OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 28 janvier 2003
Á | 1110 |
Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)) |
M. Evert Lindquist (témoignage à titre personnel) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
Le président |
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne) |
Á | 1140 |
M. Evert Lindquist |
Á | 1145 |
Le président |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ) |
M. Evert Lindquist |
Á | 1150 |
Le président |
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) |
M. Evert Lindquist |
Á | 1155 |
Le président |
M. Steve Mahoney |
M. Evert Lindquist |
Le président |
M. Andy Scott (Fredericton, Lib.) |
Le président |
 | 1200 |
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne) |
M. Evert Lindquist |
 | 1205 |
M. Ken Epp |
M. Evert Lindquist |
M. Ken Epp |
M. Evert Lindquist |
 | 1210 |
Le président |
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ) |
M. Evert Lindquist |
 | 1215 |
M. Gilles-A. Perron |
M. Evert Lindquist |
Le président |
M. Gilles-A. Perron |
M. Evert Lindquist |
Le président |
M. Paul Forseth |
 | 1220 |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
Le président |
Le président |
M. Andy Scott |
Le président |
M. Andy Scott |
 | 1225 |
M. Evert Lindquist |
 | 1230 |
Le président |
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) |
M. Evert Lindquist |
 | 1235 |
M. Alex Shepherd |
M. Evert Lindquist |
 | 1240 |
M. Alex Shepherd |
M. Evert Lindquist |
Le président |
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
 | 1245 |
M. Evert Lindquist |
M. Roy Cullen |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
 | 1250 |
M. Evert Lindquist |
Le président |
 | 1255 |
M. Evert Lindquist |
Le président |
M. Evert Lindquist |
· | 1300 |
Le président |
M. Evert Lindquist |
Le président |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 28 janvier 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1110)
[Traduction]
Le président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): Allons-y.
Nous nous réunissons aujourd'hui pour faire deux choses. Nous allons d'abord entendre le témoignage du professeur Evert Lindquist, de l'École d'administration publique de l'Université de Victoria. Vous avez tous reçu un exemplaire du document préliminaire que notre attaché de recherche, Jack, a rédigé sur ce sujet et qui fait suite aux conversations que nous avons eues avant le congé de Noël. À la fin de cette séance-ci, nous prendrons quelques minutes pour traiter d'une motion qui confirme essentiellement ce sur quoi nous nous étions entendus en principe à notre dernière réunion avant Noël. Vous en avez aussi un exemplaire. Par respect pour notre témoin, j'ai pensé que nous pourrions entendre son exposé d'abord plutôt que de lui imposer notre discussion sur la motion.
Professeur Lindquist, vous constaterez que notre groupe est assez amical. Après vos remarques liminaires, il y aura une période de questions. Ce n'est certainement pas votre première comparution devant un comité comme le nôtre, vous savez donc comment ça se passe. Vous avez la parole.
M. Evert Lindquist (témoignage à titre personnel): J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir invité à témoigner.
J'ai reçu un court document de travail il y a quelques jours à peine, et j'ai tenté d'organiser mon exposé en fonction des thèmes qui sont abordés dans ce document. Je passerai donc en revue mes remarques qui ne constituent en fait qu'un point de départ pour notre discussion.
Je crois qu'il est rare qu'un comité n'entende qu'un témoin à la fois, et j'ai hâte de pouvoir dialoguer avec vous.
Je crois savoir que vous amorcez une réflexion sur les orientations prises récemment en vue de réformer la fonction publique au Canada et ailleurs dans le monde pour tenter de voir où s'en va la nouvelle gestion publique, quelles seront les mesures les plus importantes qui devront être prises dans le cadre de cette réforme au cours des cinq à dix prochaines années et quelles pratiques se sont avérées fructueuses ou ont échoué. Par exemple, la culture bureaucratique a-t-elle suffisamment changé au Canada? Il est aussi évident que vous avez à l'esprit une question importante: tous les changements qui se sont produits récemment ont-ils rendu le gouvernement plus efficace? Quels sont les principaux problèmes? Où se situe le Canada en comparaison des autres pays? Dans quelle mesure le gouvernement a-t-il su exploiter la nouvelle technologie de l'information? Quelle voie devrions-nous prendre à l'avenir?
Ce sont là bien sûr de vastes questions. Vous entendrez de nombreux témoins. Je vais vous faire part de mes réflexions sur ces questions.
Les observations que je ferai aujourd'hui découlent de mes travaux de réflexion et de recherche sur diverses questions touchant la gestion publique et la réforme de la fonction publique. J'aimerais d'abord vous toucher quelques mots du Parlement et des résultats, de la question de savoir si quelqu'un, quelque part, écoute et se sert des rapports sur le rendement que publie le gouvernement du Canada.
Mon deuxième sujet sera celui de l'engagement des citoyens. L'ère des consultations est-elle révolue? Qu'y a-t-il de nouveau dans tout cela? Qu'y a-t-il de différent dans tout cela? En voulant mettre à profit les nouvelles technologies de l'information, ne négligeons-nous pas certains enjeux fondamentaux qui ont toujours constitué un défi pour le processus de consultation?
J'aimerais aussi aborder la question de la réforme du secteur public en général. Sans entrer dans les détails, j'estime que le plus important pour nous à cet égard serait de prendre un peu de recul afin de pouvoir faire un bilan cohérent avant d'envisager sérieusement la prochaine étape.
J'aurai aussi des remarques à faire sur la situation du Canada par rapport au reste du monde, le quatrième thème.
Enfin, pour ce qui est de la stratégie que nous pourrions adopter pour l'avenir, votre comité et d'autres organes semblables pourraient déjà envisager différents scénarios. J'explorerai toutes les répercussions pour votre comité.
En bref, je veux insister sur la notion de cohérence. Autrement dit, il nous faut faire le point sans nécessairement dégager un consensus sur ce qui compte et notre orientation future.
En dépit des rapports sur le rendement dont vous êtes submergés, j'estime qu'il nous faut davantage d'information et de meilleures informations contextuelles pour que les comités et les observateurs puissent interpréter convenablement les renseignements qui leur sont fournis et exiger véritablement des comptes du gouvernement.
Les travaux de votre comité, et bon nombre des questions que nous aborderons aujourd'hui, s'inscrivent dans le cadre d'un énorme programme visant à redonner à la population confiance dans son gouvernement. Or, cela ne se fera pas en quelques années. Cela prendra probablement cinq ou même dix ans.
Á (1115)
Enfin, je suis d'avis que les comités permanents, dont votre comité pourrait être le chef de file, doit établir des alliances stratégiques avec diverses organisations dont le Bureau du vérificateur général du Canada sans pour autant compter exclusivement sur ce dernier. Vous devez établir des alliances stratégiques avec d'autres organismes s'intéressant à la réforme du secteur et de la politique publics afin d'obtenir les informations qui, à mon sens, vous sont indispensables pour mener à bien vos travaux.
Je reviens à mon premier thème: «Le Parlement fait part de ses résultats: y a-t-il quelqu'un à l'écoute?». En 1995, j'ai présenté une communication au Groupe canadien d'études des questions parlementaires. Cela a mené à la publication d'un article dans la Revue parlementaire canadienne intitulé «Information, Parliament and the New Public Management». Cela se passait juste après l'examen des programmes, à l'époque où le gouvernement du Canada, sous l'impulsion du Conseil du Trésor du Canada, commençait à mettre en oeuvre le régime axé sur le rendement. Cet article portait sur les conséquences éventuelles des rapports sur le rendement pour le Parlement. J'y notais que les indicateurs de rendement posaient des problèmes. Je ne vais pas vous les décrire tous en détail, mais ils ne brossent qu'un tableau incomplet du rendement des organismes gouvernementaux. Cette façon d'évaluer le rendement est lacunaire. Bien qu'on affirme que cette méthode rehausse la transparence du gouvernement, en fait, elle peut parfois cacher ce qui se passe véritablement au sein des ministères. J'y soulevais différentes questions que vous connaissez déjà sans doute.
J'indiquais aussi qu'il y avait déjà un réseau de reddition de comptes composé de personnes chargées de mener une réflexion approfondie sur ces questions. Il y a les comités permanents, le Secrétariat du Conseil du Trésor, le Bureau du vérificateur général du Canada, et d'autres chiens de garde du gouvernement. Mais ce qui me préoccupait surtout à l'époque, c'était que les documents sur le rendement qui étaient censés être produits pour le public étaient en fait rédigés à l'intention des experts, des membres de ce réseau de reddition de comptes, de ceux qui fréquentent le gouvernement, qui connaissent les joueurs, qui connaissent assez bien les budgets, qui savent quoi chercher et qui disposent de connaissances et d'une expérience que la moyenne des Canadiens n'a pas.
De plus, dans cet article, je faisais valoir qu'il fallait donner des informations contextuelles sur les programmes et les ministères afin de combler l'écart qui existait entre les connaissances tacites des experts et ce que les gens ont besoin de savoir pour bien interpréter ces documents et participer aux débats de façon constructive. Par informations contextuelles, j'entends des informations sur l'organisation des tâches et le déroulement du travail dans chaque ministère et même sur son emplacement au pays, la cote qu'on lui attribue dans chaque région et les facteurs que les ministères et organismes doivent peser avant de déterminer comment relever de nouveaux défis.
Cet article a été publié en 1996. En 1998, j'ai publié un autre article intitulé «Getting Results Right: Reforming Ottawa's Estimates» portant sur la façon de dépenser du gouvernement fédéral. Cet article a été publié à l'époque où le mouvement de réforme des comptes à rendre avait le vent dans les voiles. On avait terminé l'étape des projets pilotes et les rapports sur le rendement constituaient la nouvelle façon pour les ministères de rendre des comptes. Mais cet article, qui abordait bien des questions, insistait surtout sur le fait que ces rapports suscitaient très peu d'intérêt, et je crois que cette observation vaut encore aujourd'hui. Il n'est pas certain que les comités permanents fassent un usage méthodique des rapports sur le rendement. Il n'est pas non plus certain que les médias s'intéressent à ces rapports, pas plus que les groupes de réflexion et le public.
Á (1120)
J'estime donc que la qualité de ces rapports et le régime des rapports et déclarations dans son ensemble dépendent grandement de l'intérêt et du professionnalisme des hauts fonctionnaires et des organismes centraux d'Ottawa, ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose. On pourrait même prétendre que les rapports se sont améliorés avec le temps. Il semble que les fonctionnaires ont produit ces rapports croyant que vous alliez vous y intéresser vivement, et que les médias et le public en feraient autant.
Dans cet article, je convenais que les comités permanents devraient disposer de plus de ressources afin d'accroître leur capacité de recherche et d'étude de ces rapports. J'ai aussi appuyé ceux qui proposaient la création d'un comité permanent sur les prévisions budgétaires et je suis ravi de constater que votre comité existe maintenant. J'estime néanmoins qu'il faut encore améliorer la qualité de l'information contextuelle, car sans de bonnes informations contextuelles, il est très difficile de bien interpréter les rapports sur le rendement.
Dans la même veine que cet article, et étant donné qu'un comité comme le vôtre ne dispose probablement pas de ressources inépuisables, il m'apparaît important que vous établissiez des alliances stratégiques avec d'autres intéressés, des universités, des groupes de réflexion, la vérificatrice générale, mais aussi d'autres gens qui ont une bonne connaissance de l'historique et de l'évolution des programmes et des ministères et qui seraient disposés à collaborer avec vous en vue de faire un bilan objectif de ces programmes et ministères avant de passer à l'étude des informations sur le rendement. Nous pourrons y revenir plus tard si vous le souhaitez.
