[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 37e séance du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
[Français]
Conformément à l’article 108(3)f) du Règlement, le Comité se réunit pour entendre des témoins dans le cadre de l’étude intitulée « Soutien fédéral pour les institutions postsecondaires de langue française ou bilingues en situation minoritaire ».
Les députés et les témoins peuvent s’exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d’interprétation sont offerts pendant la réunion.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence. S’il y a un problème technique, n’hésitez pas à m’en aviser ou à en aviser la greffière.
[Traduction]
Je tiens à rappeler à tous les participants et aux personnes présentes qu'il est interdit de prendre des photos ou de faire des captures d'écran.
[Français]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins pour cette étude.
Au cours de la première heure, nous accueillons Mme Stéphanie Chouinard, professeure adjointe au département de sciences politiques du Collège militaire royal du Canada et au département d'études politiques de l'Université Queen's, qui comparaît à titre personnel.
M. Frédéric Lacroix, essayiste, comparaîtra également à titre personnel.
De l’Université Laurentienne, nous recevons M. Robert Haché, président et vice-chancelier, accompagné de Mme Marie‑Josée Berger, prévôt et vice-rectrice académique.
Les témoins disposeront de cinq minutes pour faire leur présentation. Comme vous le savez, madame Chouinard, je vais utiliser des cartons pour vous signaler qu'il vous reste une minute ou que votre temps de parole est écoulé.
Madame Chouinard, vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie le Comité de me recevoir. Je salue en passant les vice-présidents Blaney et Beaulieu.
Je vous remercie de prendre le temps de nous recevoir pour discuter de cet enjeu, soit l'accès à une éducation postsecondaire dans sa langue, qui est d'une importance primordiale pour la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, surtout pour la francophonie canadienne.
En 1982, reconnaissant le rôle fondamental de l'école pour la pérennité des communautés minoritaires, le gouvernement canadien avait cru bon d'inscrire dans la Charte canadienne des droits et libertés un droit à l'accès à l'instruction dans la langue officielle de son choix, de la maternelle à la 12e année — ou cinquième secondaire, au Québec —, pour les ayants droit. En 2021, force est de constater que notre société a changé et que ces droits sont aujourd'hui insuffisants pour subvenir aux besoins de nos communautés.
En particulier, les qualifications attendues sur le marché du travail ont changé au cours des 40 dernières années, les employeurs attendant de leurs employés un niveau d'éducation plus élevé qu'autrefois. Des diplômes de plus haut niveau sont nécessaires pour demeurer dans la classe moyenne. En conséquence, plus de Canadiens fréquentent aujourd'hui des établissements postsecondaires qu'il n'y en avait au moment de l'adoption de la Charte.
En 1981, la proportion de la population canadienne âgée de 15 ans et plus possédant un diplôme d'études postsecondaires était de 37 %. Aujourd'hui, cette proportion a presque doublé pour atteindre 65 %. Ces tendances, qui ne montrent aucun signe de ralentissement, ont amené les communautés de langue minoritaire à demander à leurs provinces respectives de créer ou, dans certains cas, de protéger, les établissements postsecondaires où l'enseignement se fait dans leur langue.
En d'autres termes, les besoins des minorités de langue officielle dépassent maintenant la portée de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela s'applique aussi bien à la petite enfance, dont j'aurais aussi pu vous parler aujourd'hui, qu'à l'éducation postsecondaire. Pour utiliser la terminologie sociologique, l'objectif des communautés aujourd'hui est d'atteindre la complétude institutionnelle dans le domaine de l'éducation. Dans de telles conditions, on garantirait aux membres de ces communautés une éducation complète dans leur langue, peu importe la voie qu'ils choisiraient pour accéder au marché du travail.
Quel est l'effet lorsque l'éducation postsecondaire n'est pas accessible à proximité de la maison? J'entends, par « proximité », une distance d'environ 80 kilomètres du foyer parental. Quelques études de feu le Commissariat aux services en français de l'Ontario nous permettent de dégager des éléments de réponse. D'une part, on voit les élèves des écoles de la minorité quitter graduellement leur système scolaire au profit des écoles de la majorité, et ce, en nombre de plus en plus important à partir de la 8e année. La raison est simple: les élèves ressentent le besoin de réussir en anglais lors de la prochaine étape de leurs études et optent donc pour l'instruction dans cette langue de façon préventive. Le manque d'accès à l'éducation postsecondaire dans la langue de la minorité dans une région donnée a donc des effets sur le réseau scolaire en tant que tel.
Cette décision a par ailleurs des effets importants sur la vitalité des communautés, car le début de l'âge adulte est le moment de la vie où l'identité d'une personne se cristallise. Un jeune qui quitte les établissements de sa communauté pendant cette période de sa vie s'identifiera moins à sa communauté lorsqu'il sera adulte. Un individu qui poursuit ses études secondaires dans la langue de la majorité risque davantage de travailler dans la langue de la majorité et de se retrouver dans une famille exogame. Or, comme nous le savons très bien, les familles exogames sont des lieux de transfert linguistique intergénérationnel importants. En somme, nous savons depuis longtemps que l'éducation est la planche de salut de nos communautés.
Cela dit, notre définition de l'éducation doit désormais aller au-delà de ce qui est prescrit par la Constitution pour répondre aux besoins de nos communautés. Or c'est justement parce que les établissements postsecondaires ne sont pas protégés par la Constitution qu'ils sont aussi fragiles. Les dernières années nous l'ont fortement démontré. Il peut s'agir d'investissements insuffisants pendant plusieurs années, comme ce fut le cas au Campus Saint‑Jean et de façon moins dramatique, à l'Université de Moncton et à l'Université Sainte‑Anne, ou du fait qu'on a mis la hache dans les programmes en français pour sauver les meubles, comme c'est le cas à l'Université Laurentienne.
L'éducation postsecondaire dans la francophonie canadienne est actuellement en situation de crise. D'ailleurs, la débâcle d'un établissement comme l'Université Laurentienne met au grand jour la faiblesse des établissements bilingues. Ces établissements peinent à penser et à agir dans l'intérêt de la communauté minoritaire. Nous avons déjà réalisé il y a des années, dans le cas des écoles primaires et secondaires, que c'est presque à tout coup la minorité qui fait les frais du modèle bilingue en éducation. Il est temps de passer à l'autonomie, déjà acquise, pratiquée et peaufinée, de la maternelle à la 12e année. Il ne fait pas de doute pour moi que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans ce domaine, rôle qu'il assumait déjà en partie.
