loi partout au Canada.
    Nous sommes pleinement conscients que le terme « égalité » a eu une signification juridique bien précise. C'est pourquoi l'équipe QCGN appuie l'approche de mise en œuvre des engagements du gouvernement fédéral envers les communautés anglophones et francophones en situation minoritaire du Canada qui soit adaptée au contexte et aux besoins spécifiques des différentes communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Nous comprenons que la langue française nécessite une attention particulière et nous savons que les données démontrent une baisse de l'utilisation du français à l'échelle nationale ainsi que les dangers qui guettent les communautés francophones en situation minoritaire sur le plan démographique. Nous venons justement d'entendre le témoignage du sénateur Joyal sur la réalité de la question démographique.
    J'ai fait une déclaration — conjointement avec certains membres du Comité — pour réitérer l'engagement de notre organisation à respecter le français comme langue officielle du Québec et à poursuivre le travail que nous réalisons pour soutenir et défendre le français au Québec et dans le reste du Canada.
    Cependant, nous rejetons l'idée que, dans la sphère fédérale, la protection et la promotion du français passent nécessairement par une restriction des droits linguistiques des anglophones du Québec. Notre communauté sert trop souvent de bouc émissaire, et elle est parfois tout simplement ignorée. C'est assez. La majorité des anglophones du Québec y sont restés après la tourmente des années 1970. Le Québec, c'est aussi chez nous, et nous savons que nous devons apprendre le français et l'utiliser dans l'espace public.
    Après tout, c'est un groupe de parents anglophones préoccupés de Saint-Lambert qui, dans les années 1960, ont inventé l'immersion française pour que leurs enfants puissent vivre et s'intégrer dans un Québec francophone. Nous avons été étonnés de constater que le gouvernement n'a pas fait mention de nos écoles dans ses plans visant à soutenir davantage l'immersion française.
    Nos institutions communautaires — les hôpitaux, les bibliothèques, les établissements postsecondaires — servent l'ensemble de la population du Québec, en anglais et en français. C'est un fait connu que Jean-François Lisée a appris l'anglais dans un groupe de scouts de Thetford Mines. Paul St-Pierre Plamondon a étudié à l'Université McGill, tout comme Laurent Duvernay-Tardif. Harmonium a fait ses débuts sur les ondes de CHOM FM.
    Notre communauté ne menace aucunement le français, nous ne sommes pas des « ennemis ».
(1655)
    Les propositions du gouvernement du Canada tiennent compte des demandes importantes formulées par la communauté anglophone du Québec dans le cadre des consultations concernant la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    Il y a lieu d'être optimistes quant aux propositions visant à renforcer le rôle du Conseil du Trésor dans la coordination de la loi et à élargir les pouvoirs du commissaire aux langues officielles pour assurer le respect de la loi.
    Aussi, nous sommes ravis que le Programme de contestation judiciaire soit maintenant inscrit dans la loi, car il s'agit d'un important mécanisme de protection des droits linguistiques devant les tribunaux.
    Il est possible de mieux soutenir nos institutions communautaires, et il existe des dispositions permettant une plus grande transparence sur les transferts fédéraux destinés à assurer notre vitalité. Ces propositions sont toutefois modulées par la nécessité de collaborer avec les provinces.
    En toute honnêteté, le Québec n'affiche pas un bon bilan sur aucun de ces fronts. La centralisation de la gestion et du contrôle des établissements de santé et de services sociaux a eu de graves conséquences sur la participation de la communauté à la direction des hôpitaux. Par l'adoption de la loi 40, le gouvernement provincial a tenté de nous priver des droits à l'éducation dans la langue de la minorité linguistique, prévue à l'article 23 de la loi, et, à ce jour, la lutte se poursuit devant les tribunaux.
    Maintenant, le gouvernement du Québec laisse planer l'idée de limiter le nombre d'inscriptions dans les cégeps anglophones, ce qui aurait une incidence directe sur les ressources mises à la disposition de ces derniers.
    Le Québec n'a jamais accepté de clause linguistique contraignante ni de dispositions en faveur de la transparence en matière de transferts fédéraux. Il n'y a aucune raison de penser qu'il en acceptera à l'avenir.
    Nous constatons que les propositions du gouvernement du Canada représentent un changement fondamental dans l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard des langues officielles, et les effets interprétatifs de ce changement sur les droits des Canadiens en matière de langues officielles ne sont pas clairs. Nous nous trouvons en terrain inconnu et, à première vue, cela pourrait mettre en péril les droits des anglophones du Québec à l'avenir.
