Bienvenue à la 29e séance du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
[Français]
Le Comité se réunit pour entendre des témoins dans le cadre de l'étude sur les mesures du gouvernement pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais vous faire part de certaines règles. Je voudrais d'abord profiter de cette occasion pour rappeler à tous les participants à cette réunion qu'il n'est pas autorisé de faire des captures d'écran ni de prendre des photos de l'écran.
Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts pendant la réunion.
[Traduction]
Avant de prendre la parole, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer le son. Une fois que vous aurez fini de parler, veuillez mettre votre microphone en sourdine afin de réduire au minimum toute interférence.
Je rappelle aux députés et aux témoins que tous leurs commentaires doivent être adressés à la présidence.
[Français]
Lorsque vous parlez, exprimez-vous lentement et clairement pour faciliter le travail des interprètes.
À moins de circonstances exceptionnelles, je pense que tous les participants sont munis d'un casque d'écoute avec un micro-perche.
Les témoins sont avec nous, cet après-midi, pour toute la séance. J'aimerais maintenant leur souhaiter la bienvenue. Je les remercie d'entrée de jeu d'avoir accepté notre invitation.
Nous recevons, à titre personnel, M. Robert Leckey, doyen de la Faculté de droit et titulaire de la Chaire Samuel Gale de l'Université McGill; à titre personnel aussi, Mme Anne Michèle Meggs, ancienne directrice de la recherche à l'Office québécois de la langue française; et enfin, tous deux de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, M. Denis Bolduc, secrétaire général, et M. Gilles Grondin, conseiller syndical.
Chaque témoin ou groupe de témoins aura sept minutes et demie pour faire son allocution. Comme d'habitude, je vais montrer un carton jaune pour vous signifier qu'il vous reste une minute. Quand vous verrez le carton rouge, cela voudra dire que votre temps de parole ou celui du membre de ce comité qui vous adresse la parole est écoulé.
Nous commençons par le professeur Leckey.
Professeur Leckey, vous avez la parole pour sept minutes et demie pour faire votre allocution.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.
[Français]
En tant que doyen de la Faculté de droit de l'Université McGill, je suis fier du caractère bilingue et bijuridique de la Faculté. Notre programme, qui est offert tant en français qu'en anglais, intègre la common law et le droit civil. Des traditions autochtones y occupent une place grandissante. Nous recevons chaque année un corps étudiant qui est constitué de gens bilingues des quatre coins du pays. Si je peux me permettre d'offrir un conseil au gouvernement, ce serait de renforcer l'apprentissage du français comme langue seconde dans les universités partout au Canada.
En tant que constitutionnaliste, je consacre mon temps cet après-midi à une brève mise en contexte du document de réforme et à quelques interrogations qu'il suscite. Le bilinguisme officiel est profondément ancré dans la Constitution. L'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 inclut, entre autres, le droit d'utiliser l'anglais et le français dans les chambres du Parlement et dans les tribunaux du Canada.
La Charte canadienne des droits et libertés consacre le bilinguisme officiel au niveau fédéral en tant que valeur constitutionnelle. Le paragraphe (1) de l'article 16 est ainsi rédigé:
16(1) Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.
Ce principe fondamental de l'égalité du statut des langues officielles est donc un impératif constitutionnel.
Soulignons, par ailleurs, que les droits linguistiques prévus par la Charte ne peuvent être soumis à la disposition de dérogation.
Qui plus est, le respect des minorités est l'un des principes sous-jacents qui animent l'ensemble de notre Constitution et qui sont reconnus par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec. La Cour a tenu à souligner que même si les dispositions en matière linguistique sont le résultat de compromis politiques, elles sont le reflet d'un principe large lié à la protection des droits des minorités.
Le document de réforme propose d'apporter des modifications importantes à la Loi sur les langues officielles. Celle-ci est l'expression, dans les domaines de compétence fédérale, de ces garanties constitutionnelles. Cette loi est de nature quasi constitutionnelle. En cas de conflit, elle l'emporte sur d'autres lois fédérales. Compte tenu de tout cela, toute modification de la Loi doit donc faire l'objet d'une étude attentive et réfléchie.
[Traduction]
Soyons clairs. Un bilinguisme officiel solide et significatif à l'échelle fédérale va souvent à l'encontre des lois, des politiques et des priorités des provinces en matière de dépenses. Dans chaque province, les minorités de langue officielle se tournent donc vers le gouvernement fédéral afin qu'il les soutienne et défende leurs droits. Nous l'avons observé tout récemment dans l'appel à l'aide qu'elles ont lancé au sujet de l'enseignement postsecondaire en français en Ontario. Il en va de même dans ma province natale, le Québec, qui est la seule province où la minorité de langue officielle est anglophone.
Il semble que les propositions législatives représenteraient une modification fondamentale du cadre et de l'objectif de la Loi sur les langues officielles. Le Parlement est certainement libre de modifier ses politiques, à condition de ne pas dépasser les limites établies par la Constitution, mais je me demande si les propositions reviendraient à s'éloigner de l'égalité de statut des deux langues officielles, telle qu'elle est inscrite dans le texte de la Charte. Ce texte est interprété de manière appropriée à la lumière du principe de la protection des minorités.
Permettez-moi de vous citer deux exemples.