Nous devons nous assurer qu'un investissement structurel et ciblé du gouvernement fédéral ne s'accompagne pas d'une déresponsabilisation, en contrepartie, des provinces. C'est la question au cœur de l'enjeu qui se présente à nous aujourd'hui.
Je conclus là-dessus.
Je vous remercie beaucoup.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour. Je suis très heureux de prendre la parole après Mme Chouinard, parce que j'utilise abondamment le concept de complétude institutionnelle dans mon analyse.
J'ai écrit un livre qui s'intitule Pourquoi la loi 101 est un échec, publié chez Boréal, dans lequel j'analyse la situation des réseaux institutionnels publics et parapublics, anglophones et francophones, au Québec.
Pour effectuer cette analyse, j'ai utilisé le concept de complétude institutionnelle. À mon avis, ce concept est un prisme très important pour analyser l'équité du financement des institutions francophones et anglophones en milieu minoritaire, et même en milieu majoritaire, donc au Québec aussi.
Cette notion de complétude institutionnelle trouve son origine dans les travaux du sociologue canadien d'origine fransaskoise Raymond Breton, dans un article de 1964. M. Breton a démontré que le niveau de complétude institutionnelle, soit l'étendue de l'offre institutionnelle accessible à un groupe ethnique ou linguistique, avait un impact direct sur sa capacité à se maintenir dans le temps et dans l'espace, donc sur sa vitalité linguistique.
Au Québec, comme partout ailleurs au Canada, il y a deux groupes linguistiques de langues officielles qui sont présents sur le même territoire et chacun dispose de son réseau institutionnel propre. Le groupe qui dispose du réseau institutionnel le plus étendu, le plus solide, va parvenir à attirer des membres du groupe le plus faible à l'intérieur de son réseau. Ainsi, le groupe le plus faible va souffrir de son incomplétude institutionnelle.
Cette notion a été utilisée juridiquement pour la première fois dans la cause de l'Hôpital Montfort, en Ontario. Mme Chouinard a fait une recension de l'utilisation juridique de cette notion. Je l'ai incluse dans mon document. Je ne reviendrai donc pas là-dessus.
Dans mon livre, j'applique cette notion aux francophones du Québec, qui sont considérés comme étant un groupe majoritaire, selon la Loi sur les langues officielles.
À mon avis, le principal problème de la Loi sur les langues officielles est le concept artificiel de double majorité. Cette Loi institue une majorité anglophone à l'extérieur du Québec et une majorité francophone au Québec. À chaque majorité est associée sa minorité, francophone à l'extérieur du Québec et anglophone au Québec.
Or ce concept de double majorité n'a aucune réalité sociologique. Cela est manifeste quand nous nous attardons au fait que les anglophones du Québec assimilent la moitié des immigrants allophones qui s'installent au Québec. Les anglophones du Québec ne forment que 8 % de la population selon la langue maternelle, mais ils assimilent environ 50 % des immigrants.
Les anglophones du Québec, en réalité, ont la vitalité linguistique d'une majorité même au Québec. Dans les faits, la Loi sur les langues officielles entérine un bilinguisme concurrentiel et inégalitaire entre l'anglais et le français partout au Canada, incluant le Québec. Depuis 2001, le poids relatif des francophones décroît à grande vitesse au Québec, tandis que celui des anglophones se maintient ou est même en progression.
La dynamique linguistique au Canada n'est pas régie par les frontières provinciales, mais par les frontières du pays. Cela signifie qu'il n'existe au Canada qu'une seule véritable majorité, qui est anglophone. Le Canada est un pays à majorité anglophone. Selon moi, le concept de double majorité, qui est à la base de Loi sur les langues officielles, est faux et trompeur. Cette loi devrait être fondée sur la reconnaissance de l'existence d'une seule véritable majorité au Canada. Elle devrait être asymétrique.
J'ai appliqué cette notion au financement des universités au Québec, et j'ai réussi à calculer que les trois universités de langue anglaise au Québec, soit McGill, Concordia et Bishop's, récoltent 30 % des revenus globaux des universités au Québec.
Je vous rappelle que les anglophones forment 8 % de la population. Cela veut dire que les universités de langue anglaise au Québec récoltent 3,7 fois le poids démographique de la communauté anglophone du Québec. Ces institutions sont en situation de surcomplétude institutionnelle.
A contrario, les universités de langue française au Québec sont sous-financées relativement au poids démographique des francophones, car elles reçoivent 70 % des revenus, alors que les francophones au Québec forment 78 % de la population. Ce sous-financement des institutions francophones pèse directement sur la vitalité linguistique du groupe francophone au Québec.
Il est intéressant de savoir que les fonds de recherche fédéraux sont canalisés massivement vers les trois universités de langue anglaise au Québec. Ces universités reçoivent 38,4 % des fonds fédéraux qui sont versés au Québec. L'Université McGill, à elle seule, reçoit le tiers de l'argent fédéral au Québec.
Je vois que mon temps est écoulé. La suite se trouve dans mon document.
Je vous remercie.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous, c'est avec plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui depuis l'Université Laurentienne, située à Sudbury, dans le Nord‑Est de l'Ontario, sur le territoire régi par le traité Robinson‑Huron de 1850 et sur les terres traditionnelles des Premières Nations Atikameksheng Anishnawbek et Wahnapitae.
Permettez-moi de commencer en vous remerciant de cette invitation à comparaître devant votre comité. Je vous remercie également de l'important travail que vous faites ici et dans vos communautés, pour honorer l'expérience des communautés francophones dans les milieux linguistiques minoritaires partout au Canada. Ayant travaillé et vécu dans les deux langues officielles en différentes régions du Canada, j'ai pu constater de première main l'incidence que le gouvernement fédéral et ce comité ont, depuis des décennies, en matière de protection des minorités linguistiques et de la promotion du bilinguisme au Canada.
