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Je vois qu'il est 11 heures, je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 20e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
La réunion d'aujourd'hui se tient en formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021; ce qui signifie que les membres peuvent y participer en personne, dans la salle, ou à distance à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations d'aujourd'hui seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. Je vous rappelle que la webdiffusion ne montrera que la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
La réunion d'aujourd'hui se tient également selon le nouveau format de webinaire. Les webinaires seront utilisés pour les séances publiques des comités et seront accessibles seulement aux députés, à leur personnel et aux témoins. Les députés ont peut-être remarqué que l'accès à la réunion est beaucoup plus rapide qu'avant, puisqu'ils ont pu y accéder immédiatement à titre de participants actifs. Toutes les fonctionnalités offertes aux participants actifs demeurent les mêmes. Les membres du personnel assisteront à la réunion à titre de participants inactifs seulement, si bien qu'ils ne pourront voir la diffusion qu'en mode galerie. J'aimerais saisir l'occasion de rappeler à tous les participants qu'il n'est pas permis de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de votre écran.
Étant donné la pandémie qui perdure et à la lumière des recommandations des autorités de santé publique pour assurer la santé et la sécurité de la population, toutes les personnes qui participent à la réunion en personne doivent maintenir une distance physique de deux mètres des autres et porter un masque non médical lorsqu'elles se déplacent dans la pièce. Nous vous recommandons fortement de porter le masque en tout temps, y compris lorsque vous êtes assis. Vous devez également maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant fourni à l'entrée de la salle. Je ferai respecter ces mesures pendant toute la durée de la séance. Je remercie les membres à l'avance de leur collaboration.
Pour tous ceux et celles qui y participent virtuellement, j'aimerais mentionner quelques règles à suivre.
Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts. Vous avez le choix, au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais et le français. Avec la dernière version de Zoom, vous pouvez désormais prendre la parole dans la langue de votre choix sans devoir sélectionner le canal correspondant.
Vous remarquerez également que la fonction « Lever la main » de la plateforme est maintenant plus accessible, dans la barre d'outils située au bas de votre écran.
Les députés qui participent à la séance en personne sont priés de procéder comme ils le feraient quand l'ensemble du Comité se réunit dans la salle de comité. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous y participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer.
Je pense que vous connaissez le reste. Il n'y a personne dans la salle aujourd'hui, donc nous commencerons sans plus tarder. Je vous présente les témoins d'aujourd'hui.
Nous en recevons trois. Nous accueillons Ian Brodie, professeur agrégé en science politique à l'Université de Calgary; Lori Turnbull, professeure agrégée et directrice de l'École d'administration publique de l'Université Dalhousie; ainsi qu'Hugo Cyr, professeur au Département des sciences juridiques de l'Université du Québec à Montréal.
Nous entendrons d'abord M. Brodie.
M. Brodie doit absolument nous quitter à 11 h 20. Je vois qu'il est 11 h 3, donc je me demande si le Comité serait prêt à entendre tout de suite sa déclaration préliminaire. Si vous avez des questions à lui poser, nous pourrions les entendre ensuite, après quoi nous tiendrions la période de questions habituelle avec les deux autres témoins.
Qu'en pensez-vous? Préféreriez-vous entendre les trois témoins d'abord, puis tenir la période de questions selon les règles habituelles?
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui devant vous et de vous adapter à mon horaire.
J'aborderai directement les questions qui me semblent les plus susceptibles d'aider le Comité.
En matière de prorogation, je pense que le pouvoir de demander une prorogation est clair. Depuis des siècles, le Parlement se réunit sur convocation du souverain, et depuis la mise en place des principes du gouvernement responsable, dans les années 1800, c'est au premier ministre seul qu'il incombe de décider de la prorogation. C'est le gouverneur général qui proroge le Parlement, mais seulement sur recommandation du premier ministre. Par conséquent, c'est au premier ministre lui-même de répondre à toute question sur la prorogation, puisqu'il en est le décideur.
Jusqu'en 2008, la prorogation était considérée comme une procédure de routine. Les premiers ministres prorogeaient généralement le Parlement chaque année ou tous les deux ans. La prorogation permet de liquider le programme législatif du Parlement et de repartir à neuf avec un discours du Trône du gouvernement.
Il n'est toutefois pas nécessaire, selon la Loi constitutionnelle, qu'un gouvernement proroge le Parlement. Bien sûr, pendant la 42e législature, le gouvernement de a revu son programme à maintes reprises sans recourir à la prorogation pendant ses quatre ans de mandat. La prorogation n'est pas essentielle non plus pour que la Chambre puisse témoigner de sa confiance envers le gouvernement en place. Comme vous le savez sûrement tous, les travaux des subsides et les travaux des voies et moyens font en sorte qu'il y a des votes de confiance à la Chambre des communes toutes les quelques semaines quand le Parlement siège.
En revanche, la prorogation est un acte strictement politique posé pour des raisons strictement politiques.
En ce qui concerne les éléments essentiels d'une prorogation, bien qu'il soit possible au premier ministre de proroger le Parlement pour le convoquer de nouveau après un certain nombre de jours ou de mois, il est généralement malavisé qu'il agisse ainsi. S'il devient soudainement nécessaire d'adopter en toute urgence un projet de loi, les formalités associées à la mise en place d'une nouvelle session parlementaire retardent le processus législatif.
Il est préférable, si possible, de proroger le Parlement la veille de la convocation du nouveau Parlement, et les premiers ministres le font souvent en donnant avis de leur intention de proroger le Parlement à l'avance.
