:
Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à la 24
e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes.
Je vais mentionner quelques points, tout simplement parce qu'il y a eu beaucoup de changements au sein de la composition du Comité et sans doute au sein du personnel, et je le fais particulièrement à l'intention des témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Au fil du temps, je laisserai tomber certains points, lorsque tout le monde sera à l'aise avec le fonctionnement.
La réunion d'aujourd'hui se tient en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 janvier 2021.
Aujourd'hui, les membres du Comité et les témoins participent à distance à la réunion à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations d'aujourd'hui seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
Je vous rappelle que la webdiffusion ne montrera que la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité. J'espère que vous avez sélectionné le mode grille, qui vous permet de voir tout le monde en même temps. Ce n'est pas ce que montrera la webdiffusion, mais c'est le meilleur mode à choisir en temps réel pour que la séance ressemble le plus possible à une réunion en personne.
La réunion d'aujourd'hui se tient également selon le format de webinaire Zoom. Les webinaires seront utilisés pour les séances publiques des comités et seront accessibles seulement aux députés, à leur personnel et aux témoins.
Les députés ont peut-être remarqué que l'accès à la réunion est beaucoup plus rapide qu'avant et qu'ils ont pu y accéder immédiatement à titre de participants actifs. Malgré les quelques problèmes techniques que nous avons éprouvés ce matin, toutes les fonctionnalités offertes aux participants actifs demeurent les mêmes. Les membres du personnel assisteront à la réunion à titre de participants inactifs seulement. Par conséquent, ils ne pourront voir la diffusion qu'en mode galerie.
J'aimerais saisir l'occasion pour rappeler à tous les participants qu'il n'est pas permis de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de l'écran.
Compte tenu de la pandémie actuelle et à la lumière des recommandations des autorités de santé publique, tous ceux qui participent à la réunion en personne doivent maintenir entre eux une distance physique sécuritaire. Comme aucun membre et aucun témoin ne se trouve dans la salle de comité, ce rappel s'adresse aux membres du personnel qui se trouvent dans cette salle.
En tant que présidente, je ferai respecter ces mesures pendant toute la durée de la séance. Je remercie les membres à l'avance de leur collaboration.
Puisque tous les membres participent virtuellement, je rappelle que chacun doit activer et désactiver son microphone. C'est à vous de le faire, alors rappelez-vous d'activer votre microphone avant de prendre la parole.
Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet et l'anglais ou le français pour l'interprétation. Il semble qu'il ne soit plus nécessaire de changer de canal lorsque vous changez de langue.
Je vais tenir une liste de ceux qui souhaitent invoquer le Règlement grâce à la fonction « Lever la main », qui se trouve au bas de l'écran. Si vous souhaitez invoquer le Règlement, veuillez donc lever la main à l'aide de cette fonction qui se trouve dans la barre d'outils.
Aujourd'hui, nous accueillons des témoins durant la première moitié de la séance, à savoir de 11 heures à midi.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Duane Bratt, professeur de science politique à l'Université Mount Royal, ainsi qu'à M. Patrick Taillon, professeur à la faculté de droit de l'Université Laval.
Avant de donner la parole aux témoins, qui ont tous les deux une déclaration liminaire à faire, je tiens à dire aux membres du Comité qu'après la première partie de la réunion, nous allons procéder à l'élection à la première vice-présidence, car ce poste est vacant depuis que M. Doherty a quitté le Comité. Nous serons en mesure de faire cela, je l'espère, immédiatement après cette première heure de séance.
Nous passerons ensuite à huis clos. Vous avez reçu un lien par courriel. Nous allons continuer notre travail sur l'ébauche du rapport concernant l'étude sur les élections et la COVID-19. Une fois que l'ébauche du rapport sera prête et que nous l'aurons approuvée, nous allons pouvoir passer, je l'espère, s'il nous reste du temps, aux travaux du Comité, afin que je puisse faire le point sur l'étude relative à la prorogation.
Monsieur Bratt, je vous invite à faire votre déclaration liminaire.
:
Je remercie le Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis heureux de pouvoir participer par Zoom. Je n'ai pas eu à me rendre à Ottawa en avion, quoique j'aime bien aller à Ottawa.
Je vais vous lire ma déclaration liminaire, que je pourrai étoffer durant la période des questions.