L'Université Laurentienne est la plus grande université bilingue du Nord-Est de l'Ontario et le seul établissement au Canada doté d'un mandat très culturel. Elle offre une expérience universitaire en français et en anglais assortie d'une approche englobante de l'enseignement autochtone.
Notre université sert les étudiants francophones du Nord de l'Ontario au grand complet, et ce, depuis plus de 60 ans. C'est un terrain fertile en histoire franco-ontarienne. Elle a été l'incubateur de la renaissance franco-ontarienne, où bon nombre des plus importants symboles et établissements de l'Ontario français ont été conçus et célébrés. Elle est aussi reconnue comme la première des universités bilingues de l'Ontario, régie par la Loi sur les services en français.
Nous sommes déterminés à assurer l'avenir de l'Université Laurentienne comme celui d'une université où les programmes et l'enseignement en français sont appréciés et dont le caractère bilingue est célébré. Nous demeurerons engagés envers la prochaine génération des jeunes chefs de file francophones dans les arts, les sciences sociales, les affaires, la recherche-conception, l'administration publique, l'éducation et le développement communautaire.
[Traduction]
Plus tôt cette année, l'Université Laurentienne a fait face à un choix impossible: fermer les portes de l'université ou s'engager dans la voie de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour assurer la survie de l'institution. Nous étions conscients que ce choix serait difficile et que notre communauté en subirait les conséquences.
Le processus de la Loi sur les arrangements avec les créditeurs des compagnies nous permet de restructurer nos affaires universitaires et opérationnelles d'une manière qui sera financièrement viable pour l'avenir à long terme de l'université. C'est difficile. C'est encore douloureux pour notre communauté. Nous avons dû dire adieu à des professeurs, des employés et des chercheurs talentueux et engagés, dont beaucoup ont travaillé jusqu'à la fin du semestre pour aider nos étudiants à réussir.
La Laurentienne a révisé ses offres de programmes universitaires pour se concentrer sur les intérêts des étudiants, leurs forces sur le plan académique et les résultats souhaitables pour eux. Elle continue d'offrir 28 programmes consolidés de premier cycle et cinq programmes de deuxième cycle en français, dont le nombre d'inscriptions est élevé et qui répondent aux besoins de ses étudiants. Étant donné l'accent mis sur le maintien des programmes très recherchés, en tout, moins de 10 % de tous les étudiants inscrits dans les programmes de langue française sont directement touchés par ces changements.
Ces offres nous maintiennent parmi les institutions les plus complètes en ce qui concerne l'équilibre entre les programmes en français et en anglais. De plus, nos étudiants francophones continuent de pouvoir choisir parmi une sélection de cours en français dans leurs programmes.
Enfin, je tiens à souligner que les inscriptions à nos programmes de langue française ont augmenté au fil du temps. Ce fait est très important. Contrairement à la tendance générale du déclin de la population du Nord de l'Ontario, le nombre élevé d'inscriptions aux programmes de langue française montre que les étudiants francophones de l'Université Laurentienne et leurs communautés recherchent toujours ce que la Laurentienne a à offrir.
Nous nous réjouissons à la perspective de servir les communautés francophones du Nord, de l'Ontario, du Canada et d'ailleurs pendant de nombreuses années.
[Français]
Je vous remercie. Meegwetch.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais avoir une question à poser à M. Haché, mais avant, je voudrais formuler deux commentaires.
Je voudrais d'abord remercier les témoins de leur présence.
Nous vous accueillons à bras ouverts pour cette étude et pour celle sur le déclin du français au pays.
Madame Chouinard, mon premier commentaire s'adresse à vous. Je vous remercie de nous faire prendre conscience du rôle croissant des universités dans la société et, par le fait même, sur le plan linguistique pour le Québec et les minorités.
Monsieur Lacroix, vous êtes un auteur prolifique. Vous écrivez notamment qu'il est hautement improbable, par exemple, qu'Ottawa mette tout son poids pour soutenir le français au pays; que c'est pourtant la politique qu'il devrait conduire, car il s'agit de la seule langue officielle qui recule d'un recensement à l'autre, le français; et qu'une égalité réelle entre l'anglais et le français, et non une seule égalité juridique, aurait évidemment commandé l'adoption de normes linguistiques asymétriques.
Vous y avez fait référence en parlant des études de niveau postsecondaire. En fin de compte, comme le disait Mme Chouinard, la minorité fait les frais de la majorité. Je suis sûr que vous aimeriez faire des commentaires, mais je vais poser ma question à M. Haché.
Monsieur Haché, vous êtes au cœur de l'étude que nous avons entreprise à cause de la situation que vit votre université. Nous déplorons le contexte général et il est évident que j'aurais le goût de vous dire: mais quel gâchis! Quel gâchis qu'une université se retrouve dans cette situation! Nous sommes tous attachés à notre système universitaire et à nos institutions bilingues.
Avant de vous accueillir, nous avons reçu des témoins, notamment de la communauté franco-ontarienne, et le lien de confiance est brisé avec votre université. La communauté francophone ne croit plus que vous êtes capable d'être le moteur de la vitalité francophone dans le Nord de l'Ontario.
Aujourd'hui, vous avez dit de belles choses, mais, dans les faits, vous avez abandonné les trois universités satellites avec lesquelles vous aviez des ententes de collaboration. Je comprends que ce que vous vivez n'est pas facile, mais la question que je veux vous adresser est très simple.
Êtes-vous prêt à transférer les programmes francophones offerts par l'Université Laurentienne vers une entité comme l'Université de Sudbury, un établissement d'enseignement qui serait uniquement par et pour les francophones du Nord de l'Ontario?
:
Je vous remercie de cette question.
La situation financière de l'Université Laurentienne se détériore depuis plusieurs années. Plusieurs problèmes sont survenus en cours de route, y compris dans la relation avec les trois universités fédérées, jusqu'au point où la situation financière n'était plus soutenable. Nous avions atteint un cul-de-sac et il fallait faire des changements substantiels pour pouvoir poursuivre le mandat de l'Université.
Dans la révision que nous avons faite, nous avons mis l'accent sur les programmes les plus populaires, où il y avait beaucoup d'inscriptions, et c'est dans cette optique que nous avançons vers l'avenir.
