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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 3 juin 2003




º 1615
V         Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)

º 1635
V         M. John Reid (commissaire à l'information du Canada, Commissariat à l'information du Canada)

º 1640

º 1645

º 1650
V         Le président
V         M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne)
V         M. John Reid
V         M. J. Alan Leadbeater (sous-commissaire à l'information du Canada, Commissariat à l'information du Canada)

º 1655
V         M. Ken Epp
V         M. John Reid
V         M. Ken Epp
V         M. John Reid
V         M. J. Alan Leadbeater
V         Le président
V         M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ)

» 1700
V         M. John Reid
V         M. Robert Lanctôt

» 1705
V         M. John Reid
V         Le président
V         M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)
V         M. John Reid
V         M. J. Alan Leadbeater

» 1710
V         M. Paul Szabo
V         M. J. Alan Leadbeater
V         M. Paul Szabo
V         M. J. Alan Leadbeater
V         Le président
V         M. Paul Szabo
V         M. John Reid
V         M. Paul Szabo

» 1715
V         M. John Reid
V         M. Paul Szabo
V         M. John Reid
V         M. Paul Szabo
V         M. John Reid
V         M. Paul Szabo
V         M. John Reid
V         Le président
V         M. Ken Epp
V         M. John Reid

» 1720
V         M. Ken Epp
V         M. John Reid
V         M. Ken Epp
V         L'hon. John Reid
V         M. Dan Dupuis (directeur général, Enquêtes et révisions, Commissariat à l'information du Canada)
V         Le président
V         M. Robert Lanctôt

» 1725
V         Le président










CANADA

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 047 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 juin 2003

[Enregistrement électronique]

º  +(1615)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur Reid, avant toute autre chose, je tiens à vous remercier officiellement de votre patience.

    En effet, comme me l'a fait remarquer M. Reid, en tant qu'ex-député, il est l'un de ceux dans cette enceinte qui comprend le mieux les difficultés que nous éprouvons parfois. Il est difficile de siéger à 15 heures étant donné que, presque invariablement, des votes ont lieu à cette heure le mardi, une pratique relativement nouvelle qui empiète sur le temps du comité.

    Si les membres du comité veulent bien porter attention, je vais récapituler les faits. M. Reid, dans son rapport précédent—non pas dans le dernier, car il vient d'en déposer un, que tout le monde s'arrache, comme j'ai pu le voir—, avait fait allusion aux travaux de la commission Delagrave. Il avait déclaré qu'à son avis, un comité de la Chambre des communes devrait prendre la relève de la commission et poursuivre ces travaux, trop importants pour être laissés au soin simplement d'un processus administratif.

    Notre comité en a discuté. M. Lanctôt, entre autres, tenait vivement à ce que nous vous invitions, monsieur Reid, pour nous faire une présentation à ce sujet et nous aider en réalité à nous faire une idée des travaux que pourrait entreprendre le comité au sujet d'une nouvelle loi dans ce domaine. Je vais donc vous laisser présenter le sujet, après quoi je suis sûr que le débat sera très animé.

º  +-(1635)  

+-

    M. John Reid (commissaire à l'information du Canada, Commissariat à l'information du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je tiens à vous présenter M. Alan Leadbeater, sous-commissaire, et Dan Dupuis, directeur des opérations au Commissariat à l'information.

    Je tiens aussi à remercier le comité de nous avoir invités à venir parler de l'examen parlementaire de la Loi sur l'accès à l'information.

    Voilà 20 ans déjà que la loi a été adoptée, et les seules modifications apportées depuis lors ont été essentiellement faites par Colleen Beaumier. En effet, la loi avait été changée de manière à criminaliser le fait de détruire de l'information du gouvernement qui pourrait faire l'objet d'une demande d'accès à l'information. Dans les faits, par conséquent, la loi est donc essentiellement inchangée depuis son adoption.

    Vous vous rappelez que la dernière fois que je suis venu ici pour discuter de questions de fond, nous avions parlé de la crise relative à la gestion des bases de données gouvernementales. C'est là une question importante si on l'examine du point de vue de l'accès à l'information, mais encore plus importante, dirai-je, du point de vue de l'efficacité et de l'efficience soutenues du gouvernement. Si le gouvernement est incapable de retrouver ses propres données et incapable de les utiliser de manière intelligente, cela signifie qu'il va consacrer beaucoup de temps à réinventer la roue. Malheureusement, c'est la situation actuelle.

    Ma solution a consisté à élaborer une loi spéciale du Parlement qui traite de la création, de l'utilisation et du cycle de vie des bases de données. Je suis conscient que le concept pose problème, mais je sais d'expérience qu'on arrive facilement, quand on y tient, à faire ce qu'on veut des politiques énoncées par le Conseil du Trésor et d'autres organismes gouvernementaux. Si l'on veut vraiment régler le problème, il faudra d'une quelconque façon emballer le tout dans une loi qui est logique.

    J'aimerais parler du processus qu'a suivi un comité antérieur pour traiter de la Loi sur l'accès à l'information. Cela remonte à 1986, quand le comité de la justice avait examiné la loi. Il avait été mandaté pour le faire après trois ans d'application. Il a produit un rapport intitulé « Une question à deux volets ». Aucun gouvernement n'a donné suite à ce rapport et n'a apporté de changement, mais si vous lisez le document, vous constaterez qu'il fait des recommandations très sensées et très utiles. Ce serait pour vous, à mon avis, un excellent point de départ.

    Ensuite, la façon dont le rapport a été conçu, il portait à la fois sur la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information. Il vaudrait mieux n'examiner qu'une des lois à la fois, sans quoi le fardeau serait trop lourd. C'est ce qu'a fait déjà la commission Delagrave, qui s'est consacrée uniquement à la Loi sur l'accès à l'information. Il est donc possible de le faire, et c'est ce que je vous propose.

    Vous savez qu'il y a le rapport de la commission Delagrave, mais il y aussi ma réaction à ce rapport, et il existe d'autres mines de renseignements que vous pourriez utiliser. La première est le rapport rédigé par mon prédécesseur, John Grace, à l'occasion du dixième anniversaire du commissariat. Il demeure très valable. Par ailleurs, vous trouverez une foule d'idées intéressantes dans les projets de loi d'intérêt privé présentés par divers députés. Le plus détaillé est celui de John Bryden, soit le projet de loi C-206, qui a passé à deux cheveux d'être soumis à un vote.