Je voulais aussi vous toucher quelques mots de l'engagement des citoyens. Ma question est la suivante: l'ère de la consultation est-elle révolue? Depuis trois ou quatre ans, à Ottawa, il est de bon ton de parler de l'engagement des citoyens, comme si le gouvernement du Canada n'avait jamais mené de consultation auparavant. Or, je n'ai qu'à regarder autour de la table pour voir que plusieurs d'entre vous ont participé activement à des consultations qu'on appelle maintenant l'engagement ou la mobilisation des citoyens. Ainsi, M. Scott a pris une part active aux consultations sur la réforme de la sécurité sociale et a même organisé des assemblées publiques novatrices dans sa circonscription; il a aussi collaboré avec les fonctionnaires de DRHC pour la tenue de conférences publiques. On pourrait en parler longuement, mais quand on pense à de vastes consultations, c'est là un bon exemple d'engagement des citoyens qui est d'ailleurs positif à bien des égards, même si le gouvernement voudra probablement éviter de répéter certaines choses. En 1994, le ministre des Finances de l'époque a ouvert le processus budgétaire et lancé la pratique des consultations prébudgétaires du public. Il en va de même un peu partout au gouvernement.
En quoi ce qu'on appelle l'engagement des citoyens diffère-t-il? Les possibilités qu'offrent les technologies de l'information et des communications ont, en partie, ravivé l'intérêt dans ce domaine. Mais il y a bien d'autres idées qui datent d'il y a 15 ou 20 ans, qu'il s'agisse de scrutins délibératifs, de jurys de citoyens, de séances et de dialogues avec le public. Ce que je veux dire, c'est que l'avènement des nouvelles technologies et l'emploi de nouvelles expressions telles que «engagement des citoyens» ne règlent pas certains problèmes fondamentaux des consultations, qui tiennent au fait que le gouvernement a son propre programme et tente de faire progresser ses idées, mais aussi au fait que les ministères et leurs fonctionnaires qui mènent des consultations rivalisent avec les comités permanents et les députés. Cette tension, qui s'est exprimée de façon très intéressante pendant les consultations sur la réforme de la sécurité sociale, persiste et les nouvelles méthodes de consultation qu'on préconise dans le cadre de la réforme du secteur public ne l'ont pas réduite.
Á (1125)
Vous êtes sans doute au courant de l'article publié il y a quelques mois dans le Ottawa Citizen, sous la signature de Kathryn May. Je pense que c'est une excellente entrée en matière pour ces questions que vous connaissez bien.
Sans vous donner de solution, j'ai tout de même quelques questions à poser. À quoi doivent servir les nouvelles technologies de l'information et les nouvelles méthodes de mobilisation des citoyens? Quels nouveaux renseignements en tirera-t-on pour mettre au point de nouveaux programmes, choisir de nouvelles façons de faire et améliorer la mise en oeuvre des politiques gouvernementales?
Ces nouvelles technologies promettent-elles d'améliorer la qualité de l'information à la disposition des députés, des citoyens ou des groupes participant à ces consultations? Faudra-t-il élargir les capacités de comités permanents comme le vôtre, afin de pouvoir recourir à ces nouvelles technologies?
Dans mon propre cas, celui du directeur d'une école d'administration publique, je constate que beaucoup des cours de notre programme sont donnés électroniquement. Ce mode de prestation de services n'est pas moins coûteux. Je pense qu'on pourra en dire autant de la mobilisation des citoyens et du recours aux nouvelles technologies. Ce sera probablement plus cher et il faut se demander quels avantages on en tirera.
Quant à ces nouveaux modes de mobilisation des citoyens, quelle illégitimité ont-ils? Quand nous avons des dialogues entre citoyens, dans un groupe donné, lors de forums régionaux ou d'autres types de rencontres, on nous dit certaines choses et je m'inquiète de la qualité de l'information, pour commencer. Je suis aussi préoccupé par la représentativité des points de vue exprimés par des Canadiens dans le cadre de ces processus. Cela soulève la question des diverses méthodes de médiation, comme le travail des comités permanents, mais aussi celui des ministres.
Quelles sont les incidences de tout cela? D'abord, des comités comme le vôtre doivent bien entendu se faire les défenseurs de la mobilisation accrue des citoyens et mettre à l'essai de nouvelles méthodes, mais il vous faut une plus grande capacité. Si on ne vous accorde pas davantage de ressources, je me dois de revenir au thème des alliances que vous pouvez conclure avec d'autres intervenants, pour vous aider à aller de l'avant. Je crois qu'il vous faudra faire preuve de beaucoup de créativité.
Ça peut vous sembler futile, mais il y a quelques années, j'ai écrit un article sur les dépenses d'Ottawa. J'y étudiais le travail d'un groupe du Bureau du Conseil privé responsable de la gestion de l'agenda—le sous-secrétaire à la planification et à la consultation. J'estimais que les documents d'information sur la transition, pour les gouvernements, devaient être rendus publics. Cela concorde avec la recommandation de mes anciens collègues de l'Université de Toronto, Graham White et David Cameron, qui ont fait une étude approfondie du processus de transition en Ontario.
J'en parle maintenant parce que j'estime qu'il importe vraiment que les citoyens comprennent l'ampleur et la complexité des questions auxquelles est confronté le gouvernement. Vous aussi, d'ailleurs, devriez les comprendre. En comprenant que ces questions ont été prises en compte officiellement par le gouvernement, il est important de constater qu'on a écouté, et entendu le public. Les Canadiens seront à même de constater que les gouvernements doivent arriver à un équilibre très délicat.
Le troisième sujet est celui de la réforme du secteur public. Vous demandez quelles devraient être les priorités du gouvernement pour les futures réformes du secteur public. J'ai quelques idées d'ordre général. La chose la plus importante qui me vient à l'esprit—et dont le gouvernement s'occupe—c'est que les organismes centraux doivent être mieux en mesure de vérifier le travail des ministères.
En dehors du processus d'examen des programmes et d'autres exercices qui en ont découlé, il est assez intéressant de constater que le budget de base des ministères n'a pas été sérieusement remis en cause.
Á (1130)
Vous savez probablement qu'un exercice de réaffectation de crédits est en cours. Mais cela se rapporte en fait surtout à la façon dont a été organisé le Secrétariat du Conseil du Trésor, et à sa réaction aux pressions budgétaires exercées par suite de l'examen des programmes.
Contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, on ne conteste pas beaucoup ici ce que font les ministères. Autrement dit, ici, on ne passe pas au processus budgétaire sans que le ministère des Finances et le Secrétariat du Conseil du Trésor aient une opinion très claire sur la façon dont on pourrait vouloir refaçonner les budgets. Ensuite, il revient aux ministères de se débrouiller, de contester et de dire pourquoi d'autres priorités doivent avoir préséance.
Je pense qu'on se penche sur la question, mais j'en reparle parce que ce même genre de processus devrait aussi avoir lieu au sein des comités permanents. Il doit y avoir un processus central, mais aussi un bon processus bien éclairé, qui ne se concentre pas seulement sur les questions d'actualité, les scandales et autres choses du genre, mais plutôt sur les difficultés des ministères et sur la qualité de leur gestion.
Je crois depuis longtemps que pour que le Secrétariat du Conseil du Trésor retrouve cette capacité, il faudrait non seulement un remaniement du secrétariat, mais aussi un changement d'optique pour tous les organismes centraux. On m'a dit qu'un projet de loi serait bientôt déposé à la Chambre qui se concentrera sur la fonction des ressources humaines au gouvernement. Mais je pense qu'il faudra inclure cela dans un train de mesures visant à rééquilibrer les responsabilités des organismes centraux et à leur donner un nouveau point de mire. Si je faisais partie de votre comité, je suivrais la situation de près en me demandant quelles incidences cela aurait sur le travail du comité.
D'autres priorités sont bien entendu associées au renouvellement de la fonction publique, comme la planification de la relève, l'élaboration d'une organisation capable de s'adapter et d'apprendre, pour relever de nouveaux défis, un réexamen du régime du mérite et l'évolution des carrières dans le noyau de la fonction publique, ici, comme dans le secteur plus large de la fonction publique. Nous avons peu de temps pour en parler, mais ma principale préoccupation, c'est la période de transition que traversera bientôt l'ensemble de la fonction publique. Cela se passera probablement très rapidement, et une nouvelle génération, qui est actuellement dans la trentaine ou la quarantaine occupera les postes de responsabilité. Beaucoup de ces gens-là ne sont pas actuellement dans la fonction publique mais ils viendront d'ailleurs, très rapidement.
Pour moi, cela soulève la question de l'attrait que peuvent susciter les carrières dans la fonction publique, de la réputation du gouvernement et, je crois, de la nécessité pour tous les comités permanents de souligner l'importance du travail de la fonction publique, tout en critiquant comme il se doit les activités gouvernementales. Il est très intéressant d'essayer d'arriver à cet équilibre.
J'ai déjà parlé de l'information à fournir au Parlement. Je crois simplement que cela fait partie du cadre plus large de la réforme du secteur public.
Enfin, au sujet de la réforme du secteur public, j'aimerais dire qu'on a peu réfléchi à l'incidence de cette réforme—pour tous les ordres de gouvernement et toutes les régions du pays—sur les citoyens et leurs collectivités. Je pense qu'on y a très peu réfléchi. On veut bien parler de mobilisation des citoyens et de services axés sur les citoyens, mais on ne parle pas du tout des conséquences réelles pour une personne qui vit dans le nord de la Colombie-Britannique. Et si on y pense, «c'est simplement pour se demander ce que le gouvernement fédéral peut bien faire dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.» On ne se penche pas sur la façon dont le gouvernement, en général, traite ses citoyens.
Comment le Canada se compare-t-il aux autres? On pose habituellement cette question pour des activités précises: comment fonctionne le régime des ressources humaines ou le gouvernement en direct?
Á (1135)
Je pense que le point essentiel sur lequel j'aimerais insister ici est que le contexte est très important. Choisir des initiatives et des idées en particulier provenant d'ailleurs peut parfois nous faire perdre de vue la manière dont les choses interagissent.
Je dirais que la principale question que j'aimerais soulever, qui se rapporte au dernier point que j'ai mentionné, est que je ne pense pas que nous ayons une idée très claire à quel point notre pays a changé au cours des dix dernières années. Nous songeons à de nouvelles orientations pour la réforme du secteur public, mais je pense que ce serait très risqué d'opter pour des nouvelles orientations sans avoir une idée très claire de ce que nous voulons réaliser.
En revanche, j'avancerai qu'en contraste avec notre réticence à nous lancer dans une nouvelle aventure constitutionnelle, en tant que nation, nous nous sommes montrés très disposés à favoriser une restructuration radicale de l'administration à tous les niveaux de gouvernement. J'entends par cela les pouvoirs publics autochtones, locaux, territoriaux, provinciaux et fédéraux. Le pays a changé de manière spectaculaire—et les citoyens le ressentent profondément. Or, à mon avis, les gouvernements se sont récemment montrés incapables de décrire la nature de ce changement. Qui nous sommes et où nous en sommes maintenant détermineront notre manière d'envisager notre avenir.
Le président: Je vous remercie.
Allons-y, nous allons commencer. Je donne d'abord la parole à l'Alliance, puis ce sera le tour de M. Lanctôt ou de quelqu'un du Bloc immédiatement après lui.
Nous commencerons par M. Mahoney de ce côté-ci de la table.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur Lindquist, pour ces nouvelles perspectives. Je suis heureux de vous voir ici aujourd'hui, car cela montre à ce comité parlementaire, ici à Ottawa, que nous avons des gens remarquables en Colombie-Britannique, représentant l'École d'administration publique de l'Université de Victoria.
J'ai gardé de très bons souvenirs des quelques cours que j'y ai suivis. Je me souviens d'être passé par le programme de formation des cadres de la Colombie-Britannique, lequel était géré par votre école pour le compte du gouvernement provincial. Ce fut une expérience enrichissante.
Je vous demanderais de bien vouloir concentrer votre attention quelque peu sur le potentiel de la technologie pour ce qui est d'élargir les limites de la prestation de services, par opposition à un organisme central qui, cherchant à controler les coûts, ouvre des centres d'appel, lance l'initiative de gouvernement en direct et réduit les effectifs et la hiérarchie bureaucratique. Ne peut-on envisager éventuellement d'accroître les services aux consommateurs en autorisant une approche plus axée sur le consommateur dans le secteur privé.