Il faut souligner que les programmes qui ont été supprimés étaient surtout ceux qui n'avaient que deux ou trois étudiants par année. Il est insoutenable, du point de vue financier comme sur le plan académique, d'avoir un si petit nombre d'inscrits dans certains programmes, malgré les efforts que nous avons faits pendant des années pour attirer des étudiants.
Malgré tout, comme je l'ai dit précédemment, la population d'étudiants francophones à l'Université Laurentienne a augmenté au cours des dernières années. Ainsi, les programmes qui se poursuivent sont des programmes qui intéressent les étudiants, et que nous allons continuer à soutenir.
D'un côté, l'Université Laurentienne a approché la province pour que le fédéral intervienne en matière de langues officielles, et le bureau de la également. L'Université est intervenue auprès du gouvernement provincial et elle a amorcé ces discussions.
Vous avez dit, au cours d'une autre séance du Comité, la semaine dernière, monsieur Haché, que sur le plan des finances de l'Université Laurentienne, vous aviez discuté également avec le gouvernement provincial. Depuis quelque temps, vous aviez d'importantes discussions avec ce gouvernement.
J'ai à vous poser une question très simple, mais dont la réponse va éclairer certains députés qui ne semblent pas comprendre les compétences gouvernementales.
Quel palier de gouvernement est responsable des études postsecondaires, est-ce le municipal, le provincial ou le fédéral?
:
Merci, monsieur le président.
Les fonds fédéraux versés au Québec représentent une fraction substantielle du budget des universités. On parle de quelque 900 millions de dollars par année, ce qui est beaucoup d'argent. Le fédéral investit de façon disproportionnée dans les universités anglophones.
De plus, le fédéral verse des fonds par l'intermédiaire de l'Entente Canada-Québec relative à l'enseignement dans la langue de la minorité et à l'enseignement des langues secondes pour angliciser l'offre de programmes dans les établissements d'enseignement de langue française. Cet argent est donc utilisé, par exemple, pour mettre sur pied des programmes en langue anglaise dans des cégeps et des universités de langue française. Je crois donc que la mission originale des fonds a été détournée, afin d'angliciser des universités et des établissements d'enseignement de langue française.
Le fédéral a aussi investi beaucoup d'argent dans le système de santé du Québec pour angliciser l'offre de services. Entre 2008 et 2013, 32 millions de dollars ont été versés à l'Université McGill afin qu'elle mette sur pied un programme visant à former les travailleurs de la santé pour qu'ils offrent des services de santé en anglais, au mépris de la Charte de la langue française, qui assure théoriquement le droit de travailler en français au Québec.
J'ai aussi étudié un peu la question des universités bilingues ou francophones à l'extérieur du Québec à travers le prisme de la complétude institutionnelle. J'ai constaté qu'en Ontario, par exemple, environ 3 % des revenus des universités françaises ou bilingues provenaient des programmes en français, tandis que, selon la langue maternelle, les francophones constituent 4,7 % de la population de l'Ontario. Il existe donc un sous-financement chronique très important des établissements d'enseignement de langue française en Ontario.
C'est aussi le cas en l'Alberta, où le sous-financement des établissements d'enseignement francophone est de l'ordre de 80 %.
En dressant le portrait de chaque province, nous nous rendons compte que tous les établissements d'enseignement de langue française, au Canada, sont sous-financés, y compris ceux du Québec.
Ainsi, je ne dis pas que le gouvernement fédéral est responsable de cette situation, mais plutôt que, au moyen ses investissements dans la recherche et certaines ententes comme l'Entente Canada-Québec relative à l'enseignement dans la langue de la minorité et à l'enseignement des langues secondes, il investit beaucoup de fonds qui ne soutiennent pas les établissements d'enseignement de langue française, par exemple.
Je pense que les fonds investis pour soutenir la vitalité de l'anglais pourraient simplement être retirés et être investis dans les établissements d'enseignement de langue française hors Québec. Les 50 millions de dollars versés annuellement pour soutenir la vitalité de l'anglais au Québec pourraient être investis dans les établissements d'enseignement hors Québec, parce l'anglais n'en a aucunement besoin au Québec. Si vous cherchez de l'argent, vous en trouverez donc à cet endroit. Il y a au moins 50 millions de dollars sur lesquels vous pourriez mettre la main rapidement.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie M. Haché de sa participation.
C’est très important pour les communautés francophones et autochtones ainsi que pour les gens du Nord de l’Ontario de comprendre l’origine de la crise financière à l’Université Laurentienne.
[Traduction]
Monsieur Haché, la dernière fois que nous avons discuté, nous avons parlé de la décision qui a conduit l'université à se placer sous la protection de la loi sur les faillites, ce qui, selon mon collègue, M. Lefebvre, a fait perdre à l'Université Laurentienne son cœur et son âme. Vous avez dit qu'il y avait eu un certain nombre de réunions entre les gouvernements provincial et fédéral avant cette décision.
Lors de vos rencontres avec le gouvernement fédéral, avez-vous demandé une aide financière ou un soutien pour éviter d'avoir à faire faillite?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur participation.
Ma première question s'adresse à M. Haché. Je veux revoir la chronologie des faits. De ce que je comprends, mes collègues du parti gouvernemental de votre région vous ont bien représentés auprès du cabinet de la , Mme Mélanie Joly, en décembre dernier. En février, il y avait un avis d'intention. On pouvait voir que l'Université Laurentienne se préparait à des compressions majeures. J'ai eu l'occasion de rencontrer des groupes qui faisaient des représentations pour que l'on puisse intervenir. En avril, le couperet est tombé et, malheureusement, plusieurs programmes francophones ont été éliminés.
Tout bonnement, avant son témoignage de mardi, la ministre a annoncé publiquement une somme de 5 millions de dollars pour aider l'Université Laurentienne. Toujours en arrière-plan, il y a le fait que ce n'est pas la responsabilité du gouvernement fédéral d'aider les institutions postsecondaires.