Premièrement, le document demande de reconnaître dans la loi la dynamique linguistique des provinces et des territoires. Cela comprend la reconnaissance, pour la première fois dans une loi fédérale, du fait que le Québec a déclaré le français comme langue officielle. Cela semble être un changement radical. Dans sa forme actuelle, le cadre de la loi est neutre par rapport aux provinces. Les mêmes principes juridiques s'appliquent dans l'ensemble de la fédération. Quel effet cela aurait-il sur l'interprétation des droits linguistiques des minorités de langue officielle?
Rappelons que la situation varie d'une province à l'autre. Les droits linguistiques sont constitutionnels au Nouveau-Brunswick, alors qu'ils sont assujettis à des lois en Ontario. Dans certaines provinces, ces droits ne sont pas prévus par la loi. Ce principe de reconnaissance de la dynamique linguistique permettrait-il d'arrimer les exigences de la loi fédérale à ces garanties provinciales variables? Compte tenu de l'importance symbolique de la loi, les tribunaux pourraient-ils déceler dans son libellé une justification pour une interprétation différente des garanties linguistiques de la Charte, y compris l'article 23?
La proposition s'écarte-t-elle de l'affirmation de la Cour suprême selon laquelle les droits linguistiques doivent, dans tous les cas, être interprétés en fonction de leur objet, de manière à assurer le maintien et l'épanouissement des communautés de langue officielle du Canada?
Deuxièmement, le document propose de créer ou de renforcer des droits relatifs au français, mais non des droits relatifs à l'anglais. Il s'agirait d'une autre grande première dans la loi linguistique fédérale. Par exemple, le document propose d'indiquer dans le préambule et les dispositions de la loi que l'anglais est prédominant au Canada et que le français doit bénéficier d'une protection et d'une promotion accrues.
Un autre exemple concerne la protection et la promotion du français. Le document propose des droits relatifs au travail et aux services offerts dans les entreprises sous réglementation fédérale, des droits qui concernent le français seulement. Ces propositions permettraient-elles de différencier efficacement le statut du français et de l'anglais dans le cadre d'une loi quasi constitutionnelle?
[Français]
En guise de conclusion, j'invite le Comité à examiner attentivement ces propositions intéressantes. Compte tenu de leurs conséquences directes et indirectes potentielles, elles méritent d'être étudiées de près. Je suivrai l'évolution du dossier avec le plus grand intérêt.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
C'est un honneur pour moi de m'adresser au Comité cet après-midi.
D'abord, permettez-moi de vous parler de l'expérience professionnelle qui m'amène ici.
J'ai commencé ma carrière comme professionnelle au gouvernement du Canada en travaillant sur les programmes des langues officielles dans l'éducation. J'ai également occupé le poste de directrice du cabinet du ministre délégué aux Affaires francophones de l'Ontario, au moment de l'adoption de la première Loi sur les services en français. J'ai été directrice de la planification de la reddition de comptes au ministère responsable de l'immigration au Québec. J'ai aussi occupé le poste de directrice de la recherche et de l'évaluation à l'Office québécois de la langue française.
Je m'en tiendrai aujourd'hui aux deuxième et troisième objectifs de la rencontre, qui portent sur le régime linguistique du gouvernement du Canada et les modifications possibles à la Loi sur les langues officielles visant à mieux protéger le français.
L'efficience suppose des résultats en lien avec les ressources investies. Hors Québec, on peut dire que les résultats sont très mitigés. Au Québec, la question ne se pose même pas, car, à ce jour, le régime linguistique du gouvernement du Canada n'a prévu aucune mesure visant à protéger ou à promouvoir le français au Québec. Il l'a fait uniquement pour l'anglais.
Quant à l'incidence de ce régime sur les mesures provinciales visant à protéger le français, hors Québec, la situation du français serait sans doute encore plus fragile sans les dispositions linguistiques de la Constitution canadienne et le soutien que le gouvernement fédéral fournit aux provinces pour l'éducation en français à tous les niveaux et à certains groupes de défense du français. Au Québec, c'est tout le contraire. Le régime linguistique du gouvernement du Canada vise paradoxalement à protéger la langue majoritaire du pays. Soyons clairs, il n'y a qu'une langue officielle qui est menacée au Canada: le français.
Voici quelques conséquences au Québec du régime linguistique du gouvernement fédéral sur les efforts des provinces pour protéger le français, ainsi que sur la cohésion sociale au Québec.
La Constitution canadienne contient plusieurs articles qui ont servi à abroger de larges parties de la version originale de la Charte de la langue française, ce qui a limité la capacité du gouvernement du Québec à légiférer en faveur du français, par exemple en ce qui concerne la langue des interventions à l'Assemblée nationale, la traduction des lois, le bilinguisme des tribunaux, l'affichage commercial et l'accès aux écoles anglaises.
L'application du régime bilingue canadien a également un effet significatif sur le visage linguistique du Québec. Il est impossible pour le gouvernement du Québec d'imposer un affichage commercial uniquement en français. Tout ce qui est de compétence fédérale projette une image de bilinguisme au Québec plaçant l'anglais au même niveau que le français sur les édifices fédéraux, les ponts, les ports, les parcs, toute publicité fédérale, et même toute publicité des événements financés par le fédéral.
L'administration publique fédérale n'est pas assujettie à la Charte de la langue française, qui met en priorité les services et le droit de travailler en français. Le bilinguisme est carrément imposé sur le territoire québécois de la capitale nationale canadienne.