    Le QCGN et la communauté anglophone du Québec sont amèrement déçus que le document de proposition de la ministre Joly n'ait pas abordé les graves problèmes auxquels sont confrontés les membres de notre communauté. Notre taux de chômage est chroniquement plus élevé que celui de la majorité. Nos revenus médians sont nettement inférieurs à ceux des francophones du Québec, et nous affichons les revenus médians les plus bas de toutes les communautés de langue officielle en situation minoritaire du Canada. Au Québec, près d'un anglophone sur cinq vit sous le seuil de la pauvreté.
    Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle positif pour aborder ces réalités. Nous implorons votre comité de recommander au gouvernement fédéral de régler ces problèmes en modernisant la Loi sur les langues officielles. Ne rien faire reviendrait à dire aux Québécois anglophones: « Vous pouvez prendre l'autobus, mais assoyez-vous à l'arrière ».
    Merci.
(1700)

[Français]

     Je remercie les témoins de leur présentation.
    Nous aurons deux tours de questions. Dans le premier tour, chaque député disposera de cinq minutes.
    Monsieur Dalton, vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le sénateur Joyal, j'ai beaucoup apprécié vos commentaires. Nous avons beaucoup à apprendre de vous.
     Vous avez souligné l'importance de l'immigration et la baisse démographique dans la Belle Province. Le Québec a déjà du pouvoir en matière d'immigration.
    Qu'est-ce que la province peut faire de plus? Vous avez parlé de l'importance de contrôler cet aspect. Est-ce que la province n'en a pas déjà le contrôle?
    Ce que vous soulevez est absolument vrai.
    Comme vous le savez, le Québec dispose de l'initiative en matière de sélection des immigrants depuis l'entente Cullen-Couture de 1978, qui a été renouvelée par la ministre McDougall et qui est toujours en application. Cela est important sur deux plans.
    D'une part, il y a la formation des immigrants en langue française. Je ne sais pas si vous connaissez le rapport de la vérificatrice générale du Québec sur l'inefficacité — malheureusement — de la gestion des programmes d'enseignement du français aux immigrants. À mon avis, il y a là une responsabilité dont l'application doit être redéfinie. C'est absolument essentiel.
    D'autre part, on a vu le gouvernement du Québec — et je ne fais pas de politique partisane, ici — réduire le taux d'immigration au Québec. Le Québec a la possibilité de réduire son taux d'immigration en ne qualifiant pas ou en ne sélectionnant pas des immigrants. Cependant, ce faisant, il diminue son influence relative au Canada, et cela a une importance qui vous touche, à la Chambre des communes.
     Je regarde M. Beaulieu. Lorsqu'il s'agit de redéfinir la carte électorale, on tient toujours compte de l'augmentation des ratios de population dans les différentes régions du pays. Regardez ce qui est arrivé au dernier redécoupage électoral. Une majorité de députés a été attribuée à l'Ontario et aux provinces de l'Ouest, alors que seulement trois députés de plus ont été attribués au Québec. Toutefois, en pratique, cela ne correspondait pas à l'augmentation réelle de la population.
    Donc, pour le Québec, la question de déterminer le quantum de l'immigration est une décision très stratégique pour maintenir son influence en tant que foyer principal de la vie française au Canada et en Amérique du Nord, comme l'ont dit plus tôt certains témoins. Nous en sommes tous conscients. Pour raffermir le poids sociétal du Québec français, il faut, non pas que la population du Québec s'éteigne et se réduise constamment, mais il doit y avoir un mouvement constant d'immigration intégrée à la vie française...
    Pardonnez-moi, je n'ai que quelques minutes.
     Il vous reste une minute.
    D'accord. Je poserai une courte question et je m'adresserai ensuite à Mme Jennings.
    Est-il vrai que, peu de temps après leur arrivée au Québec, beaucoup d'immigrants se dirigent vers Toronto ou Vancouver?
    Je ne pourrai pas vous répondre de façon détaillée et vous donner les taux de la migration interprovinciale, c'est-à-dire le nombre d'immigrants qui sont reçus au Québec et deviennent citoyens canadiens et qui, après un certain temps, décident d'aller s'établir ailleurs...
(1705)
    Je vous remercie, monsieur Joyal.
    J'ai seulement quelques secondes et j'aimerais poser une question à Mme Jennings.
    Vous avez 15 secondes, monsieur Dalton.

[Traduction]

    Madame Jennings, quand vous avez témoigné, en décembre, on vous a demandé si le gouvernement vous avait consulté en ce qui concerne le Livre blanc, et vous avez répondu par la négative. Je me demandais seulement si on avait communiqué avec vous depuis. Vous aviez fait quelques commentaires, à l'époque.
    Le QCGN n'avait pas été consulté quand j'ai témoigné en décembre. Cependant, c'est peut-être ce qui a donné l'élan. Depuis, le QCGN a eu des discussions régulières avec l'équipe de la ministre, et même parfois avec la ministre elle-même.