Monsieur Haché, je dois vous dire que je trouve cela malheureux que l'on fasse de la politique. À l'alinéa 2b) de la Loi sur les langues officielles, on peut lire que la loi a pour objet:
2b) d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d’une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais;
On peut constater qu'il y a eu un problème de fonctionnement entre le mois de décembre et le moment où des représentations ont été faites par les députés du gouvernement actuel. La ministre est venue nous indiquer qu'elle n'était pas au courant de la situation et que, si elle l'avait été, elle serait intervenue.
Pour ma part, si je constatais que l'Université Laurentienne, ou tout autre établissement postsecondaire, fonçait carrément dans un mur, et si j'avais le souci de protéger les deux langues officielles en situation minoritaire, j'interviendrais au lieu de me cacher derrière le partage des compétences provinciale et fédérale. C'est la responsabilité de la ministre.
Monsieur Haché, pouvez-vous me dire comment vous interprétez les agissements de la dans le dossier de l'Université Laurentienne?
Ce que je comprends, c'est que vous ne voulez pas vous prononcer sur le fait que la n'a pas nécessairement été très proactive. Elle n'a pas fait preuve de leadership dans ce dossier. Je comprends et je respecte le fait que vous êtes dans une situation assez délicate.
Ma deuxième question s'adresse à Mme Chouinard.
J'espère que vous aurez le temps de répondre, cette fois-ci. Vous avez dit que, en 1981, 37 % des personnes de 15 ans avaient un diplôme universitaire et que ce pourcentage était de 65 %, aujourd'hui. Ce que l'on constate, c'est que la clientèle des étudiants qui s'inscrivent aux études postsecondaires a presque doublé. Il y a donc un potentiel.
Comment se fait-il que l'Université Laurentienne n'ait pas su profiter de cette belle occasion pour faire en sorte d'avoir un achalandage important, qui lui permettrait d'avoir une certaine pérennité?
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je dois avouer que j'ai été profondément troublé lorsque j'ai appris la nouvelle des compressions budgétaires à l'Université Laurentienne. Mon collègue, Paul Lefebvre, et moi-même étions conscients des préoccupations budgétaires. Cependant, elles allaient bien au-delà de ce que nous avions imaginé, et nous n'avions certainement pas anticipé que l'université suivrait le processus de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. La situation a été difficile et elle a touché le cœur du Grand Sudbury.
Comme nombre d'entre vous, nous avons réagi avec émotion. La Laurentienne est une institution postsecondaire tellement importante; elle est bien plus qu'un simple bâtiment. C'est une communauté de personnes qui contribuent au développement économique et à la richesse culturelle, économique et éducative de la région. C'est une perte et une tragédie très éprouvantes pour les professeurs et les étudiants qui poursuivent leurs passions.
[Français]
Monsieur Haché, vous avez mentionné qu'il n'y avait pas de ministère pour le postsecondaire à Ottawa. Les propositions doivent toutes passer par Queen's Park. Pouvez-vous confirmer, selon votre expérience, que le gouvernement fédéral ne peut pas vous octroyer de fonds directement pour votre fonctionnement sans passer par la province?
:
Je vous remercie de cette question, qui est importante.
Les programmes que nous avons coupés comptaient tous très peu d'étudiants à long terme. Au cours des cinq ou dix dernières années, il n'y avait dans chacun de ces programmes que deux ou trois étudiants par année. Même avec des subventions additionnelles, il est très difficile de soutenir ces programmes. De plus, des classes où il n'y a que deux ou trois étudiants ne sont pas le meilleur milieu qui soit pour les étudiants.
Ce n'est pas l'Université Laurentienne qui a désigné les programmes auxquels il fallait mettre fin; ce sont les étudiants qui l'on fait en démontrant leur manque d'intérêt pour ceux-ci, année après année. Il est clair que nous avons conservé les programmes auxquels les étudiants s'intéressent et pour lesquels le taux d'inscription est élevé. Cette situation va aussi nous donner l'occasion d'établir de nouveaux programmes qui sont populaires auprès des étudiants.
Enfin, il est important de faire la distinction entre les programmes et les cours. Sur le plan linguistique, pour ce qui est du théâtre et des arts, par exemple, nous allons continuer d'offrir un bon choix de cours. Ce sont simplement des programmes de quatre ans qui ne seront plus offerts dans notre université. Cependant, nous allons continuer d'offrir des programmes d'études exhaustifs en français et en anglais. À ce sujet, il faut souligner que nous avons effectué ces compressions aussi bien du côté anglais que du côté français. Il n'y a eu aucune préférence. De part et d'autre, les décisions que nous avons prises étaient semblables.
:
Monsieur Boulerice, je vous remercie. C'est tout le temps dont nous disposions.
Nous voilà au moment où il nous faut remercier les témoins de leur participation à cette étude de soutien fédéral pour les institutions postsecondaires de langue française ou bilingue en situation minoritaire.
Madame Stéphanie Chouinard, vous êtes professeure adjointe, Département de science politique au Collège militaire royal du Canada, et Département d'études politiques à l'Université Queen's. Je vous remercie.
Monsieur Frédéric Lacroix, essayiste, je vous remercie.
Nous remercions également, de l'Université Laurentienne, M. Robert Haché, président et vice-chancelier, et Mme Marie‑Josée Berger, prévôt et vice-rectrice académique.
Encore une fois, je vous remercie.
Chers collègues, nous allons prendre une minute, le temps de saluer nos témoins qui sont là. Nous accueillerons ensuite d'autres témoins pour la prochaine heure.
Je suspends la séance quelques minutes.
:
Bonjour, nous reprenons notre séance.
J'aimerais, au bénéfice des témoins qui viennent de se joindre à nous, répéter quelques consignes.
D'abord, je tiens à vous informer du fait qu'il n'est pas permis de faire des captures d'écran ni de prendre des photos de l'écran. Vous pouvez, tout comme les députés, vous exprimer dans la langue de votre choix, parce qu'il y a des services d'interprétation. Enfin, je vous demande d'adresser vos questions à la présidence. Je vous remercie.
Pour la deuxième partie, nous accueillons donc M. Denis Constantineau, de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française, et M. Pierre Riopel, président du Conseil des régents de l'Université de Sudbury.
Monsieur Constantineau, vous serez le premier à prendre la parole. Vous disposerez de cinq minutes pour présenter votre allocution, et je vous aviserai quand il vous restera une minute ou que votre temps est écoulé.
