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Monsieur le président, je peux écourter cela très rapidement.
Lors de la réunion du sous-comité, l'autre jour, nous avons discuté avec le documentaliste, le président et le secrétaire parlementaire, ce qui m'amène à conseiller à M. Byrne de parler à M. MacAulay. Il y a certainement une façon de faire les choses pour gagner du temps.
Je ne veux pas lancer le débat puisque M. MacAulay n'est pas ici, mais vous pouvez certainement parler à M. MacAulay de la question — et M. Blais était aussi présent —, et je crois que vous constaterez qu'il est possible de déposer un rapport très rapidement, au moyen d'une motion déposée précédemment, et on peut de cette façon déposer un rapport à la Chambre beaucoup plus rapidement qu'on ne l'aurait cru.
Par égard pour nos témoins, s'il vous plaît parlez à M. MacAulay. Nous pourrons en discuter plus tard si vous le désirez.
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J'aimerais faire deux commentaires.
Nous demandions dans notre motion au gouvernement de nous accorder, avant de ratifier l'amendement de la convention, 21 jours additionnels pour étudier le sujet. Cela ne veut pas nécessairement dire que le lendemain de cette échéance, le gouvernement s'empressera de ratifier l'amendement. Cela veut simplement dire que le gouvernement ne peut agir avant cette date. Il peut certainement ratifier cet amendement beaucoup plus tard s'il le désire.
Cependant je trouve cette discussion un peu étrange parce que, lors de la réunion du comité de direction, toute la discussion reposait sur le fait que M. Byrne avait demandé au moins deux jours de réunion supplémentaires, pour permettre à sept témoins supplémentaires, dont il avait fourni les noms, de comparaître. Ce sont là les consignes qu'avait reçues M. MacAulay, et le sous-comité avait convenu de le faire, sous réserve de la possibilité pour le parti ministériel d'ajouter le nom d'un autre témoin à la liste.
S'il ne veut pas que le comité entende les sept témoins, s'il veut en réduire le nombre, nous sommes prêts à accueillir sa proposition en ce sens.
J'aimerais apporter une petite précision. Les témoins qui doivent comparaître devant le comité sont ceux qui figurent sur la liste que vous avez fournie au comité, à une seule exception près: on y a ajouté le nom de l'ancien ministre des Pêches, M. Hearn. Cette question a été soulevée hier, à la réunion du sous-comité, et on a convenu de l'inviter et d'ajouter son nom à la liste des témoins. Donc, lorsque vous parlez d'une autre liste de témoins, je dois dire qu'il s'agit là du seul nom ajouté à la liste que vous avez fournie au greffier.
Le sous-comité a vraiment fait tout ce que vous demandiez. Nous voulions vraiment avoir une bonne représentation des groupes d'intéressés parmi les témoins et nous avons donc décidé de donner suite à vos propositions, à l'exception du nom qui a été ajouté, soit celui de l'ancien ministre des Pêches, M. Hearn.
Je propose que l'on réserve le rapport du sous-comité. Vous voudrez peut-être en discuter avec le représentant de votre parti qui siège au sous-comité, et nous pourrons le réexaminer à ce moment-là. Vous avez certainement le droit, si vous le désirez, de déposer une motion jeudi prochain, le 29 octobre. J'ai demandé au greffier de se pencher là-dessus parce que vous aviez proposé de déposer à nouveau la motion dont avait déjà été saisi le comité; je voulais simplement vous demander quelques précisions. Évidemment, vous devrez modifier, entre autres choses, les dates proposées dans la motion.
De toute façon, puisque nos témoins sont arrivés, des témoins qui ont été invités à comparaître devant le comité, je propose que l'on réserve pour l'instant le rapport du sous-comité et qu'on y revienne plus tard.
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Oui, certainement. Ainsi, à moins qu'il y ait des raisons techniques de ne pas le faire, nous acceptons cette motion.
Nous allons donc réserver le rapport du sous-comité.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins et les remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer car je sais qu'ils ont un horaire très chargé. Je sais que vous avez parcouru une assez bonne distance pour venir comparaître devant le comité. Nous vous en sommes reconnaissants.
Messieurs, nous allouons habituellement 10 minutes pour les exposés. Puis, les membres du comité disposent d'une période bien déterminée, pour chaque parti, afin de poser des questions et de recevoir des réponses. Si vous entendez une petite sonnerie, c'est simplement signe qu'il ne vous reste plus de temps soit pour l'exposé, soit pour les questions. Je vous demande de respecter le plus fidèlement possible ces périodes afin de permettre à tous les partis et tous les députés de poser des questions.
Monsieur McDorman, vous avez la parole.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Vous me donnez un défi de taille puisque vous dites à un professeur qu'il n'a que 10 minutes pour intervenir. J'aimerais dire quelques mots en guise d'introduction, puis je serai disposé à répondre à vos questions. Je sais que mon collègue, M. Saunders, a également quelques commentaires à présenter.
J'aimerais signaler au comité que même si je viens de l'Université de Victoria, comme on l'a signalé plus tôt, j'ai été élevé à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Je suis donc quelqu'un de la côte Est qui se trouve malheureusement sur la mauvaise côte, comme j'aime bien le dire. Et pis encore, je viens de l'Université de Dalhousie, comme mon collègue. Alors si cela semble peut-être un peu étrange d'avoir un professeur de la côte Ouest, j'aimerais vous rassurer car je connais bien la côte Est, et j'ai évidemment consacré beaucoup de temps à étudier le sujet sous divers angles.
J'aimerais indiquer d'entrée de jeu que je ne suis pas ici pour défendre le gouvernement de quelque façon que ce soit. Je crois que le gouvernement du Canada est très heureux en fait que je n'ai jamais eu à parler en son nom sur quelque sujet que ce soit, et je ne pense pas que les choses changeront. J'aimerais également signaler aux députés que je ne faisais pas partie de l'équipe de négociation. J'ai donc une idée de la toile de fond, mais je ne connais pas les détails des négociations, ce qui a été présenté, ce qui ne l'a pas été et ainsi de suite. De plus, je ne suis pas au courant des concessions directes qui ont peut-être été faites. Je connais la position qui a été présentée par divers membres de ce comité puisque j'ai déjà lu les délibérations et les rapports du comité. Évidemment, j'ai été mis au courant de plusieurs aspects du dossier par les quatre sages: Bob Applebaum, Scott Parsons, Earl Wiseman et... Pardonnez-moi, j'oublie toujours le quatrième. Il est encore plus sage que les trois autres, je crois. Je vous prie de m'excuser.
