LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 27 avril 2021
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 28e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
[Français]
Le Comité se réunit pour entendre des témoins dans le cadre de l'étude sur les mesures du gouvernement pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.
Je remercie les témoins d'être parmi nous pour la durée de la séance.
Nous allons suspendre la réunion vers 17 h 10 pour une courte partie à huis clos.
[Traduction]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais vous faire part de certaines règles.
Tout d'abord, je voudrais profiter de l'occasion pour rappeler à tous les participants à cette réunion que les captures d'écran ou la prise de photos de leur écran ne sont pas autorisées.
[Français]
Avant de prendre la parole, cliquez sur l'icône du micro pour activer votre micro. Lorsque vous avez terminé, mettez votre micro en mode sourdine pour minimiser les interférences. Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Lorsque vous parlez, exprimez-vous lentement et clairement. À moins de circonstances exceptionnelles, tous les participants à distance doivent utiliser un casque d'écoute et un micro-perche.
[Français]
Si toutefois il y a un problème, n'hésitez pas à me le signaler de façon à favoriser la pleine participation de tous à cette séance.
Sans plus tarder, j'aimerais accueillir les témoins de cet après-midi. De la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, nous recevons M. Alain Dupuis, le directeur général. M. Jean Johnson, le président de la Fédération, éprouve des problèmes techniques. Il sera présent, mais ne pourra pas intervenir.
À titre personnel, nous accueillons aussi Mme Mariève Forest, sociologue, présidente et fondatrice de Sociopol, et professeure invitée à l'Université d'Ottawa. Toujours à titre personnel, nous recevons M. Jack Jedwab, président et directeur général, Immigration et Identités, de l'Association d'études canadiennes et de l'Institut canadien pour les identités et les migrations.
Chacun des témoins aura sept minutes et demie pour faire sa présentation. Je les aviserai lorsqu'il leur restera une minute et lorsque leur temps sera écoulé. Ensuite, nous passerons à la période des questions.
Sans plus tarder, commençons par M. Dupuis, qui dispose de sept minutes et demie pour faire son discours.
Monsieur Dupuis, allumez votre micro. La parole est à vous.
Je vous remercie, monsieur le président et chers membres du Comité.
Je souligne que le président, M. Jean Johnson, aurait bien aimé être présent. Malheureusement, en raison de difficultés techniques, ce sera moi qui ferai la présentation, mais il vous salue certainement.
Je vous remercie d'avoir invité la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, la FCFA, à comparaître aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur la protection et la promotion du français partout au pays. En septembre, nous avons accueilli très positivement l'engagement du gouvernement à cet égard dans le discours du Trône. Pour nous, cet engagement est non seulement le bienvenu, mais il est nécessaire, vu la vulnérabilité du français.
Peu après le discours du Trône, le cabinet de la ministre du Développement économique et des langues officielles a sollicité de la FCFA des idées sur des principes et des mesures que le gouvernement pourrait adopter pour protéger et promouvoir le français partout au pays. La FCFA a donc produit un document de réflexion comportant plusieurs propositions. Ce document a été soumis à ce comité dans le cadre de la présente étude.
Dans ce document, nous avons d'abord confirmé que le français est la langue officielle qui a besoin de mesures d'appui spécifiques pour atteindre l'égalité réelle avec l'anglais. Nous avons recommandé la création d'un conseil chargé de faire rapport périodiquement sur l'état du français au pays et de recommander des mesures en conséquence. Ce conseil inclurait notamment des représentants et des représentantes des communautés francophones et acadiennes.
Je note que cette idée ne se retrouve pas dans le document de réforme des langues officielles de la ministre Joly, et c'est un élément que nous discuterons avec elle. Il y a là un élément de participation de nos communautés à la mise en œuvre de la politique linguistique du Canada qui nous semble essentiel.
Dans un deuxième temps, nous avons relevé dans le document une question de consensus social autour des grandes valeurs canadiennes du XXIe siècle. Au fil du temps, les choix de société qui ont été faits ont amené le Canada là où il se trouve présentement. Ces choix incluent la dualité linguistique, la diversité culturelle et la réconciliation avec les peuples autochtones. Or ces choix ne sont pas bien compris par tous et toutes. Comme le disait le commissaire aux langues officielles Victor Goldbloom, en 1992, les gens ne peuvent appuyer ce qu'ils ne comprennent pas. Le gouvernement détient, selon nous, une responsabilité d'éducation civique pour favoriser une meilleure compréhension commune de ces grandes valeurs et des raisons pour lesquelles elles sont fondamentales.
En troisième lieu, nous avons appelé le gouvernement à l'action en ce qui a trait au poids démographique de la francophonie. Ce poids démographique s'est érodé au fil des décennies à cause de l'assimilation et parce que la population ne se renouvelle pas au même rythme que celle d'expression anglaise. Le gouvernement s'est déjà donné pour objectif, dans le présent plan d'action pour les langues officielles, de rétablir ce poids démographique à 4 %. À cette fin, il faudra une action audacieuse en matière d'immigration francophone et d'appui à la vitalité sociale et culturelle de la francophonie.
En quatrième lieu, nous avons recommandé au gouvernement de travailler avec les provinces et les territoires pour éliminer les nombreux obstacles liés à l'apprentissage du français langue seconde, afin que cela ne soit plus perçu comme le privilège de quelques-uns, mais bien comme le droit de l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Cinquièmement, la francophonie est plus forte lorsqu'elle est unie. Un resserrement des liens entre le Québec et les autres francophonies canadiennes est à l'avantage de tous et de toutes. Le gouvernement fédéral peut y contribuer, notamment en favorisant la mobilité francophone, particulièrement au niveau postsecondaire. Il peut aussi préciser le mandat de Radio-Canada pour que la société d'État ait pour rôle de favoriser une meilleure connaissance mutuelle entre le Québec et les autres francophonies.
Sixièmement, la vitalité du français passe par des services en français qui rejoignent les citoyens et les citoyennes là où cela compte le plus: localement. C'est pourquoi nous préconisons une meilleure collaboration entre le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les municipalités pour avancer vers une offre complète de services en français développés avec, par et pour les communautés francophones. À cet égard, dans le document de réforme de la ministre Joly, on propose de favoriser l'utilisation des outils de reddition de comptes dans les ententes fédérale-provinciales-territoriales. La FCFA pense qu'il faut aller plus loin et inclure des clauses linguistiques fortes dans les ententes de transfert de fonds vers les provinces et les territoires.
Enfin, pour la septième recommandation, je vous renverrais au livre de Graham Fraser intitulé Sorry, I Don't Speak French: Confronting the Canadian Crisis That Won't Go Away.
M. Fraser y note que le gouvernement a, historiquement, adopté une attitude défensive et justificative en ce qui concerne la dualité linguistique, au lieu d'en promouvoir les avantages. Susciter une perception positive du français et de la francophonie, cela commence par le haut. Le gouvernement du Canada est le mieux placé pour promouvoir, dans son discours officiel et ses publications, la langue française et la francophonie au pays.
En conclusion, permettez-moi d'être direct. Le statut du français, que ce soit comme langue officielle du Canada ou langue dans l'espace public, est en train de perdre du terrain. Je ne parle pas seulement des communications bilingues des gouvernements en temps de pandémie, je parle aussi de la situation fragile des universités francophones, comme l'Université Laurentienne, le Campus Saint-Jean, en Alberta, et j'en passe. Je parle aussi de l'utilisation du français dans la fonction publique.
Ceux et celles qui pensent que ce n'est pas bien grave se trompent. L'érosion du français, c'est l'érosion d'une partie de l'ADN du Canada. Le gouvernement fédéral est absolument justifié de vouloir agir avec force et audace.
Je vous remercie.
Merci beaucoup de votre allocution, monsieur Dupuis.
Nous allons donc passer le microphone à Mme Forest, qui est sociologue, présidente et fondatrice de Sociopol et professeure invitée à l'Université d'Ottawa.
Les prochaines sept minutes et demie sont à vous, madame Forest.
Bonjour à tous et à toutes. Je vous suis reconnaissante de pouvoir contribuer aux réflexions concernant les mesures de protection et de promotion du français au Canada.
Je tiens à préciser que je travaille à la question des langues officielles depuis près d'une vingtaine d'années. Aussi ai-je deux ensembles de propositions à vous transmettre en lien avec deux de mes domaines d'expertise, soit le postsecondaire et l'immigration.
Premièrement, je vais insister sur l'importance d'aborder l'éducation postsecondaire à partir d'une stratégie distincte, qui adopte une perspective réparatrice. Sachez que les réflexions et les données liées à cette thématique sont issues d'une étude commandée par le ministère du Patrimoine canadien, dont le rapport final n'a pas encore été déposé. Ainsi, les perspectives que je vous transmets sont celles des chercheurs et n'engagent pas le ministère.
Le deuxième élément que je vais soulever portera sur l'importance d'intégrer systématiquement une perspective longitudinale lorsqu'il est question d'immigration, c'est-à-dire une perspective qui considère les dynamiques de transferts linguistiques. Cet élément sera plus bref, mais sachez que j'ai réalisé, au cours des dernières années, plusieurs études portant sur l'immigration, notamment en ce qui a trait à l'insertion en emploi, aux résidents temporaires et à la gouvernance. N'hésitez pas à me poser des questions sur ces autres thèmes.
Concernant l'éducation postsecondaire dans la langue de la minorité, on a traditionnellement analysé et financé l'éducation comme un tout. Pourtant, je pense qu'on gagnerait à adopter, pour le postsecondaire, une stratégie distincte de celle de l'éducation primaire et secondaire. La stratégie devrait inclure l'accès aux études en français et les incitatifs limités. En effet, les universités et les collègues font partie des rares institutions d'une communauté francophone à avoir un rôle très fort, à la fois en ce qui a trait à la socialisation de proximité, c'est-à-dire à la construction identitaire, et à la socialisation sur la place publique. Je fais ici référence aux représentations que les francophones ont d'eux-mêmes, mais aussi à celles du groupe majoritaire par rapport au français, aux francophones et aux communautés francophones. Je reprends le bagage conceptuel, développé et abordé par M. Landry la semaine dernière, pour insister sur la particularité du postsecondaire lorsqu'il est question de la complétude institutionnelle.
