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Bienvenue à tous. Merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
Bienvenue à la sixième réunion du Comité des ressources naturelles. Je suis désolé du léger retard. Nous avons eu quelques difficultés techniques, comme c'est périodiquement le cas dans notre environnement actuel, mais nous sommes maintenant prêts à y aller. Merci de vous joindre à nous.
Juste pour que tout le monde le sache, nous allons réserver les 15 dernières minutes de la réunion aux travaux du Comité. Nous allons parler du calendrier, du reste de l'étude et de quelques autres comparutions. Nous allons nous concentrer maintenant sur les témoins que nous avons aujourd'hui, soit un total de cinq groupes, puis nous nous occuperons des travaux du Comité à la fin.
Nous avons ERS Fuels, GreenNano Technologies, Vision Biomasse, un représentant du ministère des Ressources naturelles, et la Coopérative forestière de Petit Paris.
Merci à tous nos témoins de se joindre à nous aujourd'hui. Sachez que chaque groupe disposera de cinq minutes au maximum pour présenter un exposé. Une fois que tous les groupes auront fait leur exposé, les membres du Comité pourront vous poser des questions. Vous pouvez vous exprimer en anglais ou en français, ou dans les deux langues. Nous avons un service d'interprétation. Vous devriez y avoir accès de votre côté, et nous du nôtre.
Merci beaucoup d'être là. Je vais commencer par ERS. Je ne sais pas si c'est M. Small ou M. Kazemeini qui va faire la déclaration liminaire. Je vous laisse faire. Vous avez cinq minutes.
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Bonjour, monsieur le président. Je suis particulièrement heureux de comparaître devant vous et vos collègues dans le cadre de cette séance virtuelle du Comité permanent des ressources naturelles.
Je commencerai par vous parler de mon partenaire commercial, aujourd'hui décédé, et de moi-même. Doug a fondé l'entreprise Bird Tool au Royaume-Uni. Il a souvent été honoré pour avoir mis en place la première installation de fabrication dans le noir du secteur automobile de premier niveau, il a fait la page centrale de la publication de l'industrie et il a reçu la visite du fondateur de la Toyota Motor Manufacturing Corporation, M. Toyoda. Mon employeur a racheté son entreprise.
Doug et moi avons travaillé à la délocalisation d'un gros contrat du Japon vers le Canada, car le Canada avait des fournisseurs de meilleure qualité pour les systèmes d'étanchéité dynamique. Mon employeur, Standard Products, était le plus important au monde pour ce produit. J'étais le responsable de l'ingénierie du groupe chargé d'accomplir cette tâche pour le compte de Ford à St. Thomas.
Avant d'occuper des postes allant de la gestion technique à la direction pendant plus de 30 ans dans le secteur automobile, j'ai passé six ans en Floride en tant que responsable de l'ingénierie d'un fabricant de lentilles ophtalmiques, où j'ai développé le système breveté de moulage par injection de lentilles ophtalmiques comportant déjà l'ordonnance. Cette année-là, en Californie, on m'a demandé d'être le conférencier principal de la Society for the Advancement of Material and Process Engineering.
Plus tard, à mon retour au Canada, mon équipe a inventé le joint injecté en une seule pièce pour Pininfarina, un constructeur italien de cars de tourisme pour Ferrari, Bentley et Rolls-Royce. Nous avons situé la fabrication à Stratford, en Ontario.
Il y a environ cinq ans, nous voulions changer les choses et aider la planète. Nous avons déterminé que si nous pouvions concevoir un combustible solide, renouvelable, inodore, sans fumée et dérivé de la biomasse, en guide de solution de remplacement directe du charbon, nous pourrions avoir une énorme incidence. ERS Fuels a vu le jour après notre rencontre avec celui qui allait devenir notre président et responsable des finances, M. Sam Kazemeini. C'est un entrepreneur en série qui a un réel penchant pour les initiatives favorables à notre environnement. Nous avons créé une équipe et situé notre centre de développement mondial près de Stratford, en Ontario.
Tous les produits concurrents dérivés de la biomasse ont en commun certains défauts que nous avons pu éliminer en deux ans. Le principal défaut est qu'ils ne produisent que 5 000 à 7 000 BTU, alors que le charbon en produit environ 12 000. Nous avons repéré, à l'échelle de toutes les décharges du monde, une partie indésirable qui est chimiquement convenable comme liant. Puis nous avons consacré une année supplémentaire à réaliser une série de tests en vue de fabriquer ce combustible. Le résultat est un combustible qui produit 12 000 BTU et peu ou pas d'émissions, qui présente une efficacité de combustion de 99,995 %, et dont les 0,05 % de cendres peuvent immédiatement servir à amender le sol, en agriculture.
Nous nous sommes associés à l'ICFAR, l'Institute for Chemicals and Fuels from Alternative Resources, lequel est rattaché à l'Université Western, en Ontario, et présidé par M. Berruti, qui nous a beaucoup aidés et qui a été séduit par notre travail. ERS Fuels a mis au point un procédé breveté et est capable de recombiner la biomasse et le liant pour en faire un nouveau matériau — breveté — qui a une densité de un. L'oxygène du liant est ajouté à l'oxygène de la biomasse, ce qui fait que notre carburant contient deux fois plus d'oxygène que l'air que nous respirons. Les carburants ERS assurent une combustion autonome, produisant une flamme bleue propre. Nous continuons à tester différentes biomasses du monde entier et à faire valider les tests par un laboratoire indépendant de Toronto.
Le parcours a été long et coûteux. Il fallait trois minutes pour fabriquer notre premier palet de carburant; aujourd'hui, après quatre versions de l'équipement, il faut trois secondes grâce à des techniques d'amélioration continue axées sur l'automobile.
Au fil du temps, nous avons réalisé que le gouvernement adoptait des stratégies écologiques que nous pouvions mettre en œuvre au Canada. Les communautés du Nord et les communautés autochtones hors réseau, où le gouvernement utilise du diesel pour leur fonctionnement — ce qui est polluant — présentaient un intérêt particulier. Notre directeur des ventes et moi-même avons été invités à un congrès autochtone à Calgary — par la Nation crie de la Baie-James —, auquel assistait leur assemblée, et nous avions un stand au rez-de-chaussée, qui a été très fréquenté par de nombreux chefs de bande.