Bien entendu, si le service n'est pas fourni et que les gens n'achètent pas le service, on se tournera vers d'autres choses. L'organisme, la société ou peu importe la nature de l'entité en question, devra s'adapter aux impératifs du marché. C'est le problème type auquel fait face un gouvernement. Ce sont les consommateurs qui doivent s'adapter à l'organisme.
Je vous donne un exemple: imaginons un centre de bénévoles offrant des services aux personnes âgées dans une localité éloignée. Imaginons aussi que dans cette collectivité se trouvent de nombreux retraités. Cette localité compte peut-être une société à but non lucratif. De concert avec une banque alimentaire et d'autres partenaires, on établira un comptoir pour les personnes âgées. Ce comptoir sera géré essentiellement par des bénévoles et grâce à des dons.
On essaie donc d'aider des personnes âgées à avoir accès à des programmes de l'administration fédérale. Au moment de faire leurs déclarations de revenus, les personnes âgées pourront peut-être bénéficier de l'aide de plusieurs bénévoles, de comptables fiscalistes à la retraite ou peu importe, lesquels se rendent aux centres de personnes âgées pour aider celles-ci à remplir leurs déclarations de revenus ou pour s'assurer qu'elles recevront leurs chèques de remboursement de la TPS. Les déclarations comme l'ensemble des formalités sont en train de devenir de plus en plus incompréhensibles.
Les personnes âgées ne savent pas forcément utiliser un ordinateur. Elles ne peuvent donc pas avoir accès à des logiciels pour remplir leurs déclarations de revenus, car elles n'ont jamais allumé un ordinateur. À mesure qu'on avance dans l'âge, tout ce monde informatique devient de plus en plus «spécialisé», et il faut être un technicien pour s'y retrouver, si bien que toute une génération est laissée pour compte. L'administration fédérale s'informatise de plus en plus, et pourtant les gens qu'elle est censée servir ne suivent pas cette vague.
Je vous donne un autre exemple, celui des anciens combattants canadiens désireux de savoir à quelles prestations ils ont droit. Ceux-ci se perdent dans un labyrinthe de politiques, où ils doivent obtenir une carte A ou une carte B pour obtenir tel service ou tel autre et ainsi de suite. C'est ce qui explique la désaffection de la plupart des anciens combattants à l'égard du ministère. En effet, les anciens combattants se tourneront vers un organisme comme le centre de bénévoles pour personnes âgées pour obtenir de l'aide ou à titre d'intermédiaire.
Puis je pense à la haute technologie. Si nous avons un bureau des personnes âgées qui essaie d'agir à titre d'intermédiaire pour aider les clients qui ont décroché à se retrouver dans une bureaucratie technique, peut-être le gouvernement songera-t-il à travailler en partenariat avec quelques-uns de ces organismes de bénévoles. Ces derniers recevront peut-être des ordinateurs à la fine pointe de la technologie, avec accès à Internet non pas par ligne commutée, mais plutôt par une ligne très haute vitesse. Le gouvernement fournira donc les ordinateurs et paiera les frais de connexion, puisqu'il travaillera en partenariat avec les bénévoles.
L'administration publique a l'obligation de prendre en considération les besoins des contribuables, soit les clients et l'électorat. Elle a également le devoir de communiquer, et de communiquer avec le client dans une langue compréhensible. C'est là que la dynamique du pouvoir change, faisant intervenir davantage le secteur privé, et c'est là que le client ou le consommateur peut avoir son mot à dire.
Á (1140)
Je me pose des questions au sujet de choses comme les allocations d'anciens combattants et le devoir de cet organisme de communiquer avec ces derniers et de s'adapter aux besoins des prestataires de ces allocations, au lieu de nous retrouver dans une situation où l'organisme est déconnecter des gens qu'il est censé servir.
Je radote peut-être, mais je pense avoir brossé un tableau général auquel j'aimerais que vous réagissiez.
M. Evert Lindquist: Vous avez effectivement brossé un tableau intéressant. Vous avez évoqué des exemples fort intéressants et très complexes. Premièrement, je pense que c'est un bon exemple. Ce genre de choses est en train de se produire partout au pays au moment où nous nous parlons, de différentes façons et pour le meilleur ou pour le pire. Je reviens au point que j'ai soulevé tout à l'heure. Une des choses que nous devons montrer aux Canadiens, c'est que ces choses-là sont en train de se produire bel et bien—non pas que les choses marchent toutes comme elles devraient, mais que des collectivités aux niveaux fédéral, provincial et local sont en train de prendre ces risques et d'essayer de nouvelles approches.
D'une part, je pense que vous êtes en train de parler d'un mécanisme de prestation de services multivoie ou multimodal. À mon avis, la plupart des fournisseurs de ces services chercheront à maintenir autant de voies que possible et à se doter d'une stratégie de gravitation qui n'exclura pas les principaux groupes clients. En outre, les groupes, se familiarisant davantage avec l'utilisation de la technologie, pourront réorienter leurs activités et leurs ressources.
Ce que je sais de l'expérience dans ce domaine m'amène à dire que les organismes font souvent en sorte que leur personnel comprenne tous les différents modes, si bien que la réaffectation des employés devient facile au fur et à mesure que la demande pour ces services fluctue entre les différentes voies de prestation de services. D'une part, je pense qu'il faudra faire preuve d'intelligence dans la conception et la mise en oeuvre de la technologie et, d'autre part, on peut considérer cela comme étant un ensemble de critères que les comités permanents comme le vôtre ou quiconque est chargé de la vérification de la mise en oeuvre pourraient prendre en considération.
Il me semble que vous avez également parlé de partenariat, et là encore c'est très difficile. Cela exige en effet énormément d'ingéniosité et de souplesse sur le terrain et ne se prête pas bien à un contrôle central. Le partenariat soulève aussi des questions fondamentales touchant notamment la reddition de comptes, comme vous le savez très bien. En outre, cela est lié d'une certaine façon à la stratégie de l'innovation, qui reste muette sur la contribution du secteur public à l'innovation et sur ce que le gouvernement doit faire. C'est le revers de la médaille. Comment le gouvernement travaille-t-il avec des collectivités pour mieux les servir et aider les collectivités comme les particuliers à réaliser leur plein potentiel? Je pense que nous pourrions travailler sur cet exemple.
J'aurais un autre point à ajouter: il ne faudrait pas confondre l'utilisation des nouvelles technologies avec la complexité des déclarations et de la conciliation d'information dans l'administration publique. On pourrait avancer que, sans utiliser de nouvelles technologies, quelqu'un pourrait réaliser d'énormes progrès, simplement en simplifiant la paperasserie et en facilitant la tâche à ceux qui doivent remplir des formulaires. Cela n'a peut-être rien à voir avec le fait qu'un guichet automatique est disponible ou non.
Á (1145)
Le président: Je demanderais aux intervenants de bien vouloir limiter leurs commentaires pour que nous puissions échanger davantage.
[Français]
Monsieur Lanctôt.
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Monsieur Lindquist, j'aimerais avoir des précisions sur la manière dont on pourrait améliorer les choses que je vais vous mentionner.
Vous parlez de prestation de services, de reddition de comptes et vous nous dites que ça fait déjà plusieurs années qu'on parle de cette nouvelle gestion publique. D'accord, il n'y a pas que des scandales, mais on est obligé de commencer quelque part lorsqu'on est député, et c'est par ces scandales-là qu'on peut arriver à trouver ce qui ne fonctionne pas au niveau supérieur. Il y a déjà plus de 10 ans qu'on travaille sur cette nouvelle gestion et qu'il y a des scandales comme ceux des armes à feu, des ressources humaines, du programme de commandites.
Est-ce que c'est parce que cette nouvelle gestion est tellement pourrie qu'il y a tant de paperasse qu'on ne voit pas et qu'on dépense des milliards de dollars pour des programmes qui ne devraient presque rien coûter? La question que je me pose est celle-ci: est-ce que cette nouvelle gestion est complètement à côté de la route? Est-ce qu'il faut recentrer, comme vous le dites?
Moi, ce que j'essaie de faire, c'est de critiquer non seulement le ministère, mais aussi tous ces organismes centraux qui font qu'on dérape autant. Qu'est-ce qu'il faut faire pour éviter cela? C'est facile de dire qu'il ne faut pas que dénoncer les scandales. Mais il faut bien les dénoncer pour montrer que les choses ne fonctionnent pas, mais pas du tout. Quel est l'organisme qu'il faut recréer? Car cette nouvelle gestion est commencée, mais plus on a d'informations, plus on a de paperasse et plus on a de documents, moins les fonctionnaires sont capables de voir qu'ils sont complètement fourvoyés. Il y a quelque chose qui ne marche pas. On nous dit qu'il faut faire une nouvelle gestion, qu'il faut rendre compte, mais on ne rend plus seulement compte, on se rend compte que cela ne fonctionne pas. Je sais bien que c'est une question assez complexe, mais en tout cas, on semble être à côté de la route.
[Traduction]
M. Evert Lindquist: C'est une question importante que vous posez, et c'est évidemment une question qui est au coeur du projet du comité dans ce domaine. La première chose qu'il faut garder à l'esprit est que la prétendue nouvelle gestion publique n'est pas une invention purement canadienne, ni une invention du gouvernement fédéral. Toutes les composantes du secteur public au Canada ont réfléchi à ces questions.
La nouvelle gestion publique découle de la volonté des gouvernements d'affirmer leurs priorités politiques au niveau politique et de ne pas dépendre des hauts fonctionnaires et de la bureaucratie pour leur dire ce qu'ils doivent faire. On a souvent tendance à perdre cela de vue. Par ailleurs, le but ultime de l'exercice est de s'attacher d'abord et avant tout à la performance et aux résultats—or je pense que personne n'est indifférent aux résultats. Et puis l'on voulait tout simplement mettre en place un gouvernement plus efficace et plus efficient.
Il ne faut pas oublier qu'à la fin des années 80 et au début des années 90, la plupart des gouvernements des pays de l'OCDE étaient dans une situation financière très difficile. La réforme que l'on appelle la nouvelle gestion publique procède en grande partie du désir de contenir la croissance des gouvernements, pour le meilleur ou pour le pire, et d'en arriver à un juste équilibre quant à la taille du gouvernement.
Quand on examine le scandale des subventions et contributions à DRHC, si l'on va au fond des choses, on constate en fait que ce ministère était censé accomplir une tâche extrêmement difficile. Il y avait des ententes sur le marché du travail. Il a fallu procéder au regroupement découlant de la restructuration de juin 1993. Il fallait introduire une nouvelle technologie. Le ministère mettait en place de nouveaux modèles de prestation des services. Il s'efforçait de modifier sa façon de faire sur le terrain. Il y avait une foule d'éléments nouveaux, et tout n'allait pas comme sur des roulettes.
Je ne veux nullement laisser entendre que ce n'est pas votre tâche d'examiner ce qui cloche et que vous n'avez pas à vous attarder aux scandales. Mais je pense par ailleurs qu'il faut tenir compte du contexte administratif et de ce que l'on attend des fonctionnaires. Trop souvent, les ministres, parfois des cadres supérieurs, ainsi que nous, citoyens et critiques des gouvernements, avons des attentes trop élevées. Nous n'offrons pas aux fonctionnaires les encouragements voulus pour qu'ils nous disent quels sont les risques de certaines réformes et quels sont les compromis, quels sont les éléments qui devront être moins prioritaires.
Je me demande donc si, collectivement, nous créons l'environnement favorable pour que de telles décisions soient prises. Devons-nous nous étonner si, à l'occasion, certains scandales éclatent? Je ne parle pas du détournement de fonds, mais plutôt d'une prestation de services qui est parfois boiteuse.
Je pense que nous devons avoir une idée plus claire et plus complète de ce que nous attendons du gouvernement. Cela ne veut pas dire que nous devons être en accord avec les décisions qui sont prises, mais nous devons être bien conscients qu'une fois que ces décisions sont prises, il faut établir un juste équilibre des priorités et des services.
Á (1150)
Le président: Bon, merci.