Je pense que le Comité a entendu parler de la prorogation du 4 décembre 2008. Comme je le mentionnais, la prorogation était une procédure de routine jusqu'alors. La prorogation du 4 décembre 2008 en a fait une affaire partisane, et c'est ce qui a mené à la réforme du paragraphe 32(7) du Règlement pendant la 42e législature.
Je pense que le rapport soumis au Comité perpétue la volonté de politiser la prorogation en affirmant à tort que le gouvernement en place a prorogé le Parlement pour éviter un vote de confiance qui aurait pu causer sa perte. Douze années se sont écoulées depuis les événements de 2008. C'est suffisant pour permettre une évaluation sobre, non partisane des événements. C'est ce que j'ai tenté de faire dans mon livre, At the Centre of Government, et je m'inspirerai des réflexions présentées dans ce livre dans mes observations d'aujourd'hui.
Les membres du Comité se souviendront que l'élection générale fédérale de 2008 a eu des résultats décevants pour les trois partis d'opposition: les libéraux de M. Dion ont perdu 18 sièges à la Chambre, le NPD n'a pas réussi à obtenir 20 % du soutien populaire, comme il le souhaitait depuis longtemps, et le Bloc n'a pas réussi à éliminer la brèche ouverte par les conservateurs au Québec au cours de l'élection générale précédente. M. Dion a par conséquent annoncé sa démission à titre de chef du Parti libéral, et les chefs des deux autres partis d'opposition ont vu leur avenir remis en question à l'interne.
Le 30 novembre 2008, M. Dion et les deux autres chefs ont annoncé avoir conclu une entente qui a été présentée comme une réaction à la mise à jour économique du gouvernement et à sa proposition d'éliminer progressivement le financement public des partis politiques, mais les médias ont ensuite mis au jour que cette entente faisait l'objet de discussions des semaines avant que la mise à jour économique ne soit présentée.
En rétrospective, il est désormais clair que le pacte du 30 novembre a été le moyen choisi par les leaders de partis affaiblis, particulièrement M. Dion, pour protéger leur propre position affaiblie à la tête de leur parti par les assauts de militants à l'intérieur de leur propre parti. Les événements qui ont suivi l'ont confirmé. Après la prorogation, le caucus libéral a forcé M. Dion à démissionner sur-le-champ. À la reprise des travaux de la Chambre, quelques semaines plus tard, les libéraux, désormais dirigés par M. Ignatieff, ont voté afin de maintenir le gouvernement Harper au pouvoir après la présentation de son budget.
La crise de 2008 était en réalité une crise de gouvernance au sein même du Parti libéral. La controverse entourant la prorogation de 2008 visait à détourner l'attention de cette crise.
Permettez-moi de comparer la prorogation à l'étude par votre comité à la prorogation d'août 2020. Votre étude sur la prorogation d'août dernier est extrêmement utile. Vous créez ainsi un précédent qui dictera la façon dont les rapports sur les prorogations à venir seront traités, et vous le faites en sollicitant l'aide d'experts. J'ose espérer que le établira lui aussi un précédent en comparaissant devant le Comité de telle sorte que vous puissiez lui poser vos questions à propos de la décision qu'il a prise, puisqu'il s'agissait de sa décision.
Permettez-moi maintenant de vous recommander quelques questions que les membres du Comité auraient avantage à poser au .
Premièrement, la prorogation d'août 2020 suivait cinq mois d'ordres spéciaux qui restreignaient déjà beaucoup les délibérations parlementaires. Le Parlement n'avait vraiment pas suffisamment de temps pour examiner les enjeux, en débattre ou adopter des projets de loi entre mars 2020 et le moment de la prorogation. Le ne craignait-il pas de limiter davantage le travail légitime de la Chambre des communes et des représentants élus en prorogeant le Parlement?
Deuxièmement, il a prorogé le Parlement immédiatement, pour le convoquer de nouveau quelques semaines plus tard. Si le gouvernement avait eu besoin d'adopter un projet de loi en toute urgence pour réagir à la crise de santé publique qui fait rage — comme il l'a fait à maintes reprises depuis mars — ces travaux législatifs urgents auraient été retardés. En optant pour la prorogation, quels étaient ses plans pour réduire le risque de devoir adopter un projet de loi en toute urgence?
Troisièmement, le gouvernement accusait déjà du retard dans l'adoption d'une nouvelle loi pour répondre à l'arrêt Truchon. La prorogation a inévitablement mis beaucoup de pression sur la Chambre des communes et le Sénat afin qu'ils écourtent leurs débats sur les vastes questions abordées dans le projet de loi . Bref, je dirais que la prorogation témoigne, dans les faits si ce n'est dans l'intention, d'un mépris à l'égard du débat parlementaire légitime sur le projet de loi sur l'aide médicale à mourir, qui s'apparente à un outrage au Parlement. Comment le répondrait-il à cette idée qu'il a fait preuve de mépris à l'égard d'un débat légitime sur le projet de loi en prorogeant le Parlement?
Quatrièmement, bien sûr, la décision du de proroger le Parlement a mis fin à l'enquête en cours d'un comité qui se penchait sur une apparence de conflit d'intérêts majeur impliquant le premier ministre lui-même et peut-être aussi le ministre des Finances de l'époque. Quelles mesures le premier ministre est-il prêt à prendre pour dissiper le doute sur cet aspect de sa décision?