Au cours des dernières années, je me suis arrêté tout particulièrement, dans le secteur des pêches, aux questions institutionnelles touchant les organisations de pêche du monde entier. En 2005, j'ai présenté un des principaux documents à ce sujet lors de la conférence de 2005 tenue à St. John's et parrainée par le gouvernement du Canada. Le document portait sur les tendances et les défis à relever. J'espère que mes commentaires vous permettront de comparer les situations et les organisations. Je continue à me pencher sur diverses autres ententes sur les pêches pour évaluer les modifications proposées à la Convention de l'OPANO, puisqu'on peut ainsi mieux comprendre ce qui se déroule au sein des autres organisations. De plus, à mon avis, cela nous permet de mieux comprendre ce qui est réalisable dans le cadre de négociations. Si vous vous penchez sur ce que d'autres organisations font et ce qui est accompli, cela vous donne une meilleure idée de ce qu'on peut accomplir lors de certaines négociations. Cela dit, je comprends parfaitement que toutes les conventions en matière de pêche se déroulent dans un contexte différent, et donc évidemment les négociations ont une dynamique bien différente également. Ainsi, l'OPANO est à la fois semblable aux autres organisations mais aussi différente d'elles. J'en suis parfaitement conscient.
D'après les discussions, les commentaires et l'attitude que l'on a à l'égard de l'OPANO, à l'égard de la position du Canada au sein de l'OPANO, le message est assez clair: on juge que le Canada devrait simplement avoir tout ce qu'il demande, parce que c'est pour le Canada que ces ressources sont les plus importantes et que si l'on n'atteint pas ce résultat optimal, c'est que la volonté ou les tactiques n'étaient pas à la hauteur. Je désapprouve totalement cette façon de voir les choses. Les négociations au sein de l'OPANO ne sont pas faciles. Les eaux internationales se trouvent à l'extérieur de la zone de 200 milles marins du Canada, et en zone internationale, chaque État ne dispose que d'un vote, et le Canada doit négocier sur un pied d'égalité avec l'Union européenne et les autres États membres de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest. À mon avis, les négociations canadiennes ont été gênées pendant des années par des attentes non réalistes de ce qui pouvait être accompli en matière de pêche au-delà de la zone de 200 milles. Ainsi, lorsque les négociateurs reviennent avec des résultats qui ne sont peut-être pas l'idéal, ils sont vertement critiqués, non seulement dans le contexte des amendements apportés à l'OPANO, mais à bien d'autres égards en ce qui a trait à cette organisation.
Que peut-on faire avec ces modifications proposées à la Convention de l'OPANO? On a deux choix, essentiellement. On peut adopter les amendements proposés à l'OPANO, ce qui est assez simple, ou les rejeter. Si on les refuse, on se retrouve avec une Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest qui n'a pas changé, qui fonctionne de la même façon, et comme vous le savez d'après les rapports que vous avez déjà publiés au fil des ans, ainsi que ceux qui ont été publiés par le comité sénatorial —, l'OPANO a été critiquée puisqu'on disait qu'elle ne parvenait pas à contrôler la pêche et on a d'ailleurs critiqué assez clairement la position du Canada au sein de l'OPANO.
D'aucuns disent qu'au cours des dernières années, l'OPANO a assez bien fonctionné. Je ne le conteste pas; je n'ai pas d'opinion particulière à cet égard. Rejeter ces propositions vous forcera tout simplement à relancer les négociations. Le comité doit se poser, entre autres, la question suivante: est-il raisonnable de s'attendre à des résultats vraiment différents la prochaine fois? J'ai une opinion là-dessus, et je ne sais vraiment pas s'il est raisonnable de s'attendre à des résultats différents.
Évidemment, l'autre solution serait simplement de se retirer de l'OPANO. Une telle décision serait à l'avantage de la collectivité internationale puisque le Canada, que cela nous plaise ou pas, a besoin de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest plus que les Européens en ont besoin eux-mêmes.
Cela vous donne une idée de la dynamique qui entoure ces négociations.
C'étaient là mes commentaires. Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Le professeur McDorman et moi avons travaillé ensemble dans diverses circonstances au fil des ans. Nous n'avons pas eu la possibilité de coordonner nos opinions, mais nous avons probablement couvert à peu près les mêmes questions. J'ai suivi l'OPANO et d'autres organisations au fil des ans. Ma première incursion dans les questions touchant les pêches en haute mer et les organisations régionales était dans le Pacifique Sud et, dans une certaine mesure, dans les Caraïbes. Dans les années 1980 et 1990, nous essayions de renforcer les efforts de contrôle de la pêche en haute mer du thon. La situation était légèrement différente de celle-ci, mais les problèmes étaient semblables.
Par la suite, j'ai participé à l'établissement des documents juridiques pour l'organisation du thon de l'océan indien occidental, ce qui est resté lettre morte. En 2003, j'ai préparé une étude sur les stocks chevauchants pour la commission royale pour le renforcement de la place de Terre-Neuve-et-Labrador dans la Confédération. C'était au point culminant des discussions sur la soi-disant option de gestion axée sur la conservation.
J'ai eu la possibilité d'examiner les témoignages antérieurs qui ont été présentés à votre comité et au Sénat. En 2006, j'ai comparu devant le comité sénatorial qui traite des questions relatives à l'OPANO. J'ai essayé d'aborder le sujet du point de vue de ce que nous pouvions atteindre de façon réaliste, ou que nous espérions atteindre, il y a cinq ou dix ans lorsque nous réexaminions sans cesse ces problèmes liés à l'OPANO. J'aimerais connaître les avantages et les désavantages de ce que nous voyons maintenant par rapport à ce que nous espérions atteindre avant le début du processus.
J'aimerais mettre en lumière certaines questions essentielles relativement aux modifications. Il s'agit de peser le pour et le contre. D'abord, j'aimerais noter qu'une grande partie des modifications concerne un processus de modernisation de la structure de l'OPANO afin qu'elle soit compatible avec l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. Les modifications visent à amener l'OPANO à être conforme aux principes et aux processus qui sont prévus dans l'Accord des Nations Unies, lequel place nos OGP, ou organisations de gestion des pêches, dans un contexte international plus vaste. Le professeur McDorman et moi sommes plutôt sceptiques en ce qui concerne les principes de la gestion d'écosystèmes et de la méthode axée sur la précaution. En fait, à certains égards, j'ai moins de réserves que M. McDorman. Nous voyons certains avantages dans l'approche de gestion des écosystèmes et de l'adoption de zones interdites. Nous aurions pu y arriver sans cela, mais ces méthodes sont adoptées, et il s'agit d'un pas dans la bonne direction en matière de gestion des habitats plutôt que de faire uniquement de la gestion des stocks de poissons.
