Mesdames et messieurs, bonjour. Soyez les bienvenus à la dix-septième séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de la Chambre des communes.
Voici d'abord des renseignements qui font suite à la motion adoptée par la Chambre, le mercredi 23 septembre 2020. La séance d'aujourd'hui est hybride, c'est-à-dire que les membres du Comité peuvent y participer en personne ou par vidéoconférence. Les témoins ne peuvent comparaître que par vidéoconférence.
Pour savoir si le quorum est atteint, on compte tous les membres, peu importe leur mode de participation. Le pouvoir de siéger du Comité est cependant limité par les priorités d'emploi des ressources de la Chambre, lesquelles sont déterminées par les whips. Chaque décision se prend par mise aux voix par appel nominal, sauf si le Comité la prend par consentement unanime ou avec dissidence. Enfin, le Comité peut délibérer à huis clos, à la condition de tenir compte des risques inhérents que comporte pour la confidentialité la participation de membres à distance. On pourra accéder aux délibérations d'aujourd'hui sur le site Web de la Chambre des communes. Je vous rappelle que la webémission montre toujours la personne ayant la parole plutôt que la totalité des membres du Comité.
Voici quelques règles pour assurer le bon déroulement de la séance. Les participants en virtuel, membres ou témoins, peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Un service d'interprétation est assuré. Dans le bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, le canal anglais ou le canal français. Avant de prendre la parole, cliquez sur l'icône du microphone pour activer le vôtre. Après votre prise de parole, veuillez le désactiver pour atténuer au maximum les bruits parasites. Les membres et les témoins s'adressent toujours à la présidence.
Pour demander la parole en dehors de la période désignée des questions, il faut activer le micro et invoquer le Règlement. Pour intervenir sur un rappel au Règlement soulevé par un autre membre, la fonction « Lever la main », permet de signaler vos intentions et d'établir une liste des intervenants. À cette fin, cliquez sur l'icône « Participants », dans le bas de votre écran. Quand la liste apparaîtra, vous pourrez cliquer sur « Lever la main », à la droite de votre nom.
Ayez un débit lent, une diction nette. Sauf circonstances exceptionnelles, l'emploi du casque d'écoute avec microperche est obligatoire pour tous les participants à distance. En cas de difficultés techniques, veuillez en prévenir la présidence. À noter qu'il faudra peut-être suspendre les travaux quelques minutes, pour assurer à tous leur entière participation.
En présentiel, on se comporte comme on le ferait pendant une séance du Comité dans une salle. Pour attirer mon attention, faites un geste de la main, ou, à un moment convenable, interpellez-moi par mon nom. Pour invoquer le Règlement, attendez le moment opportun et signifiez-moi clairement votre volonté de le faire. En ce qui concerne la liste des intervenants, notre greffier et moi, nous ferons de notre mieux pour actualiser une seule liste des participants en virtuel et en présentiel.
Cela dit, je souhaite la bienvenue au Dr David Williams.
Merci, docteur, de nous consacrer du temps dans votre horaire que nous savons extrêmement chargé, pendant une période très éprouvante pour nous tous, à l'échelon fédéral et dans votre province. Vous faites de l'excellent travail comme médecin hygiéniste en chef au ministère de la Santé de l'Ontario.
Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire, après quoi les membres du Comité vous questionneront.
:
Je vous remercie de votre invitation. J'ai pensé commencer mon témoignage en faisant simplement le point sur la situation en Ontario. Comme le premier cas au Canada a été signalé en janvier dernier, la situation dure maintenant depuis 320 jours, et le nombre signalé de cas de COVID-19 a atteint 134 783.
Pendant le printemps et jusqu'au début de l'été, nous avons considérablement « aplati la courbe » à moins de 100 cas par jour, et même beaucoup moins, puis leur nombre a recommencé à augmenter en septembre, plus ou moins comme dans d'autres provinces ou, dernièrement, dans certains territoires.
Par exemple, aujourd'hui, le 10 décembre, les nombres ne cessent de changer, et nous signalons un maximum sans précédent de 1 983 nouveaux cas en une seule journée. Les dépistages restent nombreux. Aujourd'hui, encore, nous en avons réalisé un peu plus de 62 000. La moyenne quotidienne varie entre 55 000 et 58 000, et nous intensifions le dépistage et accélérons l'acquisition des résultats pour 3 000 à 4 000 d'entre eux, et ça s'intensifiera encore dans l'avenir immédiat.
La plupart de nos cas ont tendance à se concentrer dans les zones dites chaudes des régions de Toronto, York et Peel, qui constituent 60 % de l'ensemble. Ils sont dispersés dans les unités de santé de la province, dont je parlerai dans un instant.
La mortalité générale et la mortalité dans les établissements de soins de longue durée continuent d'augmenter. Entre le dépistage des cas et les hospitalisations, il se passe trois semaines, et la mortalité commence à augmenter. Nous continuons de l'observer. Nous craignons maintenant de dépasser les 25 morts par jour. C'est moins que dans la première vague, mais ça demeure néanmoins préoccupant et des plus malheureux.
Le taux de reproduction des cas, dont on parle tant, fluctue autour de 1. Nous espérons l'abaisser sous 1, pour que le nombre de nouveaux cas recommence à diminuer et que la deuxième vague retombe. Nous sommes comme sur un haut plateau, en position précaire, dans l'expectative d'une remontée ou d'une nouvelle baisse.