La réponse a été extrêmement positive et nous avons entrepris de développer de l'équipement spécialisé destiné à remplacer le diesel, à fournir de l'électricité, à chauffer les serres et les bâtiments municipaux, et à produire du combustible solide pour les propriétés hors réserve tout en fournissant des emplois aux membres de la communauté.
Nous allons créer des places dans les collèges locaux pour former les membres de ces communautés autochtones à la gestion forestière et à l'exploitation de petits services publics.
Nous avons la technologie, l'équipe et la vision. Il ne nous manque que le soutien du gouvernement fédéral, en ce moment.
Nous avons besoin que le gouvernement concrétise ses objectifs environnementaux, qu'il soutienne l'innovation canadienne à cet égard et qu'il nous aide à faciliter cette transition vers un avenir plus propre et plus durable pour notre pays.
Merci de votre attention.
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Monsieur le président, je suis très heureux de comparaître devant vous et votre comité.
En ma qualité de chef conseiller de GreenNano Technologies, je vais vous donner une brève description de l'entreprise, de ses produits, de ses canaux de distribution et de son histoire.
GreenNano Technologies est une entreprise en démarrage créée en 2015 en association avec l'Université de Toronto et GreenNano Management pour commercialiser le fruit du travail des inventeurs de l'Université de Toronto, à savoir la technologie de la nanocellulose et la technologie du carbone.
Depuis 2015, GreenNano Technologies a établi deux installations: une à Toronto, près du centre-ville, et une autre à Windsor. L'installation de Windsor a en fait été mise au point en collaboration avec Ford Canada pour favoriser les innovations dans le domaine de la fabrication légère à partir de produits composites légers à base de nanofibres.
Au site du centre-ville de Toronto, on produit des nanofibres, des produits et des dispositifs à base de nanofibres, et on s'y adonne également à des activités de vente et de marketing [Inaudible] dans le domaine de l'automobile et des emballages intelligents jetables.
Pour vous donner une idée de mon parcours, en tant que conseiller, je suis attaché à l'Université de Toronto en tant que professeur, et j'ai également été doyen de la faculté de foresterie de cette université. Je suis actif à l'échelle mondiale depuis 1993, à faire de la commercialisation des innovations issues de la recherche, des produits forestiers destinés à des applications à valeur ajoutée... Je suis l'un des organisateurs du forum mondial sur les CBP, les composites bois-plastique, qui s'est tenu en 1989 à l'Université de Toronto.
Depuis, en 1993, nous avons lancé notre première entreprise à Toronto, suivie de plusieurs autres aux États-Unis. L'industrie des CBP représente aujourd'hui, à l'échelle mondiale, une valeur d'environ 8 millions de dollars. Au Canada, nous avons eu à un moment donné environ 21 entreprises. C'est le sommet de l'activité qui a été atteint au Canada vers 2005. En 2008, nous les avons presque toutes perdues, sauf deux qui subsistent dans la région de Toronto.
Outre ces entreprises, l'activité se concentre désormais principalement dans la région de l'Asie-Pacifique et en Chine. L'année dernière, la Chine avait elle-même un marché de plus de 6 milliards de dollars. Cela montre le potentiel de l'industrie des produits forestiers pour les applications à valeur ajoutée.
Depuis lors, notre université s'est lancée dans une autre entreprise, développée en coopération avec Magna et Ford Motor Company, avec la participation de quelques autres équipementiers de l'Ontario, pour développer des matériaux composites légers pour l'industrie automobile.
En 2009, nous avons démontré que les microfibres à base de pâte de bois pouvaient être utilisées et fonctionner comme matériau structurel. Pour la première fois, globalement, il s'agissait d'un modèle de porte structurelle dans la Nissan Sentra GXE. Malheureusement, après 2008, en raison des prix de la fibre de verre en provenance de Chine, le marché ne pouvait plus soutenir la concurrence sur le plan des prix; par conséquent, nous avons dû passer à des applications à plus forte valeur ajoutée à ce moment-là.
C'est ainsi qu'en 2015, GreenNano Technologies a été créée. Depuis lors, l'entreprise se consacre à des applications à valeur ajoutée dans deux secteurs, principalement. Le premier est le secteur automobile, où nous nous intéressons surtout aux applications à très haute valeur ajoutée dans le développement du groupe motopropulseur des véhicules électriques. Les composants du groupe motopropulseur comportent une batterie, un boîtier de batterie et des blocs de batterie composés d'environ 40 % de matériaux plus légers, ce qui réduit les matériaux métalliques utilisés actuellement.
Il y a eu une invention intéressante à ce moment, et GNT a pu utiliser de la nanocellulose en très petite quantité, à hauteur d'environ 5 %, en combinaison avec du carbone d'origine forestière de pointe, des matériaux en carbone nanostructurés, qui étaient en fait des résidus de combustion du sol forestier, ce qui a donné des matériaux en carbone nanostructurés qui ressemblent au graphène et qui ont été introduits dans ces composants structurels automobiles pour les applications du groupe motopropulseur des VE.
Cela a en fait aidé ces nanofibres, les nanofibres de cellulose, à surmonter l'un des plus grands inconvénients des fibres de cellulose, à savoir leur faible résistance à la forte chaleur.
Grâce à ces combinaisons hybrides, chez GreenNano Technologies, nous avons pu obtenir un produit qui peut supporter jusqu'à 170 °C en continu. C'est l'une des réalisations que GreenNano Technologies a fait breveter et a ensuite commercialisées.
Depuis l'arrivée de la COVID, GNT est également actif dans le secteur des soins de santé. Très récemment, l'entreprise a développé un nouveau produit pour les masques renouvelables, avec la technologie de revêtement en cuivre de l'Université de Toronto. Ils ont conçu une technologie de fibre renouvelable enduite de cuivre qui sert de filtre pour les masques jetables.
Ils ont également des produits qui sont...
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Je vous remercie, monsieur le président et membres du Comité, de nous avoir invités à comparaître devant vous ainsi que de consacrer du temps à l'étude de cet enjeu important qu'est la relance économique du secteur forestier.
Vous avez déjà rencontré M. Arsenault, qui m'accompagne aujourd'hui. Il est également co-porte-parole de Vision Biomasse Québec.
Vision Biomasse Québec est un regroupement d'une vingtaine d'organisations issues des milieux coopératifs et municipaux, du milieu de l'environnement et du développement durable ainsi que de celui des affaires. Ces organisations ont fait le choix de s'unir pour poursuivre un objectif commun, celui de promouvoir une filière exemplaire et performante du chauffage à la biomasse forestière au Québec.