    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    La prochaine intervenante est Mme Lattanzio. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Avant tout, je tiens à remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Soyez assurés que vos commentaires sont d'une importance cruciale pour nous.
    Je vais commencer en adressant mes questions au QCGN.
    Nous avons souvent tendance à faire fi de la réalité de la communauté minoritaire anglophone du Québec. J'aimerais que les membres du Comité puissent avoir un bon aperçu de la communauté minoritaire anglophone du Québec.
    Madame Jennings, je sais que vous l'avez déjà fait dans votre exposé, mais pourriez-vous nous donner des exemples plus précis sur les possibilités d'emploi, sur le revenu médian, sur la rétention des élèves et sur les facteurs qui assureront la vitalité de la communauté minoritaire anglophone? Pouvez-vous nous donner un aperçu au meilleur de vos connaissances?
    Merci.
    Merci beaucoup de la question.
    Nous savons tous et toutes que l'employabilité et les emplois sont des indicateurs et des facteurs clés essentiels de la vitalité de toute communauté minoritaire. Figurez-vous qu'au Québec, le principal employeur est le gouvernement québécois. On pourrait dire qu'il a levé le pont-levis pour empêcher les Québécois anglophones d'entrer dans son château. À peine 1 % des fonctionnaires québécois sont anglophones.
    Ensuite, il y a le gouvernement fédéral. Peut-être pourrions-nous trouver des emplois là. Mais savez-vous que, dans toutes les institutions fédérales du Québec assujetties à la mouture actuelle de la Loi sur les langues officielles — c'est-à-dire plus de la moitié des institutions —, les Québécois anglophones sont sous-représentés. Des 3 800 employés du Service correctionnel du Canada au Québec, 110 sont anglophones.
    Le taux de chômage des anglophones est aussi plus élevé que celui de la majorité. Notre revenu médian est parmi les plus bas de toutes les communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada. Parmi les Québécois anglophones, 18 % vivent sous le seuil de lont pauvreté, en comparaison de 12 % des Québécois francophones. Les inscriptions dans les écoles primaires et secondaires a diminué de 60 % depuis les années 1970. Pourtant, notre taux de bilinguisme a atteint 69 % et il est même de 82 % chez les jeunes.
    Les gens qui fréquentent nos écoles et qui en sont diplômés sont parfaitement bilingues, et pourtant, quand ils essaient de décrocher un emploi, le gouvernement provincial leur ferme la porte au nez, tandis que le gouvernement fédéral la laisse tout juste entrouverte. Les propositions de la ministre Joly ne font absolument aucune mention de cette question. Il s'agit d'un enjeu clé pour la vitalité de notre communauté, mais il n'y a aucune mesure pour régler ces problèmes.
    J'ai une question complémentaire. Je vais vous demander de prédire un peu l'avenir. Selon vous, qu'adviendra-t-il de votre communauté dans les 5 à 10 prochaines années? Quelles sont les plus grandes difficultés que vous voyez? Et cela nous amène à nous demander ce que le gouvernement du Canada peut faire pour assurer la vitalité de votre communauté.
    Pour commencer, la première chose que le gouvernement du Canada peut faire, c'est confirmer la dualité linguistique et l'égalité des deux langues officielles, l'anglais et le français.
    Ensuite, nous reconnaissons que le français est la langue de travail officielle dans la province du Québec et qu'il est la langue courante dans la sphère publique. Nous sommes d'accord pour qu'il le soit. Ce que nous voulons, c'est que le gouvernement sorte de nos chambres et de nos maisons. La langue parlée à la maison ne concerne que la famille. La question est donc, quelle langue parlent-ils dans la sphère publique à l'extérieur de la maison et quelle langue parlent-ils au travail? La très grande majorité des Québécois anglophones sont bilingues, et ils peuvent et veulent travailler en français; on ne nous le permet tout simplement pas.
    Si le gouvernement fédéral ne prend pas des mesures pour régler les grands problèmes dont nous avons parlé, l'avenir s'annonce très peu radieux pour les communautés minoritaires anglophones du Québec. C'est mon premier point. Deuxièmement, si notre propre gouvernement provincial continue de refuser de s'attaquer à ces problèmes et de faire de nous un bouc émissaire, je prévois un avenir encore plus sombre.
(1710)

[Français]

     Monsieur le président, je vais adresser ma prochaine question...
    Madame Lattanzio, il ne vous reste plus temps de parole, je m'excuse.
    Je vous remercie. J'espère que j'aurais plus de temps tout à l'heure.
    Le temps passe vite.
