Monsieur le président, membres du comité, je ne saurais trop vous remercier de me donner l'occasion de vous entretenir des pêches, plus particulièrement des pêches dans notre pays et dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador — et j'ajouterais des pêches qui constituent une activité d'importance vitale pour la population de Terre-Neuve-et-Labrador.
Depuis toujours, la prospérité de notre province repose largement sur les ressources de la mer. Par conséquent, tous les éléments nouveaux qui surviennent au niveau du droit international et liés au concept des eaux territoriales et aux droits des États côtiers ont toujours suscité un vif intérêt dans ma province.
Les stocks de poissons de nos Grands Bancs ont largement contribué au secteur des pêches et à l'économie de Terre-Neuve-et-Labrador. Malheureusement, la zone économique exclusive canadienne de 200 milles, la ZEE, n'englobe pas la totalité des Grands Bancs. En effet, le nez et la queue des Grands Bancs sont situés dans les eaux internationales et plusieurs stocks de poissons très importants pour Terre-Neuve-et-Labrador chevauchent cette limite de 200 milles.
Traditionnellement, les stocks les plus importants étaient constitués par la morue du Nord. Avant l'établissement de la zone, la surpêche étrangère a eu des incidences sur ce stock de poissons. Si nous retournons à la fin des années 1960, je crois que plus précisément en 1968, la quantité de morue du Nord débarquée par les navires étrangers s'élevait aux environs de 800 000 tonnes. Ce stock n'a jamais vraiment retrouvé son niveau d'antan à la suite de ces pratiques de pêche non viables.
L'élargissement de la zone de compétence en 1977 s'est accompagné de la mise sur pied de l'OPANO, une organisation multilatérale responsable de la gestion des stocks de poissons dans l'Atlantique Nord-Ouest. L'OPANO a comme objectif de contribuer à la consultation, à la collaboration, à l'utilisation optimale et à la gestion rationnelle ainsi qu'à la conservation des ressources des pêches visées par la convention.
En tant que compétence, nous affirmons que l'OPANO a échoué vis-à-vis de ces objectifs. Bon nombre d'autres compétences sont du même avis. Ainsi, après examen de la performance de l'OPANO, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes et, selon son rapport, le Comité consultatif sur la gestion durable des stocks de poissons chevauchants, parviennent à la même conclusion.
Les problèmes survenus dans les années 1980 et 1990 sont bien documentés. On a régulièrement invoqué la procédure d'opposition pour y aller allègrement d'une surpêche des stocks et l'OPANO n'a rien pu faire — et je dis bien, rien — pour y mettre un terme. On a utilisé des pavillons de complaisance pour pêcher en faisant fi des règles établies et, encore une fois, l'OPANO n'a rien pu faire. De nombreux pays ont fait des déclarations de prises erronées sans que l'OPANO ne puisse intervenir.
Il en a résulté un épuisement d'à peu près tous les stocks de poissons chevauchants au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador. Les efforts de réforme visant à éliminer la procédure d'opposition ou à mettre au point un mécanisme interne contraignant de règlement des différends se sont soldés par un échec. Il est clair que détenir une seule voix sur 12 ne permet pas au Canada d'obtenir la protection nécessaire pour ses stocks adjacents et chevauchants.
On a apporté quelques améliorations après l'infâme guerre du flétan noir, mais le prix à payer pour le nouveau comportement des pêcheurs a été très élevé au niveau de l'accès aux ressources. Pour illustrer le comportement déplorable des pêcheurs, disons qu'en 2003, les prises étrangères d'espèces visées par le moratoire étaient estimées à plus de 15 000 tonnes, dont la moitié était de la plie canadienne, un stock dont le Canada détient 98 p. 100 du quota autorisé; une espèce qui a toujours été pêchée et traitée principalement par les travailleurs de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le gouvernement du Canada a réagi au problème en augmentant le nombre de patrouilles et d'activités de surveillance dans la zone réglementée par l'OPANO. Cette mesure, combinée au manque de poissons et à l'augmentation des coûts, a permis de réduire l'activité des navires étrangers au nez et à la queue des Grands Bancs. Toutefois, qu'arrivera-t-il si — ou devrais-je dire lorsque — cette espèce sera de retour? Nous croyons que, sans un système de gestion efficace, il y a de très grandes probabilités, voire une certitude, que bon nombre des problèmes surgiront de nouveau et que nous reprendrons le même schéma.