La capacité de nos unités de soins intensifs et de nos hôpitaux continue d'être mise à rude épreuve. Plus de 200 lits sur nos 1 700 à 1 800 sont maintenant occupés par des patients de la COVID. Le problème est bien sûr que, contrairement à ce qui s'est passé pendant la première vague, alors que nous avions cessé toute chirurgie élective, nos hôpitaux, aujourd'hui, fonctionnent à plein régime. Ça signifie que ces lits prennent la place d'autres cas, y compris ceux de chirurgies électives qui séjourneraient une journée ou deux à l'hôpital, après l'opération et qui ont besoin des lits. Notre système est soumis à des contraintes alors que les taux d'occupation excèdent 90 %. Nous demeurons dans cette position précaire, qui présente un certain nombre de facettes.
Pour y réagir, dans la situation unique en son genre de l'Ontario — qui influe peut-être sur le processus électoral —, nous, contrairement aux autres provinces, possédons 34 unités autonomes de santé publique. Elles forment des sociétés municipales dont la clientèle varie de 3,4 millions de personnes — la plus nombreuse —, à Toronto, à 38 000, dans le Nord. Elles recouvrent tout l'Ontario, y compris les communautés de Premières Nations. Sous l'égide des conseils de santé, chacun des 34 médecins hygiénistes et son personnel sont chargés de la santé publique dans le territoire de son ressort.
Pour mieux maîtriser l'impact global de la COVID, nous avons décidé, après le confinement et le déconfinement initiaux, de mettre en place le « Cadre d'intervention contre la COVID-19: Garder l'Ontario en sécurité et ouvert », ce qui a été fait en septembre et octobre. Des indicateurs correspondent à chaque niveau, avec des zones de couleur et des dénominations.
Le niveau inférieur, correspondant au vert, est le mode de prévention: la plupart des activités sont axées en permanence sur la prévention. Le taux de cas reste faible, habituellement de moins de 1 %. Au jaune correspond le niveau de protection et ses propres paramètres et cas, en pourcentages, pour 100 000 habitants. L'orangé est le niveau de restriction. Vient ensuite le rouge, le niveau de contrôle, de 40 cas et plus pour 100 000 et un taux de positivité des tests réalisés en laboratoire de plus de 2,5 %. Ça signifie donc 34 régions différant par la couleur de zone, qui peut changer. Les données sont actualisées hebdomadairement, puis nous recommandons le passage des unités locales de santé à la catégorie supérieure ou inférieure. Des zones sont également dites grises, en confinement, la situation actuelle à Toronto et à Peel.
Le confinement est décidé d'après la valeur atteinte par un certain nombre de paramètres, qui ne sont pas complètement les mêmes que ceux de la première vague. Nos établissements de soins de longue durée restent ouverts aux visiteurs essentiels. Nos écoles sont encore ouvertes, même aujourd'hui, jusqu'à Noël. La masse des élèves est nombreuse — ils sont 2,5 millions —, et nos 1 400 écoles sont ouvertes. Dans la province, 10 seulement sont fermées, certaines non à cause de la maladie, mais pour des raisons administratives, des problèmes de recrutement. Il y a aussi les garderies.
Une autre différence avec la première vague est que nous n'avons pas interrompu les chirurgies électives. Nous essayons de regagner le terrain perdu pour que les patients ne subissent pas une morbidité ou une mortalité accrues, en raison du report d'investigations ou de chirurgies essentielles. Notre organisation actuelle nous le permet.
De plus, nos modélisations et nos prévisions nous permettent de nous adapter au fur et à mesure. Et, bien sûr, comme vous l'avez appris dans les médias, la vaccination débute et se poursuivra à un rythme toujours accru, nous l'espérons, dans la prochaine année.
Mon bureau a été consulté par Élections Ontario sur les avantages ou les inconvénients de la tenue d'élections dans la province. On pourrait tirer des leçons de cette expérience. Il importera de les communiquer aux autorités fédérales ainsi qu'aux autres provinces et aux territoires.
L'Ontario est d'accord avec votre comité selon qui l'organisation d'élections ne doit pas entraver davantage le déroulement du scrutin. Elle devrait plus particulièrement favoriser l'exercice de son droit de vote par l'électeur doté de l'aptitude juridique à voter, quels que soient ses besoins d'accessibilité. Cela signifie de recourir à des technologies d'assistance au vote et d'autres assistances sur les lieux du scrutin — en fonction des différentes zones décrétées en Ontario et la situation de la COVID-19 — et le lieu de résidence (établissement correctionnel, établissement de soins de longue durée, foyer collectif et autre lieu d'hébergement collectif, notamment).
Les plans d'administration des élections parent à toute éventualité et sont facilement adaptables aux situations changeantes de chaque province ou territoire. Comme l'épidémie suit son cours, elle varie chaque jour et chaque semaine. Avec le début des vaccinations, nous devrons tenir compte d'autres éventualités jusqu'à la fin. Nous devons être agiles et réagir aux problèmes et les résoudre au fur et à mesure.
Les priorités sont notamment de tirer tout de suite parti des occasions permettant de réduire au minimum les déplacements et les attroupements, compte tenu, particulièrement, de la possibilité du vote postal, du vote en virtuel, d'étaler le scrutin pendant la fin de semaine ou la semaine de travail, et de faire varier les mesures de santé publique en vigueur dans nos collectivités, par exemple celles qui touchent l'accès aux grands centres communautaires. En période de confinement, le nombre de lieux est limité. Comment, alors, les adapter à l'accueil des électeurs pendant certaines heures, assurer les bonnes distances dans les files et prendre les bonnes précautions, à chaque endroit, pour le personnel administratif, les volontaires, les scrutateurs et les candidats? Il faut que nous tissions des liens avec les autorités locales et régionales pour appuyer le processus électoral, comme prendre contact, surtout, avec nos secteurs de la santé et de l'éducation.