    Pour les cinq prochaines minutes, je cède la parole à M. Beaulieu.
    Bonjour.
    Mme Jennings a parlé tantôt de l'égalité de statut. On sait qu'à l'extérieur du Québec, l'anglais est la langue commune, la langue d'intégration des immigrants. Les transferts linguistiques des allophones se font massivement vers l'anglais, peut-être jusqu'à 99 %. Chaque année, l'assimilation des francophones hors Québec ne cesse de croître.
    Au Québec, c'est plutôt l'inverse. Les établissements scolaires anglophones sont surfinancés, que ce soit au primaire ou au secondaire. Les cégeps anglophones reçoivent à peu près 17 % du financement, alors que la langue maternelle de 8,1 % des étudiants est l'anglais. À l'université, il y a un écart encore plus grand.
    Sans faire la même chose que ce qui se fait au Canada anglais envers les francophones, ne pensez-vous pas qu'il serait équitable qu'il y ait un meilleur équilibre? En fait, pour ce qui est des établissements anglophones, la loi 101 a toujours voulu qu'ils soient maintenus, mais pour les anglophones, pas pour l'ensemble de la population, puisque cela favorise les transferts linguistiques vers l'anglais.
    Qu'en pensez-vous, madame Jennings?
    D'abord, je crois que la communauté anglophone ne devrait pas être utilisée comme un ballon de soccer pour promouvoir des politiques identitaires.
    Ensuite, je pense que le système d'éducation relevant des commissions scolaires anglophones, au Québec, se limite au primaire et au secondaire, et ce, en vertu de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Toutes les données démontrent, d'année en année, que ce sont nos élèves de la cinquième année du secondaire qui obtiennent les meilleurs résultats aux examens obligatoires au niveau provincial. Nous avons donc prouvé que nous sommes capables de bien enseigner le français, et que notre cohorte de jeunes est à 82 % parfaitement bilingue.
    C'est la situation juste à Montréal, oui.
    Lorsque ces jeunes sont rendus adultes, c'est à eux de décider dans quelle langue ils veulent étudier. J'avais commencé mes études à l'Université McGill, et je ne les ai pas terminées. Dans ma trentaine, quand j'ai décidé de retourner aux études, j'ai choisi l'Université du Québec à Montréal. J'étais adulte. Si je prenais votre point de vue ou l'idéologie que vous êtes en train de véhiculer, j'aurais dû me limiter seulement aux institutions postsecondaires anglophones, puisque j'ai reçu mon éducation en anglais au primaire et au secondaire.
    Madame Jennings, vous me faites dire ce que je n'ai pas du tout dit.
    Le fait qu'il y ait des institutions anglophones qui puissent répondre aux besoins de la communauté anglophone, c'est déjà beaucoup plus généreux que ce qui se fait au Canada anglais pour les francophones. Ce n'est pas jouer au football que de vouloir l'équité et l'égalité.
    Je vais vous donner un autre exemple.
    On sait que, pour assurer le poids démographique des francophones au Québec, il faudrait que les nouveaux arrivants s'intègrent à la société québécoise et qu'il y ait des transferts linguistiques proportionnels au poids démographique des francophones. Dans n'importe quel pays, quand un nouvel arrivant s'installe, il est tout à fait normal qu'il veuille s'intégrer à la majorité.
    Ce sont 85 % des nouveaux arrivants qui débarquent à Montréal et, quand ils s'installent, il y a une tendance naturelle chez eux de se diriger vers la majorité canadienne-anglaise. C'est pour cette raison que le français doit être la langue commune, la langue officielle, la langue d'inclusion de tout le monde, y compris des anglophones, cela étant dit en tout respect.
    Nous sommes tout à fait d'accord pour maintenir des institutions anglophones afin de préserver l'épanouissement de la communauté anglophone.
    Vous dites que vous êtes d'accord sur le fait que le français est la langue commune. Cela veut dire qu'il est normal, même pour les anglophones, d'utiliser le français comme langue commune, c'est-à-dire...
(1715)
    Dans l'espace public, oui.
    Je vous demanderais de répondre en 15 secondes, madame Jennings.
    Je pense que le gouvernement fédéral doit faire beaucoup mieux que ce qu'il a fait jusqu'à maintenant à l'égard de nos confrères et de nos consoeurs francophones hors Québec. Je parle des différents gouvernements successifs, peu importe le parti politique qui était au pouvoir.
    Je suis d'accord avec vous.
    Le Quebec Community Groups Network est content de voir que le gouvernement a l'intention d'en faire davantage pour protéger et promouvoir le français hors Québec et au Québec.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Boulerice, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Mes premières questions s'adresseront au sénateur Joyal.