Ce qui motive la position de notre province en ce qui a trait à la gestion de la conservation est non seulement la volonté de reconstituer les stocks de poissons mais également de les protéger. Il s'agit de donner une chance aux stocks de poissons qui chevauchent la ZEE de 200 milles de se régénérer et de se maintenir pour le bien de tous ceux qui pêchent dans l'Atlantique Nord-Ouest. Pour y parvenir, la gestion axée sur la conservation doit englober une gestion améliorée des pêches par les États côtiers adjacents. Cette approche, que pourraient utiliser d'autres États côtiers, doit d'abord être appliquée dans le territoire situé au nez et à la queue des Grands Bancs. En mettant en oeuvre une telle gestion axée sur la conservation aux abords du plateau continental, le Canada pourrait gérer les stocks qui chevauchent actuellement la limite de 200 milles. Nous aurions ainsi une application cohérente des mesures de conservation des ressources.
En tant qu'État côtier, le Canada pourrait assumer la responsabilité de la mise en place d'activités de conservation et de gestion scientifique des stocks. Il pourrait être responsable de la surveillance et de l'exécution. C'est là le début d'une solution qui pourrait fonctionner dans un contexte multilatéral. En tant qu'organisation régionale des pêches, l'OPANO pourrait, quant à elle, continuer à assumer la responsabilité des décisions en matière d'accès et de répartition, des recommandations scientifiques ainsi que de la gestion des stocks homogènes à l'extérieur de la ZEE de 200 milles du Canada.
Je vais être clair: il ne s'agit pas d'un élargissement de compétence ni d'une façon de mettre la main sur des ressources ou un territoire. Une telle démarche permettrait de respecter les parts historiques, assurerait la promotion de la conservation et rehausserait notre rôle en tant que nation, en tant qu'État côtier. Elle contribuerait également à renforcer la conformité aux mesures de gestion et aurait un effet dissuasif accru concernant les éventuelles violations des droits de pêche à l'extérieur de la limite de 200 milles. Les stocks de poissons chevauchants comme la morue, la plie canadienne, la sole, le sébaste et le flétan noir, auraient de meilleures chances de se régénérer.
Toutefois, si cette approche ne peut être mise en oeuvre dans le contexte de l'OPANO, alors, au nom de la reconstitution des stocks, nous continuerons de presser le gouvernement du Canada d'utiliser un autre moyen, à savoir créer une organisation parallèle de gestion régionale comme le propose le comité consultatif présidé par M. Art May.
En fait, le gouvernement fédéral actuel avait promis à la population de ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, qu'il assurerait une gestion axée sur la conservation s'il était élu. Tant le premier ministre Harper que l'ancien ministre des Pêches et des Océans, M. Loyola Hearn, se sont engagés par écrit et de vive voix à effectivement mettre en oeuvre une gestion axée sur la conservation. Le hic, dans ce cas-ci, c'est qu'ils n'ont même jamais essayé de la mettre en place. Au lieu de ça, le gouvernement du Canada, de concert avec d'autres membres de l'OPANO, s'est lancé dans un processus de réforme de l'organisme.
Dans la foulée de ce processus, la convention de l'OPANO a été modifiée. Nous avons effectivement de grandes préoccupations concernant certaines des modifications qui ont été apportées. D'autres nations utiliseront la convention de l'OPANO modifiée pour imposer leur mode de gestion de stocks qui se trouvent à l'intérieur de la limite de 200 milles de la souveraineté canadienne. L'histoire nous montre les résultats écologiques tragiques d'une mauvaise gestion des stocks par des étrangers à l'extérieur de notre limite de 200 milles. Nous devons veiller à ce qu'une telle situation ne se reproduise plus jamais à l'intérieur de nos frontières.
En septembre 2007, nous avons écrit au ministre de l'époque, M. Hearn, pour lui dire que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador n'appuiera pas des réformes à une convention qui pourraient permettre à l'OPANO de mettre en place des mesures à l'intérieur même de la zone canadienne.
Notre position aujourd'hui est la même qu'à ce moment-là.
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Bien. Toutes mes excuses.