Cela dit, les différentes bases de données que nous avons consultées montrent un accès et des incitatifs limités pour ce qui est des études postsecondaires en français au Canada et à l'extérieur du Québec. Nous sommes à la veille de terminer un rapport de plus de 120 pages et de près de 80 tableaux. Je vous transmets seulement quelques chiffres.
En 2018-2019, environ 2 % des effectifs ont étudié en français, si l'on combine les universités et les collèges. Je vais mettre ce pourcentage en perspective: en 2016, 3,8 % de la population avaient le français comme première langue officielle parlée. Cela dit, les universités et les collèges ont la particularité d'accueillir non seulement des francophones, mais aussi les francophiles et les étudiants étrangers. En effet, il ne s'agit pas de deux systèmes distincts, comme c'est le cas aux niveaux primaire et secondaire. Il y a donc des enjeux en ce qui a trait à l'accès.
Pour ce qui est des incitatifs, on peut parler de certaines difficultés. Par exemple, la dette étudiante est plus élevée pour ceux qui étudient en français. C'est surtout le cas au niveau universitaire, mais ce l'est aussi au niveau collégial. Une moins grande diversité est offerte en matière de programmes, surtout pour ce qui est des sciences, de la technologie et des mathématiques. C'est quand même assez important, surtout si l'on exclut l'Université d'Ottawa. Bien sûr, la réputation des établissements est généralement censée avoir de l'importance dans les choix des étudiants, mais ce facteur entre beaucoup moins en ligne de compte quand on choisit d'étudier en français.
En plus de consulter diverses enquêtes, nous avons eu des entretiens avec des représentants du secteur. L'enjeu du financement est ressorti comme étant important. Toutefois, cela reste une question très compliquée.
Je vais aborder trois éléments. D'une part, le contexte de financement du postsecondaire a beaucoup évolué au cours des 15 dernières années au Canada. Désormais, les droits de scolarité sont une partie plus importante des revenus des établissements. Les petits établissements d'enseignement ont donc plus de difficulté à tirer leur épingle du jeu.
De plus, planifier et offrir des études en français au sein d'établissements francophones ou bilingues requiert davantage d'investissements. C'est le cas dans plusieurs catégories budgétaires, que ce soit sur le plan des ressources pédagogiques, des déplacements requis ou de la formation linguistique, entre autres.
En ce qui a trait au service à la communauté, tous les établissements postsecondaires ont la mission d'offrir des services à la communauté. Or lorsque notre communauté est une communauté francophone dispersée, éloignée ou peu visible, cela entraîne des dynamiques particulières.
Je terminerai en parlant de la question de l'immigration. Je vais m'en tenir à l'importance d'intégrer de manière plus forte la perspective longitudinale en prenant en considération les transferts linguistiques.
Avec raison, à ce jour, ce sont surtout les seuils très faibles d'immigrants francophones accueillis annuellement, de même que leur établissement, qui nous ont préoccupés. Bien sûr, il importe de poursuivre dans cette direction.
Cela dit, la rétention linguistique des personnes immigrantes a peu retenu l'attention. Dans le cadre d'une étude où nous avons élaboré des projections démographiques pour les francophones de l'Ontario, les données montraient bien que l'accueil de nouveaux arrivants francophones ne permettait pas à lui seul d'infléchir de manière considérable la courbe démographique, si les taux de rétention linguistique étaient les mêmes pour les francophones nés au Canada et pour ceux nés à l'étranger.
On sait que l'anglais exerce une puissance d'assimilation envers les francophones nés au Canada. Les personnes immigrantes s'assimilent-elles de la même manière que les francophones nés au pays? Le font-elles à la même vitesse? À long terme, quels facteurs contribuent à réduire les transferts linguistiques pour les personnes immigrantes?
Ce sont des questions qui ont été peu abordées et qui gagneraient à faire partie de l'ensemble des mesures protégeant le français au Canada, à mon avis.
Je vous remercie.
Merci beaucoup, madame Forest.
Nous recevons, à titre personnel, M. Jack Jedwab.
Vous avez la parole pour sept minutes et demie, monsieur Jedwab.
Je remercie également les membres du Comité de m'avoir invité à vous faire part de mes réflexions, qui portent sur l'état du débat en matière de langues officielles et de dualité linguistique au Canada, notamment au Québec.
Je vais commencer par mes constats et finir par quelques recommandations sur la question de l'immigration. D'abord, comme je l'ai mentionné, je veux situer un peu le contexte du débat actuel au Québec.
Pour ma part, je le trouve malsain à certains égards. Ce qui me préoccupe, c'est la base sur laquelle est fondé le débat, qui risque d'influencer les décideurs quant à la façon dont les politiques linguistiques seront élaborées. Il est question de l'harmonisation de la Loi sur les langues officielles et de la Charte de la langue française, objectifs qui m'ont été présentés ou qui font partie du mandat qui m'a été confié pour cette séance de Comité.
Comme je sais que le temps presse, je vais rapidement aborder quatre points. Les cibles ou objectifs linguistiques sont souvent vagues, et les politiques et les programmes sont mesurés en fonction de repères mal ou peu définis. À titre d'exemple, la Charte de la langue française stipule que le français soit « la langue commune de la vie publique ».
Ainsi, certaines personnes sont portées à se demander ce qu'est au juste la langue commune de la vie publique. Est-ce que cela veut dire que, lorsque les gens interagissent dans l'espace public au Québec, ils doivent parler français?
Si c'est l'objectif, il est irréaliste, compte tenu de la démographie du Québec et du pourcentage d'anglophones de langue première ou de langue seconde qui y habitent. Un objectif général, même s'il n'est pas malsain, peut prêter à confusion s'il n'est pas bien défini. Il s'agit simplement de mieux définir les objectifs en matière de langues officielles.
Comme M. Dupuis l'a mentionné plus tôt, en faisant référence à M. Victor Goldbloom, si les gens ne comprennent pas un objectif parce qu'il est imprécis, cela risque de créer de la confusion. Voilà le premier point que je voulais aborder.
Les notions de majorité et de minorité sur un territoire donné constituent le deuxième point dont je veux parler. Ces notions sont souvent floues. Par exemple, l'idée selon laquelle les francophones constituent une minorité sur l'île de Montréal incite certaines personnes à croire que les non-francophones y sont majoritaires. Si l'on suit une telle logique, on pourrait avoir l'impression qu'une personne comme moi, dont l'anglais est la langue maternelle même si je me considère en partie francophone, je pourrais m'associer, par exemple avec M. Dubourg, qui a le créole comme langue maternelle, et avec Mme Martinez Ferrada, qui a probablement l'espagnol comme langue maternelle, pour former la majorité et décider d'imposer à la minorité francophone de l'île de Montréal je ne sais quelle langue à la minorité francophone.
Je comprends la façon de présenter le rapport entre langue majoritaire et langue minoritaire, mais jamais je n'imaginerais que Mme Martinez Ferrada ou M. Dubourg m'inviteraient à une réunion pour voir comment nous, comme majorité, pourrions façonner une politique linguistique au Québec. Sur l'île de Montréal, nous ne sommes pas majoritaires. Cependant, lorsque je rencontre mes collègues, j'ai l'impression qu'ils tiennent pour acquis que les 52 % de gens qui sont de langues maternelles diverses mais non francophone partagent l'anglais comme langue première et vont l'imposer à la minorité. Selon moi, une telle logique est malsaine et fausse le débat.
Le troisième point que je veux aborder est lié au point antérieur. Pourquoi insistons-nous sur un territoire donné, c'est-à-dire l'île de Montréal, au lieu de la région métropolitaine de Montréal? Un tel choix n'est pas justifié sur le plan démographique. Quand je demande à mes collègues démographes pourquoi ils choisissent l'île de Montréal au lieu de la région métropolitaine de Montréal pour établir le pourcentage de francophones, ils répondent que c'est comme ça, que c'est parce que le centre-ville se trouve sur l'île de Montréal. Or la Rive-Sud est plus près due centre-ville de Montréal que ne l'est l’Ouest-de-l’Île, qui est sur l'île de Montréal. Il y a bien des questions qui se posent par rapport à la façon dont l'interprétation se fait.
Il y a deux autres points que j'aimerais aborder rapidement.
[Traduction]
Permettez-moi de passer à l'anglais, car je vais faire mon exposé dans les deux langues.
On fournit très rarement des preuves causales pour justifier certaines des mesures ou initiatives qui sont instaurées en vue d'améliorer la position de la langue française, que ce soit à Montréal, dans le reste du Québec ou ailleurs, ou en vue de soutenir la communauté anglophone en ce qui a trait aux questions d'épanouissement.
Nous devons obtenir plus de preuves établissant le lien causal des mesures que nous adoptons, et voici ce que j'entends par « causal »: par exemple, si les députés de l'Assemblée nationale du Québec affirment que nous devons dire « Bonjour » au lieu de « Bonjour, hi », il sera important de fournir des preuves causales de l'efficacité de ce genre de proposition, au lieu de se contenter de lancer l'idée, puis de voter en sa faveur à l'unanimité — et voilà, le tour est joué.
Parce qu'en réalité, depuis que cette mesure a été proposée par les législateurs du Québec, plus de gens qu'avant disent « Bonjour, hi » et « Au revoir, goodbye » et tiennent des conversations dans les deux langues. Je peux vous assurer que partout où je vais maintenant, j'entends « Bonjour, hi », presque tout le temps. On ne réfléchit pas aux répercussions de ces mesures; on ne se soucie que de leur caractère symbolique.
D'ailleurs, j'ai toujours trouvé un peu drôle que nous, au Québec, à l'Assemblée nationale, exprimions notre refus du mot « hi », mais nous n'ayons rien à redire au sujet du mot qui commence par un « n ». C'est là tout un paradoxe, si l'on y pense bien, et je trouve cela frappant dans certains cas. Enfin, laissons cette question de côté pour l'instant.