Nous passerons ensuite à M. Riopel.
Monsieur Constantineau, ouvrez votre micro et commencez votre allocution.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Au nom de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française, je vous remercie de m'offrir l’occasion de vous parler de la situation désastreuse dans laquelle se trouve l’éducation universitaire en français à Sudbury en ce moment, à la suite de décisions unilatérales prises par l’institution dite bilingue Laurentian University, des répercussions de ses décrets et de la solution qui point à l’horizon.
La Coalition rassemble des institutions, des individus et des organismes actifs dans une variété de secteurs du Grand Sudbury et du Nord de l’Ontario. Elle est née de la table de concertation francophone PlanifSudbury en réponse aux événements en cours à la Laurentian.
Rappelons qu'en février dernier, comme vous l’avez entendu, la Laurentian a fait appel à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en évoquant qu’elle était confrontée à des défis financiers sans précédent. Cette annonce a provoqué une onde de choc dans notre communauté.
Comme on le redoutait, la Laurentian a annoncé, le 12 avril dernier, qu’elle abolissait 28 programmes en français, soit 40 % des 69 programmes supprimés. En agissant de la sorte, la Laurentian reniait ses engagements envers la francophonie, et elle a perdu la confiance de la communauté. Cette mesure a mis fin à l’existence de programmes dynamiques qui ont joué un rôle dans la création de l’identité franco-ontarienne contemporaine.
C’est le professeur d’histoire de l’Université Laurentienne Gaétan Gervais, Michel Dupuis et Jacqueline England qui ont créé notre drapeau franco-ontarien, hissé pour la première fois sur le campus de l’Université de Sudbury en 1975.
Les programmes d’études françaises, de littérature et culture francophone, ainsi que de théâtre ont également disparu. Ils ont formé des générations de jeunes adultes qui ont poursuivi des carrières dans les arts, en éducation et en animation culturelle. Le Théâtre du Nouvel‑Ontario, les Éditions Prise de parole et CANO‑Musique y sont nés. Ils ont été les précurseurs de ce que nous reconnaissons comme des éléments centraux de la vitalité de notre communauté et de l’ensemble de l’Ontario français.
En éliminant ces programmes, la Laurentian University prive la communauté de ses futurs chefs de file. En remerciant les professeurs rattachés aux 28 programmes, elle dépouille la francophonie de sources de connaissances et de recherches essentielles à son développement.
Elle oblige aussi bon nombre de jeunes francophones et francophiles à poursuivre des études universitaires ailleurs en Ontario, avec les frais supplémentaires que cela engendre. Elle amplifie le phénomène de l’exode régional des jeunes vers les centres urbains, un problème déjà trop présent dans nos communautés partout au pays.
Ces événements illustrent les limites des institutions d’enseignement bilingues. Comme les paiements de transfert du fédéral pour les minorités de langue officielle ne viennent jamais avec un cadre de reddition de comptes, il n’est pas surprenant d’entendre que c’est le French money qui paie le déblaiement des trottoirs enneigés.
Le recrutement et la promotion des programmes de langue française ne sont pas toujours une priorité pour les institutions bilingues. On note d'ailleurs un relâchement à cet égard à la Laurentian depuis plusieurs années. Malgré des efforts, les moyens mis à la disposition des personnes responsables de ces tâches étaient dérisoires. C’est pourquoi les francophones de notre région réclament depuis 50 ans la création d’une université entièrement de langue française.
C’est dans la foulée de ces événements que l’Université de Sudbury a annoncé, le 11 mars dernier, qu’elle voulait devenir une université conçue par, pour et avec les francophones. Elle a rendu ses deux chartes disponibles aux communautés francophone et autochtone pour qu’elles créent leurs propres établissements. Notre coalition travaille à l’atteinte de cet objectif et a formulé les recommandations suivantes.
D’abord, nous suggérons que toute la programmation de langue française de la Laurentian, autant celle qui a été éliminée que celle qui demeure en place, soit transférée intégralement et immédiatement à l’Université de Sudbury.
Ensuite, nous souhaitons que les paiements de transfert fédéraux pour les minorités de langue officielle autrefois versés à la Laurentian soient immédiatement transférés à l’Université de Sudbury, afin de lui permettre de planifier son offre de programmes.
D'autre part, il faudrait que le gouvernement de l’Ontario intervienne et s’assure que la programmation de 2021‑2022 de la Laurentian va de l'avant, qu’il suspende les coupes annoncées, qu'il trouve le financement nécessaire pour qu’elle calme ses créanciers et qu’il facilite le transfert des programmes mentionnés.
Par ailleurs, nous recommandons qu'une commission de mise en œuvre provinciale soit mandatée pour établir une structure de prestation de l'éducation universitaire de langue française dans le Nord, déterminer sa programmation et esquisser le milieu de vie et d’apprentissage d’une telle institution. Cette commission pourrait se livrer à une étude de besoins et associer de futurs étudiants et étudiantes à ses travaux pour élaborer sa programmation. La commission pourrait soumettre un plan de transition entre l’offre de programmes provisoires et l’ouverture de l’université de langue française pour le Nord.
Finalement, nous souhaitons que soit reconnue l’importance des programmes d’études autochtones offerts depuis plus de 40 ans à l’Université de Sudbury et que des démarches soient entreprises, en appui aux communautés autochtones, en vue de les pérenniser.
Soyons clairs: nous ne souhaitons pas la disparition de la Laurentian. Notre communauté a besoin d’une telle institution. Par contre, nous voulons une université entièrement conçue par, pour et avec les francophones qui pourra se tenir fièrement aux côtés de la Laurentian.
Je vous remercie. Je suis disposé à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité de me recevoir et de l'intérêt qu'ils manifestent à l'égard de l'éducation postsecondaire en français dans le Moyen‑Nord de l'Ontario.
Sachez que j'ai pu échanger avec mon collègue M. Denis Constantineau afin de me préparer à cette séance et que je suis bien d'accord sur les propos qu'il a tenus aujourd'hui.