En conclusion, mesdames et messieurs les députés, la prétendue « crise de la prorogation » de décembre 2008 a été déclenchée, en fait, par une crise qui sévissait dans les rangs du Parti libéral. En prorogeant le Parlement, à l'époque, M. Harper a donné au Parti libéral le temps de régler ses problèmes de gouvernance interne, comme en témoigne le fait que le Parti libéral a ensuite décidé de maintenir le gouvernement Harper au pouvoir au début de 2009. Je dirais que la prorogation de 2020 est survenue dans des circonstances similaires, en raison d'une dégradation de la gouvernance au sein du Parti libéral attribuable aux agissements de et du ministre des Finances de l'époque, qui se sont placés eux-mêmes dans ce qui s'apparente à une situation directe de conflit d'intérêts.
Madame la présidente, je serai heureux de répondre aux questions des députés, s'ils en ont.
Monsieur Brodie, je vous souhaite la bienvenue à ce comité. Je suis content de vous revoir.
Par souci de transparence, je dois également dire que je connais bien M. Brodie. Je le connais depuis des années, puisqu'il a été chef de cabinet de l'ancien premier ministre Stephen Harper.
Cela dit, chers collègues, écoutez, nous sommes investis de la responsabilité d'étudier les raisons pour lesquelles ce gouvernement et le ont prorogé le Parlement. Franchement, ces raisons sont parfaitement claires, et nous le savons tous.
Le a prorogé le Parlement en août dernier pour une raison bien simple: pour empêcher les comités qui enquêtaient sur le scandale de l'organisme UNIS de continuer de siéger. Il a réussi son pari; il a très bien réussi son coup.
Comme l'un des témoins qui a comparu devant nous nous l'a déjà dit, Mme Kathy Brock, c'était une bonne stratégie. La réalité, c'est que c'est la seule raison pour laquelle le a prorogé le Parlement. Ce n'était pas pour repartir à neuf. Les libéraux prétendront que cette prorogation était nécessaire en raison de la pandémie et de la transformation rapide de l'ordre mondial qui en découle, puis que le gouvernement devait par conséquent présenter un nouveau discours du Trône, un nouveau plan, un nouveau programme.
J'estime que c'est tout à fait faux. Cet argument est bien faible, parce qu'il existait une autre option que la prorogation, c'est ce qu'on appelle le budget.
Le gouvernement n'aurait eu qu'à déposer un budget ou, à tout le moins, une mise à jour financière et fiscale très détaillée, en profondeur, qui aurait été suivie de très près par un nouveau budget. Il n'avait pas besoin de proroger le Parlement. Il ne l'a fait que pour des raisons politiques: pour limiter les dommages politiques au et à son gouvernement. Nous le savons bien. Tous les Canadiens qui s'intéressent de près ou de loin à la question le savent, et mes amis libéraux qui sont membres de ce comité le savent aussi.
Monsieur Brodie, comme notre temps est limité, je vous poserai directement une question.
Vous laissez entendre dans votre déclaration préliminaire que vous êtes d'accord avec mon observation, selon laquelle cette prorogation était motivée par ce que vous qualifiez de raisons politiques, mais qu'elle n'était pas nécessaire. Le aurait pu littéralement proroger le Parlement la veille du discours du Trône.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus et nous expliquer pourquoi, selon vous, le a pu décider de proroger le Parlement un bon mois avant de le convoquer de nouveau? Était-il nécessaire de recourir à la prorogation à ce moment-là?
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Brodie, dans votre déclaration, vous avez indiqué qu'il s'agit de la première étude de ce genre ici au Parlement, du fait que le gouvernement est tenu d'indiquer ses motifs de prorogation. C'est une exigence qui a été imposée par les libéraux lors de la dernière législature parce qu'ils étaient, en apparence du moins, soucieux d'empêcher l'abus de la prorogation à des fins politiques, et pourtant, nous en parlons maintenant.
Je crois que bon nombre d'entre nous savent bien que la prérogative utilisée pour la prorogation a été utilisée à mauvais escient par le gouvernement pour s'extirper d'une crise politique, ce qui n'est pas un recours légitime. Nous sommes ici pour discuter des raisons après les faits, mais je me demande ce que nous allons en tirer. Il semble que nous n'avons pas encore parlé du rôle légitime de l'assemblée législative, ou du moyen de faire participer l'assemblée législative dans la prise de décisions concernant la prorogation. Je sais que traditionnellement, cette décision relève de la prérogative de la Couronne, mais ce n'est pas parce que les choses se sont faites d'une certaine façon dans le passé que l'on devra toujours continuer ainsi.
Il me semble que si un gouvernement souhaite réellement recourir à des prorogations sans aucun motif politique, ou s'il souhaite calmer les tensions politiques avant une prorogation, il devra consulter l'assemblée législative dans la prise de décisions.
Avez-vous des commentaires à faire au Comité quant à l'interaction entre le pouvoir exécutif et l'appareil législatif et le type de réformes que nous pourrions envisager qui irait au-delà du fait de demander au gouvernement de se justifier après coup? Nous pouvons tous prétendre que les motifs fournis étaient bien fondés ou qu'il y avaient d'autres raisons sous-jacentes, mais que pourrions-nous recommander ou examiner comme mesures concrètes qui empêcheraient l'abus à des fins politiques du pouvoir de prorogation?
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Bonjour. Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître. Je suis ravie d'être des vôtres.
Je vais faire une courte déclaration, si vous me le permettez, afin de me tailler une place dans vos délibérations.
Comme vous le savez, le Parlement du Canada a été prorogé du 18 août au 23 septembre 2020, et conformément au paragraphe 32(7) du Règlement de la Chambre des communes, le gouvernement doit présenter au Parlement un rapport exposant les raisons de la prorogation.