En dernier lieu, j'aimerais parler de l'opinion selon laquelle les langues sont inévitablement en concurrence.
[Français]
Selon cette vision, dès qu'on parle un peu en anglais, cela veut dire qu'on parle moins en français.
La situation dans les milieux de travail se trouve au cœur de la menace pour la langue française, du moins au Québec. Il y a un déclin du français à Montréal dans le domaine du service à la clientèle, notamment dans la restauration.
[Traduction]
Ce n'est pas parce que vous parlez un peu plus anglais ou un peu moins français que les deux langues ne peuvent pas coexister. En fait, elles doivent coexister d'une certaine manière. Il y a beaucoup de mélanges, et il y en a eu beaucoup à Montréal et ailleurs au Québec, ce qui est formidable du point de vue de certains des changements et des fléchissements que nous observons. Nous devons être capables de gérer cela.
Je crois que mon temps de parole est écoulé.
Il me reste une minute. C'est bien.
[Français]
Merci, monsieur Dubourg.
[Traduction]
Je serai très bref. Si nous voulons nous occuper des questions liées aux pourcentages de francophones, d'anglophones et d'allophones, nous devons examiner le sujet de l'immigration, de toute évidence. Ce sont les questions en matière d'immigration, notamment les projections concernant le nombre futur d'immigrants que nous recevrons et la composition linguistique des immigrants, qui créent la perception que le français, comme langue maternelle ou langue parlée à la maison... Ce ne sont pas les catégories que je privilégie pour mesurer la situation, soit dit en passant. Je préfère examiner la situation du français au travail ou la première langue officielle parlée, mais nous devons mieux comprendre comment nous pouvons augmenter le pourcentage d'immigrants francophones qui s'installent au Québec.
Une bonne partie de cette question est entre les mains du gouvernement du Québec. Pour être juste, à voir le bilan des 20 dernières années — et je peux vous montrer les données —, le gouvernement du Québec ne peut pas faire plus dans ce domaine que ce qu'il a fait, et le gouvernement fédéral ne constitue pas un obstacle à cet égard.
Je vous remercie.
Merci beaucoup, monsieur Jedwab.
[Français]
Nous allons passer à la période de questions.
Je voudrais aussi aviser les membres du Comité que, conformément à la motion de régie interne que nous avons adoptée, nous allons faire un premier tour de 50 minutes. Il nous restera ensuite une quinzaine de minutes, et je propose d'allouer quatre minutes à chaque groupe parlementaire pour la deuxième partie. Vous pouvez aussi séparer votre temps de parole.
MM. Blaney et Dalton auront la parole pour les six premières minutes. Je présume que M. Blaney va commencer.
Merci beaucoup, monsieur le président. Nous comptons sur vous pour répartir le temps comme on partage une bonne tarte au sucre en parts égales.
Je remercie les témoins de leurs présentations.
Avant de partager mon temps de parole avec M. Dalton, je vais poser deux questions.
Ma première question s'adressera à Mme Mariève Forest.
Madame Forest, vous avez parlé d'une perspective réparatrice pour l'enseignement postsecondaire. Nous savons que nos établissements d'enseignement postsecondaire de langue seconde subissent présentement de la pression. M. Dupuis a notamment fait référence à la crise dans laquelle se trouve l'Université Laurentienne. De plus, il y a des nuages gris au-dessus de vaisseaux amiraux comme l'Université de Moncton et le Campus Saint-Jean de l'Université de l'Alberta.
Vous semblez parler de mesures réparatrices. Est-ce que vous sous-entendez que certaines choses n'ont pas été faites correctement par le passé, notamment sur le plan du financement ou relativement à l'approche choisie? J'aimerais vous entendre sur cet aspect en particulier.
Je ne peux pas me prononcer sur ce qui a été fait par le passé. Comme je l'ai expliqué relativement au financement, le contexte a également évolué au cours des 15 dernières années et déborde largement le cadre des établissements postsecondaires en français, mais a aussi affecté ces derniers. Il y a 15 ans, nous ne pouvions pas statuer sur cela.
Cela dit, effectivement, il y a toutes sortes de mesures à mettre en place à partir de maintenant. L'état critique de plusieurs établissements est très visible, non seulement quand nous parlons à leurs responsables et quand nous suivons les médias, mais aussi quand nous regardons différentes bases de données, où l'on voit très bien que l'accès est limité. Il faut aussi développer une compréhension fine des mesures de protection à mettre en place et des facteurs de vulnérabilité de ces établissements.
Il y a toutes sortes de modèles de gouvernance en ce moment. Dans l'Ouest, ce sont des unités académiques au sein de grandes universités anglophones; en Ontario, il y a plusieurs modèles bilingues; à certains endroits, il y a des établissements de langue française.
Nous ne connaissons pas, à ce jour, avec précision, ce qui fait finalement que les étudiants sont bien. Dans les espaces de vie en français, les étudiants peuvent évoluer dans un environnement sécuritaire d'un point de vue linguistique.
Il y a beaucoup de données à recueillir en ce qui a trait au postsecondaire.
La perspective réparatrice se rapportait davantage au fait que nous constatons, aujourd'hui, un accès limité.
Vous avez parlé du modèle de gouvernance. Compte tenu de ce que nous avons entendu concernant l'Université Laurentienne, il est certain que le modèle bilingue ne nous donne pas le goût de répéter l'expérience.
Je vais me tourner vers M. Dupuis, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, la FCFA.
Monsieur Dupuis, vous avez commencé votre allocution en faisant référence au discours du Trône et en disant qu'il était nécessaire de reconnaître que le français avait besoin d'un appui particulier. Vous avez aussi donné des recommandations.
Quelle est votre réaction au fait que nous reconnaissons dorénavant que le français, même au Québec, doit faire l'objet d'une attention particulière de la part du gouvernement fédéral, et ce, tout en maintenant un soutien renouvelé à l'endroit des minorités francophones?
Je parlais de la tarte au sucre tantôt. Y a-t-il plus de gens pour se partager la même tarte ou faut-il avoir une approche différente?
J'aimerais vous entendre sur le sujet. Soit dit en passant, j'apprécie l'ouverture de la FCFA au sujet de cet enjeu, qui nous concerne tous, où que nous soyons au pays.
Je dirais que, pour nos communautés, nous devons penser à la promotion et à la préservation du français, et pas seulement en fonction de nos communautés minoritaires et de la situation majoritaire au Québec. Nous devons également réfléchir ensemble à la promotion de notre langue. C'est un peu cela, la nouvelle logique que nous offre le discours du Trône. Cet engagement envers la particularité du français revient à dire que, parfois, il faut en faire plus, et que c'est justifié, car des mesures particulières doivent être mises en oeuvre pour atteindre l'égalité réelle.
Pour revenir à l'exemple du réseau postsecondaire, il est clair qu'il faut renforcer et consolider ce réseau hors Québec. Ce n'est peut-être pas le même besoin que pour la minorité anglophone du Québec, et c'est très bien ainsi.
Nous pourrions concevoir notre système postsecondaire comme un réseau national, qui engloberait des établissements au Québec, et qui inclurait cette idée de mobilité des francophones, un peu partout au pays, pour aller chercher leurs services. Je pense que c'est la nouvelle avenue que nous offre cette vision de reconnaissance de la spécificité du français.
Merci beaucoup, monsieur Dupuis.
Il faut arrêter de penser en vase clos, en séparant les communautés francophones hors Québec et du Québec. Il faut penser à un encadrement spécial pour le français, qui est l'une de nos deux langues nationales et l'un des piliers de notre identité. Merci beaucoup.
Je cède la parole à mon ami M. Marc Dalton, de Vancouver.
Je vais donc sabrer mes commentaires.
En justifiant votre réponse, quelle note accorderiez-vous au gouvernement pour ses efforts à promouvoir le français?
Pour nous, le projet de réforme des langues officielles, que la ministre Joly a mis en avant, répondait à plusieurs des demandes et des priorités des communautés.
Quand nous avons étudié ce projet, nous avons constaté que 80 % de nos demandes y étaient.
Merci, monsieur le président.
J'aurais envie de me prêter au jeu et de demander qu'on donne une note à l'ancien gouvernement Harper, mais je ne le ferai pas, puisque nous essayons de travailler dans un esprit de collaboration et de voir comment nous pouvons promouvoir la francophonie, étant donné que nous parlons du déclin du français.
Monsieur Dupuis, je vous remercie beaucoup de vos propos. J'aurais aimé entendre M. Johnson aussi, mais nous aurons d'autres occasions de lui parler. Vous avez parlé de la promotion du français et de l'importance d'être positif à l'égard des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Vous savez que notre gouvernement a prévu un investissement de 500 millions de dollars de plus dans le cadre de son plan d'action. Il a également présenté un livre blanc, dont vous avez parlé, et c'est sans parler du budget de 2021, qui a été déposé la semaine passée et qui prévoit un investissement supplémentaire de 300 millions de dollars dans les communautés.
J'aimerais que vous parliez un peu de l'importance de nos infrastructures culturelles, communautaires et, évidemment, scolaires. Ensuite, j'aimerais entendre vos commentaires sur l'importance d'avoir rétabli le Programme de contestation judiciaire et de le financer adéquatement. Qu'est-ce que cela nous donne? Lorsqu'on parle du déclin du français et d'investir dans nos communautés, qu'est-ce que cela représente? Quelle est l'importance de ces investissements?
Vous savez qu'à Sudbury, où je suis en ce moment et d'où vous venez, le gouvernement a fait un grand investissement dans la Place des arts, qui ouvrira bientôt ses portes et qui regroupera plusieurs organismes culturels. C'est la première fois depuis des décennies que nous allons avoir notre propre espace culturel. C'est un projet très excitant qui mobilise la communauté.
Selon vous, quelle est l'importance des infrastructures culturelles et communautaires?