La prorogation est un outil parlementaire important. Elle permet une réinitialisation de la machine gouvernementale entre deux élections. Elle demeure toutefois un outil pouvant être utilisé de manière abusive, comme cela a déjà été le cas, particulièrement par des gouvernements minoritaires. Avant d'aborder la question de la prorogation du mois d'août 2020, je vais vous donner quelques exemples récents de prorogations controversées, tant sous les gouvernements libéraux que conservateurs.
En 2002, le premier ministre Jean Chrétien a prorogé le Parlement. Cela a permis à M. Chrétien d'éviter le dépôt d'un rapport au Comité des comptes publics de la Chambre des communes concernant le scandale des commandites. Fait inusité, cela s'est fait sous un gouvernement majoritaire, et non un gouvernement minoritaire.
Ensuite, en décembre 2008, le premier ministre Stephen Harper a lui aussi prorogé le Parlement. C'était probablement la prorogation la plus controversée de l'histoire du Canada. M. Harper venait de former un gouvernement minoritaire quelques semaines auparavant, mais il devait alors faire face à un vote de défiance qu'il allait perdre. Les autres chefs de parti, à savoir Stéphane Dion, Jack Layton et M. Duceppe, avaient signé un accord exprimant leur intention de défaire le gouvernement. Comme les dernières élections étaient encore très proches, on n'en déclencherait probablement pas des nouvelles, mais Stéphane Dion serait autorisé à former un nouveau gouvernement. Pour retarder le vote, M. Harper avait prorogé le Parlement. Je reviendrai sur ce cas un peu plus loin.
Il y a eu ensuite la prorogation, encore par le premier ministre Stephen Harper, qui s'est échelonnée de janvier à mars 2010. La raison invoquée pour justifier la prorogation était que le Parlement devait faire relâche pendant les Jeux olympiques d'hiver de Vancouver. Toutefois, on soupçonnait fortement M. Harper d'avoir voulu plutôt éviter les enquêtes en cours dans l'affaire des prisonniers afghans. C'est le cas de figure qui ressemble le plus à celui qui a conduit à la prorogation d'août 2020, à savoir un gouvernement minoritaire confronté à des enquêtes de comité préjudiciables.
Cela nous amène à la prorogation d'août 2020 à septembre 2020.
La raison pour laquelle il y a eu un discours du Trône était la prorogation. La raison officielle derrière la décision de proroger le Parlement était de permettre au gouvernement de se remettre en selle pour affronter la pandémie de COVID-19 et ses répercussions sur l'économie. C'était une raison tout à fait valable, sans aucun doute, qui aurait justifié absolument la prorogation du Parlement. La réponse à la crise causée par la COVID-19 pourrait avoir fait partie du processus décisionnel qui a conduit à la prorogation du Parlement.
Cependant, je dirais qu'il y avait une raison bien plus importante, c'est-à-dire le scandale UNIS. Le gouvernement canadien avait attribué un contrat à fournisseur unique à l'organisme UNIS pour l'administration d'un programme de bénévolat pour étudiants. Toutefois, l'organisme UNIS entretenait des liens très étroits avec la famille du et du ministre des Finances Bill Morneau. Le scandale a poussé M. Morneau à démissionner et les comités parlementaires à examiner plus en profondeur le rôle de M. Trudeau, du Cabinet du premier ministre, d'autres ministres et de hauts fonctionnaires. La prorogation a permis de suspendre les enquêtes et a donné au gouvernement Trudeau six semaines pour faire diversion en détournant l'attention des Canadiens sur autre chose.
Voici deux éléments de preuve essentiels que j'ai rassemblés pour étayer mon argumentation.
Premièrement, il y a eu le moment choisi pour la prorogation. Comme je l'ai dit, la COVID-19 a pris des proportions importantes en mars 2020. Le gouvernement y a répondu par une série de mesures sanitaires et de mesures économiques sans précédent tout au long du printemps 2020. Si, à un moment donné au printemps 2020, le gouvernement avait décidé de proroger le Parlement pour lui donner le temps de répondre plus efficacement à la pandémie de COVID-19, cela aurait été logique. Cependant, le fait qu'il ait plutôt attendu jusqu'au mois d'août pour le faire, et seulement après que le scandale UNIS eut pris de l'ampleur pendant des semaines avec son lot de mauvaises nouvelles à venir pour le gouvernement, a montré à quel point c'était véritablement un calcul politique.
Une comparaison s'impose avec ce qu'a fait Stephen Harper en 2008.