Ce rapport a été présenté en octobre 2020. Le gouvernement libéral a imposé l'obligation de faire rapport en 2017. En mars de la même année, le leader du gouvernement à la Chambre a fait circuler un document intitulé La modernisation du Règlement de la Chambre des communes, qui visait à susciter des discussions sur la réforme parlementaire.
Le document indiquait que les institutions parlementaires étaient désuètes et qu'elles devaient être modifiées pour répondre aux demandes du public qui exigeait davantage de reddition de comptes, de transparence et de pertinence. Parmi les propositions de réforme, il y avait l'exigence selon laquelle, en cas de prorogation, le gouvernement doit publier un rapport énonçant les raisons pour lesquelles il a choisi de proroger le Parlement. Le document précisait également que certains gouvernements avaient utilisé cette prérogative comme outil politique pour dissoudre le Parlement plus tôt, afin d'éviter l'examen et la reddition de comptes. La raison d'être de cette exigence est de rendre les gouvernements responsables de la décision de proroger le Parlement et, peut-être, de décourager les prorogations motivées principalement par l'opportunisme politique.
Pour vous donner un peu de contexte sur l'outil de prorogation, sachez que la prorogation fait partie de la prérogative royale et est exercée au Canada par le gouverneur général, sur l'avis du premier ministre. La prorogation signifie l'arrêt des travaux du Parlement, habituellement pour une période déterminée. Les travaux inachevés meurent au Feuilleton. Lorsque le Parlement reprend ses activités, un nouveau discours du Trône est prononcé.
La prérogative qui consiste à proroger le Parlement ne découle pas des plus nobles intentions. Dans son essai British and Canadian Experience with the Royal Prerogative, Bruce Hicks explique comment le concept de prorogation a vu le jour en Angleterre en 1530. À l'époque, les parlements ne se réunissaient pas en sessions comme ils le font maintenant, mais étaient plutôt convoqués par le roi lorsque ce dernier avait besoin de crédits, puis ils étaient dissous. Chaque fois qu'un nouveau parlement était convoqué, il était composé de nouveaux membres.
Le roi Henri VIII a inventé le concept de prorogation comme solution de rechange à la dissolution lorsqu'il trouvait un parlement dont les membres l'appuyaient. Plutôt que de devoir dissoudre le parlement et de congédier ses membres, le roi pouvait, grâce à la prorogation, autoriser le retour des mêmes personnes.
Au cours des dernières années, certaines prorogations au Canada ont été controversées parce qu'elles semblaient motivées par des considérations politiques plutôt que par la nécessité procédurale ou l'achèvement du mandat.
En décembre 2008, le premier ministre de l'époque, Stephen Harper, a demandé la prorogation du Parlement moins de deux mois après les élections générales qui avaient donné lieu à un gouvernement conservateur minoritaire. Le gouvernement faisait face à un vote de confiance et les partis de l'opposition avaient indiqué publiquement qu'ils avaient l'intention de défaire le gouvernement et de former un gouvernement de coalition à la place. La décision du premier ministre Harper de demander la prorogation a été interprétée par plusieurs comme étant motivée exclusivement par le désir d'éviter un vote de confiance que son gouvernement était sur le point de perdre.
Il y a eu un débat constitutionnel quant à savoir si le gouvernement général détient le pouvoir discrétionnaire de refuser une demande de prorogation d'un premier ministre dont le mandat à la Chambre des communes est remis en question. En fin de compte, la Chambre a été prorogée et, à son retour, le gouvernement a conservé sa confiance et a gouverné pendant plus de deux ans.
Ce n'est pas la seule prorogation controversée des dernières années. En 2012, l'Assemblée législative de l'Ontario a été prorogée après la démission du premier ministre Dalton McGuinty. On a reproché au gouvernement d'avoir muselé l'Assemblée législative pour éviter des audiences sur une motion d'outrage au Parlement, au lieu de permettre la nomination d'un premier ministre intérimaire et la reprise des travaux législatifs.
Plus récemment, en 2020, l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse a été prorogée alors que le premier ministre Stephen McNeil se préparait à quitter la politique. L'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse n'a siégé que 13 jours en 2020 et a été la seule au Canada à ne pas se réunir pendant la période de la COVID-19.
Le rapport sur la prorogation de 2020 justifie la décision du recours à la prorogation par les circonstances imprévues et sans précédent auxquelles le gouvernement était confronté à l'époque. On y mentionne que la pandémie mondiale est à la fois une crise de santé publique et une crise économique. Le discours du Trône prononcé en décembre 2019 ne prévoyait pas cette situation et, par conséquent, n'était plus utile ou pertinent comme plan d'avenir. Le rapport souligne la nécessité pour le gouvernement de redémarrer et d'élaborer un plan audacieux et complet en réponse aux effets dévastateurs de la COVID-19.
La prorogation à la fin de l'été a donné l'occasion de travailler à un tel plan, et le discours du Trône, à la reprise des travaux parlementaires en septembre, a forcé un vote de confiance sur l'approche proposée par le gouvernement. Selon le rapport, le gouvernement se sent tenu par le devoir et par l'honneur de s'assurer de conserver la confiance de la Chambre avant de prendre de nouvelles mesures de relance économique et d'autres initiatives.
Le rapport ne fait pas mention d'un autre contexte politique pertinent à l'époque, à savoir que le gouvernement minoritaire faisait l'objet d'intenses critiques de la part de l'opposition en raison de la décision de confier à l'organisme UNIS la responsabilité d'administrer un programme de bourses d'études de 900 millions de dollars. Cet organisme a des liens avec la famille du ainsi qu'avec celle du ministre des Finances de l'époque, Bill Morneau.