Nous voulons établir des façons de faire cohérentes et personnalisées pour les lieux de scrutin. S'agit-il d'écoles? Il ne faut pas oublier qu'elles se trouvent dans une certaine catégorie de zone. Actuellement, on ne laisse entrer personne dans les écoles, conformément à nos politiques et consignes pour ces endroits. La plupart des centres communautaires sont fermés. On pourrait les ouvrir, mais en faisant les mêmes distinctions. De plus, il faut s'y prendre différemment selon que c'est un établissement de soins de longue durée ou un autre type d'établissement ou de local d'hébergement en commun.
D'autres facteurs à prendre en considération pourraient être les moyens en place pour filtrer les personnes qui arrivent au bureau de vote et séparer les électeurs qui ne portent pas le masque ou qui sont positifs. Comment faire? Un électeur positif, pendant sa quarantaine, peut-il voter? Comment se saisir de ce type de situation? Il faut limiter le nombre de personnes à l'intérieur et le débit de circulation. Bien sûr, il faut sans cesse appliquer les protocoles de nettoyage et de désinfection de toutes les surfaces.
Nous voudrions aussi recommander un programme approfondi de formation, avec simulation des divers scénarios et établissement de processus de filtrage du personnel électoral, compte tenu de ses lieux de travail le jour du scrutin, y compris de ses déplacements entre ces lieux et des méthodes de vote itinérant. Nous voulons éviter ses déplacements à partir de zones de confinement rigoureux vers des zones rouges ou autres. Nous voudrions qu'il reste dans la même catégorie de lieux de scrutin. Il planifie ses éventuels déplacement et cherche à les réduire au minimum, pour éviter les accusations de propager la maladie.
Ça assurerait à ce personnel une protection constante, partout où il serait appelé à se déplacer, dans les différents lieux de scrutin évoqués ou selon leur degré variable d'interaction avec les électeurs. Voilà les paramètres généraux. Comme je l'ai dit, l'Ontario est vaste. Il compte de nombreuses communautés éloignées de Premières Nations, pas toujours facilement accessibles. Sur ce vaste territoire habite la population la plus nombreuse. Nous devons en tenir compte dans nos divers emplacements et situations. Nous espérons d'être utiles et de nous adapter, au besoin, à la situation changeante de la COVID qui continue de sévir.
Merci, madame la présidente.
:
Nous reprenons les travaux.
Je rappelle à tous les participants de choisir le mode Galerie afin de voir tout le monde. Pour ce faire, cliquez sur le bouton « Vue de la galerie » dans le coin supérieur droit de votre écran.
J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des nouveaux témoins.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Je vous rappelle également que les micros ne seront pas contrôlés de façon automatique; vous devez donc mettre le vôtre en sourdine après votre intervention.
L'interprétation des vidéoconférences fonctionne de la même façon qu'à l'habitude. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le son du parquet, l'anglais ou le français. Les personnes bilingues peuvent choisir le parquet.
Lorsque vous prenez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre micro doit être éteint.
L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée. Je crois que vous avez tous reçu un casque d'écoute autorisé de la part du greffier. Je vois que vous en avez tous un. C'est excellent. Merci beaucoup.
J'aimerais maintenant accueillir officiellement tous les témoins de la réunion d'aujourd'hui, la première qui porte sur la prorogation.
Je souhaite la bienvenue à Daniel Turp, qui est professeur associé à l'Université de Montréal; à Philippe Lagassé, qui est professeur à l'Université Carleton; à Kathy Brock, qui est professeure en études politiques à l'Université Queen's; et à Barbara Messamore, qui est professeure au département d'histoire de l'Université de la vallée du Fraser.
Je tiens tout de suite à vous transmettre mes excuses, parce que je sais qu'au moins un des témoins s'est vu remettre des documents en anglais seulement. C'était une erreur de la part de notre équipe, et je m'en excuse. Nous allons faire de notre mieux pour que cela ne se reproduise plus. Comme je l'ai dit plus tôt, les services d'interprétation sont offerts tout au long de la réunion. Nous ne devrions donc pas avoir de problème à cet égard aujourd'hui.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous allons d'abord entendre M. Turp. Allez-y.
:
Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs du Comité.
Je vous salue, d'ailleurs, en cette Journée internationale des droits de l'homme. Je ne sais pas si votre Parlement soulignera cet événement, mais, il y a maintenant 72 ans, l'Assemblée générale des Nations unies adoptait la Déclaration universelle des droits de l'homme, où il est question de droits politiques de sociétés démocratiques. Je tenais donc à le souligner.
Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à votre étude. J'ai pris connaissance du rapport intitulé « Prorogation d'août 2020 — pandémie de la COVID-19 », dans lequel le gouvernement expose les raisons pour lesquelles il a été décidé de proroger le Parlement le 18 août dernier et de fixer l'ouverture de la 2e session de la 43e législature le 23 septembre 2020.
Pour contribuer à ce débat, je me propose de commenter la décision de prorogation en vous parlant de prérogatives, d'hypocrisie et de démocratie.