À l'automne 2008, en pleine crise financière mondiale, il y avait une justification légitime pour proroger le Parlement, même s'il y avait eu une élection fédérale quelques semaines auparavant. D'ailleurs, le nouveau discours du Trône prévoyait des mesures pour faire face à la crise financière mondiale. Cependant, comme je l'ai déjà expliqué, la véritable raison de la prorogation était de retarder un vote de défiance dans l'espoir que la coalition entre les libéraux, les néo-démocrates et les bloquistes se délite. Et c'est exactement ce qui s'est passé.
Deuxièmement, il y a le discours du Trône. Les discours du Trône sont normalement l'affaire d'une journée. Il y a un peu de battage autour d'eux, mais ce sont généralement de vagues expressions de l'orientation future du gouvernement. Cependant, celui que le gouvernement de a prononcé en septembre 2020 était censé être très différent.
Pendant des semaines, on a spéculé sur son contenu. Il devait être livré en pleine pandémie de COVID-19 et avec pour toile de fond des niveaux records de dépenses publiques. Le discours a été prononcé après la prorogation du Parlement et sous la menace imminente d'un vote de défiance susceptible de provoquer des élections anticipées au Canada. Comme si les enjeux n'étaient pas assez sérieux, M. Trudeau et les chefs d'opposition se sont adressés séparément aux Canadiens à la télévision, au journal télévisé du soir en Ontario et au Québec, mais malheureusement en après-midi dans les provinces de l'Ouest, où la plupart des gens n'étaient pas rivés à leur téléviseur.
Hélas, malgré le battage médiatique, le discours du Trône a manqué de substance. Si la raison de la prorogation avait été la COVID-19, le discours du Trône aurait mis l'accent sur la réponse du gouvernement, tant sur le plan sanitaire qu'économique. Il aurait fait état de nouveaux programmes et de nouvelles politiques. Au lieu de cela, il n'a fait que reprendre des programmes fédéraux déjà annoncés, comme la Subvention salariale d'urgence du Canada, et des promesses faites maintes fois, comme le renforcement des programmes de garde d'enfants et l'instauration d'un régime national d'assurance-médicaments.
Il aurait pu recentrer ces initiatives pour les inscrire dans la réponse stratégique à la COVID-19, mais il n'en a pas vraiment été ainsi. Cela ressemblait plutôt à un discours de campagne en prévision des prochaines élections, qui auraient pu être déclenchées peu après.
Le discours télévisé a été encore pire. Je ne vais pas entrer dans les détails à ce sujet. Le véritable objectif du discours télévisé était de permettre à de résumer dans ses propres mots, et non ceux de la gouverneure générale, le discours du Trône qui avait été prononcé quelques heures auparavant. Il s'agissait en fait d'un discours électoral.
Enfin, le discours du Trône n'avait pas pour objet de redéfinir les priorités à cause de la pandémie de COVID-19. Il constituait plutôt une tentative soigneusement élaborée visant à détourner l'attention des Canadiens d'un scandale politique.
Je vais m'arrêter ici. Je serai ravi de répondre à vos questions.
:
Je remercie le Comité de m'accueillir dans le cadre de cette discussion visant à dresser un bilan du recours à la prorogation l'été dernier. Je vais essayer d'être bref.
Je vais faire un premier constat: la prorogation est un instrument controversé dans notre droit parlementaire. Cela peut jouer le rôle de moyen dilatoire pour éviter ce qui, normalement, devrait être de véritables mécanismes de résolution des conflits. La force du système parlementaire, par opposition au système présidentiel américain, c'est que, normalement, il fait en sorte qu'un conflit entre la Chambre et l'exécutif ne peut pas se prolonger. Il y a des moyens de résoudre les conflits; c'est la dissolution et le vote de censure. Qui tranche? Ce sont les électeurs.
Au moyen de la prorogation, on peut, dans certaines circonstances, dénaturer le fonctionnement du système parlementaire, qui mise sur la résolution des conflits par le vote de censure et la dissolution, en repoussant un vote de confiance, en l'évitant par un moyen dilatoire. Ce n'est pas toujours le cas, mais cela peut arriver.
À l'été de 2020, tout comme en décembre 2008, un gouvernement minoritaire était menacé par un vote de confiance à venir. Évidemment, à l'été de 2020, la menace était moins explicite qu'elle l'était en décembre 2008. À ce contexte s'ajoutaient également une enquête parlementaire sur l'affaire UNIS et la crise imprévisible liée à la pandémie de la COVID-19.