    Monsieur Joyal, vous ne vous en souvenez probablement pas, mais, la première fois que nous nous sommes rencontrés, j'étais au cégep, à Saint-Jean-sur-Richelieu. C'était en 1990, et notre discussion portait sur la question du lac Meech.
    J'ai bien aimé votre intervention sur l'importance de l'immigration pour assurer une masse critique de francophones dans des communautés. Dans le cas contraire, il pourrait y avoir un effritement et ce serait difficile de conserver par la suite des ressources et des services en français.
    Le Québec a la mainmise — vous en avez parlé — sur toute l'immigration économique. Étant donné que le Québec donne beaucoup de points aux gens qui ont une connaissance du français, cela facilite l'arrivée d'immigrants qui sont francophones. Nous l'avons vu dans le cas des gens provenant des communautés maghrébines qui se sont installés au Québec dans les dernières années.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur ce que pourrait faire le gouvernement fédéral pour attirer davantage d'immigrants francophones à l'extérieur du Québec afin de conserver ces masses critiques?
    Je vous remercie de la question.
    Je me souviens très bien des années 1990. Nous aurons peut-être le plaisir d'en reparler à un moment donné.
    Permettez-moi de vous dire que le gouvernement canadien peut faire énormément pour inciter des personnes de l'extérieur du Canada à immigrer dans des régions où il y a des communautés francophones qui manquent de main-d'œuvre et de ressources. Je crois comprendre que votre collègue de la Colombie-Britannique doit faire face à un énorme besoin de professeurs de langue française. Je pense qu'il en va de même dans plusieurs autres provinces; les chiffres le démontrent bien. Une situation concernant la Saskatchewan, en particulier, a récemment été portée à mon attention.
    Il y a des types d'emplois désignés dans ces régions comme étant essentiels à la vitalité de la vie française. Pour appuyer le recrutement de ces ressources, je crois que le gouvernement canadien peut faire beaucoup dans des pays où soit les futurs arrivants maîtrisent déjà le français, soit ils s'engagent à suivre une formation en français et à occuper un emploi qui correspond à leur nouvelle habileté linguistique. Je pense que le gouvernement pourrait être beaucoup plus proactif qu'il ne l'a été jusqu'à maintenant.
    Je crois que, dans vos considérations visant à modifier la Loi, vous devriez envisager de modifier le préambule et, en particulier, le paragraphe 2b) de la Loi, qui dit ce qui suit en ce qui concerne l'objet de la Loi:
[...] d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d'une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l'égalité [...]
    Il y a une reconnaissance [difficultés techniques]...
(1720)
     Monsieur Joyal, votre microphone est fermé.
    Pardon.
    Je crois que la Loi devrait être modifiée afin que soient précisées de façon beaucoup plus claire les obligations du gouvernement canadien visant à favoriser cette égalité, à permettre de progresser vers cette égalité.
    Monsieur Boulerice, le problème est très simple. Si votre droit de travailler en français ou d'être servi en français est violé, vous pouvez vous adresser à la cour fédérale. Toutefois, si votre statut de francophone n'est pas suffisamment appuyé par le gouvernement canadien, vous n'avez aucun recours en vertu de la Loi.
    Il me reste une minute, sénateur.
    Vous avez parlé d'un aspect très important, soit la découvrabilité du contenu francophone sur les grandes plateformes des géants du Web. On a vu, dans le cadre de cette pandémie, à quel point elles ont été omniprésentes dans nos vies.
    D'après vous, les mesures prévues dans le projet de loi C-10 sont-elles suffisantes pour l'instant?
    Non. À l'évidence, elles ne le sont pas.
    Il faut que le Canada prenne une initiative, de concert avec le gouvernement du Québec, comme il l'a fait en 2005 lorsqu'il a négocié la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO. Il faut que le Canada, avec le Québec et les autres pays membres de la Francophonie et les pays de l'Union européenne, négocie un nouveau traité pour assurer la découvrabilité des œuvres d'expression française sur les plateformes.
    Le Canada l'a fait en 2005. Pourquoi ne le ferait-il pas? Pourquoi le projet de loi C-10n'en ferait-il pas une obligation du gouvernement? J'ai lu le projet de loi et je suis resté « au bord de la piscine. »
    Merci, monsieur Joyal.
    Monsieur Godin, vous avez la parole pour les quatre prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps de parole avec mon honorable collègue de la rive sud de Québec M. Blaney.
    Je ferai un commentaire en premier lieu, et je poserai ensuite une brève question à Mme Jennings.
    Madame Jennings, vous avez dit vous réjouir du projet présenté par le gouvernement actuel en ce qui concerne les langues officielles. Permettez-moi de vous dire que, moi, je ne me réjouis pas et que cela ne permet pas de protéger les langues officielles. Je voulais vous faire part de ce commentaire, parce que nous ne sommes pas au même diapason.