Monsieur Mahoney, vous avez la parole.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le président, j'ai passé la fin de semaine à souffrir dans le rôle de l'espion libéral, si l'on veut, au Congrès du NPD à Toronto. L'un des candidats—celui qui a gagné, en fait—a suggéré entre autres choses que le parti achète un journal parce qu'il n'arrive pas à faire passer son message. Sans vouloir être trop partisan, je suis sûr que la méthode d'acquisition choisie serait probablement la nationalisation, si le parti en avait la possibilité.
Je le mentionne parce que vous avez parlé, monsieur Lindquist, du «scandale» à DRHC; pour ma part—je n'utilise pas ce mot pour qualifier cette affaire. Ce que j'ai constaté, avec toute l'attention qu'on a accordée au prétendu gaspillage d'un milliard de dollars, c'est que les fonctionnaires se sont tous repliés dans leur coquille d'un bout à l'autre du pays. Les gens qui dispensaient de bons programmes de formation aux Canadiens, que ce soit aux jeunes entrepreneurs ou aux femmes ou aux Autochtones, avaient tout à coup énormément de difficulté à trouver des réponses à leurs questions, plus personne ne voulait même répondre au téléphone, parce que les gens avaient tellement peur de se retrouver à la période des questions le lendemain au moindre faux pas.
La question qui se pose—et elle n'est pas nouvelle—est donc celle de l'équilibre entre le risque et la récompense dans la fonction publique. Comment peut-on encourager une fonction publique à faire preuve d'initiative et à innover dans la gestion quand le risque est tellement élevé? Bien sûr, je réponds à cela en appliquant ma propre grille d'analyse de ce prétendu scandale, à savoir que c'était en fait une tempête dans un verre d'eau et que l'on exagère beaucoup quand on parle d'un gaspillage d'un milliard de dollars. En fait, le montant en dollars était minuscule, l'argent manquant a été retrouvé, la vérification a été faite et nous n'en attendons plus parler.
Mais comment peut-on s'attendre à ce que des fonctionnaires qui vivent à une époque d'enveloppes anonymes glissées sous la porte... Et j'en ferais autant si j'étais dans l'opposition; en fait, je ferais probablement même pire, si vous voulez savoir la vérité. J'ai vécu cela. C'est l'aspect politique qui prime, quand nous voulons faire passer notre message à la population, que l'on soit au gouvernement ou dans l'opposition. Quant aux fonctionnaires, ils savent ce qui les attend. C'est le sauve-qui-peut, et je ne les blâme pas. Comment régler ce problème?
M. Evert Lindquist: C'est en partie la responsabilité des fonctionnaires d'expliquer ces risques à leurs cadres supérieurs et à leurs maîtres politiques. C'est une tendance inquiétante quand on en arrive au point, dans toute organisation du secteur privé, public ou à but non lucratif, où les fonctionnaires ou les permanents s'inquiètent tellement au sujet de leur réputation et des conséquences d'un échec éventuel qu'ils omettent de transmettre de l'information vers le haut de la pyramide, ou bien quand ils pensent que leurs conseils ne seront pas pris au sérieux. Je veux donc être clair: la responsabilité n'incombe pas seulement aux gens de l'extérieur.
En réponse à votre question, le meilleur moyen de régler ce problème est d'avoir une information solide qui permet à un ministre et à un sous-ministre d'avoir l'heure juste et sans délai et de connaître le contexte. Qu'est-ce que le ministère essayait de réaliser? Quelles sont les tensions au sein de l'organisation? Et quand un problème surgit—peu importe que l'on trouve que c'est un scandale ou non—on peut avoir une vue d'ensemble de la situation.
Le débat va se poursuivre; c'est le propre de la politique, comme vous le savez bien. Mais je pense que nous pouvons faire mieux qu'actuellement. En fait, je pense que tous les députés ont intérêt à faire avancer les choses, parce qu'un jour ou l'autre, chaque député se retrouvera de l'autre côté de l'allée et, à ce moment-là, ce n'est pas joli à voir quand une telle situation se produit.
Á (1155)
Le président: Steve, il vous reste du temps pour poser une très brève question.
M. Steve Mahoney: Je veux revenir rapidement à la question que vous avez soulevée concernant l'engagement du citoyen et la communication. Moi-même, j'habite une région très urbaine, et chaque fois que quiconque regarde les actualités, celles-ci proviennent soit de Buffalo soit de Toronto, et elles n'ont généralement pas grand-chose à voir avec les grands dossiers qui intéressent ma localité.
Je reçois bien un journal deux ou trois fois par semaine, mais il sert généralement de moyen de distribution des circulaires de K-Mart et comporte très peu de nouvelles, en tout cas certainement rien de controversé. Les médias de Toronto ne semblent pas intéressés non plus par l'opinion de tous ces banlieusards qui habitent dans la grande région du code régional «905.»
Ne croyez pas que je souffre d'insécurité, car ce n'est pas le cas. Mais comment faire pour communiquer quoi que ce soit? À moins que quelque chose ne se passe dans la cour de mes électeurs... C'est certain que j'entends toujours parler de certaines clientèles plutôt que d'autres. Ainsi, si jamais le registre des armes à feu ne survit pas, je sais que certains de mes électeurs m'appelleront pour me dire: «je vous l'avais bien dit». Peu importe le dossier, il y en a toujours qui... Actuellement, il y a un gros regroupement de gens qui s'intéressent au financement de la SRC/CBC, et c'est un groupe très bien orchestré qu'il est facile de voir évoluer. Je ne qualifierais pas cela d'engagement des citoyens; je dirais plutôt qu'il s'agit de groupes d'intérêts particuliers qui font valoir leurs points de vue.
Mais dans un pays aussi diversifié que le nôtre, comment encourager le sentiment d'engagement chez nos citoyens?
M. Evert Lindquist: Votre question est très importante. À mon avis, vous abordez aussi toute la question de la concentration des journaux entre les mains d'une poignée de propriétaires au Canada, mais ce n'est pas mon domaine de compétence. Toutefois, je remarque une grande convergence, environ 90 p. 100, dans le contenu des journaux, qu'ils soient à distribution nationale, provinciale, ou locale dans les grandes villes.
Dans ma propre province, j'achète souvent le Province de Vancouver ou le Vancouver Sun, et je constate que je n'y trouve pas beaucoup plus d'articles à saveur provinciale—et encore moins à saveur locale—que dans le Globe and Mail ou le National Post. Il y a bien sûr des forces économiques qui poussent la plupart des propriétaires de journaux, à l'exception des propriétaires de journaux locaux, comme ceux dont vous parlez, à faire converger le contenu. Je pense que l'on manque une occasion en or de fournir de meilleurs articles à saveur régionale et provinciale.
Nous pouvons bien être tous d'accord là-dessus, mais il faut malheureusement se demander qui va accepter de fournir l'investissement nécessaire. Ce ne sera certes pas le gouvernement. Il faut donc se tourner vers les entrepreneurs en espérant qu'ils y voient là une occasion d'affaires et en espérant ensuite que le citoyen accepte d'acheter deux quotidiens au lieu d'un seul. Ce n'est pas nécessairement facile à réaliser, et certainement pas dans un avenir prévisible.
Le président: Merci.
Monsieur Scott, voulez-vous prendre la relève?
M. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Bien sûr, mais dans une minute peut-être?
Le président: Préférez-vous que je passe à l'autre côté?
M. Scott se remet d'une maladie assez grave.
Monsieur Epp, voulez-vous poser votre question?
 (1200)
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Oui, je veux bien.
J'ai une ou deux questions au sujet de la gestion permanente qui se fait actuellement des sommes versées, et ce dans de grandes organisations qu'illustre parfaitement le gouvernement. Comment faire pour maintenir toutes les différentes étapes de la reddition de comptes dans la chaîne de responsabilisation sans perdre aucun maillon? Je songe notamment aux gaspillages. Steve Mahoney estimait pour sa part que c'était peu de choses en réalité. Toutefois, si on songe aux subventions que dispense DRHC, cela représente énormément d'argent. Or, on ne peut espérer qu'un seul individu puisse garder le compte de toutes les nombreuses petites contributions de 3 000 $ ou de 5 000 $ qui vont à droite et à gauche. C'est pourquoi il faut établir une structure qui soit en quelque sorte une arborescence de reddition de comptes: ainsi, en supposant qu'une personne soit chargée de 500 dossiers, par exemple, elle pourrait en rendre compte dans un seul rapport à son patron qui reçoit, de son côté, des rapports d'une quinzaine d'autres personnes qui feraient la même chose. Cela permettrait d'avoir une reddition de comptes hiérarchique, ce qui pourrait être considéré comme un modèle. Existe-t-il d'autres modèles ou d'autres façons de parvenir au même but?
En faisant appel à la technologie, on pourrait envisager d'assortir chaque dépense du gouvernement à une étiquette qui porterait un numéro d'identité, par exemple. Ce numéro d'identité permettrait d'identifier le ministère, la direction générale, le sous-groupe, et ainsi de suite. Autrement dit, cette étiquette d'identification porterait un numéro de série qui serait lié à la dépense en question. Puis, un système informatisé permettrait ensuite rapidement et en quelques instants à peine de découvrir combien d'argent DRHC a envoyé en Alberta sous forme de subventions l'année dernière. N'importe quel citoyen pourrait avoir accès pour consultation seulement à ces dossiers. Est-ce une possibilité que vous avez envisagée?
M. Evert Lindquist: Je ne l'ai pas étudiée aussi en détail que cela, et je ne prétends pas non plus être un spécialiste de la gestion financière ni même spécialiste des systèmes de gestion de bases de données qu'il faudrait instaurer pour obtenir ce que vous proposez. Laissez-moi néanmoins vous dire, en premier lieu, qu'à mon avis, les ministères fédéraux réussissent assez bien à faire ce que vous proposez. Je suis sûr que vous l'avez constaté vous-même lorsque vous déposez à la Chambre des communes des notes de frais chaque fois que vous voyagez, par exemple. Tout existe déjà: la hiérarchie dans les contrôles, la chaîne de commandement, de même que les pouvoirs de signer pour des sommes de plus en plus importantes. Si ce n'est pas le cas, nous devrions tous être très inquiets.
D'habitude, le problème vient de ce que les contrôles sont beaucoup trop poussés. En effet, revenons à l'exemple donné par votre collègue: supposons que quelqu'un voudrait mettre de l'avant dans une collectivité rurale un projet simple qui n'exige pas un gros budget: cette personne est néanmoins obligée de faire approuver ses idées par une foule de signatures. Autrement dit, nous faisons face à un conflit de valeurs: d'une part, il y a la flexibilité et l'esprit d'entreprise, et d'autre part, il y a la hiérarchie traditionnelle des fonctionnaires et le pouvoir de signature.
Je trouve très intéressante l'idée que vous avez émise d'obtenir par un accès immédiat des documents financiers. Les comptes publics permettent déjà d'avoir accès à une quantité étonnante d'information assez détaillée. Mais je ne sais pas s'il est déjà possible de faire des recherches dans ces systèmes. En fait, je suis convaincu qu'il est plus facile aujourd'hui qu'il y a dix ans de faire des recherches plus poussées. Mais il faut se demander si cette information peut être accessible rapidement à la population. Faut-il un an pour obtenir toutes les réponses? Les délais peuvent-ils être réduits?
N'oublions pas non plus le problème qui va de pair avec l'intention d'encourager la liberté d'information. C'est tout à fait comme les demandes d'accès à l'information. En effet, plus il y a de l'information disponible, et plus vous recevrez des demandes de la population, plus on posera des questions; autrement—et c'est l'envers de la médaille—plus les fonctionnaires passeront de temps dans un ministère donné à répondre à des questions plutôt qu'à mettre sur pied des services novateurs. Vous voyez qu'il y a un coût associé à la transparence. Encore une fois, il faut trouver le juste équilibre.
 (1205)
M. Ken Epp: Je voudrais vous poser une question concernant la responsabilité financière au plus haut niveau de l'appareil gouvernemental. Je ne sais pas si vous avez une opinion à ce sujet, mais la tradition de la Chambre des communes veut qu'un ministre soit tenu responsable de toutes les dépenses de son ministère. La tradition veut aussi que le ministre comparaisse devant le comité compétent pour défendre le budget de son ministère, encore que certains ministres s'y refusent.