Pour nous, l'essentiel est de pouvoir vivre en français au quotidien. Nous avons passé beaucoup de temps, ces 30 dernières années, à construire notre réseau scolaire. Il y a plus de 700 écoles francophones au pays. C'est excellent, mais il faut poursuivre ce travail. Cela prend des garderies en français et une éducation postsecondaire en français. Il faut pouvoir sortir et vivre dans sa langue et sa culture dans de tels espaces culturels.
Le travail ne sera jamais fini en ce qui concerne la francophonie canadienne, mais les investissements des dernières années et du dernier budget étaient requis et ont été faits au bon endroit. Nous avons tout de même du rattrapage à faire, et il faut réfléchir à ce qu'il faudra faire après la pandémie. Cela va bientôt faire plus d'un an et demi que les jeunes ne sont pas à l'école et que nous ne vivons pas notre langue au quotidien dans l'espace public. Alors, les investissements sont bien ciblés, mais il va falloir continuer, et ce, en privilégiant la notion du « par et pour ». Il est essentiel, à tous les égards, d'avoir des institutions gérées par la minorité, et ce, dans tous les secteurs.
Je vous remercie.
J'aimerais parler du Programme de contestation judiciaire. Lorsque les gouvernements nous rertirent des droits, on ne peut pas les revendiquer si on n'a pas de fonds. On a vu ce que cela a donné quand le gouvernement a aboli le Programme de contestation judiciaire. Nous avons perdu des institutions à cause de cette impossibilité de revendiquer nos droits. Cependant, nous avons rétabli le Programme de contestation judiciaire, et j'aimerais vous entendre sur l'importance de ce programme.
Qu'est-ce que cela apporte aux communautés de langue officielle en situation minoritaire?
Pour nous, ce programme est essentiel et il l'a toujours été, alors nous nous réjouissons qu'il ait été rétabli. C'est la dernière carte à jouer, pour nous. Il est toujours important de travailler en collaboration avec nos gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, mais si nos droits ne sont pas respectés, des moyens non partisans sont disponibles pour les minorités. Cela a été structurant pour les conseils scolaires et nos écoles, et ce le sera encore dans d'autres domaines.
J'étais donc heureux de constater que le gouvernement s'engageait à pérenniser ce programme qui, à mon avis, devrait être ancré dans la prochaine version de la Loi sur les langues officielles, afin qu'il devienne un programme permanent reconnu par la Loi.
Je suis entièrement d'accord.
Ma dernière question concerne le recensement. Ce n'est pas facile de faire le dénombrement de tous les ayants droit du pays concernés par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela fait longtemps qu'on en parle et cela n'a jamais été facile à faire, mais lors du prochain recensement, nous allons le faire. À mon avis, ce sera très intéressant et, de plus, cela va nous aider énormément.
J'aimerais vous entendre sur l'importance du dénombrement des ayants droit, qui sera finalement effectué dans le cadre du prochain recensement.
Cela est absolument essentiel. Nous aurons pour la première fois un portrait complet de tous ceux dont les enfants ont le droit de fréquenter une école de langue française. Cela implique aussi qu'il y aura des changements assez importants au regard des investissements gouvernementaux nécessaires pour soutenir les infrastructures de nos écoles et les places dans ces écoles.
Dans l'Ouest et dans le Nord, il y a souvent eu des tiraillements sur les chiffres. Je pense que cela transformera la donne, mais pas dans l'adversité.
Tous les gouvernements auront désormais les données requises pour répondre aux besoins des francophones, et c'est une très bonne chose. Cependant, il faut que cet engagement ne soit pas celui d'un seul recensement, mais de tous les recensements à venir.
Je vous remercie, monsieur Lefebvre.
Je vous remercie, monsieur Dupuis.
La parole est à M. Beaulieu pour les six prochaines minutes.
Je remercie tous nos invités.
Je vais m'adresser aux représentants de la FCFA.
Dans votre document sur la nouvelle perspective du gouvernement fédéral, vous dites que « [l]e français est la langue officielle qui a besoin d'appui pour atteindre l'égalité réelle ». Cela rejoint la demande du gouvernement du Québec, qui est de reconnaître que le français est la langue minoritaire partout au Canada. C'est une bonne chose.
Vous avez aussi parlé d'unir la francophonie canadienne. Seriez-vous d'accord pour que, dans cette nouvelle perspective, les groupes de défense du français du Québec soient invités lors des activités visant à rassembler l'ensemble de la francophonie canadienne?
C'est la première fois que le Comité permanent des langues officielles étudie la situation du français au Québec. Lors des autres rencontres, seuls les anglophones étaient invités pour représenter le Québec.
Cela ne renforcerait-il pas la solidarité si les groupes de défense du français du Québec étaient aussi invités?
La francophonie canadienne veut travailler davantage avec la société civile québécoise, qu'elle soit francophone ou anglophone. Nous voulons travailler avec les francophones, bien sûr. Afin de promouvoir notre langue commune, le français, il est important de travailler ensemble, mais aussi d'en avoir les moyens.
Je ne sais pas si ces groupes en particulier souhaitent ce financement, je présume que oui. Pour ma part, la collaboration des sociétés civiles québécoise et francophone est importante.
Vous avez aussi dit qu'il fallait privilégier tout ce qui est fait par et pour les francophones, à tous les égards.
Êtes-vous d'accord qu'il faut essayer de faire la même chose pour l'enseignement postsecondaire?
Devrions-nous faire en sorte que l'Université de Sudbury soit francophone? L'Université de l'Ontario français et l'Université de Hearst pourraient aussi aller en ce sens.
En ce qui concerne les écoles d'immersion aux niveaux primaire et secondaire, elles ne sont pas gérées par les francophones ni en fonction d'eux. Les conseils scolaires disent souvent que cette situation suscite l'assimilation des francophones.
Ne serait-il pas une bonne chose que les écoles d'immersion soient gérées par les communautés francophones et acadiennes?
Aussi, plutôt que d'investir considérablement dans les écoles d'immersion, pourquoi ne pas s'assurer au départ que les écoles pour les francophones et gérées par des francophones obtiennent suffisamment de financement?
En ce qui concerne la question de l'immersion, il faudrait poser la question aux conseils scolaires francophones, à savoir s'ils veulent gérer ces programmes. Ce sont des programmes en français, mais dans des écoles de langue anglaise. Il faudrait des réformes assez majeures pour céder la gouvernance des programmes d'immersion aux francophones.
Je ne veux pas trop m'avancer là-dessus.
Chose certaine, il faut demander quelles sont les retombées des programmes d'immersion au Canada et il faut demander quel est le pourcentage de diplômés en mesure de parler les deux langues à la remise des diplômes. Selon moi, il est très important de renforcer et nos écoles et l'immersion française. Ce sont deux besoins différents, mais tout à fait légitimes. Il faut aussi garantir les résultats afin que plus de Canadiens parlent nos deux langues officielles.
Votre première question m'échappe, je suis désolé.
Je crois qu'elle concernait les établissements d'enseignement postsecondaire pour les francophones et gérés par les francophones.
Premièrement, le financement des établissements doit tenir compte des coûts supplémentaires des écoles d'enseignement postsecondaire en français. Le gouvernement fédéral finance les conseils scolaires francophones des provinces et des territoires pour justifier le fait qu'il y a des coûts supplémentaires à avoir de plus petites écoles avec de plus petits chiffres.
C'est exactement la même logique dans le cas des établissements d'enseignement postsecondaire. Un programme en français en milieu minoritaire coûte plus cher. Ce n'est pas un problème, c'est seulement la réalité des plus petits chiffres.
Je pense que le financement doit être adapté à ces coûts supplémentaires.
Deuxièmement — et c'est une question qui concerne davantage les communautés —, il faut que nos établissements soient gérés par des francophones et que nous ayons le pouvoir non seulement de créer de nouveaux programmes, mais aussi de gérer une administration. Je pense que c'est dans la suite logique de la complétude institutionnelle. On a eu des écoles, des conseils scolaires et des collègues de langue française. Maintenant, il faut des universités de langue française indépendantes, gérées par la minorité.
Tout à fait. Il serait intéressant de faire une comparaison, car presque 40 % du financement fédéral des universités du Québec est versé aux universités anglophones, et je crois que ce n'est pas du tout la même proportion pour les universités francophones hors Québec. Il y a donc un déséquilibre entre le financement au Québec et le financement hors Québec.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Mariève Forest.
Vous avez parlé d'une perspective réparatrice. Faisiez-vous allusion au fait que, pendant très longtemps, l'enseignement du français a été banni des écoles des communautés francophones et acadiennes hors Québec? Cela a mené à une assimilation très importante.
Même en Ontario, les premières écoles secondaires publiques francophones n'ont vu le jour qu'en 1968.
Je ne reculais pas aussi loin dans cette perspective.
Étant donné que les établissements d'enseignement postsecondaire de langue française se sont développés au cours des dernières années, on ne peut pas penser que la force d'un établissement qui existe depuis 20 ans est la même que celle d'un établissement qui existe depuis 100 ou 150 ans. Même si des établissements d'enseignement de langue française existaient il y a longtemps, il y a eu plus de développement sur ce plan récemment.
Merci, madame Forest.
Merci, monsieur Beaulieu.
Madame Ashton, vous avez maintenant la parole pour les six prochaines minutes.
Je vous remercie, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à Mme Forest.
Vous en avez parlé dans votre discours, mais je voudrais savoir ce que vous pensez de la situation dans laquelle se trouve l'Université Laurentienne, à Sudbury. Pour retenir les étudiants et les travailleurs francophones et pour avoir une communauté francophone dynamique, il faut des établissements d'enseignement de langue française et des universités comme l'Université Laurentienne.
Pourquoi faut-il avoir pour priorité d'offrir une éducation postsecondaire en français aux communautés de langue française en situation minoritaire, notamment en Alberta, en Ontario et au Nouveau-Brunswick?