Au cours de l'été, des comités parlementaires ont entendu les témoignages du , du greffier du Conseil privé, de Marc et Craig Kielburger de l'organisme UNIS, de l'ancien président du conseil d'administration d'UNIS, ainsi que de plusieurs ministres et cadres supérieurs de la fonction publique. Le ministre des Finances a démissionné avant l'annonce de la prorogation. Comme d'autres prorogations mentionnées précédemment, celle-ci a été critiquée pour son apparente motivation politique.
Je vais maintenant conclure.
Le pouvoir de proroger le Parlement relève de la prérogative royale et est donc exercé par le gouverneur général, qui agit sur la recommandation du premier ministre. Dans l'histoire du Canada, il n'est jamais arrivé qu'un gouverneur général refuse une demande de prorogation du premier ministre. Le procédé est donc souvent perçu dans la pratique comme un pouvoir du premier ministre.
L'accès du premier ministre à la prérogative de la Couronne de convoquer, de proroger et de dissoudre le Parlement lui confère un énorme avantage politique et les efforts déployés pour limiter ces pouvoirs ont été en grande partie inefficaces, et sont d'ordre politique plutôt que constitutionnel. Même si les élections à date fixe ont été ignorées à des fins politiques, les électeurs ne punissent pas toujours les appels électoraux stratégiques ou hors cycle.
On peut dire que le paragraphe 32(7) du Règlement vise à décourager le recours à la prorogation à des fins politiques. Cependant, je dirais que non seulement l'obligation de faire rapport n'a pas pour effet de décourager la prorogation politisée, mais qu'en fait, elle encourage la rhétorique politique qui vise à justifier rétroactivement la décision de proroger le Parlement.
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Je vais y aller assez rondement.
Essentiellement, je disais que le premier ministre donne avis au gouverneur général de proroger le Parlement, et le gouverneur général est lié par cet avis lorsque le premier ministre jouit de la confiance de la Chambre. En 2008, le premier ministre, qui faisait face à un vote de confiance, avait demandé la prorogation. Il y a eu un doute quant à savoir si la gouverneure générale de l'époque était liée par cet avis. Ultimement, elle a accordé la prorogation, mais pas immédiatement, seulement après une réflexion de plusieurs heures. Certains croient qu'elle a exercé son pouvoir de réserve à ce moment-là, considérant que c'était la chose qu'elle devait faire dans les circonstances. Jusqu'à récemment, on disait que c'était automatique.
Je tiens à informer les membres du Comité d'une affaire très importante issue du Royaume-Uni. Récemment, la Cour suprême du Royaume-Uni a dû prendre une décision sur la légalité d'une prorogation demandée par le premier ministre. La Cour reconnaît qu'il s'agit d'une prérogative de la Couronne. Par contre, elle reconnaît qu'elle a la capacité — c'est une question justiciable — de réviser l'exercice de cette prérogative, comme elle a la capacité d'exercer un contrôle d'autres prérogatives, notamment en relations internationales.
Le test, pour les tribunaux, est que la prorogation soit juridiquement valide. Elle ne doit pas avoir pour effet de frustrer ou de prévenir, sans justification raisonnable, la capacité du Parlement d'exercer ses fonctions constitutionnelles comme législature et de tenir responsable le gouvernement, l'exécutif.
Concernant la révision judiciaire au Royaume-Uni, le gouvernement devait démontrait qu'il existait une justification raisonnable pour exercer la prorogation. Le professeur Paul Craig nous dit que la prorogation est un mécanisme pour mettre fin à une session, effectivement, mais il ajoute ceci:
[Traduction]
Avoir recours à la prorogation pour museler un Parlement récalcitrant est illégitime.
[Français]
Par conséquent, les tribunaux considéreraient qu'elle est illégale. Dans le cas du Brexit, la Cour suprême a invalidé la prorogation et le Parlement a dû siéger.
Maintenant, nous ne savons pas comment une telle décision sera intégrée au Canada. Nous avons des précédents. L'arrêt Khadr reconnaît que les prérogatives de la Couronne, même en matière de relations internationales, peuvent être révisées par les tribunaux. Il y a donc un risque. Si l'offre de raisons par la suite, au retour d'une prorogation, permet d'expliquer une certaine transparence, elle ne résout pas tous les problèmes.
Dans un deuxième temps, je veux vous proposer une solution pour diminuer le risque d'imbroglio que l'on connaît. Elle repose sur le fait que le gouverneur général n'est lié par l'avis du premier ministre que si celui-ci possède la confiance de la Chambre. Or c'est la Chambre qui détermine si le premier ministre a sa confiance, et non l'inverse. C'est la Chambre qui est maîtresse des décisions qu'elle prendra quant à savoir si le gouvernement a toujours sa confiance.
Déjà, dans le Règlement de la Chambre des communes, on fait état du vote de confiance. L'article 6 précise que le vote sur la présidence de la Chambre n'est pas un vote de confiance. Implicitement, on reconnaît que le Règlement peut déterminer à quelles conditions il y a un vote de confiance. L'Assemblée nationale du Québec le fait dans ses règlements internes. Il y a donc une série de conditions à respecter pour considérer que le gouvernement a toujours la confiance de l'Assemblée.