Par exemple, pendant plusieurs années, j'ai été membre du comité des finances et je pense que s'il existe un ministre qui devrait être tenu de défendre les dépenses de son ministère devant un comité, c'est bien le ministre des Finances. Pourtant, il ne comparaissait que lorsqu'il voulait présenter un énoncé économique et pour autant que je me souvienne, il ne venait jamais devant le comité défendre les dépenses de son ministère proprement dit. Il était trop occupé pour cela. Même le Parlement, en l'occurrence, ne parvient pas à obtenir ce genre d'information.
Ensuite, il existe aussi une curieuse tradition ou convention voulant qu'un ministre ne puisse être tenu responsable de ce qui s'est passé en dehors de la durée de son mandat. Si un ministre est remplacé le 1er avril, il n'y a plus de comptes à rendre pour tout ce qui s'est passé avant le 1er avril. On ne peut pas demander à l'actuel ministre d'en répondre et la convention veut qu'on ne puisse pas demander à l'ancien ministre de répondre du ministère dont il n'a plus la charge. Pour nous, la porte est donc fermée. Qu'en pensez-vous?
M. Evert Lindquist: J'ai des collègues canadiens qui pourraient vous parler très longuement de l'obligation de rendre des comptes. Quant à moi, je serai très bref.
Les ministres doivent répondre de leur portefeuille et de ce qui se passe dans leur ministère. Ils ne sont pas nécessairement responsables, à moins d'être intervenus personnellement et directement dans les décisions en cause. Le fait qu'un ministre se retire ou change de portefeuille ne signifie pas que si un problème se présente par la suite, ce nouveau ministre ne sera pas responsable de ce qui s'est passé. Le ministre a toujours l'obligation de rendre compte. Mais c'est un peu plus difficile si l'on estime que le ministre devrait démissionner. On ne peut pas véritablement l'y contraindre. L'essentiel, c'est d'être comptable; il faut assurer la plus grande transparence.
En deuxième lieu, je voudrais dire qu'à bien des égards, les sous-ministres sont responsables de la gestion de leur ministère et ils sont investis de pouvoirs étendus. Par exemple, nous avons parlé tout à l'heure des systèmes de gestion financière. Généralement, le ministre n'en est pas tenu responsable. C'est un sujet dont on parle avec le sous-ministre. C'est à lui que les pouvoirs en la matière sont délégués.
Je constate que cette question est très complexe et qu'elle est souvent à l'origine de bien des mécontentements pour les députés. Vous réussissez souvent à contraindre le gouvernement à rendre des comptes. L'obligation faite aux ministres de répondre à des questions à la Chambre est d'une importance capitale. On peut toujours débattre de la possibilité qu'un ministre démissionne pour telle ou telle raison, mais personnellement, je ne pense pas que l'objectif ultime doive toujours être une démission. L'important, c'est d'obtenir l'information pertinente, de savoir pourquoi telle ou telle chose s'est produite et de déterminer si des améliorations sont possibles.
M. Ken Epp: Ce qui me contrarie, c'est qu'on a beau demander à un ministre de démissionner, il aura beau lui-même démissionner et le premier ministre aura beau accepter sa démission, cela ne permettra pas de savoir en définitive où l'argent est passé. Cette réponse-là, on ne l'obtient jamais. On ne connaît pas le fin mot de l'histoire.
Prenons le cas des contrats de publicité au Québec. D'après les preuves, le seul travail qui ait été fait dans le cadre de certains de ces contrats, c'est la signature du chèque et son encaissement. C'est le seul travail qui ait été fait. Évidemment, nous avons tenu à dénoncer ce scandale. Le ministre alors en fonction est actuellement au Danemark. Mais où est passé l'argent? On dirait que personne ne peut intervenir pour réclamer cet argent. C'est pourtant une dépense inacceptable de l'argent des contribuables, mais il ne se passe rien.
J'estime que les Canadiens ne devraient pas accepter cela. Personnellement, je ne l'accepte pas et il serait surprenant que le gouvernement de l'époque l'ait accepté. Pourtant, c'est l'impression qu'on en a. Évidemment, les Canadiens votent toujours pour eux. Eh bien soit, mais c'est très contrariant.
Le président: Dans leur grande sagesse.
Des voix: Ah, ah!
M. Evert Lindquist: Je vous ferai le bref commentaire suivant: je n'ai pas suivi cette affaire de très près, mais à mon avis, le ministère a certainement effectué des contrôles quand les faits ont été connus. De toute évidence, il y a eu des coupures dans la chaîne des responsabilités de la gestion financière et de l'information comptable. Le vérificateur général a lancé une enquête, et je suis sûr que le Secrétariat du Conseil du Trésor en a fait autant. J'ai l'impression que la plupart des fonctionnaires trouvaient cette situation très choquante et qu'un certain nombre d'intervenants ont effectivement effectué des vérifications. La récupération de l'argent pose une question différente, mais je ne pense pas qu'on puisse en conclure que personne n'a prêté attention au problème.
 (1210)
Le président: Je vous remercie, monsieur Lindquist et monsieur Epp.
À vous, monsieur Perron.
[Français]
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Lindquist, je vous remercie de partager votre savoir avec nous.
Ce matin, on n'a aucunement discuté de la nouvelle manière de gérer les affaires de l'État. On a parlé de la création de fondations et d'agences. On se souvient de la Commission canadienne du blé. Je ne connais pas sa façon de fonctionner, mais elle ne me semble pas formidable. L'Agence canadienne d'inspection des aliments semble mal fonctionner. Chez NAV CANADA, c'est le bordel. C'est aussi le cas des agences qui gèrent les aéroports, sans parler des fondations.
Est-ce que la fonction publique doit gérer ces choses ou si elle doit s'en retirer? J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.
[Traduction]
M. Evert Lindquist: Voulez-vous que je vous réponde en quelques mots?
 (1215)
M. Gilles-A. Perron: Prenez toute la matinée si vous voulez, ou même toute la journée.
M. Evert Lindquist: Ce que vous avez décrit, c'est le revers de la médaille... La nouvelle gestion des affaires publiques va de pair avec la notion de diversification des modes de prestation de services, à laquelle vous faites allusion, je suppose. À mon avis, cette diversification des modes de prestation de services est une opération intrinsèquement expérimentale. Et il ne s'agit pas d'expériences mineures, bien au contraire.
Quand on considère l'histoire des gouvernements au Canada, on voit que tous les gouvernements provinciaux et fédéraux ont eu des décisions à prendre sur les structures juridiques et administratives à mettre en place pour atteindre leurs objectifs. Ainsi, on a créé un grand nombre de sociétés d'État, de partenariats, comme celui qui a assuré la construction du chemin de fer transcanadien. Toutes ces entreprises étaient des nouvelles modalités de réalisation des priorités du gouvernement.
Les modes passent, les instruments d'intervention aussi, une fois qu'ils ont perdu leur raison d'être ou qu'ils ne semblent plus aussi efficaces. L'essentiel de la vague récente de diversification des modes de prestation de services a été mis en place pendant les années 90 et on commence tout juste à en constater les résultats.
Après l'effondrement des tours de New York, le gouvernement du Canada a immédiatement vérifié si les services de sécurité dans les aéroports étaient aussi rigoureux et efficaces qu'ils devraient l'être, et il a rétabli certains services. La même chose devrait se produire dans d'autres domaines du secteur public, quand le temps aura permis d'acquérir une certaine expérience.
L'un des thèmes auxquels votre comité devrait réfléchir, comme le proposent certains de vos collègues, c'est que lorsqu'on considère des institutions comme NavCan, qui est une agence de services, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, Parcs Canada ou même certaines fondations indépendantes, on se heurte toujours au problème de l'accès à l'information qui permettrait de déterminer si l'organisme fonctionne bien. Je comprends donc que la question vous intéresse particulièrement dans le contexte actuel.
Au premier abord, je n'ai pas d'opinion sur la pertinence du principe de la diversification des modes de prestation de services. L'essentiel est de savoir si cette diversification est bien conçue, si elle est efficace, si elle comporte des mécanismes satisfaisants pour la production des déclarations et rapports voulus et pour les comptes à rendre. Si on peut estimer que la prestation de services est satisfaisante et que personne ne pourrait faire mieux, il faut continuer dans la même voie.
Voilà un autre exemple de la nécessité de la cohérence. Il est très difficile de bien renseigner les Canadiens sur la diversité de tous ces organismes. Elle montre en tout cas qu'à bien des égards, les gouvernements—le fédéral et les autres—ont fait preuve d'une très grande créativité pour trouver de nouvelles modalités de prestation de services, parfois pour obtenir des investissements, pour établir des partenariats, etc. Indépendamment de la façon dont tout cela fonctionne, c'est une histoire extraordinaire à raconter à tous les Canadiens. Nous sommes une nation créative et novatrice. Tout ne peut pas fonctionner parfaitement, mais nous devrions être en mesure d'amorcer un bon dialogue sur l'efficacité des mesures prises, car le Canada n'est pas le pays de l'immobilisme.
Le président: Gilles.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Je comprends votre point de vue quand vous dites que c'est créatif et beau, mais prenons l'exemple du dossier de l'aéroport de Mirabel. Quand, à titre de député, je me lève et je demande au ministre des Transports ce qui se passe, il me répond que ce n'est pas son problème, mais celui de l'agence qui gère l'aéroport de Mirabel, et que c'est cette agence qui va décider s'il y a lieu ou non de fermer l'aéroport de Mirabel. Il s'en lave complètement les mains. Il n'est plus imputable et il ne veut rien savoir. Il n'y a rien qui se passe.
Les gens de l'Alliance canadienne posent des questions sur la Commission canadienne du blé. Le ministre de l'Agriculture s'en lave les mains et dit qu'il a confié cette agence à des personnes intelligentes et brillantes qui vont en gérer les problèmes.
Il y a un manque complet d'imputabilité. On ne peut pas rendre le ministre responsable des problèmes à cause du fait qu'il y a une agence. Ce n'est pas à cause du Parti libéral. Cela se fait partout où des agences ont été créées. On dit que ce sont de petites compagnies indépendantes qui sont libres de travailler comme elles le veulent. C'est frustrant pour le député qui s'aperçoit qu'il y a des scandales ou de mauvaises façons de fonctionner, et qui voudrait que des corrections soient faites.
[Traduction]
M. Evert Lindquist: L'exemple des administrations aéroportuaires locales est fort intéressant. D'abord, c'est un très bon exemple de la diversification des modes de prestation de services à l'intérieur du portefeuille de Transports Canada. Il s'agit alors de savoir s'il existe d'autres moyens d'obtenir l'information requise sans passer par le ministère des Transports. Les administrations aéroportuaires locales sont-elles tenues de présenter des rapports et de répondre à ce genre de questions? Comme je l'ai dit plus tôt, les députés posent des questions semblables au sujet de plusieurs mécanismes de diversification des modes de prestation de services.
Sans vouloir préjuger de l'avenir, je crois que l'une des options qui s'offrent à nous est d'aller voir quel genre de rapports sont exigés en matière financière et de gouvernance depuis l'affaire Enron. Il se peut que ce genre de rapports intéresse un grand nombre de personnes et voilà pourquoi le gouvernement du Canada songe à resserrer les exigences en matière de rapports publics sur de telles questions de gestion et d'orientation stratégique. Personne ne sait encore si de tels rapports devront être présentés par l'entremise d'un ministre mais je crois que nous pouvons tous convenir qu'il faut que d'excellents rapports soient présentés au public afin que des personnes comme vous, par exemple, puissent obtenir des réponses et être en mesure de faire l'évaluation du rendement.
Le président: Je dois vous interrompre une instant pour poser une question aux membres du comité.
Comme vous le savez, vous avez reçu dans votre trousse une motion qui reflète des décisions prises plus tôt par le comité. Vous avez tous vu le texte et vous avez eu l'occasion d'en discuter. J'ai consulté tous les membres du comité et je sais qu'il y a consensus. Si vous êtes prêts à mettre aux voix la motion sans débat, j'aimerais proposer son adoption et la mettre aux voix car je crains que nous ne perdions le quorum. Il nous faut un quorum pour voter.