Le régime linguistique canadien engendre également des embûches pour le Québec à la défense du français hors Québec. Il crée une fausse symétrie entre le français hors Québec et l'anglais au Québec, et ce, jusque dans les domaines de compétence exclusivement provinciale comme la santé et l'éducation. Ce qui est bon pour le français hors Québec l'est aussi pour l'anglais au Québec. S'il dénonce la fermeture d'un hôpital français dans une autre province, le Québec nuit à sa propre marge de manœuvre dans la gestion de son système de santé. C'est la même chose dans le domaine de l'éducation.
Cette fausse symétrie nuit aussi à la cohésion sociale au Québec. Si l'on avait reconnu dès le début du débat, dans les années 1960, le fait que c'est le français qui a besoin de protection partout au Canada, on aurait mis en place les fondements d'un consensus sur les mesures nécessaires pour atteindre ce but. Or, nous nous retrouvons avec une législation qui sous-tend le financement pour la protection de l'anglais au Québec et aux groupes qui défendent l'anglais.
Finalement, parlons de l'intégration en français des personnes immigrantes au Québec. L'Accord Canada—Québec sur l''immigration est le seul document que je connaisse où le gouvernement fédéral déroge un tant soit peu du principe de la symétrie linguistique. En fait, il reconnaît l'importance d'une « intégration des immigrants respectueuse du caractère distinct de la société québécoise ». Le calcul du transfert est basé sur le nombre de non-francophones admis au Québec, et il est énoncé que les cours d'intégration linguistique seront en français. Pour le reste, le processus d'immigration est géré par le gouvernement fédéral. Tout est donc bilingue.
La personne arrivant de l'étranger au Québec a le choix de la langue officielle pour les permis de travail ou d'étude, pour la résidence permanente et pour l'accès à la citoyenneté. À chaque étape, le message est clair: au Québec, l'anglais est une langue officielle du nouveau pays. Il est permis, et même normal de choisir l'anglais. C'est tout le contraire du message que le Québec essaie de véhiculer et qui est à la base de l'Accord, soit l'affirmation du français comme langue d'inclusion et de participation.
Maintenant, que faire? Y a-t-il des modifications possibles à la Loi sur les langues officielles qui enlèveraient ces empiètements à la capacité du gouvernement du Québec d'agir en faveur du français au Québec, et même hors Québec?
Contrairement au doyen Leckey, je ne suis pas juriste, mais, comme je l'ai mentionné, j'ai eu le privilège de jouer un rôle dans l'adoption de la première Loi sur les services en français, en Ontario. Le gouvernement, qui était alors libéral et minoritaire, avait déterminé que le vrai besoin était d'assurer l'offre de services publics en français. Les services publics en anglais allaient de soi. La Loi ne touche d'ailleurs que les services publics. Elle n'aborde pas les programmes de soutien aux groupes qui défendent le français. Elle ne mentionne aucune minorité. Les services publics sont disponibles en français dans les régions et les bureaux définis par la Loi. Point.
Il est impossible de modifier la plus grande partie de la Loi sur les langues officielles parce qu'elle définit, en général, l'application des articles de l'intouchable Constitution canadienne.
Les articles de la Loi les plus problématiques ne découlent pourtant pas de la Constitution. Ce sont ceux qui créent le concept d'une minorité anglophone au Canada et qui proposent des mesures pour favoriser l'épanouissement et le développement de cette « minorité » et pour promouvoir la « pleine reconnaissance et l’usage [...] de l’anglais dans la société canadienne ». Il est impossible d'envisager comment cela peut se faire « dans le respect des champs de compétence et des pouvoirs » du gouvernement du Québec, qui est promis au paragraphe 41(2).
Je termine avec la recommandation suivante. Les modifications à faire à la Loi sur les langues officielles devraient se concentrer sur les articles qui sont à la base de l'idée que l'anglais est une langue minoritaire au Canada, qu'il existe donc une minorité anglophone et que les deux sont en danger. Le message est peut-être difficile à entendre, mais il est, à mon avis, impossible pour le gouvernement fédéral de protéger le français au Québec en y faisant la promotion de l'anglais.
Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du Comité.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à toutes et à tous, mesdames et messieurs les parlementaires.
Je m'appelle Denis Bolduc. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Gilles Grondin, conseiller en francisation à la FTQ. Je vous remercie de l'invitation à nous entretenir avec les membres de cet important comité sur les langues officielles.
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec est la plus grande centrale syndicale au Québec. Nous représentons plus de 600 000 travailleurs et travailleuses de tous les secteurs économiques et de toutes les régions du Québec. Cela fait plus de 50 ans que la FTQ s'implique concrètement en matière de francisation. Nous sommes devenus un incontournable de la question en raison de nos actions, de nos interventions publiques et de nos prises de position pour la protection et la promotion de la langue française.
La FTQ a adopté la première politique linguistique de son histoire à la fin des années 1960, plus précisément le 21 novembre 1969, lors de son 11e congrès, tenu à Québec. Cette même année, feu M. Fernand Daoust était élu au poste de secrétaire général de la FTQ. Ce dernier a également occupé le poste de président de la FTQ entre 1991 et 1993. Je vous parle de lui aujourd'hui parce qu'il s'est battu pour défendre le droit de travailler en français et de négocier nos conventions collectives en français ici, au Québec.