Pour diminuer les imbroglios, je propose comme solution qu'on modifie le Règlement pour prévoir l'éventualité suivante: si le premier ministre donne avis au gouverneur général de proroger le Parlement sans avoir au préalable fait adopter une résolution en ce sens à la Chambre des communes, il est réputé avoir perdu la confiance de la Chambre des communes. Cela ferait en sorte que le gouverneur général ne serait pas lié par cet avis.
Je vous donnerai plus de détails à ce sujet lorsque vous me poserez des questions.
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Nous verrons comment cela se passe. Avec M. Brodie, j'ai parlé pendant environ deux minutes et demie. Si je dispose de six minutes supplémentaires, bien que je vous en sois reconnaissant, je ne veux pas enlever du temps à mes collègues.
Bienvenue, monsieur Cyr, bienvenue, madame Turnbull.
Monsieur Cyr, je suis heureux de vous revoir dans le cadre d'une réunion de comité. La dernière fois que j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous, c'était il y a 10 ans, lorsque vous avez comparu devant ce même comité. Je ne sais pas si cela en dit plus sur votre longévité ou sur la mienne, mais c'est bien de vous revoir dans ce cadre.
Je vais poursuivre avec le fil de ma pensée, que j'ai exprimée avec M. Brodie, et c'est simplement qu'à mon avis, si le a décidé de proroger le Parlement en août dernier, c'était strictement pour des raisons politiques. Les libéraux diront, comme l'a fait M. Turnbull, que la prorogation était nécessaire parce que l'ordre mondial avait changé à cause de la pandémie. Il nous fallait repartir à zéro, d'où la nécessité de présenter un discours du Trône. Je soutiens une fois de plus que ce raisonnement ne tient pas, pour la simple et bonne raison que le discours du Trône, lorsqu'il a été présenté, était principalement de nature financière. Autrement dit, il y était question de mesures financières que le gouvernement souhaitait prendre, de changements sur le plan financier et ce genre de choses. Nous n'avions pas besoin d'un discours du Trône à cet égard. Cela n'a pas changé fondamentalement le programme du gouvernement. Ce dont nous avions besoin, c'était qu'un budget soit présenté.
Le Parlement aurait pu poursuivre ses travaux sous sa forme actuelle, ou du moins sous sa forme à ce moment-là, mais le a pris la décision de le proroger pour éviter un problème politique très important auquel il était confronté. En raison du scandale de l'organisme UNIS, le gouvernement se faisait poser quotidiennement des questions très embarrassantes. Tous les jours, il en était question dans les médias. Le scandale politique enflammait les médias sociaux. Le premier ministre a fait ce qu'il pensait devoir faire pour éviter une crise politique, c'est-à-dire proroger le Parlement, pour mettre fin au débat sur l'organisme UNIS.
Je dois également souligner que la date à laquelle le a prorogé le Parlement, soit le 18 août, correspond exactement à un jour avant la date à laquelle Speakers' Spotlight était tenu de déposer un rapport sur la rémunération versée à la famille du premier ministre. C'est ce qui, à mon avis, a poussé le premier ministre et son personnel à proroger le Parlement.
Monsieur Cyr, madame Turnbull, avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que votre présence ici... Je ne crois pas que c'est vous qui devriez témoigner devant ce comité. Les personnes qui devraient être ici sont le et des gens comme Katie Telford, le et d'autres représentants du monde politique, peut-être, du Cabinet du premier ministre, qui auraient conseillé au premier ministre de proroger le Parlement. Il nous faut pouvoir leur poser des questions sur le raisonnement qui a mené à la prorogation. Nous savons que les raisons sont claires. Comme je l'ai déjà dit à maintes reprises, il s'agissait d'éviter un scandale politique, une situation politique embarrassante, mais nous avons besoin qu'ils répondent aux questions. Les Canadiens, comme tous les membres de ce comité, savent ce qui a motivé la prorogation. Le Parlement a été prorogé pour des raisons politiques, pour faire des gains politiques.
Madame Turnbull, vous avez dit que vous aviez le sentiment, du moins c'est votre avis, qu'il y avait une justification à la prorogation.
Monsieur Cyr, vous avez présenté, comme vous l'avez fait au cours des années passées, différentes options que le gouvernement pourrait envisager pour modifier les textes, peut-être, afin qu'il y ait d'autres possibilités que le processus de prorogation actuel.
Je voudrais vous poser à tous les deux une question bien simple. Croyez-vous que dans ce cas, lorsque le a prorogé le Parlement le 18 août dernier, c'était par nécessité, ou qu'il aurait été possible d'éviter la prorogation et de laisser les comités poursuivre leurs travaux? Si l'on jugeait qu'il était nécessaire de proroger le Parlement, on aurait pu le faire littéralement un jour avant le rappel du Parlement. D'autres témoins, des universitaires, qui ont comparu devant ce comité précédemment, ont dit qu'ils ne pensaient pas qu'il était nécessaire de proroger le Parlement, mais que c'était politiquement rentable de le faire. J'aimerais connaître votre avis sur la nécessité de proroger le Parlement, car le gouvernement dit que c'est pour cette raison qu'il l'a fait.
Peut-être pourriez-vous commencer, monsieur Cyr.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je salue les deux témoins qui ont bien voulu se joindre à nous. Nous leur en sommes reconnaissants.
Je vais revenir sur les propos de M. Lukiwski. Quand la prorogation a été annoncée, le Parlement ne siégeait pas. Seuls quatre comités siégeaient et tous ne parlaient que du mouvement UNIS. Des spécialistes qui sont venus nous rencontrer nous ont dit que, à leur avis, la seule motivation pour proroger le Parlement était d'interrompre les comités, qui discutaient de la situation entourant le mouvement UNIS. Le ministre des Finances venait de démissionner, ce qui n'était pas anodin.