À la défense du gouvernement, on pourrait dire que c'est souvent une question de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. On pourrait dire que le et le ministre des Finances avaient minimalement collaboré à l'enquête, dans la mesure où ils avaient eux-mêmes pris le temps de témoigner avant de proroger le Parlement. Il n'en demeure pas moins que cette prorogation a mis fin à l'enquête. Était-ce l'objectif ou simplement un effet? Chose certaine, c'était l'un de ses résultats.
Cela étant dit, outre la question de l'enquête, le recours à la prorogation à l'été de 2020 me semble encore plus critiquable, puisque cette prorogation a eu pour effet de faire passer les intérêts du gouvernement à court terme — réorienter ses priorités, mettre fin à l'enquête et mettre fin à l'étude d'un certain nombre de projets de loi — avant ce qui me semblait être, dans le contexte d'une crise inédite, les intérêts supérieurs de la fédération. Ce qui aurait correspondu aux intérêts supérieurs de la fédération, c'est de ne pas se priver de l'outil parlementaire et de l'outil législatif en temps de crise.
Au cours des semaines et des mois où le Parlement était fermé, il aurait pu être nécessaire d'adopter une petite disposition législative pour réformer la Prestation canadienne d'urgence, par exemple, ou encore pour contrôler une utilisation de la Loi sur les mesures d'urgence. Dieu merci, on n'a pas eu besoin de le faire, mais cette crise étant imprévisible et difficile à gérer, les intérêts supérieurs de la fédération exigeaient que l'on garde la porte législative et parlementaire ouverte. La fermer, c'était tout miser sur le coffre à outils du pouvoir exécutif et dire que, dans ce grand chantier qu'est la crise liée à la pandémie de la COVID-19, on pouvait se passer des outils législatifs. Je pense que c'était confondre les intérêts légitimes du gouvernement avec les intérêts supérieurs de la fédération.
Le gouvernement aurait pu faire mieux de deux manières. D'abord, il aurait pu ne pas proroger le Parlement. S'il n'y avait pas eu de prorogation, il n'y aurait pas eu cette prise de risque. S'il tenait tant à proroger le Parlement, le gouvernement aurait pu faire mieux en le prorogeant pour une période beaucoup plus limitée. Cela aurait eu les mêmes effets, soit la fin de l'enquête, la fin des travaux parlementaires et la possibilité d'un discours du Trône. Une seule journée de prorogation aurait pu être suffisante. Ainsi, on n'aurait pas pris le risque de se priver de l'outil parlementaire et législatif en temps de crise.
En conclusion, savoir si une prorogation est controversée ou non et si son exercice est politiquement opportun est une question de contexte et d'appréciation politiques, qui appartient ultimement aux parlementaires et aux électeurs. C'est à eux d'en juger.
À mon humble avis, l'utilisation de la prorogation à l'été de 2020 était controversée et un moyen d'esquiver un vote de confiance éventuel. C'était surtout un moyen de mettre fin à une enquête et d'affronter plusieurs semaines plus tard un vote de confiance portant sur un programme présenté dans le discours du Trône plutôt qu'en lien direct avec les conclusions d'une enquête.
Si je pouvais ici insister sur un seul message, ce serait le suivant. Il est important de garder en tête que l'une des faiblesses de notre système parlementaire est que les règles entourant la prorogation, les pouvoirs du gouverneur général, du premier ministre et de la Chambre sont très souvent floues, non écrites et qu'elles ne sont pas de nature juridique. On les appelle des conventions constitutionnelles. Or, plutôt que d'atténuer les crises, ces règles floues et ces conventions ont parfois pour effet de les accentuer.
La prorogation de 2008 était un parfait exemple de cela. Nos règles du jeu n’étaient ni claires, ni juridiques, ni écrites. Dans ce moment de tension entre le gouvernement minoritaire de Stephen Harper et la gouverneure générale de l'époque, Mme Michaëlle Jean, nos règles ont eu pour effet d'accentuer la crise plutôt que de la résorber.
Je salue les travaux de ce comité, qui prend le temps d'évaluer le fonctionnement de nos institutions. J'incite les parlementaires à évaluer la possibilité de mieux codifier ces règles non écrites, comme le font la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. C'est peut-être un vœu un peu trop audacieux, mais il ne faut pas craindre de briser le tabou de la réforme constitutionnelle. ll ne faut pas fermer les yeux sur les lacunes de nos institutions, elles méritent mieux que cela et il ne faut pas avoir peur de les améliorer.
Je vous remercie de votre attention.
:
Je vous remercie, madame la présidente. Je conviens avec vous que les exposés effectués par ces deux universitaires distingués que nous recevons aujourd'hui ont été très utiles.
