AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 20 mars 2003
· | 1305 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. Wallace McKay (directeur général des élections, Conseil des premières nations de Windigo) |
· | 1310 |
· | 1315 |
· | 1320 |
· | 1325 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
M. Wallace McKay |
M. Maurice Vellacott |
M. Wallace McKay |
M. Maurice Vellacott |
M. Wallace McKay |
M. Maurice Vellacott |
M. Wallace McKay |
M. Maurice Vellacott |
M. Wallace McKay |
M. Maurice Vellacott |
· | 1330 |
M. Wallace McKay |
M. Maurice Vellacott |
M. Wallace McKay |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
· | 1335 |
M. Wallace McKay |
M. Pat Martin |
M. Wallace McKay |
M. Pat Martin |
· | 1340 |
M. Wallace McKay |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
M. Wallace McKay |
· | 1345 |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. Wallace McKay |
Le président |
M. Wallace McKay |
· | 1350 |
Le président |
Le chef Dean Cromarty (Première nation de Wunnumin Lake) |
M.Charley Bighead (Première nation de Wunnumin Lake) |
Le chef Dean Cromarty |
· | 1355 |
¸ | 1400 |
¸ | 1405 |
¸ | 1410 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Dean Cromarty |
Le chef Dean Cromarty |
¸ | 1415 |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Dean Cromarty |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Pat Martin |
Le chef Dean Cromarty |
M. Pat Martin |
Le chef Dean Cromarty |
M. Pat Martin |
Le chef Dean Cromarty |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le chef Dean Cromarty |
¸ | 1420 |
M. Charles Hubbard |
Le chef Dean Cromarty |
M. Charles Hubbard |
Le président |
Le chef Dean Cromarty |
Le président |
Le chef Dwight Sutherland (à titre individuel) |
¸ | 1425 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 20 mars 2003
[Enregistrement électronique]
· (1305)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte.
Nous allons reprendre les délibérations. Nous invitons Wallace McKay, directeur général des élections au Conseil des Premières nations de Windigo, à prendre la parole.
Bienvenue. Nous allons passer 45 minutes ensemble. Nous vous invitons d'abord à faire votre exposé, et ensuite nous poserons des questions, j'ose espérer.
M. Wallace McKay (directeur général des élections, Conseil des premières nations de Windigo): Merci, monsieur le président et autres membres du comité permanent. Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de faire un exposé au nom du Conseil des Premières nations de Windigo. Les questions soulevées par le projet de loi C-7 revêtent une importance capitale pour les Premières nations de Windigo et l'ensemble des Premières nations du Canada.
Je vais commencer par une brève description des Premières nations de Windigo. Ensuite, j'énoncerai notre position au sujet du projet d'autonomie gouvernementale des Premières nations.
Les Premières nations des régions suivantes forment le Conseil des Premières nations de Windigo: Sachigo Lake, Bearskin Lake, North Caribou Lake, Cat Lake, Slate Falls, Koocheching et Whitewater Lake. Les Premières nations de ces régions possèdent un gouvernement indépendant, mais elles ont choisi de collaborer par l'entremise du Conseil des Premières nations de Windigo en ce qui concerne certaines questions d'ordre administratif, technique et politique. Le mémoire que nous présentons au comité permanent est un exemple de cette coopération.
Les Premières nations de Windigo se trouvent dans le nord-ouest de l'Ontario. Elles habitent une région éloignée. Les collectivités sont accessibles uniquement par avion toute l'année. La seule façon de rejoindre les routes du sud est d'emprunter un réseau routier glacé qui est ouvert seulement deux mois par année, selon les conditions météorologiques.
La plupart des indicateurs économiques et sociaux des collectivités s'établissent en-dessous de la norme canadienne. Le chômage est très élevé, atteignant les 90 p. 100 dans certaines collectivités. Plusieurs des gouvernements des Premières nations vivent de grandes difficultés financières en raison d'un manque criant de financement et de soutien de la part du gouvernement fédéral. Étant donné l'accès impossible aux régions et aux ressources hors réserve, la possibilité pour les entreprises indépendantes de se développer est très mince.
Les terres traditionnelles hors réserve des Premières nations sont riches en ressources naturelles, particulièrement en minerais. Cependant, les politiques du Canada et de l'Ontario n'appuient pas la participation équitable des Premières nations à l'exploitation de ces ressources. Nous allons continuer de nous battre pour obtenir le droit de participer équitablement à la gestion et à l'exploitation de nos terres traditionnelles, conformément à l'esprit et à l'intention du traité.
Toutes les Premières nations de Windigo ont adhéré en 1929-1930 au traité no 9, le traité de la baie James, qui a été signé en 1905. Les collectivités ontariennes qui ont adhéré au traité no 9, notamment les Premières nations de Windigo, sont membres de l'organisme politique qui porte le nom de Nishnawbe Aski Nation. La version complète ou l'esprit et l'intention du traité peuvent être comprises seulement en parlant avec les aînés, dont certains ont vécu l'époque de la signature du traité. Dans la décision Delgamuukw, la Cour suprême du Canada a déterminé que le témoignage des aînés possède la même valeur sur le plan de la preuve que des documents historiques.
Je ne peux surévaluer l'importance du traité pour les membres et les gouvernements des Premières nations de Windigo. Le traité devrait avoir la même importance pour le Canada. Il s'agit du document sur lequel est fondée la relation entre les Premières nations et le Canada. En signant ce traité, les Premières nations ont accepté de partager les ressources d'une portion substantielle de l'Ontario. L'importance du traité est maintenant reconnue par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Les Premières nations de Windigo ont existé en tant qu'entités politiques pendant des milliers d'années avant que le Canada ne voit le jour. Ce sont des gouvernements traditionnels. Le Canada et la Grande-Bretagne ont conclu un traité avec ces gouvernements traditionnels. Le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale de ces Premières nations est maintenant reconnu à l'article 35 de la Loi constitutionnelle.
Les Premières nations de Windigo n'appuient pas la Loi sur les Indiens dans sa forme actuelle ni dans sa forme modifiée par le projet de loi C-7. En marge de cette loi restreinte sur les Indiens, nous voulons mettre en oeuvre complètement le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, tel qu'il est reconnu à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, conformément à l'esprit et à l'intention du traité no 9.
· (1310)
La position des Premières nations de Windigo au sujet du projet de loi C-7 est identique à celle de la vaste majorité des Premières nations du Canada, telle qu'elle a été exprimée par l'Assemblée des premières nations. Nous nous opposons catégoriquement au projet de loi C-7. Le projet d'autonomie gouvernementale des Premières nations ne peut être sauvé par des amendements, peu importe leur nombre, et nous ne sommes pas prêts à discuter d'amendements. Le projet de loi devrait être abandonné et les deux paliers de gouvernement, les Premières nations et le Canada, devraient entamer une discussion bilatérale ouverte fondée sur des documents de base comme le rapport Penner et le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Le projet de loi va à l'encontre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, tel qu'il est reconnu à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. En particulier, le projet de loi ne respecte pas la nature traditionnelle de la gouvernance au sein des Premières nations de Windigo fondée sur les traités. Il s'agit d'une attaque contre l'intégrité culturelle des Premières nations de Windigo. La violation du droit inhérent est tellement fondamentale qu'elle ne peut pas être dissimulée par des amendements de forme comme l'ajout de clauses de non-dérogation.
Le projet de loi constitue une insulte à la gouvernance traditionnelle fondée sur les traités. Il traite les Premières nations comme de simples municipalités fédérales auxquelles on peut donner des ordres au sujet des éléments les plus importants de la gouvernance locale. Directement et indirectement, le projet de loi indique aux Premières nations comment effectuer des élections et comment organiser l'administration et les finances locales. Le projet de loi nous dicte les sujets devant faire l'objet d'une loi et décrit un système d'inscription à l'échelle locale et nationale.
Rien n'est sacré, à ce qu'il paraît. L'article 11 du projet de loi exige qu'une Première nation adopte, en l'espace d'une période de deux ans, une loi établissant un mécanisme d'appels ou des mesures de redressement. Le concept de redressement administratif ne nous pose aucun problème. Des mesures de redressement existent déjà dans les collectivités sous la forme traditionnelle ou sous d'autres formes. Cependant, ce qui nous pose un problème, c'est lorsque le gouvernement du Canada exige des Premières nations qu'elles adoptent une loi selon une échéance donnée. Même la Loi sur les Indiens , dans sa forme la plus primitive, ne comportait pas de telles exigences. Cet article, comme le reste du projet de loi, traduit un mépris pour les Premières nations et leurs droits inhérents.
Le principe des codes et des règles par défaut dont fait état l'article 32 du projet de loi ne respecte pas la gouvernance traditionnelle des Premières nations de Windigo. Les Premières nations ont deux ans pour adopter certaines règles concernant les élections ainsi que l'administration et les finances locales. Si elles ne le font pas, des règles fédérales génériques, qui ne sont pas publiées pour l'instant, seront imposées. C'est l'approche du couteau sur la gorge. Ce n'est pas la façon dont les partenaires aux traités traitent les uns avec les autres. C'est un déshonneur à la Couronne aux droits du Canada.
Bref, nous croyons que le contenu du projet de loi est fondamentalement imparfait et inconstitutionnel, car il va à l'encontre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Si le projet de loi est adopté, il fera l'objet d'un long et pénible litige et empoisonnera les rapports bilatéraux pendant longtemps.
Outre le problème concernant le contenu, il existe un problème fondamental en ce qui concerne le processus. Selon le droit constitutionnel du Canada, lorsqu'un gouvernement estime qu'une mesure comme le projet de loi C-7 est susceptible de porter atteinte, ou portera atteinte avec certitude, aux droits des Premières nations, ce gouvernement a la très forte obligation de consulter les Premières nations concernées et d'envisager des solutions de rechange raisonnables. D'après les Premières nations de Windigo, le gouvernement du Canada a manqué à son devoir constitutionnel de consulter les Premières nations concernées lors de l'élaboration de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Nous appuyons la position de l'Assemblée des premières nations à ce sujet.
La Loi sur la gouvernance a vu le jour au début de 2001, après son adoption par le Cabinet. Les Premières nations n'ont aucunement participé à l'élaboration de la loi. C'est comme si l'affaire était dans le sac depuis le début. On a dit aux Premières nations de reporter indéfiniment leur programme concernant la mise en oeuvre du traité, l'accroissement des transferts fiscaux et l'accès aux ressources. Dès le début, le ministère des Affaires indiennes était déterminé à faire adopter le projet de loi avec ou sans l'appui des Premières nations. La consultation s'est limitée à passer au travers des motions. L'opposition des Premières nations au projet de loi a été dénigrée et banalisée, comme c'est le cas encore aujourd'hui.
· (1315)
Le processus a été gâché par les tactiques brutales du ministère des Affaires indiennes, notamment le refus du ministre actuel de rencontrer les assemblées nationales de Premières nations qui s'opposent au projet de loi. Comme dans les années 30, le ministère prétend qu'il sait ce qui va dans l'intérêt des Premières nations. Les critiques exprimées par des dirigeants de Premières nations ont été rejetées sous prétexte que ceux-ci ont été induits en erreur et mal informés. Il ne fait aucun doute que le ministère a dépensé des millions de dollars provenant des Premières nations pour tenter d'anéantir l'opposition des Premières nations au projet de loi. C'est un affront fait aux Premières nations et un abus de fonds publics.
Si le projet de loi est adopté, nous croyons que les tribunaux canadiens le rejetteront étant donné que le gouvernement fédéral aura manqué à son devoir constitutionnel de consulter les Premières nations en toute bonne foi.
Les systèmes de sélection des dirigeants selon la coutume sont reconnus dans l'actuelle Loi sur les Indiens, qui n'y touche presque pas. Il s'agit d'un rare exemple de respect du droit inhérent dans le paysage par ailleurs hostile de la Loi sur les Indiens. Le choix des dirigeants selon la coutume est répandu dans le territoire du Windigo et dans la région en général. Il s'agit d'un lien important et précieux à la gouvernance et à la culture traditionnelle fondées sur les traités.
Ce qui n'est pas étonnant, c'est que le projet de loi C-7 s'immisce par tous les moyens dans la méthode du choix des dirigeants selon la coutume. Il mine la reconnaissance modeste du gouvernement traditionnel qui existe dans l'actuelle Loi sur les Indiens. Les paragraphes 5(2), (3), (4) et (5) du projet de loi ne respectent pas la forme et le contenu des systèmes de sélection des dirigeants selon la méthode traditionnelle. Des règles fondées sur la coutume doivent être établies par écrit en l'espace de deux ans, sans égard à la tradition orale qui existe depuis un millénaire. Les règles fondées sur la coutume doivent être modifiées par l'ajout de dispositions concernant les appels. Si des systèmes fondés sur la coutume ne sont pas confirmés, les règles détaillées et non fondées sur la tradition du paragraphe 5 (1) doivent être adoptées.
La volonté de ramener la coutume et les façons de faire traditionnelles à un code écrit va à l'encontre de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Delgamuukw, qui précisait, entre autres, que la tradition orale et les documents écrits sont de poids et de valeur égales. Le gouvernement fédéral devrait honorer les décisions de sa propre Cour suprême—et non pas aller à l'encontre de celles-ci. Il s'agit d'une intrusion massive dans les systèmes de sélection des dirigeants selon la coutume, qui ont été élaborés quelques milliers d'années avant que le Canada ne soit créé.
Les dispositions violent le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Elles constituent un affront à la gouvernance fondée sur les traités. Elles constituent une attaque contre la culture et les traditions des Premières nations.
Pour ce qui est de l'obligation de rendre compte, les Premières nations de Windigo, pour des raisons de tradition et de croyances, mettent quotidiennement en pratique les éléments fondamentaux de la reddition de comptes. Le gouvernement des Premières nations de Windigo est purement un gouvernement municipal. Des élections et des réunions communautaires sont fréquemment tenues. Les aînés et d'autres membres respectés de la collectivité peuvent demander des comptes au gouvernement local en tout temps. Les chefs et les conseillers habitent dans de petites collectivités, où on peut les joindre 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Nous croyons qu'aucune forme de gouvernement au Canada est plus responsable.
Les problèmes financiers qu'éprouvent de nombreuses Premières nations, particulièrement celles qui se trouvent dans le Nord, ont en général peu ou rien à voir avec une mauvaise reddition des comptes et une gestion financière malsaine. Le problème est causé par le manque de financement de la part du gouvernement du Canada. Les transferts fiscaux aux Premières nations ont été systématiquement réduits depuis 1995. La situation a atteint le point de rupture.
Dans le rapport qu'elle a publié en décembre 2002, la vérificatrice générale conclut que les Premières nations sont accablées par des exigences en matière de production de rapports qui se chevauchent et qui fournissent plus souvent qu'autrement des renseignements inutiles.
L'approche du projet de loi axée sur la paperasserie rate l'objectif. Les Premières nations ont besoin de transferts dont les montants sont plus réalistes et d'un accès conféré par traité aux ressources naturelles hors réserve, et non pas de la microgestion de la Loi sur les Indiens. Les dispositions du projet de loi concernant la responsabilité financière sont contraires au droit inhérent et à la culture traditionnelle.
L'article 7 exige qu'une Première nation adopte un code de gestion financière détaillé en l'espace de deux ans, sinon des règles fédérales génériques s'appliqueront en vertu de l'article 32.
Les articles 8 à 10 sont encore pires. Ils ne laissent même pas aux Premières nations adopter des codes propres à elles. Ils établissent la loi. L'article 10 est épouvantable. Il s'agit de la pire disposition dans le contexte de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. En vertu de cet article, le ministre des Affaires indiennes peut enquêter sur les finances d'une Première nation sans raison et ensuite imposer des solutions non définies s'il trouve un problème, et ce, sans application régulière de la loi.
· (1320)
Il s'agit d'un nouveau pouvoir total et égoïste qui réussit remarquablement à faire bien paraître l'actuelle Loi sur les Indiens. C'est le type de pouvoir discrétionnaire conféré au ministre qui a contribué à tant d'abus et d'injustice par le passé. Les dispositions constituent de l'ingérence dans la gouvernance locale, elles minent la culture traditionnelle et elles portent atteinte à la relation de nation à nation établie par le traité no 9.
Quant à la capacité juridique, l'article 15 est le joyau du projet de loi C-7. Il prétend accorder la capacité juridique au gouvernement des Premières nations, mais il est fondé sur une hypothèse peu fiable selon laquelle cette capacité redonnera vie à l'économie des collectivités. Sur le plan purement technique, l'article n'apporte aucun changement.
Les tribunaux canadiens ont clairement expliqué que les gouvernements des bandes possèdent l'entière capacité juridique en vertu de la Loi sur les Indiens. Chaque année, le gouvernement du Canada conclut des milliers de contrats avec les Premières nations et entreprend presque autant de poursuites. Le problème fondamental concernant l'article 15, c'est qu'il laisse entendre que le gouvernement fédéral possède l'autorité en vertu de la Constitution d'accorder la capacité juridique aux Premières nations et de la définir. Que le gouvernement assume qu'il détient cette autorité va à l'encontre du droit inhérent dans sa forme la plus fondamentale. C'est une insulte.
Les Premières nations de Windigo sont devenues, au terme de la signature du traité no 9, des Premières nations souveraines et indépendantes. Les Canada n'a pas mis en doute la capacité juridique des Premières nations de Windigo de signer le traité, dont la nature est constitutionnelle et internationale. Cela s'est produit en 1905 et en 1906 ainsi qu'en 1929 et en 1930. Près de cent ans plus tard, comment le Canada peut-il laisser entendre qu'un amendement à la Loi sur les indiens est nécessaire afin de faire en sorte que les Premières nations de Windigo détiennent une capacité juridique de base?
L'article 15 diminue toutes les Premières nations. Il traite les Premières nations comme des municipalités fédérales, sans autorité inhérente. Comme le reste du projet de loi, il constitue une attaque contre la relation fondée sur les traités et la culture des Premières nations.
Je vous ai donné aujourd'hui une brève description des Premières nations de Windigo. Notre gouvernance et notre culture traditionnelles sont intimement liées à l'esprit et à l'intention du traité no 9. Notre partenaire au traité est la Couronne aux droits du Canada.
Les Premières nations de Windigo sont d'avis, à l'instar de la majorité des Premières nations du Canada, que le projet de loi C-7 est une farce. Je tiens à dire clairement que les Premières nations de Windigo s'opposent carrément au projet de loi. Cette mesure va à l'encontre des éléments les plus fondamentaux de nos gouvernements et de notre culture et constitue donc une violation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et à la relation fondée sur les traités. Cette violation ne peut être compensée par des amendements stupides.
C'est notre position à l'égard du projet de loi. J'ai décris certaines des préoccupations particulières des Premières nations de Windigo, notamment en ce qui concerne les élections selon la coutume et la capacité juridique.
L'adoption du projet de loi malgré l'énorme opposition des Premières nations nous poussera dans une nouvelle époque de litige, de défi, de non conformité et de poison, ce qui est honteux.
En terminant, j'exhorte le comité à recommander au Parlement que le projet de loi soit abandonné, ce qui démontrerait instantanément de la bonne volonté, comme en 1969, lorsque le ministre de l'époque des Affaires indiennes, Jean Chrétien, avait abandonné le livre blanc. Les Premières nations du Canada pourraient alors discuter de nation à nation pour élaborer un plan de travail destiné à apporter des changements positifs. C'est ce que recommande le rapport Penner et le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. C'est ce qui dictent également le droit inhérent et les traités.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Je serai ravi de répondre à vos questions.
Merci.
· (1325)
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Vellacott, vous avez sept minutes.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci, chef.
Dans votre exposé, vous avez indiqué que les Premières nations de Windigo avaient un gouvernement purement municipal, qu'elles tenaient fréquemment des élections, des séances publiques et tout le reste. Vous avez également dit que le chef et les conseillers de ces petites localités devaient être accessibles 24 heures par jour, sept jours par semaine.
Par conséquent, je suppose que lorsque des enjeux comme le projet de loi C-7 se présentent, vous tenez des discussions. Avez-vous organisé des forums publics pour étudier les pour et les contre du projet de loi C-7?
M. Wallace McKay: Une analyse du projet de loi a été envoyée dans les collectivités. Des questions ont été soulevées à certains égards et nous en avons avisé les gens, pas seulement aux réunions des conseils de bande ou aux assemblées générales, mais ailleurs, comme dans les écoles, par exemple.
M. Maurice Vellacott: Quels sont les mécanismes en place pour permettre aux gens de s'exprimer, de faire valoir leurs points de vue...
M. Wallace McKay: En gros, les rapports et les commentaires sont remis au chef, puis le chef les diffuse et représente son peuple en conséquence.
M. Maurice Vellacott: J'estime que vous avez partiellement répondu à ma question à la fin de vos observations. Vous pouvez me corriger. Je suppose que vous disposez de codes écrits régissant le choix des dirigeants de toutes les Premières nations de Windigo, leur gestion financière et leur formule de reddition de comptes ainsi que l'administration de leur gouvernement. Disposez-vous de codes écrits pour la plupart de ces éléments?
M. Wallace McKay: Non, nous n'avons pas de codes écrits. L'une des choses que nous faisons valoir, qui a été reconnue par la Cour suprême et que nous allons continuer d'exercer, c'est la tradition orale de notre peuple. C'est ce qui nous rend uniques de bien des façons.
Vous pouvez juger qu'il s'agit d'un problème autochtone que de ne pas écrire les choses. Je crois qu'il est temps que le Canada commence à prendre conscience du caractère unique de notre culture et du fait que depuis des siècles et des siècles, nous entretenons des cultures orales. Nous n'avons jamais rien écrit. La parole des membres de notre peuple était suffisante lorsque nous prenions des décisions.
Pour répondre à votre question, non, nous n'avons pas de codes d'élection. Les collectivités continuent de s'opposer à l'idée des codes d'élection, parce que les codes d'élection ouvrent la voie à des poursuites judiciaires. Nous pouvons trouver des formules de médiation de notre cru si elles continuent de se fonder exclusivement sur les traditions orales qui s'exercent et se transmettent de famille en famille.
M. Maurice Vellacott: J'essaie seulement de mieux comprendre, donc si j'insiste, considérez que j'essaie de mieux saisir tout cela. Quel serait le taux d'alphabétisation dans la majorité de vos différentes réserves? Serait-il très élevé?
M. Wallace McKay: L'alphabétisation s'évaluerait essentiellement dans nos propres langues, soit l'ojibway et le cri.
M. Maurice Vellacott: Oui, mais qu'en est-il de la capacité de lire l'anglais? Les gens de la jeune génération peuvent tous le lire, je présume.
M. Wallace McKay: Il y a un équilibre. Il y a un grand nombre de personnes qui parlent anglais dorénavant. Il y a une génération d'enfants qui a perdu sa langue sous l'influence des pensionnats, mais à part cela, nous avons actuellement une base solide dans notre propre langue.
M. Maurice Vellacott: Ainsi, à ce que je comprends, lorsque les gens optent pour la langue écrite, qu'il s'agisse de votre langue traditionnelle, de l'anglais ou d'une autre lange, quelque chose se perd, la fidélité, si l'on veut, dans la transmission orale. Cela fait partie de l'ensemble. Peut-être qu'il y a une centaine d'années, la tradition orale pouvait se transmettre fidèlement, parce que c'est tout ce que ces gens avaient, ils y étaient vraiment attachés, la transmettaient fidèlement et tout le reste, mais dans le présent, on se dirige vers un certain vide, si vous me permettez l'expression, car il y a beaucoup de gens dont l'esprit n'est plus habitué à se fier autant à la transmission orale parce qu'ils utilisent des textes écrits, si vous voyez ce que je veux dire.
Je ne me fie pas beaucoup à ma mémoire, parce qu'elle n'est pas très bonne, mais j'utilise des textes écrits, c'est ma façon de fonctionner. Ne va-t-il pas y avoir un certain dérapage dans la transmission orale? Par conséquent, seriez-vous prêts, dans un monde plus moderne et plus technologique, de passer à un code plus écrit?
· (1330)
M. Wallace McKay: Je pense que le temps viendra où les collectivités vont affirmer avoir besoin d'un code écrit, mais nous n'en sommes pas encore là. De fait, si nous adoptons des codes écrits, nous mettons nos aînés et les membres de notre peuple qui ne maîtrisent pas la langue dans une situation d'handicap. Nous allons transformer cette confiance en une perte de confiance de la part de ces aînés. Pour l'instant, nous nous opposons au changement, parce qu'il toucherait ce qui nous rend unique. C'est ce qui rendait mon défunt père et mon défunt grand-père uniques.
M. Maurice Vellacott: Je respecte cela et j'apprécie beaucoup votre volonté, Wallace, de m'aider à comprendre.
Par ailleurs, pouvez-vous m'expliquer un peu comment, dans les petites collectivités des Premières nations, vous appliquez vos méthodes de conciliation, de règlement des différends, des problèmes, des désaccords et tout le reste même si vous êtes probablement très liés. C'est difficile—avec nos méthodes européennes, peut-être—parce que vos familles, vos parents sont proches et très liés, puis il y a des façons de faire presque eurocentriques qui inspirent certaines visions. Quels modes de réparation des préjudices ou de règlement des litiges utilisez-vous lorsqu'il y a des conflits pour que tout le monde ait l'impression que le règlement est juste, équitable et adéquat?
M. Wallace McKay: Les méthodes de règlement des litiges varient d'une collectivité à l'autre, selon les traditions et la façon dont le peuple les applique, mais toute la collectivité participe au processus et à la décision. Il y a quelques collectivités dans ma région qui se trouvent dans une telle situation.
Ce qui crée le plus de divisions en ce moment, c'est ce qui pourrait arriver aux termes du règlement de la Loi sur les Indiens. Dès que quelque chose est inscrit dans la Loi sur les Indiens, les gens ont la responsabilité d'intenter des poursuites judiciaires. Ainsi, le fait d'avoir ce mécanisme en place amène la collectivité à exercer la tradition et la culture de façon très substantielle.
Lorsqu'on règle les différends par écrit, les gens doivent comparaître devant des tribunaux et cela crée beaucoup plus de problèmes. Sans code écrit, la collectivité doit régler ses différends et faire la part des choses, parce qu'un différend oppose une famille à une autre famille. Il peut opposer des frères et des soeurs. La collectivité doit le régler, elle en est obligée.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur McKay, pour cet exposé très puissant et très bien structuré. Bien que votre peuple se fonde sur la tradition orale, à en juger par votre mémoire, je dirais que vous maîtrisez certainement bien la communication écrite. Votre exposé est très clair. Vous avez exprimé avec éloquence que vous n'étiez pas seulement insatisfait du contenu et du ton du projet de loi, mais du processus qui a précédé à son dépôt. Je suis tout à fait d'accord avec vous. De plus, vous vous trouvez en très bonne compagnie, parce que la vaste majorité des orateurs nous ont livré un message aussi réfléchi et aussi convaincant que vous.
Au 16e paragraphe de votre exposé, vous déplorez l'absence de consultations. Il vous plairait peut-être d'apprendre que le premier témoin qui a participé à ces audiences était nul autre que le ministre Nault, qui a déclaré ouvertement—j'ai la citation avec moi—que ce projet de loi avait été rédigé en grande partie par les 10 000 membres des Premières nations qui ont été consultés et qui ont donné leur avis. C'est contesté et j'aimerais vous donner la chance de réagir à cela. Vous a-t-on demandé quels changements vous aimeriez voir apportés à la Loi sur les Indiens? Les changements proposés sont-ils ceux que vous auriez recommandés si l'on vous avait posé la question?
· (1335)
M. Wallace McKay: Non, on ne nous a rien demandé. Nous sommes dans cette circonscription, et je crois que le ministre n'a tenu de consultations en personne avec une aucune de nos collectivités. Il y a eu deux émissions de radio au Wawatay News Network.
Il s'est fait fustigé par nos membres : pourquoi organisez-vous ce genre de consultation où nous ne pouvons pas vous voir en personne pour discuter? Les gens étaient très déçus de sa formule de consultation, et ils l'ont prise comme un affront direct du ministre et de leur député.
M. Pat Martin: Merci.
J'apprends beaucoup pendant ce peu de temps dont nous disposons pour voyager dans le pays et entendre des dirigeants comme vous. Il me semble terrible, vraiment terrible que le ministre ait choisi de ne pas s'adresser aux dirigeants et qu'il ait préféré les contourner parce qu'il n'aimait pas ce qu'ils avaient à dire.
J'en apprends notamment sur le concept des traités et j'aimerais que vous nous en parliez. Je crois même que vous utilisez le mot «traité» d'une façon différente de la plupart des non-Autochtones. Lorsque nous parlons du traité, nous pensons à un bout de papier, alors que vous parlez des traités comme s'ils avaient une vie en soi. Lorsque vous parlez de conclure un traité, vous ne parlez pas de conclure «le» traité. Le mot «traité» signifie beaucoup plus que ce qu'on m'en a appris et que l'idée que je m'en suis faite quand j'étais petit.
Je crois que la conclusion d'un traité est l'aspect le plus important pour vous dans la relation entre les Premières nations et l'État. Pouvez-vous prendre quelques minutes pour nous parler de l'importance des traités pour vous?
M. Wallace McKay: Nous avons toujours joui de l'autonomie gouvernementale. C'est un droit autochtone, un droit inhérent. Les traités sont venus ensuite, comme mécanismes d'établissement de relations avec le souverain étranger de l'époque. Nos aînés nous enseignent et nous transmettent fidèlement d'une génération à l'autre le respect et la compréhension de la signification de notre traité. Ils nous apprennent à le vivre.
Nous respectons les conditions du traité. Nous n'avons aucune raison d'avoir honte, car nous respectons notre part du traité. Il est important de rappeler, lorsque nous parlons de gouvernance sur la base de traités, qu'à l'époque où nos ancêtres ont inscrit leur marque sur le traité, ils croyaient pouvoir avoir confiance que le traité serait honoré.
Malheureusement, notre partenaire de traité n'a pas honoré le traité. Pour nous, et c'est ce que nous enseignons à nos enfants, le traité est un document vivant qui a été signé en 1905. Il est toujours aussi valable qu'il l'était alors, et notre tâche aujourd'hui consiste à le rappeler à notre partenaire, soit à l'État, pour qu'il le voie aussi.
Nous avons beaucoup hésité à prendre des mesures supplémentaires pour provoquer les choses. Nous n'avons toujours pas perdu espoir dans les négociations, mais je ne crois pas que les jeunes et nos générations futures, qui sont très bien éduqués—je suis très content pour eux—vont se contenter de parler des traités. Ils vont agir.
M. Pat Martin: J'en suis venu à croire qu'on essaie vraiment de jeter de la poudre aux yeux. On a présenté le projet de loi C-7 comme un moyen de régler des problèmes de reddition de comptes et de gestion financière, mais il ne vise qu'à étouffer toute la question de l'autonomie gouvernementale, à éliminer les droits autochtones et issus de traités et à se débarrasser de responsabilités fiduciaires.
C'est une véritable arnaque; un cheval de Troie. On dit au grand public que les abus financiers sont épidémiques dans les réserves des Premières nations, donc il nous faut ce projet de loi brutal. En fait, le gouvernement tente d'échapper à ses responsabilités fiduciaires et à ses engagements pris en vertu de traités avant même de les avoir honorés.
Est-ce votre impression?
· (1340)
M. Wallace McKay: Ç'aurait été un honneur pour nous de discuter du contenu du projet de loi si le ministre était venu nous voir. Nous voulons vous parler de reddition de comptes de transparence. Nous aurions été extrêmement heureux de nous asseoir avec vous et de vous dire: «D'accord, regardons cela; comment allons-nous procéder?»
Nous n'avons rien contre le fait—et je tiens à réitérer cette position—de promouvoir la reddition de comptes et la transparence. Nous les appliquons et nous allons continuer de les appliquer. Toutefois, le ministre se cache derrière ce projet de loi pour modifier des capacités juridiques. Voilà le problème: les capacités juridiques des Premières nations. C'est un problème constitutionnel. C'est un problème politique qui doit être réglé de nation à nation, comme nous le faisions à l'époque de la signature du traité. C'est ce qu'on faisait à l'époque.
Le président: Je vous remercie.
Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci, monsieur le président.
Nous avons écouté beaucoup de personnes d'un bout à l'autre du pays, et je dois dire que l'expérience a été vraiment pédagogique. Je ne peux pas dire que je connais beaucoup les traités autres que le mien. J'ai un traité moderne. Je viens du territoire du Nunavut, et je sais que mes antécédents diffèrent beaucoup de ceux des Premières nations.
Je suis assez réaliste pour savoir que mon mode de vie d'aujourd'hui est très différent de celui de mes parents et de mes grands-parents, et cela est attribuable aux réalités actuelles. Nous ne pouvons pas changer la réalité actuelle. Nous avons une foule de technologies modernes, nous avons l'Internet, nous avons la télévision et nous avons les antennes paraboliques. Nous pouvons suivre ce qui se passe en Irak de façon presque simultanée. Ces technologies modernes changent notre façon de penser et notre façon d'agir, même si nous demeurons bien ancrés dans nos croyances traditionnelles. J'en ai moi aussi, parce que nous avons une tradition orale.
Je suis assez réaliste pour savoir que dans notre gouvernement actuel, il y a un mode de pensée que nous avons adopté en fonction de notre environnement. J'ai entendu à quelques reprises des citations du Livre blanc de 1969 et des propos de certaines personnes sur le problème des Autochtones. Nous ne pourrions pas les citer si elles n'avaient pas été écrites. Nous prenons les gens à partie parce que leurs mots ont été écrits.
Comme je vis dans le monde d'aujourd'hui, j'essaie de me reporter à ce que vous avez dit. Si j'ai l'impression que mes droits ne sont pas respectés comme il se doit et que je devrais demander réparation de préjudice, la première chose que je vais faire sera de retracer les propos exacts des gens. Je veux être en mesure de me tenir debout et de lire ce qui est écrit sur une feuille de papier.
Malgré tout le respect que j'ai envers la tradition orale, parce que c'est tout ce qu'il y a dans mon histoire, il vient un temps ou tout est archivé. Nous avons des conseils de hameau qui conservent tous leurs procès-verbaux et dont tous les propos des conseillers sont écrits.
J'essaie de trouver un équilibre. Si moi ou une personne comme moi qui vit sur vos réserves veut vous réprimander pour une chose que vous avez dite, comment dois-je composer avec le fait que je n'ai peut-être aucune preuve de ce que vous avez dit exactement? Comme est-ce que je fais?
M. Wallace McKay: Dans nos traditions, qu'il s'agisse des danses que vous connaissez bien, c'est l'usage. Ces danses sont transmises d'une famille à l'autre et d'une génération à l'autre et toutes se chargent de les préserver.
Nous examinons ici une petite partie de l'ensemble, les élections, par exemple. La collectivité a la responsabilité de transmettre les usages relatifs aux façons orales de procéder en matière d'élections. Il ne s'agit pas tant d'essayer de se souvenir de ce qui a été fait, puisque lorsqu'on le fait année après année, mois après mois, il est difficile de l'oublier.
Il faut l'envisager dans le contexte des usages oraux de nos traditions et de notre culture. Ce n'est pas tant que nous devons faire partie de la société, puisque nous formons une société propre à nous-mêmes et que nous n'avons pas besoin de contenter la population générale du Canada. Ce que nous voulons préserver, ce sont ces usages qui existent depuis longtemps. Est-ce parce que nous sommes au XXIe siècle et que nous avons accès à la technologie qu'il est acceptable d'oublier notre histoire ou nos traditions orales? Non, je ne le crois pas.
Je pense au contraire que c'est ce qui nous caractérise et nous voulons préserver cette spécificité. Je comprends pourquoi vous dites que pour obtenir réparation, il faut se reporter à l'histoire. Dans les collectivités, nous pouvons mettre ces processus en place. Comment obtenir réparation dans le contexte de la tradition orale?
· (1345)
Mme Nancy Karetak-Lindell: Pour revenir à ma question, il ne faut pas oublier que nos enfants vont à l'école, qu'ils fréquentent des établissements d'études postsecondaires et que le milieu dans lequel ils reçoivent leur enseignement relève entièrement de l'écrit. Ce sont les seules façons que je connaisse qui permettent d'obtenir réparation.
Comment contenter ceux qui veulent un document écrit? Je pense que c'est leur droit, en tant que membre de n'importe quelle collectivité, indépendamment du lieu où elle se trouve, car c'est la façon dont l'enseignement nous est dispensé depuis quelques années.
M. Wallace McKay: J'ai été aux prises avec la même situation. Ma plus jeune fille est allée à l'université et a bénéficié d'un enseignement de qualité. Elle observe les choses, pose des questions très critiques comme celles que vous soulevez. Je suis dans l'obligation de lui répondre pour qu'elle puisse avoir les réponses de la façon... Elle doit également commencer à faire la part des choses dans ce qu'elle a appris à l'université, les formes de réparation qu'on lui a enseignées dans ces domaines. Quant à moi, j'ai la responsabilité de dire que c'est effectivement ce qu'elle a appris à l'université et dans les établissements d'enseignement, mais que c'est ainsi que notre peuple a toujours fonctionné; ce n'est pas parce que ce n'est pas écrit que c'est mal. Elle commence à comprendre lorsqu'elle envisage la question sous l'angle de ses études et de son identité en tant qu'Indienne. Elle arrive alors à dire qu'effectivement nos façons de faire étaient plus responsables envers notre peuple et qu'elles ont donné de bons résultats dans nos collectivités.
Dans le cas de nos jeunes qui font des études—et je les appuie et les encourage dans ce sens—nous avons, en tant que parents qui travaillons au sein des collectivités, la responsabilité de préserver les traditions orales et de les faire comprendre à nos membres.
Même s'ils ont reçu l'éducation voulue—et qu'ils s'en prévalent pour bénéficier des règles de jeu équitables au sein de la société—ils doivent également comprendre certaines traditions et coutumes orales pour les intégrer dans leur vie. Ils n'en sortiront que meilleurs et pourront mieux contribuer à la société en général.
Le président: Merci beaucoup. Nous avons trois minutes pour la conclusion que vous pouvez toutefois utiliser comme vous le souhaitez.
M. Wallace McKay: Merci beaucoup.
Je tiens simplement à remercier les membres du comité de nous donner l'occasion de comparaître devant eux. Je participe à ce processus depuis près de 30 ans et j'ai été témoin de l'évolution des relations entre le Canada et les Premières nations. Pendant mes jeunes années, le Livre blanc de 1969 a été déposé et il m'a paru représenter l'un des plus grands affronts faits au peuple indien. Il suffit d'examiner le passé ainsi que les institutions d'aujourd'hui pour s'apercevoir que la Loi sur la gouvernance des Premières nations atteint un sommet dans les affronts subis au cours de l'histoire du Canada.
Nous n'améliorons certainement pas les relations; nous créons davantage de problèmes. Je suis convaincu que dès que cette loi sera adoptée et proclamée au Sénat, nous irons devant les tribunaux pour en contester la validité et la constitutionnalité.
J'aimerais dire aux membres du comité ici présents que nous les remercions d'être venus dans notre région passer du temps avec nous. Je sais que vous allez nous écouter et que vous allez prendre le temps de comprendre ce que nous avons à dire.
J'espère que mon message prophétique de maussade non-conformité ne deviendra pas réalité. Je demande aux membres du comité de prêter beaucoup d'attention à ceci. Nous avons travaillé si fort dans nos collectivités pour entretenir de bonnes relations avec d'autres peuples, des peuples non autochtones, que nous ne voudrions certainement pas qu'une loi déficiente vienne les perturber.
Merci beaucoup.
· (1350)
Le président: Merci beaucoup.
J'invite le chef Dean Cromarty de la Première nation de Wunnumin Lake. Je pense qu'il est accompagné de Charley Bighead, Tom Shawinimash, Vernon Gliddy et Clifford Mamakwa.
Nous disposons de 30 minutes. Nous vous invitons à faire un exposé et si vous permettez, nous aimerions avoir du temps pour poser des questions. Je vous cède la parole.
Le chef Dean Cromarty (Première nation de Wunnumin Lake): [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
J'aimerais vous remercier de me donner la possibilité de comparaître devant vous. Avant de commencer mon exposé, je vais demander à Charley Bighead, un de nos anciens, de faire une brève introduction.
M.Charley Bighead (Première nation de Wunnumin Lake): [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Le chef Dean Cromarty: D'accord.Meegwetch.
Notre ancien, Charley Bighead, s'est exprimé dans la langue Oji-Cree. Il salue tous les membres du comité ici présents.
Il dit que nous venons ici dans l'espoir que nos préoccupations et nos espérances seront comprises et acceptées. Nous nous inquiétons des nombreux changements qui empiètent sur la vie de notre collectivité, qui se trouve, si je ne me trompe, à 500 milles au nord d'ici.
Dans notre collectivité, nous devons respecter de nombreuses lois non autochtones en matière de gouvernance et quant à la façon dont nous nous occupons de notre collectivité. Ces lois non autochtones ne cadrent pas avec notre style de vie, nos valeurs familiales, nos relations mutuelles. Nous pouvons citer quelques-unes de ces lois qui nous sont imposées: les lois sur le bien-être des enfants, les lois provinciales, les lois relatives au bien-être et les politiques économiques. Ces lois ne sont absolument pas axées sur les Autochtones et elles ne cadrent pas avec notre société ni avec la façon dont nous nous gouvernons.
C'est l'essentiel de son introduction; je vais maintenant passer à mon propre exposé.
Salutations à tous les membres du comité permanent qui sont présents aujourd'hui. Je dois avouer que j'ai presque décidé de ne pas comparaître à cette séance en raison de l'absence de consensus au sein de ma collectivité, pour ou contre le projet de loi C-7. Je vais essayer aujourd'hui de vous décrire l'atmosphère générale dans laquelle se trouvent nos membres par suite de la Loi sur la gouvernance des Premières nations et de vous faire part de leurs points de vue et de leurs préoccupations. Les points de vue que je présente aujourd'hui n'ont pas été pris en compte dans la rédaction du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Bien des gens—des universitaires, des politiciens, des spécialistes—ont parlé du projet de loi C-7. J'aimerais vous donner la perspective de la collectivité au sujet de ce projet de loi. J'aimerais également dire que nous appuyons le grand chef Charles Fox, notre grand chef de la Nishnawbe Aski Nation qui s'est exprimé devant les Chiefs of Ontario.
En règle générale, les Premières nations ont toujours voulu se débarrasser de toute la Loi sur les Indiens, ou de la remplacer par une loi plus moderne, respectueuse des réalités d'aujourd'hui. Je veux ajouter que ce n'est pas seulement le cas de la Loi sur les Indiens, mais aussi celui de toutes ces lois et politiques non autochtones dont j'ai fait mention dans notre introduction, qui ne s'appliquent pas à notre collectivité.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations aurait été l'occasion unique pour le gouvernement de travailler avec les Premières nations, mais une fois de plus, il a manqué sa chance. La loi proposée a été préparée par un gouvernement non autochtone pour les peuples autochtones. Imposer la volonté du gouvernement à nos peuples ne donnera rien et nous continuerons simplement à résister.
· (1355)
Le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations va régir notre réserve selon le bon vouloir du gouvernement du Canada. J'aimerais citer l'un de nos anciens qui s'est adressé à nous lors de notre réunion du 6 février:
Certains éléments du projet de loi sont bons, mais beaucoup de questions restent sans réponse, ce qui contribue à l'incertitude des Premières nations. La loi nécessitera l'intervention de personnes très spécialisées et éduquées pour assurer sa mise en oeuvre, mais nous n'avons pas cette capacité en raison du faible taux de réussite de nos étudiants. |
La Loi sur la gouvernance des Premières nations s'inspire des gouvernements municipaux, puisqu'elle ouvre la porte au droit de vote de non Autochtones dans les élections de nos collectivités, qui pourraient éventuellement se présenter aux postes de chefs et de conseillers. Ce n'est pas acceptable. |
La Loi sur la gouvernance des Premières nations est une loi non autochtone. Que va-t-il se passer pour les Premières nations qui n'acceptent pas cette loi? Le gouvernement va-t-il continuer à les appuyer? D'après le ministre des Affaires indiennes, la loi permettra à Ottawa de verser directement des fonds aux Premières nations, ce qui serait bien. Cela veut-il dire par contre qu'elle contournera la bureaucratie actuelle AINC ainsi que les organisations politiques autochtones qui gèrent ces fonds? |
Ce sont les propos de Moses Angees de Wunnumin, qu'il a tenus le 6 février. Il n'est pas ici aujourd'hui.
Ce sont donc certaines des observations et questions soulignées par notre ancien Mose Angees qui a lu et étudié la version syllabique de la loi. Il termine en demandant si le processus entraînera le démantèlement d'AINC et, par conséquent, s'il déchargera ce ministère de ses obligations de représentant envers notre peuple.
Comme je l'ai dit, cet ancien pose beaucoup de questions. Il a vu certains éléments de la loi qui pourraient être positifs et il penche vers l'acceptation du projet de loi C-7 si la capacité et les ressources pertinentes sont prévues pour sa mise en oeuvre.
C'est un point de vue qui s'exprime au sein de notre collectivité. L'autre est représenté par un autre de nos anciens, Charlie Bighead, qui a déclaré—et il est ici aujourd'hui.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations ne renvoie nullement à notre traité et n'indique pas si les obligations de représentant du gouvernement se poursuivront dans un tel contexte. Le gouvernement s'attend à ce que nous générions nos propres recettes pour financer nos gouvernements et nos collectivités. Il est bon que les Premières nations soient autosuffisantes, reste à savoir si le gouvernement continuerait à appuyer financièrement notre collectivité après l'adoption de cette loi. Ce qui m'inquiète, c'est que nos propres recettes remplaceront l 'appui du gouvernement et que cela amoindrira les obligations de représentant du gouvernement. La Loi sur la gouvernance des Premières nations ne donne aucune assurance à cet égard. |
Le traité que nous avons signé prévoit nos relations financières et politiques avec les gouvernements du Canada. Il devrait servir de fondement à tout accord sur la gouvernance et les affaires financières. |
Selon moi, il faudrait procéder à davantage d'études et de consultations avant l'adoption de la Loi sur la gouvernance des Premières nations à la Chambre des communes. Toute nouvelle loi exige un partenariat authentique avec les Premières nations. Ce n'est pas explicitement indiqué dans cette loi, mais il semble que si nous ne pouvons pas nous gouverner nous-mêmes, d'autres parties vont décider de la façon dont nous conduisons nos affaires. |
Je préfère plutôt affirmer nos droits ancestraux en vertu de traités sur nos territoires traditionnels qui s'étendent au-delà des limites de la réserve; c'est ce qui devrait retenir notre attention aujourd'hui. |
Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de dire que j'appuie ce projet de loi. |
Ce sont les propos tenus par Charlie Bighead, le 6 février.
Les opinions exprimées par l'ancien Charlie Bighead témoignent des préoccupations que ressentent beaucoup de membres de notre collectivité et reflètent également le point de vue d'autres Autochtones à l'échelle du pays.
Permettez-moi maintenant de citer un autre ancien:
J'ai écouté notre chef ontarien, Charles Fox, ainsi que l'avertissement qu'il nous donne. Je partage ses préoccupations à propos des effets immédiats et à long terme que cette mesure législative aura sur notre peuple et je souscris à l'avertissement qu'il donne à propos des effets imminents sur nos actuelles structures de gouvernement ainsi que sur les responsabilités de représentant du gouvernement. |
J'ai mis ces mots sur papier afin de pouvoir les conserver aussi longtemps que je vivrai. |
Ce sont les propos de l'ancien Judas Angees, tenus le 6 février.
Ces citations et ces propos reflètent le point de vue de beaucoup de nos membres de la collectivité de Wunnumin Lake. Il y en a également beaucoup qui n'ont pas lu cette loi ou qui ne sont même pas au courant de cette mesure législative qui va complètement modifier leur vie au sein de la collectivité.
¸ (1400)
Notre collectivité qui se trouve à l'intérieur d'un vaste territoire au nord du 50e parallèle est complètement isolée. Nous sommes dans une zone vierge qui est véritablement la limite des terres colonisées dans le grand nord de l'Ontario. La ville non autochtone la plus proche se trouve à 160 kilomètres au sud. Il n'y a qu'une seule mine d'or exploitée dans cette région. Notre collectivité n'est accessible que par avion, puisqu'il n'y a pas de routes.
Malgré notre statut non imposable, le coût de la vie est élevé par rapport aux centres urbains les plus proches. Certains d'entre nous doivent faire la cueillette d'aliments traditionnels pour compléter leur revenu et leurs sources d'alimentation.
L'économie locale est pratiquement inexistante. Le seul magasin de détail est exploité par la Northwest Company. Notre système de communication est géré par Bell Canada. Nous avons une école élémentaire ainsi qu'une clinique médicale avec deux infirmières. C'est ainsi que se résume notre vie dans la réserve.
Les terres et les ressources qui se trouvent à l'intérieur de notre réserve ne sont pas suffisantes au plan économique pour faire vivre nos collectivités ou pour les rendre autosuffisantes. La seule solution à nos problèmes économiques se trouve à l'extérieur de la réserve dans nos territoires traditionnels.
Nos membres ont pour priorité d'améliorer les conditions sociales et économiques de notre collectivité. Pour ce faire, il faut investir massivement dans notre infrastructure de transport, de routes, d'énergie, de communications, d'éducation, de santé et d'autres domaines importants pour notre peuple. Pour bâtir des économies fortes et favoriser le progrès social, il est essentiel de prendre des initiatives.
Sans base économique solide, il ne peut y avoir de gouvernance efficace. Par conséquent, nous pensons qu'il faut consolider nos collectivités avant de consolider une mesure législative non indienne qui ne peut que continuer à entraver notre développement en raison de sa lourdeur.
Notre collectivité s'organise actuellement pour tirer pleinement avantage de nos terres et ressources afin de préserver notre style de vie et déterminer la façon dont nous allons nous gouverner en tant que collectivité individuelle et alliée à d'autres Premières nations voisines. Nous voulons commencer à exercer nos droits inhérents et à avoir compétence sur nos collectivités et nos territoires traditionnels.
Il est temps que le Canada reconnaisse et respecte nos droits ancestraux et issus de traités qui devraient servir de point de départ à nos relations.
Le projet de loi C-7 est synonyme de mesure législative gouvernementale plus contraignante alors que nous essayons justement de nous libérer des restrictions que représentent les limites de la réserve. Aucune loi ne sera à l'avantage de notre collectivité si on ne reconnaît pas nos droits ancestraux et issus de traités et si on n'y donne pas suite. Nos droits ancestraux et issus de traité ne sont pas limités à nos terres de réserve, mais s'étendent à tous nos territoires traditionnels qui nous font vivre depuis notre création.
Avec des sociétés non autochtones qui souhaitent explorer et extraire nos ressources naturelles, nous avons négocié des ententes et nous allons continuer de le faire. Il vaudrait beaucoup mieux que le Canada et l'Ontario révisent leurs propres lois de manière à se conformer aux décisions de la Cour suprême qui ont confirmé les compétences et les droits ancestraux. Ainsi, les gouvernements et le secteur privé respecteraient les modalités établies en matière de partage des recettes provenant de nos ressources naturelles. La Loi sur la gouvernance des Premières nations ne permet pas de le faire.
Wunnumin est affiliée à la Nishnawbe Aski Nation qui en ce moment-même conduit des négociations relatives à l'autonomie gouvernementale avec le gouvernement du Canada. Cet accord définira nos structures de gouvernance ainsi que nos relations politiques et financières avec le gouvernement du Canada. Nous craignons que la Loi sur la gouvernance des Premières nations ne puisse servir à limiter, voire même devancer, l'issue de ces négociations.
L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui, selon nous, représente la règle de droit, reconnaît et protège explicitement les droits ancestraux et issus de traités. Nous craignons que la Loi sur la gouvernance des Premières nations ne serve à limiter l'étendue de nos droits. Ainsi, la constitutionnalité du projet de loi C-7 est remise en question, puisqu'il compromet la protection de nos droits ancestraux et issus de traités en vertu de la Constitution.
Le ministre des Affaires indiennes nous a assurés que le projet de loi C-7 n'est qu'une mesure provisoire dans l'attente de futures négociations sur l'autonomie gouvernementale et qu'il n'aura aucun effet sur les droits ancestraux et issus de traités. Rien ne l'indique dans le projet de loi C-7.
Le ministre a également expliqué que la Loi sur la gouvernance des Premières nations vise à améliorer les conditions économiques et sociales des collectivités des Premières nations. Notre peuple se demande comment ce projet de loi permettra de le faire.
¸ (1405)
En conclusion, nous soumettons les recommandations ci-après au gouvernement du Canada:
Premièrement, mettre en application l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui reconnaît les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones. Les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent commencer à modifier les lois présentement en vigueur, conformément aux décisions rendues par la Cour suprême qui reconnaissent les droits ancestraux et la compétence des peuples autochtones en matière de gouvernance et de ressources naturelles. Parmi ces décisions figurent entre autres celles rendues dans les affaires Sparrow, Delgamuukw et Marshall.
Une telle mesure aurait une incidence nettement plus positive non seulement sur notre gouvernance et sur nos relations avec le Canada, mais aussi sur notre situation économique et sociale. Le gouvernement du Canada doit également convoquer une rencontre avec les Premières nations pour débattre, définir et mettre en oeuvre l'article 35 de la Constitution canadienne.
Deuxièmement, mettre en oeuvre les recommandations du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Ce rapport fait état de nombreuses questions qui doivent être traitées en matière de gouvernance et d'améliorations sociales et économiques. Il faut aller chercher ce document qui dort sur une tablette, le dépoussiérer et se mettre au boulot.
Nous savons que la majorité libérale à la Chambre des communes s'assurera de l'adoption du projet de loi C-7. Cette situation suscite de l'incertitude. Nous recommandons de retarder l'adoption du projet de loi C-7 afin de permettre la tenue de nouvelles consultations et d'établir un partenariat entre gouvernements avec les Premières nations dans le but d'élaborer une mesure législative acceptables pour toutes les parties.
À l'heure actuelle, compte tenu des diverses positions qui prévalent dans notre collectivité et un peu partout au Canada, nous estimons que le projet de loi C-7 peut à tout le mieux constituer une mesure législative optionnelle que les Premières nations intéressées peuvent accepter. Le cas échéant, le projet de loi C-7 doit comporter une disposition non dérogatoire afin que la mesure législative n'entraîne pas de conséquences ou de restrictions à l'égard de la reconnaissance constitutionnelle de nos droits issus de traités, qu'elle ne limite pas les négociations présentes et futures sur l'autonomie gouvernementale et qu'elle ne réduise pas les responsabilités fiduciaires du gouvernement fédéral.
Merci de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos préoccupations.
¸ (1410)
Le président: Merci beaucoup.
J'aimerais savoir si un de vos collègues désire faire une intervention. D'après l'horaire, nous disposons de dix minutes. Par conséquent, les interventions peuvent être de trois minutes chacune et nous accordons une minute pour les observations finales.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Merci.
Je me demande, chef Cromarty, si vous pouvez traduire pour M. Bighead au cas où il n'arrive pas à comprendre le sens de ma question.
Il déclare— et vous le citez dans votre présentation du 6 février 2003— et c'est une question prospective, que le gouvernement s'attend à ce que vous produisiez vos propres ressources.
Admettons que vous arriviez à un point où vous disposez de ressources naturelles suffisantes et adéquates pour répondre à vos besoins en termes financiers et permettre entre autres de financer divers services. C'est une question que j'aimerais oser à de nombreuses collectivités autochtones un peu partout au pays. Si vous disposez de ressources naturelles adéquates, vous attendez-vous toujours à recevoir des transferts du gouvernement?
Le chef Dean Cromarty: Je vais répondre.
Je partage son point de vue et je sais pourquoi il a fait ces commentaires. C'est également bien connu dans notre collectivité. J'ai pris la peine de consulter les aînés de ma collectivité avant de faire cette présentation.
La question est claire. La gestion de nos terres relève de la compétence des gouvernements des Premières nations. Les ressources naturelles nous ont été enlevées.
Le chef Dean Cromarty: Mais je vous réponds que les gouvernements provinciaux ont un certain pouvoir puisqu'ils ont une assiette fiscale provinciale et qu'ils perçoivent entre autres des redevances et des droits de coupe au titre de nos terres. Pourtant, le gouvernement fédéral continue de partager les dépenses des provinces. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour les Premières nations? J'estime que c'est le genre de relation que nous voulons favoriser si les gouvernements de ce pays arrivent à reconnaître cette réalité.
¸ (1415)
M. Maurice Vellacott: Permettez-moi de placer un mot. J'admets que le gouvernement fédéral fait entre autres des transferts aux provinces qui, à leur tour, en font aux municipalités. Nous parlons ici de nation à nation. Estimez-vous avoir un rôle comparable à celui des administrations provinciales ou municipales parce qu'il y aura encore des transferts de fonds?
Comprenez-vous ma question?
Le chef Dean Cromarty: Évidemment, je comprends votre question.
Nous sommes les Premières nations et avons été les premiers gouvernements de ce pays, avant la création des provinces et du Canada, et nous devons être reconnus à ce titre. En tant que représentant des gouvernements des Premières nations, je maintiens encore que vous allez non seulement toucher les bénéfices produits par nos terres et profiter des avantages de notre entente, mais que vous allez en faire profiter votre peuple.
M. Maurice Vellacott: Merci. Il n'y avait pas assez...
Le président: Merci.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Nous vous remercions de votre mémoire. Vous avez soulevé nombre de points valables.
J'ai été frappé par le fait qu'à l'instar de nombreux intervenants, vous avez exigé le retrait du projet de loi C-7. Certaines personnes affirment qu'on percevrait comme un geste de bonne volonté que le ministre fasse tout simplement marche arrière et reprenne les consultations de façon appropriée, puis, apporte certaines modifications appréciables à la relation entre les Premières nations et le gouvernement du Canada.
Pensez-vous que nous pouvons encore tirer les marrons du feu si le ministre obtient les ressources nécessaires pour simplement faire marche arrière et recommencer le processus? Serait-il possible de sauvegarder cette relation?
Le chef Dean Cromarty: C'est ce qui aurait dû se passer dès le début. Nous aurions dû être présents et c'est nous qui aurions dû rédiger la mesure législative, non les bureaucrates à Ottawa. Comme les aînés de ma collectivité le soutiennent, il nous faut davantage de temps pour les consultations. Toutefois, cela exige que les Premières nations établissent la mesure législative, non les bureaucrates d'Ottawa.
J'espère que si le projet de loi est retiré, nous pourrons déterminer une mesure législative acceptable à la fois pour les Autochtones et pour le gouvernement du Canada. C'est tout ce que nous demandons.
M. Pat Martin: Excellent argument. J'ajouterais même que d'après votre deuxième recommandation, vous estimez que la mise en oeuvre des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones constituerait un fort bon point de départ.
Le chef Dean Cromarty: Nous avons fait ces recommandations parce que ce projet de gouvernance des Premières nations n'était qu'une mesure intérimaire. Vers quoi? Vers l'autonomie gouvernementale.
J'aimerais voir ces mesures intérimaires produire davantage de résultats immédiats si elles étaient acceptées et mises en oeuvre par les gouvernements au Canada. Ce serait nettement mieux pour nous.
M. Pat Martin: Un des éléments concrets que vous proposez, en l'occurrence une de vos recommandations, est qu'advenant son adoption, la mesure législative devrait être optionnelle. En d'autres termes, les bandes qui veulent certains codes de gouvernance pourraient la mettre en oeuvre. C'est une solution possible.
Le chef Dean Cromarty: Je connais les divers points de vue qui prévalent un peu partout au pays, aussi bien dans l'Ouest, dans l'Est que dans le centre du Canada. C'est précisément pour cela que nous avons affirmé que, de toute façon, le projet de loi ne devrait pas être adopté dans sa forme actuelle.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Hubbard, vous disposez de trois minutes.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le Président.
Chef Cromarty, nous vous remercions de votre participation.
J'essaie de mettre les choses un peu en perspective, aux fins du compte rendu. Votre collectivité est relativement petite par rapport à la superficie de l'Ontario. En ce qui concerne votre présence sur ce territoire, pouvez-vous dire à quand remonte l'établissement de votre peuple? Je veux en venir au fait qu'il n'y a pas encore si longtemps, notre gouvernement fédéral a concédé une grande partie de ce territoire, théoriquement, à la province de l'Ontario. Votre territoire était-il établi avant que l'Ontario n'y ait accès ou vous y êtes-vous installés après?
Le chef Dean Cromarty: Je pense que vous avez raison.
L'Ontario n'existait pas encore quand notre peuple vivait sur le territoire. D'accord?
J'ai mentionné que nous avons tenté d'établir des alliances avec d'autres peuples autochtones et que nous avons ensuite cherché des façons de concrétiser ces alliances. Nous nous sommes demandés comment faire revivre nos structures de gouvernance et de relations traditionnelles avec d'autres Premières nations. Dans les années 1929-1930, lors de l'adhésion au traité concernant cette région, et auquel nous sommes parties, il est établi que ces collectivités vivaient sur le territoire avant cette date, même avant 1905. En outre, nos collectivités ont affirmé avoir jalonné des territoires où elles voulaient vivre, en 1896 et en 1897, avant les traités. C'est précisément sur ces territoires que nous vivons à l'heure actuelle.
¸ (1420)
M. Charles Hubbard: Avec le développement de l'économie et les efforts faits afin d'avoir suffisamment de ressources pour que les gens soient autosuffisants, il semble que nos Premières nations aient très peu de place.
Traditionnellement, un grand nombre de gens dans le Nord étaient évidemment des commerçants, des trappeurs et des personnes ayant un intérêt dans le milieu sauvage et les grands espaces. Votre collectivité a-t-elle toujours compté 500 ou 600 membres, ou ce nombre est-il attribuable au regroupement des gens dans les années 20 et 30?
Le chef Dean Cromarty: Dans cette collectivité, même avec le statut de réserve, ce nombre ne date que de 1976. Avant cette date, nos gens vivaient le long du réseau hydrographique. Ils ne restaient pas à un endroit précis. Il y avait un vaste espace où ils campaient, avaient leurs petits villages, faisaient le commerce entre eux, s'adonnaient au piégeage et pêchaient. Ils étaient mobiles et se déplaçaient en fonction des saisons.
M. Charles Hubbard: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Il reste deux minutes pour conclure. Je vous invite à le faire maintenant.
Le chef Dean Cromarty: En terminant, les gouvernements doivent reconnaître et accepter nos droits ancestraux ou issus de traités comme une base à l'établissement de relations avec nous. Les gouvernements nous ont dit qu'ils nous fournissent des services en vertu de leurs obligations statutaires. Qu'en est-il de leurs obligations en vertu de traités?
Ce sont là les aspects que les gouvernements des Premières nations et le gouvernement canadien doivent commencer à définir et à accepter. Mon peuple est préoccupé par cette question. Nous n'acceptons pas pleinement la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Mettez-la de côté comme vous l'avez fait avec un grand nombre d'autres rapports sur les Autochtones et commençons à travailler de gouvernement à gouvernement.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
J'invite maintenant le chef Dwight Sutherland de la nation Taykwa Tagamou. Vous avez deux minutes pour faire votre présentation. Nous vous écoutons.
Le chef Dwight Sutherland (à titre individuel): Je m'appelle Dwight Sutherland. Je suis le chef de la nation Taykwa Tagamou. J'appartiens à la quatrième génération d'un signataire de traité. Mon arrière-arrière-grand-père, Esau Omageeshe, a signé un traité pour notre peuple le 21 août 1905, en pensant que les commissaires veilleraient à son respect.
J'étais policier avant de devenir chef. Je suis retourné dans ma collectivité afin d'essayer de faire une différence pour mon peuple. Lorsque je suis retourné dans ma collectivité, j'étais sans emploi, je touchais de l'aide sociale et je me nourrissais dans une banque d'alimentation. On m'a dit d'aller étudier. C'est ce que j'ai fait, puis je suis retourné dans ma collectivité, où le taux de chômage est de 95 p. 100. Notre communauté reçoit 116 000 $ pour soutenir financièrement 30 familles de la bande, et 6 000 $ pour le développement économique.
Votre gouvernement devrait veiller au respect des ententes signées entre nos nations. Je pense que nous pouvons travailler ensemble pour améliorer le sort de mon peuple. Assujettir un peuple à vos lois est une mesure illégale. Notre peuple est celui qui devrait être responsable de la conception des systèmes qui régissent nos collectivités. Je ne m'immisce pas dans les affaires, ordonnances, règles ou élections de votre gouvernement et vous ne devriez pas vous immiscer dans les nôtres.
Vous parlez de l'argent des contribuables, mais vous pouvez garder cet argent. Vous obtenez cet argent à nos dépens, c'est-à-dire auprès des actionnaires et des employés qui travaillent pour les compagnies qui exploitent nos terres sans notre consentement ni notre participation à l'économie.
Si vous voulez aller de l'avant d'une façon positive dans l'avenir, vous devez collaborer avec les peuples qui ont signé les traités. Vous devriez commencer à respecter votre parole au nom de la Couronne. Je vois que vous avez une photo de votre reine. C'est son grand-père qui a signé ces traités avec mon arrière-arrière-grand-père et son engagement devrait être respecté.
La situation ne va qu'empirer pour la nation du Canada. Si vous gardez un peuple opprimé dans un état de sujétion, ce n'est qu'une question de temps avant que celui-ci ne se soulève. Si nous voulons éviter d'autres épisodes comme ceux qui sont survenus à Oka, Ipperwash et Burnt Church, il faut commencer à parler de nation à nation. Nous exigeons que le Canada respecte notre souveraineté en tant que peuple.
Il n'y a rien que le Gouvernement du Canada puisse faire à notre peuple qui n'ait déjà été fait. Nous avons été mis dans des réserves, où les conditions sont semblables à celles que l'on retrouve dans le tiers monde. La pauvreté est devenue un nouveau mode de vie pour notre peuple depuis la signature du traité.
Si mon arrière-arrière-grand-père avait su que ses enfants allaient vivre dans des conditions aussi ridicules, il n'aurait pas signé le traité et je ne serais pas ici en train de vous dire ce que je vous dis. Nous aurions notre propre pays maintenant.
Pour que notre peuple se joigne à la Confédération, nous devons négocier notre propre forme d'autonomie gouvernementale et il faut que le reste du Canada comprenne bien de quoi il s'agit.
Merci.
¸ (1425)
Le président: Merci beaucoup. Si vous voulez nous laisser ce document, nous le ferons traduire et nous en distribuerons des copies à tous les membres du comité.
Ceci met fin à nos audiences publiques à Thunder Bay. Nos travaux sont suspendus jusqu'à ce soir, à Toronto. Chers collègues, nous avons des audiences jusqu'à 22 heures ce soir.