Nous participons à l'acquisition et à la diffusion du savoir-faire en matière d'utilisation de biomasse forestière pour la production de chaleur grâce à des activités de communication et de sensibilisation. Nous contribuons à la structuration de la filière en prenant part à des activités de représentations de nature politique.
Ensemble, ces organisations ont élaboré il y a quelque temps une vision prometteuse pour la filière, qui peut très bien servir la relance économique du pays. Nous avons ainsi cerné un potentiel de conversion de chauffage des bâtiments au Québec hors des grands centres urbains, ce qui permettrait de substituer annuellement 400 millions de litres de combustibles fossiles, de valoriser annuellement un million de tonnes métriques de biomasse forestière résiduelle, d'éviter l'émission de 1 million de tonnes métriques en équivalent CO2 par année, de produire annuellement 4 000 gigawattheures d'énergie renouvelable, d'améliorer la balance commerciale du Québec à hauteur de 225 millions de dollars, et de créer 12 500 emplois au cours de la phase de construction et 3 600 emplois permanents.
Ces valeurs peuvent certainement être augmentées si l'on applique cette vision à l'ensemble du Canada et davantage encore si l'on ajoute les secteurs industriels pouvant envisager des conversions, par exemple les cimenteries et les aciéries.
Vision Biomasse Québec croit ardemment que la biomasse forestière fait partie de la solution pour permettre une relance économique de la foresterie, puisque c'est un produit du bois issu de la valorisation de résidus forestiers anciennement considérés comme des déchets sans valeur. La filière de la biomasse forestière peut aussi permettre une consolidation de l'industrie forestière grâce aux emplois permanents créés et maintenus en région par la chaîne d'approvisionnement, dont la récolte, le transport et le traitement.
Ce n'est pas juste le secteur forestier qui en bénéficie, puisque la biomasse forestière permet aussi une réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou GES, une autonomie énergétique accrue ainsi qu'une réduction des frais liés au chauffage des bâtiments. En tant qu'option énergétique renouvelable et locale disponible presque partout au Canada, mais particulièrement au Québec, la filière a aussi une incidence sur le produit intérieur brut ainsi que sur les revenus gouvernementaux provinciaux et fédéraux. Elle peut aussi avoir une influence très positive sur la balance commerciale des provinces, puisque les sommes dépensées pour produire cette énergie demeurent à l'interne, plutôt que d'être envoyées à l'extérieur pour assurer les approvisionnements en produits fossiles.
Par contre, la filière n'a pas encore atteint sa pleine maturité actuellement, et la majeure partie du marché se trouve à l'extérieur du pays. Il est donc primordial de développer le marché intérieur, car des millions de tonnes de biomasse forestière pourraient être vendues localement pour créer de l'énergie renouvelable et ainsi contribuer à la transition énergétique du pays.
L'exemple des communautés éloignées constitue une avenue prometteuse pour le développement interne de la filière. En effet, plusieurs communautés situées dans le nord du Québec, de la Colombie-Britannique et du Manitoba, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest ont déjà effectué la conversion afin d'utiliser la biomasse forestière locale pour le chauffage. Toutefois, les programmes de financement gouvernementaux sont essentiels si nous voulons que ces projets soient couronnés de succès et qu'ils puissent constituer une vitrine et ainsi participer au sain développement de la filière.
Les programmes fédéraux en place actuellement pour soutenir cette conversion devraient être maintenus, et ils pourraient être élargis et bonifiés afin d'accélérer les conversions et aider la relance économique.
De plus, Environnement et Changement climatique Canada prépare actuellement une réglementation sur les carburants propres. Le ministère publiera des normes sur les produits liquides prochainement, puis sur les produits gazeux et solides plus tard. La norme prévoit l'attribution de crédits pour le remplacement des produits liquides par un autre produit liquide ou gazeux ayant une plus faible empreinte carbone.
Il s'agira le plus souvent d'un produit issu de la biomasse, mais dont la conversion entraîne des pertes importantes en matière de rendement. Comme l'utilisation actuelle de la biomasse sous forme solide se fait souvent par le déplacement d'un combustible liquide, tel le mazout, ou gazeux, tel le gaz propane, sans perte notable sur le plan du rendement thermique, nous croyons que de tels déplacements devraient aussi être considérés pour l'admissibilité à des crédits. Cela permettrait de soutenir le développement de ce marché au Canada, tout en réduisant les GES.
Actuellement, il est prévu qu'on pourra générer des crédits pour la production de gaz naturel renouvelable en remplacement des produits pétroliers liquides, malgré les pertes de rendement thermique, mais pas pour le remplacement du mazout par de la biomasse solide. Pour promouvoir la filière de la biomasse ainsi que l'industrie forestière au Canada, le Comité permanent des ressources naturelles devrait recommander que la réglementation proposée concernant les normes sur les combustibles liquides permette de générer des crédits pour le déplacement de tout combustible fossile par la biomasse. La réglementation à venir sur les combustibles solides devrait en faire autant.
Je vous remercie de votre attention, monsieur le président et membres du Comité. Mon collègue et moi répondrons avec plaisir à vos questions.
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Bonjour, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître comme témoin.
Je suis Werner Kurz. Je suis chercheur principal au Service canadien des forêts à Victoria. Je dirige l'équipe qui administre les inventaires de gaz à effet de serre et les projections pour le secteur forestier du Canada.
Aujourd'hui, je veux vous parler de la question de savoir si le rétablissement du secteur forestier et les objectifs en matière d'atténuation des changements climatiques peuvent être harmonisés. J'ai distribué ma déclaration au Comité.
Pour maintenir l'augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2 °C, il faut atteindre des émissions négatives nettes au cours de ce siècle. Ces émissions négatives ne peuvent être obtenues qu'en réduisant simultanément les émissions de combustibles fossiles et en augmentant les puits de carbone des forêts.
Actuellement, à l'échelle mondiale, les forêts éliminent environ 30 % des émissions causées par l'homme. Il est donc important que, lorsque nous calculons et estimons les mesures d'atténuation, il s'agisse d'activités supplémentaires par rapport aux puits existants. Malheureusement, comme nous l'avons vu récemment dans le monde entier, les puits forestiers sont également menacés par les changements climatiques, ce qui provoque des rejets importants et rapides dus aux feux de forêt. Par conséquent, l'élaboration de stratégies d'atténuation efficaces sur le plan climatique nécessite une évaluation scientifique des options disponibles.