Les établissements postsecondaires jouent un rôle important dans la construction identitaire. D'autres études qui ont été menées avant la nôtre l'ont démontré également. Lorsqu'ils acquièrent ce sentiment de sécurité linguistique et de compétence, les étudiants sont en mesure, à leur arrivée sur le marché du travail, de communiquer aisément en français, d'offrir des solutions en français et de développer des partenariats. Les établissements postsecondaires de langue française contribuent à cela.
Il est important de sécuriser des espaces, au sein des établissements postsecondaires, où le français est fluide, où les communications se font en français. Il est important que les établissements bilingues, qui évoluent dans des environnements bilingues, aient l'occasion de créer ces environnements.
Nous n'avons pas étudié plus en profondeur les mesures de protection existantes. Toutefois, compte tenu de la situation actuelle, je suppose que nous aurions pu déceler des lacunes à cet égard au sein de l'Université Laurentienne.
Ma prochaine question s'adresse à Alain Dupuis, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
Aimeriez-vous souligner des éléments que le gouvernement devrait considérer dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles?
Oui, certainement.
Nous avons accueilli très positivement le document de réforme qui a été présenté cet hiver. Comme je le disais, il répond à plusieurs de nos préoccupations.
Cela dit, nous suivons de près quelques éléments. Évidemment, la partie VII de la Loi sur les langues officielles, qui touche le développement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire, doit être renforcée et clarifiée. Présentement, lorsque nous travaillons avec le gouvernement fédéral et les différents ministères, nous n'avons pas de définition claire de ce qui constitue une mesure positive pour appuyer notre développement.
Effectivement, il faut définir le concept de « mesure positive » et il faut également définir ce que veut dire « consulter les communautés » quand on développe des programmes. Par le passé, certains gouvernements ont moins eu tendance à consulter les communautés, et malheureusement cela a fait qu'on a créé des programmes qu'on a parachutés et qui ne répondaient pas aux besoins de ces communautés.
Ensuite, je dirais qu'il est très important que le gouvernement fédéral appuie le « par » et le « pour » que je mentionnais, c'est-à-dire la capacité des communautés d'assurer leur propre développement. Parfois, cela passe par des transferts aux provinces et aux territoires, mais souvent cela peut aussi passer par des investissements directs dans des institutions qui vont gérer des fonds au nom du gouvernement fédéral. Cela s'inscrit dans l'idée que les communautés sont des partenaires de développement du gouvernement fédéral, pas juste des groupes à financer. Dans cette perspective, l'aide fédérale aux communautés doit servir à renforcer la prise en charge de ces communautés.
J'ai parlé des transferts aux provinces et aux territoires. Le gouvernement fédéral transfère énormément de fonds en santé, en éducation et en infrastructure aux provinces et aux territoires. Cependant, souvent, on ne peut pas suivre cet argent et on ne peut pas démontrer qu'il a des retombées sur nos communautés. On pourrait faire un transfert de milliards de dollars en infrastructure aux provinces en y incluant une clause linguistique afin d'obliger les provinces à consulter la minorité pour connaitre ses besoins en matière d'infrastructure. Cela nous permettrait de nous assurer que les provinces et les territoires tiennent compte de nos besoins lorsqu'ils établissent leurs priorités, lesquelles ont des répercussions directes sur nos communautés.
Un dernier élément de la partie VII est très important pour nous, et c'est la question de l'immigration francophone. En 2003, le fédéral s'est doté d'une cible de 4 % en immigration francophone et cette cible n'a jamais été atteinte. Le poids démographique des francophones continue de chuter d'année en année, et la cible de 4,4 % pour 2023 n'est donc plus suffisante. Il faut établir une nouvelle cible de rattrapage et de réparation pour s'assurer que le poids démographique de nos communautés augmentera à l'avenir, plutôt que de se maintenir ou d'être en décroissance.
Je vais m'arrêter ici. Ces idées pour appuyer le développement des communautés nous interpellent.
Je vous remercie.
Madame Forest, comment percevez-vous la modernisation de la Loi sur les langues officielles? Quel est votre avis sur ce projet?
Si l'on regarde les différentes dynamiques qui existent dans les établissements postsecondaires, on constate que cette perspective de modernisation est tout à fait intéressante. Sur le plan de l'immigration, cela se confirme également.
Il y a aussi l'idée d'aborder la question du français de manière différente, qui a été promue dans le livre blanc. Nous avons fait des études sur les établissements d'enseignement postsecondaire de langue anglaise au Québec. Lorsque nous avons examiné les chiffres portant sur les établissements postsecondaires, nous avons constaté que le fait de traiter de manière équivalente les minorités linguistiques de langue anglaise au Québec et celles de langue française à l'extérieur du Québec posait problème.
Merci beaucoup, madame Ashton.
Je vous remercie, madame Forest.
Nous allons entamer un autre tour qui durera cinq minutes, cette fois-ci.
MM. Godin et Williamson disposeront des cinq prochaines minutes.
Je vous remercie, monsieur le président.
S'il me reste du temps de parole, c'est avec plaisir que je le céderai à mon collègue M. Williamson. Toutefois, lorsqu'on est passionné, il arrive qu'on ne voie pas le temps passer. J'espère que je serai en mesure de lui céder la parole.
J'ai quelques questions à poser, mais je vais commencer par remercier les représentants de trois organismes qui sont venus témoigner aujourd'hui.
Je vais commencer par poser une question à M. Dupuis.
Plus tôt, M. Lefebvre a mentionné le gouvernement conservateur précédent à des fins politiques. Pour ma part, je suis très fier de ce que les conservateurs ont fait pour la francophonie. Je vais vous poser une question très simple, monsieur Dupuis.
Un budget a été déposé, la semaine dernière. Depuis le début de cette séance, vous avez mentionné à plus d'une reprise l'importance de créer des occasions d'utiliser le français au quotidien. Bien entendu, il est important que ces occasions existent dans les établissements d'enseignement postsecondaire, mais vous avez également parlé de la période préscolaire.
Avez-vous suggéré au gouvernement actuel d'obliger les provinces, dans le cadre du programme de garderies qu'il mettra en place, à ouvrir des garderies en français dans des provinces où il y a des minorités francophones?
Cela a-t-il été proposé au gouvernement?
Absolument. Nous en avons discuté avec la ministre Mélanie Joly la semaine dernière.
Nous présenterons également des arguments au ministre Ahmed Hussen pour nous assurer qu'une disposition linguistique très claire veillera à ce que les provinces considèrent la minorité francophone lorsqu'elles mettront sur pied ces programmes de garde.
Il manque 5 000 places dans les garderies francophones à l'extérieur du Québec; il y a du travail à faire. Avant de transférer les sommes d'argent, il faudra que cela devienne une obligation du fédéral.
C'est effectivement une belle occasion de soutenir ces minorités, monsieur Dupuis.
Cependant, dans le budget, je n'ai vu aucune trace d'un soutien aux minorités francophones ailleurs qu'au Québec.
Ma prochaine question s'adressera à Mme Forest.
Madame Forest, vous avez mis le doigt sur un problème récurrent qui est reporté d'année en année. Vous avez parlé des frais de scolarité, qui ont de plus en plus d'importance dans la gestion des budgets de fonctionnement des institutions. C'est l'un des problèmes, sans être le seul. Nous le constatons d'ailleurs dans le cas de l'Université Laurentienne. C'est tout à fait légitime de la part des établissements que de chercher à être concurrentielles et à boucler leur budget. Toutefois, à un moment donné, on s'éloigne de ses objectifs et de ses valeurs.
Comment pouvons-nous trouver une solution pour empêcher ce phénomène de dégradation? Étant ce qu'il est, l'argent est nécessaire pour le fonctionnement d'un établissement comme une université.
C'est une grande question.
En 2018-2019, 46 % des revenus des établissements postsecondaires provenaient des gouvernements. La part du gouvernement fédéral était aux alentours de 10 %, et nous étions à un peu plus de 25 % des frais de scolarité. Ce sont les revenus principaux des établissements postsecondaires.
Si on veut que les institutions soient moins dépendantes des frais de scolarité, une hausse des investissements de la part des gouvernements est nécessaire. À mon avis, cette option est la priorité. De plus, il faut bien comprendre la dynamique suivante. Les établissements ont réussi à augmenter les revenus liés aux frais de scolarité en grande partie grâce aux étudiants étrangers, ce qui représente un autre problème. Ce dernier dépasse largement la question des langues officielles, mais il est plus difficile de développer des stratégies de recrutement auprès des étudiants étrangers. D'ailleurs, les unités postscolaires de l'Ouest ont eu beaucoup de problèmes financiers à ce sujet.
Monsieur le président, je remercie Mme Forest de la réponse.
Comme je partage mon temps de parole avec mon collègue M. Williamson, je dois m'arrêter ici.
Merci, monsieur le président.
Je remercie M. Williamson.
J'ai une courte question à poser à M. Jedwab.
Monsieur Jedwab, vous avez parlé des cibles qui étaient mal définies. Quel serait votre meilleur conseil pour bien définir nos objectifs avant de promouvoir la protection de la langue française?
Dans le cas que M. Dupuis a mentionné, une cible très précise a été déterminée en matière d'immigration.
Il faut mettre en place les ressources et la façon de procéder pour atteindre cette cible. Il ne faut pas créer des cibles trop vagues, car elles prêtent à interprétation. Il faut qu'elles soient plus précises.
Merci, monsieur le président.
J'ai la chance de siéger au Comité permanent des langues officielles depuis 2015. Certains témoins sont venus nous visiter à plusieurs reprises. Les représentants de la FCFA sont venus souvent depuis 2015, et ce, de façon particulièrement intensive en 2018, en 2019 et en 2020.
Je pense, entre autres, aux avantages que les minorités linguistiques au pays vont retirer de ce fameux recensement auquel mon collègue M. Lefebvre faisait allusion.