Au cœur de la première politique de francisation de la FTQ figurait l'affirmation selon laquelle « le français doit devenir la langue de travail normale et courante à tous les paliers de l'activité économique au Québec ». Cette affirmation est toujours d'actualité 50 ans plus tard. La FTQ a agi concrètement afin d'assurer la promotion de la défense du français. Nous nous sommes dotés d'un service de francisation et nous agissons comme catalyseur pour les comités de francisation en entreprise. Au fil des années, nous avons également acquis une expertise pour la francisation des travailleuses et des travailleurs issus de l'immigration dans les milieux de travail.
Cela dit, la FTQ se réjouit de la volonté du gouvernement du Canada de moderniser la Loi sur les langues officielles. Pour nous, toutes les mesures visant à améliorer la place du français sont les bienvenues, et c'est pourquoi nous saluons le dépôt du livre blanc en février dernier. À partir de ce document, nous espérons que le gouvernement accouchera d'une politique plus moderne visant la dualité linguistique et le bilinguisme au Canada.
Il est clair pour nous que les langues ne sont pas toutes sur un pied d'égalité au Canada. L'anglais n’est menacé nulle part au Canada, ni en Colombie-Britannique, ni au Nouveau-Brunswick, ni même au Québec. Par contre, les langues autochtones et le français le sont de plus en plus, même au Québec, plus particulièrement à Montréal. Pour la FTQ, il est donc impératif que les gouvernements fédéral et provincial posent des gestes forts et qu'ils coordonnent leurs actions dans le but de sauver et promouvoir le français au Canada.
Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral a l'obligation de promouvoir le principe de dualité linguistique au Canada, mais, des deux langues officielles reconnues dans la Loi sur les langues officielles, le français est la réelle langue minoritaire au Canada. Le français est menacé et doit être protégé. Le livre blanc reconnaît d'ailleurs le recul du français, et nous avons été heureux que le document le reconnaisse.
En 1968, la future Loi sur les langues officielles prévoyait un bilinguisme institutionnel, afin de permettre aux francophones et aux anglophones en situation minoritaire d'avoir accès à des services dans leur langue et de faire carrière dans la fonction publique dans leur langue. Ces objectifs n'ont cependant jamais été atteints pour la population francophone à l'extérieur du Québec.
Ce qui est encore plus triste, c'est que cette réalité est en train de rattraper le Québec. C'est le cas en ce qui concerne le travail dans la fonction publique fédérale. Nos collègues de l'Alliance de la fonction publique du Canada nous interpellent fréquemment afin de parler de situations désolantes, notamment dans le cadre de promotions. Pour un fonctionnaire québécois, il faut être bilingue afin d'avoir accès à certains postes supérieurs. La même exigence n'existe pourtant pas au Nouveau-Brunswick, bien qu'il s'agisse d'une province officiellement bilingue, ni même dans la capitale nationale, Ottawa, où très souvent le fait de ne pas parler français n'est ni un handicap ni un empêchement à l'obtention d'une promotion.
Il est clair pour la FTQ que ses membres québécois travaillant dans la fonction publique devraient pouvoir bénéficier d'un milieu de travail en français, un point c'est tout.
Nous réclamons depuis des années que les entreprises privées de compétence fédérale soient assujetties aux dispositions de la Charte de la langue française du Québec. Vous ne serez donc pas surpris d'entendre que la FTQ approuve pleinement la volonté exprimée par le gouvernement d'« interdire la discrimination à l'égard d'un employé pour la seule raison qu'il ne parle que le français ou qu'il ne connaît pas assez une autre langue que le français dans les entreprises privées de compétence fédérale établies au Québec et dans les autres régions du pays à forte présence francophone ».
Au Québec, nous constatons une nette augmentation des exigences de bilinguisme dans les offres d'emploi. Les francophones sont souvent discriminés dans leur entretien d'embauche s'ils ne maîtrisent pas l'anglais. De plus, les employeurs prennent toutes sortes de moyens pour contourner l'application de l'article 46 de la Charte de la langue française.
À la FTQ, nous croyons que l'Office québécois de la langue française devrait être l'organisme responsable de l'application des droits en matière de langue de travail au Québec. L'expertise de l'Office remonte à près de 45 ans. L'application de deux systèmes différents créerait des ambiguïtés qui ne sont ni souhaitables ni nécessaires si nous souhaitons vraiment améliorer l'utilisation du français au Québec.
En ce qui concerne la nomination des juges à la Cour suprême, nous croyons qu'ils et elles doivent impérativement être bilingues. Selon nous, la même exigence devrait s'appliquer aux postes de haute direction des grandes agences gouvernementales canadiennes et aux postes de la haute fonction publique canadienne.
J'aimerais terminer par un mot sur la culture francophone et l'offre de produits culturels, médiatiques et numériques dans les deux langues officielles. Le livre blanc mentionne notamment l'importance de la promotion du français et d'une vie culturelle en français. Pour nous, c'est simple, langue et culture vont de pair. La vitalité de la langue française doit aussi s'accompagner d'une vie culturelle en français qui est riche et diversifiée.
Le gouvernement du Canada a un rôle important, voire essentiel à jouer dans la promotion du français. Son rôle doit être complémentaire à celui du Québec et à celui des groupes organisés de la société civile.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie M. Godin de son excellent travail. C'est un plaisir d'être son collègue.
Je veux remercier les témoins d'apporter un éclairage extrêmement intéressant sur une étude importante pour le Comité. Comme on le sait, c'est la première fois que le Comité permanent des langues officielles se penche sur la situation du français dans l'ensemble du pays, et particulièrement au Québec. À cet égard, je tiens à remercier nos intervenants d'aujourd'hui qui sont du Québec, soit M. Bolduc, M. Leckey et Mme Meggs.