À la diapositive 3, nous avons la chance d'avoir au Canada un système de surveillance, de comptabilisation et de production de rapports concernant le carbone des forêts et une série de modèles. Nous avons commencé à élaborer ce modèle du bilan du carbone en 1989, et la troisième version est maintenant utilisée dans le monde entier pour des types d'analyses semblables. Nous utilisons ces outils pour rendre des comptes sur la dynamique passée du carbone, comme le prévoit la législation pour les rapports sur l'état des forêts et les rapports internationaux. Nous projetons également la dynamique future du carbone, nous élaborons des stratégies d'atténuation des changements climatiques et d'adaptation aux changements climatiques, et nous jetons les bases scientifiques de diverses initiatives sur le carbone forestier.
À la diapositive 4, je vous montre une image de 1 million de mètres cubes de bois. Cela contient l'équivalent d'environ 1 million de tonnes de CO2. En Colombie-Britannique, nous récoltons environ 67 fois cette quantité. Ce bois contient à peu près la même quantité de CO2 que les émissions de tous les autres secteurs en Colombie-Britannique. La façon dont nous utilisons ce bois est donc très importante.
À la diapositive 5, ce dont nous avons appris dans nos analyses au cours des dernières années, c'est qu'il y a deux indicateurs auxquels nous devons prêter une attention particulière. Il s'agit du temps de rétention du carbone. Autrement dit, c'est la durée pendant laquelle le carbone récolté est retenu dans le produit, et le facteur de déplacement ou les avantages de substitution, soit la quantité d'émissions évitées que nous obtenons en utilisant un produit du bois.
La bioénergie présente un vaste éventail de facteurs de déplacement. Les plus élevés sont atteints si nous remplaçons les génératrices au diesel dans les collectivités du Nord, mais toutes les utilisations de la bioénergie ont un temps de rétention du carbone très court, libérant le carbone dans l'atmosphère qui a été retiré par la croissance des arbres.
Ce que nous avons constamment démontré au Canada et dans le monde entier, c'est que les avantages les plus importants en matière d'atténuation sont obtenus si le bois est utilisé dans des produits de construction structuraux à longue durée de vie, qui retiennent souvent le carbone pendant des décennies ou des siècles.
À la diapositive suivante, je vous montre des exemples d'immeubles qui ont été construits au Canada. Il ne s'agit pas seulement de tours comme le Brock Commons de 18 étages, mais aussi des ponts et d'autres infrastructures comme des patinoires de hockey et des musées.
La façon dont nous utilisons le bois récolté est importante. Je vais vous donner un exemple numérique, réalisé par mon étudiant en doctorat, Sheng Xie. Si nous devions hypothétiquement remplacer tout le bois récolté en Colombie-Britannique et l'utiliser pour produire des carburants liquides pour le transport, nous pourrions tout juste répondre à la demande annuelle de la Colombie-Britannique, qui est d'environ neuf milliards de litres par an.
Si, en revanche, nous utilisions, toujours hypothétiquement, tout le bois récolté en Colombie-Britannique pour produire des bâtiments en bois massif, nous pourrions construire environ 10 000 de ces édifices Brock Commons de 18 étages par an.
La grande différence, c'est que si nous utilisions le bois pour le bois massif, les émissions cumulées d'ici 2050 seraient inférieures de près de deux milliards de tonnes de CO2 avec l'approche relative au bois massif, car le carbone est retenu dans le bois et les émissions des autres produits sont réduites. Il en va de même, bien sûr, pour les émissions de combustibles fossiles, mais nous rejetons tout le carbone du bois récolté dans l'atmosphère.
Bien entendu, tout le bois récolté ne peut pas finir en bois massif, et la Colombie-Britannique ne construit pas 10 000 bâtiments Brock Commons par an, mais c'est pour montrer que la façon dont nous utilisons le bois est importante.
Il y a un problème avec les changements climatiques et les répercussions des feux de forêt sur la rétention du carbone. En Colombie-Britannique, les feux de forêt de 2017 et de 2018 ont produit 200 millions de tonnes d'émissions de CO2 par année.
C'est environ trois fois les émissions générées par tous les autres secteurs de la Colombie-Britannique par année. Nous avons, par conséquent, récemment entamé un nouveau projet de recherche financé par le Pacific Institute for Climate Solutions, dans le cadre duquel nous pouvons aborder les façons dont nous pouvons réduire les futures émissions générées par les feux de forêt et renforcer en même temps la bioéconomie forestière de la Colombie-Britannique, par exemple, en utilisant les résidus de bois issus du traitement des combustibles dans diverses applications.
En conclusion, pour maintenir l'augmentation de la température en dessous de 2°C, il faut des émissions nettes négatives avant 2100, et si cela peut sembler lointain, ce sera du vivant des enfants nés de nos jours. Cela nécessite des réductions draconiennes dans tous les secteurs, mais ce n'est pas réalisable sans augmenter aussi considérablement les puits de carbone forestiers. Ils sont malheureusement menacés par les changements climatiques, et nous devons prendre en considération l'interaction entre les décisions en matière de gestion forestière et les risques de feux de forêt.
Il existe des stratégies d'atténuation efficaces pour le climat dans le secteur forestier et elles doivent être fondées sur des évaluations scientifiques solides des émissions de gaz à effet de serre que le secteur produit. Le rétablissement du secteur forestier peut être harmonisé avec les objectifs en matière d'atténuation des changements climatiques, et plus particulièrement l'utilisation accrue des produits du bois de longue durée.
Merci beaucoup.
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Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité.
Je vais d'abord nous présenter. La Coopérative forestière de Petit Paris est une organisation — bien québécoise et non parisienne — qui existe depuis 50 ans. Nous sommes situés à Saint-Ludger-de-Milot, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, précisément dans la belle région du Lac-Saint-Jean. Notre organisation est une coopérative forestière de travailleurs, c'est-à-dire que l'ensemble des travailleurs de la Coopérative sont propriétaires de l'entreprise. Pour une entreprise comme la nôtre, qui fait partie des petites ou moyennes entreprises, ou PME, et qui n'est donc pas une multinationale, le secteur forestier est très important. Il l'est aussi pour les gens qui habitent notre belle région.
Environ 300 travailleurs sont engagés dans les activités de la Coopérative. Nous réalisons l'ensemble des travaux qui se font dans le secteur forestier. Nous possédons aussi une usine de sciage, qui est une PME. Il s'agit de l'une des plus importantes scieries indépendantes au Québec. Nous y transformons du bois d'œuvre résineux.