    De fait, M. Bryden a ceci de vraiment intéressant qu'il a présenté un projet de loi à ce sujet durant chaque nouvelle législature presque et que la version était différente chaque fois. Je trouve fascinant de remonter dans le temps et de voir ce que prévoyaient ces projets de loi au fil des ans.

    Enfin, il y a la recommandation que j'ai faite dans mon rapport. Je vais simplement vous en faire la lecture parce qu'elle résume tout. Je cite :

Le ministre de la Justice doit décider comment traiter les modifications législatives proposées. Ces propositions sont très controversées et ne reflètent pas la gamme entière des perspectives en cause. Par conséquent, le commissaire conseille vivement au ministre de ne pas préparer de nouvelles lois s'inspirant des recommandations du groupe d'étude. Le droit d'accès à l'information est, par définition, susceptible de ne pas toujours plaire au gouvernement. La législation qui garantit ce droit ne doit pas être modifiée sans que le Parlement et le public puissent orienter les modifications dans une large mesure, ce qui n'est plus vraiment possible une fois qu'un projet de loi a été déposé par le gouvernement. Espérons que le ministre de la Justice et le gouvernement seront pour un examen public des propositions du groupe d'étude par un comité parlementaire, avant d'intégrer ces propositions à un projet de loi.

º  +-(1640)  

    Il importe de reconnaître que le groupe d'étude était composé de personnes de l'intérieur et qu'il a abondamment consulté d'autres ressources intérieures. Il a parfois fait appel à des ressources de l'extérieur. En effet, il a commandé l'organisation de groupes de consultation par le Forum des politiques publiques et il a formé un groupe de personnes venant de l'extérieur pour lui tenir lieu de comité consultatif, des personnes qui, me dit-on, n'ont jamais vu les propositions définitives sur papier. Bien qu'elles aient participé à des débats intéressants, elles n'ont jamais eu la possibilité de commenter la dernière série de propositions qui a été présentée.

    Voilà les raisons pour lesquelles il faudrait que vous examiniez la loi. Il existe une foule de données d'analyse à ce sujet, et une série complète de recommandations faites par mon prédécesseur, John Grace. J'ai moi-même fait des recommandations à l'occasion et, si vous décidez de procéder à l'examen, je vous enverrai un document qui les regroupe toutes.

    J'aimerais maintenant que nous remontions dans le temps et que nous nous arrêtions à la façon dont le comité d'origine avait fait son examen. La première chose qu'il a faite, ce fut d'engager deux recherchistes de l'extérieur, un pour la protection des renseignements personnels et l'autre pour l'accès. Ces recherchistes ont élaboré un questionnaire et une liste de préoccupations à l'intention du comité qui les a publiés et a invité à les commenter le grand public et certaines personnes. Il a reçu quelque quatre-vingts mémoires. Après les avoir examinés, il a invité environ 31 témoins à comparaître. Le comité a évalué les témoignages et a travaillé à des ébauches de rapport jusqu'à la publication du rapport définitif, en 1987.

    Tout ce processus a duré de 16 à 18 mois. Toutefois, n'oubliez pas qu'il était question à la fois de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. On peut donc supposer que, si votre comité examinait seulement une des deux lois, il pourrait le faire beaucoup plus rapidement.

    À mon avis, il est utile de passer au moins en revue les deux lois ensemble parce qu'elles sont en quelque sorte indissociables. Par exemple, 40 p. 100 du travail du commissaire à l'information s'appuie sur la Loi sur la protection des renseignements personnels, et nous sommes constamment en train de poser des jugements au sujet de la protection des renseignements personnels et de l'accès dans divers domaines. Cela étant dit, je reconnais la validité du travail effectué par la commission Delagrave, mais il serait bon que vous examiniez les rapports en réalité très importants qui existent entre les deux lois.

    Dans sa dernière décision au sujet d'une affaire de la GRC mettant en cause le droit à la protection des renseignements personnels des fonctionnaires, la Cour suprême a bien fait comprendre à nouveau que les deux lois forment un tout. Par conséquent, toute décision à prendre lorsqu'il y a un conflit entre les deux devrait être prise de manière à nuire le moins possible aux deux. C'est là un point au sujet duquel vous voudrez peut-être réfléchir.

    Il faut que je vous dise que je prends un intérêt personnel à cette question parce que, quand la loi a été adoptée, j'étais député et un de ceux qui, de concert avec Ged Baldwin, la réclamaient. Mitchell Sharp nous avait, à M. Baldwin et à moi, fourni de l'argent et du personnel du Bureau du Conseil privé pour effectuer une étude des pays scandinaves, après quoi nous avions présenté un rapport.

    Bien que j'aie effectué beaucoup de travail dans ce domaine, je tiens à préciser qu'un des premiers objectifs de votre examen devrait être de passer en revue les exemptions qui sont prévues dans la loi. Elles ont été conçues vers la fin des années 70. Nous traversions alors une très mauvaise période, marquée par des bombes et je ne sais trop quoi encore durant la vague de violence séparatiste au Québec. Les dispositions relatives à la sécurité et beaucoup d'autres dispositions ont été rédigées dans ce contexte. Elles ont été libellées avec grand soin, je crois, et au fil des ans, elles se sont avérées à la hauteur.

    Il serait toutefois bon que vous examiniez toutes les exemptions de la loi. Elles sont au coeur de celle-ci en un certain sens parce que non seulement la loi est-elle ainsi faite qu'elle vous donne accès, à vous et à tous les autres, aux documents du gouvernement, mais également, fait plus important, elle régit la façon dont les gouvernements peuvent rendre publique l'information quel que soit l'événement. Il faut respecter les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Quand on s'arrête à ces dispositions, on s'arrête en fait à la façon dont l'information du gouvernement circule tant à l'interne qu'à l'externe.

º  +-(1645)  

    Le dernier point que je tiens à souligner, c'est que cette loi avait été proposée par des députés. Il ne s'agissait pas d'une loi imposée au gouvernement. Les groupes de lobbyistes à ce sujet n'étaient pas nombreux. C'était une loi que des députés et, si je puis l'exprimer ainsi, les échelons supérieurs de la bureaucratie jugeaient à l'époque nécessaire et utile. Les députés la jugeaient nécessaire parce qu'ils étaient terriblement insatisfaits de la façon dont l'information leur était transmise par le gouvernement et qu'ils cherchaient un autre moyen de l'obtenir.