Je vous remercie tous les deux pour votre présence.
Monsieur Bratt, je vais d'abord m'adresser à vous. Votre exposé comportait certaines observations intéressantes qui me font penser à des propos qu'a tenus le ministre plus tôt cette semaine. Il a expliqué au Comité que la seule et unique raison pour laquelle il y a eu prorogation était la nécessité de redéfinir les priorités à cause de la pandémie de COVID-19.
Vous avez souligné à juste titre que la pandémie constitue un dossier important qui, en théorie, aurait justifié une redéfinition des priorités, mais vous avez aussi formulé certains commentaires intéressants à propos du discours du Trône. Vous avez expliqué que le gouvernement n'a fait que reprendre des programmes fédéraux déjà annoncés au lieu d'en profiter pour redéfinir les priorités.
Serait-il juste d'affirmer, d'après vos commentaires, que le ministre a peut-être abordé sous un angle politique la seule et unique raison invoquée pour justifier la prorogation, et seriez-vous d'accord pour dire que la principale raison était de sortir d'une situation politique difficile attribuable à l'affaire UNIS.
:
Je vais adresser ma prochaine question à vous ainsi qu'à M. Taillon.
À votre connaissance, y a-t-il quoi que ce soit qui aurait pu empêcher le d'annoncer plus tôt, peut-être le 18 août, son intention de demander à la gouverneure générale de proroger le Parlement à une date ultérieure, à l'approche du mois de septembre, et de demander officiellement la prorogation peu de temps avant la date en question?
Monsieur Taillon, vous avez tenu des propos intéressants concernant le fait de faire passer les intérêts du gouvernement avant ceux des Canadiens et de retirer au Parlement, pendant une certaine période, les outils auxquels il peut avoir recours.
À votre connaissance, y a-t-il des obstacles qui auraient empêché le d'annoncer son intention de demander la prorogation à une date ultérieure, mais de permettre aux comités, en particulier, de continuer leur bon travail dans l'intervalle?
:
Je vous remercie, messieurs Bratt et Taillon. Vous avez été très intéressants. J'aurais énormément de questions à vous poser, mais je vais tenter de le faire le plus simplement possible.
Monsieur Bratt, vous avez insisté sur le fait qu'une prorogation du Parlement sert à faire table rase, à réinitialiser les travaux. Vous avez aussi dit que, quand vous avez entendu le discours du Trône, vous vous êtes bien aperçu qu'il n'y avait pas de rupture, qu'il y avait plutôt une continuité. Vous avez écouté le s'adresser à la nation le soir même, où il nous disait de tousser dans notre coude et de télécharger l'application mobile de traçage. Il n'y avait rien de nouveau dans cela. Vous avez semé un doute important quant à l'idée de faire table rase, mais admettons que c'est ce que le gouvernement voulait faire.
Monsieur Taillon, vous avez dit que fermer le Parlement, c'est fermer le coffre à outils de l'exécutif. Dans le contexte de crise où nous étions, c'était nous priver de lois qui pouvaient nous aider à traverser cette crise.
M. Lauzon a dit que nous travaillions plus ou moins, à l'été. Je lui rappelle que quatre comités tenaient des réunions et que nous étions à la Chambre de façon régulière. À partir du mois de mars, les partis de l'opposition ont fait preuve d'un très grand esprit de collaboration en acceptant de siéger le plus souvent possible pour essayer de trouver des solutions à la pandémie. Je le sais, car je suis le leader parlementaire du Bloc québécois. J'ai souvent discuté avec le leader parlementaire du gouvernement pour trouver des solutions efficaces, parce que la crise était extraordinairement difficile à gérer.
Nous nous sommes privés de six semaines de travaux. Si le gouvernement avait voulu réinitialiser le Parlement et ne pas se priver de moments importants pour travailler avec l'exécutif et le législatif, il aurait fallu qu'il annonce la prorogation le 18 septembre, le vendredi avant la reprise prévue au calendrier. Mardi, MM. Booth et Sutherland nous ont dit qu'il aurait été possible de le faire. Si, au lieu de penser à l'intérêt du Parti libéral, le gouvernement avait pensé à l'intérêt de la nation canadienne et de la nation québécoise, c'est ce qu'il aurait fait. Il a pensé à autre chose, et il n'a pas pensé au peuple québécois ni au peuple canadien.