Il y a des avancées en ce qui a trait à l'intégration d'obligations concernant l'État du pavillon dans certaines parties de l'accord. Une des raisons des échecs cuisants relativement à la gestion des pêches en haute mer découle du fait que les États du pavillon n'ont pas réussi à réglementer et à contrôler leurs navires de façon appropriée. Sans entrer dans les détails, le fait d'intégrer les principes de l'Accord des Nations Unies nous permet d'avoir recours de façon plus concrète au processus de règlement des différends. Cela permet de relancer les pays qui refusent systématiquement de contrôler leurs navires.
Les obligations concernant l'état du port sont intégrées — cela ne représente pas un grand changement. Mais il s'agit probablement d'un des secteurs dans lequel l'OPANO et la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est ont le mieux réussi à régler les problèmes liés aux pêches non réglementées avec des pays ne faisant pas partie de l'OPANO. La procédure de contestation pose toujours problème. Au moins maintenant, des critères ont été établis et il faut donner des raisons pour présenter une contestation. Ces raisons se limitent à deux catégories: la compatibilité avec la convention et la possibilité de discrimination envers un pays en particulier. Ce n'est peut-être pas tout ce que nous souhaitions, mais c'est indéniablement un pas en avant par rapport à la situation antérieure.
De la même façon, le processus de règlement des différends, qui s'applique de façon alambiquée au processus de contestation, est un des éléments que nous voulions obtenir il y a plusieurs années. Encore une fois, ce n'est peut-être pas tout ce que nous souhaitions, mais cela permet d'avoir recours à un processus de règlement des différends obligatoires.
Ce sont tous des éléments positifs, même si leur fonctionnement dépend de la volonté politique des pays concernés.
J'ai encore des questions par rapport à certains éléments. Le processus de contestation existe toujours. Je ne pense pas qu'il soit probable qu'une organisation de gestion des pêches puisse s'en défaire tout à fait. La possibilité d'ignorer l'avis des scientifiques existe toujours, mais il y a des exigences relativement à la collaboration. Je ne pense pas qu'on veuille rendre obligatoire l'adoption des avis scientifiques. Cela ne se fait pas dans la plupart des cas, et même s'il faut y porter une attention sérieuse, l'adoption obligatoire de ces avis ne serait pas la meilleure chose à faire.
Également, il y a eu la question du vote majoritaire aux deux tiers plutôt qu'à la majorité simple. Cela m'a beaucoup préoccupé il y a quelques années lorsqu'on en a fait la proposition pour la première fois. Par la suite, j'ai vu des arguments qui m'ont quelque peu convaincu que cela pourrait avoir des avantages pour le Canada auxquels je ne m'attendais pas. Cela pourrait faire en sorte d'empêcher que certaines mesures soient adoptées lorsque nous ne les voulons pas, tandis que je croyais que ce serait un obstacle à l'adoption de mesures que nous désirions. Je pense qu'il y a matière à argument.
Une autre question, qui je le sais a été soulevée devant ce comité et certainement dans la presse et ailleurs, porte sur le potentiel des mesures à être appliquées à l'intérieur de la zone de 200 milles canadiens. M. McDorman et moi serions certainement heureux de répondre à vos questions à ce sujet.
Ce sont les éléments positifs et négatifs tels que je les perçois. Ce que j'ai essayé de faire, c'est d'examiner le résultat de ces négociations — et je suis d'accord avec ce qu'a dit M. McDorman, c'est-à-dire que ce ne sont pas des négociations où on peut uniquement faire des demandes, il faut également négocier. Je pense qu'avec ces modifications, nous avons fait du chemin. Je pense que bien des gens diraient, avec raison, que nous n'avons pas suffisamment progressé, mais en fait, voici le choix auquel nous faisons face et qui a été présenté par M. McDorman: à l'heure actuelle, soit nous reprenons tout à zéro, soit nous acceptons les amendements qui nous sont présentés.
Je vais m'arrêter ici. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci. Je ne souscris pas à vos derniers propos.
Vous avez dit que des améliorations pourraient de toute évidence être apportées. L'une des options que vous n'avez pas envisagée, monsieur McDorman, c'est de refuser ce traité et de tout recommencer depuis le début. Il nous a fallu 30 ans pour en arriver là. Il semblerait qu'aucune modification n'a été apportée aux constitutions de la Convention de l'OPANO de 1978 à 2009, et comme nous n'y sommes toujours pas arrivés, cela pourrait prendre encore quelques années. De façon réaliste, force est de constater que si nous approuvons la nouvelle convention, il faudra attendre encore 30 ans avant de pouvoir apporter d'autres améliorations ou modifications à la Convention de l'OPANO. Je me livre peut-être à des conjectures, mais il va sans dire que les choses n'avancent pas rapidement.
L'une des options qui s'offrent à nous consiste à retourner à la table des négociations, rejeter la nouvelle Convention de l'OPANO et tenter d'obtenir d'autres améliorations. L'une d'entre elles pourrait être, selon moi, d'inclure une disposition de la Convention sur le droit de la mer, qui octroie des pouvoirs accrus aux États côtiers. Si une infraction grave a été signalée, en vertu de la Convention sur le droit de la mer, on doit en informer l'État du pavillon. Si celui-ci ne fait rien, en vertu de la convention, l'État responsable de l'inspection peut faire rentrer le navire à son port, au besoin. Or, cette disposition n'existe pas dans la nouvelle Convention de l'OPANO. C'est l'État du pavillon qui demeure seul responsable d'appliquer la loi et d'intenter, au besoin, des poursuites judiciaires contre le navire dont on suppose avoir contrevenu gravement aux politiques de conservation ou aux règles de l'OPANO. Pourquoi ne pas opter pour la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer plutôt que pour une version édulcorée de l'OPANO?
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C'est blanc bonnet et bonnet blanc. Je ne crois pas qu'il y ait une grande différence.