    Par ailleurs, vous avez fait un commentaire très intéressant. J'aime le fait que, selon votre organisation, les anglophones ne sont pas une menace pour les francophones. J'aime ce point de vue, que je trouve constructif. Je pense qu'il faut s'inspirer du traitement réservé aux anglophones au Québec, s'en servir comme modèle à exporter au Canada.
    Je pense que, si on fait la promotion du français, le Canada sera un pays encore plus fort en matière de bilinguisme. C'était mon commentaire. Je vais maintenant céder la parole à mon collègue de la rive sud M. Blaney.
    Monsieur le président, je remercie mon collègue par votre entremise. Ma foi, le temps s'égrène.
    Je veux souhaiter la bienvenue aux témoins et les remercier de comparaître devant le Comité. Nous recevons d'anciens parlementaires, soit Mme Jennings et M. Joyal, un éminent sénateur.
    C'est vraiment un plaisir et un privilège de vous avoir parmi nous. J'ai pu souligner le 40anniversaire de la Loi sur les langues officielles en tant que ministre de la Francophonie.
    Monsieur Joyal, vous nous avez parlé d'immigration, mais on voit les francophones du Québec se tourner vers l'anglais. Comment peut-on faire pour que la Loi sur les langues officielles compense cette asymétrie sociologique et le fait nous soyons dans une mer anglophone? Comment peut-on le faire tout en respectant la minorité anglophone, qui s'est très bien exprimée aujourd'hui? Comment peut-on éviter ce déclin, que je n'oserais qualifier d'inéluctable, mais qui est tout de même une réalité?
    Je retiens que cette question dépasse le cadre de la Loi sur les langues officielles. Vous avez parlé de la culture et de la langue. J'utiliserai la première partie de mon temps de parole pour poser cette question. Je vous remercie de votre présence.
    Mme Jennings veut-elle faire des commentaires? La question s'adresse-t-elle à Mme Jennings?
    La question s'adresse à vous deux.
    Vous avez une minute chacun pour y répondre.
(1725)
    Merci, monsieur le juge.
    Monsieur Godin, si vous avez compris que la communauté anglophone et le Quebec Community Groups Network sont enchantés par le document de la ministre Joly, je me suis mal exprimée. Le document comporte de bons éléments et nous sommes contents que le gouvernement propose des mesures directes pour protéger et promouvoir le français et la vitalité des communautés francophones.
    Toutefois, nous déplorons le fait qu'aucune mesure ne soit proposée pour s'attaquer à tous les problèmes qui touchent la communauté linguistique anglophone au Québec.
    Je cède maintenant la parole à l'éminent sénateur M. Joyal.
     Merci de votre gentillesse, madame Jennings.
    Monsieur Joyal, il vous reste 30 secondes.
    Merci, monsieur Blaney.
    L'approche pour fortifier l'usage du français doit être une approche globale. Il y a un terme anglais, qui a été traduit en français, pour qualifier cela. Il s'agit du terme « holistique », c'est-à-dire « qui s'adresse à tous les aspects de la vie ». Cela s'applique autant à la qualité du français parlé qu'à la protection du patrimoine historique, qu'à la formation dans les domaines d'avenir, quels qu'ils soient, ou qu'à l'utilisation de ce que je vous montrais tantôt, c'est-à-dire comment ces nouveaux instruments sont en fait d'insidieux instruments d'anglicisation dormante.
    Regardez les nouvelles générations et ce à quoi elles ont accès. Auparavant, nous avions accès à un satellite et à 50 postes de télévision. De nos jours, tous les aspects de notre vie quotidienne sont couverts et influencés par l'appareil que nous avons tous dans notre main. Les nouvelles générations n'auront que cet appareil-là pour les années à venir. Il y a une très grande réflexion à faire, dans ce contexte.
    Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre contribution exceptionnelle à ce dossier.
    Merci beaucoup, monsieur Blaney.
    Je sais que le temps passe vite.
    Madame Martinez Ferrada, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ces quatre minutes passeront comme un éclair avec le sénateur Joyal, nos invités de ce soir et nos témoins.
    Monsieur Joyal, j'aimerais revenir sur la question du déclin démographique. J'aimerais que vous nous en disiez davantage.
    Avant de vous céder la parole, toutefois, j'aimerais faire un commentaire rapide en lien avec vos propos sur le projet de loi C-10, la Francophonie et la découvrabilité.