Monsieur Bolduc, je suis d'accord avec vous, la culture et la langue sont indissociables. Nous le savons grâce à notre colonie artistique culturelle. D'ailleurs, nous sommes très fiers du jeune Jacob qui s'est récemment qualifié pour Star Académie. Il est plein de talents.
Je vais sauter dans le vif du sujet.
Madame Meggs, je vous remercie de votre témoignage percutant. En fait, j'ai le goût de commencer par vous demander de répéter la dernière phrase de votre allocution. Vous avez dit que c'était le français qui avait besoin d'être soutenu au Québec et que l'approche à deux têtes, au Québec, était dévastatrice. C'est ce que vous avez dit juste avant de conclure.
:
Merci, monsieur le président.
À mon tour, j'aimerais remercier les témoins qui sont parmi nous. Je veux qu'ils sachent que leur participation nous permettra de continuer à travailler sur cette étude fort importante.
Mes questions s'adressent à M. le doyen.
[Traduction]
Monsieur le doyen, tout d'abord, je pense que votre déclaration préliminaire était remarquable, en ce sens que vous avez posé plusieurs questions très pertinentes. Je vous invite non seulement à présenter cette déclaration par écrit, mais aussi à nous faire part, si vous le pouvez, de vos opinions et de vos réponses aux questions que vous avez soulevées au cours de votre déclaration préliminaire. Je précise encore une fois que j'ai trouvé cette déclaration très pertinente.
Nous avons entendu des observations contradictoires de la part des membres de l'opposition en ce qui a trait aux régimes et aux compétences linguistiques. Bien que l'opposition demande que le gouvernement fédéral joue un rôle plus important à cet égard dans le reste du Canada, lorsqu'il s'agit du Québec, l'opposition donne ouvertement la préséance à l'Assemblée nationale du Québec pour ce qui est de légiférer sur l'ensemble des questions linguistiques. Pouvez-vous parler de ce chevauchement des régimes linguistiques et de la compétence de chaque ordre de gouvernement en matière de langues officielles?
En ce qui concerne les compétences législatives ou constitutionnelles, aucun des deux ordres de gouvernement de notre fédération n'exerce de pouvoirs exclusifs sur la langue. Au contraire, chacun des ordres de gouvernement est en mesure de cerner des dimensions linguistiques lorsqu'il légifère sur des questions relevant de sa compétence dans l'exercice de ses autres fonctions. Le Parlement du Canada peut traiter de la dimension linguistique lorsqu'il légifère sur des questions relevant de sa compétence. Il en va de même pour les provinces.
L'idée que les deux ordres de gouvernement peuvent avoir des lois, des règles, des régimes, des programmes et des priorités linguistiques est en quelque sorte ancrée dans notre structure constitutionnelle, si vous voulez. Comme je l'ai laissé entendre, il y a parfois une certaine tension entre ces deux ordres de gouvernement, en ce sens que le genre de régime bilingue en vigueur à l'échelle fédérale n'est certainement pas celui que chaque province aurait adopté. Toutefois, cette tension peut être fructueuse, comme peuvent l'être les tensions. Bien entendu, à certains moments, divers intervenants considéreront cette tension comme moins fructueuse.
:
C'est tout à fait vrai.
Il y a un recul du français comme langue commune du travail. La Loi sur les langues officielles, comme on l'a dit, vise uniquement à renforcer l'anglais au Québec. On peut le constater dans tous les programmes de subventions qu'elle prévoit et ce qu'on appelle les mesures positives, qui visent, par exemple, les écoles primaires et secondaires, à hauteur d'environ 50 millions de dollars pour l'anglais, ou encore l'appui à des groupes de pression anglophones ou pour des services de santé, notamment, en anglais.
Selon moi, ces mesures ont causé un tort considérable au français comme langue de travail et comme langue commune au Québec.
Parmi les mesures positives, il faut tenir compte des comités de francisation. Toutefois, d'après ce qu'on nous dit, nombre d'entre eux sont inactifs.
Est-ce que les fonds accordés par le gouvernement fédéral ne devraient pas être répartis équitablement entre les programmes destinés au français et ceux destinés à l'anglais afin de servir notamment à renforcer les comités de francisation?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Bolduc, j'aimerais d'abord manifester toute ma solidarité et celle de l'ensemble du caucus du NPD aux membres du Syndicat des débardeurs du port de Montréal SCFP, section locale 375. Ces gens, qui sont en grève, ont été trahis aujourd'hui par le gouvernement Trudeau. Nous voyons bien que ce gouvernement n'est pas l'ami des travailleurs et des travailleuses et qu'il recourt à des lois spéciales dès que le patronat le demande.
Mon collègue Alexandre Boulerice, notre chef, Jagmeet Singh, et plusieurs de mes collègues ont pris la parole à la Chambre pour dénoncer la loi spéciale. Nous allons continuer de nous tenir debout pour appuyer les travailleurs et les travailleuses du port de Montréal.
D'ailleurs, en parlant d'échec du gouvernement libéral, je souligne que la pandémie a permis de démontrer qu'il n'était pas sérieux quant à la défense des deux langues officielles. L'Alliance de la fonction publique a été claire: si le français était une arrière-pensée avant la pandémie, il l'était encore davantage pendant que la pandémie frappait la fonction publique de plein fouet.