Je m'appelle Pierre Riopel et je suis Franco‑Ontarien. Je suis le président du Conseil des régents de l'Université de Sudbury. Pendant 30 ans, j'ai fait carrière dans le domaine de l'éducation à titre d'administrateur scolaire et collégial. Je retrouve d'ailleurs l'un de mes anciens collègues ici.
Puisque je suis pédagogue dans l'âme, je vais vous demander de permettre au professeur d'histoire que j'étais de vous raconter la petite histoire de l'Université de Sudbury, un établissement qui me tient à cœur.
Je retiens de son histoire quatre dates importantes.
La première, c'est 1913. Les jésuites fondent alors le Collège du Sacré‑Cœur à Sudbury, un collègue classique de langue française. Le Collège voit le jour dans le contexte du Règlement 17, une loi qui interdisait l'enseignement en français en Ontario.
En 1957, le Collège du Sacré‑Cœur devient l'Université de Sudbury. Tout se passe en français: l'administration et l'enseignement.
En 1960, l'Université Laurentienne, établissement bilingue, ouvre ses portes. C'est à ce moment qu'est formée la Fédération Laurentienne, dont fait partie l'Université de Sudbury.
Ce modèle a bien fonctionné pendant 60 ans. Toutefois, nous avons tous été témoins d'un désengagement récent de la Laurentian University à l'égard de la francophonie, mais jamais plus que dans le cadre du processus qui se déroule publiquement devant la Cour supérieure de l'Ontario en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, ou LACC.
Finalement, la dernière date est l'année 2021. Sous la protection de ses créanciers, l'Université Laurentienne a mis fin à la Fédération de façon cavalière et abrupte et a fait des suppressions massives dans sa programmation dans le but d'éliminer une multitude de services et d'emplois.
Le recteur Haché a fait des admissions révélatrices lors de son contre-interrogatoire du 23 avril dernier dans le cadre du processus de la LACC. Le dossier de requête de l'Université Laurentienne en vertu de la LACC compte près de 1 500 pages et quatre volumes. Or on n'y fait aucune mention de la Loi sur les services en français. Aucun souci n'est exprimé par le recteur Haché pour ce qui est de l'incapacité de l'Université Laurentienne de continuer à fournir des services existants en français. Il n'y a rien. Pourtant, l'Université Laurentienne est désignée depuis 2014 par cette loi, qui l'oblige rigoureusement à maintenir des facultés et des programmes spécifiques en français.
Sachez aussi que, en mettant fin aux liens fédératifs entre la Laurentienne et l'Université de Sudbury, on a fait perdre à cette dernière les moyens de remplir ses obligations en vertu de sa propre désignation dans la Loi sur les services en français. Rien de tout cela n'apparaît dans les textes juridiques présentés par le recteur Haché devant le tribunal.
Du jour au lendemain, l'Université de Sudbury a perdu tout droit d'enseigner aux étudiants et aux étudiantes de la Fédération Laurentienne. Avant que la Laurentienne ne dépose sa requête en vertu de la LACC, le 1er février dernier, aucune consultation n'a été menée auprès de la communauté francophone. De même, aucune consultation n'a été menée avant que l'Université Laurentienne annonce, le 12 avril, des compressions significatives dans ses programmes en français. Les compressions sont le résultat d'un calcul financier sans considération pour les répercussions de ces décisions sur les étudiants, le personnel enseignant, les employés et l'ensemble de la communauté.
À la lumière de ces événements, l'Université de Sudbury consacre actuellement tous ses efforts à la création d'un nouvel avenir: nous avons retenu les services d'avocats conseillers, comme le constitutionnaliste Me Ronald Caza; nous avons adopté deux résolutions, le 11 mars, dont l'une vise la transformation de l'Université de Sudbury en université de langue française; nous avons créé deux comités spéciaux, un francophone et un pour les communautés autochtones; et nous avons créé un groupe de travail francophone en vue d'élaborer un plan d'affaires avec l'appui de la firme PGF Consultants.
Comme l'a mentionné mon collègue M. Constantineau, nous avons reçu de nombreux appuis communautaires. Nous avons également reçu une pétition signée par plus de 400 professeurs francophones de partout au pays et à l'international. De plus, une campagne a été mise sur pied par l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, ou AFO, dans le cadre de laquelle le recteur Haché et le président du Conseil des gouverneurs ont reçu 3 000 lettres d'appui venant d'individus.
Le temps est venu de réaliser ce projet d'université de langue française, puisqu'une telle université a été convoitée, imaginée et souhaitée par plusieurs générations de Franco‑Ontariens et de Franco‑Ontariennes. Il est temps de créer notre université de langue française à Sudbury par, pour et avec la communauté franco‑ontarienne. C'est un rendez-vous historique.
Je vous remercie beaucoup de votre attention. Je suis tout à fait disposé à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Effectivement, nos deux témoins ont non seulement respecté les limites de temps, mais ils nous ont apporté une bouffée d'espoir, cet après-midi, en rappelant, en quelque sorte, que dans chaque crise, il y a une occasion à saisir. C'est plaisant de voir qu'il y a des gens extrêmement sérieux qui cherchent des solutions.
Messieurs, vous avez entendu les questions que j'ai posées à M. Haché, qui semble dire que tout va bien,,, [difficultés techniques]
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Je vais poser ma question à MM. Riopel et Constantineau.
L'Université Laurentienne semble dire qu'on peut entamer le processus. Il semble être acquis qu'en septembre prochain, cela doit continuer à la Laurentienne.
Quand croyez-vous être prêts à prendre la relève à l'université francophone du Nord de l'Ontario, et quelles sont vos attentes envers le gouvernement fédéral?
On sait que la ministre a mis de l'argent sur la table, cette semaine.
Je termine ma question en disant que le Comité est là pour vous appuyer, et mon horloge grand-père aussi, d'ailleurs.
Historiquement, les Franco-Ontariens et les Franco-Ontariennes ont été rapidement au rendez-vous. Ce que nous demandons, c'est un rapatriement immédiat de tout ce qui se passe en français à l'Université Laurentienne
Il reste trois mois avant la rentrée du mois de septembre. Le temps avance. Nous comprenons que nous sommes très ambitieux, mais cela a déjà été fait aux niveaux secondaire et collégial. Il y a des solutions.