Me permettez-vous de procéder de cette façon? Si oui, j'invite M. Forseth de proposer l'adoption de la motion.
M. Paul Forseth: Oui. J'aimerais proposer que, conformément à l'alinéa 108(3)g) du Règlement, le Comité entreprenne une étude approfondie sur la gestion publique moderne, y compris les questions liées à l'usage des nouvelles technologies de l'information et des communications par le gouvernement, et qu'il adopte le calendrier suivant pour la tenue de ses séances, sous réserve de la disponibilité des témoins et à la discrétion du président. Je propose l'adoption de la motion.
 (1220)
Le président: Merci.
Monsieur Lanctôt, souhaitez-vous appuyer la motion?
[Français]
M. Robert Lanctôt: Oui.
[Traduction]
Le président: Merci.
(La motion est adoptée.)
Le président: Merci. Toutes mes excuses, mais je suis heureux que nous ayons réglé cette question.
Je vais maintenant donner la parole à M. Scott puis à M. Shepherd et je vais moi-même poser ensuite quelques questions sur des points que j'ai notés.
M. Andy Scott: Merci d'avoir accepté notre invitation. Je vous remercie aussi d'avoir mentionné la participation des citoyens à ce débat. Je vais d'abord vous poser ma question puis faire quelques observations.
Voici ma question: y a-t-il eu une véritable augmentation ou amélioration de la participation des citoyens depuis dix ans? Nous sommes passés maîtres dans l'art de consulter les représentants des citoyens, mais je me demande si les citoyens de ma circonscription ont le sentiment que leurs intérêts sont véritablement représentés quand ces organisations parlent en leur nom.
Je pense plus particulièrement à l'accord de Charlottetown et au fait que, du moins au Nouveau-Brunswick, la quasi-totalité des organisations de toutes sortes ont appuyé l'accord. Les trois partis politiques du Nouveau-Brunswick et toutes les organisations ont appuyé l'accord mais, à toutes fins utiles, la population leur a tourné le dos lorsqu'elle a décidé que l'accord ne lui plaisait pas. Cela m'a amené à me demander dans quelle mesure le système que nous avons mis en place, au niveau provincial et fédéral, permet réellement à la population de s'exprimer, par l'entremise de ses organisations représentatives et si cette consultation est légitime aux yeux des citoyens eux-mêmes. Je suis membre actif de nombreuses ONG. Je l'ai toujours été. Mon propos n'est pas de les critiquer mais de savoir comment elles sont perçues par les citoyens.
J'aimerais commenter les questions que vous avez posées. Vous avez dit dans votre exposé liminaire que nous devons veiller à examiner quelques questions fondamentales qui risquent d'être oubliées. Supposons que nous décidions de faire une étude sur la TI et que nous décidions d'utiliser la technologies de l'information pour mener nos consultations. Cela suscite un certain nombre de problèmes fondamentaux et je crains que le débat sur la TI nous détourne des véritables problèmes. M. Mahoney a mentionné avoir remarqué que la population ne se sent pas bien représentée à cet égard.
Cela dit, j'estime que la seule façon au Canada de faire participer les citoyens, c'est de garantir aux députés la possibilité de le faire. En définitive, très peu de fonctionnaires de ma circonscription consultent de cette façon les citoyens. D'ailleurs, ils craignent de le faire, bien franchement, surtout s'il s'agit de savoir si une politique est bonne ou mauvaise. La seule personne dans ma circonscription qui procède à de telles consultations, c'est moi. De temps à autre, un comité parlementaire se déplace et vient à Fredericton, ce qui donne à la population l'occasion de s'exprimer, mais c'est très rare. Je dois donc m'en charger et j'accepte cette responsabilité. Toutefois, certains ont le sentiment que nos interventions sur des dossiers d'importance fondamentale ne sont guère jugées légitimes du fait que nous sommes motivés par des considérations d'ordre politique , ce qui dans une certaine mesure est contraires à la politique gouvernementale ou à l'intérêt public. J'estime que ce sentiment n'est pas fondé mais je sais que beaucoup de gens pensent ainsi.
Vous avez parlé de l'examen de la sécurité sociale, monsieur Lindquist. M. Alcock a aussi participé à ce processus. Je crois qu'à Victoria nous avons été jugés peu crédibles par la fonction publique dans le contexte...
Le président: Le troisième jour.
M. Andy Scott: Oui, le troisième jour, et étant donné les réunions qui ont suivi, j'aurais bien aimé en avoir été averti. J'aurais pu éviter de me trouver dans une telle situation.
Bref, j'estime que la seule façon d'assurer la participation des citoyens, c'est que nous nous en chargions. Et pendant nos consultations, comme vous le dites dans votre exposé liminaire—ça s'est déjà vu—je ne suis pas convaincu que notre participation aux consultations sur la politique gouvernementale au niveau de la circonscription—je crois que notre participation est très bonne à ce niveau—ne fait pas partie de cette institution telle qu'elle existe. Ma participation est reconnue quand je suis ici, mais quand je rentre dans la circonscription et que je rencontre des gens...
Si cet aspect revêt une telle importance, c'est qu'il rejoint l'autre question que vous avez soulevée: comment pouvons-nous faire concurrence à la fonction publique? Comme vous l'avez dit, c'est la question qui a déclenché tout ce débat. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Comment nous, les parlementaires, pouvons-nous reprendre l'initiative au lieu de...? Les fonctionnaires ont beaucoup plus d'expérience et de savoir-faire que nous, mais j'ai dans ma circonscription des gens qui, si je réussis à les faire participer à la discussion, pourront m'aider à égaler le savoir-faire des fonctionnaires.
 (1225)
Je ne dis pas cela pour blâmer qui que ce soit. C'est tout simplement le sens dans lequel le gouvernement semble évoluer. J'ai accès à des gens qui peuvent me renseigner afin que je puisse agir à titre indépendant dans le cadre de cette consultation.
Après tout ces commentaires sur ma question initiale, la participation des citoyens a-t-elle sensiblement évoluée depuis dix ans?
M. Evert Lindquist: C'est une question importante, mais elle fait suite à toute une série d'autres ayant la même importance.
J'ai l'impression que les ministères fédéraux consultent beaucoup plus systématiquement qu'ils ne le faisaient il y a vingt ans. Reste à savoir s'ils participent à de grandes consultations populaires comme les assemblées publiques locales organisées par les députés, les conférences publiques ou les groupes de discussion en continu.
Si vous posiez la question aux spécialistes des consultations au BCP ils pourraient vous montrer noir sur blanc qu'il se fait énormément de consultations. Si vous ne le savez déjà, il existe au sein du BCP un groupe qui surveille toutes les consultations en cours.
Une chose importe pour les fonctionnaires, outre le respect des directives que leur donnent leurs maîtres politiques, et c'est de savoir si cela vaut la peine de faire une consultation de plus. Je m'en tiens à cela. C'est toute autre chose de chercher à savoir si les consultations menées par les députés sont utiles.
Permettez-moi d'aborder la question sous un autre angle. C'est utile de se reporter au cycle d'élaboration des politiques. Vous devez penser à l'étape ou l'on établit le programme, ou l'on détermine les priorités des citoyens et des collectivités plutôt qu'à l'étape ou les gouvernements sont prêts à mettre en place de vastes programmes. Ils tentent de consulter les partenaires sociaux et les citoyens sur l'ordre des priorités plutôt que d'en être à l'étape ou ils savent clairement ce qu'ils veulent faire et n'ont plus qu'à dresser le plan de mise en oeuvre. Il y a ensuite l'étape de la mise en oeuvre: les choses se déroulent tel sans heurts? Faut-il rectifier le tir?
À chacune de ces étapes, il peut être utile de faire participer directement les citoyens, et les députés, et d'utiliser tous les modes de consultation dont dispose un ministère. Tout dépend aussi de la nature de la question. Il peut s'agir d'une question technique, d'une vaste question de principes, ou encore de la Constitution.
J'ai l'impression qu'on a mené de nombreuses expériences en matière de participation directe des citoyens au début du premier mandat du gouvernement Chrétien et à la fin du dernier mandat du gouvernement Mulroney. Songez à l'accord de Charlottetown et aux propositions constitutionnelles. Pensez à la réforme des programmes sociaux et aux consultations pré-budgétaires. Il y a eu énormément de consultations dans le cadre de la réforme des programmes sociaux, où il y a eu des assemblées publiques locales. Il y a eu des groupes de discussion dans tout le pays. Les consultations ont été menées avec des partenaires dans chacune des provinces. Il y a eu des tables rondes d'experts. Il y a eu des audiences de comités permanents, et quoi encore.
Certains diront que le processus de consultation a mal fonctionné, soit. Je crois que le ministre à l'époque voyait plus grand que le cabinet pour ce qui est de l'affectation de crédits. L'examen des programmes l'emportait sur tout. Le processus de consultation des citoyens a été merveilleux.
Même si beaucoup de gens ont une opinion très négative de la consultation, l'éventail et la qualité des renseignements recueillis par le gouvernement ont amené ce dernier à repenser sa position. Il a rapidement constaté qu'il n'était pas nécessaire d'avoir des masses de bonnes informations pour pouvoir alimenter des discussions de grande qualité. Cela a eu une très grande incidence sur les jalons de la réforme des programmes sociaux pour le reste du mandat et pour le suivant aussi.
Je crois que ces consultations ambitieuses se sont révélées fort utiles pour le gouvernement mais on ne saurait en juger uniquement en fonction de l'incidence immédiate qu'elles ont eue sur la politique gouvernementale.
Permettez-moi de m'attaquer encore autrement à la question. Je sollicite votre indulgence.
Il y a d'autres groupes qui s'intéressent à la participation des citoyens. Comme vous le savez, les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques procèdent à des consultations sur plusieurs des dossiers auxquels ils s'intéressent. Certains autres groupes d'étude et de recherche, au lieu de commander des travaux de recherche, vont directement sonder l'opinion publique et organiser des groupes de discussion sur les enjeux, les choix, etc. C'est aussi ce qu'a fait la Commission Romanow. Il n'y a pas que le gouvernement qui souhaite assurer la participation des citoyens.
 (1230)
Je crois que les députés doivent tenter de faire participer les citoyens de leurs collectivités par le biais d'assemblées publi;ques locales. Cela doit se faire en parallèle avec le travail du comité permanent. Ce qui importe le plus, c'est que les citoyens constatent que leurs idées atteignent les citoyens. Ils doivent savoir qu'ils sont écoutés même si leurs idées ne se matérialisent pas toujours. Je crois que c'est un défi de taille, mais je vous exhorte à consacrer toute l'énergie nécessaire pour le relever parce que c'est l'enjeu le plus important.
Le président: Je souhaite intervenir puisque nous traitons de la participation des citoyens. Je crois que Andy essaie également de nous dire qu'il s'agit d'une tribune permettant une participation aux premières étapes de l'élaboration des politiques. Vous parliez un peu plus tôt de la différence entre une participation une fois la décision prise et qu'il n'est plus question que de fignoler les détails, ou d'une participation active à l'élaboration des politiques et à l'établissement des priorités.
Je crois que l'on peut dire que la Chambre, que ce soit par le truchement des députés ou des comités, a été complètement écartée de ce processus. On intervient après coup. Une des questions demeure: est-il possible pour la Chambre, que ce soit par le biais des députés ou des comités, de participer plus activement à l'élaboration des politiques et d'être prise en compte lors de l'élaboration de celles-ci, au lieu simplement de réagir après coup?
Je parlerai plus précisément de la participation des citoyens un peu plus tard, mais il me semble qu'il faut d'abord se concentrer sur les tribunes offertes aux citoyens plutôt que sur le processus lui-même.