Parlons d'abord de prérogatives. La prorogation des travaux de la 43e législature a été décidée par la gouverneure générale du Canada sur l'avis du premier ministre, Justin Trudeau, dans l'exercice d'une prérogative. Elle est présentée comme ayant sa source — d'ailleurs je l'apprends peut-être aux membres du Comité — dans un mémorandum concernant certaines fonctions du premier ministre et adopté le 25 octobre 1935. J'ai d'ailleurs mis en annexe de mon allocution d'ouverture la version officielle de ce mémorandum en langue anglaise, seulement disponible en langue anglaise, et j'espère donc qu'il y aura une traduction de ma déclaration d'ouverture.
Ce qui est intéressant dans cette déclaration, dans ce mémorandum, c'est qu'on mentionne les questions qui relèvent de la prérogative spéciale du premier ministre; il y est fait mention notamment de la dissolution et de la convocation du Parlement. Il n'est pas question de la prorogation, dans ce mémorandum. Alors, je voulais soulever cela à l'attention du Comité et l'inviter à se demander si, vraiment, il y a une prérogative spéciale du premier ministre, ou si cette prérogative n'existe que pour la dissolution et la convocation du Parlement. A-t-il vraiment le pouvoir de recommander la prorogation des travaux parlementaires comme le premier ministre Trudeau l'a fait avant lui, mais aussi le premier ministre Harper et d'autres premiers ministres dans l'histoire constitutionnelle du Canada?
Laissez-moi parler d'hypocrisie. Je regrette de devoir utiliser ce terme, car il est dur. Toutefois, dans le rapport qui vous est soumis et qui explique les raisons de la récente prorogation, il apparaît clairement que les raisons qui sont évoquées sont difficiles d'abord à cerner. Pour ma part, j'ai eu beaucoup de difficultés à les cerner en lisant ce rapport. Ce que je semble comprendre, c'est qu'elles sont révélées dans la conclusion, où il est affirmé ce qui suit:
Compte tenu des défis qui se dressaient devant nous, des leçons que nous avions tirées de la première vague et du travail ardu qui nous attendait toujours, il était très clair en août que nous devions revoir notre programme et obtenir la confiance de la Chambre pour aller de l'avant.
Il y a donc deux raisons, deux obligations que semble s'imposer le gouvernement: revoir son programme et obtenir la confiance de la Chambre. Alors, dans ma déclaration, j'avoue douter qu'on ait eu besoin d'une prorogation pour revoir le programme; le gouvernement revoit constamment son programme et peut le revoir, bien sûr, dans un discours du Trône ultérieur sans devoir proroger le Parlement. Il peut respecter le calendrier parlementaire normal, celui qu'il a utilisé et dont il a informé les autres membres de la Chambre.
S'agissant de la confiance de la Chambre, le 18 août 2020 dernier, le gouvernement avait bien la confiance de la Chambre. Il l'avait, cette confiance, et cette raison n'en est donc pas une; elle n'est pas valable. On connaît les vraies raisons. Il y en a qui vont avoir de la difficulté à admettre que, les vraies raisons, c'était pour mettre fin à l'existence des Comités et faire perdre à ces comités le mandat d'examiner l'affaire d'UNIS. C'est le cas de quatre des Comités de votre Chambre des communes: le Comité permanent des finances, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique ainsi que le Comité permanent des langues officielles. Ces raisons ne sont pas mentionnées dans le rapport. Ce rapport n'est pas dès lors une démonstration de transparence, mais un triste exemple d'hypocrisie.
Mon dernier point concerne la démocratie. Je veux porter à l'attention du Comité ce jugement important de la Cour suprême du Royaume-Uni, qui a été rendu le 24 septembre 2019, concernant le droit d'exercer le pouvoir de prorogation.
Dans le cadre du Brexit, la Cour suprême du Royaume-Uni a affirmé que le pouvoir de prorogation ne pouvait pas être exercé sans le respect de la capacité du Parlement d'exercer ses fonctions constitutionnelles en tant que législature. Cette décision devrait influer sur le cours des choses au Canada. Dans l'avenir, la prorogation ne devrait pas être exercée comme elle l'a été et empêcher le Parlement de continuer le travail d'examen sérieux d'une affaire comme celle de l'organisme UNIS.
Madame la présidente, membres du Comité, je vous remercie de votre attention.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du Comité et le greffier de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui.
[Français]
On nous a demandé d'aborder la question de la prorogation du gouvernement qui a eu lieu à l'automne dernier.
Pour ce faire, je vais d'abord vous expliquer à quoi sert la prorogation. Je noterai ensuite comment on peut abuser de celle-ci, avant d'exposer des critères qui me semblent utiles pour juger l'acceptabilité de certaines prorogations. Troisièmement, j'appliquerai ces critères à la prorogation de l'automne 2020.
Enfin, je conclurai mes réflexions sur la manière dont nous tenons les gouvernements pour responsables des prorogations abusives. Je poserai la question visant à savoir si nous devrions encourager les tribunaux canadiens à limiter la portée du pouvoir de prorogation, comme on l'a fait au Royaume-Uni.
[Traduction]
Alors, à quoi sert la prorogation? Pourquoi est-il nécessaire de mettre fin à une session parlementaire et d'en commencer une nouvelle?
Une prorogation peut être judicieuse ou nécessaire pour servir les objectifs suivants: il y a eu un changement de conseil des ministres au sein d'un Parlement, ce qui oblige le nouveau gouvernement à établir son programme et à effacer la liste des lois afin de pouvoir promulguer ses propres projets de loi; une session parlementaire dure depuis longtemps et le gouvernement souhaite prendre un nouveau départ; un événement important incite le gouvernement à se doter d'un nouvel ensemble de mesures législatives; ou un gouvernement souhaite présenter un nouveau programme parlementaire en prévision d'élections générales.