Des spécialistes nous ont dit que c'était la raison principale ayant motivé cette prorogation. Êtes-vous d'accord, ou non?
M. Cyr va nous dire qu'il n'est pas ici pour répondre à des questions partisanes ou politiques, mais il reste qu'il y a eu une prorogation et que nous cherchons à savoir ce qui l'a motivée. Des spécialistes nous ont dit, l'un après l'autre, ou presque, que ce serait la motivation principale, étant donné que seuls les comités, qui siégeaient pour discuter de la question du mouvement UNIS, avaient été interrompus. Il n'y a pas d'autres raisons.
Je voudrais entendre vos commentaires à ce propos.
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Merci, madame la présidente.
Je suis très honoré de participer à la réunion du Comité.
Mettons les choses en perspective. Nous étions au milieu de la plus grande crise médicale et économique du siècle. Le rôle du Parlement dans cette crise était de rassurer les Canadiens en leur disant que nous étions là pour eux, que nous faisions passer leurs intérêts en premier. Tout cela a été bousillé lorsque le a approuvé un programme de 912 millions de dollars, ce qui a déclenché le scandale UNIS.
La décision de proroger le Parlement n'a pas été prise dans l'intérêt des Canadiens. Cela s'est passé pendant l'été, au moment où deux comités clés commençaient à soulever des questions très sérieuses sur l'accès aux documents. Les libéraux nous disent qu'il était important de dire aux Canadiens que nous fermions le Parlement... Je pense que M. Turnbull a dit qu'il avait eu trois réunions avec des intervenants à l'époque. Quelle raison importante pour fermer le Parlement. M. Turnbull aurait été chez lui, dans sa circonscription, de toute façon.
Ce qui se passait, c'est que le Parlement essayait d'obtenir des réponses sur ce qui était arrivé. Le groupe UNIS, les frères Kielburger, ont pu appeler directement au bureau de Bill Morneau. Dans le courriel que nous avons reçu à la veille de la prorogation, on nous a remis les 5 000 pages de documents, mais nous n'avons pas pu les utiliser pour notre rapport. Il y a eu entrave aux travaux du Parlement.
Contrairement aux éminents témoins, je pense que le problème de la prorogation, c'est qu'elle met à mal la confiance des gens. Je me souviens de ce qui s'est passé en 2008, lorsque Stephen Harper a prorogé le Parlement. Sa relation avec les Canadiens n'a plus jamais été la même par la suite. Ayant toujours été dans l'opposition, je regarde les gouvernements se succéder. Les gouvernements sont idéalistes à leur arrivée au pouvoir et ils décident ensuite que le pouvoir leur convient. Je le vois chez les libéraux. Je vois toute l'arrogance dont les libéraux font preuve parce qu'ils s'en sont bien tirés. Quoi donc? Ils ont appris qu'ils ne pouvaient pas fermer complètement le Parlement. C'est un vieux truc politique. Si l'on peut dégager un problème en cours de route et qu'on va suffisamment loin, on a l'impression d'avoir gagné. Voilà ce que les libéraux pensent avoir fait.
Comme cela a été le cas pour le gouvernement de Stephen Harper, le premier ministre, M. Trudeau, a mis à mal ses relations avec les Canadiens. Il s'en sortira peut-être cette fois-ci, mais...
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Je vous remercie, madame la présidente.
J’aimerais remercier nos témoins d’être ici aujourd’hui.
J’aimerais me faire l’écho des commentaires de M. Angus et de M. Lukiwski. Même si nous vous sommes reconnaissants de nous fournir votre expertise dans ce cas-ci, il n’en reste pas moins que les personnes qui devraient réellement comparaître devant le Comité sont le et les hauts fonctionnaires qui l’ont accompagné au cours de la prorogation, afin que nous puissions entendre les raisons pour lesquelles ils ont prorogé le Parlement juste comme les choses commençaient à mal tourner pour eux.
On a déjà beaucoup parlé des événements qui ont commencé à émerger en mars dernier. Les Canadiens ont appris que leur avait conclu un accord avec un organisme avec lequel il avait non seulement des liens professionnels, mais aussi des liens familiaux, car son épouse et sa mère étaient conférencières pour cet organisme. De plus, son frère entretenait également des liens avec l’organisme.
Ensuite, nous avons appris que le ministre des Finances avait également des liens avec UNIS, qu’il a ensuite payé un voyage qu’il a en quelque sorte oublié et qu’il a ensuite brusquement démissionné. Les choses ont commencé à mal tourner pour le et le gouvernement — il s’agissait seulement d’un autre scandale éthique. Mes collègues libéraux — et j’ai le plus grand respect pour eux — peuvent blâmer certaines personnes, soulever d’autres questions et évoquer toutes les autres fois où le Parlement a été prorogé. Ils affirment que M. Harper l’a fait sans problème, et qu’ils peuvent donc le faire aussi.
J’aimerais revenir à la raison pour laquelle nous sommes ici, c’est-à-dire que nous menons une étude sur la prorogation du Parlement au beau milieu d’une grave pandémie mondiale. En effet, au beau milieu d’une période extrêmement difficile pour notre nation, au moment où les programmes destinés aux Canadiens étaient sur le point d’expirer et où les Canadiens avaient le plus besoin de nous, notre a décidé, à la veille de la publication de tous les documents qui confirmaient l’étroitesse de ses liens familiaux avec l’organisation UNIS — et deux comités étaient en train de rédiger des rapports sur la question et tentaient de l’étudier —, de remettre le compteur à zéro, pour ainsi dire.