Pour ce qui est de l'embauche et de la rétention de la main-d'œuvre dans la fonction publique et ailleurs, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du bilinguisme exigé à l'embauche dans le cas de certains emplois? Avez-vous une proposition de rechange à ce sujet?
:
D'abord, je vous remercie, madame Ashton, pour vos bons mots à l'endroit des débardeurs du port de Montréal. Je n'irai pas plus loin, parce que ce n'est pas le propos d'aujourd'hui.
En ce qui concerne le bilinguisme, je siège à l'Office québécois de la langue française, et nous voyons régulièrement des demandes concernant des emplois dans certaines entreprises qui exigent que la personne soit bilingue. Nous pouvons reconnaître cela, mais je vois parfois passer des dossiers où, sur 150 emplois dans une entreprise, 130 sont déclarés comme devant être pourvus par des personnes bilingues. On a étiré cette notion pour demander aux gens de maîtriser les deux langues à l'emploi. Comme je l'ai dit dans ma présentation, la personne qui est pénalisée, c'est la personne francophone, dans sa province et dans sa ville majoritairement francophones.
Dans beaucoup de cas — cela est fréquent —, il y a des gens qui ne parlent pas l'anglais, principalement en région. La proportion de gens qui parlent l'anglais en région n'est pas si élevée. On se retrouve dans des situations où des emplois bilingues sont affichés. Suivant la Loi, on ne peut pas discriminer des candidats en fonction d'une exigence liée à la maîtrise de l'anglais. Une personne francophone ne devrait pas, au Québec, se voir refuser un emploi parce qu'elle ne parle pas l'anglais, mais dans les faits, cela arrive. Il faudrait se donner un mécanisme pour que tout cela n'arrive plus.
Nous revendiquons depuis toujours le droit de travailler en français au Québec, et nous continuerons de le revendiquer. Il faudrait qu'il y ait des mesures pour assurer que ce droit est respecté dans la réalité et qu'il n'est pas contourné par certaines entreprises.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs commentaires.
Dans les années 1970, mon père était en poste à la base militaire de Chibougamau. J'ai fait les trois premières années de mes études secondaires là-bas, dans une école anglophone. En ce temps-là, il y avait, outre l'école publique, deux écoles anglophones, une catholique et une protestante.
À cette époque, à Chibougamau, la majorité des travailleurs parlaient le français, mais les chefs, les leaders et les ingénieurs parlaient en anglais. Ce sont en majorité leurs enfants et les enfants des militaires de la base qui allaient à ces écoles anglophones. Maintenant, il y a une école francophone et la plupart des élèves, soit 60 %, sont autochtones, de la nation crie. Le changement est très intéressant.
Monsieur Bolduc, je sais que depuis les années 1960, vous aspirez à ce que le français soit la langue de travail partout.
Est-ce devenu une réalité maintenant?
Voyez-vous une grande différence depuis 10 ans? Quels sont les changements?
:
J'étais trop petit pour aller à l'école.
Au cours des 10 dernières années, je pense que le recul du français s'est poursuivi.
J'habite la ville de Québec et je travaille à Montréal. À Montréal, c'est indéniable que la situation du français se détériore. De plus en plus, les entreprises demandent à ce que les employés soient bilingues, qu'ils parlent au moins l'anglais. Il est fréquent, compte tenu de l'immigration, que les gens parlent trois ou même quatre langues. C'est une richesse de parler plusieurs langues, mais je pense qu'il faut protéger le français. Il faut encourager l'utilisation du français au travail.
Nous constatons fréquemment que, dès qu'il y a une personne anglophone dans une pièce, même si l'on est à Montréal, tout le monde se met à parler en anglais. La majorité s'adapte à la minorité. C'est une réalité que nous constatons au Québec.
J'ai été membre du Syndicat canadien de la fonction publique, un syndicat pancanadien. Je n'ai jamais vu de cas, lors des réunions, où la minorité était francophone et où tous les participants s'étaient mis à parler en français.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous nos invités. Je n'aurai peut-être pas le temps de parler à tout le monde, mais nous entendons bien ce que les témoins nous disent aujourd'hui. Cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. C'est important.
Je m'adresserai d'abord à M. Leckey, parce que j'aimerais beaucoup entendre sa réponse à la question de Mme Lattanzio.
Comme on l'a évoqué, dans ce beau et grand pays, dans cette confédération qui comprend des provinces et un gouvernement fédéral, les régimes linguistiques diffèrent parfois d'une province à l'autre. Moi, je viens du Nouveau-Brunswick, province officiellement et constitutionnellement bilingue. Le Québec a la loi 101. Certaines provinces sont plus portées à aider les francophones. Je pense à l'Ontario, entre autres.
Je nous replonge dans le contexte de la présente étude. Selon vous, comment la Loi sur les langues officielles a-t-elle pu voir à la promotion et à l'épanouissement des minorités linguistiques, malgré la disparité des régimes linguistiques au pays?
:
Il faut le dire, c'est un grand défi. Déjà, ceux qui sont nés de parents francophones à l'extérieur du Québec commencent à opter pour l'anglais. Il est donc très difficile d'imaginer que des nouveaux arrivants vont s'établir dans des communautés francophones hors Québec et pouvoir y vivre pleinement en français.
D'ailleurs, c'était déjà un défi quand nous avons fait adopter la Loi sur les services en français, en Ontario. Nous voulions nous assurer que les services que nous venions de mettre sur pied, parfois contre le gré des fonctionnaires ontariens, seraient utilisés. Nous avons mené une campagne intitulée « Le français, je m'en sers » auprès des francophones pour qu'ils choisissent le français.