Notre province et de nombreux spécialistes, y compris des cadres de direction du MPO possédant une vaste expérience de l'OPANO, sont extrêmement inquiets de la disposition de la convention modifiée qui permet, dans certaines situations, à l'OPANO de mettre en oeuvre des mesures dans des eaux qui relèvent de notre compétence nationale. Le nouveau libellé peut très facilement et clairement mener à une influence accrue de l'OPANO à l'intérieur de la limite de 200 milles du Canada.
En juillet 2009, j'ai écrit à la ministre Shea, sachant que seule la ministre des Pêches et des Océans pourrait prendre cette décision. Je lui ai donc demandé de veiller à ce que toute demande de tout type de gestion par l'OPANO dans la zone ciblée soit à tout le moins présentée au Cabinet aux fins de décision. Depuis ce temps, il y a eu une représentation de très haut niveau par d'anciens cadres de direction du MPO qui ont fait valoir qu'il est tout simplement trop risqué de mettre de l'avant la nouvelle convention de l'OPANO. En fait, il n'y a personne d'autre au Canada qui possède une telle connaissance poussée de la convention de l'OPANO que ces représentants. Leurs conseils éclairés ne peuvent être ignorés.
La province a répété à maintes reprises que nous ne pouvions prendre aucun risque et que la convention modifiée ne doit pas être ratifiée par le Canada. Le Canada doit démontrer avec clarté et rigueur que de telles mesures ne seront acceptées par aucune compétence de ce grand pays, plus particulièrement maintenant, où on parle tant de la souveraineté dans l'Arctique.
Certains ont avancé que nous n'avons pas à nous inquiéter étant donné que l'amendement contesté ne sert qu'à inclure cette option dans la convention de l'OPANO et que les politiciens canadiens ne permettraient jamais qu'elle soit mise en oeuvre. Malheureusement, personne ne peut prédire comment un futur ministre ou un futur gouvernement agira. Donc, il est essentiel que cette option n'existe pas sous quelque forme que ce soit puisqu'elle ouvre la porte à une gestion étrangère ou à la mise en oeuvre de mesures par des étrangers dans les eaux canadiennes.
Lorsque le gouvernement fédéral s'est engagé dans une réforme de l'OPANO, l'un des principaux objectifs qu'il a avancé était de mettre fin au recours abusif à la procédure d'opposition. Par le passé, l'UE a invoqué cette disposition pour procéder allègrement à une surpêche des stocks au large de nos côtes durant les années 1980 et au début des années 1990, avec la bénédiction de l'OPANO. La procédure d'opposition incluse dans la nouvelle convention et approuvée par l'OPANO continue d'être inadéquate. Bien qu'elle assure la mise en place du processus, elle ne contient aucune disposition qui oblige les parties visées à le respecter ou empêche une action unilatérale susceptible de compromettre sérieusement la conservation des stocks. Les nations peuvent continuer à recourir à la procédure d'opposition. Même si d'autres nations continuent à contester cette procédure auprès de l'OPANO, on continuera de pêcher selon des quotas fixés unilatéralement, ce qui épuisera encore plus les ressources précieuses et souvent vitales au large de nos côtes. D'ailleurs, on fixe déjà de tels quotas en ce qui a trait aux stocks de crevettes au large de nos côtes.
Il y a tout juste quelques jours, à Bergen, l'OPANO a consenti à établir un total autorisé de captures (TAC) pour un certain nombre de stocks, passant outre encore une fois aux conseils scientifiques formulés. Il est effectivement temps que nous agissions autrement. L'approche adoptée par l'OPANO exige et continuera d'exiger que les États membres, plus particulièrement le Canada en tant qu'État côtier important, se compromettent entre leur attachement historique à leurs ressources ou la conservation de ces stocks importants.
La province de Terre-Neuve-et-Labrador croit que le Canada ne devrait pas continuer sur une voie aussi destructrice. La gestion axée sur la conservation est une avenue multilatérale et collective qui vise à restaurer, à protéger et à partager les ressources de demain. Cela en dit long sur le sentiment qui prévaut à Terre-Neuve-et-Labrador au sujet de l'inefficacité du système actuel. En fait, cela devrait servir de modèle pour les autres parties du monde.
Je demande donc votre appui pour la mise en place d'une gestion canadienne axée sur la conservation des stocks de poissons chevauchants au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Et monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu ici aujourd'hui.