Par le passé, en voulant aider les communautés linguistiques, certains gouvernements ont choisi de couper dans le Programme de contestation judiciaire. Le gouvernement actuel a, quant à lui, choisi de l'intégrer dans une loi à venir. C'est clairement écrit dans le livre blanc. Certains gouvernements ont choisi d'attendre avant de financer les universités, alors que le gouvernement actuel a choisi de le faire. Par le passé, d'autres gouvernements ont choisi de s'en tenir seulement au formulaire court de recensement, qui comportait une petite question qui demandait où étaient les francophones hors Québec.
J'aimerais m'adresser au représentant de la FCFA.
Quelle a été votre réaction lorsque vous avez entendu que le recensement de 2021 respecterait dans son intégrité l'article 23 de la Charte, et ce, au moyen d'un formulaire long?
J'aimerais que vous répondiez en peu de mots, car je désire poser plusieurs questions.
Enfin!
Ha, ha!
C'est resté sans réponse si longtemps; nous cherchions à obtenir ce recensement depuis des années.
Merci beaucoup.
Je remercie beaucoup tous les intervenants, mais la FCFA a joué un grand rôle dans cela.
Je le sais. Je participe à ce comité depuis longtemps. Le FCFA a fait beaucoup de rencontres individuelles avec différents membres, depuis 2018, et plus intensivement en 2019 et 2020, dans nos bureaux, à Ottawa, dans le bon vieux temps d'avant la pandémie.
J'aimerais entendre M. Johnson, mais malheureusement il ne le peut pas.
Monsieur Dupuis, quand vous avez lu le contenu du livre blanc et avez vu chacun des articles, pouvez-vous nous dire en peu de mots ce que la FCFA s'est dit à ce moment?
Enfin, mais, il nous faut un projet de loi, et nous avons très hâte de voir ces intentions traduites dans le projet de loi très prochainement.
Je veux parler à tout le monde.
Je vais y revenir. Préparez-vous, madame Forest, j'ai des questions sur les trois principales priorités du livre blanc, à votre avis.
Madame Forest, d'abord, j'ai l'impression que nous vous avons invitée trop tôt, parce qu'un document doit être fourni plus tard. En tout cas, vous l'enverrez au Comité quand il sera disponible, peu importe le moment.
Vous avez dit tantôt que 2 % des gens dont le français est la première langue officielle parlée, ou PLOP, fréquentent les universités. Est-ce exact?
Pas tout à fait, mais je comprends la confusion, parce que les chiffres déboulent rapidement.
En fait, il s'agirait de 2 % des gens qui ont étudié en français en 2018-2019, au postsecondaire, ce qui inclut les collèges et les universités.
Nous ne pouvions pas savoir quel était le pourcentage de ces personnes dont la langue maternelle était le français.
Cela dit, nous avions une autre statistique, que j'essaie de me rappeler. Si je me souviens bien, parmi les diplômés de 2015, 37 % des personnes dont la langue maternelle est le français ont étudié en français, à l'extérieur du Québec, tandis que 97 % des personnes dont la langue maternelle est l'anglais ont étudié en anglais. On peut donc constater un grand décalage. Au Québec, l'enjeu ne se présente pas vraiment de la même manière pour les anglophones.
On ne serait donc pas en mesure de dire que ces 2 % sont uniquement constitués de personnes dont la langue maternelle est le français. Il pourrait s'agir d'un mélange d'étudiants anglophones et de personnes bilingues, venues étudier en français. Est-ce exact?
Oui, beaucoup de ces personnes sont des francophiles. Je peux vous confirmer qu'il y en a beaucoup, parce que les collèges et les universités offrent des programmes en français. Toutefois, il n'y a pas de programme d'immersion en général, donc les populations étudiantes sont souvent mélangées.
C'est parfait, merci.
Je reviens sur la question du budget, que mon collègue M. Godin a abordée. Le budget a annoncé 121 millions de dollars pour les universités francophones hors Québec. Comment pourrions-nous nous assurer que nos francophones sont fiers de fréquenter ces universités?
Comment cet argent, prévu dans le Budget, peut-il venir en aide à nos établissements d'enseignement postsecondaire?
Oh, là, là!
Tant de choses pourraient être faites, comme développer des programmes. Quand l'offre d'une université est insuffisante, cela ne donne pas nécessairement aux gens le goût d'y aller.
Les bourses sont un incitatif quand même important, parce que l'anglais a une force d'attraction très importante.
Ce sont deux mesures qui pourraient être mises en place.
Merci, madame Forest.
Le temps de parole des prochains intervenants sera encore plus court.
Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
C'est bon.
D'une part, on parle d'établir des objectifs précis. M. Dupuis a parlé d'augmenter le poids démographique des francophones. C'est intéressant. Dans le Plan d'action sur les langues officielles 2018-2023: Investir dans notre avenir, on parle de maintenir le poids démographique des personnes dont la langue maternelle est le français, qui était, je pense, d'environ 4 %. Ne serait-il pas plus pertinent de se fonder sur la langue d'usage à la maison et de tenir compte des transferts linguistiques?
Ma question s'adresse à M. Dupuis ou à Mme Forest.
Pour nous, ce n'est pas la langue parlée à la maison qui est importante, mais c'est plutôt les Canadiens d'expression française. Évidemment, il est question de 2,7 millions de personnes qui vivent une partie de leur vie en français au quotidien. Ce serait alors notre définition.
Oui, il faut augmenter ce poids démographique. On constate une décroissance, donc il ne faut pas seulement stabiliser cela, mais il faut aussi parler d'une réparation. La cible après 2023 va donc devoir être beaucoup plus ambitieuse, à mon avis.
Il me semble qu'à peu près 40 % des francophones à l'extérieur du Québec font un transfert vers l'anglais. Cela devrait aussi être une préoccupation.
Madame Forest, en ce qui concerne l'immigration, vous avez dit qu'il fallait tenir compte des transferts linguistiques. M. Charles Castonguay, qui a écrit un mémoire et qui est venu nous faire une présentation, a étudié cette question très précise. Il a constaté que même les Québécois qui vont s'installer à l'extérieur du Québec s'approchent rapidement du taux de transfert linguistique vers l'anglais des francophones en général, qui est de près de 40 %.
Si on ne fait qu'ajouter plus d'immigrants francophones et que ceux-ci font un transfert vers l'anglais, cela me semble problématique. Ne devrait-on pas en tenir compte davantage, comme vous l'avez dit?
Effectivement, si les immigrants ont les mêmes comportements linguistiques, on aura des problèmes démographiques persistants, si ce n'est grandissants, puisqu'on ne sait pas tout à fait ce que le prochain recensement va nous apprendre. Est-ce que les transferts linguistiques sont plus importants en ce moment? On va le savoir bientôt.
Cette dynamique a peu été prise en considération. Si on ne fait qu'accueillir des immigrants francophones et que la génération suivante parle anglais, cela ne réglera pas le problème.
Excusez-moi, monsieur Beaulieu, mais le temps est écoulé.
Madame Ashton, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Je vous remercie.
Monsieur Dupuis, je sais qu'un de mes collègues en a déjà parlé, mais j'aimerais prendre le relais sur la question des garderies.
Il est bien connu que l'apprentissage des langues se fait plus facilement en bas âge. Par exemple, c'est grâce à ma mère si le grec est ma langue maternelle et si j'ai pu l'apprendre si jeune, même ici, à Thompson, où il n'y a pas de communauté grecque. Un programme de garderies est une occasion historique pour le bilinguisme au Canada. Si on est sérieux, on en profitera pour former des éducatrices de la petite enfance, pour financer l'ouverture de garderies françaises et pour répondre à la demande partout au pays. Les compressions budgétaires à l'Université Laurentienne et au Campus Saint-Jean de l'Université de l'Alberta arrivent donc au pire moment.
Que dites-vous au gouvernement, qui reste les bras croisés devant ces fermetures et qui a oublié la question des garderies dans son programme?
J'ose espérer que ce n'est pas un oubli et que cela fera partie du mandat, mais je suggère au Comité d'inviter le ministre Hussen pour confirmer son engagement à l'égard des modalités de ce nouveau programme. Cela n'en prend pas beaucoup, sur ces milliards de dollars, pour régler la question de l'accès aux garderies en français, mais il faut y penser dès le départ.
Non. Je suis désolée, mais je n'ai pas étudié la question des garderies, alors je préfère ne pas me prononcer sur le sujet.
Aimeriez-vous faire des commentaires généraux ou aborder une question que nous n'avons peut-être pas eu la chance de soulever aujourd'hui?
Oui. Si on parle de la diversité des programmes de formation, on peut très bien penser que les établissements gagnent à mettre en oeuvre des programmes de formation pour l'éducation à la petite enfance. Ils ont les moyens de le faire. Il suffit de les soutenir davantage. Puisque les cohortes sont parfois petites, ils ont de la difficulté à maintenir ces programmes à long terme.
Merci, madame Ashton et madame Forest.
Nous commençons un autre tour de cinq minutes. Je présume que M. Williamson ou M. Blaney veut commencer.
Monsieur Williamson, vous avez la parole.
Monsieur le président, je dois vous dire que j'ai eu la chance d'occuper votre siège au Comité permanent des langues officielles, et j'étais très fier lorsque le gouvernement conservateur de Stephen Harper a mis en place un programme visant précisément à soutenir les communautés linguistiques.
On se souvient de Bernard Lord, qui a contribué à l'élaboration de la feuille de route pour soutenir les communautés et, surtout, à un programme pour soutenir les minorités, notamment dans le domaine de l'éducation. Malheureusement, en 2015, quand les libéraux sont arrivés, cela a été très long avant de réactiver le Programme d'appui aux droits linguistiques, et par la suite, ils ont rétabli le Programme de contestation judiciaire. On avait perdu de précieuses années.
Pour nous, il est important que le gouvernement fédéral soit là quand les communautés en ont besoin. C'est le cas de l'Université Laurentienne, en ce moment, qui a besoin d'un appui particulier du gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous allons nous pencher là-dessus. Pour nous, les conservateurs, il est extrêmement important de ne pas juste avoir de beaux discours. Je suis d'accord avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, la FCFA. Le livre blanc est très beau, mais concrètement, pendant ce temps, on assiste à un recul du français et à un effritement de nos institutions postsecondaires d'enseignement en langue seconde, en particulier en français. On pense bien sûr à l'Université Laurentienne, au Campus Saint-Jean de l'Université de l'Alberta et à l'Université de Moncton.