Je vais vous parler de deux éléments en particulier, soit le contexte actuel et l'importance de la relance du secteur forestier.
Il faut comprendre que le contexte actuel fait en sorte que la situation de notre industrie n'est pas nécessairement facile. Je dirais même qu'à certains égards, elle deviendra précaire si l'on ne s'occupe pas de l'avenir de l'industrie. Ensuite, il faut considérer le fait que la relance du secteur forestier est fondamentale en ce qui a trait aux changements climatiques et au développement régional.
Actuellement, notre industrie se situe dans le marché du bois d'œuvre, un marché qui est très instable. Les deux ou trois dernières années ont été assez catastrophiques pour nos entreprises. Celles qui ne s'étaient pas modernisées avant ces périodes de bas de cycle que nous connaissons depuis quelques années ont évidemment beaucoup de difficultés à traverser ces épreuves.
En raison de la pandémie, nous avons eu un petit regain d'énergie, qui a provoqué une hausse des prix du bois d'œuvre, mais cela demeure éphémère. Nous ne savons pas ce qui nous pend au bout du nez. Notre marché couvrant le nord-est de l'Amérique, nous sommes donc vraiment tributaires de ce qui se passe aux États-Unis. Au cours des derniers mois, nous avons pu reprendre notre souffle, mais nous sommes très inquiets pour l'avenir quant aux conséquences sur les marchés.
Il faut par ailleurs considérer l'importance de la relance du secteur forestier, qui est fondamentale en ce qui concerne les changements climatiques et le développement régional. Il y a un déséquilibre en matière de développement durable. Comme vous le savez, une forte pression environnementale s'exerce sur nos activités.
Il est vraiment important de conserver cet équilibre environnemental. Au Québec, notamment, la pression est très forte pour ce qui est d'augmenter la superficie des aires protégées par différents moyens. Nous voulons évidemment atteindre les objectifs que le gouvernement s'est fixés, mais des pressions à toutes sortes d'égards sont exercées relativement au dossier du caribou forestier et de celui des espèces menacées, entre autres, ce qui fait en sorte de faire diminuer les interventions en forêt. Ainsi, depuis une dizaine d'années, le nombre de mètres cubes de bois récolté a diminué d'au moins 10 millions de mètres cubes annuellement.
Pour ce qui est du cadre réglementaire, je dois dire qu'il n'est pas nécessairement bien adapté à notre réalité. Le régime forestier québécois est très restrictif, ce qui nous enlève beaucoup d'agilité quand il s'agit de contrôler nos prix. Lorsque je vous parlais des marchés un peu plus tôt, je parlais en quelque sorte des revenus. Sur le plan de l'exploitation, nous devons à la fois être capables d'être très performants et de maîtriser nos frais d'exploitation. Le cadre réglementaire actuel est très difficile. Nous avons d'ailleurs demandé que le régime forestier fasse l'objet de révisions, car ce régime n'est pas à la hauteur de nos attentes.
Enfin, le soutien financier doit être adéquat, c'est-à-dire que nous avons besoin de programmes solides pour soutenir notre industrie. À titre d'exemple, pour contribuer au développement des secteurs, le gouvernement fédéral a mis en place un programme dont 80 % des fonds ont été attribués à la Colombie-Britannique, alors qu'au Québec, 30 % des emplois sont liés au secteur forestier.
C'est important de garantir l'équité dans ce secteur, et nous avons réellement besoin du soutien du gouvernement si nous voulons bien jouer notre rôle dans l'industrie.
Je vous ai parlé du contexte actuel jusqu'à présent. Si nous nous tournons vers l'avenir, il sera nécessaire de revoir certaines stratégies pour assurer la pérennité du secteur forestier. Je souligne deux points importants: il faut atténuer les changements climatiques et favoriser l'adaptation du territoire.
Le secteur forestier est un incontournable pour combattre les changements climatiques.
Premièrement, le phénomène de séquestration du carbone a son importance. Le fait de couper des tiges matures, qui ne séquestrent plus de carbone, et de les remplacer par de jeunes tiges permet le captage du carbone.
Deuxièmement, il faut favoriser l'utilisation du bois dans tous les édifices ainsi que dans les produits de consommation. Si nous utilisons davantage cette matière renouvelable, qui a peu d'incidence sur l'environnement, nous serons capables d'être carboneutres.
Troisièmement, il faut favoriser l'innovation, par exemple en matière de matériaux, comme le bois d'oeuvre, devenir beaucoup plus performants et plus compétitifs, et offrir une valeur ajoutée par de nouveaux produits et de nouveaux marchés.
Enfin, il faut mieux adapter la réglementation et assurer un réel développement durable. Il faut assurer un équilibre entre les secteurs économique, social et environnemental. On travaille fort pour justement garder cet équilibre, mais, actuellement, les préoccupations quant à l'environnement l'emportent sur celles touchant l'économie.
Pour ce qui est de favoriser l'adaptation du territoire, la relance de notre secteur est primordiale pour assurer le développement régional. Près de 250 municipalités dépendent de l'industrie forestière au Québec. Il faut travailler à préserver cela, autrement, il ne sera pas possible d'attirer et de retenir la main-d'œuvre. Il y a un manque de main-d'œuvre actuellement dans les régions. Pour éviter que cela se poursuive, il faut inverser la tendance, sinon tout le monde va converger vers les grands centres. Or, je ne suis pas sûr que cela va aider le développement régional.
ll ne faut surtout pas oublier que notre secteur d'activité est un élément incontournable si nous voulons être capables de lutter contre les changements climatiques. Il faut valoriser notre secteur.
J'aimerais vous poser une dernière question. Je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps.
Je suis moi aussi de la Colombie-Britannique et je vois beaucoup de forêts. Je constate qu'avant, il y avait beaucoup d'arbres rouges, qui étaient morts à cause du dendroctone du pin ponderosa. Aujourd'hui, on voit beaucoup d'arbres jaunes, qui sont morts à cause du dendroctone de l’épinette. Je me demande comment on peut gérer ce problème.
Ce que vous venez de dire me préoccupe aussi: il faut veiller à ce que le bois sain qui pourrait être utilisé de nombreuses façons productives ne se retrouve pas dans l'atmosphère. Comment peut-on gérer ces forêts?