[Français]
Bien entendu, étant donné les effets de la prorogation, notamment la suppression des projets de loi du gouvernement, l'effacement du Feuilleton, la réinitialisation des comités et, souvent, l'effacement des jours de séance, ce pouvoir peut être, et a été, utilisé comme une tactique dure, qui permet à l'exécutif d'étouffer la capacité de l'opposition à lui demander des comptes.
Par exemple, les prorogations tactiques ou dures peuvent être utilisées pour éviter ou retarder un vote de censure, pour rétablir des comités qui organisent une enquête politique préjudiciable au gouvernement et pour éviter ou retarder des procédures parlementaires utilisées pour demander des comptes au gouvernement.
Nous pourrons en parler un peu plus en détail.
[Traduction]
Lorsque la prorogation est utilisée de cette manière, elle porte atteinte à nos normes constitutionnelles et à la démocratie. Comment, dès lors, distinguer les prorogations acceptables et utiles des prorogations dommageables et tactiques?
La durée est un facteur de distinction. Les prorogations doivent être aussi courtes que possible. Bien que la pratique canadienne ait été d'avoir des prorogations relativement longues, nous devrions viser à en raccourcir la durée, en particulier compte tenu des questions qui entourent maintenant l’exercice de cette prérogative.
Ensuite, l'environnement politique est un facteur. Les comités mènent-ils des enquêtes qui mettent le gouvernement dans l'embarras? Un vote de censure est-il imminent? Si la réponse est oui, on nous pardonnera de présumer que la prorogation est de nature tactique.
Un troisième facteur est le cadre parlementaire. Le Parlement a-t-il siégé souvent ou avec modération? Le gouvernement a-t-il été soumis à un contrôle parlementaire continu ou l'a-t-il évité? Moins le Parlement a été actif avant une prorogation, plus la décision de proroger est suspecte.
[Français]
Sur la base de ces critères, comment peut-on évaluer la prorogation de l'automne 2020?
Il est évident que la pandémie est un événement important qui a conduit le gouvernement à vouloir revoir son programme législatif, sa position budgétaire et ses priorités politiques. Cela laisse penser que la prorogation avait un but légitime.
Néanmoins, la prorogation a été inutilement longue, elle a remis à zéro les comités chargés d'examiner une question embarrassante pour le gouvernement et, surtout, de mon point de vue, elle a mis en pause et relancé un Parlement qui avait siégé pendant bien trop peu de temps et qui était déjà mal placé pour demander des comptes au gouvernement depuis le début de la pandémie. Ces facteurs pèsent en faveur d'une prorogation tactique.
En conclusion, comment demander aux gouvernements de rendre compte de ces prorogations tactiques?
[Traduction]
Bien que cette réponse ne plaira probablement pas à tous, la réalité est que nous comptons sur la politique pour tenir le gouvernement responsable dans ce domaine. C'est à l'opposition de critiquer la nature tactique d'une prorogation, au gouvernement d'expliquer pourquoi il pense qu'elle était utile et, en fin de compte, aux électeurs canadiens de décider de quel côté ils se rangeront.
Cela dit, le Royaume-Uni nous offre une autre possibilité: demander aux tribunaux d'invalider les prorogations qui empêchent le Parlement de remplir ses fonctions constitutionnelles sans justification appropriée. Je mets fortement en garde les tribunaux canadiens de suivre le précédent établi par le Royaume-Uni dans ce domaine. La frontière entre une prorogation pertinente et une prorogation d'ordre tactique est rarement claire, et dans certains cas, le gouvernement s'engagera dans une prorogation tactique en réponse à un comportement tout aussi douteux de la part de l'opposition. L'acceptabilité d'une prorogation devrait, à mon avis, être considérée comme une question politique non justiciable à laquelle on ne peut répondre que dans l'arène politique.
Madame la présidente, je vous remercie.
:
Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous.
[Français]
Je regrette, mais je dois m'exprimer en anglais seulement, parce que je ne maîtrise pas très bien le français et que je le parle trop lentement.
[Traduction]
On m'a demandé de parler des pouvoirs juridiques constitutionnels du gouvernement dans le contexte de notre système de gouvernance. Je vais vous parler des fondements de façon générale, puis du fondement juridique, constitutionnel et conventionnel de la prorogation. Je ferai ensuite quelques parallèles avec ce qui s'est passé cette année. Je vais ensuite conclure en vous proposant certaines solutions. Vous avez reçu mes notes d'allocution. Je vais les résumer assez rapidement.
Pour commencer, le Parlement est le cœur de la démocratie au Canada. Il est facile de dénigrer le Parlement, de minimiser son importance, mais il a su passer l'épreuve du temps. Il a permis d'assurer la transparence des mesures gouvernementales de même que la reddition de comptes du gouvernement à l'égard de la population. Il s'est fait la voix des Canadiens, comme l'avaient envisagé ses fondateurs. Bien que la prorogation soit souvent qualifiée à titre d'outil politique, un examen approfondi permet de la désigner à titre d'élément important de la relation entre les organes exécutifs et législatifs du gouvernement.
Comme nous le savons par la Cour suprême, le Parlement est souverain; le pouvoir exécutif et les tribunaux doivent respecter le Parlement à titre d'institution primaire. La force du système politique canadien, c'est que son pouvoir exécutif est fort; il peut mettre en œuvre son programme et agir rapidement, de manière décisive.