Il faut s'assurer que des liens sont établis entre les groupes qui défendent le français et les nouveaux arrivants. Est-ce au fédéral de faire cela ou faut-il encourager chaque province à le faire? En effet, plusieurs des services offerts aux nouveaux arrivants relèvent de la province. C'est souvent le cas, dans le domaine de l'immigration. Qu'il s'agisse d'obtenir un permis de travail, un permis de conduire ou des services de santé, par exemple, la situation n'est pas toujours facile. À part le Québec, il y a peu de provinces où tout cela peut se faire en français. C'est un défi.
Cela dit, lors de la mise en œuvre de la Loi sur les services en français, nous avions trouvé des solutions pour que ces services puissent être offerts, même à distance, au besoin. Par exemple, dans les succursales de la Régie des alcools de l'Ontario, si aucun expert bilingue n'était disponible, les gens pouvaient utiliser le téléphone mis à leur disposition pour appeler un expert afin de savoir quelle sorte de vin ils devraient consommer avec leur repas.
On peut trouver diverses façons, grâce au télétravail, d'encourager les services en français. Il faut être innovateur.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également tous les témoins qui se joignent à nous aujourd'hui. Leurs propos sont vraiment intéressants.
J'habite la région de Sudbury et je suis originaire de Kapuskasing. Je dois vous avouer que ma famille et moi sommes la cinquième génération de gens originaires du Québec et de l'Acadie qui demeure dans le Nord de l'Ontario. Mes enfants et moi avons fréquenté l'école en français.
La première fois que je suis allé à Montréal, j'étais étudiant à l'Université d'Ottawa et j'allais voir une partie des Canadiens au Forum. Malheureusement, ils avaient encore perdu contre les Flyers à l'époque. Je réagis encore à ce souvenir. Lors de ma deuxième visite à Montréal, j'étais avec mon épouse, et nous avions assisté à un spectacle de M. Francis Cabrel. Nous, les Franco-Ontariens, nous vivons en français, mais il y a beaucoup d'enjeux, comme l'a dit M. Godin.
Je trouve l'étude vraiment fascinante. Nous considérons évidemment le Québec comme le pôle francophone de l'Amérique du Nord. Cependant, j'entends nos amis québécois dire qu'ils ont des problèmes, eux aussi, et se demander comment on peut s'y attarder. C'est toute la question.
En Ontario, quand nous, les francophones canadiens, nous nous levons le matin, nous savons que nous avons un combat à mener, comme le disait mon ami Darryl Samson. Si nous voulons garder notre culture et notre langue, nous devons nous battre. Quand nous nous couchons le soir, nous savons que nous devrons nous battre encore le lendemain.
Comme M. Arseneault, j'ai étudié le droit dans la Section de common law de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Bien que je ne sois pas constitutionnaliste, mais fiscaliste, je reconnais l'importance de tout l'aspect constitutionnel qui m'a permis d'étudier en français et qui donne la possibilité à mes enfants d'accéder à l'éducation en français. C'est toutefois plus difficile dans le domaine de l'éducation postsecondaire, à cause du partage des compétences et du fait que cela relève davantage de la province que du fédéral, quoique ce dernier appuie l'éducation postsecondaire.
Ma première question s'adresse à M. Leckey. Si j'ai le temps, j'en poserai d'autres aux témoins.
Au Canada, le système actuel de droits linguistiques a pour but de protéger le français en particulier. Nous avons créé des écoles francophones pour sauvegarder le français au Canada. À propos de la jurisprudence en matière de droits linguistiques, surtout au sujet des écoles et de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, peut-on dire que la symétrie adoptée par la Cour suprême quant à l'interprétation des droits linguistiques a été favorable aux francophones du Canada?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais partager mon temps de parole avec mes collègues Mme Lattanzio et Mme Lalonde.
Je voudrais revenir à la question de l'immigration. La Coalition Avenir Québec, ou CAQ, a publié un rapport à cet égard, soit le rapport Samson. On y soulignait que 43 % des nouveaux arrivants, ou immigrants, au Québec et à Montréal ne parlaient pas français. Quant à l'immigration économique, le pourcentage était de 55 %.
J'aimerais obtenir les commentaires des représentants de la FTQ et de l'Office de la langue française sur le lien entre la francisation, l'intégration économique des immigrants et le fait français. Comment allons-nous nous assurer de protéger le français dans ce contexte?
Pouvez-vous également nous parler des initiatives que vous avez prises et de ce que vous voudriez voir ajouter dans le livre blanc à ce sujet?
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Je peux répondre à ces questions.
La question de la francisation des personnes immigrantes est vraiment un élément important dont il faut tenir compte pour l'avenir du français au Québec. On ne s'en cachera pas. Il faut aussi veiller à ce que la loi 101 soit maintenue dans les écoles pour les enfants d'immigrants, qui constituent un apport important. Il y a aussi toutes sortes de considérations. Par exemple, je parlais de l'ambiguïté du message venant du gouvernement du Canada par rapport au fait anglais. Il faut s'assurer qu'on ne conteste pas le fait que c'est en français que ça se passe au Québec dans les milieux de travail. Cela va contribuer de façon importante à la qualité et à la vitalité du français.
Je pense qu'il sera extrêmement important de travailler au maintien des droits linguistiques concernant le français et de veiller à ce qu'il n'y ait pas de contestation outre mesure du fait français. De notre côté, nous travaillons de concert avec les syndicats.