Le 17 août, M. Morneau, le numéro deux du gouvernement, démissionnait, pendant la pire crise économique depuis les années 1930. Ma question est simple. D'après vous, la prorogation du Parlement demandée le 18 août a-t-elle servi à sauver la tête du numéro un du gouvernement, celle du premier ministre?
:
Je vous remercie beaucoup.
Nous sommes ici, aujourd'hui, à cause d'une politique adoptée par le gouvernement libéral en réaction aux prorogations du premier ministre Harper. Selon ce que je comprends, cette politique visait à ce qu'il y ait des prorogations non controversées et à ce que le gouvernement rende des comptes lorsqu'il décide de proroger le Parlement.
Nous avons entendu des opinions très différentes, ici, au sujet des raisons pour lesquelles la prorogation a eu lieu. Je m'intéresse à cette question et je souhaite que nous fassions une étude pour comprendre le genre de précédent que cela crée, afin que l'on abuse moins du pouvoir de prorogation.
Nous avons entendu à plusieurs reprises que toutes les pistes menaient au . Nous savons bien que c'est le premier ministre qui a le pouvoir constitutionnel de conseiller au gouverneur général de proroger le Parlement. Ce dont nous voulons parler, ce sont des raisons pour lesquelles ce conseil a été donné. Nous n'avons toujours pas entendu le point de vue du premier ministre lui-même, et nous n'avons pas encore eu l'occasion de le questionner.
Alors, pensez-vous qu'il serait approprié que le premier ministre se présente au Comité pour participer à cette étude, et est-ce que cela créerait un bon précédent?
J'aimerais entendre les commentaires de M. Taillon, puis ceux de M. Bratt.
:
Je reconnais certainement qu'il y a des problèmes de compétence, mais ce que j'essaie de vous demander et de faire valoir, c'est que ce n'était pas dans le discours du Trône précédent puisque c'est la pandémie qui a attiré l'attention sur le problème.
À vrai dire, il y avait — du moins selon moi — trois ou quatre choses importantes dans le dernier discours du Trône qui ne se trouvaient pas dans le précédent et qui se sont révélées être des priorités compte tenu de la pandémie. L'autre que je vous mentionnerais est le soutien aux secteurs les plus durement touchés. Il en a certainement été question dans le discours, entre autres choses.
De mon point de vue, le discours ne manquait pas du tout de substance. Peut-être pas du vôtre, mais je pense qu'il y a des preuves du contraire.
Je veux vous poser une autre question sur le moment choisi. Je pense que l'autre observation critique que vous avez formulée crée vraiment un lien de causalité entre deux choses qui se sont produites. Je sais grâce à la science et à la compréhension... que le moment choisi ne crée pas nécessairement de lien de causalité. Êtes-vous d'accord?
Si j'étais grincheux ce matin au réveil, ce n'est pas parce que ma fille n'a pas fait ses devoirs hier soir.
:
Il faut distinguer le contenu du discours du Trône et l'effet de la réinitialisation.
Le gouvernement prétend avoir de nouvelles orientations. Est-ce le cas? Je n'ai pas d'avis là-dessus. À la limite, à mes yeux, ce n'est pas ce qui est déterminant. Si le gouvernement veut faire un nouveau discours du Trône, il peut le faire en utilisant la prorogation.
Ce sont surtout les effets de la prorogation qui sont déterminants. Il est question de réinitialiser tous les travaux parlementaires et de mettre fin à ce qui était en cours.
On pourrait imaginer une situation où le gouvernement en place souhaite avoir un nouveau discours du Trône et de nouvelles orientations sans proroger. On n'est pas obligé de proroger pour faire un virage politique. C'est la nature même de notre système. On n'est pas dans un système de mandat impératif. Les députés et le gouvernement sont au service de l'intérêt général et, si le contexte exige de changer de politique, ils sont libres de le faire.
Selon moi, l'effet d'une réinitialisation est vraiment le point le plus important et le plus déterminant. Pourquoi réinitialise-t-on? Qu'est-ce qu'on décide ensuite de réactiver? À quoi s'oppose-t-on et à quoi ferme-t-on la porte, une fois que l'on reprend les travaux parlementaires?
Je pense que c'est très significatif. Évidemment, il y a le contexte. Nous ne pouvons pas toujours établir des liens de cause à effet, en l'occurrence établir des liens entre une enquête en cours et le choix de procéder à une réinitialisation. Chose certaine, si, au retour à la Chambre, on ne collabore pas à la poursuite de cette enquête, cela indique peut-être que la réinitialisation a produit les effets recherchés.