    J'aimerais rappeler à mes collègues et aux gens qui nous écoutent que le gouvernement a ramené le Canada au sein de l'UNESCO ainsi que le financement relatif à la diversité culturelle en 2018. C'est à l'occasion de la présence de ma collègueMme Joly à Paris que nous avons ramené la discussion sur la question du numérique. Je sais que ces discussions depuis trois ans font leur bout de chemin. Je vous inviterais peut-être même à en parler à notre collègue le ministre du Patrimoine canadien, M.Guilbeault. En effet, beaucoup de discussions s'entament à l'échelle internationale, et vous avez raison de dire que cela doit passer par là.
    Cela dit, il existe un défi extrêmement important sur le plan de la francisation et de l'immigration. Seriez-vous d'accord pour dire que, si on s'attarde uniquement à la langue de travail sans s'occuper de la francisation et de l'immigration, sans favoriser des corridors d'immigration au Québec et hors Québec, le poids démographique francophone diminuera en Amérique du Nord?
    Que manque-t-il, d'une part, au processus de francisation et, d'autre part, aux corridors d'immigration?
    Vous avez parlé des professeurs, mais y a-t-il autre chose à mentionner?
    À mon avis, il est essentiel que le gouvernement canadien fortifie davantage la présence de ses agents d'immigration à l'étranger. Cela vaut autant pour le Québec que pour le gouvernement canadien. Je sais qu'à une certaine époque, en ce qui concerne le Québec, on a réduit la taille des bureaux ou on les a regroupés.
    Je pense que, autant pour le Québec que pour le Canada, il est essentiel de s'assurer qu'on déploie les meilleurs efforts dans les ambassades et les consulats du Canada, ainsi que dans les délégations du Québec, pour tenter de cibler les groupes susceptibles d'être sensibles aux messages de possibilités que le Canada et le Québec, en particulier, offrent.
    Regardez ce qui se passe dans le secteur hospitalier; près de 10 000 personnes ont quitté leurs fonctions pendant la pandémie.
    Regardez ce qui se passe avec les CPE, au Québec; le gouvernement n'a pas pu remplir sa promesse, parce qu'il n'y a pas suffisamment d'éducatrices.
    Regardez ce qui s'est produit dans le domaine agricole, l'été dernier.
    Il y a énormément d'occasions. Or, on a l'impression que toutes ces occasions qui existent au Québec, comme elles existent ailleurs au Canada, ne sont pas suffisamment comprises et ne servent pas suffisamment d'arguments pour aller vers les ressources d'immigration qui existent dans différents pays.
(1730)
    Vous dites donc qu'il nous faut non seulement avoir des corridors d'immigration spécifiques, mais qu'il faut aussi en faire la promotion là où on veut aller chercher les immigrants.
     C'est tout à fait cela...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Vous avez la parole, monsieur Godin.
    Monsieur le président, excusez-moi, mais il semble y avoir un problème d'ordre technique. J'ai activé le canal français et j'entends en même temps l'interprétation en anglais.
    Avant de vérifier cela auprès de la greffière, j'aimerais d'abord demander à M. Duguid si l'interprétation vers l'anglais fonctionne bien lorsque la conversation qui a cours est en français.

[Traduction]

    Monsieur Duguid, avez-vous des problèmes avec l'interprétation?
    Non.

[Français]

    À titre informatif, monsieur le président, après avoir désactivé la fonction, j'entends parfaitement les propos dans la langue en cours, sans l'interprétation.
    Madame la greffière, pouvez-vous vérifier cela?
    Monsieur le président, j'entends encore l'interprétation vers l'anglais.
    On me dit entendre l'interprétation en anglais sur le canal français. Est-ce exact?
    Oui, c'est ce que M. Godin nous dit.
    Je vérifie cela.
    Le problème est maintenant réglé.
    Je vous remercie.
    Trois minutes et demie se sont écoulées sur les quatre minutes de temps de parole attribuées à Mme Martinez Ferrada. J'avais arrêté le chronomètre.
    Continuons la discussion.
    M. Joyal, vous avez de nouveau la parole.
    Comme je le mentionnais tantôt, le gouvernement doit adopter une approche globale. Vous l'avez entendu au cours des échanges avec les témoins précédents: l'approche globale est mentionnée ici ou là dans la Loi, mais elle ne fait pas l'objet d'une reconnaissance formelle. La Loi ne prévoit pas non plus de reddition de comptes sur la manière dont le gouvernement assume cette responsabilité. C'est sur cet aspect très particulier que, à mon avis, vous devriez vous attarder [difficultés techniques].
    Je vous remercie.
    Nous poursuivons la discussion pour seulement deux minutes.
    Monsieur Beaulieu, vous avez la parole.
    Je serai bref.
    Madame Jennings, vous avez dit tantôt vouloir monter à bord de l'autobus, mais ne pas vouloir être envoyée à l'arrière. J'espère que vous n'évoquiez pas le racisme pratiqué en Amérique.