L'appui de la Chambre des communes est important pour le pouvoir exécutif, afin qu'il puisse faire passer son programme. C'est l'une des premières fonctions de la Chambre des communes: appuyer le gouvernement. Or, pour veiller à ce que le gouvernement ne devienne pas trop puissant, le Parlement a un autre rôle important: celui de rendre le gouvernement responsable, comme vous le faites en examinant ce rapport.
En confrontant le gouvernement directement, la Chambre des communes jette la lumière sur les mauvaises décisions ou les décisions douteuses, et offre un point de vue ou des scénarios différents, de sorte que les Canadiens puissent décider de garder le gouvernement en place ou de le changer aux prochaines élections. En s'acquittant de cette tâche, les partis de l'opposition — et la Chambre des communes de façon générale — s'assurent de maintenir la gouvernance, et veillent à ce qu'elle soit saine et transparente, en temps normal comme en temps de crise.
La prorogation incarne ces éléments fondamentaux de la relation entre le pouvoir exécutif et le Parlement. Il s'agit d'un outil plus raffiné que celui de la dissolution, qui est plus direct et qui, comme vous le savez, dissout le Parlement et force la tenue d'élections. La prorogation met le travail du Parlement en pause plutôt que d'y mettre un terme; ainsi, le gouvernement peut continuer son travail, ce qui est important. Vous savez que la prorogation compte deux composantes: il suspend les travaux du Parlement en mettant fin à la session en cours et remet à zéro le calendrier parlementaire avec le début d'une nouvelle session et le discours du Trône.
Au Canada, certaines prorogations ont duré quelques heures seulement, mais elles peuvent durer jusqu'à un an, ce qui représente la limite constitutionnelle. En règle générale, elles durent 40 jours; sinon, le premier ministre demande une prolongation. La prorogation émane des prérogatives de la Couronne en vertu du modèle parlementaire de Westminster, mais elle diffère légèrement au Canada. L'article 38 de la Loi constitutionnelle stipule ce qui suit:
Le gouverneur-général convoquera, de temps à autre, la Chambre des Communes au nom de la Reine, par instrument sous le grand sceau du Canada.
Selon notre interprétation, cela comprend la prorogation et la dissolution. En vertu des Lettres patentes de 1947, le gouverneur général est autorisé à exercer les pouvoirs de la Couronne en ce qui concerne « la convocation, la prorogation ou la dissolution du Parlement du Canada » et, selon la convention, le pouvoir de décision associé à la dissolution et à la prorogation revient au premier ministre.
Il s'agit d'un pouvoir complexe et controversé, notamment parce qu'il est régi en grande partie par des conventions.
En vertu des conventions de gouvernement responsable, le gouverneur général agit selon les directives et les conseils des ministres qui sont députés et qui sont collectivement responsables de la Chambre des communes. Ce principe garantit que le gouvernement est à tout moment redevable au Parlement. Si l'avis donné par le Cabinet est légal et constitutionnel, le gouverneur général est tenu de l'accepter et de le suivre. Cette disposition fait en sorte que le chef de l'État rende compte en dernier ressort aux citoyens par l'intermédiaire du gouvernement et du Parlement.
En sa qualité de chef du gouvernement, le premier ministre est responsable des décisions du gouverneur général — élément important, car il maintient le gouverneur général au-dessus de la mêlée politique et assure l'impartialité de cette fonction. Les choses deviennent plus délicates si l'avis est anticonstitutionnel ou illégal ou si le gouvernement n'a pas la confiance de la Chambre.
Dans ces cas, la toute première responsabilité du gouverneur général est de conseiller le premier ministre et de l'avertir de cette possibilité, et c'est au premier ministre et au gouvernement que revient le premier recours. Les choses deviennent plus floues si le gouvernement va de l'avant. Si le recours n'est pas disponible et que l'avis contrevient à la Constitution ou à la loi, le gouverneur général peut alors refuser l'avis ou reporter toute mesure à plus tard.
Dans le second cas, lorsque le gouvernement est incapable de poursuivre son programme dans une impasse parlementaire, le premier recours, et celui qui est préférable, est que le gouvernement accepte cette responsabilité et conseille le gouverneur général sur la meilleure façon de sortir de l'impasse. Dans ce cas, la prorogation est une décision et une voie à suivre moins radicale que la dissolution et la tenue d'élections. Une pause dans les travaux de la Chambre peut permettre aux passions de s'apaiser et à un débat raisonné d'avoir lieu après la prorogation.
Je peux couvrir le reste de mes remarques lors de la période des questions.
:
Merci de m'avoir invitée à témoigner.
Je suis historienne et je m'intéresse à l'histoire politique et constitutionnelle, en particulier au rôle de la Couronne canadienne. La prorogation et la dissolution du Parlement sont des prérogatives de la Couronne.
Tout au long de l'histoire canadienne, les prorogations ont rarement retenu l'attention et le mot lui-même ne faisait pas partie du vocabulaire général. Même que la prorogation était le plus souvent considérée comme une procédure courante pour mettre fin à une session parlementaire.
De même, au Royaume-Uni, les prorogations annuelles sont la norme, bien que la demande du premier ministre Boris Johnson de proroger le Parlement en 2019 avant la date butoir du BREXIT ait soudainement suscité la controverse.
Sous les gouvernements majoritaires, les controverses entourant la prorogation sont rares. Je travaille actuellement à la rédaction d'un livre sur les élections fédérales de 1921. L'arrivée au pouvoir du Parti progressiste avait alors donné lieu au premier gouvernement minoritaire au Canada après la Confédération. Ces élections étaient aussi un maillon dans la chaîne d'événements ayant mené à l'affaire King-Byng en 1926, crise constitutionnelle déclenchée lorsque le gouverneur général a refusé une requête du premier ministre pour dissoudre le Parlement.