Madame Turnbull, j’ai beaucoup aimé vos commentaires, parce que vous avez équilibré les choses lorsque vous avez dit que ce n’était pas une bonne remise à zéro, mais tout de même une remise à zéro. Si seulement c’était vrai. En toute honnêteté, si les intentions étaient réellement altruistes et véritables, nous pourrions probablement dire que c’était pour le mieux, mais ce n’est pas le cas. Ainsi, à notre retour, nous avons entendu un discours du Trône qui ressemblait exactement à ce que nous avions entendu auparavant. En effet, il n’y avait rien de vraiment nouveau dans ce discours. C’était la même chose que d’habitude. Ensuite, nous avons vu les libéraux faire encore plus d’obstruction dans les comités, ce qui a empêché le Parlement de faire son travail.
J’ai une question à vous poser, madame Turnbull, et je vais descendre de ma tribune pendant un moment, parce que je suis ici et je dis tout le temps la même chose au sujet des comités, c’est-à-dire que nous faisons de notre mieux lorsque nous ne sommes pas aussi partisans que possible. Mais c’est vraiment ce que nous devons faire.
Je comprends que nos collègues libéraux ont un travail à faire, mais si le Parlement souhaite réellement demander des comptes au gouvernement, et si notre comité est chargé d’examiner les raisons de la prorogation, n’est-il pas logique que le et les hauts fonctionnaires qui l’accompagnaient au moment de la prorogation comparaissent devant le Comité?
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Je vous remercie beaucoup.
J'aimerais également remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.
Nous sommes ici en grande partie à cause du piètre jugement dont a fait preuve le . En effet, au cœur de ce scandale se trouve un contrat à fournisseur unique de presque un milliard de dollars avec l'organisme UNIS, un organisme qui entretenait des liens avec le premier ministre et l'ancien ministre des Finances. C'était une erreur de jugement de s'impliquer dans une entreprise qui avait versé plus d'un demi-million de dollars à la mère du premier ministre. Le piètre jugement dont il a fait preuve dans le cadre de cette transaction a mené, au bout du compte, à la prorogation du Parlement.
Nous avons parlé du rôle de la gouverneure générale dans cette affaire. C'est une autre erreur de jugement de la part du , qui s'est porté garant de la gouverneure générale pour qu'elle ne soit pas soumise au processus de vérification approprié. Aujourd'hui, les contribuables doivent lui verser 140 000 $, au minimum, pour le reste de sa vie, ce qui représente également une erreur de jugement de la part du premier ministre.
Nous avions donc une gouverneure générale qui était redevable au de s'être porté garant d'elle, et même si elle représentait un mauvais choix, elle était tout de même redevable au premier ministre. Nous avons parlé du rôle de la gouverneure générale, qui a déjà accordé des droits de prorogation dans cette situation, mais ce n'est pas automatique. Il se pourrait encore qu'à l'avenir — même si cela créerait un précédent — une telle demande soit refusée.
J'aimerais connaître l'avis de Mme Turnbull à cet égard. Dans quelles situations le gouverneur général n'accorderait-il pas une prorogation du Parlement?
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C'est une question très importante.
Pour le moment, il est vraiment difficile d'y répondre. Nous n'y voyons encore que du brouillard. À cause de l'augmentation du nombre de variants, il est angoissant d'imaginer pendant combien de temps nous serons confinés. Nous constatons déjà que les problèmes des populations vulnérables n'ont fait que s'aggraver.
Une partie importante de la solution, pour répondre à certaines de vos questions, réside dans la collecte de données, que nous bâclons parfois, malheureusement. Réfléchissons aux méthodes de recueil de l'information et faisons non seulement participer les bonnes personnes à la discussion, mais, également, obtenons les bonnes données pour, ensuite, disposer de tous les renseignements utiles pour réparer les programmes, les remplacer et se faire une idée des drames qui se jouent.
Ce sera une tâche considérable pour les politiciens, les chercheurs, les fonctionnaires et les entreprises. Nous avons tous un rôle.
Voici seulement ce que j'ai à dire. Malgré tout le respect que j'éprouve pour les collègues ici présents, à maintes reprises, les deux députés libéraux... et je pense que M. Turnbull a même dit que c'était le motif du , pour proroger le Parlement. Nous pouvons tous nous mettre à formuler des hypothèses sur ce que d'autres ont dit. Ce ne sera que des hypothèses tant qu'on n'aura pas entendu directement le premier ministre et les membres de son entourage. Les Canadiens comme notre comité méritent de connaître ces motifs.
Nous pouvons inviter un certain nombre de professeurs, comme les excellents témoins d'aujourd'hui, Mme Turnbull et MM. Brodie et Cyr. En vérité, tant que nous n'aurons pas entendu le ni les membres de son entourage, les hypothèses se donneront libre cours.
D'après moi, notre meilleur parti est de convoquer ces quatre témoins. Nous nous réservons le droit d'en convoquer d'autres après que nous aurons entendu ceux-là. De plus, nous pouvons lancer des accusations et remuer ciel et terre pour découvrir toutes les raisons pour lesquelles ça s'est pratiqué dans le passé, mais nous étudions la prorogation de 2020. Un certain nombre de témoins et de professeurs d'université nous ont déjà dit que la prorogation du Parlement est la prérogative du . Si, vraiment, nous devions aller de l'avant sans entendre ces quatre témoins, ça ne serait que des hypothèses. Nous rendrions un mauvais service non seulement au Parlement, mais, également, aux Canadiens en général.