Vous avez dit en terminant que l'accord d'exécution de 1995, qui se rapporte à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, permet à un État côtier d'intenter des poursuites. C'est faux. Rien de ce genre n'est prévu dans l'accord de 1995. Rien dans la Convention sur le droit de la mer de 1982 ne permettrait au Canada d'intenter des poursuites contre un navire ayant contrevenu à un règlement de l'OPANO à l'extérieur de la limite de 200 milles marins. Rien dans le droit international ne le permet, à moins que l'État du pavillon — l'exception confirme la règle — n'en fasse la requête d'une quelconque façon.
Ce dont vous parliez ne figure donc pas dans la loi. Rien dans la Convention de l'OPANO ne le prévoit non plus, mais ce n'est pas tellement surprenant. Les pays ne sont pas disposés à se départir de leur pouvoir d'intenter des poursuites contre les navires en haute mer.
Toutefois, vous aviez raison de dire qu'il existe certaines dispositions dans l'accord de 1995, l'accord sur les stocks de poissons, qui prévoient qu'en cas de violation des règles de l'OPANO — c'est l'exemple qu'on donne —, l'État inspecteur peut, dans certaines circonstances, ramener le navire au port pour mener une enquête, et ainsi de suite. Or, on ne prévoit aucun pouvoir de poursuite.
Si je comprends bien, les amendements à la Convention de l'OPANO ne font pas état des dispositions actuelles d'inspection et d'application, mais les lignes directrices et les principes directeurs en vigueur reprennent la plupart des dispositions de l'accord de 1995. Je pense que tout ce qu'on gagnerait à renégocier ce point, c'est une disposition qui existe déjà d'une certaine façon dans la Convention de l'OPANO.
En outre, aucune autre entente sur les ressources halieutiques à l'échelle internationale n'a inclus dans ses documents constitutifs des dispositions aussi détaillées sur l'inspection des pêches et l'application de la législation sur les pêches. On donne ce pouvoir à la commission ou à l'organisation elle-même, et cela devient une entente négociée et distincte.
Pour répondre à votre question, je ne crois pas qu'on accomplirait beaucoup plus avec l'accord de 1995 sur la question de l'application de la législation sur les pêches qu'avec la Convention de l'OPANO. En outre, il est peu probable qu'on veuille entrer à ce point dans le détail dans un document constitutif sur les ressources halieutiques.
Revenons à ce que vous disiez plus tôt, puisque vous vous demandiez si ce traité serait en vigueur pendant 30 ans. C'est difficile à dire, alors je vous comprends très bien. On ne peut pas savoir. Je sais toutefois que les organisations sur les pêches, comme l'OPANO, font maintenant l'objet d'un examen consensuel à l'échelle internationale, donc si les choses venaient à changer, j'imagine que des pressions importantes seraient exercées pour qu'on modifie la Convention de l'OPANO. J'oublie que l'organe des Nations Unies s'en charge, mais il surveille... Un processus de reddition de comptes a été mis en place aux Nations Unies pour voir comment fonctionnent les organisations régionales de gestion des pêches, afin que des changements soient apportés à la Convention de l'OPANO si celle-ci ne fonctionne pas adéquatement ou si on a constaté des changements considérables dans l'évolution du droit international en matière de ressources halieutiques.
Or, je comprends ce que vous voulez dire. Nous traversons une période très difficile, et nous avons beaucoup de mal à clore ce genre de dossiers. Cela peut prendre de nombreuses années.
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Votre témoignage cet après-midi contredit les autres avis juridiques que le comité a reçus, mais je vous remercie. Nous le comprenons.
L'autre chose, c'est que contrairement à un différend commercial, un différend biologique ou un différend relatif à une ressource renouvelable, cela dépend de la fécondité et du recrutement sur une base annuelle, sur une base saisonnière. Les différends sont souvent dévastateurs pour cette fécondité et ce recrutement. Plus particulièrement, ce que je dis, c'est que s'il y a un différend relatif à une ressource halieutique, il vaut mieux la résoudre tout au moins au cours de la même année civile, préférablement quelques semaines après la présentation de l'opposition, car s'il y a surpêche, on ne peut pas vraiment revenir en arrière. S'il y a surpêche, on épuise les stocks.
En tant qu'avocat, vous pouvez comprendre la réalité. Au bout du compte, serait-il possible de résoudre la procédure d'opposition de façon exécutoire quelques jours, quelques semaines, quelques mois ou quelques années après l'introduction d'une opposition si un pays qui s'oppose a recours à toutes les options possibles dans le cadre de la procédure d'opposition de l'OPANO?
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J'aurais quelques observations à faire.
Je conviens que la procédure internationale de règlement des différends prend généralement du temps, mais on tente ici de raccourcir ce processus. Je pense que même si ce n'est pas intuitivement satisfaisant, je pense que c'est pour cette raison entre autres qu'on tente depuis de nombreuses années de rendre la procédure d'opposition plus transparente et de faire les choses plus ouvertement. Ce que le processus du groupe d'experts permet de faire, c'est d'avoir une option qui permet de « nommer et blâmer ». La plupart des pays ne veulent pas vraiment être étiqueter de cette façon, et c'est donc une façon de régler le problème assez rapidement.
L'autre observation que je voudrais faire, c'est qu'il est vrai qu'il serait possible d'introduire une opposition à un quota le plus rapidement possible. Je ne suis pas certain cependant, et je m'en remets aux biologistes à cet égard, que tous les dommages et les torts irrémédiables sont nécessairement faits au cours de la première année d'une opposition à un quota qui excède une certaine quantité. Les dommages irréparables qui ont été faits aux pêches de la côte Est ont pris beaucoup plus de temps que cela. Le processus pourrait en fait toujours être utile dans ce contexte, même si, comme M. McDorman l'a dit, il est loin d'être parfait.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs. On est dans un domaine à la limite du droit international. On est entre nations qui, avec une certaine bonne foi, tentent de négocier un texte sur des eaux qu'on considère internationales.
Monsieur McDorman, vous avez touché un point majeur quant au genre de négociations dans lesquelles on s'engage avec les autres nations, en disant que nous avons plus à perdre que les Européens et les Américains. Donc, nous sommes coincés, en quelque sorte.
En quoi sommes-nous un peu plus coincés que les autres et en quoi cela peut-il fausser le jeu des négociations?
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Je vais commencer, et si le professeur McDorman veut ajouter quelque chose, il le fera.