Une des choses que je trouve troublante, c'est qu'il y a quelques années, M. Scott Simms, qui était le critique libéral en matière de pêches et océans, a rencontré avec moi M. Tom Rideout. M. Rideout était appelé de façon affectueuse « le ministre responsable de tout » à cette époque à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous venions tout juste de rencontrer les quatre hommes dont vous avez parlé, ici à Ottawa et à Terre-Neuve, et ils étaient très préoccupés par l'OPANO et par ce qui en découle.
Nous avons donc pris ce sujet au sérieux, et nous voulions le faire d'une façon impartiale et aller rencontrer M. Rideout, qui parlait au nom du gouvernement. Fondamentalement, il a dit qu'il n'avait aucune préoccupation au sujet des amendements. Il semblait penser que tout était correct et que M. McCurdy, qui était le président du syndicat FFAW représentant des milliers de pêcheurs et de travailleurs d'usine pour le poisson côtier, semblait penser que cet amendement ou cette discussion particulièrement récente au sein de l'OPANO était convenable. Cela m'a mis dans une situation délicate, car personnellement, j'étais contre les amendements, mais si le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador semblait d'accord avec cela à ce moment, et si les personnes les plus touchées semblaient penser que c'était convenable, je ne pourrais guère m'y opposer.
En premier lieu, quand ce genre de... pas nécessairement de changement d'opinion, mais de réévaluation de la situation a-t-elle eu lieu au sein du gouvernement du premier ministre Williams?
En deuxième lieu, lorsque Earle McCurdy, dont le nom a été mentionné plus tôt, a comparu devant notre comité, il semblait appuyer les amendements. Par conséquent, ma question est simple. Êtes-vous d'accord avec l'évaluation de M. McCurdy en ce qui concerne les amendements se rapportant à l'OPANO?
En dernier lieu, je suis également préoccupé par la pêche à la morue dans la division 3M. Pourquoi le Canada permettrait-il des prises de morues supérieures à ce que la science permettrait?
Lorsqu'on écoute la station VOCM ou d'autres personnes à Terre-Neuve-et-Labrador, un grand nombre d'entre eux — le sénateur George Baker est l'une des personnes les plus éminentes de celles-ci — déclarent que depuis des années, les stocks de poisson au large de Terre-Neuve-et-Labrador ont été utilisés comme une sorte de système de traficotage pour les autres aspects de l'économie canadienne. Comme nous le savons déjà, le Canada et l'Union européenne ont actuellement des discussions à ce sujet.
Je n'ai pas forcément besoin de votre réponse en ce qui concerne cette évaluation en particulier, ou je crois que vous pourriez parler davantage d'une théorie du complot plutôt que d'autre chose. Mais en ce qui concerne les deux autres questions, pourriez-vous y répondre en nous disant quand le gouvernement a changé d'avis en ce qui concerne l'entente, et également en ce qui concerne le point de vue de M. McCurdy?
Finalement — et cela n'a rien à voir avec nos discussions actuelles — il y a la question des stations de phare à Terre-Neuve-et-Labrador. Le gouvernement affirme qu'il examine la possibilité de supprimer des stations de phare. Bien entendu, un peu plus tard, nous aimerions connaître le point de vue de la province, c'est-à-dire votre point de vue sur cette possibilité si elle doit s'avérer.
Merci infiniment, et merci de votre participation aujourd'hui.
D'abord, je ne peux évidemment pas parler au nom du ministre Rideout. J'aimerais être capable de dire que je savais d'où il venait. Je suis ministre depuis moins d'un an, et selon ce que j'ai appris dans les notes d'information que j'ai lues lorsque j'ai pris mes fonctions, il était évident pour moi que nous n'étions pas satisfaits des conventions. Cela remonte à l'Halloween de l'année dernière, en fait — c'est un peu effrayant, je sais. Fondamentalement, lorsque j'ai préparé mes documents d'information, j'ai consulté les documents de l'OPANO et j'ai découvert que rien dans le document ne m'indiquait que les conventions faisaient notre affaire.