Il faudrait s'assurer que la loi 101 prévoit des dispositions sur l'inclusion des conditions de travail des travailleurs pour ce qui est de la francisation. Cela devrait donc faire partie des discussions des comités de francisation. Il s'agit d'éléments importants qu'il faut mettre en avant, selon nous.
Est-ce que cela répond bien à votre question, madame Martinez Ferrada?
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Je ne mentionnerai que deux choses, quoiqu'il y en aurait beaucoup d'autres à souligner.
Je crois qu'un virage commence à se faire en ce qui a trait à l'immigration. L'immigration se fait en deux étapes: les gens sont d'abord des résidents temporaires, puis ils deviennent des résidents permanents.
En ce qui concerne les résidents temporaires, il n'y a pas d'exigence linguistique. Je dirais donc que, si une nouvelle entente devait avoir lieu entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, elle devrait porter sur la maîtrise du français par les résidents temporaires, et ce, dès leur arrivée. Ce serait bien.
Une proposition a déjà été présentée au gouvernement, selon laquelle toutes les personnes devenant citoyennes du Québec devraient avec une connaissance du français. Ce serait un message très fort à envoyer: pour pouvoir être citoyen québécois, il faut parler français.
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Je vous remercie beaucoup, madame Martinez Ferrada.
Je remercie également tous les témoins.
Je poserai ma question à Mme Meggs. J'aimerais avoir un meilleur portrait de l'état de la langue de travail au Québec, notamment à Montréal et dans sa couronne.
Madame Meggs, j'aimerais vous faire part de quelques faits saillants d'un rapport de l'Office québécois de la langue française, ou OQLF, intitulé « Indicateurs de suivi de la situation linguistique. Langues utilisées au travail ». Ce rapport couvre la période de 2001 à 2016.
En ce qui concerne la langue utilisée le plus souvent au travail, l'OQLF rapporte que, dans plus d'une vingtaine d'arrondissements, plus de la moitié des répondants utilisent principalement le français en milieu de travail. Dans l'Ouest et dans le centre de l'île de Montréal, on voit plutôt une utilisation de l'anglais.
Sachant que ces tendances varient par arrondissement et que l'île de Montréal ne représente pas un juste tout, comment aborder ces variations de l'utilisation de la langue?
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Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par poser la question qui tue.
M. Leckey nous ramène souvent à la Constitution. J'aimerais savoir ce que les autres témoins en pensent, puisque l'égalité de statut n'a jamais fonctionné. La Loi sur les langues officielles est entrée en vigueur il y a 52 ans, mais le français continue à être en déclin partout. L'anglais demeure la langue prédominante des institutions fédérales, même celles situées au Québec.
Ma question s'adresse à tout le monde.
En 1982, la majorité canadienne a imposé la Consitution à la minorité québécoise. En vertu de ladite Constitution, on a affaibli la Charte de la langue française dans tous ses secteurs d'application. Le gouvernement fédéral n'a fait que renforcer l'anglais au Québec.
Que pensez-vous de cet état de fait? L'un d'entre vous souhaite-t-il répondre à ma question?
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Je suis tout à fait d'accord.
Pensez-vous que la population du Québec est au courant?
C'est moi, en fait, qui ai présenté la motion proposant ce sujet d'étude. Des gens m'ont dit qu'ils ne voulaient pas que le fédéral se mêle de la question de la langue. Toutefois, le fédéral s'en mêle déjà beaucoup.
Nous n'avons qu'à penser au programme de Développement des communautés de langue officielle, qui alloue plus de 5 millions de dollars aux différents organismes anglophones du Québec, notamment le Quebec Community Groups Network. Le programme de Mise en valeur des langues officielles, pour sa part, leur alloue une vingtaine de millions de dollars. En 2015-2016, c'était un montant d'environ 23 millions de dollars, mais le montant varie un peu d'une année à l'autre. Quant au Programme de contribution pour les langues officielles en santé, il sert à financer l'apprentissage de l'anglais pour les fonctionnaires québécois dans le domaine de la santé.
Pensez-vous que la population du Québec est au courant de tous ces programmes, qui sont financés par les impôts du Québec et par les impôts fédéraux prélevés au Québec, mais qui ne servent qu'à renforcer l'anglais au Québec? Les gens en sont-ils conscients?
C'est tout le temps que nous avions pour cette séance du Comité permanent des langues officielles.
Au nom de tous les membres du Comité, j'aimerais remercier les témoins d'avoir participé à cette séance et d'avoir pris part à ces échanges si constructifs.
Je remercie M. Robert Leckey, doyen et titulaire de la Chaire Samuel Gale de la Faculté de droit de l'Université McGill, ainsi que Mme Anne Michèle Meggs, ancienne directrice de la recherche à l'Office québécois de la langue française, qui ont tous deux comparu à titre personnel. Je remercie également les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, soit M. Denis Bolduc, secrétaire général, et M. Gilles Grondin, conseiller syndical.
J'en profite aussi pour dire aux membres du Comité, de même qu'aux gens qui suivent nos travaux, que les deux prochaines séances se tiendront à huis clos. Durant ces séances, nous allons étudier le rapport sur la COVID-19, que les membres du Comité recevront sous peu.
En terminant, je remercie toute l'équipe technique de nous avoir accompagnés.
Je vois que Mme Lalonde veut intervenir.
Madame Lalonde, vous avez la parole.