Je pense que l'aspect fondamental ici, c'est que les espèces de poissons les plus intéressantes se trouvent dans des zones adjacentes aux nôtres. On part essentiellement du principe que si l'OPANO n'est pas là, comme l'a dit le professeur McDorman, alors il s'agit de haute mer. Une des choses que l'on a proposée au moment où l'on encourageait la gestion axée sur la conservation, c'est que l'on quitte l'OPANO. Le problème, c'est que si on se retire de l'OPANO, on perd non pas notre zone de compétence, mais les hautes mers et le laxisme que cela comporte.
Je pense que les Européens et d'autres sont sans doute tout à fait conscients du fait que tout ce qui reste dans un avenir proche, c'est une forme d'OPANO, et ils peuvent jouer là-dessus. Leurs pêches ne nous intéressent pas. On ne peut pas avoir cette monnaie d'échange. Donc le pouvoir de négociation, la position par défaut, en ce qui concerne le contexte juridique et les intérêts économiques est entre leurs mains, ou entre les mains du statu quo. C'est une façon de voir les choses.
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Ce n'est pas le premier contentieux entre nations relativement à la gestion de stocks marins. On a l'océan Atlantique. Le traité touche des eaux qui sont plus proches de nous que de l'Europe. Mais, à l'inverse, l'Islande a dû se protéger de l'envahissement de sa zone de pêche à la morue. J'imagine que la Grande-Bretagne et d'autres pays, comme la France ou l'Espagne, ont aussi des eaux contiguës, ce qui a dû entraîner des négociations.
J'aimerais comprendre notre position par rapport à tout ce qui a été fait ou à ce qui ne l'a pas été, et sur les résultats qu'on a obtenus, malheureusement. Compte tenu de la souveraineté de chacun des pays, ne finit-on pas par souhaiter qu'on fasse preuve de bonne foi quelque part? Malheureusement, cette bonne foi ne risque pas de s'exprimer, compte tenu de l'intérêt financier et le désir de prendre le plus de poisson possible dans une courte période de temps.
Finalement, ne sommes-nous pas coincés dans les négociations, où chacun procède à sa façon? En fin de compte, nous nous retrouvons avec des nations qui ne veulent rien entendre et qui n'entendront jamais rien qui ait de l'allure par rapport à la conservation de la ressource. Ce qu'on vit avec l'OPANO, on l'a vécu ailleurs.
Comment pouvez-vous comparer tout ça?
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C'est très difficile. Je dirais que la plupart des pays en négociation au sein de l'OPANO étaient de bonne foi et avaient la conservation à coeur. Après tout, s'il n'y a plus de poisson à pêcher, il n'y a plus de poisson à pêcher. Tous les pays — les Européens, les Islandais ou les Norvégiens — membres de l'OPANO font preuve de bonne foi.
Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, ce qui est intéressant, c'est que ces organisations commencent à se ressembler, peu importe si elles sont dans le même bateau que le Canada. Au large des côtes australiennes, l'Australie est dans la même situation que nous et pourtant, les ententes en place sont très semblables à celles de l'amendement de l'OPANO. Cela indique que dans un scénario, les Européens ont l'avantage et dans l'autre, non. Nous avons une entente semblable.
Je ne suis pas tout à fait d'accord. Je crois que ces pays font preuve de beaucoup de bonne volonté. Évidemment, ils ont tous leurs propres intérêts — tous les pays ont leurs propres intérêts —, mais la plupart veulent qu'il reste du poisson. Je ne suis pas un spécialiste de l'Europe, mais on observe un changement important dans le comportement des Européens en ce qui concerne les pêches. Évidemment, cela n'est toujours pas parfait.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, merci d'avoir témoigné aujourd'hui.
Je tiens à préciser que je suis un habitant de la côte ouest qui vit sur la côte est en ce moment.
D'abord, messieurs, vous avez dit que tous les pays avaient un intérêt dans les stocks de poissons. J'ai vu beaucoup trop d'exemples de pays qui ont pillé les stocks et ont pêché du poisson alors qu'ils n'étaient pas censés le faire et qui ont essayé de s'en tirer, au point où je ne sais pas s'ils se sont vraiment rachetés. J'espère que oui. J'espère qu'ils ont compris que l'appauvrissement des stocks de poissons n'est pas seulement nuisible pour eux, mais aussi pour toute la planète. J'espère qu'on aura l'optimisme qu'il faut pour le faire, parce que vous avez raison, sans les stocks de poissons, il n'y a pas d'OPANO. On n'a plus besoin de se soucier de quoi que ce soit.
Vous avez dit avoir entendu l'avis de plusieurs savants à ce sujet. Est-ce que les Applebaum de ce monde ont tout simplement tort lorsqu'ils évoquent l'article 6 des amendements proposés selon lesquels, à la demande du Canada, il pourrait y avoir une gestion de l'OPANO à l'intérieur de la zone des 200 milles marins? D'après les préoccupations qu'il a soulevées à ce sujet et que les trois autres personnes ont évoquées, cela semble être le sujet le plus important, outre la question de la majorité aux deux tiers. Vous avez raison, il y a des arguments pour et des arguments contre la majorité aux deux tiers. L'article 6 semble être le plus contentieux. Ils disent qu'il faudrait l'enlever de l'ébauche. Est-ce qu'ils se trompent ou est-ce qu'ils ont raison?
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Peut-être la disposition me perturbe-t-elle moins que M. McDorman. Après m'être efforcé d'envisager des scénarios où elle pourrait constituer un véritable problème, je constate qu'il faudrait décidément toute une chaîne d'événements avant que quelque chose de vraiment grave ne se produise. Vu que le gouvernement canadien détient un contrôle intégral, comme M. McDorman l'a signalé au Sénat, il existe une disposition très semblable dans le traité de la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est, disposition s'appliquant aux Européens, si bien qu'elle ne les préoccupe pas.
Je comprends les inquiétudes quant à ce qu'il peut être nécessaire de céder en échange, ainsi que les craintes de témoins y voyant un argument massue en cas de négociations commerciales, ou encore un compromis. Toutefois, en vertu de la Convention sur le droit de la mer, nous sommes déjà tenus, en théorie, d'accorder un accès aux pêches excédentaires. C'est une obligation à laquelle nous avons toutes sortes de façons de nous soustraire, ce que nous avons d'ailleurs fait avec succès. Mais ce n'est pas vraiment une idée nouvelle. L'obligation existe sous d'autres formes et n'a pas constitué un problème.
Je me suis également efforcé de concevoir quelle aurait pu être l'utilité de ce que le Canada aurait pu souhaiter. J'imagine qu'il aurait pu faire pression, par exemple, pour l'établissement d'une zone protégée à cheval sur la limite extérieure. Cela permettrait d'insister sur ce point et de faire preuve de bonne foi, vu que nous voulons que cette zone, cet habitat, soit protégée en dehors de la limite, comme à l'intérieur de la limite, et que nous sommes disposés à y appliquer une même mesure.
Il faut vraiment une imagination échevelée pour y voir une mesure redoutable, même si ce n'est pas une disposition que nous aurions recherchée de notre côté.
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Bon. Je vais vous poser une dernière question, puisqu'on va bientôt m'interrompre.
Pour moi, la gestion axée sur la conservation tient simplement au fait que le nez et la queue des Grands Bancs sont reliés à la plate-forme continentale, ce qui amène des interrogations juridiques sur la possibilité d'élargir la limite des 200 milles afin qu'elle couvre cette zone. Il s'agit d'arguments juridiques que je serais en mal de présenter correctement. Il y avait toutefois une certitude: que nous pourrions toujours avoir des quotas de pêche assurés par l'OPANO, quels que soient ces quotas. Quand les Portugais, les Espagnols ou d'autres arrivaient et pêchaient leur quota, nous devions être en mesure de monter à bord du navire, d'effectuer un suivi et de veiller à ce qu'ils respectent leur quota. S'ils étaient conformes, on leur souhaitait bon vent. Si non, ils devaient se rendre à St. John's pour une petite discussion. C'est ainsi, plus ou moins, que je concevais la gestion axée sur la conservation.
La ministre a dit — je paraphrase — que nous avons déjà la gestion axée sur la conservation dans le cadre de l'entente de l'OPANO. C'est ce qu'elle a dit. A-t-elle raison? L'OPANO nous garantit-elle la gestion axée sur la conservation? Et ma version de cette gestion est-elle trop simpliste?
Vous pouvez être franc. Allez-y.
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Comme je l'ai dit plus tôt, le problème de la gestion axée sur la conservation, c'est qu'il ne s'agit pas d'une expression juridique, mais d'une expression politique inventée à un moment donné pour justifier une prise de position.
J'ai lu l'évaluation de la situation actuelle effectuée par la ministre, et j'estime pouvoir dire qu'il y a eu redéfinition: qui dit gestion axée sur la conservation dit maintenant OPANO. Or, les débats sur la gestion axée sur conservation, quand l'idée a d'abord été présentée, la décrivaient comme étant quasiment l'opposée de l'OPANO.
Je ne crois pas que la situation actuelle corresponde en fait à la description qu'on faisait de la gestion axée sur la conservation à la fin des années 1990 ou au début des années 2000. Par contre, ce n'est pas, selon moi, nécessairement une mauvaise chose, vu que nous n'aurions jamais pu obtenir la gestion axée sur la conservation.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue, messieurs Saunders et McDorman.
Je dois vous avertir que le matériel de communication n'est pas très bon. En effet, je vous ai entendu dire que vous étiez sur la « mauvaise côte », et je sais que vous vouliez dire sur la « meilleure côte », n'est-ce pas?
Vous partez de cinq principes pour arriver à vos conclusions — j'imagine que je m'adresse plutôt à vous, monsieur McDorman. J'aimerais les passer en revue, parce qu'à mon avis, elles résument notre orientation, et je veux m'assurer d'avoir bien compris.
La première proposition — et j'essaye de vous citer, ou du moins de vous paraphraser — c'est que les pays, y compris le Canada, s'intéressent à la conservation. En effet, quand il n'y a plus de poisson, il n'y a plus de poisson. C'est le premier postulat.
Deuxièmement, en matière de stocks chevauchants et d'autres stocks, le Canada ne peut pas faire cavalier seul. L'un d'entre vous a dit que les organisations de gestion des pêches coopèrent de plus en plus. Je crois que c'était M. Saunders. Nous ne pouvons pas réussir seuls.
Troisièmement, il existe une différence entre les résultats souhaités et les résultats réalistes. On ne peut pas simplement faire des demandes; il faut négocier. Encore une fois, c'est vous qui l'avez dit, monsieur Saunders. Il existe une différence entre ce que l'on souhaite et ce que l'on peut réaliser.
Quatrièmement, il faut absolument tenir compte des objectifs minimums, comme le maintien d'une forme quelconque du traité de l'OPANO. Nous avons progressé et le chef de file semble être l'OPANO. C'est l'un de vous deux qui l'a dit. Donc, nous tenons quelque chose. C'est mieux que rien.
Cinquièmement, le fait d'être signataire d'un traité nous fournit des mécanismes de reproche mutuel: personne ne veut être mis hors jeu.
Ai-je bien résumé les cinq hypothèses qui vous ont mené à vos conclusions? Est-ce pour toutes ces raisons qu'il vaut mieux accepter cette Convention modifiée de l'OPANO plutôt que les autres options?
Je crois que vous avez mis le doigt sur le problème, c'est-à-dire que nous avons besoin de l'OPANO. En tout cas, il nous faut quelque chose de semblable. En ce qui concerne la conservation, en effet, nous ne pouvons agir seuls. Au Canada, nous nous sommes attardés à ce que nous souhaitions, à ce que nous demandions, plutôt que d'examiner ce qui était négociable et réaliste. Nous avons tendance à surestimer nos capacités de négociation et notre position.
En effet, nous avons progressé. Selon d'autres organisations, nous avons fait beaucoup de progrès grâce aux amendements à la Convention de l'OPANO. Ils permettent de suivre de près ce qui se fait dans le cadre des autres ententes. C'est enfin ce que j'en conclus.
Pour répondre à votre question, oui, je crois que ce sont les cinq hypothèses qui justifient ma position.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, merci d'être venus. Je vous remercie de votre participation.
Monsieur McDorman, j'ai lu le témoignage que vous avez fait devant le comité sénatorial.
Monsieur Saunders, j'ai lu le document sur les options politiques que vous avez rédigé pour la Commission royale de Terre-Neuve-et-Labrador, et j'aimerais préciser certaines des choses qui y figurent. Le document que vous avez rédigé examinait plusieurs options politiques pour gérer les stocks chevauchants, entre autres choses. Parmi ces solutions, vous proposiez le prolongement unilatéral de la ZEE pour la gestion axée sur la conservation et une réforme de l'OPANO.
Dans votre document, je crois que vous avez dit que loin d'être une panacée, la gestion axée sur la conservation était au contraire plutôt risquée et que l'approche la plus réaliste et la plus productive serait de réformer l'OPANO.
Je me demande si vous êtes toujours de cet avis et si vous avez pu lire le témoignage du ministre des Pêches de Terre-Neuve-et-Labrador, qui nous a expliqué sa définition de la gestion axée sur la conservation et qui a fait valoir que c'est l'approche à préconiser dans le cadre de ces négociations.
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Je n'ai pas lu son témoignage, mais j'en ai lu d'autres.
Non, je n'ai pas changé d'avis sur la gestion de conservation, telle qu'on la décrivait en 2002-2003. C'était risqué à ce moment-là, le principal risque étant que nous allions perdre toute option de gestion au-delà des 200 milles et que nous aurions contre nous des intérêts très puissants. Des pays comme les États-Unis n'aiment pas beaucoup ce genre d'extension des limites territoriales. Il n'y avait pas de consensus international à ce sujet — il n'y en avait tout simplement pas.
La deuxième chose que j'aimerais dire, c'est que ce sera encore plus risqué aujourd'hui que ce l'était à l'époque, car lorsque j'ai rédigé ce document, nous n'avions pas ratifié la Convention sur le droit de la mer. Maintenant, c'est chose faite et nous sommes maintenant obligés d'avoir recours au mécanisme de règlement des différends, ce qui veut dire que nous n'avons plus l'option que nous avions lors de l'incident Estai, soit de porter l'affaire devant la Cour internationale de justice, par exemple. Nous serions obligés de nous soumettre aux procédures obligatoires de la Convention du droit de la mer, et nous n'aurions pas gain de cause. Je pense donc que c'est plus risqué maintenant que ce n'était à ce moment-là.
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Merci monsieur le président et merci au comité également. Bonjour à tous et à toutes.
Nous sommes heureux de vous présenter de l'information sur le rétablissement des stocks de poisson et sur la création de nouvelles possibilités économiques sur les deux côtes ainsi que dans l'Arctique dans l'avenir.
Nous avons préparé un exposé avec des diapos que nous avons également présenté ce matin à la ministre. Elle était très intéressée, particulièrement par les graphiques que nous lui avons montrés. Nous venons d'apprendre que notre exposé vous a été distribué, mais qu'il n'a pas été complètement traduit. Nous voudrions vous demander la permission, si c'est possible, de présenter ce document à l'écran aujourd'hui et au fur et à mesure que nous faisons notre exposé, parce que ça rend l'information beaucoup plus intéressante et claire. C'est également plus clair pour nous de vous l'expliquer de cette façon. Je crois savoir, qu'il sera complètement traduit par après. Si nous ne pouvons pas le présenter, nous accepterons cette décision, mais ce serait à l'avantage de tous de pouvoir le présenter à l'écran.
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Merci monsieur le président et les membres du comité de nous avoir invités.
Je voudrais commencer par dire que nous exploitons les ressources océaniques depuis des siècles. Et nous n'en sommes probablement pas à notre première crise. Pendant des siècles, nous pêchions de façon durable. La plupart des épuisements, des effondrements et des extinctions ont eu lieu au cours des 200 dernières années.
Au cours du XIXe siècle, ce sont essentiellement les mammifères et les oiseaux qui ont été surexploités et menés à l'effondrement. Au cours du XXe siècle, nous nous sommes également tournés vers les poissons à nageoires. Aujourd'hui, surtout dans les régions côtières, qui sont celles que j'ai le plus étudiées — c'est-à-dire les estuaires et les baies côtières — environ 7 p. 100 des espèces qui ont historiquement été pêchées ont été menées à l'extinction et environ 36 p. 100 se sont effondrées, ce qui signifie que leurs populations se situent à moins de 10 p. 100 de ce qu'elles étaient. Ce que nous pouvons apprendre de l'histoire, c'est qu'il ne faut pas uniquement tenir compte de l'ampleur des déclins. Historiquement parlant — et pour les poissons cela signifie essentiellement au cours des 50 à 100 dernières années — la plupart des espèces ayant une grande valeur et ayant été sévèrement exploitées ont vu leur population décliner à environ 10 p. 100 de leur biomasse antérieure. C'est-à-dire qu'il y a eu un déclin de 90 p. 100.
Comme je l'ai dit auparavant, en ce qui a trait aux mammifères et aux oiseaux, une grande partie de ces changements sont survenus au tournant du XXe siècle. Au début du XXe siècle, nous avons commencé à assurer la conservation de ces espèces. Nous avons commencé à mettre en place des mesures législatives pour protéger et pour aider ces espèces à survivre et éventuellement à se reconstruire. Je pense qu'on peut tirer des leçons d'un certain nombre de mammifères marins et d'oiseaux lorsque vient le temps de reconstruire des stocks de poissons. Bien des mammifères et des oiseaux dont la population avait été réduite à moins de 10 p. 100 de leur population antérieure ont maintenant rebondi jusqu'à 40 p. 100. Ils n'ont pas encore atteint leur abondance initiale, mais au moins ils sont sur la bonne voie.
Ce qui a surtout contribué à changer la situation de ces mammifères, ces oiseaux, et certaines espèces de poissons également, c'est le renversement des deux ou trois facteurs essentiels qui avaient conduit à leur épuisement. L'exploitation est un des principaux facteurs qui a conduit à l'extinction et à l'épuisement de plus de 90 p. 100 des espèces qui ont été épuisées. Le deuxième facteur en importance est la perte ou la dégradation de l'habitat. Dans bien des cas, plus d'un facteur est en jeu. Il n'y a pas que l'exploitation qui est en cause. C'est une combinaison due à l'exploitation et à la perte d'habitat qui a mené ces espèces au faible niveau de population.
Par conséquent, pour reconstruire ces espèces, nous aurions recours aux deux facteurs suivants: réduire l'exploitation et assurer une protection pour les zones d'habitat important servant à la reproduction, au fret, à la quête de nourriture et à l'alevinage. Cela s'est avéré très efficace, grâce à la protection juridique et grâce à la mise en forme de plans de gestion, du moins pour ce qui est des mammifères et des oiseaux. D'après moi, voilà les leçons que nous pouvons tirer de l'histoire pour ce qui est de la reconstruction.
J'aimerais également souligner que, ce qui se produit à l'heure actuelle au Canada atlantique ainsi que partout dans le monde, c'est un changement de direction des pêches aux poissons à nageoires vers les pêches aux invertébrés. Boris pourra parler davantage des poissons à nageoires.