En ce qui concerne Earle McCurdy, pour répondre à un député qui me posait la question précédemment, il est évident que s'il est satisfait des conventions... Je ne suis pas d'accord avec lui, et la province non plus. Vous devez comprendre que ces conventions nous ont été retournées et que nous les avons examinées. En fait, dans une lettre que j'ai écrite à la ministre Shea, j'ai exploré la possibilité... Je ne pouvais pas croire — c'était incroyable — qu'un ministre pouvait permettre que notre souveraineté soit violée par sa propre volonté. J'ai demandé s'il pouvait examiner la possibilité de porter la question devant le Cabinet. Il m'a répondu que non, qu'il procéderait de la façon habituelle.
De nouveau, cela soulève de grandes préoccupations. Peu après, nous sommes retournés — certains de ces hommes dont je parle, ces anciens cadres supérieurs, et moi — pour rencontrer le premier ministre et nous avons dit que nous voulions examiner la situation. Après avoir examiné le tout, nous avons conclu que peu importe qu'il s'agisse du Cabinet ou d'un ministre, si on considère qu'il y a un risque que l'OPANO pourrait s'ingérer à l'intérieur de la limite de 200 milles et compromettre notre souveraineté, nous ne sommes pas d'accord. En résumé, c'est ce qui s'est passé.
M. Peter Stoffer: Merci beaucoup.
L'hon. Tom Hedderson: En ce qui concerne la pêche à la morue dans la division 3M — comme je l'ai mentionné, nous n'étions pas à la table — mes représentants m'ont dit: « Vous ne croirez pas ce qui est arrivé aujourd'hui »; le Canada a voté avec l'Union européenne, contre la Norvège et les États-Unis, pour augmenter les quotas d'une espèce en voie de rétablissement. Je crois que quelque chose est arrivé à la table, car les Européens sont arrivés, en ce qui concerne la question du flétan, et je crois qu'ils voulaient réduire les quotas liés à cette espèce. Le Canada voulait conserver ces quotas tel quel.
Je crois que c'était un cas de « donnant-donnant ». C'est ce que je crois parce que, de nouveau, je n'étais pas à la table, mais je sais qu'autour de cette table, on ne peut rien obtenir à moins de faire des concessions. Le Canada a donc dû passer un accord quelconque, et il reviendra aux personnes qui étaient à cette table d'en expliquer les avantages.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue de la Direction des sciences du ministère des Pêches et des Océans à Ottawa, M. David Gillis.
Au nom du ministère des Pêches et des Océans, je suis heureux d’avoir l'occasion d’entretenir le comité des activités scientifiques menées par l'Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest, l'OPANO, et de lui expliquer la place qu’occupent les sciences halieutiques ainsi que les scientifiques canadiens dans cette organisation.
Au sein de l'OPANO, les recherches et les avis scientifiques relèvent d’un organe constitutif que l'on appelle le Conseil scientifique. Forte des avis formulés par ce groupe, la Commission des pêches de l'OPANO adopte des mesures pour assurer la conservation et l'utilisation à long terme des ressources halieutiques dans la zone visée par la convention de l'OPANO, qui englobe la zone économique exclusive du Canada, la ZEE, et la zone réglementée par l'OPANO, la ZRO, au-delà de la limite territoriale du Canada de 200 milles marins.
J’aimerais d’abord vous brosser brièvement le portrait du Conseil scientifique, et vous expliquer son rôle et comment il s’acquitte de son mandat. Le Conseil scientifique a un statut équivalent à celui des deux autres organes de l'OPANO, soit la Commission des pêches et le Conseil général.
Le Conseil scientifique exerce diverses fonctions. Il sert de tribune de consultation et de coopération entre les parties contractantes, les États membres de l'OPANO, pour échanger et évaluer des informations scientifiques et des points de vue sur l'état actuel des activités de pêche et des écosystèmes dans lesquels elles sont pratiquées. Il évalue également les ressources halieutiques ainsi que des prévisions sur leur état futur en tenant compte des facteurs écologiques. Il favorise la coopération des parties contractantes dans la recherche scientifique destinée à combler les lacunes des connaissances. Il compile des statistiques et tient des relevés. Il publie ou diffuse des rapports, des renseignements et de la documentation se rapportant aux activités de pêche dans la zone visée par la convention et à leurs écosystèmes. Il fournit des conseils scientifiques à la commission si celle-ci en fait la demande.