Je vais laisser la parole à M. Shepherd puis à M. Lanctôt et enfin à M. Cullen. Après quoi, à moins qu'on ne s'y oppose, je poserai quelques questions.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): M. Lindquist, permettez-moi de revenir en arrière, vous avez parlé des changements qu'a connu le Canada au cours de la dernière décennie. À la lumière de ce phénomène, je crois qu'en dépit des remarques faites autour de cette table, l'attitude de la population envers le gouvernement a changé considérablement. Je sais que ça ne laisse rien présager de bon pour nos délibérations d'aujourd'hui, mais en un sens, la population s'interroge de plus en plus sur la place qu'occupe le gouvernement dans sa vie quotidienne. Je crois de plus en plus de Canadiens constatent que les gouvernements ont des limites qu'une génération précédente n'imaginait pas ou ne croyait pas que les gouvernements auraient une telle incidence sur leurs vies.
Je m'intéresse aux changements démographiques de notre pays. Je soupçonne que si j'interrogeais mon fils et ses amis à ce sujet, ils remettraient sérieusement en question le rôle utile que joue le gouvernement dans leurs vies.
J'aimerais que vous réagissiez à cette observation puisque notre travail repose sur la conviction que la population accorde de l'importance au gouvernement. Évidemment, on ne peut pas s'attendre à mobiliser la population si personne n'attache d'importance au gouvernement.
M. Evert Lindquist: Eh bien, il y a une question secondaire. D'abord, tout le monde sait que le gouvernement est important. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec ce qu'il fait ou avec ce que font certains gouvernements en particulier.
Je reconnais avec vous que la génération montante atteint l'âge de la majorité à un moment où existe beaucoup de cynisme et de manque de confiance envers le gouvernement. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ne lui reconnaisse aucune importance.
Lorsque j'enseignais à des étudiants de première et deuxième année du premier cycle aux universités de Toronto et de Victoria, j'étais fasciné par l'intérêt que portaient ces étudiants au gouvernement une fois qu'on leur décrivait les grands enjeux auxquels leur pays faisait face. C'est alors qu'ils en comprennent l'importance.
L'image peu reluisante que se fait la population du gouvernement ne doit pas être perçue comme un manque de participation aux questions d'intérêt public. Bien des gens s'intéressent à la chose publique de nos jours grâce aux grands mouvements sociaux. Ils ne les voient pas comme un gouvernement, mais plutôt comme un moyen d'aider la collectivité, d'apporter de la nourriture à un groupe en particulier ou d'aider quelqu'un dans un autre pays.
Un grand nombre d'étudiants s'inscrivent à notre programme après être passés par ces grands mouvements sociaux. Après un certain temps, ils constatent que pour vraiment peser dans la balance, il leur faut influer sur la politique gouvernementale, transformer les institutions, et le faire avec plus de brio.
Je crois que le gouvernement apparaît comme une entité importante à la population d'une façon différente. Par exemple, lorsqu'un entrepreneur souhaite démarrer une entreprise, il doit défendre sa propriété intellectuelle et s'interroger sur la pertinence des règlements régissant son industrie. En définitive, il constate que tous les chemins mènent au gouvernement. Je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose qu'il décèle les limites du gouvernement.
Je souhaitais revenir à une chose que vous avez dite plus tôt. J'ai participé à la publication d'un ouvrage sur les nouvelles formes de prestation de services et les coopératives de concert avec l'Institut d'administration publique du Canada. Je ne prétends pas être rompu en matière de coopératives, mais un aspect intéressant des activités de celles-ci et les différentes ententes de partenariat, réside dans leur façon de voir la chose publique. Nous avons toujours cru que les biens publics étaient fournis par les gouvernements ou peut-être en partenariat avec eux. De nos jours, si l'on adopte une vision plus ascendante qui prend racine dans la collectivité, on se rend vite compte que les biens publics peuvent être offerts par le secteur privé ou le secteur sans but lucratif par une série de moyens très variés.
Ce que nous avons donc entrepris de faire—en partie grâce aux progrès de la technologie de l'information—, c'est d'être plus créatifs dans notre façon d'offrir les biens publics.
 (1235)
M. Alex Shepherd: Je voudrais maintenant m'attarder à la présentation de l'information sur le rendement puisque nombreux sont les parlementaires qui déplorent l'état des rapports sur le rendement aujourd'hui, comme vous l'avez dit, notamment leur inefficacité et leur empressement semble-t-il à féliciter des ministères qui ne méritent probablement pas de tels éloges.
Je suppose qu'un excellent rapport sur le rendement concorderait avec l'orientation de la vérificatrice générale, à savoir, des vérifications sur l'optimisation des ressources. Si un rapport sur le rendement gravitait autour du concept des vérifications sur l'optimisation des ressources, de vérifications au sein du ministère en question et, sans doute des évaluations sur certains des autres sujets que nous avons abordés comme les instruments de mesure, la satisfaction de la clientèle et ainsi de suite, comment concilier les résultats d'une telle analyse avec la réalité d'un ministère qui se trouverait à s'autocritiquer? Je suis certain que l'entreprise privée le fait, mais la population n'a pas accès à ces données. Nous sommes devant un important dilemme. Comment accorder plus d'importance aux rapports sur le rendement au sein du gouvernement?
M. Evert Lindquist: Eh bien, je sais très bien qu'une des conséquences des suggestions que j'ai faites auparavant c'est qu'il y aurait une augmentation du dépôt de renseignements.
Un détail important à se rappeler au sujet des rapports sur le rendement c'est qu'ils se penchent sur un groupe concerné, les députés par exemple, et en viennent à la conclusion que vous êtes des gens très occupés qui ne disposent que de très peu de temps. Vous, comme les citoyens, vous intéressez au rendement des organismes gouvernementaux. Vous vous intéressez donc aux résultats. Ces rapports se concentrent donc en réalité sur l'utilisation parcimonieuse des ressources.
Je soutiens que cela est acceptable pour les rapports sur le rendement, mais que pour mettre à profit leurs résultats, il est nécessaire de comprendre le contexte. Qu'il soit question d'un événement qui se produit, un scandale quelconque, ou une vérification sur l'optimisation des ressources faite par la vérificatrice générale, je crois qu'il importe de comprendre les circonstances. Cela entraîne inévitablement une augmentation des coûts pour produire ce genre de document. Je crois que c'est là l'un des choix à faire en l'occurrence.
Laissez-moi revenir à l'essentiel, c'est-à-dire ce qui pourrait vous pousser, en tant que députés, à utiliser ces rapports ou encore à remettre en question leurs résultats. Devriez-vous passer beaucoup de temps à comprendre ces rapports, à les remettre en contexte dans les ministères respectifs et serez-vous récompensés pour ces efforts? Je dirais que non.
 (1240)
M. Alex Shepherd: En ce qui a trait au rendement, le lien à faire avec les députés serait un programme bousillé de prestation de services. Il suffit de penser au système d'enregistrement des armes à feu. Il me semble que ce qui faisait cruellement défaut à ce programme était un projet pilote assorti d'instruments de mesure qui auraient pu évaluer le coût de sa mise en oeuvre à l'échelle nationale. D'ailleurs, le programme a été mis sur pied à l'échelle nationale sans une idée précise de sa mise en oeuvre et, à présent, les députés le savent bien.
Ainsi, si nous disposions d'un système de présentation d'information sur le rendement, si des rapports nous parvenaient de façon continue, nous comprendrions peut-être mieux comment mettre en place un programme de prestations de services de façon plus efficace à l'avenir.
M. Evert Lindquist: Je crois qu'avec un système efficace non seulement des organisations centrales seraient chargées de superviser l'éventail complet des activités ministérielles, mais aux comités permanents vous seriez également au courant des 15 ou 20 dossiers importants d'un ministère et vous suivriez la façon dont les choses se déroulent. Je crois toutefois que les comités permanents disposent de peu de temps pour mener à bien ce genre d'activité, et qu'ils doivent répondre à d'autres impératifs.
Le président: Oui. Je crois que la question des mesures incitatives est importante. Les députés ne sont pas idiots. Les citoyens ne le sont pas plus, surtout lorsqu'il est question de participation au processus politique. La population ne se mobilisera pas si elle ne croit pas que le jeu en vaut la chandelle. Je crois que c'est une difficulté typique de notre institution à l'heure actuelle.
M. Cullen, M. Lanctôt et puis moi, soyez donc brefs.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci. Je serai bref, monsieur le président.
Professeur Lindquist, je suis heureux de voir quelqu'un de mon alma mater à Victoria.
J'ai une question à vous poser. J'ai posé cette même question au ministre Dion récemment en sa qualité de président du Bureau du Conseil privé. Je ne vous dirai pas ce qu'il m'a répondu, mais je serais curieux d'entendre votre réaction.
À la lumière de la mauvaise gestion de certains projets et de certaines initiatives, de certains dépassements de coûts ou peu importe—je ne veux pas froisser les sensibilités avec mon langage— par exemple, le programme de création d'emplois de DRHC qui a de toute évidence manqué de rigueur dans sa gestion des dépenses, et que dire du programme d'enregistrement des armes à feu qui a connu d'importantes ratées en ce qui a trait à l'estimation des coûts et à la présentation régulière de ceux-ci au Parlement, et la liste est longue, pensons également au programme de commandites du gouvernement qui a également connu un important dérapage... Je ne cherche pas à blanchir le processus politique parce qu'il est évidemment en cause aussi, mais il semble qu'il s'agit de cas flagrants d'incurie.
Cela me pousse à croire que le problème est peut-être plus grave qu'on ne le croit. Avons-nous perdu certains de nos meilleurs gestionnaires?
Certaines des erreurs seraient abordées dans les cours les plus élémentaires d'un programme de gestion de projets. Avons-nous trop peu d'administrateurs? Ont-ils trop de travail et n'arrivent-ils pas à s'acquitter de toutes leurs tâches, ou encore, y a-t-il ingérence politique ou même trop peu d'intérêt politique?
Je sais que la question est vaste, mais j'aimerais tout de même que vous y répondiez de façon générale. Sommes-nous aux prises avec un problème fondamental, ou ce genre d'erreurs est-il normal?
 (1245)
M. Evert Lindquist: Je crois qu'il est important de faire la différence entre les ministères où les fonctionnaires exécutent les volontés de leurs maîtres politiques et les ministères où les fonctionnaires élaborent eux-mêmes les politiques et agissent comme bon leur semble. Je ne crois pas que nous en soyons là. Chacun de nos ministères tend toutefois un peu plus vers l'un ou l'autre de ces deux extrêmes.
Je voudrais revenir au fait qu'un gouvernement qui réagit aux demandes de ses citoyens exige certains changements de ses ministères. Les gestionnaires sont-ils encouragés à mettre un frein à de tels changements en déclarant qu'ils ne sont pas possibles ou cela comporte-t-il vraiment des risques importants? Dans le plus grand respect de la tradition gouvernementale et parlementaire, peuvent-ils mettre en garde le gouvernement contre certains risques? Rendront-ils ces risques publics? Les ministères ont parfois des débats très enrichissants sur les orientations politiques, mais l'organisation de notre système gouvernemental ne permet que la publication de documents épurés desquels les scénarios autres que celui retenu ont été éliminés, parce que la population s'attend à ce que l'orientation du ministère soit claire.
Parfois je me demande si ces mesures d'encouragement et ces attentes contribuent à éliminer des renseignements importants en cours de route. Comme vous le savez, les hauts gestionnaires ont un travail très exigeant. Nous n'avons pas beaucoup parlé de la relève aujourd'hui, mais permettez-moi de vous dire qu'il n'est pas rare qu'on offre un poste de sous-ministre adjoint ou de directeur général à un fonctionnaire de mon âge qui le refuse. Ce sont d'excellents travailleurs qui ne veulent pas accepter ce genre de responsabilités parce qu'elles comportent des risques trop importants, que le milieu de travail est souvent intenable et que le supplément de rémunération ne justifie pas.
Je me garderai toutefois de généraliser à partir de ces quelques exemples pour dire si l'incurie règne partout. J'ajouterai que j'ai rencontré tant de fonctionnaires hors pair qu'il me serait difficile d'affirmer une telle chose.