    On a beaucoup culpabilisé les francophones du Québec pour leur volonté d'assurer l'avenir du français. À mon avis, ce sont plutôt les francophones qui sont actuellement assis à l'arrière de l'autobus, et c'est le français qui est en déclin. Je veux valider cela avec vous.
    Considérez-vous que les francophones ont le droit d'assurer l'avenir du français au Québec et au Canada?
    Au Québec, les francophones ont-ils le droit de faire du français la langue commune?
(1735)
    Monsieur Beaulieu, je ne peux pas être plus claire que je ne l'ai été. Vous avez entendu la position du QCGN. Cet organisme est un allié pour nos confrères et nos consœurs hors du Québec, pour nos concitoyens qui vivent ailleurs au Canada pour ce qui est de promouvoir et de protéger non seulement la langue française, mais également la vitalité de leur communauté.
    Nous vous le demandons: ici, au Québec, cessez de faire de nous le bouc émissaire chaque fois qu'il y a un problème. Le sénateur Joyal a fourni d'excellents conseils sur la façon de renforcer la vitalité de nos francophones partout au Canada, y compris au Québec, que ce soit notamment en matière d'immigration, d'élaboration de politiques, de médias sociaux ou de contenu culturel. Cessez de faire de la minorité anglophone du Québec un bouc émissaire...
     Considérez-vous que le fait de vouloir faire du français la langue commune équivaut à faire des anglophones des boucs émissaires?
    Monsieur Beaulieu, nous avons déjà dit...
    C'est encore de l'intimidation et de la culpabilisation.
    Excusez-moi, mais l'interprétation se fait difficilement.
    Vous avez encore la parole pour 10 secondes.
    Comme nous l'avons déjà dit, nous sommes le groupe le plus bilingue, et c'est grâce au système scolaire que nous contrôlons et gérons.
    Beaucoup moins que les francophones hors Québec.
    Merci beaucoup.
    Pour la dernière intervention, je vais céder la parole à M. Boulerice.
    Monsieur Boulerice, vous disposez de deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Jennings, c'est à vous que je vais adresser ma question.
    Au NPD, quand nous parlons de compétences ou de droits linguistiques, nous ne considérons pas cela comme un jeu à somme nulle. Ce n'est pas parce qu'un joueur gagne que l'autre doit perdre. Nous voulons que tout le monde grandisse et progresse ensemble. Vous avez parlé tantôt — et j'ai bien aimé votre propos — de l'attention particulière qui doit être portée au fait français, vu sa situation extrêmement minoritaire dans le contexte nord-américain.
    Les témoins précédents ont parlé de la différence entre l'égalité formelle, selon la loi, et l'égalité réelle, sur le plan sociologique, dans la réalité. Vous, par contre, n'avez pas utilisé le mot « asymétrie ». Selon vous, la langue française, au Québec ou au Canada, est-elle dans une position asymétrique par rapport à la langue anglaise, même si on en reconnaît l'égalité de fait?
    Je pense que la Constitution est très claire à ce sujet: il y a deux langues officielles au Canada, l'anglais et le français, et elles ont un statut égal. En réalité, on sait que la situation de la langue française est unique et qu'il faut des mesures pour la protéger et la promouvoir afin d'assurer la vitalité des communautés francophones hors Québec et de voir à ce que le français, au Québec, soit la langue utilisée au travail et dans la sphère publique.
     Nous reconnaissons cela. Ce que nous disons, aussi bien à vous qu'au gouvernement fédéral, c'est qu'il ne faut pas oublier la minorité linguistique anglophone au Québec, qui a des problèmes. Or, on ne propose nulle part dans votre document des mesures permettant d'aborder les problèmes que nous vivons quotidiennement et de s'y attaquer. La vitalité de nos communautés est également en péril.
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps dont nous disposions pour cette séance.
    Au nom de tous les membres du Comité et en mon nom personnel, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation et d'avoir contribué à la présente étude. Je remercie l'honorable Serge Joyal, juriste et ancien sénateur, qui a comparu à titre personnel; l'honorable Marlene Jennings, qui est présidente du Quebec Community Groups Network, ainsi que Mme Sylvia Martin-Laforge, qui est la directrice générale de ce même organisme. Je vous invite à nous faire parvenir toute autre documentation dont nous pourrions prendre connaissance aux fins de cette étude.
    En terminant, je veux aussi remercier toute l'équipe qui nous a accompagnés lors de cette séance, soit la greffière, les analystes, les interprètes et les techniciens.
    Je vous remercie de votre participation.
    C'est ce qui met fin à la réunion d'aujourd'hui.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU