OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 24 février 2003
Á | 1110 |
Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)) |
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) |
Le président |
M. Steve Mahoney |
Le président |
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne) |
Le président |
M. L. Denis Desautels (directeur général du Centre d'études en gouvernance et cadre en résidence à la Faculté d'administration, Université d'Ottawa, À titre individuel) |
Á | 1115 |
Le président |
M. Paul Forseth |
M. L. Denis Desautels |
Á | 1120 |
M. Paul Forseth |
M. L. Denis Desautels |
M. Paul Forseth |
M. L. Denis Desautels |
Á | 1125 |
Le président |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ) |
M. L. Denis Desautels |
Á | 1130 |
M. Robert Lanctôt |
M. L. Denis Desautels |
M. Robert Lanctôt |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Steve Mahoney |
Á | 1135 |
M. L. Denis Desautels |
Á | 1140 |
M. Steve Mahoney |
M. L. Denis Desautels |
M. Steve Mahoney |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) |
Á | 1145 |
M. L. Denis Desautels |
Mme Carolyn Bennett |
M. L. Denis Desautels |
Á | 1150 |
Mme Carolyn Bennett |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
Mme Carolyn Bennett |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Ken Epp |
Á | 1155 |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
 | 1200 |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.) |
M. L. Denis Desautels |
Mme Judy Sgro |
 | 1205 |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Paul Szabo |
M. L. Denis Desautels |
M. Paul Szabo |
 | 1210 |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Ken Epp |
M. L. Denis Desautels |
M. Ken Epp |
M. L. Denis Desautels |
M. Ken Epp |
 | 1215 |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
M. L. Denis Desautels |
M. Roy Cullen |
M. L. Denis Desautels |
M. Roy Cullen |
M. L. Denis Desautels |
 | 1220 |
Le président |
M. Roy Cullen |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
 | 1225 |
M. L. Denis Desautels |
M. Robert Lanctôt |
M. L. Denis Desautels |
M. Robert Lanctôt |
Le président |
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.) |
M. L. Denis Desautels |
 | 1230 |
M. Tony Tirabassi |
M. L. Denis Desautels |
M. Tony Tirabassi |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
 | 1235 |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
 | 1240 |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Paul Szabo |
Le président |
M. Paul Szabo |
Le président |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 24 février 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1110)
[Traduction]
Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Avant de présenter les témoins, j'aimerais rappeler aux députés que j'ai communiqué par téléphone avec les porte-parole des différents partis chargés du projet de loi sur la fonction publique. À la fin de la réunion de demain, j'aimerais que les membres du comité se réunissent brièvement pour approuver la liste des témoins qui seront invités pour discuter de cette mesure législative de sorte que pendant le congé parlementaire de deux semaines, la greffière puisse inviter ces témoins à comparaître.
J'ai aussi l'intention d'organiser une réunion pour jeudi—puisque nous serons tous en ville ce jour-là car il y aura un vote sur le budget—afin d'entendre les commentaires de la ministre sur ce projet de loi. Ce sera le coup d'envoi de notre étude et ensuite les porte-parole des divers partis disposeront de deux semaines pour se préparer. Est-ce que cela vous convient?
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le président, il n'y a plus quorum à la Chambre. Nous devons nous y rendre. L'opposition a quitté les lieux.
Le président: Il n'y a plus quorum à la Chambre.
M. Steve Mahoney: C'est exact.
Le président: Un instant.
Un député ministériel équivaut à trois députés de l'opposition, c'est ce qu'on m'a dit. N'est-ce pas exact?
M. Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Je dois vous dire que si vous parlez de volume, vous aurez quand même de la concurrence.
Le président: Je sais que je devrais être prudent quand je dis ce genre de choses.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Peu importe si les députés ministériels sont ici ou à la Chambre, ils n'écoutent jamais de toute façon.
Le président: J'invite donc ceux qui veulent discuter des témoins et de choses de ce genre à venir me voir immédiatement après la réunion.
Nous accueillons ce matin M. Denis Desautels, ancien vérificateur général du Canada et aujourd'hui directeur général du Centre d'études en gouvernance; tous les députés savent que M. Desautels a eu une carrière longue et bien remplie comme vérificateur général du Canada et il a beaucoup aidé la Chambre à améliorer ses pratiques de gestion.
Nous avons hâte d'entendre votre présentation, monsieur. Vous connaissez bien la routine, vous avez participé à des réunions de comité aussi souvent sinon plus souvent que la majorité d'entre nous. Vous pouvez donc présenter votre exposé.
[Français]
M. L. Denis Desautels (directeur général du Centre d'études en gouvernance et cadre en résidence à la Faculté d'administration, Université d'Ottawa, À titre individuel): Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour à tous les membres du comité.
Il m'est agréable de me retrouver parmi vous ce matin pour discuter de sujets qui me sont toujours chers, même si cela fait maintenant presque deux ans que j'ai terminé mon mandat comme vérificateur général du Canada. De plus, j'appuie fermement les buts que vous vous êtes fixés pour cette étude et je vous souhaite beaucoup de succès dans votre recherche de pistes pour faire en sorte que nos institutions publiques soient parmi les plus performantes au monde.
J'ai eu l'occasion d'étudier le document décrivant les buts de votre étude de même que la transcription de certaines de vos réunions, et je m'en suis d'ailleurs inspiré pour préparer les quelques remarques qui suivent.
[Traduction]
J'aimerais faire quelques brefs commentaires sur les derniers efforts déployés par le gouvernement fédéral pour réformer la fonction publique; je crois que cela pourrait en fait être la toile de fond de nos discussions ce matin.
J'ai lu le document qui décrit l'étude qu'entreprend le comité et il est clair que les députés sont conscients des facteurs qui ont joué sur la réforme de la fonction publique dans le monde entier au cours des 20 dernières années. Je ne passerai donc pas en revue ces facteurs en détail ce matin et je me contenterai plutôt de faire quelques brefs commentaires sur les caractéristiques des réformes lancées par le gouvernement fédéral dont j'ai été témoin lorsque j'étais vérificateur général.
Il est vrai, comme M. Ehrenworth l'a d'ailleurs signalé lors d'une réunion précédente, que les réformes de gestion de la fonction publique dont nous avons été témoins au palier fédéral au Canada ont été dans une large mesure initiées par la bureaucratie plutôt que par les politiciens. La seule exception pourrait être les efforts déployés actuellement dans le but de moderniser la gestion des ressources humaines, qui ont été initiés par la présidente du Conseil du Trésor et appuyés, on peut le supposer sans risque d'erreur, par le premier ministre. Ce genre d'orientation claire peut permettre de faire progresser un programme même lorsqu'il y a une certaine opposition.
Cependant, il faut rappeler que les réformes fédérales ont été moins influencées par les idéologies politiques au Canada qu'à l'étranger. Comme un sous-ministre m'a déjà dit, l'approche canadienne est pragmatique, et dépend de chaque cas. Cette façon de procéder présente peut-être un avantage, soit qu'on évite ainsi les excès qui peuvent accompagner la fidélité aveugle à une idéologie. Je suis devenu conscient de ces excès à la suite de conversations avec des observateurs des réformes qui se sont déroulées en Australie et en Nouvelle-Zélande.
[Français]
Mon prochain commentaire a trait à la culture politique canadienne et à son impact sur certains aspects de la réforme de l'administration publique, notamment l'imputabilité et la transparence.
La fonction publique fédérale a fait des efforts louables pour développer des rapports utiles sur le rendement des ministères et des différents organismes fédéraux. Mais je crois que nous pourrions tous retirer encore plus de retombées bénéfiques de ces efforts si ce n'était de notre culture politique qui n'encourage pas la transparence et une reddition de comptes objective. Ceci n'est pas un problème facile à régler, mais nous devons nous y attaquer si nous voulons un jour bénéficier de rapports qui soient à la fois informatifs et équilibrés.
[Traduction]
C'est plutôt regrettable parce que je suis convaincu que l'obligation de rendre compte et la transparence permettent, au fil des ans, d'avoir des institutions plus solides; de plus, ces deux facteurs sont absolument nécessaires si nous voulons que nos institutions soient parmi les meilleures au monde. La réforme de l'administration publique au Canada, tout au moins au palier fédéral, n'a peut-être pas été initiée par des politiciens et n'était peut-être pas un élément parmi tant d'autres d'un grand plan général, mais il y a quand même eu des changements importants apportés à l'administration publique dans les années 90.
Parmi ces changements on retrouve des pratiques financières et budgétaires prudentes, l'acceptation de la responsabilité à l'égard des résultats, la mise en oeuvre d'ententes sur la régie partagée, des expériences valables d'ententes de diversification des modes de prestation de services et l'importance accrue accordée à la qualité des services offerts aux Canadiens ainsi que l'amélioration de la qualité de ces services.
Cependant, il faut beaucoup de temps pour s'attaquer à certaines des autres questions fort importantes comme la gestion financière et le programme concernant la fonction moderne de contrôleur, la gestion d'importants projets de technologie de l'information, le rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor, la gestion horizontale et enfin la gestion du risque. Ces questions ont fait l'objet de discussions intéressantes, mais nous devons essayer d'en venir à un consensus.
Cependant, une des questions les plus urgentes que nous devrons régler bientôt est celle de la gestion des ressources humaines. Il n'est pas facile pour les politiciens de se passionner pour ce genre de question, mais j'espère que les efforts que l'on déploie actuellement pour moderniser la gestion des ressources humaines réussiront. Ces efforts sont importants pour les contribuables canadiens, et si les efforts actuels ne mènent pas à l'adoption de changements, il se pourrait que l'on attende très très longtemps avant que les choses ne changent. Ainsi, le gouvernement canadien aura beaucoup de difficulté à attirer, à conserver et à créer le genre de talents qui seront nécessaires si nous voulons adopter des techniques modernes de gestion et si nous voulons aider le Canada à jouer le rôle qui lui revient sur la scène internationale, toujours en effervescence.
Á (1115)
[Français]
Monsieur le président, il me fera maintenant plaisir de répondre aux questions des membres du comité. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: M. Forseth, suivi de M. Epp.
Monsieur Forseth, allez-y.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup.
Je suis heureux de voir que vous vous êtes trouvé une nouvelle carrière et que vous avez même reçu une attention nationale dans les journaux récemment. C'est signe que la vie continue pour ceux qui partent d'ici.
Je veux revenir aux commentaires que vous avez faits sur la gestion des ressources humaines et la modernisation. Vous dites que c'est là une question fort importante. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus long.
Vous avez dit que c'était une question prioritaire. Que devons-nous changer ou améliorer? Pourriez-vous nous dire si le projet de loi C-25 nous engage dans la bonne voie? Est-ce que cette mesure permettra de régler les problèmes que vous avez identifiés?
Vous aurez noté qu'avec le projet de loi C-25, l'on définit pour la première fois dans un texte de loi, si je ne me trompe, le principe du «mérite». Nous avons donc une discussion nationale sur la viabilité et l'utilité de cette nouvelle définition du mérite.
Est-ce que ces propositions sont compatibles avec cet objectif général de la modernisation de la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, pour répondre à la première partie de la question, soit ce qu'on doit améliorer, je dirais simplement qu'il faut offrir aux sous-ministres et aux cadres supérieurs de la fonction publique qui sont responsables de la production de résultats plus de souplesse au chapitre des décisions en matière de ressources humaines et une plus grande responsabilité à l'égard de ces décisions. Actuellement, la responsabilité est partagée entre divers intervenants, et lorsqu'il y a trop de joueurs, je crois qu'il est très difficile de demander à qui que ce soit de rendre des comptes. Je crois donc qu'il faut préciser les rôles respectifs des principaux intervenants tout en leur donnant suffisamment de marge de manoeuvre pour s'acquitter de leurs responsabilités.
J'espère que c'est assez clair. C'est ma réponse brève à la première question.
La deuxième question porte sur le projet de loi, à savoir s'il permettra de régler les problèmes. Je pense que c'est ce que vous voulez savoir. Je crois que ce nouveau projet de loi devrait bien nous permettre de le faire. Je crois que ce que l'on propose dans ce projet de loi est le minimum qui doit être fait. Je crois qu'il faut faire au moins tout ce qu'on y propose et ne pas se contenter de donner suite seulement à quelques-unes des modifications proposées.
On mentionne dans ce projet de loi le principe du mérite, ce qui est toujours une question assez délicate. Je crois que ce qu'on propose dans le projet de loi à l'égard de ce principe est une bonne chose, et je crois que ces propositions permettront de donner plus de marge de manoeuvre à la fonction publique lorsqu'elle cherche à recruter et à attirer des employés. Elle pourra de cette façon agir plus rapidement que par le passé.
Á (1120)
M. Paul Forseth: Lorsque vous étiez vérificateur général, nous parlions toujours d'optimisation des ressources, de responsabilité devant le Parlement et de transparence. Tous cela contraste avec le silence des ministères et de leurs fonctionnaires. Le nouveau projet de loi ne mentionne pas du tout la protection des dénonciateurs.
Nous avons reçu une longue note de service où on parle de la divulgation des écarts de conduite et on dit qu'il appartient aux fonctionnaires de faire rapport de ces fautes en suivant la filière hiérarchique. Vous connaissez très bien la fonction publique et la façon dont le gouvernement fonctionne; d'après vous, est-ce que ce genre de consigne interne devrait être enchâssée dans la loi pour que l'on reconnaisse ainsi le besoin de protéger les fonctionnaires qui feraient rapport d'écarts de conduite. Tout cela correspondrait à ce thème de transparence que vous avez déjà mentionné.
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, on a raison de se demander si ce projet de loi devrait comprendre des dispositions visant la protection des dénonciateurs. On ne semble pas avoir accordé beaucoup d'attention à cette question dans le projet de loi. Il y a sans doute diverses raisons à cela. Par exemple—et je ne sais pas, je ne fais que supposer—, il se pourrait qu'on dise qu'on peut prendre des mesures pour protéger les dénonciateurs sans les intégrer dans ce projet de loi. C'est une question épineuse et je crois qu'elle mérite de faire l'objet de discussions. Je ne voudrais cependant pas que l'on retarde ou ralentisse toute la discussion sur la réforme ou la modernisation de la gestion des ressources humaines simplement en raison de ce problème épineux. Je pense qu'on peut composer avec ce problème d'une autre façon.
Cela dit, je crois qu'il faut au sein de la fonction publique accorder une importance toujours plus grande à la question de la déontologie et des valeurs. Une discussion sur ces questions inclurait les mesures législatives sur la protection des dénonciateurs, mais à mon avis une mesure législative de cette nature serait le dernier recours d'un système qui fonctionne bien. À mon avis, ce système assure le règlement des différends et la promotion de codes déontologiques mais prévoit également des mécanismes de rechange au cas où les problèmes ne peuvent être réglés autrement.
J'exhorte cependant les gouvernements à faire tout ce qu'ils peuvent pour faire la promotion de valeurs et de règles de déontologie et à prévoir des mécanismes permettant de régler le plus tôt possible les différends qui peuvent exister au sein de ministères tout en étant conscients qu'à l'occasion ça ne suffit pas et qu'il serait peut-être nécessaire d'avoir une mesure de dernier recours comme des mesures législatives sur la protection des dénonciateurs.
M. Paul Forseth: J'aimerais poser une dernière question.
Vous avez dit qu'il fallait préciser les rôles des divers intervenants de la fonction publique. Je pense que vous faisiez allusion à la Commission de la fonction publique. À mon avis, il faut se rappeler lorsque vous parlez de souplesse que les gens pensent souvent qu'ils ne reçoivent pas de réponse à temps ou suffisamment rapidement de la Commission de la fonction publique.
La solution serait, au lieu d'améliorer la Commission de la fonction publique, de créer des mécanismes de délégation et des systèmes qui permettraient de contourner la commission ou de forcer cette dernière à déléguer ses responsabilités à d'autres intervenants.
Vous parlez du besoin d'avoir plus de souplesse, mais à mon avis, ce que j'appelle l'affaiblissement du principe du mérite est attribuable au fait que nous n'obtenons pas ce dont nous pensons avoir besoin de la Commission de la fonction publique. La commission doit assurer la responsabilisation et l'indépendance en matière de nomination, d'avancement professionnel, de recrutement, et j'en passe.
Au lieu d'essayer de contourner la Commission de la fonction publique sous prétexte qu'on veut assurer une plus grande souplesse, pourquoi ne pas essayer de régler le vrai problème au lieu de simplement affaiblir la notion même du principe du mérite. Qu'en pensez-vous?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, je suis, pour l'essentiel, d'accord avec M. Forseth. Il nous faut essayer de régler les problèmes où ils se trouvent véritablement, plutôt que de chercher des mécanismes qui contournent certains problèmes.
Un autre témoin a signalé par exemple la bonne initiative de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Je reconnais que dans l'ensemble cette nouvelle structure semble fonctionner. Je déplore toutefois le fait qu'on y a eu recours pour contourner certains problèmes d'embauche, de dotation, de classification et de rémunération à l'agence.
On a choisi comme solution de retirer ces éléments du système principal plutôt que d'apporter un redressement à ce système. À mon avis, ce n'est pas la façon idéale de procéder. Puisqu'il y a actuellement un souci de moderniser les ressources humaines, j'espère qu'on en profitera pour apporter les redressements qui s'imposent de sorte qu'au lieu de bouder le système, les gens choisiront d'y avoir recours de nouveau.
Á (1125)
Le président: Merci, monsieur Desautels.
M. Lanctôt.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Desautels, je vous écoute et je comprends que la gestion des ressources humaines est un point très important. Encore une fois, je reviens toujours à la gestion horizontale et à tous les problèmes qui existent dans les organismes gouvernementaux.
En adoptant immédiatement le projet de loi C-25, on essaie de régler rapidement un paquet de petits points, surtout en ce qui a trait aux ressources humaines. Cependant, je crois que le problème est beaucoup plus étendu et beaucoup plus complexe. Je pense qu'on commence par la fin au lieu de commencer par le début.
On sait qu'il y a des problèmes de gestion horizontale depuis 10 ans, avec la nouvelle gestion publique. On essaie des choses, mais on a peu de résultats; on a vu le cafouillage qu'il y a eu dans le cas des armes à feu et celui qu'il y a eu à Développement des ressources humaines Canada. On a un grave problème d'imputabilité et on essaie de faire des petites retouches. Je sais bien qu'il faut commencer quelque part, surtout qu'on a besoin de modifications depuis plus de 10 ans, mais pourquoi ne pas commencer au début?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, M. Lanctôt parle de gestion horizontale et j'en ai aussi parlé dans mes remarques. Il faut bien sûr améliorer la façon dont sont gérés les dossiers qui ont un impact sur plus d'un ministère.
Étant donné ce que j'ai vu, je pense qu'il y a eu une certaine amélioration à cet égard, contrairement à ce que certains ont peut-être dit. Donc, je crois que le gouvernement gère mieux aujourd'hui les dossiers qui ont un impact horizontal qu'il y a 10 ou 15 ans.
Maintenant, c'est loin d'être parfait, et une des questions qui doivent être réglées lorsqu'on parle de gestion horizontale est celle du rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor. J'en ai également parlé plus tôt.
Le rôle du Secrétariat Conseil du Trésor se promène un peu comme un balancier d'une année à l'autre. Il était rendu à un point extrême qui faisait que le secrétariat assumait très peu de responsabilités vis-à-vis de ce qui se passait dans les ministères et pour la gestion de dossiers horizontaux. Maintenant, je crois percevoir que le balancier revient un petit peu et que le conseil est prêt à prendre plus de responsabilités dans la gestion de dossiers horizontaux.
Si on parle de réformer la gestion gouvernementale, on doit mettre sur la table la question du rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor comme gestionnaire central de dossiers qui doivent être gérés de façon centrale. De plus, j'ai perçu dans le passé qu'il y avait confusion chez les députés quant au rôle réel du Secrétariat du Conseil du Trésor. Quand quelque chose dérapait, comme dans le cas que vous avez mentionné, on ne savait pas à qui était la faute et on se renvoyait souvent la balle.
Je pense donc qu'il serait utile que votre comité se penche sur la question du rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor dans la gestion horizontale au gouvernement fédéral.
Á (1130)
M. Robert Lanctôt: Est-ce qu'un autre organisme devrait chapeauter tout cela, ou si le Secrétariat du Conseil du Trésor pourrait être adéquat? Jusqu'à maintenant, on a eu énormément de difficulté à arriver à des résultats. Lorsqu'on essaie de toucher à un pouvoir ou même à une ressource financière ou à un budget, on ferme la porte immédiatement. On peut le voir dans plusieurs dossiers comme celui des personnes handicapés ou celui du sport. Ce dossier est un autre exemple. Quand on veut demander des sommes d'argent, il faut se demander s'il faut aller à Santé Canada, à Patrimoine Canada ou à Industrie Canada. Chaque fois, on se rend compte que les portes se ferment parce qu'il n'y a pas de discussions entre les ministères.
Vous me dites qu'il y a un balancier et qu'on essaie de s'en occuper, mais est-ce qu'il est adéquat? Ne faudrait-il pas créer un organisme supérieur à celui-là qui verrait à la gestion et dirait aux ministères qu'ils doivent faire telle chose? Quand on leur demande quelque chose, les ministères se ferment; ils disent qu'ils ont leur budget et qu'ils n'y touchent pas. Est-ce qu'il faudrait changer tout l'organigramme encore une fois? Cela existe depuis plusieurs années, et le Secrétariat du Conseil du Trésor a de la difficulté à faire cela. Sinon, cela existerait.
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, je ne pense pas qu'on doive créer un nouvel organisme, parce qu'il y en a assez présentement. Il faut donc s'arranger pour que les organismes qui sont là jouent leur rôle correctement.
Selon moi, les parlementaires doivent s'entendre sur le rôle que doit jouer le Secrétariat du Conseil du Trésor. À partir du moment où on s'entend sur cette question, il faut ensuite s'assurer que l'organisme en question soit équipé pour faire son travail.
À l'heure actuelle, je ne pense pas que le Secrétariat du Conseil du Trésor ait les ressources ou l'expertise nécessaires pour jouer le rôle que vous voulez qu'il joue. Dans un premier temps, je pense que vous devez énoncer clairement le rôle que vous voulez qu'il joue.
M. Robert Lanctôt: Mais est-ce que cela devrait être son rôle? Ça devrait être son rôle principal.
M. L. Denis Desautels: Si vous faites l'étude historique du Secrétariat du Conseil du Trésor, vous constaterez qu'il a toujours été une agence centrale qui, dans le passé, jouait un rôle très direct et très actif dans la gestion globale du gouvernement, non seulement dans la gestion des crédits budgétaires et des budgets de chaque ministère, mais aussi dans la gestion de dossiers plus horizontaux. Vers la fin des années 1980 et au début des années 1990, il a reculé un peu par rapport à ce rôle et il a laissé entendre qu'il se fiait aux ministères pour mettre en place les programmes pour lesquels on leur accordait des crédits.
Dans les années 1990, les députés et même les ministres s'interrogeaient sur le rôle réel du Conseil du Trésor. Je dirais que dans l'ensemble, on s'attendait à plus de choses de la part du Conseil du Trésor, à plus de direction centrale et à plus de coordination des dossiers dits horizontaux ou interministériels.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Merci, monsieur le président.
Monsieur Desautels, je suis ravi de vous retrouver.
Permettez-moi d'aborder la question des sociétés d'État et des organismes indépendants au sein du gouvernement. On dit que l'on doit resserrer la reddition de comptes dans le cas de ces entités.
Ainsi, jour après jour, sont inscrites au Feuilleton des douzaines de questions concernant la Société immobilière du Canada, la SCHL, la Société canadienne des postes—questions qui exigent des réponses assez détaillées. Pour réunir les renseignements demandés, il faudrait beaucoup de temps. Or, ces mêmes entités détiennent, pour l'essentiel, des mandats commerciaux. Je suppose que l'on a choisi de procéder de la sorte parce que le gouvernement souhaitait réduire ses effectifs pour réaliser une économie de deniers publics tout en améliorant l'efficacité de la prestation des services offerts.
La Société canadienne des postes en est un cas de figure. La société possède 96 p. 100 de Purolator, voire plus. L'an dernier, l'excédent du budget d'exploitation de la SCHL était de près de 500 millions de dollars, attribuable à ses services d'assurance hypothécaire, et la société concurrence directement GE Capital. La Société canadienne des postes et Purolator font concurrence à tous les autres services de messagerie au Canada.
Comment ces entités pourraient-elles faire preuve d'une plus grande transparence? Comment pourrait-on exiger qu'elles respectent les mêmes normes de reddition de comptes que n'importe quel autre ministère, sans qu'elles soient empêchées de s'acquitter du mandat commercial que leur a confié l'actionnaire, en l'occurrence le gouvernement du Canada?
Comment concilier ces deux types d'obligations? On est presque en présence d'une dichotomie. En effet, on exige de ces sociétés, pour l'une, de livrer le courrier, pour l'autre, d'offrir des assurances hypothécaires, et on exige du bon travail, etc. Le mandat de la Société immobilière du Canada est d'optimiser la valeur obtenue lors de la vente de biens fonciers de l'État, et cela suppose une concurrence avec les promoteurs. Comment donc la société peut-elle réussir si elle est soumise à des restrictions qui ne sont pas imposées à ses concurrents? Ces sociétés ont pour ainsi dire les mains liées face à la concurrence.
Je voudrais que vous me disiez ce que vous en pensez.
Á (1135)
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, la gestion des sociétés d'État est un sujet fort intéressant et important. Le cadre, assez unique, auquel le gouvernement fédéral a recours pour gérer ces sociétés d'État a produit des résultats satisfaisants depuis 15 ou 20 ans. En effet, il prévoit l'approbation des plans des sociétés d'État, lesquels sont soumis à la Chambre et au Parlement en général.
À mon avis, ce cadre de gestion d'une société d'État est de façon générale assez solide. J'ajouterais que bien entendu, ce cadre valorise la transparence et de bonnes pratiques de comptabilité, ce qui à mon avis n'est pas excessif. Je ne pense pas que les sociétés d'État aient les mains liées et soient empêchées de faire ce qu'elles doivent faire. Je suppose qu'on peut exagérer en demandant, grâce à l'accès à l'information, toutes sortes de détails sur les affaires des sociétés d'État.
Il ne faudrait pas traiter les sociétés d'État de la même façon que les ministères. Si on pouvait le faire, on n'aurait pas besoin d'elles, car tout se ferait au sein de la structure ministérielle habituelle. Si les parlementaires ont choisi de créer des sociétés d'État, c'est parce qu'ils acceptent qu'elles bénéficient d'exigences de transparence et d'obligations de rendre compte qui sont différentes de celles qui sont imposées aux ministères.
Il y a certaines sociétés d'État, certaines entités qui existent sous le même régime que les ministères. Dans ces cas-là, on a pu démontrer que la transparence n'interdisait pas la bonne marche des affaires. Voici un exemple auquel on pourrait s'attarder : l'Office d'investissement du Régime de pension du Canada, qui prépare désormais des états financiers trimestriels et affiche sur son site Web quantité de renseignements sur ses transactions.
En fait, on me dit que la plupart des demandes faites en vertu de l'accès à l'information n'ont pas lieu d'être car les renseignements se trouvent disponibles, diffusés sur le site Web de l'office. L'Office d'investissement du RPC a poussé la transparence plus loin que la plupart des sociétés d'État. Cela ne semble pas avoir nui à sa capacité de s'acquitter de son mandat.
Á (1140)
M. Steve Mahoney: C'est votre rapport de février 2001 qui m'a alerté sur ce sujet. Je le reconnais, je ne possède pas tous les détails de l'article 5 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Vous recommandez notamment une meilleure régie des sociétés d'État, qu'elles fassent preuve d'une plus grande transparence et qu'elles ne soient pas exemptées de la reddition de comptes prévue à l'article 5 de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Il semble que quelque chose ne va pas quand on refuse d'exempter les sociétés d'État des exigences qui s'appliquent à DRHC, par exemple, ou à une autre entité relevant totalement du gouvernement. Est-ce à dire que le gouvernement devrait être géré comme une entreprise? J'ai toujours cru que si le gouvernement était géré comme une entreprise, nous serions sans doute rapidement forcés de déposer le bilan. Nous serions assurément dépassés dans certains secteurs dont nous nous occupons, car le mandat du gouvernement ne se borne pas à réaliser des bénéfices.
Que faire dans ces conditions? Le problème ne touche pas seulement les sociétés d'État mais d'autres organismes indépendants comme NavCan. En exigeant tant de transparence, nous imposons des entraves à leur position concurrentielle. Où est le juste milieu?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, comme je l'ai dit tout à l'heure, à mon avis, les exigences de transparence et de reddition de comptes imposées aux sociétés de la Couronne en vertu du régime actuel ne sont pas si excessives qu'elles les empêchent de concurrencer...
M. Steve Mahoney: Excusez-moi de vous interrompre. J'avais l'impression que vous préconisiez une reddition de comptes plus serrée et la suppression des exemptions.
M. L. Denis Desautels: Sans avoir le texte sous les yeux, je pense que vous vous reportez au fait que certaines sociétés d'État sont exemptées de certains aspects de la Loi sur la gestion des finances publics. Il s'agit notamment des sociétés d'État à vocation culturelle qui doivent être encore plus indépendantes du gouvernement que les autres. D'autres sociétés à vocation financière, comme la Banque du Canada et la Commission canadienne du blé, sont exemptées de l'application de certaines dispositions de la Loi sur la gestion des finances publics.
Je n'ai jamais accepté la logique de ces exemptions. Les exigences ne sont pas tellement lourdes. Il y a environ une demi-douzaine de sociétés d'État qui, quand on y regarde de près, sont exemptées de certaines dispositions du cadre dont je parlais tout à l'heure.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.
Du point de vue du vérificateur général, pourquoi y aurait-il des exemptions? Notre mission est de gouverner. Mon collègue s'inquiète de la compétitivité, mais ne peut-on pas dire que la transparence et la reddition de comptes sont essentielles à la bonne régie d'une société, qu'elle soit privée ou non?
Je m'inquiète également de ce que vous pensez des conseils d'administration de ces sociétés. Beaucoup de conseils d'administration se sont attiré des ennuis dans le secteur privé parce qu'ils n'étaient pas assez transparents, ne rendaient pas assez de comptes, même à leurs propres membres. Le chef de la direction ne leur fournit des renseignements que pour prendre certaines décisions. Il semble que l'estampillage symbolique par les conseils d'administration soit un problème.
Si le gouvernement devait donner l'exemple en la matière, qu'est-ce qui changerait? Y aurait-il une différence dans nos nominations aux conseils d'administration? Le rôle du vérificateur général serait-il différent? Si on devait recommencer à zéro, quel serait le tableau?
Pourquoi prévoir des exemptions? Pour la Fondation canadienne pour l'innovation, Inforay, ou les 50 millions de dollars dont le président de la Chambre est responsable pour la Bibliothèque du Parlement? Vous avez dû être agacé, comme vérificateur général, de ne pas pouvoir vous pencher sur certains secteurs.
S'il s'agit de mesurer les résultats d'ensemble du gouvernement pour en vérifier la performance, ne devrions-nous pas évaluer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et aller même là où nous versons de grandes quantités d'argent, c'est-à-dire la sous-traitance avec le secteur bénévole?
Nous avons cessé de donner un financement de base aux organisations bénévoles sous prétexte que nous ne pouvions pas mesurer les résultats obtenus. Quelle conception différente appliqueriez-vous à la mesure des résultats d'ensemble du gouvernement dans le but de vérifier si l'argent est dépensé à bon escient?
Á (1145)
M. L. Denis Desautels: Permettez-moi d'essayer de répondre à cette difficile question. Tout d'abord, Mme Bennett a fait allusion au fait que le vérificateur général ne scrute pas certaines entités. Elle a ajouté que cela devait m'agacer quand j'étais vérificateur général parce que je contestais la validité de ces exceptions.
Il faut dire que le gouvernement de l'époque, en faisant de ces entités des exceptions, tenait à préserver le plus possible leur indépendance face au gouvernement, y compris au vérificateur général. Par exemple, les états financiers de la Banque du Canada ne sont pas vérifiés par le vérificateur général afin mettre la banque le plus possible à l'abri de toute influence gouvernementale. C'est une question de degré.
Quand l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, dont je parlais tout à l'heure, a été créé, l'enjeu était le même. Nous souhaitions une entité totalement indépendante et échappant à toute influence de la part du gouvernement. Ainsi, même le vérificateur général ne pouvait pas être le vérificateur de l'office. La même logique s'est appliquée dans le cas de la Commission canadienne du blé.
Je vous présente tout simplement les deux côtés de l'argumentation, même si je n'ai jamais accepté ces arguments.
D'autres entités indépendantes ont été créées récemment, ce sont les fondations. Le nom même de fondation signifie qu'elles sont indépendantes et que leur vérification ne relève pas du vérificateur général. On ne peut pas créer une entité indépendante et en même temps demander au vérificateur général de la vérifier. On peut contester la véritable indépendance de telles entités.
J'ai constaté avec satisfaction que le ministre des Finances soulève cette question dans les documents connexes au dernier budget. Il semble qu'on va discuter plus en profondeur du régime de reddition de comptes de ces prétendues entités indépendantes.
Je vous dis donc que je ne suis pas très friand de ces entités que l'on a multipliées depuis quelques années.
Mme Carolyn Bennett: Certains de ces organismes ont été créés pour éviter le gaspillage d'argent. Pourquoi ne pas les assujettir à l'examen ou à la compétence du vérificateur général? Est-ce ainsi qu'on définit un organisme indépendant? Si oui, comment peut-on créer une structure de reddition de comptes qui permet à un organisme comme le Bureau du vérificateur général de vérifier que ces organismes font bien leur travail à partir d'un financement venant à peu près exclusivement des fonds publics?
M. L. Denis Desautels: Comme je l'ai dit, si ces organismes étaient vraiment indépendants, le gouvernement ne pourrait pas leur imposer ses vérificateurs.
Il faut faire un choix. Si les députés déplorent de ne pouvoir être informés de ce qui se fait dans ces organismes comme ils le peuvent pour les autres ministères, s'ils souhaitent que leurs propres vérificateurs fassent des vérifications régulières, ils devraient alors revoir la façon dont ils utilisent de tels organismes.
Comme je l'ai déjà dit, on ne peut pas tout avoir. Si nous voulons vraiment des organismes indépendants, il faut en accepter les conséquences.
Á (1150)
Mme Carolyn Bennett: Notre comité est chargé d'examiner tout cela. Que recommandez-vous?
Le président: Merci, madame Bennett. C'est une bonne question pour conclure.
M. L. Denis Desautels: Ces fondations qui ont été mises sur pied ne devraient pas être utilisées comme elles l'ont été pour payer à l'avance des dépenses futures. Nous savons tous que c'est la principale raison pour laquelle elles ont été créées. Pour celles qui existent déjà, nous devrions les laisser se rendre à terme tout en étant toutefois très prudents. Je dirais même davantage, il faudrait nous montrer très critiques à l'égard de toute proposition pour en créer d'autres et pour utiliser à l'avenir ce mécanisme.
Le président: Excusez-moi, pourrais-je poser une question? Quand vous dites qu'il faudrait laisser aller à leur terme celles qui existent déjà, croyez-vous que le gouvernement devrait continuer de les financer au-delà des subventions globales qu'elles reçoivent déjà?
M. L. Denis Desautels: Ce que j'entends par là, c'est qu'on doit les laisser faire leur travail avec ce qu'elles ont déjà et ne plus transférer à ces fondations des sommes énormes comme nous l'avons fait par le passé. Si je puis me permettre de faire une telle affirmation politique, c'est que je ne suis plus vérificateur général.
Le président: Vous êtes maintenant libre de faire de telles déclarations, monsieur Desautels.
Merci beaucoup.
Mme Carolyn Bennett: En ce qui a trait aux nominations au sein de ces conseils par le gouverneur en conseil, y aurait-il une meilleure façon de procéder? Ces conseils font-ils bien leur travail et, de votre point de vue de vérificateur général, faudrait-il que les membres de ces conseils soient plus qualifiés?
Le président: Merci beaucoup, madame Bennett. J'ai mal surveillé mon chronomètre et je vous ai permis de poser cette question. Mais c'est le tour de M. Epp.
Monsieur Desautels, veuillez répondre brièvement.
M. L. Denis Desautels: En bref, Mme Bennett a raison. Nous pourrions faire mieux. Nous avons expliqué dans l'un de mes derniers rapports, celui de décembre 2000, comment on pourrait nommer les membres des conseils des sociétés d'État et comment on pourrait améliorer la fonction des conseils dans la nomination des PDG des sociétés d'État.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Vous avez parlé de nommer des députés?
M. L. Denis Desautels: Les administrateurs.
Le président: Merci.
Monsieur Epp, allez-y.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président. Merci également, monsieur Desautels. J'ai toujours beaucoup de plaisir à poser des questions quand vous êtes notre témoin. Nous sommes heureux de vous revoir dans vos nouvelles fonctions.
Votre successeur a connu des frustrations très importantes. Je vais vous situer dans le contexte.
À mon avis, le rôle du gouvernement est de fournir des services dans l'intérêt de la population. Tous les citoyens envoient des députés les représenter à Ottawa, et ces députés ont pour responsabilité générale de surveiller les opérations du gouvernement. Mais il existe au sein du gouvernement une hiérarchie de la gestion. Chacun doit rendre des comptes à ses supérieurs, généralement selon une structure hiérarchique. La grande question est de savoir si l'on fait ce que l'on devrait faire et, une fois qu'on a décidé ce qui devrait être fait, le fait-on bien. Pour l'évaluer, on pose la question suivante : les citoyens en ont-ils pour leur argent?
Et pourtant, dans votre travail de vérificateur général—et dans le travail de vos successeurs—de même que dans notre travail de députés de l'opposition, nous mettons surtout l'accent sur ce qui va mal. Nous demandons pourquoi les choses vont mal. C'est un peu comme dans le secteur du transport aérien. Lorsqu'il se produit un écrasement, il faut examiner immédiatement la situation pour éviter que d'autres écrasements se produisent. C'est pourquoi on fait des enquêtes approfondies sur les accidents.
Depuis plusieurs années, il y a eu des problèmes vraiment graves en matière de reddition de comptes. Vous avez parlé de reddition de comptes et de transparence, mais il n'y en a pas. Le Conseil du Trésor établit des directives et des règles pour l'octroi de contrats, de subventions et de contributions, et si ces règles sont suivies, on peut supposer que le contribuable en a pour son argent. Par contre, si ces règles sont violées... Comment peut-on intégrer la reddition de comptes dans ce système?
Je vais vous donner un exemple précis. Supposons que quelqu'un obtienne un contrat qui va à l'encontre des directives du Conseil du Trésor parce qu'un maître politique décrète qu'il veut faire quelque chose. Cette personne se trouve donc dans un dilemme. Doit-il respecter les règles? Doit-il obéir à son maître politique? Conserve-t-il son emploi?
Comment équilibrer tout cela?
Dénoncer les abus ne les résout pas totalement. Quelle serait votre réponse à ce dilemme?
Á (1155)
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, comme je l'ai déjà dit, il faut incorporer dans la culture de gestion de la fonction publique de bonnes valeurs et des règles d'éthique qui guideront les fonctionnaires dans tous les aspects de leur travail.
Nous savons tous que des questions se poseront tôt ou tard et c'est pourquoi nous devons nous assurer de mettre en place de bonnes structures qui permettront de bien résoudre ces problèmes.
M. Epp a utilisé un bon exemple. Que doit faire un fonctionnaire quand on lui demande de faire quelque chose qui va à l'encontre des règles fondamentales d'octroi des marchés publics? C'est une question fondamentale.
À mon avis, dans chaque ministère qui octroie des contrats, il doit exister un mécanisme pour résoudre les divergences d'opinion ou les différends quant à l'à-propos de certaines décisions. Je ne crois pas qu'il faille automatiquement blâmer les fonctionnaires ni qu'il faille invoquer immédiatement dans de tels cas les mesures législatives sur la dénonciation. Dès qu'un tel cas se produit, il faut le résoudre de façon responsable. C'est pourquoi j'estime que tous les ministères devraient être dotés de mécanismes qui leur permettent de résoudre immédiatement les différends, lorsqu'ils se produisent.
Mais il n'existe pas de système sans faille et il faudrait peut-être des mécanismes qui permettent de faire davantage si la première ligne de défense ne donne pas de résultats. Cela n'existe pas nécessairement à l'heure actuelle dans les ministères, et c'est pourquoi il faudrait demander à chaque ministère ce qu'il peut faire pour résoudre le genre de situation que vous avez décrite.
Le président: Merci, monsieur Desautels.
Monsieur Epp, nous entamons notre deuxième tour de table et vous aurez de nouveau l'occasion de poser des questions.
Monsieur Lanctôt, vous avez trois minutes. En posant des questions brèves, vous obtiendrez davantage de réponses.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Merci, monsieur le président.
Dans le même ordre d'idée, on pose des questions aux ministres lorsqu'ils comparaissent dans les différents comités. Comment aller chercher de l'information, que ce soit d'un sous-ministre ou d'un sous-ministre adjoint ou même d'autres personnes à l'intérieur? Lorsqu'on parle avec eux en privé, que ce soit au Parlement ou ailleurs, ils nous disent qu'il y a des choses qui ne se font pas correctement, selon les règles. Mais lorsque vient le temps de poser des questions en comité, ces gens-là ne disent pas la même chose. Ils nous disent de poser la question au ministre. Comment pourra-t-on forcer ces gens à parler s'il n'y a pas de lois pour les protéger contre ces dénonciations?
Je sais qu'au départ, vous avez répondu qu'on pourrait peut-être aborder le problème autrement que par l'intermédiaire du projet de loi C-25, mais je ne comprends pas pourquoi. Si on est en train de restructurer le système et de donner un nouveau cadre à ces gens, il faut le faire entièrement et immédiatement. Si on veut leur donner des responsabilités et du leadership, il faut aussi leur permettre de dire ce qui ne fonctionne pas. Ils ne devraient pas dire qu'ils savent que ça ne fonctionne pas, mais qu'on doit poser la question au ministre parce que c'est une question de politique, ou bien qu'ils n'ont pas vraiment les informations, alors qu'on sait très bien qu'ils ont ces informations. Ils ne veulent pas en parler lorsqu'ils viennent témoigner ici parce qu'ils ont peur de perdre leur emploi ou d'être mutés.
Monsieur Desautels, lorsque vous dites que le problème devrait être réglé à l'extérieur du projet de loi C-25, je ne comprends pas. Ça devrait être prévu dans cette loi, en même temps que nous sommes en train d'établir des nouvelles balises dans le projet de loi C-25.
 (1200)
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, je pense que c'est un choix de stratégie législative. Ce que je regrette, c'est qu'on dit depuis de nombreuses années qu'il est nécessaire de réformer ou de moderniser la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Je pense qu'il faut le faire le plus rapidement possible. L'occasion qui est présentée maintenant est une occasion unique. Si on ne réussit pas à moderniser la gestion des ressources humaines maintenant, je pense qu'il faudra encore beaucoup de temps avant qu'on ait la chance de le faire à nouveau.
Je ne sous-estime pas l'importance de la question que vous soulevez. Cependant, si vous comparez cette question au dossier global de la gestion des ressources humaines, je crois que c'est seulement un élément parmi une foule d'autre éléments. Je ne voudrais pas que ce projet de loi soit bloqué juste à cause de ce point, parce qu'il y a d'autres moyens de régler ce problème.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Lanctôt.
Mme Sgro, puis M. Szabo.
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci. Nous sommes heureux de vous accueillir et d'entendre vos observations sur ces questions.
Comment les parlementaires pourraient-ils être plus efficaces dans leur relation constante avec la bureaucratie et dans leur fonction générale de parlementaires?
Notre comité est maintenant un comité permanent, et c'est très bien. Vous avez terminé votre mandat et vous êtes maintenant en mesure de nous dire comment nous pourrions être plus efficaces dans nos fonctions de parlementaires.
Quelles suggestions pouvez-vous nous faire à ce sujet?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, au cours de mes 10 années au poste de vérificateur général, j'ai appris entre autres qu'il est important pour les parlementaires de demander des comptes au gouvernement. J'ai aussi appris un second principe, c'est que les organismes transparents ont en général un meilleur rendement.
À mon avis, les parlementaires ont un rôle fondamental pour ce qui est de demander au gouvernement des comptes sur la gestion de ses programmes. Ce n'est pas une mince tâche, puisque c'est complexe. Il n'est pas toujours facile d'obtenir des renseignements sur la façon dont les choses sont faites.
À mon avis, les divers comités doivent se doter de bonnes ressources pour obtenir les renseignements dont ils ont besoin pour bien faire leur travail.
Ils doivent également consacrer plus de temps que par le passé à l'analyse des budgets des dépenses qui sont déposés par chaque ministère. Je crois savoir que votre comité examinera de tels budgets.
L'une des choses décourageantes que j'ai constatée, quand j'étais vérificateur général, c'est le peu de temps que les parlementaires consacraient à l'examen des budgets des dépenses. L'une des principales responsabilités des députés, c'est d'approuver les dépenses. Pour cela, il faut avoir une compréhension assez approfondie des raisons de ces dépenses.
Ce sont deux domaines où les députés pourraient être plus efficaces à mon avis.
Mme Judy Sgro: Comment peut-on améliorer la relation entre les fonctionnaires et les parlementaires?
Il semble exister entre les deux groupes un manque de confiance et de compréhension. C'est ce que des témoins nous ont dit. Il est essentiel à mon avis de faire progresser la réforme parlementaire.
 (1205)
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, si c'est le cas, c'est bien malheureux. À titre de vérificateur général, j'ai toujours eu le plus grand respect pour les députés et j'ai essayé de répondre aussi rapidement que possible à leurs demandes de renseignements sur toutes sortes de choses.
Les ministères devraient tous avoir une attitude semblable. Les députés sont au sommet de l'échelle, à mon avis, et ils doivent être traités en conséquence.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci.
Monsieur Desautels, l'ancien greffier de la Chambre des communes, Robert Marleau, a écrit une lettre ouverte intéressante dans le Hill Times. Il a accusé les parlementaires de ne faire leur travail qu'à moitié, et la moitié manquante, c'était l'examen des budgets des dépenses. Quatre-vingt pour cent des comités n'examinent pas les budgets des dépenses même si, d'après notre règlement, on présume que ces budgets des dépenses font l'objet d'un rapport à la Chambre.
J'ai siégé à deux comités qui en ont fait plus ou moins l'examen. Lorsque cet examen est fait, il s'agit davantage d'une période de questions au cours de laquelle les députés de l'opposition essaient de se faire du capital politique lorsqu'un ministre témoigne. Pour résoudre cela, il faudrait probablement que le président du comité ramène les questions sur le sujet des budgets des dépenses au lieu de laisser la discussion dériver vers les questions politiquement délicates relatives aux opérations d'un ministère.
Êtes-vous d'accord avec Robert Marleau sur le fait que les parlementaires n'ont pas bien fait leur travail et qu'ils ratent une bonne occasion?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, comme je l'ai répondu aussi à Mme Sgro, je crois pour ma part que c'est bien un domaine où les députés fédéraux n'ont pas été aussi efficaces qu'ils auraient dû l'être. Et c'est ce que j'ai trouvé décourageant à l'époque où j'étais vérificateur général. J'espère donc qu'on trouvera des moyens de corriger cela, mais je sais qu'on en parle aussi depuis longtemps. Donc c'est comme attendre Godot. Je ne crois pas que ça va se faire du jour au lendemain.
Mais je crois cependant que nous devons mieux comprendre pourquoi les députés fédéraux n'ont pas accordé davantage d'attention aux budgets des dépenses—et je pense qu'il y a des raisons fondamentales à cela—et il faut analyser ces raisons et peut-être donner aux députés fédéraux davantage d'incitatifs pour qu'ils étudient les budgets des dépenses.
M. Paul Szabo: J'imagine que la seule autre chose dont j'aurai le temps de parler, c'est peut-être des propos que vous avez tenus dans votre allocution liminaire concernant l'aspect ressources humaines du problème, l'éthique et les valeurs au sein de la fonction publique, et des autres choses comme les dénonciateurs et le règlement des différends et ainsi de suite.
On fait souvent l'éloge de la fonction publique parce qu'elle est très solide et très efficace, et on se félicite toujours de certaines de ses qualités. Mais quand on voit le dernier rapport du vérificateur général, où l'on a fait état d'un grave problème au niveau des pratiques de recrutement, de la capacité qu'on a d'attirer et de conserver de bons éléments, et que l'on sait que le processus de recrutement d'employés à temps plein est tellement onéreux que la fonction publique doit faire appel à des contractuels et à des employés à temps partiel parce que cela exige moins de paperasse, quand on voit des indicateurs comme ceux-là, on se demande si l'on ne se trouve pas devant une gestion des ressources humaines qui n'a peut-être pas su créer d'incitatifs, que ce soit au niveau du mérite, de la mesure du rendement et des possibilités d'avancement, de telle sorte que le milieu n'est pas propice à l'efficience et n'offre peut-être pas les sauvegardes que les vérificateurs généraux réclament depuis des années.
Donc est-ce la base de la fonction publique qui est déficiente, parce qu'il est plus facile de contourner le système et d'obtenir ce qu'on veut en procédant de manière peut-être moins efficiente?
 (1210)
M. L. Denis Desautels: Je pense qu'on peut dire depuis toujours que le gouvernement du Canada s'est doté d'une fonction publique professionnelle, neutre et compétente. En dépit des critiques que j'ai adressées moi-même par le passé relativement à divers aspects de la gestion gouvernementale, le fait est que je respecte les fonctionnaires avec qui j'ai fait affaire au fil des ans.
Il y a en ce moment, et c'est le cas depuis quelques années, de véritables problèmes au niveau du recrutement des fonctionnaires, du maintien de la qualité de la fonction publique et du remplacement de ceux qui partiront bientôt par des personnes tout aussi compétentes. J'ai signalé ces problèmes moi-même à l'époque où j'étais vérificateur général, et depuis, Mme Fraser est revenue à la charge.
Quand vous dites que le milieu n'est pas propice à une saine gestion des deniers publics ou des ressources humaines, c'est vrai. C'est la raison pour laquelle nous devons régler ce problème, et le régler très rapidement, non seulement pour que les fonctionnaires soient plus heureux, mais aussi parce qu'au bout du compte, nous allons tous profiter à mon avis d'une fonction publique qui fonctionne de manière vraiment efficiente.
Je crois donc que nous devons modifier la façon dont nous recrutons, faisons avancer, rémunérons, classifions et déplaçons les personnes à l'intérieur de la fonction publique, et ce changement doit être fondamental si l'on veut créer un milieu qui sera propice à la promotion des meilleurs éléments et qui nous permettra d'assurer la relève.
Le président: Merci, monsieur Desautels.
Monsieur Epp, vous avez trois minutes.
M. Ken Epp: Merci encore, monsieur le président.
Je ne peux pas m'empêcher de croire que les fonctionnaires—et je le dis sans hésiter—dans une proportion de 99 p. 100, veulent faire leur devoir. Ils tiennent à bien gérer l'argent du contribuable, avec la plus grande honnêteté. Il y en a peut-être 1 p. 100 qui pensent différemment.
Mais la question que j'ai toujours est celle-ci: lorsqu'il y a abus, quel recours existe-t-il? Par exemple, j'ai appris que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a contribué au registre des armes à feu. Voulez-vous bien me dire pourquoi...? Comment cela se peut-il?
C'est simplement un cas où un ministère a des crédits en trop, on a besoin d'argent ailleurs, et on s'arrange pour transférer les crédits au mépris de toutes les directives du Conseil du Trésor. Comment peut-on faire une telle chose?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président. je ne suis pas au courant de ce cas particulier. Je serais très, très surpris si cela avait été fait, parce que je ne vois comment cela pourrait se faire à l'intérieur du cadre actuel.
Chose certaine, pour en revenir à la question fondamentale, si vous le permettez, je crois que tous les organismes gouvernementaux, y compris les sociétés d'État, doivent avoir en place des mécanismes qui permettent aux personnes de signaler tout de suite les difficultés que certaines transactions posent pour leur conscience, pour que l'organisme y voie immédiatement. Si le problème ne peut pas être réglé au sein de l'organisme, les personnes devraient pouvoir en appeler à un niveau supérieur, mais je crois qu'il est important d'avoir en place dès maintenant des mécanismes qui permettent aux personnes de faire cela.
M. Ken Epp: Mais qu'arrive-t-il si l'instance supérieure a dit que c'est ce qu'elle voulait faire?
M. L. Denis Desautels: Il y a toujours une autre instance supérieure. Si l'instance la plus élevée de l'organisme ne peut pas régler le problème à la satisfaction de tous, on devrait être en mesure d'en appeler à l'extérieur de l'organisme et d'obtenir un point de vue plus indépendant si on en arrive là.
M. Ken Epp: Il devrait donc y avoir en place un processus officiel? Je ne crois pas que cela existe en ce moment.
Je pense que les fonctionnaires, parfois contre leur gré, sont contraints de faire des choses qu'ils jugent répréhensibles, mais ils obéissent quand même afin de conserver leur emploi et d'obéir à leurs supérieurs, ce qui fait d'ailleurs partie de leur mandat. Je pense qu'une personne comme celle-là n'a pas de recours en ce moment.
Le Conseil du Trésor devrait-il publier une directive qui dirait à tous les employés que si une telle chose se produit, ils ont une obligation qui prime toutes les autres et qu'ils seront à l'abri de toutes représailles?
 (1215)
M. L. Denis Desautels: On a mis à l'essai un certain nombre de projets ou d'initiatives dans les divers ministères, et cela remonte à il y a trois ou quatre ans, je crois, lorsque ce problème commençait à prendre plus d'ampleur. Je crois qu'il serait utile de voir exactement où l'on en est, en ce moment, parce que je sais que certains ministères ont fait exactement cela. Ils ont créé des structures qui font la promotion de l'éthique et des valeurs, ainsi que du règlement des différends lorsque des problèmes se posent. Je sais aussi qu'à un niveau supérieur, le Conseil du Trésor a créé une instance qui est censée s'occuper des problèmes que les divers organismes sont incapables de régler eux-mêmes.
Donc je ne suis pas sûr exactement où en sont tous ces efforts en ce moment ni à quoi ils ont abouti, mais je crois qu'il vaudrait la peine de savoir exactement où l'on en est et si cela satisfait ou non les députés.
Le président: Merci, monsieur Epp.
Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Desautels.
J'aimerais qu'on parle un peu de la Loi sur le dénonciateur, et je voudrais ensuite discuter de certains problèmes systémiques qui se posent à l'intérieur de la fonction publique.
Est-ce que le Bureau du vérificateur général, aujourd'hui, ou à l'époque où vous étiez vous-même vérificateur général, reçoit des informations de fonctionnaires révélant l'existence de certains problèmes? Est-ce que toutes les constatations du vérificateur général sont strictement fondées sur des vérifications solides, ou êtes-vous parfois alerté par des fonctionnaires?
M. L. Denis Desautels: Le Bureau du vérificateur général reçoit en effet des enveloppes brunes et des appels ou des lettres de personnes qui sont mécontentes d'une situation donnée. Il existe un système qui permet d'analyser comme il faut toutes ces communications et de décider dans quelle mesure ces problèmes sont sérieux et méritent plus ample enquête.
M. Roy Cullen: Donc, on fait déjà quelque chose. Pensez-vous que la Loi sur le dénonciateur va accélérer les choses?
M. L. Denis Desautels: Eh bien, ce pourrait être le cas. Le bureau a créé les mécanismes voulus pour gérer ce genre de situations. Ce que le bureau ne peut pas faire, c'est protéger l'anonymat de la personne si les choses prennent une certaine tournure. Pour cette raison, certaines personnes pourraient hésiter quelque peu à prendre de telles initiatives parce qu'il ne sera pas possible de protéger leur anonymat. Mais cela n'empêche pas un certain nombre d'autres de communiquer leurs préoccupations au bureau.
M. Roy Cullen: D'accord, merci.
Au cours des quelques dernières années, nous avons été témoins de bavures retentissantes, si je puis dire, qui ont été commises en haut lieu: le programme d'emplois de DRHC, le programme des commandites au Québec récemment et le registre des armes à feu. Il semble que dans la plupart des cas, on n'avait pas exercé la prudence requise.
Je me demande si cela ne relève pas un problème plus systémique, un problème à l'intérieur de la fonction publique, du gouvernement du Canada, lié à notre structure de gouvernance. Où est-ce simplement que, étant donné la taille de notre gouvernement, les grosses erreurs sont inévitables? J'ai du mal à admettre cela, surtout du fait que certaines d'entre elles finissent par nous coûter cher, peut-être pas autant qu'on l'a dit dans la presse ou au sein de l'opposition, mais tout de même, il était évident que l'argent du contribuable n'avait pas été bien utilisé. Est-ce parce que nous avons moins de monde pour gérer les ressources, les programmes? Est-ce parce que nous avons perdu des gestionnaires de talent? Ou est-ce parce qu'on a péché par excès de zèle pour plaire au pouvoir politique?
Qu'en pensez-vous, monsieur Destautels? Est-ce qu'il y a un problème systémique ou non?
M. L. Denis Desautels: Il est difficile, monsieur le président, de trouver un dénominateur commun aux problèmes que vous venez de mentionner. S'il s'agit de la situation à DRHC, du programme des commandites ou du registre des armes à feu, en ce qui me concerne, ce sont là des situations très différentes.
S'il y a un dénominateur commun à ces trois situations, c'est un problème de principes, en particulier, celui qui veut que l'argent du contribuable soit utilisé dans le respect de l'efficience et de l'intégrité.
Ce qui est fondamental, à mon avis, c'est que lorsqu'on utilise des crédits publics, il s'agit de sommes d'argent qui vous ont été confiées.
Dans ces situations, il y a eu un dérapage quelconque, et je pense que c'est cette idée qu'il s'agit de sommes qui vont été confiées qui a été peut être oubliée par certaines personnes.
 (1220)
Le président: Une dernière petite question.
M. Roy Cullen: D'accord, merci.
Je sais que mon expérience se situe davantage au niveau provincial, et que le Secrétariat du Conseil du Trésor joue un rôle beaucoup plus important lorsqu'il s'agit d'allouer les ressources et de décider au nom du gouvernement. À Ottawa, on a tendance à démarquer clairement le personnel exécutant du personnel politique, au niveau de la reddition de comptes ministérielle. D'autres vous diront qu'on est trop chatouilleux en matière de correction politique.
Je sais qu'au niveau provincial, où j'ai travaillé, le Conseil du Trésor était bien renseigné par le Secrétariat. Lorsque les ministres demandaient des ressources, ils avaient affaire à forte partie si leur système présentait des faiblesses ou si leur but était trop vague ou irréaliste.
Je me demande si le Secrétariat du Conseil du Trésor ne pourrait pas jouer un rôle plus prépondérant dans le processus d'allocation des ressources. Quel rôle joue-t-il en ce moment?
M. L. Denis Desautels: Eh bien, monsieur le président, il participe toujours de très près à l'établissement du plafond budgétaire des programmes habituels et spéciaux de chaque ministère. Il s'occupe donc étroitement de l'affectation des ressources.
Il n'est peut-être pas aussi présent une fois l'affectation faite. Je veux dire par là s'assurer que toutes les phases des projets ont été exécutées avec succès, que les questions interministérielles ont été dûment prises en considération, etc. Ces dernières années, pour reprendre vos paroles, il joue un rôle moins proéminent et moins ferme dans l'exécution de tel ou tel projet ou programme.
Je l'admets, l'exercice est délicat, parce qu'il faut avoir le bon modèle d'agence centrale sans traiter les ministères comme des enfants. Ce sont de grandes entités qui gèrent d'énormes sommes et qui comptent des dizaines de milliers d'employés. On ne peut donc pas toujours leur tenir la main. Il faut bien comprendre le degré d'autonomie dont ils disposent et savoir quand—s'il le faut—l.agence centrale doit intervenir et exercer ses responsabilités ou ses prérogatives.
Le président: Merci, monsieur Desautels.
Monsieur Lanctôt.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Monsieur Desautels, ce sera probablement ma dernière question.
On voit ce qui s'est passé la semaine dernière au sujet du registre des armes à feu. Il existe toujours un problème de reddition de comptes et à ce sujet, nous posons des questions au ministre à la Chambre. Souvent, le ministre changeait de siège pour ne pas avoir à répondre aux questions. Maintenant, on va encore plus loin: ce n'est pas le ministre qui change de siège, c'est le dossier qui change de ministère. J'ai l'impression qu'on va avoir de la difficulté dans les semaines et les mois à venir à avoir des réponses aux questions que nous sommes en droit de poser, les réponses qui devraient nous être données.
Je trouve que c'est aller très loin dans un changement aussi important qu'on sent venir. Lorsque nous poserons des questions au ministre de la Justice à la Chambre, il nous répondra que ce n'est plus son dossier, que c'est le solliciteur général qui s'en occupe. Cependant, on sait que tous les problèmes étaient rattachés au ministère de la Justice. Et lorsqu'on posera des questions au solliciteur général, il nous répondra qu'il n'était pas au courant parce que ce n'était pas son ministère, qu'il ne connaît pas les erreurs qui ont été faites, qu'il ne sait pas si les erreurs sont attribuables aux fonctionnaires ou au système qui fonctionnait mal.
Il me semble qu'on est rendu loin lorsqu'on cache des faits aussi énormes à propos d'un registre comme celui-là. Pour nous, au Québec, c'est évident qu'il est important d'avoir un registre des armes à feu, mais lorsqu'on voit une cacophonie comme celle-là sur le plan financier... C'est un fiasco total, et on aura probablement beaucoup de difficulté à obtenir des réponses aux questions qui seront posées.
 (1225)
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, je ne peux commenter le dossier des armes à feu, parce que ce n'est pas un dossier dans lequel j'ai été impliqué à titre de vérificateur général. Je ne sais pas exactement pourquoi on va transférer la responsabilité du dossier d'un ministère à un autre. Cependant, j'espère et j'ose croire, jusqu'à preuve du contraire, que ce n'est pas une tentative pour éviter l'imputabilité ou éviter de rendre des comptes. Je pense que le fait de transférer certaines responsabilités de ce dossier d'un ministère à l'autre ne devrait d'aucune façon réduire l'imputabilité ou la transparence de ces opérations à l'avenir.
M. Robert Lanctôt: Pourquoi ne pas prévoir quelque chose à ce sujet? On sait qu'on ne peut interpeller un ministre qui n'est plus responsable du dossier. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une transition lorsque cela se produit? Prenons l'exemple du ministre de la Justice. Aurait-il pu continuer de s'occuper du dossier le temps que la transition se fasse? Si le solliciteur général répond que ce n'était pas son dossier, qu'il n'a pas les réponses, etc., pourquoi l'ancien ministre ne peut-il être interpellé directement au sujet de ce dossier? Est-ce que ce serait une avenue possible? Qu'en pensez-vous?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. C'est une question qui relève du Règlement de la Chambre. En fait, c'est une question qui a une dimension légale, et personnellement, je ne suis pas en mesure de vous suggérer de solution au problème que vous anticipez. J'espère honnêtement que le changement annoncé ne va réduire d'aucune façon l'accès à l'information que voudront bien avoir les députés du Parlement.
M. Robert Lanctôt: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Lanctôt.
Monsieur Tirabassi.
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Permettez-moi d'abord de remercier M. Desautels d'être venu au comité pour discuter de ce sujet.
Ma question porte sur l'opinion largement répandue à propos des employés du secteur privé et du secteur public. On nous reproche d'avoir du mal à recruter et à conserver des employés de qualité du fait qu'ils sont insatisfaits des lourds et longs mécanismes d'embauche, sans compter que le gel des salaires n'améliore en rien la situation. Pour cette raison, nous perdons des employés de qualité au profit du secteur privé.
Je veux savoir si vous pouvez nous en parler. Dans l'affirmative, y a-t-il des preuves que c'est effectivement le cas? Des éléments montrent-ils que dans les grandes entreprises privées, encore une fois parce qu'il nous faut pas oublier... Une partie du problème tient au fait que le gouvernement est le plus gros employeur. Donc, si l'on compare, avec une grande entreprise, y a-t-il des éléments que montrent qu'il y a beaucoup plus de satisfaction et de productivité dans le secteur privé?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, je rappellerais d'abord que la gestion des ressources humaines au gouvernement fédéral est beaucoup plus complexe et prend beaucoup plus de temps dans l'ensemble que dans les grandes organisations du secteur privé bien gérées. J'irais jusqu'à dire que c'est deux ou trois fois plus cher que dans une grande organisation du privé bien gérée. Cela finit par avoir des effets sur les gens qui sont dans le système et qui peuvent perdre courage devant ces lenteurs.
Je le déplore. Je déplore également que le recrutement ne soit pas plus efficace car il est possible que le gouvernement se prive de talents exceptionnels désireux de travailler pour l'État ou l'administration publique.
J'ajouterais une dernière chose. Pour bien connaître les secteurs privé et public, je peux vous dire que le secteur public, et en particulier le gouvernement, offre du travail particulièrement intéressant, ce qui en soit est motivant et devrait être un facteur susceptible d'attirer de bons éléments au gouvernement fédéral. Dans l'ensemble, la rénumération n'est pas mauvaise. Le genre de travail à faire peut être extrêmement intéressant. Il y a du positif. Attaquons-nous donc aux autres éléments qui compliquent les choses à ceux qui veulent venir et profiter de ces avantages.
 (1230)
M. Tony Tirabassi: J'ai une courte question complémentaire à poser. Comme j'avais eu l'occasion d'examiner le projet de loi C-25, dans quelle mesure selon vous contribue-t-il à régler une partie de ces problèmes?
M. L. Denis Desautels: Comme je l'ai dit au début, le projet de loi C-25 répond à un besoin très ressenti et constitue à mon avis le minimum nécessaire. J'espère que le gouvernement ne s'écartera pas de la route qu'il s'est tracée et n'aura pas à faire trop de concessions. Mais comme je l'ai dit, c'est le minimum et même s'il ne règle pas toutes les questions qui préoccupent les gens, le texte devrait être mis en oeuvre le plus tôt possible.
M. Tony Tirabassi: Excellent. Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Desautels, j'ai moi-même quelques questions à vous poser avant de lever la séance.
La question de l'intérêt public, peu importe comment on le définit, n'a plus la cote dans certains milieux. Pourtant, il me semble bien que c'est notre objectif à tous: s'assurer que l'État fonctionne le mieux possible dans l'intérêt du citoyen.
Vu les inquiétudes que suscite la complexité de la gestion publique et le fait que la partisanerie mesquine a influé sur la prise de décisions, je trouve que nous avons davantage recours à des mécanismes qui dérobent de plus en plus les décisions à la vue de la population et de ses élus chargés d'exprimer les valeurs des citoyens. Comme il n'y a pas dans la gestion des affaires publiques des motifs clairs comme les profits et les pertes, beaucoup de décisions sont prises en fonction des valeurs. Je me demande donc si l'on n'a pas tout simplement substitué les valeurs de fonctionnaires non élus à celles des élus choisis par les citoyens et à qui ils rendent des comptes. N'est-ce pas là l'un des résultats de certaines de ces réformes de la gestion des affaires publiques?
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, comme je l'ai dit dans ma déclaration, la réforme de l'administration publique constatée au gouvernement fédéral à Ottawa est moins motivée par une idéologie politique que cela a pu être le cas sous d'autres gouvernements, non seulement ici au Canada mais aussi dans des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Et ce n'est pas forcément mauvais parce que dans certains gouvernements, les personnes chargées de protéger l'intérêt public, comme les élus et une partie des bureaucrates, ont cédé une partie de leurs responsabilités à d'autres organismes plus ou moins à l'écart de l'appareil principal. C'est donc dire que dans ce débat à propos de la nouvelle administration publique, il faut s'assurer de ne pas laisser l'idéologie politique pure et simple guider notre action.
Il faut très objectivement décider où l'administration publique est plus concurrentielle par rapport à un fournisseur privé de certains services. Comme l'a dit Henry Mintzberg, le célèbre professeur de McGill, dans le Harvard Business Review récemment «Je ne veux pas acheter ma voiture du gouvernement pas plus que je veux recevoir mes services de police de General Motors».
Il y a donc des choses que le secteur privé fait mieux et d'autres que le secteur public fait mieux. Chacune d'elles doit être examinée selon ses mérites et non à travers le prisme d'une idéologie.
 (1235)
Le président: Oui.
Dans le même article, il disait aussi cependant que les valeurs influent sur les décisions dans l'administration publique. C'est différent des critères des profits et les pertes qui motivent les grandes entreprises du secteur privé.
La question, donc, j'imagine...personne ne contestera autour de cette table, j'imagine, le désir de placer de mesquines forces idéologiques politiques derrière des décisions du secteur public, mais il me semble qu'il faut se demander comment une société prend ses décisions de valeurs sinon en se fondant sur la sagesse collective, les sentiments collectifs, les convictions collectives de ceux qui sont élus par le peuple, par les citoyens du pays? Et si ces valeurs deviennent de plus en plus déconnectées de la prise de décision du gouvernement, je me demande si cela ne conduit pas à certaines des coupures que nous observons qui nous causent à tous des inquiétudes.
Les fonctions de responsabilisation dont vous parlez—et je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que la Chambre doit affirmer son rôle et exiger des comptes du gouvernement, mais des comptes en fonction de quoi? Vous exigez qu'il réponde de la prestation de services en fonction de l'ensemble de principes, de valeurs et d'objectifs exprimés par la Chambre au nom des citoyens?
M. L. Denis Desautels: Eh bien, monsieur le président, j'ai toujours été très fermement convaincu du rôle du Parlement et du rôle des élus dans l'établissement du programme d'action et dans la représentation des intérêts des citoyens ordinaires, parfois contre des forces très puissantes contre lesquelles le citoyen ordinaire a peu de pouvoir ou de protection, à l'exception de ce qu'il peut obtenir de son gouvernement et de son Parlement.
Peu importe jusqu'où on veut être efficace, on veut s'assurer que la suprématie du Parlement et que le rôle des élus qui représentent les valeurs du citoyen ordinaire ne soient pas érodés par de nouvelles structures qui établissent une trop grande distance entre la prestation et l'établissement des politiques. Ce que nous disons à propos de la nouvelle administration publique, c'est qu'on ne peut pas aboutir à une bonne politique si l'on a aucun rôle dans la prestation et la mise en oeuvre de ces politiques.
Le président: Oui.
Il y a peu de temps, nous avons entendu un témoin qui a dit que la concentration de la fonction publique fédérale dans la région de la capitale nationale avait beaucoup progressé au cours des 10 dernières années, passant de 30 p. 100 de la fonction publique fédérale à 40 p. 100. Le chiffre est de 41,2 p. 100, si je me souviens bien des chiffres. J'imagine que ce n'est pas une décision prise en fonction des valeurs collectives de la Chambre des communes.
Cela me frappe d'entendre des expressions comme «idéologie politique», péjoratives dans l'esprit de la population, quand on parle de séparation. Tous ceux qui sont autour de cette table accepteront j'imagine que d'étroites considérations politiques, à un niveau—des considérations partisanes, devrais-je plutôt dire—ne sont pas la base sur laquelle prendre ces décisions.
Les valeurs collectives de cet ensemble de gens embauchés par les citoyens lors des élections—de la Chambre en entier et non pas seulement du parti au pouvoir—doivent figurer dans la prise de décisions collectives du gouvernement. Je crains que nous ayons cédé une trop grande partie de cette responsabilité à la fonction publique, à nos dépens.
Pouvez-vous nous parler du fait que cette fonction publique devienne plus étriquée et qu'elle se concentre à Ottawa?
M. L. Denis Desautels: Je ne suis pas sûr que je souscris à cette interprétation de ce qui se passe. Je pense que la fonction publique doit continuer en tout temps d'être sensible aux élus et doit mettre en oeuvre des politiques et des programmes dont le gouvernement est responsable.
Il y a toute une dynamique où les députés, qui ne sont pas en soi membres du gouvernement, devraient pouvoir exiger des comptes comme il se doit du gouvernement pour tout ce travail. Que la décision d'avoir plus ou moins de fonctionnaires à Ottawa reflète la volonté du Parlement, je ne sais pas, mais à tout le moins les députés devraient avoir l'occasion de la contester et d'influencer ces décisions grâce aux divers mécanismes de responsabilisation mis en place, qui ne fonctionnent pas actuellement aussi bien qu'ils le pourraient, mais qu'il ne faut pas abandonner pour autant non plus.
 (1240)
Le président: J'aurais une dernière question. Vous avez fait des observations au sujet de certains problèmes structurels par rapport au Conseil du Trésor. Le Bureau du Conseil privé a-t-il également un rôle à jouer au niveau de la coordination?
D'aucuns font valoir que l'organisation étant dirigée par deux ou trois personnes fait en sorte qu'il est très difficile de choisir une orientation. À votre avis, y a-t-il un conflit entre le rôle du Conseil du Trésor et celui du Bureau du Conseil privé?
M. L. Denis Desautels: Depuis que je suis là, j'ai constaté que le Bureau du Conseil privé avait davantage d'influence et que le Secrétariat du Conseil du Trésor en avait peut-être moins. Personnellement, je me demande si c'est une bonne chose.
Je préférerais que le Secrétariat du Conseil du Trésor garde un rôle plus stratégique dans un certain nombre de dossiers. Cela dit, je pense que le Bureau du Conseil privé pourrait déléguer davantage et se fier davantage à ce qui émane d'autres organismes et ministères.
Le président: Je crois que nous allons maintenant conclure la séance. Nous pourrons parler de la nécessité des 818 employés du Bureau du Conseil privé une autre fois. Il doit y avoir une bonne raison pour laquelle ils sont là.
Monsieur Desautels, merci beaucoup pour ce débat qui nous a beaucoup éclairés, comme toujours. J'imagine que nous voudrons vous entendre à nouveau alors que vous poursuivez votre travail pour essayer de comprendre ce qui permet d'avoir un bon gouvernement au centre.
Je rappele aux députés qu'en ce qui concerne le projet de loi C-25, si vous souhaitez inviter des témoins à comparaître, veuillez en informer la greffière. Nous avons dressé une liste pour ceux qui ont déjà dit vouloir entendre des témoins. Nous pouvons vous la distribuer demain pour que vous soyez au courant.
Nous tenterons de nous entendre tout au moins sur une liste préliminaire demain de façon à ce que la greffière dispose du maximum de temps possible pour établir le calendrier des témoignages. Soyez donc prêts demain à discuter brièvement des travaux futurs à la fin de la séance.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Je voulais savoir si on tente de prévoir une séance à huis clos au besoin pour entendre certains représentants de la fonction publique.
Le président: En ce qui concerne l'étude, monsieur Szabo, ou le projet de loi?
M. Paul Szabo: Au sujet du projet de loi.
Le président: Je serais tout à fait disposé à en discuter avec vous. Si cela semble utile,la séance pourrait avoir lieu à huis clos ou publiquent, selon ce que vous déciderez.
La séance est levée.