M. Roy Cullen: Merci. Chaque cas est un cas d'espèce, j'imagine, mais il me semble que les hauts fonctionnaires devraient avoir compris qu'il y a des risques à ne pas mettre en oeuvre les objectifs de politique du ministre, mais qu'il y a aussi des risques à bousiller des programmes. Il me semble que les ministres et leurs collaborateurs devraient en être conscients, mais cela ne semble pas être le cas et voilà pourquoi je me demande s'il n'existe pas un problème fondamental qui nous échappe.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Je cède maintenant la parole à M. Lanctôt pour une très petite question.
[Français]
M. Robert Lanctôt: C'est une petite question, mais divisée en deux petites parties. Ça recoupe un peu ce qui a été dit tout à l'heure sur le rapport de rendement et les consultations. Je vais commencer par les consultations.
C'est un peu bizarre de dire que la population peut être loin et ne se sent pas tout à fait consultée. On a un exemple actuellement, celui de la consultation sur le redécoupage de la carte électorale. Je vous parle seulement du Québec, parce que je ne sais pas exactement comment ça se passe à l'extérieur. Dans ce cas, c'est presque unanime. Je vous dirais même qu'en Montérégie, les députés du Parti libéral, ceux du Bloc québécois, les gens, les villes, les MRC sont unanimes. On avait les résolutions, on avait les gens, on avait des pétitions, et on a déposé tout cela devant la commission. Le résultat unanime de cette consultation-là était qu'il fallait garder le statu quo, mais vous verrez ce qui va en ressortir. Je suis presque certain que même s'il y a unanimité dans toute la Montérégie, le changement qui a été ordonné aura lieu.
C'est bien facile de toujours dire qu'on va partir de la base, qu'on va faire telle consultation. On fait la consultation, mais elle est bidon parce que l'ordre a été donné en haut: il faut que les choses se fassent de telle façon.
Donc oui, la consultation se fait, mais à quoi sert-elle? C'est difficile pour les gens de comprendre ça. C'est même difficile pour nous, les représentants, qui allons faire ces audiences où les gens nous répondent qu'ils le verront bien dans le rapport, mais qui savent bien ce qui va arriver, parce que l'ordre a été donné en haut. Par qui? D'où? Il me semble que les décisions devraient découler de la consultation, qui représente la base de la population, ce que les gens veulent.
Pour ce qui est du rapport de rendement--oui, je sais que c'est court--, je l'ai lu et c'est très difficile. D'ailleurs, la sous-ministre était ici et je lui ai dit de rendre ça beaucoup plus facile, pas seulement pour les députés, mais pour tout le monde. Tout le monde devrait être capable de lire un rapport de rendement sur ce qui s'est fait. Je ne sais pas si vous l'avez lu--sûrement que oui--, mais ce n'est pas évident à lire et à comprendre. Je pense que c'est fait par des experts et pour des experts. Les ressources du comité permanent suffisent-elles pour bien comprendre les résultats qui sont donnés? Je ne sais pas combien de députés ici comprennent exactement à 100 p. 100 ce qui se trouve dans ce rapport, mais moi, pour ma part, je n'y comprends pas grand-chose.
 (1250)
[Traduction]
M. Evert Lindquist: Pour répondre à votre première question, ça arrive. Il arrive que les gouvernements entreprennent des initiatives que le public n'a pas réclamées et, en Colombie-Britannique, c'est ce qui se passe en ce moment. Il arrive que cela se produise, et je ne peux commenter un cas particulier.
Pour répondre à votre deuxième question, je suis d'accord avec vous pour dire que ces documents peuvent être très difficiles à comprendre, et qu'il est tout aussi difficile de déterminer ce qu'on peut en faire.
Le président: J'aimerais vous poser quelques questions très rapidement parce que le temps file.
Les députés qui siègent à ce comité ont énormément d'expérience et ils s'intéressent véritablement, et consacrent du temps à la question dont nous débattons aujourd'hui, soit l'amélioration du fonctionnement du gouvernement. Un problème qui se pose au sein de la fonction publique, c'est qu'on se retrouve toujours sur un terrain miné, vulnérable à des attaques de tous genres. Par conséquent, on élabore des systèmes de freins et de contrepoids pour se protéger. Dès qu'on aborde les problèmes de gestion publique, le système réagit instinctivement pour se protéger. Ces mécanismes d'autodéfense sont nés du fait que le système se retrouve bien souvent sur la défensive. Il est donc difficile de discuter franchement du problème.
Tout ceci me rappelle M. Deming, le parrain de la gestion efficace. Il avait coutume de dire que ce n'était pas les gens qui étaient coupables, mais que c'était plutôt la faute aux structures et aux organisations. Je pense que plus ça va, plus nous tendons à mettre en place des façons de faire dans l'espace public: Si il y a un problème à un niveau précis, on ajoute quelque chose à ce niveau, et ainsi de suite. Nous avons créé une structure organisationnelle éléphantesque et pourtant nous vivons dans un monde qui évolue de plus en plus rapidement et où l'accès aux informations est de plus en plus aisé. Nous nous sentons tous contraints de réagir rapidement. Certains des outils d'information ne sont plus adaptés à notre situation. Pour ce qui est des rapports, ils nous permettent d'entrevoir la situation, mais ils ne sont pas un aperçu d'un ensemble de données; ils en constituent plutôt la totalité, parce que les autres éléments ne sont pas du tout interreliés. Ce sont là des problèmes faciles à résoudre.
Il existe d'autres problèmes structuraux. Qui est responsable de la prise de décision? Il y a le Conseil du Trésor qui a un certain nombre de responsabilités—en passant, je voudrais que vous répondiez à une de ces questions d'ordre structurel—il y a le Bureau du Conseil privé qui a une série de responsabilités d'agence centrale. Il arrive souvent que des relations soient tendues. Il faut aussi composer avec le ministère de la Justice. Si la question sur laquelle on se penche comprend un volet juridique c'est le ministère de la Justice qui doit en traiter. Il y a des risques de conflit entre le ministère de la Justice et le ministère qui est responsable de la prestation du service en question. Ensuite,il faut tenir compte du ministère des Finances, qui approuve les activités des différents ministères. Il est vrai qu'il s'agit d'un organisme de grande taille, mais étant donné que plus de 900 personnes travaillent au Bureau du Conseil privé, et 1 200 au Conseil du Trésor, ne mettons-nous pas en place les conditions propices à l'inaction? Y a-t-il quelqu'un qui s'attaque à ce genre de questions structurelles? Voulons-nous continuer à résoudre les problèmes de façon ponctuelle? Ou devrions-nous plutôt nous arrêter et prendre un peu de recul. Vous avez soulevé cet aspect de rééquilibrage. Pourriez-vous nous en dire davantage?
 (1255)
M. Evert Lindquist: Tout d'abord, si on examine le cas de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie, du Royaume-Uni et de la France, on constate qu'il y existe des structures centrales. Il est vrai que le Canada a beaucoup d'agences centrales, comme par exemple le Centre canadien de gestion... Il existe toute une série de petits organismes qui gravitent autour du centre.
Abstraction faite de leur mode d'organisation, je pense qu'on retrouve ce genre de structures dans toutes les administrations. La véritable question consiste à savoir si ces organismes travaillent véritablement ensemble. Poursuivent-ils les mêmes objectifs? Col;laborent-ils au moment opportun afin d'aider les ministères au bon moment? Sont-ils en mesure de travailler conjointement pour s'assurer que tout problème soit réglé?
Je pense que le gouvernement s'intéresse maintenant à ces questions. Il en sera question dans le projet de loi qui va être déposé cette semaine ou la semaine prochaine. Certaines des modifications à la loi risquent d'avoir d'autres répercussions. Il sera très intéressant de suivre ce débat.
Tous les sous-ministres à Ottawa responsables de l'exploitation se penchent depuis quelque temps déjà sur la question de la cohérence entre les organismes centraux. De façon générale, on recherche plus de cohérence. Les organismes centraux en sont certes conscients. Reste à savoir si le gouvernement a assez de temps et d'intérêt pour mettre à contribution son capital politique et ses ressources législatives, afin d'assurer la cohérence entre les divers organismes.
Même si le gouvernement réagit, la solution mise en place ne pourra qu'être temporaire. Toutes les choses dont nous avons discuté aujourd'hui, soit la responsabilisation, l'amélioration des services aux citoyens, la mise en place d'une politique horizontale et la gestion doivent être abordées par les organismes centraux. Je pense bien qu'ils s'en préoccupent. Mais comme ils sont déjà fort occupés, ont-ils les ressources suffisantes pour véritablement progresser sans aide politique? Autrement ils vont se retrouver, comme tout le monde, prisonnières d'un monde de transactions interminables essayant de faire face à l'inattendu et aux nouvelles pressions comme les attentats du 11 septembre. Ça en demande beaucoup.
Un dernier point. Je dirai aussi en terminant que le mot d'ordre à Ottawa depuis la restructuration de juin 1993 est le suivant: «On ne restructura pas en profondeur parce qu'on a déjà passé trop de temps à apporter les autres gros changements». Par conséquent, on incite les gens à résoudre les problèmes de façon ponctuelle, au lieu de les régler globalement.
Le président: Notre temps est écoulé. Un dernier point pour conclure.
Il est curieux que la révision des programmes ait mené à la centralisation des ressources fédérales dans la région de la capitale nationale. Les ressources ont diminué à l'extérieur d'Ottawa, mais en fait, dans le secteur des sciences et des technologies, qui m'intéresse tout particulièrement, le nombre d'employés a augmenté. Je pense que certains des membres du club ont des intérêts qui mènent à des situations problématiques. Quand on s'éloigne de la région de la capitale nationale, où ça bouge beaucoup, où il y a beaucoup d'activité politique et de surveillance des actions du gouvernement fédéral, pour voir quelle est la situation dans les communautés, je ne pense pas que les choses fonctionnent aussi bien qu'on ne le pense.
M. Evert Lindquist: Un des problèmes découlant de la révision des programmes, c'est qu'il s'agissait essentiellement d'un processus vertical. Je suis convaincu que la plupart d'entre vous en sont conscients. C'était le ministère des Finances qui déterminait les réductions pour chacun des ministères, puis les différents ministères prenaient les décisions qui s'imposaient individuellement. Ils savaient à l'époque que certaines choses passeraient entre les mailles du filet entre les ministères et que des problèmes relatifs à la structure verticale feraient surface. Je pense donc que depuis le premier cycle de révision des programmes, soit depuis 1996, il y a eu une prise de conscience progressive des différents problèmes et de la façon dont ils se manifestent dans les différents secteurs et communautés.
Le gouvernement de la Colombie Britannique, pour sa part, a tiré des leçons de cette révision des programmes. Dans cette province, un grand nombre de fonctionnaires analysaient les répercussions sur les différentes régions de la restructuration globale. L'expérience a été tout aussi douloureuse, mais au moins on avait pensé aux répercussions avant d'entamer la révision des programmes.
Je me permets de vous suggérer d'inviter M. Donald Savoie à prendre la parole si vous ne l'avez pas déjà fait.
· (1300)
Le président: Il va témoigner.
M. Evert Lindquist: Il est l'auteur d'un document de grande qualité qui traite d'un certain nombre de ces questions.
M. Peter Aucoin a également rédigé un article sur les fondations indépendantes, qui est aussi très intéressant...
Le président: Merci infiniment. Merci d'être venu. Peter ne se porte pas bien.
M. Evert Linguist: Oui.
Le président: ...et nous espérons qu'il va se rétablir et qu'il pourra venir témoigner. Donald, pour sa part, témoignera. Nous avons eu des entretiens avec lui, et nous aimerions que vous nous fassiez part de vos opinions sur d'autres témoins.
Comme vous l'avez mentionné, nous en sommes au début du processus, qui va se dérouler pendant quelque temps. J'espère que nous pourrons mettre en place un processus qui survivra à l'épreuve du temps et qui nous permettra de mieux cerner les rouages du gouvernement. Merci de votre collaboration, je suis convaincu qu'on se retrouvera prochainement.
Un petit détail administratif avant de terminer. Nous n'allons pas nous rencontrer jeudi. La date de la prochaine réunion du comité vous sera envoyée par courrier électronique. La date provisoire est fixée pour lundi à 11 heures.
Merci infiniment.
La séance est levée.