Le Conseil scientifique a mis sur pied quatre comités permanents pour s’acquitter de son mandat:
Le Comité permanent sur les sciences halieutiques, qui réalise les évaluations des stocks sur lesquelles le Conseil scientifique fonde ses avis.
Le Comité permanent sur la coordination de la recherche, au sein duquel les parties discutent des recherches et études scientifiques dans la zone de l'OPANO. Ce comité dresse également des statistiques sur les pêches.
Le Comité des publications, qui supervise la publication des recherches scientifiques. Il publie le Journal of Northwest Atlantic Fisheries Science, une revue évaluée par les pairs qui s’intéresse aux aspects environnementaux, biologiques, économiques et sociaux des ressources marines vivantes et des écosystèmes de l'Atlantique Nord-Ouest.
Le Comité sur les pêches et l'environnement, qui évalue les conditions environnementales et émet des avis sur les effets de l'environnement sur les stocks de poisson et les pêches dans la zone visée par la convention.
Chaque partie contractante à l'OPANO est membre du Conseil scientifique et peut y nommer ses propres représentants, qui peuvent être accompagnés à toute séance du conseil de suppléants, de spécialistes et de conseillers. Ces scientifiques participent généralement à tous les travaux du Conseil scientifique ainsi qu’à un ou plusieurs de ses comités permanents.
En règle générale, les avis scientifiques présentés par le conseil sont établis par consensus. Tous les rapports produits par le Conseil scientifique sont publiés par le secrétariat de l'OPANO et affichés sur le site Web de l'OPANO le plus tôt possible après les séances du conseil.
Outre ses comités permanents, le Conseil scientifique forme au besoin des groupes de travail et des groupes d’étude pour traiter de modalités particulières. Il a notamment mis sur pied récemment un groupe de travail sur l'approche écosystémique en gestion des pêches, et un groupe d’étude sur l'évaluation de la stratégie de gestion du flétan du Groenland. Ces groupes font appel à tout un éventail de spécialistes invités, dont des scientifiques, des gestionnaires des pêches, des représentants de l'industrie et même, au besoin, des participants de pays qui ne sont pas parties contractantes à l'OPANO.
Le Conseil scientifique présente des avis à la Commission des pêches à propos de 18 stocks de poissons et d’invertébrés. Parmi ces espèces, il y a la morue, la limande à queue jaune, le flétan ou turbot du Groenland, le sébaste, le capelan, la crevette et la pieuvre. Certains stocks, comme ceux situés sur le Bonnet flamand, ne se trouvent qu’à l'extérieur de la zone économique exclusive du Canada (ZEE). D’autres, comme ceux des Grands Bancs, sont situés à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la ZEE canadienne, et on les appelle des stocks chevauchants.
En plus des 18 stocks gérés par la Commission des pêches, le Conseil scientifique doit également fournir des avis aux États côtiers à propos de certains autres stocks. À titre d’exemple, le Canada et le Groenland ont convenu de demander conjointement au Conseil scientifique de formuler un avis à propos des stocks nordiques de flétan du Groenland dans le détroit de Davis et la baie de Baffin. Le Conseil scientifique produit des rapports sur tous les stocks à propos desquels il reçoit des demandes, et il répond aux demandes concernant le total autorisé des captures, et il présente habituellement plusieurs options. Dans la mesure du possible, le Conseil scientifique quantifie ses réponses ou à tout le moins fournit des renseignements sur les risques que chaque option de TAC ou de gestion pose pour le stock.
De plus, le Conseil scientifique est appelé à évaluer des mesures de gestion actuelles ou proposées, par exemple la grosseur des mailles des filets utilisés dans certaines pêches, ou la fermeture de la pêche dans certaines zones ou à certains moments de l'année.
En règle générale, le Conseil scientifique se réunit trois fois par année, et chaque séance dure entre une et deux semaines. En juin, le conseil tient une réunion de deux semaines au siège de l'OPANO, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, au cours de laquelle il évalue la plupart des stocks et formule les avis qui lui ont été demandés. Il se réunit également durant l'assemblée annuelle de l'OPANO qui se tient toujours en septembre, où il doit souvent fournir des éclaircissements à la Commission des pêches à propos des avis formulés. Enfin, le Conseil scientifique se réunit chaque année en octobre ou en novembre, en marge de la réunion du Conseil international pour l'exploration de la mer, le CIEM, où il formule des avis sur les stocks de crevettes dans l'Atlantique Nord.
Il a beaucoup été question, ces derniers temps, de la convention modifiée de l'OPANO. Les modifications à la convention de l'OPANO de 1978 ne devraient pas obliger le Conseil scientifique à changer considérablement ses façons de faire, mais il devra de toute évidence en tenir compte. Il devra porter une attention particulière aux modifications qui stipulent que les parties contractantes doivent s’attacher à adopter des mesures fondées sur les meilleurs avis scientifiques disponibles, appliquer l'approche de précaution, tenir dûment compte de l'impact des activités de pêche sur d’autres espèces et écosystèmes marins et, de ce fait, arrêter des mesures pour réduire au minimum les effets nuisibles sur les ressources biologiques et les écosystèmes marins, et tenir dûment compte de la nécessité de préserver la diversité biologique marine.
Le Conseil scientifique a participé à toutes les étapes du processus qui a mené à l'adoption de la convention modifiée de l'OPANO, et il a fourni ses observations sur les sections de la Convention modifiée qui portent sur son mandat et sur ses activités. Outre les quatre points que je viens de mentionner, une grande considération organisationnelle a été que le Conseil scientifique conserve son statut d’organe constitutif égal au sein de l'OPANO.
L'existence du Conseil scientifique en tant qu’organe scientifique de l'OPANO contraste avec le mode de fonctionnement d’une autre organisation internationale de gestion des pêches dans l'Atlantique, la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est, ou CPANE. Cette commission demande à un organisme externe, la CIEM, de lui fournir ses renseignements scientifiques. L'existence d’un comité scientifique, le Conseil scientifique, et d’un comité de gestion, la Commission des pêches, au sein de l'OPANO permet d’élargir la collaboration dans des dossiers comme la mise en œuvre de l'approche de précaution et la protection des écosystèmes marins vulnérables, les coraux et les éponges, par exemple.
De fait, l'OPANO a réalisé des progrès substantiels et est parvenue à mettre en œuvre des mesures importantes dans ces deux dossiers grâce à des comités mixtes du Conseil scientifique et de la Commission des pêches. Lors de la récente réunion annuelle de l'OPANO, le groupe de travail spécial des gestionnaires des pêches et des scientifiques sur les écosystèmes marins vulnérables a formulé plusieurs recommandations sur la fermeture de certaines zones afin de protéger les coraux et les éponges, recommandations que la Commission des pêches a par la suite adoptées.
Les travaux du Conseil scientifique de l'OPANO dans le domaine des sciences halieutiques ont également des incidences internationales. Le conseil organise régulièrement des symposiums qui réunissent des spécialistes de partout dans le monde, et il en publie les résultats dans le journal de l'OPANO. Il tient en outre des séances extraordinaires au cours desquelles les participants débattent notamment de nouvelles méthodes et de nouveaux outils d’évaluation des stocks. Enfin, il collabore avec des organismes comme le CIEM par le truchement de groupes de travail mixtes qui étudient des espèces ayant une vaste aire de répartition, comme la crevette et le phoque, et des dossiers comme celui de l'écologie des grands fonds océaniques.
Les présidents du Conseil scientifique et de ses comités permanents représentent souvent l'OPANO auprès d’autres comités internationaux, comme ceux de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations Unies, la FAO. J’aimerais signaler que le Conseil scientifique n’est pas un organisme de recherche comme tel, et que par conséquent il ne mène pas ses propres projets de recherche et qu’il n’a pas non plus de budget pour attribuer des marchés en ce sens. Les recherches qui sous-tendent le processus d'évaluation des stocks sont effectuées par les parties contractantes à l'OPANO et soumises au Conseil scientifique pour examen par les pairs. Comme je l'ai signalé plus tôt, le conseil a un comité permanent au sein duquel les parties contractantes peuvent discuter des projets de recherche et coordonner leurs actions.