Comme le Canada avait élu des gouvernements majoritaires de 1979 à 2004, les possibilités de proroger le Parlement d'une façon controversée étaient moins nombreuses. Toutefois, les gouvernements y ont manifestement eu recours afin de se soustraire à des enquêtes pour actes répréhensibles. C'est ce qui avait été allégué au moment de la prorogation de 2003, alors que des détails du scandale des commandites étaient révélés, bien que l'attention des médias ou de l'opposition à l'époque ait rarement été tournée vers la prorogation en tant que telle.
La prorogation a de nouveau attiré l'attention après décembre 2008, lorsqu'un gouvernement minoritaire y a eu recours pour éviter un vote de défiance. À ce moment-là, j'avais écrit que la gouverneure générale avait bien agi en respectant la requête du premier ministre de proroger le Parlement. De toute évidence, la prorogation visait à faire avorter le projet de coalition entre le NPD et le Parti libéral, qui voulaient gouverner avec l'appui du Bloc Québécois.
Cependant, pour la gouverneure générale, refuser l'avis du premier ministre, qui n'avait pas encore perdu un vote de confiance, aurait été une mesure très sérieuse, utilisée uniquement dans la plus grave des situations d'urgence. L'opposition a dû attendre une occasion pour retirer sa confiance au gouvernement, mais elle n'en a pas été empêchée. Lorsque le Parlement a repris ses travaux en janvier 2009, elle a décidé de ne pas le faire.
Lors de la prorogation de 2008, j'ai écrit au sujet d'une autre prorogation controversée qui a eu lieu il y a longtemps: au plus fort du scandale du Pacifique, en 1873, lorsque John A. Macdonald a rapidement perdu l'appui de la Chambre des communes, il a demandé au gouverneur général de proroger le Parlement. La prorogation a mis fin aux travaux du comité chargé de l'enquête, mais elle n'a pas étouffé la controverse. Macdonald a démissionné à la reprise des travaux du Parlement quelques semaines plus tard, Lord Dufferin appelant alors le chef libéral Alexander Mackenzie à former le gouvernement.
La controverse de 2008 entourant la prorogation n'a pas attiré davantage l'attention sur le recours à cette procédure. En revanche, le recours à la prorogation en décembre 2009, qui a entraîné la suspension des travaux du comité enquêtant sur le traitement des détenus afghans, a suscité une attention particulière. Le paragraphe 32(7) du Règlement semble prévoir que cette procédure doive toujours être justifiée.
Comme nous le savons, la 42e législature du Parlement du Canada n'a compté qu'une seule session, une situation plutôt inhabituelle durant une législature de quatre années. Aucune prorogation n'a donc été demandée pour mettre fin à la session de la façon habituelle. Par le passé, des législatures d'une durée complète n'ont eu que deux sessions, ce qui était plutôt rare, et d'autres en ont compté jusqu'à sept. La norme était toutefois d'environ quatre sessions, ce qui signifie que les prorogations n'ont rien d'exceptionnel.
La dernière prorogation de la 43e législature, en août 2020, a eu le malheureux effet d'interrompre les travaux du comité sur la controverse entourant l'organisme UNIS, qui doit faire l'objet d'une enquête plus poussée. En revanche, on peut aussi très bien faire valoir que l'arrivée imprévue de la crise de la COVID-19 au début de la 43e législature justifiait une nouvelle session et un nouveau discours du Trône afin de présenter un nouveau programme législatif. Pour cette raison, je suis d'avis que la prorogation était totalement justifiée.
Merci.
Je vais d'abord formuler des commentaires.
L'une des choses que je trouve personnellement frustrantes concernant la nature de cette prorogation et de certaines prorogations sous le gouvernement Harper est que... Comme certains témoins l'ont déjà dit, la prorogation a une fonction de routine importante qui peut être utilisée correctement. J'ai trouvé étrange que nous n'ayons jamais vu la fin d'une session parlementaire lors du dernier Parlement et j'ai eu le sentiment que cette situation était le fruit, franchement, d'une sorte de méconnaissance du véritable sens de la prorogation. Je pense que cette méconnaissance persiste. Nous avons vu un gouvernement qui, ne comprenant pas le bon fonctionnement de la prorogation, a décidé, plus tôt cette année, de l'utiliser comme un instrument et d'en abuser.
En plus de mettre fin prématurément à une importante enquête sur le scandale de l'organisme UNIS, la prorogation a fait en sorte que nous n'ayons toujours pas de budget, ce qui est important à mon avis. Nous avons vu que le gouvernement est en mesure de parler de sa situation financière malgré les défis que pose la pandémie. Par conséquent, il pourrait, selon moi, présenter un budget plus complet, mais cela signifie aussi que pendant cette période...
Pour répondre à la remarque de M. Turp, je dirais qu'un mois et demi représente une période à la fois courte et très longue. Elle était longue pour les Canadiens qui touchaient la Prestation canadienne d'urgence et qui attendaient le dépôt d'un projet de loi à la Chambre pour avoir une idée de ce qui les attendait fin septembre. Le fait que nous n'ayons pas pu avancer dans ce dossier et que tout se soit décidé en quelques jours parce que le gouvernement n'avait pas prévu suffisamment de temps pour en discuter convenablement après le dépôt a occasionné beaucoup de stress et d'anxiété aux Canadiens, qui voyaient la date limite pour la Prestation canadienne d'urgence approcher sans savoir ce qui allait la remplacer. C'est la vérité. Les gens ne savaient pas. Tout s'est fait à la dernière minute. En ce qui me concerne, c'était un autre aspect honteux de cette prorogation, qui n'a pas été utilisée à bon escient. C'est mon opinion. Qu'il n'y ait aucun doute là-dessus.
J'estime qu'il s'agit d'un exercice de jugement politique. Cependant, je pense aussi que, lorsque nous parlons des différentes divisions du pouvoir au sein de la société canadienne, il faut reconnaître l'importance du pouvoir législatif, qui est bien trop souvent négligé dans le contexte du système canadien. Je trouve frustrant que nous ayons besoin de modifier la Constitution pour faire ce que certains autres pays font, et à juste titre, soit exiger un vote des deux tiers du Parlement pour procéder à une dissolution. Je pense que ce principe devrait également s'appliquer à la prorogation.
Si vous prenez connaissance de certains témoignages livrés dans d'autres comités, par exemple, le Comité spécial sur la réforme électorale, vous verrez qu'un des experts en la matière, le professeur Hugo Cyr, a présenté un mémoire qui parle un peu du pouvoir de la prorogation. Il propose que, bien que nous ne puissions pas réellement rendre contraignante l'exigence d'un vote parlementaire pour dissoudre ou proroger le Parlement, nous ayons l'option de préciser dans le Règlement que si un premier ministre recommande la prorogation ou la dissolution sans vote et sans l'accord de la Chambre des communes, il serait réputé avoir perdu sa confiance.
Nous avons quatre experts en la matière ici aujourd'hui. Je me demande s'ils pourraient nous donner un peu de rétroaction sur cette idée ou sur les autres mécanismes qui ne nécessiteraient pas de modification constitutionnelle et qui permettraient au Parlement d'affirmer son autorité et d'exiger qu'on le consulte sur les questions de prorogation ou de dissolution.
Madame la présidente, je pense que ce sont nos collègues du Bloc qui ont posé une question au sujet de la durée de la dernière prorogation et qui avaient des préoccupations à ce sujet. Dans un reportage de la CBC, il a été clairement mentionné que la durée moyenne des prorogations depuis 1867 au Canada est de 151 jours. Je tiens à préciser aux membres du Comité que la dernière prorogation a duré du 18 août au 23 septembre. Je le souligne simplement à nos collègues. Je ne suis que membre associé du Comité, mais je pense qu'il s'agit d'un point important à prendre en considération, car sans contexte, sans réflexion historique, nous passons à côté d'un aspect important du débat et de la discussion ici. Encore une fois, la durée moyenne des prorogations depuis 1867 est de 151 jours. Je laisse le Comité réfléchir à ce point.
M. Lagassé a soulevé un autre élément. Monsieur, vous avez dit que cela dépend du point de vue de celui qui regarde. En d'autres mots, la position que l'on a sur la prorogation est une question de perspective. Au sujet de la dernière prorogation, le fait qu'elle ait été justifiée ou non est en fait une question, non pas d'objectivité en tant que telle, mais uniquement de perspective.
Monsieur Turp, il serait très facile pour moi de dire au Comité que vous avez été député du Bloc québécois de 1997 à 2000, mais je vais laisser cela de côté. Je vous respecte et je vous vois comme un spécialiste du droit constitutionnel, alors je ne vous poserai pas de question sur votre travail antérieur comme député du Bloc et comme député du Parti québécois peu de temps après.
Êtes-vous au courant du travail qui a été entrepris par le comité des finances et le comité de l'éthique après la prorogation, ou en d'autres mots, lorsque le Parlement a recommencé à siéger dans les dernières semaines de septembre?
:
Merci beaucoup à nos témoins aujourd'hui.
Ce dont il est question ici aujourd'hui — pour remonter à la source —, c'est le scandale UNIS, dans le cadre duquel un demi-milliard de dollars de l'argent des contribuables a été acheminé à un organisme de bienfaisance de jeunes qui a versé à la mère du , comme nous le savons, un demi-million de dollars. C'est la raison à l'origine, ou la cause, de notre présence ici.
Nous avons un premier ministre à l'éthique douteuse. Il est le seul premier ministre à avoir reçu la visite du commissaire à l'éthique aussi souvent. Aucun autre premier ministre n'a été reconnu coupable à cet égard, alors c'est la raison de notre présence ici aujourd'hui.
Je mentionne à l'intention de nos témoins que nous avons la leader parlementaire adjointe à la Chambre, la whip adjointe et quelques têtes dirigeantes du Parti libéral avec nous aujourd'hui. Au sujet des décisions éthiquement douteuses qui ont été prises de proroger... La prorogation a eu lieu le jour où nous devions obtenir des preuves qui étaient caviardées, et nous apprenons maintenant que ces preuves ont été détruites, ce qui soulève d'autres questions éthiques.
Je viens de l'Ouest du Canada, et il n'y a jamais eu une période où nous avons été autant désillusionnés à propos de notre pays, de nos dirigeants et de l'avenir du pays. Au cours des neuf derniers mois, nous nous sommes endettés de milliards et maintenant de plus d'un billion de dollars, ce qui va nuire aux générations futures parce qu'elles auront moins de perspectives d'avenir en raison des décisions du présent gouvernement.
Nous suivons tous la situation, mais ce n'est pas le cas des Canadiens, parce que nous sommes aux prises avec une pandémie et qu'ils ne se rendent pas compte des dangers qui menacent le pays. La question que je veux poser à M. Lagassé est la suivante: pensez-vous que les médias et la population canadienne s'intéressent à ces questions en ce moment?