Je sais que nos collègues des États-Unis — je connaissais le secrétaire de l'intérieur Ryan Zinke — géraient leurs forêts pour réduire les feux de forêt.
J'aimerais faire un dernier commentaire. Quelles sont les mesures prises à cet égard? Je pourrais peut-être poser la question d'une autre façon: pouvez-vous me donner un chiffre simple pour illustrer la contribution des feux de forêt à la quantité totale de mégatonnes de carbone produite chaque année au Canada?
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Oui. Le problème, c'est qu'il est très coûteux de mesurer des parcelles de terre dans l'ensemble du pays. Pour faire l'estimation d'une zone entière, nous devons associer les mesures sur le terrain à la télédétection à partir d'un aéronef ou de satellites, et aussi utiliser des modèles informatiques qui nous aident à suivre les millions de renseignements dont nous avons besoin pour produire une estimation.
Mais en principe, pour chaque hectare de forêt gérée au Canada, nous procédons à l'estimation de l'âge, des espèces, du taux de croissance et des éléments qui ont une incidence sur cette capacité, que ce soit le dendroctone de l’épinette, le dendroctone du pin ponderosa, les feux irréprimés, l'éclaircissage ou la récolte. Nous suivons également le taux de régénération. Ainsi, nous pouvons faire rapport de notre bilan et le ventiler par secteur.
Il faut tenir compte d'un autre élément important: les produits ligneux récoltés des forêts servent à un large éventail de fins. Nous avons aussi des modèles qui effectuent le suivi du stockage du carbone dans les produits ligneux récoltés, qu'il s'agisse des immeubles ou de la bioénergie, et nous suivons les avantages associés à la substitution, non pas à des fins de rapport, mais plutôt dans le but de mesurer les nouvelles stratégies d'atténuation.
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Je vous remercie, monsieur le président.
C'était intéressant de voir, dans les présentations de nos témoins, la différence que peut faire la mise en valeur des résidus forestiers, particulièrement au Québec, compte tenu de l'exploitation du gaz naturel dans l'Ouest du Canada. Les gains économiques et environnementaux qu'on pourrait réaliser ont été chiffrés. Je trouverais intéressant de pouvoir creuser davantage ce domaine.
Ma question s'adresse à Mme Rancourt, de Vision Biomasse Québec.
Madame Rancourt, vous dites que la biomasse pourrait se substituer annuellement à 400 millions de litres de combustible fossile et ainsi éviter l'émission de 1 million de tonnes métriques en équivalent CO2 par année.
Quels secteurs pourraient bénéficier d'une transition vers l'usage de la biomasse, et de quelle manière une mise en valeur de la biomasse forestière pourrait-elle contribuer à l'effort environnemental du Canada de même qu'à l'atteinte de nos cibles environnementales?
Effectivement, comme l'a mentionné M. Kurz et comme nous l'avons également mentionné dans notre analyse, une tonne de biomasse qui remplace un combustible fossile permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'environ une tonne.
Si vous voulez comparer avec le gaz naturel, on obtient à peu près la même quantité d'énergie à partir d'un mètre cube de gaz naturel qu'à partir d'un litre d'huile. En fait, les chiffres que nous avons présentés pourraient être transposés dans le cas du gaz naturel de façon identique.
Si l'on prévoyait déplacer 400 millions de litres de mazout, on pourrait effectivement déplacer 400 millions de mètres cubes de gaz naturel. Sauf qu'en réalité, sur les plans économique et régional, il n'y a pas de gaz naturel qui pénètre le marché du chauffage au Québec.
Nous visons donc l'option du déplacement de mazout. Cela est également vrai dans le reste du Canada. Dans les provinces de l'Atlantique et dans le Nord de l'Ontario, une grosse consommation de mazout pourrait être déplacée, avec les mêmes avantages.
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Le gouvernement fédéral a créé des programmes pancanadiens pour développer la biomasse dans les régions éloignées. Cela fait déjà quatre ou cinq ans que ces programmes ont été mis en œuvre, mais ils ont un succès mitigé. Il y a eu quelques projets qui ont été devancés. D'ailleurs, il y a eu dernièrement un reportage où l'on présentait une dizaine de projets qui sont menés d'un bout à l'autre du Canada.
Il y aurait lieu de bonifier ces programmes et d'en accroître les répercussions, particulièrement dans les régions éloignées. Cependant, ils pourraient aussi s'appliquer à des régions qui ne sont pas éloignées. Je comprends que le gouvernement fédéral a des intérêts à développer les communautés autochtones et les régions très éloignées, mais il y a d'autres régions du Canada qui pourraient également en bénéficier. Je vous ai parlé des Maritimes, où il y a un fort pourcentage d'utilisation du mazout. Au Québec, on brûle encore, bon an mal an, près d'un milliard de litres d'huile de chauffage; c'est certain que ce n'est pas juste dans les régions éloignées que cela se fait.
Il y aurait probablement lieu de bonifier les programmes en place qui aident les initiatives de conversion des systèmes de chauffage à l'usage de la biomasse. Cette conversion est le principal obstacle à l'utilisation de la biomasse, car elle représente un coût d'investissement relativement important. Nous avons donc besoin d'aide pour convertir les systèmes de chauffage existants à l'usage de la biomasse.
Si l'on vise la réduction de gaz à effet de serre de 35 %, 40 %, 50 %, voire 100 % d'ici 2050, il faut commencer maintenant à changer les systèmes de chauffage, qui ont une durée de vie de 25 à 30 ans. Il faut immédiatement commencer à remplacer ces systèmes par d'autres qui n'utilisent pas l'énergie fossile.
Pour terminer mon tour de questions, je m'adresse toujours à vous, monsieur Arsenault, de Vision Biomasse Québec.
Selon les données fournies dans le rapport intitulé « Un cadre de la bioéconomie forestière pour le Canada », publié en 2017 par le Conseil canadien des ministres des forêts, le Canada possède la plus importante quantité de biomasse par habitant au monde et 6,5 % du potentiel bioénergétique mondial.
À votre avis, quelles sont les perspectives d'emploi dans le secteur de la bioéconomie forestière au Canada, et quelles mesures particulières le gouvernement fédéral pourrait-il mettre en place pour encourager le développement de nouveaux produits de la biomasse forestière et faciliter la commercialisation des produits, nouveaux et existants?
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Je vous remercie pour votre question, monsieur Cannings.