Il y a certainement, par l'entremise de la province, un appui à ce projet. Nous avons bien accueilli l'annonce de la ministre Joly concernant les 5 millions de dollars, parce que nous sommes justement en train de parler de la gestion et de la gouvernance par, pour et avec les francophones.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs Constantineau et Riopel. Je vous remercie d'être parmi nous.
C'est important que nous entendions parler de ce qui se passe dans notre communauté.
Dans son allocution d'ouverture, M. Constantineau a mentionné que l'Université Laurentienne était le berceau de l'identité franco-ontarienne. C'est pourquoi cela nous arrache le cœur de constater ce qui est arrivé. Je l'avais d'ailleurs mentionné d'entrée de jeu à M. Haché. En abolissant ces programmes, ils ont enlevé l'âme de l'Université. Elle ne nous ressemble plus et ne nous rassemble plus, ce qui est inquiétant.
Il faut déterminer ce que nous pouvons faire pour que les étudiants et la communauté francophones aient une place qui leur ressemble et où ils peuvent se rassembler.
Votre projet de la coalition avec l'Université de Sudbury est très intéressant, comme je vous l'ai dit. Il faut l'étudier de très près.
Monsieur Riopel, au sujet du transfert de programmes de l'Université Laurentienne à l'Université de Sudbury, vous avez mentionné que tout émanait de vos discussions avec les représentants du gouvernement provincial et que là était la question.
Pourriez-vous nous donner rapidement une mise à jour de ces discussions?
Nous avons eu des dialogues avec nos amis de l'Université de Hearst. Pour vous situer géographiquement, je précise que Hearst est à six heures de route au nord de Sudbury. C'est donc un bon bout de chemin. Nous avons également discuté avec nos amis de l'Université de l'Ontario français, qui sont à Toronto, donc à environ cinq heures de route au sud. Nous faisons, toutes les trois, preuve d'ouverture, évidemment.
Présentement, au postsecondaire, c'est dans la nature de la bête que d'avoir des réseaux ainsi que des ententes d'articulation, et que nos étudiants puissent suivre des cours dans d'autres établissements et utiliser la technologie, comme nous sommes en train de le faire.
Je me plais à dire aux gens que je veux bien un réseau et que je n'y vois pas de problème, mais je demande d'abord une université. Nous créerons ensuite un réseau. Notre intention à ce sujet est donc claire.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos deux invités, qui ont fait des présentations très intéressantes.
Selon un article publié sur le site Web de Radio‑Canada, des représentants d'universités bilingues, dont l'Université d'Ottawa et l'Université Laurentienne, se sont rencontrés secrètement dans le but de faire annuler le projet de l'Université de l'Ontario français sous prétexte que les universités bilingues pouvaient offrir une solution de rechange.
Que pensent les deux témoins de cela? Il semble exister une compétition assez féroce de la part des universités bilingues, et il n'existe pas beaucoup d'universités par et pour les francophones. J'aimerais les entendre à ce sujet.
M. Constantineau peut répondre à la question en premier, et ce sera en suite le tour de M. Riopel.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie MM. Constantineau et Riopel d'être avec nous aujourd'hui.
D'entrée de jeu, je dirais que je suis de tout cœur avec votre initiative et votre projet d'une université par et pour les francophones du Moyen‑Nord de l'Ontario.
Comme M. Blaney l'a dit plus tôt, si le Comité peut avoir une contribution positive et constructive en la matière, j'aimerais évidemment y participer.
J'aimerais entendre votre opinion sur le mécanisme qui oblige, semble-t-il, d'avoir une participation provinciale-fédérale. À votre avis, cela donnerait-il un droit de véto sur certaines initiatives à un gouvernement provincial qui serait moins favorable aux droits des francophones et aux services en français?
N'est-ce pas un mécanisme qu'on devrait revoir un jour ou l'autre?
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N'étant pas juriste, je trouve peut-être un peu plus difficile de répondre à cette question. Je pense que c'est une question de compétence. Je crois que c'est une embûche supplémentaire que l'on doit surmonter, et ce, surtout dans le domaine postsecondaire.
Pour ce qui est de la gouvernance, je ne m'occupe pas de la gestion des budgets de façon quotidienne. Lors de la séance précédente, j'ai bien écouté quand on parlait justement du concept de la reddition de comptes. Je pense que cela est un élément excessivement important. Je l'ai vécu au scolaire, par exemple, à l'époque où les anglophones étaient majoritaires dans les conseils scolaires.
Comme l'a dit M. Constantineau il y a quelques instants, nous recevions du French money. Tout à coup, le French money disparaissait et on ne savait pas trop où.
On nous disait qu'on dépensait de l'argent dans les écoles de langue française, ce qui n'était pas nécessairement toujours le cas. Nous le savons, c'est un fait. Disons que cela complique les choses pour nous.
Au lendemain de la suppression des programmes, mon fils m'a envoyé un message pour me dire que, aujourd'hui, il ne pourrait plus faire ses études à l'Université Laurentienne, parce qu'il a obtenu son baccalauréat en histoire et son brevet d'enseignement aux cycles intermédiaire et supérieur, deux programmes qui ont été supprimés.
Premièrement, on ne peut pas attirer des jeunes à l'université si on n'offre pas les programmes qu'ils veulent suivre. Deuxièmement, lorsqu'on offre des programmes à moitié et que les étudiants et les étudiantes sont obligés de les compléter avec des cours en anglais, ce n'est pas attrayant pour eux. Ils vont aller voir ailleurs. L'offre de programmes est essentielle à cet égard.
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Je vous remercie. C'est tout le temps dont nous disposions pour cette séance.
Je veux remercier les témoins d'avoir accepté d'y participer. En passant, j'aimerais féliciter notre analyste et notre greffière de vous avoir réunis cet après-midi. En effet, vous vous connaissez bien.
J'aimerais maintenant saluer M. Denis Constantineau, de la Coalition nord‑ontarienne pour une université de langue française, et M. Pierre Riopel, qui est président du Conseil des régents à l'Université de Sudbury.
Je vous remercie.
Je remercie aussi les techniciens, toute l'équipe qui nous a accompagnés cet après-midi.
Sur ce, j'ajourne la réunion.
La séance est levée.