Monsieur Jedwab, vous savez que la communauté anglophone est très importante pour le Québec. C'est peut-être surtout une question provinciale, mais selon vous, comment fait-on pour attirer les francophones dans les cégeps et les universités anglophones?
Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet?
Je vais parler des francophones, puisque la majeure partie d'entre eux, au Québec, notamment à Montréal, désirent apprendre l'anglais.
Le problème se situe au niveau secondaire, où l'apprentissage de l'anglais ne semble pas suffisant pour un certain nombre de francophones. C'est probablement une des raisons pour lesquelles, dans un contexte de mondialisation, il y a des francophones qui désirent poursuivre leurs études en anglais pour renforcer leur capacité de parler anglais. Alors, la solution pour le Québec serait de renforcer l'offre de cours d'anglais au niveau secondaire.
Cela pose toutefois un défi, car dès qu'on a une meilleure capacité de parler anglais, cela facilite aussi l'accès aux cégeps pour certaines personnes.
C'est une question complexe, mais il y a une autre solution, qui se trouve probablement dans les cégeps eux-mêmes. Il faudrait mieux équilibrer l'apprentissage des deux langues dans les cégeps, y compris pour les anglophones du Québec qui désirent apprendre et perfectionner leur français.
Oui, effectivement, monsieur Jedwab. On apprend déjà l'anglais dans les écoles secondaires francophones. D'ailleurs, on dit souvent que, pour être admis dans un cégep anglophone, un francophone doit déjà être bilingue, mais c'est plutôt à cause de la mondialisation, comme vous le mentionniez. Nos institutions scolaires font donc déjà un très bon travail en ce qui concerne l'enseignement de langue seconde.
Je vais vous poser une sous-question.
On voit vraiment le défi au Québec. Le fédéral a-t-il un rôle à jouer pour soutenir les institutions qui font la promotion du français au Québec et ailleurs? Je pense notamment à la Société Saint-Jean-Baptiste. Croyez-vous que le fédéral pourrait en venir à dire que cette société joue un rôle important pour soutenir l'essor du français?
Ce sont les programmes qui devraient déterminer, en fonction du cadre de référence, quels organismes méritent d'être financés, que ce soit la Société Saint-Jean-Baptiste ou d'autres.
Il s'agit de ce qu'ils offrent comme services et programmes, effectivement. Je vous remercie.
S'il reste assez de temps, j'aimerais poser une dernière question à la FCFA. J'aimerais vous entendre sur le rôle que vous souhaiteriez voir jouer le gouvernement fédéral dans le dossier de l'Université Laurentienne. Monsieur Dupuis, nous savons que la situation est très critique.
Quelles sont vos attentes envers le gouvernement fédéral pour ce qui est du soutien et du maintien de la vitalité des institutions d'enseignement postsecondaire, en particulier dans le Nord de l'Ontario?
Actuellement, la communauté est en train de se rallier autour d'un projet d'université francophone dans le Nord de l'Ontario. Alors, je souhaite que le fédéral octroie des fonds de démarrage à ce nouvel établissement pour préserver la majeure partie des programmes qui ont été annulés, les professeurs et les étudiants. On n'a pas beaucoup de temps. On peut annuler la session du printemps, mais j'espère qu'en septembre, il y aura une offre de programmes en français à Sudbury.
D'après vous, monsieur Dupuis, le fédéral a-t-il un rôle de chef de file à jouer dans le dossier de l'Université Laurentienne pour s'assurer qu'on préserve les acquis et qu'on les transfère dans un établissement conçu « par et pour les francophones », comme vous l'avez si bien dit?
Le fédéral a assurément un rôle à jouer, mais il faut que cela se fasse de concert avec la province. Évidemment, elle aussi doit décider du modèle qu'elle va appuyer. Je pense que les deux paliers de gouvernement doivent travailler ensemble à cet effet.
Merci beaucoup, monsieur Blaney.
Nous poursuivons avec Mme Martinez Ferrada.
Vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Ma première question s'adresse aux représentants de la FCFA et à Mme Forest. Ensuite, j'aurai peut-être le temps de poser une question à M. Jedwab.
Monsieur Dupuis, j'aimerais revenir sur la question de l'immigration.
L'an passé, juste avant le début de la pandémie, nous avons déposé le plan des niveaux d'immigration. La FCFA a quand même salué l'objectif que nous nous étions donné en matière d'immigration francophone. Nous avions établi un véritable corridor d'immigration francophone. D'ailleurs, nous avions fait augmenter le nombre d'admissions dans les programmes d'Entrée express. Nous avions posé des gestes que vous avez salués. Nous vous remercions d'avoir souligné le travail du gouvernement.
Comme vous le savez, nous avons aussi plusieurs projets pilotes, notamment dans les provinces atlantiques et en région rurale.
Nous avons pour objectif commun d'atteindre 4 % d'immigration francophone. Peut-être même dépasserons-nous la cible; il est permis de rêver.
Selon vous, quels autres programmes ou mesures notre gouvernement pourrait-il mettre sur pied afin d'atteindre cet objectif, voire de le dépasser?
D'abord, l'idée d'avoir des corridors d'immigration pour répondre à des pénuries dans des domaines bien précis est vraiment très importante. Par exemple, vous allez établir un corridor d'immigration destiné au recrutement d'enseignants francophones et de français. Nous observons également des pénuries dans les domaines de la santé et de la petite enfance. Les gouvernements provinciaux et territoriaux cherchent de la main-d'œuvre bilingue. Dans ce contexte, une approche axée sur les besoins de main-d'œuvre francophone est gagnante.
Il y a un autre élément que j'étais heureux de voir dans votre livre blanc: vous vous êtes engagés à encadrer une première politique d'immigration francophone. Il sera fondamental de recourir à la cocréation afin de l'élaborer avec les communautés. Cette politique permettra de faire des choses différentes de celles qui se font pour les anglophones. Auparavant, on avait tendance à établir des programmes d'immigration et d'y ajouter par la suite un volet francophone. Dorénavant, il sera possible de réfléchir davantage au recrutement, à la promotion, aux étudiants internationaux et aux façons de guider les travailleurs étrangers temporaires vers l'obtention de la résidence permanente.
Il y a une approche holistique à développer en matière d'immigration francophone. La politique annoncée et de nouveaux leviers de ce genre nous donnent beaucoup d'espoir.
Cela me permet de poser une question à Mme Forest.
Madame Forest, vous avez parlé tout à l'heure de la rétention des personnes immigrantes. J'ai trouvé vos propos intéressants. D'ailleurs, j'ai eu une conversation à ce sujet avec la FCFA, à un certain moment, quand j'étais secrétaire parlementaire du ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Un immigrant seul aura moins le goût de rester à l'endroit même où il a fait son arrivée au pays. Le problème ne réside pas tant dans l'accueil ou l'intégration que dans la rétention.
La réunification familiale des immigrants pourrait fortement contribuer à la rétention des francophones, notamment en région, mais aussi dans de plus grands centres comme Montréal.
Avez-vous d'autres suggestions à faire à cet égard, madame Forest?
Si vous répondez rapidement, je pourrai ensuite poser une question à M. Jedwab.
Je vais essayer.
Permettez-moi de remettre en contexte la question de la rétention telle que je l'ai soulevée. En fait, si les comportements linguistiques des immigrants sont les mêmes que ceux des francophones nés au Canada, cela veut dire que nous avons des défis de rétention linguistique. Je ne stipulais pas qu'il y avait davantage de défis de rétention linguistique chez les immigrants.
Je reviens maintenant à votre première question, concernant les programmes. La question des résidents temporaires, à mon avis, pourrait être exploitée davantage. Une étude que nous avons faite récemment nous a permis de constater que la plupart des francophones qui étaient arrivés au Yukon et qui n'étaient pas nés au pays étaient des résidents temporaires. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de les appuyer et de les guider vers la résidence permanente. À cet égard, il en reste encore beaucoup à faire. C'est donc une mesure qui pourrait être intéressante.
Monsieur Jedwab, lors de votre témoignage devant le Comité il y a un an ou deux, vous avez dit que « la dualité linguistique constitue une proposition fondatrice qui est fondamentale pour notre pays, sa continuité et sa cohésion ».
Selon vous, comment pouvons-nous atteindre cet objectif, si le poids démographique des francophones est en déclin?
Il faut renforcer le pourcentage de Canadiens qui sont capables de parler le français, notamment à l'extérieur du Québec. Par exemple, je pense qu'il en reste encore beaucoup à faire auprès des anglophones d'Ottawa, dans la région de la capitale nationale, pour qu'ils soient capables de parler le français. Il faut trouver plus de façons directes ou indirectes de faire la promotion du français. Cela pourrait même se faire par l'entremise de publicités nationales. Or j'entends rarement à Radio-Canada des publicités qui mentionnent l'importance d'apprendre le français et qui s'adressent aux anglophones du Canada.
Pour ma part, je suis insatisfait du degré de bilinguisme des anglophones à l'extérieur du Québec.
Merci, monsieur Jedwab. Vous êtes très discipliné.
Il nous reste du temps pour entamer un nouveau tour de questions. Notre vice-président M. Blaney m'a demandé de couper la poire le plus équitablement possible. J'accorderai donc deux minutes à chaque parti représenté au sein du Comité.
Nous commençons par le Parti conservateur.
Monsieur Williamson, vous avez la parole pour deux minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai une question simple pour M. Dupuis; en fait, elle n'est peut-être pas si simple.
Je suis un député qui vient du Nouveau-Brunswick, où nous avons des écoles francophones et des écoles anglophones. Chez nous, il est rare d'entendre dire qu'on ne peut pas appuyer les établissements scolaires francophones. Ailleurs cependant, par exemple en Ontario et en Alberta, il arrive qu'on entende cela. Pourtant, nous ne sommes pas une province aussi riche que l'Alberta et l'Ontario. Alors, pourquoi n'entendons-nous pas le même discours?