    De plus, les fonctionnaires estimaient qu'il était nécessaire de libéraliser un peu le processus. Quand on gère de très importants organismes, il faut que l'information circule librement de manière à ce que tous ceux qui se trouvent dans le système comprennent ce que fait le ministère, comment il s'y prend et les contraintes et difficultés auxquelles il fait face. À ce moment-là, il y avait coïncidence des intérêts des députés, des ministres et de la bureaucratie. La Loi sur l'accès à l'information a donc été adoptée.

    En guise de conclusion, je tiens à dire qu'à mon avis, la loi, telle qu'elle est structurée actuellement, est bonne, saine et musclée, mais qu'elle a vingt ans et qu'il faut la dépoussiérer. Il faut l'examiner sous l'angle des changements qui pourraient y être apportés. Il existe des groupes d'utilisateurs, des citoyens, des lobbyistes et des fonctionnaires qui ont tous des vues bien arrêtées à ce sujet. Il importe de les entendre. Vous obtiendrez ainsi un débat animé qui vous permettra, à la fin, de prendre des décisions intelligentes.

    J'espère que vous allez relever le défi. Il importe que cela soit fait. Ce serait une excellente façon, selon moi, de célébrer les vingt ans de la loi.

    Monsieur le président, je vous remercie.

º  +-(1650)  

+-

    Le président: C'est nous qui vous remercions, monsieur Reid.

    Monsieur Epp.

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Merci.

    Votre exposé était vraiment intéressant.

    Il existe ce que je qualifierais de tension entre votre commissariat et celui de la protection de la vie privée. En effet, d'une part, vous dites qu'il faudrait donner accès à l'information alors que, d'autre part, l'autre commissariat s'y refuse, en invoquant la protection des renseignements personnels.

    Je me demande simplement si on arrivera jamais à bien codifier où se trouve exactement la limite entre les deux, entre ce qui devrait être accessible et ce qui devrait être et qui est confidentiel. À mon avis, il faudrait régler la plupart des situations au cas par cas et il serait probablement impossible de tout codifier, sauf peut-être d'énoncer de grands principes universels, de même que des objectifs de base à atteindre.

    Comment réagissez-vous à une pareille affirmation?

+-

    M. John Reid: On pourrait juger que c'est ainsi que se présentent les choses, mais si l'on s'arrête vraiment à ce qui se passe, il n'y a pas tant de conflit que cela entre les deux lois, la raison étant naturellement qu'il s'agit de lois indissociables.

    Si vous examinez les procès qui ont causé des différends entre le commissaires à l'information et le commissaire à la protection de la vie privée, vous constaterez qu'il y en a très peu. En fait, ce que j'aimerais faire, c'est de demander à Alan Leadbeater de vous parler de ces rares cas parce qu'ils illustrent à quel point le régime législatif est harmonieux.

+-

    M. J. Alan Leadbeater (sous-commissaire à l'information du Canada, Commissariat à l'information du Canada): Merci, monsieur le commissaire.

    Le conflit entre l'accès à l'information et la protection de la vie privée ici au Canada n'entre vraiment en jeu qu'à l'égard de ceux qui occupent des charges publiques et de la protection des renseignements personnels qui les concernent.

    Il y a eu, je crois, trois procès. Un portait sur le tarif de location résidentielle de la CCN, à savoir s'il devait être rendu public. Un autre concernait les feuilles qu'il faut signer lorsqu'on travaille après les heures au ministère des Finances, à savoir si elles devraient être rendues publiques, et le procès le plus récent portait sur les affectations antérieures de membres de la GRC, à savoir encore une fois si elles devraient être rendues publiques. Les tribunaux ont établi certains repères, en déclarant que le principal critère est l'avantage sur le plan de la reddition de comptes. Cela aide-t-il le public à mieux comprendre le gouvernement, y a-t-il un avantage sur le plan de la reddition de comptes?

    Il est rare cependant que le droit à la vie privée du reste des Canadiens soit en conflit avec le droit d'accès à l'information d'une autre personne. Ce genre de problème ne se pose pas parce que c'est instinctif. Le critère que prévoit actuellement la loi est une bonne façon de codifier. Il s'agit de décider si l'intérêt pour le public de savoir est nettement plus important que l'atteinte à la vie privée qu'il entraînerait.

    Vous avez raison. Ce critère s'applique à chaque cas, mais les seuls cas où cela s'avère difficile, c'est lorsque des personnes qui ont une charge publique sont en cause.

    Je ne sais pas si cette explication vous est utile.

º  +-(1655)  

+-

    M. Ken Epp: Oui. Elle m'aide beaucoup à comprendre.

+-

    M. John Reid: Permettez-moi de donner un peu plus de précisions. Vous devriez en parler aux commissaires provinciaux qui sont chargés à la fois de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée. Je peux vous dire que le conflit entre le commissariat à l'information et le commissariat à la protection de la vie privée causé par des interprétations différentes de nos deux lois sont très rares.

+-

    M. Ken Epp: Voilà tout près de dix ans que je suis député. J'ai observé même durant ce court laps de temps que l'accès aux dossiers dont j 'ai besoin pour obliger le gouvernement à rendre des comptes s'est en réalité resserré énormément.

    Par exemple, quand j'ai commencé à faire partie du comité, celui-ci était aux prises avec l'incident fâcheux d'un ministre du Cabinet qui se servait des cartes de crédit du gouvernement pour effectuer des achats personnels. Nous avions pu au moins obtenir les relevés des cartes de crédit desquels les données personnelles avaient été retirées au liquide opacifiant. Je m'étais alors dit que j'avais là toute la preuve dont j'avais besoin. En effet, si des données personnelles sont effacées, c'est qu'elles ne devraient pas s'y trouver. On ne devrait pas se servir de la carte de crédit du gouvernement à des fins personnelles. En comparant le solde du début du mois à celui de la fin du mois, j'ai pu faire moi-même le calcul. C'est ainsi que nous avons pu obliger le gouvernement à rendre des comptes, bien qu'il y ait toujours eu des lacunes, je l'avoue.

    Actuellement, l'accès à cette information nous est tout simplement bloqué. Nous devrions y avoir accès, puisque c'est du domaine public. Il est question de l'argent du gouvernement et du contribuable et la façon dont il est dépensé. Je ne vois rien de mal à obliger un ministre du Cabinet ou le premier ministre à divulguer le coût réel de ses voyages et d'autres dépenses qu'il a engagées.

    Êtes-vous d'accord?

+-

    M. John Reid: Monsieur le président, je ne saurais être plus d'accord. C'est ce qui se faisait auparavant, jusqu'à tout récemment, quand un arrêt de la Cour suprême a été interprété à la demande du Bureau du Conseil privé. Le Conseil du Trésor a dû changer son règlement.

    Vous vous rappellerez peut-être qu'à un certain moment donné, il refusait de communiquer toute information au sujet des dépenses d'un ministre, au motif que la Loi sur l'accès à l'information ne s'applique pas aux ministres. Le tollé à la Chambre des communes et ailleurs a été tel que le gouvernement a décidé, dans sa grande bonté, de rendre publique une partie de l'information. C'est cette information que possèdent actuellement les ministères, ce qui signifie que vous n'obtenez que les grandes lignes.

    Il existe toute une série de procès à ce sujet, et Allan peut, peut-être, vous en parler.

+-

    M. J. Alan Leadbeater: Si votre comité décide d'examiner la loi, un incontournable de cet examen serait la mesure dans laquelle les dossiers conservés dans les cabinets des ministres sont touchés par le droit d'accès à l'information. C'est une question que nous avons nous-mêmes examinée en réaction à des plaintes au sujet des agendas du premier ministre et de certains dossiers en la possession du ministre de la Défense nationale.

    Nous n'en sommes pas encore arrivés à une conclusion quant au statut de ces dossiers, aux termes de la loi, en partie parce que nos enquêtes ont été bloquées à plusieurs reprises par des procès intentés par la Couronne contre nos enquêteurs. Les plaidoyers se feront à l'automne, mais ces procès ne fournissent pas au comité d'examen de la loi la réponse à la question stratégique que voici: que faudrait-il faire, en plus des exigences de la loi actuelle?

+-

    Le président: Monsieur Leadbeater, je vous remercie.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.

    Premièrement, je remercie le témoin de participer à cette rencontre. C'est un dossier qui me tient à coeur depuis la création de ce comité, et je remercie chacun des membres du comité d'avoir accepté de revoir cette loi.

    Pour ma part, je pense qu'elle peut être étudiée séparément. Il est vrai qu'il y a des liens entre les deux lois, mais ce sont des liens qui sont un peu éloignés et non pas des liens frontaux. Il faut considérer la Loi sur l'accès à l'information comme si c'était une loi sur la vie privée du gouvernement. La Loi sur la protection de l'information, au contraire, protège les citoyens et non l'État; c'est donc pour cela qu'elle est rédigée ainsi. Je pense que cela peut répondre à votre question. Pour cette raison, on peut étudier ces lois séparément. On est ici pour étudier la Loi sur l'accès à l'information, comme si on allait chercher cet accès que détient l'État. À cause de l'utilisation que nous faisons de la Loi sur l'accès à l'information, nous sommes plus proches de cette loi que le simple citoyen. Il peut aussi utiliser cette loi, mais il n'a pas toujours le temps de le faire.

    En nous servant de cette loi, nous constatons qu'elle est peut-être bien, mais qu'elle n'est presque plus utilisable parce qu'elle a été travaillée dans le sens voulu par les fonctionnaires ou l'État. Ce dernier comprend bien comment contourner cette loi, notamment en utilisant les exclusions, qui sont beaucoup trop sévères. On ne peut plus aller chercher l'information. Pourquoi est-ce qu'une personne qui décide de faire affaire avec le public est exclue, lorsqu'on sait que le but recherché est qu'il y ait un contrat? On a vu ce qui est arrivé dans le cas des contrats de commandites et dans plusieurs autres cas. On fait des demandes, mais on nous dit qu'il y a une question de confidentialité et que cela pourrait nuire au commerce de telle ou telle entreprise.

    Je pense qu'il faut modifier cette loi. À partir du moment où on conclut un contrat « public » avec un gouvernement, il faut s'attendre à ce qu'on puisse aller voir ce qu'il y a à l'intérieur. On ne peut même pas connaître le nombre d'heures, le prix forfaitaire ou le taux horaire. Pourtant, cela est important pour faire votre travail. Si on nous dit chaque fois que cela peut nuire à l'entreprise privée, eh bien, qu'on ne fasse pas affaire avec le public.

    Si on veut vraiment voir comment cela fonctionne au sein de l'État, il faut absolument que nous ayons la possibilité de voir ce qui est dans le contrat; ce n'est pas privé. On ne veut pas savoir comment fonctionne la compagnie ou quelle est la teneur de ses autres contrats. On veut voir le contrat signé avec le gouvernement, car il ne devrait pas être visé par une exclusion. Au contraire, on devrait pouvoir l'éplucher afin de savoir ce qui se passe; tous les concitoyens et concitoyennes pourraient voir ce contrat. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

»  +-(1700)  

[Traduction]

+-

    M. John Reid: Monsieur Keith, vous venez de souligner un des dilemmes les plus intéressants du gouvernement concernant l'information détenue par des tiers. En règle générale, nous recevons un assez grand nombre de demandes au sujet de marchés passés par le gouvernement. Il existe un protocole et, dans l'ensemble, il faut que le montant total du contrat soit communiqué, mais parfois la façon dont on calcule le total est considérée comme étant du savoir-faire privatif.

    Je vous conseille d'examiner toute la question de l'information détenue par des tiers parce que le gouvernement conclut de plus en plus de partenariats avec l'entreprise privée. Fort souvent, nous constatons qu'il devient plus difficile d'obtenir des renseignements au sujet de ces nouvelles entités, et celles-ci peuvent servir de prétextes pour échapper au contrôle de la vérificatrice générale, du commissaire à l'information et, parfois, du commissaire à la protection de la vie privée. Il faut examiner tout ce que cela signifie.

    Il y a aussi le problème des fondations qui ont été créées et auxquelles on verse un montant forfaitaire, mais qui ne sont pas assujetties à la Loi sur le vérificateur général ou à la Loi sur l'accès à l'information. Il existe d'autres organismes comme NAV Canada qui exercent en réalité des pouvoirs fédéraux, mais qui échappent aussi à notre contrôle. Il faut régler ces questions.

    De la façon dont la loi est actuellement structurée, le commissaire à l'information doit s'en tenir à la lettre de la loi, de sorte qu'il peut faire certaines choses et pas d'autres. Nous sommes capables, selon moi, de traiter adéquatement l'information détenue par les tiers, mais en raison du phénomène croissant de ce que je qualifierais de troisième structure de gouvernement, soit les partenariats entre le secteur public et le secteur privé, il faudrait s'interroger assez longuement à ce sujet et intégrer ce genre de décisions dans la Loi sur l'accès à l'information.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: À mon avis, chacun des membres du comité aura un accès plus grand et voudra changer la loi, mais on veut changer la fonction publique en même temps. On a étudié le projet de loi C-25, dans lequel on ne trouve pas de dispositions contre les dénonciateurs. On s'en tient à dire qu'on verra ce qui se passera avec une politique. Personnellement, je pense qu'on fait fausse route si on veut faire une modernisation de cette façon. On veut changer la culture sans changer le cadre. Je respecte le gouvernement, mais pas sa décision.

    Comment cela pourrait-il être perçu par les fonctionnaires eux-mêmes si on les plaçait dans une situation où on changeait la loi? Et j'espère qu'on le fera afin d'obtenir, comme on le dit dans presque toutes les allocutions du gouvernement, « la transparence et la reddition de comptes »; il faut changer cette loi pour cela. On la change, et les instruments que sont les fonctionnaires ne seront pas protégés ou ne le seront presque pas. On sait qu'une personne qui dénonce aura de la difficulté à gravir les échelons, parce qu'on peut choisir seulement un candidat. Celui qui dénoncera quoi que ce soit n'aura certainement pas de promotion. En tout cas, il faudra vivre avec cela pendant un petit bout de temps. Comment les fonctionnaires vont-ils pouvoir vivre avec cela? Est-ce qu'ils voudront cacher encore plus de choses?

    À un moment donné, j'ai même emprunté certaines de vos paroles lors de mes discours, parce qu'elles étaient très importantes. Il s'agit du fait que les fonctionnaires prennent de moins en moins de documents et écrivent de moins en moins de notes pour qu'on ne les retrouve pas. Est-ce qu'on va encore plus dans cette direction? C'est complexe. Cependant, il faut quand même changer cette loi afin de changer la culture, ce qu'on n'a pas voulu faire antérieurement.

»  +-(1705)  

[Traduction]

+-

    M. John Reid: J'aimerais que le comité examine l'idée de cours obligatoire au sujet des lois sur l'accès et la protection de la vie privée. Il fut un temps, quand la loi a été adoptée au début des années 80, où le Conseil du Trésor consacrait beaucoup d'effort à former tous les fonctionnaires au sujet de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection de la vie privée. Il n'a pas vraiment offert de la formation à toute la fonction publique. Il a essayé en réalité de concentrer les activités de formation sur les agents d'AIPRP, mais il faudrait prévoir quelque chose au sujet des hauts fonctionnaires.

    Mon collègue, l'archiviste national, est allé au CCG, il y a un an environ, pour proposer qu'on mette sur pied des cours obligatoires de formation concernant la création et la préservation de documents et la Loi sur l'accès à l'information. Comme il l'a dit, on est en train de perdre toute une génération de documents parce que les archives sont mal tenues.

    C'est une façon de faire. On pourrait peut-être lui confier ce mandat, ou le confier à notre commissariat ou encore au Conseil du Trésor. Toutefois, il faudrait qu'un pareil mandat existe. Quand les gens auront compris ce que font ces lois, une grande partie des craintes se dissipera.

    Par ailleurs, comme je l'ai déjà proposé, il faudrait qu'il y ait une loi confiant un mandat pour le contrôle, la création et l'élimination de l'information. Je sais que cela pose des problèmes, mais actuellement, je ne discerne aucun grand mouvement en vue de créer de la documentation de base et des archives au sein même du gouvernement.

    Nos travaux nous ont permis de constater qu'il n'existe que deux endroits au gouvernement du Canada où l'on conserve des procès-verbaux. Je parle du Parlement du Canada et du Cabinet. Il est impossible de trouver des procès-verbaux de réunions au sein de la fonction publique.

+-

    Le président: Monsieur Reid, je vous remercie. Nous y reviendrons.

    Monsieur Szabo.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

    Monsieur Reid, pouvez-vous nous fournir un coût estimatif pour le fonctionnement du système d'accès à l'information avant qu'on applique le principe du recouvrement des coûts?

+-

    M. John Reid: Oui. Dans la préparation de son rapport, le groupe d'étude avait fait des calculs de concert avec Conseils et Vérification Canada. Le coût estimatif d'application des lois relatives à l'accès et à la protection, si ma mémoire est bonne, était de 29 millions de dollars environ. Cela incluait le fonctionnement des bureaux, de même que le temps pris pour répondre aux demandes reçues.

+-

    M. J. Alan Leadbeater: Le coût total, y compris le coût du commissariat à l'information, est de 28 845 000 dollars, soit moins de un dollar par année par Canadien, et le coût par demande est en recul. Cette information est tirée de l'étude du groupe Delagrave. Elle ne vient pas de notre bureau.

»  +-(1710)  

+-

    M. Paul Szabo: Ce coût inclurait donc...?

+-

    M. J. Alan Leadbeater: Il inclut le coût total de la prestation des services concernant les droits et les obligations prévues par la loi, y compris l'exécution d'enquêtes par le commissaire à l'information suite à la réception de plaintes.

+-

    M. Paul Szabo: Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Oubliez votre bureau et tout ce qu'il fait si bien.

+-

    M. J. Alan Leadbeater: Non, mais cela comprend le traitement des demandes dans les ministères, la recherche et la création de dossiers. Tous les ans, chaque ministère fait rapport de ces coûts dans le cadre de rapports annuels au Parlement et au Conseil du Trésor, et ces chiffres découlent d'une étude commandée à Conseils et Vérification Canada par le Conseil du Trésor.

+-

    Le président: Vous vous rappelez que lorsque M. Judd, du Conseil du Trésor, a comparu, vous lui avez posé une question au sujet des coûts. Il m'a envoyé une lettre qui va être distribuée aux membres du comité, qui porte sur les détails de ces coûts, sans compter ceux afférents au commissariat.

+-

    M. Paul Szabo: Je peux vous faire part de ma propre expérience. J'avais envoyé une lettre au ministre de la Justice au sujet d'un projet de loi qui était en cours, pour lui faire part de mes vues. J'ai reçu par la suite une lettre indiquant que ma lettre avait été bloquée par une demande d'accès à l'information, etc. Lorsque vous pensez au nombre de gens qui mettent la main sur ces lettres qui, par le fait même, circulent, je suis prêt à parier qu'il y en a beaucoup plus qu'on ne le pense.

    Votre observation au sujet de la protection des renseignements personnels et de l'accès qui seraient inséparables est assez intéressante. Notre comité spécial présidé par John Bryden, en a discuté. Étant donné que notre situation est en quelque sorte unique, puisque nous avons deux commissariats distincts—la plupart des compétences que je connais, sinon toutes, ont en fait un seul commissariat ou deux fonctionnalités combinées—je me demande si vous avez un avis et si vous pensez que nous devrions envisager de fusionner les commissariats à la protection de la vie privée et à l'information.

+-

    M. John Reid: Autant que je sache, nous sommes le seul pays au monde où l'on retrouve deux commissariats distincts, l'un pour la protection de la vie privée et l'autre pour l'information. J'imagine que lorsque la décision a été prise de diviser les commissariats au départ, c'était parce que nous ne savions pas vraiment ce que cela allait donner. C'était l'une des premières expériences de commissaires nommés, qui allaient être des ombudsmen.

    À mon avis, la législation a maintenant fait ses preuves et je pense qu'il serait possible de l'envisager du point de vue de la combinaison des deux commissariats, puisque c'est le modèle que l'on retrouve partout ailleurs.

+-

    M. Paul Szabo: Vous nous proposez donc de peut-être faire porter l'étude sur cette question plus vaste. Non seulement faudrait-il mettre à jour la Loi sur l'accès à l'information, mais aussi envisager une fusion afin d'éviter le double emploi et rechercher les synergies rendues possibles par la fusion des commissariats.

    Je sais que lorsque nous avons parlé au commissaire à la protection de la vie privée, le rôle de l'éducation du public et de la défense des intérêts a suscité pas mal d'attention. C'est presque comme si on voulait attirer la clientèle.

    Sans en être certain, j'imagine que l'on est toujours tenté, lorsque l'on dirige un commissariat ou que l'on occupe un poste important, de trouver les occasions de laisser une trace, pour ainsi dire, au lieu de simplement se contenter de faire son travail. Je sais que ce doit être terrible. En tant qu'ancien parlementaire, vous savez que vous êtes toujours en quelque sorte en train d'essayer d'attirer l'attention d'autrui pour légitimer votre existence.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez des rôles. Croyez-vous qu'il faut essayer d'éduquer non seulement le public, mais aussi les parlementaires au sujet de votre travail au lieu d'éduquer...? La question que je pose, j'imagine, serait la suivante : Pourquoi les parlementaires devraient-ils être éduqués au sujet de la Loi sur l'accès à l'information ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels lorsque, en fait, vous êtes là pour faire en sorte qu'elles fonctionnent? Je préférerais, compte tenu de tout ce que j'ai à faire, simplement faire mon travail et m'appuyer sur vous, car cette responsabilité a été déléguée à votre commissariat.

»  +-(1715)  

+-

    M. John Reid: En ce qui concerne le commissaire à la protection de la vie privée, je pense qu'il est important de reconnaître qu'il est en fait responsable de deux lois; la première, la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui est l'équivalent de la Loi sur l'accès à l'information, mais aussi la deuxième, soit la LPRPDE, qui a des répercussions nationales et qui, si je comprends bien, lui donne le mandat relatif à l'éducation du public. Nous n'avons pas pareil mandat dans le contexte de la Loi sur la protection des renseignements personnels ni dans la Loi sur l'accès à l'information.

    On nous demande constamment si l'on devrait faire de l'éducation ou non. J'essaye quant à moi de le faire par le biais de mon site Web; je dois très souvent prendre la parole en public et j'essaye de remplir ce rôle de cette façon-là. Je ne pense pas toutefois que vous puissiez dire que les deux soient équivalents, car il a une autre responsabilité qui est plus importante que la mienne.

+-

    M. Paul Szabo: J'aimerais simplement dire que j'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi un parlementaire devrait passer par une demande d'accès pour obtenir de l'information. Cela ne semble pas pertinent.

+-

    M. John Reid: Eh bien, en tant que responsable de ce système pendant cinq ans à la Chambre des communes, je peux vous dire que vous n'avez pas à passer par la Loi sur l'accès à l'information, qui permet de contrôler le flux de l'information pour le gouvernement du Canada. Si vous passez par la Loi sur l'accès à l'information, vous devez vous soumettre à deux choses, ce qui ne serait pas le cas si vous passiez par le système de la Chambre des communes.

    Vous devez tout d'abord vous adresser au bureau AIPRP, et si vous n'êtes pas satisfait de la réponse qui vous est donnée, vous pouvez en saisir le commissaire à l'information et, par la suite, les tribunaux. Ces deux choses sont très importantes.

+-

    M. Paul Szabo: J'ai une dernière question qui devrait me permettre de comprendre votre philosophie et votre attitude à ce sujet.

    Un ministre a reçu une demande relative à la fourniture d'une copie de chaque lettre de tierces parties reçues par le ministère sur un sujet particulier, ce qui représentait 250 000 pages ou quelque chose du genre. Je me demande vraiment pourquoi un ministre ou le gouvernement aurait la responsabilité de fournir ce qui n'a pas été demandé et que des tierces parties ont envoyé. Ne serait-ce pas aux particuliers de demander à ces parties intéressées de leur fournir ces documents directement? Cela encombre le système et il est difficile de comprendre pourquoi cette charge devrait revenir au gouvernement plutôt qu'à la tierce partie qui produit les documents.

+-

    M. John Reid: Le problème, c'est que lorsqu'un gouvernement traite de politique officielle, une tierce partie qui écrit à un ministre déclenche en fait un débat public; c'est la façon dont bien des tierces parties peuvent le faire. La question qui se pose alors est la suivante : à qui appartient cette information, au ministre ou à la tierce partie? Lorsque vous déclenchez un débat public, renoncez-vous à une certaine protection des renseignements personnels? Pourquoi ceux qui se trouvent en plein débat public, les parlementaires en particulier, n'auraient-ils pas accès à tous les renseignements dont dispose le ministre grâce aux présentations qui lui ont été faites?

+-

    M. Paul Szabo: Le gouvernement doit-il demander l'autorisation à toutes ces sociétés de publier leurs lettres?

+-

    M. John Reid: Non.

+-

    Le président: Merci, monsieur Szabo.

    Monsieur Epp, avez-vous une question de suivi?

+-

    M. Ken Epp: J'en ai plusieurs. Sachant que vous veniez ici aujourd'hui pour nous aider au sujet de l'examen de la loi, vous avez dû vous dire, si je pouvais changer quoi que ce soit dans la loi, ce serait ceci, ceci et cela. Avez-vous une telle liste et pourriez-vous nous en faire part?

+-

    M. John Reid: J'ai effectivement une liste que j'ai publiée dans un rapport précédent. Il s'agit de la réponse au rapport du Groupe de travail chargé de l'examen de l'accès à l'information. C'était un rapport spécial que j'ai présenté au Parlement il y a environ un an et qui renferme ce que je souhaiterais.

    S'il y a deux éléments que j'aimerais voir modifier, c'est tout d'abord le privilège des renseignements confidentiels du cabinet. Si vous examinez tous les parlements dans le monde entier, dans les provinces canadiennes, en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande, vous verrez qu'une exception est prévue dans leur loi sur l'accès à l'information. En d'autres termes, vous ne pouvez pas voir les documents en question, mais le commissaire à l'information peut les examiner pour s'assurer que ce qui reste confidentiel mérite de l'être. Au Canada, ces documents sont exclus de la loi et le commissaire à l'information ne peut pas voir ce qui se fait.

    Vous avez eu vous-mêmes ce problème lorsque vous avez demandé au Conseil privé certains rapports liés à la législation adoptée aujourd'hui. Les rapports que vous avez obtenus n'étaient pas véritablement des renseignements confidentiels du cabinet, mais si vous aviez fait appel à mes services, je n'aurais pas été en mesure de les examiner non plus. Il est important de s'assurer que ce changement est apporté afin de normaliser ce genre d'enquête liée à l'information.

    Tout en tenant ces propos, je tiens à vous dire que je suis convaincu que le gouvernement ou un ministère puissent débattre confortablement avant de prendre des décisions. Toutefois, il est important de pouvoir dire aux Canadiens et aux députés qu'effectivement, l'organisme externe a examiné l'information et qu'il peut confirmer qu'il s'agit en fait d'un renseignement confidentiel du cabinet. C'est l'un des véritables irritants du système, car pratiquement toutes les plaintes que nous recevons portent sur ce concept de renseignements confidentiels du cabinet et nous aimerions éliminer ce problème.

    J'aimerais ensuite qu'une mesure législative s'ajoute à la Loi sur l'accès à l'information stipulant que cette information doit être créée et qu'il faut la protéger; il faut le faire. Il s'agit de la mesure législative que j'ai proposée et si j'aimerais qu'elle soit adoptée, c'est parce qu'elle nous donnerait un moyen de nous assurer que le gouvernement conserve les dossiers dont il a besoin à cet effet, ainsi que les dossiers dont a besoin le citoyen.

»  +-(1720)  

+-

    M. Ken Epp: Je suis sûr d'avoir lu ce document il y a un an, mais il va falloir que je prenne le temps de le relire.

+-

    M. John Reid: Il s'agit de l'annexe A.

+-

    M. Ken Epp: D'accord.

    J'aimerais également savoir si, à propos des demandes que vous recevez dans le cadre de votre travail, les députés enlisent votre commissariat, ou est-ce le fait d'autres groupes? Quelle est votre clientèle? J'aimerais savoir dans quel pourcentage, vous devez vous occuper des députés, si vous le savez.

    Je n'ai pas voulu dire « enliser », désolé, collègues.

    La question ne se pose pas seulement en cas de conflits, mais aussi en cas d'appels présentés au commissariat. Proviennent-ils essentiellement des députés ou des citoyens ordinaires? Quelle est la ventilation approximative? Je n'ai pas besoin de chiffres exacts.

+-

    L'hon. John Reid: J'aimerais demander à Dan Dupuis, directeur des opérations, de répondre à cette question.

+-

    M. Dan Dupuis (directeur général, Enquêtes et révisions, Commissariat à l'information du Canada): Tout d'abord, vous devez savoir que nous ne nous occupons que des plaintes, si bien que c'est seulement 10 p. 100 du travail qui nous revient en fait. Pour ce qui est des plaintes, je peux dire qu'elles proviennent des députés, des journalistes, des entreprises, des particuliers. C'est assez égal, mais ce sont davantage les entreprises que les particuliers qui demandent de l'information des tierces parties, probablement pour certaines des raisons dont l'autre intervenant a parlé.

+-

    Le président: Il est intéressant de voir que les entreprises s'en servent comme d'une stratégie.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Monsieur le président, je vois qu'il reste peu de temps, mais je voudrais dire encore quelques mots.

    Je pense qu'il ne faut pas s'éloigner de cette question. Ce qui me fait peur, c'est qu'on reporte encore l'étude de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection de l'information. Aussi, il ne faut pas oublier que le commissaire à la protection de la vie privée n'est pas le seul responsable de la protection de la vie privée. Il y a aussi la Loi sur les renseignements personnels qui s'applique entre particuliers.

    Je ne voudrais pas commencer à entrer dans les détails, mais une occasion se présente à nous. Il nous a fallu 16 ou 18 mois pour arriver à faire quelque chose ensemble. Le rapport est là depuis 1986, et rien n'a bougé. Il est facile de travailler de façon globale et de faire en sorte que rien n'avance. Après cette modification, s'il y a des réunions, après coup, on pourra refaire l'autre séparément et on aura fait les deux rapidement. Ensuite, on pourra fusionner les deux au cours d'une autre législature.

    Je pense qu'il faut saisir l'occasion. Le problème soulevé présentement ne réside pas dans le fait que la Loi sur la protection de l'information n'est pas bien faite. Au contraire, on l'utilise et on essaie d'aller chercher le plus d'informations possible chez les gens. Donc, ce n'est pas la loi qui pose un problème; c'est la façon dont on s'en sert et dont l'État peut s'en servir.

    Mais on a un problème en tant que citoyens, en tant que députés, en tant que journalistes et en tant que personnes ayant besoin d'information: on doit aller chercher du côté de l'État l'information qui est de plus en plus « cachée ». Elle est tellement cachée qu'on n'écrit plus les documents pour qu'on ne puisse pas trouver les informations. Cela constitue un problème qu'il faut régler.

    Comme je vous l'expliquais plus tôt, je vois une différence énorme entre les deux lois. Il y a des liens, comme on l'a vu, mais ce ne sont pas des liens tissés serré. Il y a évidemment des liens qui existent, mais il faut commencer par la première loi.

    M. Reid nous a dit qu'on pourrait probablement étudier la nouvelle loi à mi-parcours. Oui, la loi a 20 ans et il faut changer les exclusions et revoir tout cela. On a parlé de la question des contrats privés qui existent. Il n'y a pas que les contrats privés qui soient concernés; il y a aussi des agences.

    On est en train de créer des agences dont la vérificatrice générale ne peut même pas vérifier les chiffres. On peut penser à VIA Rail. On peut toutes les nommer, qu'il s'agisse de Postes Canada ou d'autres sociétés d'État. Il y a plein d'argent du public à l'intérieur de ces agences et jamais on ne pourra aller chercher les informations voulues en utilisant la Loi sur l'accès à l'information.

    Je vois que le temps passe, mais je ne voudrais pas, monsieur Szabo, qu'on s'enlise en faisant des choses de façon globale. J'espère qu'à l'automne, on étudiera cette loi pour l'améliorer afin qu'il y ait plus de possibilités d'aller chercher des informations auprès de l'État.

»  -(1725)  

[Traduction]

-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Lanctôt.

    Je vous remercie de votre dernière observation; vous dites que tout en multipliant le nombre des organismes de services spéciaux et d'autres formes d'organisation, le gouvernement a eu tendance à les retirer du champ de compétence du commissaire à l'information.

    Il m'est apparu, en vous écoutant, que deux questions se posent. Il y a d'abord la divulgation publique de l'information, dont la protection dans un environnement plus commercial fait partie du problème, mais aussi le droit du commissaire à l'information d'examiner l'information recherchée, à cause de l'importance de l'information dans le cadre de la reddition de comptes. Ces organismes, un bon nombre d'entre eux, sont toujours responsables devant la Chambre et vous avez absolument raison; je pense que ce serait un point important à régler.

    Notre réunion tire à sa fin et j'aimerais faire une ou deux observations rapides.

    Ce qui est apparu clairement au moment de l'étude du projet de loi C-25, c'est sans doute le sentiment de schizophrénie qui doit se manifester au sein de votre commissariat. Chaque fois que nous embauchons un nouveau fonctionnaire, il doit tout d'abord prêter serment de ne pas divulguer d'information. En même temps, une loi stipule que toute l'information du gouvernement doit être divulguée à l'exception de celle spécifiquement exclue. Nous avons donc deux forces qui, en quelque sorte, sont contraires.

    Dans notre monde où le gouvernement est beaucoup plus vaste et beaucoup plus complexe, l'information a toujours été un moyen essentiel de favoriser le processus démocratique, et c'est encore plus le cas aujourd'hui. Comment tenez-vous votre gouvernement responsable si vous ne savez pas ce qui se passe? J'ai pris note de certaines observations intéressantes dans le rapport Delagrave.

    Je crois qu'il est important, comme l'a dit M. Reid, de savoir pour commencer comment l'information est réunie et conservée. Énormément d'informations peuvent être rendues disponibles tout au début, mais une fois entrées dans le système, il faut les en extraire.

    On assiste à une nouvelle conception de la culture du gouvernement, comme j'ai pu m'en apercevoir. Alors que j'étais à Stockholm il y a quelque temps, j'ai posé à certains collègues du gouvernement suédois la question dont vous vous êtes occupé, monsieur Reid, soit l'accès à un horaire, par exemple. J'ai demandé ce qui se passerait si quelqu'un demandait l'horaire quotidien du premier ministre de Suède. On m'a répondu que cela ne poserait pas de problème. J'ai demandé le genre de processus à suivre. On m'a répond que n'importe qui, y compris un étranger—comme moi—pouvait simplement téléphoner pour le demander; le gouvernement se doit de le fournir en l'espace de 24 heures et ne peut pas demander pourquoi vous le souhaitez.

    Il s'agit donc en partie d'une question de culture et nous devons de toute évidence faire un peu plus de progrès si nous voulons arriver à ce genre d'ouverture.

    Par ailleurs, si je ne me trompe, c'est l'archiviste qui parlait d'un trou dans notre mémoire institutionnelle causé par le passage à l'électronique. Nous avons tous ces documents sur papier—certains diraient que nous en avons trop—au sujet de ce qu'a fait le gouvernement avant l'ère électronique, mais comme le courrier électronique et d'autres formes électroniques de documents deviennent plus communs, nous courons le risque de perdre énormément d'informations que nous ne pourrons retracer.

    La deuxième recommandation vise une mesure législative qui fournirait un cadre permettant d'identifier et de conserver l'information. Le dirigeant principal de l'information en a également fait mention, si bien que je crois que du travail très fructueux s'est fait à cet égard.

    Je remercie M. Lanctôt d'avoir porté ces questions à l'intention du comité pour que nous y donnions suite.

    De toute évidence, la Chambre va bientôt suspendre ses travaux, mais peut-être pourrions-nous demander aux fonctionnaires visés de rencontrer les gens de votre commissariat et demander l'avis des députés sur la façon dont nous pourrions nous occuper de cette question à l'automne.

    Je vous remercie de nouveau et vous présente nos excuses pour notre retard. Je remercie également tous les membres.

    La séance est levée jusqu'à lundi, 11 heures, à moins que je ne doive vous rappeler pour une raison importante.