Le problème, c'est que comme pour tous les systèmes écologiques, cela dépend. Lorsque nous gérons et nous récoltons le bois qui avait déjà été tué par le dendroctone du pin ponderosa, le dendroctone de l’épinette, les feux irréprimés, la sécheresse ou d'autres catastrophes, les conséquences sur le bois et sur le bilan du carbone ne sont pas les mêmes que lorsque nous récoltons des forêts en croissance active ou des forêts âgées.
La Scandinavie dispose de bien meilleures données que nous à ce sujet. Le Canada entretient un débat continu à savoir si la coupe sélective est une approche supérieure à celle de la coupe à blanc. Elles présentent toutes deux des avantages et des inconvénients. Je dirais que le jury n'a toujours pas tranché la question. Par exemple, en Colombie-Britannique et dans d'autres régions du Canada, certaines maladies racinaires, le gui parasitaire et d'autres problèmes avec les peuplements perdurent en raison des systèmes de coupe partielle. Il faut aussi tenir compte de cela.
La façon de traiter le site est aussi importante. Si nous procédons au brûlage après la récolte, par exemple, ce qui est souvent fait à titre de stratégie de réduction des combustibles et de protection contre les incendies... mais encore une fois, en Colombie-Britannique, ces stratégies donnent lieu à quelque cinq millions de tonnes d'émissions de CO2 par année, et ces émissions sont clairement évitables par le recours à d'autres solutions plus efficaces pour la biomasse.
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Oui, je pense que mes collègues de Colombie-Britannique et mon équipe collaborent actuellement à l'élaboration de diverses approches visant à maximiser non seulement la valeur, mais aussi les avantages en matière d'emploi et d'atténuation du changement climatique des autres utilisations possibles du bois et de la biomasse.
Si nous récoltons des arbres verts pour les transformer en granules, c'est une mauvaise idée non seulement sur le plan économique, mais aussi du point de vue des émissions de gaz à effet de serre.
Si, en revanche, nous utilisons du bois qui se trouve, à juste titre, dans une pile de rémanents et que nous le transformons en granules — parce que ce bois aurait été brûlé de toute façon —, nous devons reconnaître qu'en utilisant l'énergie contenue dans les granules au lieu de la libérer dans l'atmosphère, nous avons la possibilité d'atténuer le changement climatique.
Toutefois, l'endroit où nous utilisons les granules a également son importance. Si nous les expédions en Europe, nous sommes responsables des émissions, et les Européens bénéficient des avantages de l'utilisation des granules. Si, au contraire, nous sommes en mesure d'utiliser les granules, les biocarburants ou le gaz renouvelable au Canada, afin d'atteindre nos propres objectifs en matière d'émissions de gaz à effet de serre, nous obtiendrons de meilleurs résultats.
Permettez-moi de vous rappeler, cependant, que l'utilisation de la biomasse pour la bioénergie est, en général, le débouché le moins valorisant. Nous devons examiner plus à fond la possibilité d'innover à l'aide d'un grand nombre de produits du bois de longue durée et de bioproduits novateurs. L'utilisation du bois comme combustible ou comme source de chaleur apporte de faibles avantages du point de vue de la valeur et de l'atténuation.
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Je vous remercie de m’avoir invité à participer à la séance.
La façon dont cela fonctionne, c’est que nous utilisons de la pâte de bois et des résidus forestiers. Nous avons recours à deux processus différents. L’un d’eux est un prétraitement chimique ou un prétraitement de laminage, selon l’application. Ce prétraitement nous permet de réduire la quantité d’énergie dont nous avons besoin pour produire des nanofibres à partir de la pâte de bois. Habituellement, il s’agit d’un processus énergivore en raison du prétraitement utilisé.
La deuxième chose, c’est qu’une fois que vous avez ces fibres, la partie la plus difficile de la technologie que nous avons développée consiste à savoir comment disperser ces très petites nanofibres, comme les polyamides recyclés, dans la matière plastique recyclée qui provient de certaines des sources d’élimination. Les polyamides sont des polymères résistant aux températures élevées qui sont conçus pour l’industrie automobile. Normalement, les matériaux de ce genre, comme la biofibre, ont tendance à brûler. Cependant, grâce à notre processus de prétraitement, nous avons constaté une amélioration extraordinaire de la propriété de résistance à la chaleur de ces nanofibres. De plus, le processus de défibrage de notre institut est un processus fondé sur les surplus d’énergie, ce qui permet de disperser le produit très uniformément dans un seul état et de rendre le produit très performant, comparativement aux fibres de verre.
C’est ainsi que ce matériau est fabriqué, et ces composés sont désormais utilisables pour des applications telles que les batteries, les boîtiers de batterie et les blocs de batterie des véhicules électriques.
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Absolument. Il y a trois aspects à prendre en considération.
La première, c'est que l'industrie automobile utilise principalement des métaux, et dans la plupart des cas, il s'agit de composites à très haute densité. En utilisant ces nanofibres, nous pouvons réduire le poids des pièces d'environ 50 %. Cela permet de retirer environ 10 tonnes de pièces de véhicules [Inaudible] pendant toute leur durée de vie. Si vous tenez compte de 50 000 véhicules pour une seule fois, cela représente environ 50 fois cinq tonnes métriques, ce qui ne peut donner qu'une seule pièce. Nous prévoyons un remplacement d'environ 20 % au cours des sept à huit prochaines années, ce qui aurait une incidence considérable sur l'industrie du transport.
Deuxièmement, parce que notre produit remplace la fibre de verre et le plastique, il y a une réduction supplémentaire des gaz à effet de serre provenant de ces industries particulières.
Le troisième élément important est le stockage des biofibres dans la voiture et le fait qu'elles sont recyclables. Le produit a donc aussi une valeur en matière de stockage du carbone.
Voilà les trois avantages que nous pouvons en retirer.
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Je vais recommencer à interroger M. Kurz.
Je vous remercie encore d'avoir souligné la valeur des produits du bois de longue durée, comme le bois d'ingénierie et la construction en bois massif. Au cours de la dernière législature, j'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire. Il est maintenant au Sénat, mais il reviendra à la Chambre. Il fait la promotion de l'utilisation du bois et, en particulier, de la construction en bois massif, en soulignant simplement les avantages de la séquestration des gaz à effet de serre que vous avez mentionnés.