Qu'est-ce que le fédéral peut faire pour changer la situation?
C'est une grosse question.
Je pense qu'il est temps que le gouvernement fédéral s'assoie avec les provinces, les territoires et les communautés et que nous réfléchissions ensemble à ce que nous pouvons faire de plus, collectivement. Il faut arrêter de voir la question uniquement sous l'angle des champs de compétence. La francophonie est un engagement partenarial. Ce que nous souhaitons, c'est que les trois parties, c'est-à-dire les communautés, les provinces et territoires et le fédéral, puissent réfléchir ensemble à l'avenir des langues officielles et agir conjointement.
Personne n'est contre les langues officielles, mais il faut absolument réfléchir aux façons de faire avancer la cause du français dans l'avenir, pour la prochaine génération. C'est une question d'unité nationale.
Dans les Maritimes, notamment au Nouveau-Brunswick, nous avons des écoles francophones et des écoles anglophones. Or, nous ne faisons pas face aux problèmes qu'il semble y avoir ailleurs quant au soutien offert aux écoles.
Pourquoi est-ce le cas, à votre avis? Que pouvons-nous faire, sur le plan national, pour corriger la situation?
Je pense qu'il y a des situations asymétriques un peu partout au Canada. Par exemple, nous ne pouvons pas comparer la situation des anglophones concentrés dans certains endroits du Québec à celle des francophones concentrés à Chicoutimi, ni même à celle des francophones du Nouveau-Brunswick. Je sais qu'on cherche à avoir une espèce de plan national axé sur la symétrie afin de créer le plus d'égalité possible, mais cela devrait plutôt se faire de façon disproportionnée. Il y a des communautés plus vulnérables que d'autres, alors il faut tenir compte des niveaux de vulnérabilité pour voir où l'on doit offrir des ressources en vue d'aider certaines communautés plus vulnérables.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais profiter de ces deux minutes pour poser une question à M. Jedwab.
Nous savons que le poids démographique des francophones au Québec est à la baisse. Or, selon ce que nous avons entendu, le poids démographique des anglophones au Québec est également à la baisse, au profit de celui des personnes de langue maternelle tierce. Vous y avez fait allusion plus tôt.
Quelle est l'influence des langues tierces sur la vitalité de la langue française au Québec?
Pour ce qui est des allophones, c'est-à-dire les personnes qui parlent une langue tierce, il faut savoir qu'un pourcentage important des gens qui se définissent comme des allophones sont capables de parler le français. Je pense que la question est plutôt de déterminer à quel degré on inclut ces personnes dans la définition des francophones.
Il y a des définitions plus restrictives et d'autres plus larges qui déterminent qui fait partie de la catégorie des francophones, et la même chose s'applique lorsqu'il s'agit de définir qui peut être compris parmi les anglophones. Selon la définition la plus restrictive, une personne doit être de langue maternelle française pour être considérée comme une personne francophone. Cela risque de limiter le nombre de francophones, puisqu'on exclut de la définition les gens de langue maternelle tierce même si le français est la langue qu'ils parlent le plus souvent à la maison. Prenons l'exemple du nombre grandissant de personnes de langue maternelle arabe ayant le français pour deuxième langue. Est-ce qu'elles sont des francophones? Pour ma part, je pense que oui.
Selon les définitions utilisées, le portrait change. Si l'on veut un portrait global, il faut s'entendre sur la définition la plus inclusive pour déterminer quelles personnes sont considérées comme des francophones au Québec et ailleurs. C'est d'ailleurs ce que fait M. Dupuis: quand il parle de 2,7 millions de personnes, il se base sur une définition plus large et plus inclusive des francophones.
À ce sujet, c'est justement l'une des choses qui ont été retenues en Ontario.
Madame Forest, je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Je sais que c'est la première fois que vous comparaissez devant le Comité permanent des langues officielles.
J'aimerais vous entendre parler de la place des provinces et des territoires dans des stratégies de protection des CLOSM.
Peut-être que M. Dupuis voudra en parler aussi.
Pour ce qui est du poids démographique des francophones, est-ce que les investissements des dernières années peuvent aider?
Ma question s'adresse à la FCFA.
Pensez-vous qu'il est toujours possible qu'un projet de loi pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles soit déposé avant l'été?
Je pense que c'est possible. C'est notre souhait qu'un projet de loi soit déposé avant la fin de la session parlementaire.
Les attentes sont très grandes, puisque cela fait quatre ans que nous en parlons. Il est temps de déposer un projet de loi à ce sujet.
Madame Forest, vous avez parlé de la complétude institutionnelle. Ce que j'en comprends, c'est que, plus un groupe linguistique a des institutions fortes, plus son pouvoir d'attraction est fort.
Trouvez-vous logique que le gouvernement fédéral attribue 40 % du financement aux universités anglophones du Québec, ce qu'il fait aussi avec les cégeps?
Le gouvernement fédéral investit environ 50 millions de dollars dans les écoles primaires et secondaires anglophones, mais il n'investit rien dans les écoles francophones. Que pensez-vous de cette symétrie établie avec laquelle nous fonctionnons encore?
Les données tendent à démontrer qu'il n'est pas nécessaire d'aller vers cette symétrie. Quand on observe les chiffres, on voit que moins de 2 % des effectifs postsecondaires étudient en français alors qu'il y a 3,8 % de francophones. Au Québec, c'est l'inverse. Il y a environ 14 % d'anglophones alors qu'il y a de 20 à 25 % d'inscriptions dans les universités et collèges anglophones.
Il s'agit d'un portrait complexe. Il faudrait plus de données que cela.
Tout à fait.
Je reviens sur ce que disait M. Jedwab tout à l'heure. Plusieurs études ont démontré que les francophones qui fréquentent des cégeps anglophones ne le font pas pour apprendre l'anglais. Ils connaissent déjà très bien l'anglais. C'est plutôt la force d'attraction des milieux de travail qui les incite à fréquenter des cégeps anglophones, qui sont largement surfinancés.
Il y a aussi le prestige.
Il y a des collèges anglophones prestigieux au Québec, et l'Université McGill. Cela dépasse le prestige de l'anglais.
Il est difficile d'étudier la question de l'attraction. Comment pouvons-nous attirer les étudiants dans les établissements de langue française? C'est une grande question et il vaut la peine de s'y pencher très sérieusement.
Je suis désolé. J'ai la tâche ingrate d'interrompre les gens lorsque leur temps de parole est écoulé.
Je cède maintenant la parole à Mme Ashton. Elle posera peut-être des questions en ce sens.
Madame Ashton, vous avez la parole pour deux minutes.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser une question à M. Dupuis sur la déclaration de la ministre Joly.
Vous avez pris connaissance du document de travail de la ministre. Avez-vous des suggestions complémentaires à faire ou des lacunes à soulever? Croyez-vous qu'elle se dirige dans la bonne direction?
Je crois qu'elle se dirige dans la bonne direction. Nous étions heureux de voir qu'une agence centrale, le Conseil du Trésor, était nommée afin de coordonner la politique des langues officielles et d'assurer sa mise en œuvre, ainsi que la reddition de comptes. Il faut s'assurer que ce qui sera proposé dans la loi considère ce rôle horizontal. Celui-ci doit être confié à une seule agence gouvernementale.
En ce qui concerne la langue de travail, nous avons hâte de voir si les francophones hors Québec pourront travailler dans leur langue dans les régions où sont établies les communautés. C'est ce que nous souhaitons.
En ce qui a trait au commissaire aux langues officielles, il faut effectivement renforcer ses pouvoirs, mais il faut aller encore plus loin. Il faut lui donner un pouvoir de sanctions pécuniaires.
Finalement, en ce qui concerne la partie VII de la Loi, il ne faut pas seulement attendre un règlement, il faut définir des principes clairs dans la Loi sur les langues officielles. Il faut définir clairement les mesures positives, la consultation, ce que veut dire « par et pour les francophones » et comment nous appuierons ce principe.
Il faut aussi définir à quel objectif s'associera la nouvelle politique qui sera créée relativement à l'immigration francophone. L'objectif est-il de rétablir le poids démographique des francophones ou de le faire croître? Est-ce un objectif s'appliquant hors Québec ou pour la francophonie partout au pays, y compris le Québec? Ce sont certaines de nos questions.
Je voudrais aborder brièvement la question du bilinguisme, si vous me le permettez.
Il y a un paradoxe dans le désir des Québécois, de part et d'autre, d'être bilingues, et il faut promouvoir le bilinguisme à l'extérieur du Québec. Pour illustrer ce paradoxe, ma fille est diplômée en droit à l'Université de Montréal et mon fils est en train de faire sa maîtrise en ingénierie à Polytechnique, mais la présidente du Parti québécois a fait ses études à l'Université McGill. Le paradoxe, c'est que des francophones soient attirés par le prestige des universités comme McGill et que des anglophones, comme mes enfants, d'ailleurs, obtiennent leur diplôme à l'Université de Montréal.
Merci, monsieur Jedwab et madame Ashton.
C'est sur ces paroles que nous allons conclure cette séance avec les témoins. Je tiens à vous remercier très sincèrement de votre participation.
Nous avons d'abord entendu la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Je remercie M. Dupuis, directeur général, d'avoir fait la présentation et répondu aux questions, ainsi que M. Johnson, qui a également comparu à titre de témoin.
Ensuite, je veux remercier les deux témoins qui ont comparu à titre personnel: Mme Mariève Forest, sociologue, présidente et fondatrice de Sociopol et professeure invitée à l'Université d'Ottawa, ainsi que M. Jack Jedwab, président et directeur général, Immigration et Identités, Association d'études canadiennes et Institut canadien pour les identités et les migrations.
Encore une fois, si vous avez de l'information à nous envoyer, n'hésitez pas à faire parvenir cela à la greffière. Je vous souhaite un excellent début de soirée.
Nous allons maintenant passer à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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