Monsieur le président, le Canada prend très au sérieux son rôle au sein du Conseil scientifique. À tout moment, le Canada est susceptible d'avoir au moins deux présidents au sein du Conseil scientifique — en fait, trois des cinq derniers présidents du conseil étaient des chercheurs canadiens travaillant à la Direction des sciences du MPO de Terre-Neuve-et-Labrador — et de ses comités permanents, ainsi que plus de la moitié des 18 experts désignés en évaluation des stocks. Ces scientifiques pilotent et réalisent les recherches, font la synthèse de toutes les données disponibles, et présentent les évaluations des stocks au Conseil scientifique.
Chaque année, par l'entremise de la Direction des sciences du MPO, le Canada effectue deux grands relevés plurispécifiques écosystémiques au chalut de fond sur les Grands Bancs, en plus de mener d'importantes recherches océanographiques et de réaliser d'autres relevés ciblant des espèces particulières comme le capelan. La Direction des sciences consacre plus de 5 millions de dollars par année à ces travaux qui ont contribué à constituer d'inestimables bases de données biologiques et océanographiques sur de nombreux stocks, depuis le début des années 1970 et même avant.
Ces relevés fournissent de précieux renseignements sur l'abondance, la distribution et la biologie de nombreuses espèces et de nombreux stocks, et ils sous-tendent le processus d'évaluation du Conseil scientifique. Sans ces relevés, qui couvrent les zones des Grands Bancs à l'intérieur et à l'extérieur de la ZEE du Canada, le Conseil scientifique ne disposerait pas d'autant de données sur bon nombre de stocks chevauchants.
Le Canada investit des sommes considérables dans les recherches scientifiques sur les stocks de l'OPANO. Il a en effet consenti 11 millions de dollars en trois ans (de 2006 à 2008) pour permettre la réalisation de nouveaux projets scientifiques à la faveur de la Stratégie de gouvernance internationale, dans le but d'enrichir les connaissances sur les écosystèmes marins extracôtiers et de faciliter la prise de bonnes décisions pour la gestion des ressources de ces écosystèmes. Une bonne partie des fonds a été attribuée aux chercheurs s'intéressant aux stocks des Grands Bancs, qui ont effectué des études spécifiques sur le flétan du Groenland, la raie, la limande à queue jaune, le sébaste, le capelan, et les mammifères marins.
Comme ce fructueux programme devrait prendre fin en 2008, le Canada a renouvelé son financement et l'a rendu permanent. Le Canada investit maintenant 4 millions de dollars par année pour la tenue d'activités scientifiques appuyant la gouvernance internationale. Cet argent, conjugué au nouveau financement des projets à compter de 2009, servira à étudier les coraux et la biodiversité, à améliorer l'évaluation des stocks, et à articuler des stratégies de pêche axées sur le principe de précaution pour la morue et le poisson plat des Grands Bancs.
Le Canada entretient également des relations bilatérales scientifiques avec de nombreux pays de l'OPANO. Il vient notamment de signer un protocole d'entente de collaboration scientifique avec l'Espagne. Le financement accordé en vertu de cette entente a permis de lancer de nombreux projets de recherche conjoint, dont un sur la biologie de la reproduction du flétan du Groenland, et d'effectuer des relevés annuels plurispécifiques dans la division Grands Bancs de Bonnet flamand à bord d'un navire espagnol. Les deux pays mènent conjointement une vaste étude pluriannuelle visant les écosystèmes marins vulnérables dans la zone réglementée par l'OPANO dans les Grands Bancs et sur le Bonnet flamand. Ces projets conjoints sont dotés de budgets de plusieurs millions de dollars.
Il est important de souligner que les investissements du Canada reçoivent une très généreuse contrepartie de la part du gouvernement espagnol. Toutes ces recherches sont ou seront examinées par les pairs sous les auspices du Conseil scientifique de l'OPANO.
Pour terminer, monsieur le président, nous aimerions insister sur le rôle essentiel que joue le Conseil scientifique dans la gestion des stocks réglementés par l'OPANO. Nous sommes encouragés par les récents avis du conseil concernant le rétablissement de certains stocks. Les scientifiques du Canada ont joué un rôle de premier plan dans les travaux du Conseil scientifique, et c'est encore le cas aujourd'hui.
Le MPO est plus déterminé que jamais à effectuer les meilleures recherches possibles concernant les stocks de l'OPANO afin que le Conseil scientifique dispose des données nécessaires pour formuler ses avis.
Merci, monsieur le président. Je suis désolé d'avoir excédé le temps qui m'était alloué.