Chaque fois que je fais la promotion de ce projet de loi, en ligne ou ailleurs, mes collègues du secteur du ciment protestent, en soutenant que le ciment est meilleur que le bois parce qu'il a une durée de vie plus longue. De plus, ils affirment que l'industrie forestière ne prend pas en compte toutes les émissions négatives, allant de la récolte à l'analyse du cycle de vie. Je me demandais comment vous alliez répondre à cette critique. Votre modèle prend-il en compte le cycle de vie de l'industrie, l'ensemble des émissions liées à la récolte du bois et la durée de vie de ce bois, et comment cela se compare-t-il au ciment?
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Merci pour votre question.
Je connais très bien l’étude à laquelle vous faites référence. Elle comprend en effet un certain nombre d’hypothèses erronées et d’autres inexactitudes.
Notre modèle assure le suivi du carbone et des répercussions de la récolte, ce qui comprend les répercussions sur les réservoirs de carbone de la matière organique morte dans la litière, le tapis forestier et le sol, de même que dans tous les produits de bois récolté. Il y a des limites à la résolution spatiale du type de modèles que nous utilisons à l’échelle du pays. Actuellement, nous travaillons là-dessus, afin d’obtenir une résolution spatiale beaucoup plus grande et des approches fondées sur des données spatiales beaucoup plus précises. La préoccupation spécifiquement exprimée par l’industrie porte sur la régénération inadéquate des chemins de récolte de bois et des jetées, et elle en a montré des exemples. C’est manifestement un aspect auquel nous devons remédier, mais nous avons également effectué une analyse des répercussions potentielles, et elles sont beaucoup plus faibles que ce qui est proposé dans le rapport.
Il n’en demeure pas moins évident que l’industrie du ciment déploiera également des efforts pour améliorer son empreinte carbone. Les avantages de la substitution et les facteurs de déplacement que nous utilisons dans nos modèles doivent s’améliorer au fil du temps puisque les autres secteurs deviendront aussi plus compétitifs vu la progression générale vers des stratégies de réduction des gaz à effet de serre plus compétitives. Ces domaines font l’objet de recherches soutenues, mais il est inexact de déclarer que nous ne tenons pas compte de ces différents enjeux.
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Oui. J’ai utilisé ce chiffre strictement dans le contexte de cette diapositive pour faire ressortir les répercussions des incendies de 2017 et 2018.
Notre système, que j’ai décrit plus tôt, calcule les émissions des incendies de forêt depuis 1990 sur une base annuelle pour toutes les forêts aménagées, et les données sont ventilées en fonction des régions du pays.
Le Service canadien des forêts fournit aussi une estimation de la superficie incendiée dans le Nord, pour laquelle nous n’avons pas de bonne estimation des émissions, mais nous travaillons là-dessus. Nous avons aussi des estimations de la superficie incendiée qui remontent aux années 1950. Toutefois, plus on remonte dans le temps, moins les données sont fiables. Évidemment, il n’y avait pas de satellite à l’époque.
Globalement, je vous dirais que, oui, nous avons les outils et la technologie nécessaires pour fournir des estimations, et nous les rapportons chaque année dans la littérature scientifique, dans l’inventaire des gaz à effet de serre et dans le rapport L’état des forêts du Canada, qui sont tous accessibles en ligne.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous nos invités.
Je dois dire que c’est probablement l’un des groupes de témoins les plus intéressants que nous ayons accueillis depuis le début des travaux sur la foresterie, puisqu’il est question d’innovation et de fabuleuses recherches et mises à l’essai qui ont cours dans le secteur industriel canadien. Je souhaite tout particulièrement remercier M. Kurz pour sa présentation et pour les travaux qu’il effectue à titre de chercheur au sein de Ressources naturelles Canada. Je crois que beaucoup d’entre nous, enfin c’est à tout le moins mon cas, entendent une grande partie de ces renseignements pour la première fois, et j’en suis enthousiasmée.
Les entreprises canadiennes du secteur forestier sont vraiment novatrices, pas seulement dans l’élaboration de nouveaux produits, mais aussi dans la conservation de l’environnement et toutes les autres mesures connexes.
Nous sommes un comité qui effectue une étude. Cette étude mènera à des recommandations à l’intention du gouvernement du Canada et des gouvernements à venir quant à la façon dont la foresterie devrait être gérée dans ce pays, pas seulement du point de vue de l’aménagement, mais aussi des programmes qui conviendraient le mieux à l’industrie, l’appuieraient et lui permettraient de poursuivre sa croissance et ses innovations.
Ce serait ma question ce matin: que jugez-vous être le plus utile dans les travaux que vous menez actuellement au Canada, partant de là, quelles recommandations feriez-vous au Comité?
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J’aimerais faire une remarque sur la dernière question.
Selon moi, il y a morcellement des efforts liés à la bioénergie et à certains produits à valeur ajoutée. Ensuite il y a le bois massif. Je crois que le bois massif va incontestablement jouer un rôle important dans notre relance économique. En même temps, si on procède à l’analyse du cycle de vie, on obtient le type d’atténuation des émissions de CO2 que l’on recherche.
Toutefois, le CO2 est partout. Donc, séquestrer le CO2 et l’utiliser d’une façon attrayante pour l’industrie forestière serait une technologie révolutionnaire.
J’aimerais suggérer que le gouvernement fasse la promotion d’un concept de bioraffinerie. Par exemple, le gouvernement pourrait envisager d’investir dans toute activité de production de granules ou de produits semblables afin qu’ils soient transformés localement, dans le Nord, partout où l’aménagement forestier est intensif ou encore où on trouve de la biomasse, puis comparer le résultat à une conversion complète du système où tout le CO2 est récupéré.
Si nous générons vraiment du CO2, nous devons le séquestrer, le purifier, puis le réutiliser sous forme de produit chimique ou de produit à valeur ajoutée. Je crois que, si des investissements sont faits en ce sens, les résultats seront très bons.
La deuxième chose, c’est un crédit carbone. Il est difficile pour l’industrie de faire concurrence aux industries phytochimique, chimique et des matières plastiques qui sont déjà établies. Donc, il lui faut un tremplin, peu importe lequel, pour commencer, puis générer des revenus et croître. Je crois que nous devons nous intéresser à une certaine forme de crédit. Un crédit carbone serait une bonne façon d’aborder la question.
Donnez l’occasion à l’innovation de faire ses preuves, sinon, ces innovations seront exportées et ne nous seront pas utiles. C’est ce que font la Finlande et le reste de la Scandinavie. Nous devons faire mieux. Nous devons le faire plus efficacement et de façon plus ciblée. C’est mon avis.
Merci.