Au Canada atlantique, par exemple, depuis les années 1990, les captures de poissons à nageoires ont connu un déclin tandis que les pêches aux invertébrés ont vraiment connu un accroissement de volume. Le volume des captures d'invertébrés a été multiplié par 10, tandis que l'accroissement de la valeur de ces espèces a été multiplié par 13.
Ces pêches, dans bien des régions, sont perçues comme étant de nouveaux types de pêches pionniers, et comme étant de nouvelles espèces de poisson que l'on peut capturer. Elles ont augmenté en valeur sur le marché mondial. Un bon nombre de ces espèces sont expédiées vers l'Asie. Un nombre croissant de petites collectivités dépendent de la pêche aux invertébrés pour gagner leur vie. Mais à l'heure actuelle, de mon point de vue, nous ne faisons pas un très bon travail pour contribuer au développement durable de ces espèces, et nous voyons de plus en plus souvent des cycles de prospérité et de débâcle, c'est-à-dire une expansion rapide de ces pêches et un épuisement rapide des stocks d'invertébrés.
Ainsi, nous avons récemment étudié les évaluations de stocks et les autres données disponibles sur ces invertébrés; nous avons également fait appel aux connaissances traditionnelles de la population pour déterminer la quantité de poissons, la réaction des espèces à la pêche, et la distribution des stocks. Ces paramètres de base que nous recueillons toujours pour les poissons ne sont même pas recueillis pour ces invertébrés qui sont exploités. L'exploitation de ces invertébrés peut créer de nouveaux marchés et de nouveaux emplois, mais nous n'utilisons pas une méthode d'exploitation qui permet d'assurer le développement durable de ces ressources.
Ce sont là mes commentaires.
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Je vais poursuivre. Heike vous a présenté le contexte historique. Elle est historienne en matière d'environnement, elle a raconté en détail les changements qui se produisent dans le secteur des pêches et les changements écosystémiques qui en découlent. Quand on parle de pêche, habituellement le public s'attend à de mauvaises nouvelles. On pense tout particulièrement à l'effondrement des stocks de certaines espèces, la fermeture de pêches et des choses du genre. Comment renverser la situation? Comment faire de tout cela une réussite?
À notre avis, la gestion doit être réorientée, pour passer d'une gestion axée sur l'exploitation des ressources halieutiques à une gestion qui vise le rétablissement des stocks. C'est ce qu'indique le titre de notre document: « La gestion de nos pêches et de nos océans vers un rétablissement ». Ce n'est pas un rêve chimérique. Il s'agit de choses qui se font actuellement aux États-Unis, en fait qui se produisent depuis déjà les 10 dernières années, et dans d'autres régions du monde, dans un nombre croissant de pays qui ont adopté une perspective à long terme et qui veulent assurer la pérennité des océans et des ressources océaniques ainsi que celle des collectivités qui en dépendent.
Nous avons récemment constitué un groupe d'experts au National Center For Ecological Analysis And Synthesis à Santa Barbara, une organisation indépendante financée par le NSF. Nous avons invité ceux qui sont à mon avis les grands experts en matière de pêches et de milieux marins de cinq continents, des gens qui sont à la fine pointe de la science et qui connaissent les situations régionales dans tous les continents. La conclusion de ces séances de remue-méninges est qu'il est possible de ramener des stocks, non seulement au point de vue historique mais en temps réel. Il faut habituellement moins d'une décennie, et divers outils existent qui vous permettent d'atteindre cet objectif. Ces outils doivent être utilisés de façon intelligente dans le but de réduire un paramètre très important, ce qu'on appelle le taux d'exploitation.
Le taux d'exploitation est la quantité ou le nombre de poissons ou d'invertébrés qui sont retirés des écosystèmes chaque année, par rapport à la quantité disponible; c'est la proportion. Ainsi si nous retirons 10 p. 100 par année, ou 40 p. 100 par année, c'est alors le taux d'exploitation. Nous avons démontré que traditionnellement, en fait dans pratiquement tous les cas — l'Alaska étant une exception — nous avons dépassé les objectifs traditionnels visant un taux d'exploitation lié au rendement maximal. L'objectif traditionnel est enchâssé dans notre loi et dans les lois et conventions des Nations Unies, c'est-à-dire qu'il fallait essayer d'assurer un système de gestion en fonction du rendement maximal, soit les prises maximales qui sont durables au fil des ans. Nous avons appris que ces cibles étaient trop élevées et qu'on les a dépassées tant au Canada qu'ailleurs. Cela veut dire qu'avec ces dépassements vous perdez une partie de la ressource et tout cela a un impact dramatique sur l'écosystème, ce que Heike et d'autres intervenants ont déjà démontré.
Comment s'éloigner de ce genre de pratique? Comment réduire? Nous avons constaté qu'il fallait une série d'outils de gestion efficaces qui ont été utilisés dans le monde entier et qui sont utilisés en fait dans une certaine mesure, au Canada. Nous jugeons cependant qu'ils doivent être utilisés de la façon la plus efficace.
On peut répartir les solutions dans deux grandes catégories. Tout d'abord il y a les outils traditionnels qui prennent la forme de restrictions: la restriction quant aux prises totales, les restrictions au niveau de l'effort total, soit le nombre de jours en mer, les restrictions quant au nombre d'embarcations, soit la capacité de pêche; les zones où l'on peut pêcher, c'est-à-dire des zones où la pêche est interdite; puis les restrictions au niveau des engins de pêche. Il s'agit là des cinq solutions traditionnelles. Puis viennent s'ajouter trois nouvelles solutions qui deviennent de plus en plus populaires à l'échelle internationale. Il y a les parts ou les allocations des prises, qui permettent de garantir à long terme une part des prises aux pêcheurs, peu importe le niveau de ces prises. Ainsi, au lieu de surexploiter les ressources, les intervenants veulent gérer les ressources de façon durable. Je vous donnerai un exemple dans quelques instants.
La deuxième solution est la cogestion communautaire, où les collectivités collaborent en fait avec le gouvernement pour élaborer leurs propres plans de gestion; enfin, la troisième solution est la certification — par exemple l'étiquette offerte par le MSC pour les pêches durables.
Permettez-moi de vous donner deux exemples. Au sud de la frontière canado-américaine se trouve une zone où les espèces sont exploitées également par des pêcheurs canadiens, qu'on appelle le Banc Georges. Les ressources halieutiques de cette zone commençaient à connaître les mêmes problèmes que les stocks de morue du Nord et autres stocks de poissons de fond de la région atlantique, des problèmes qui se manifestaient depuis déjà une quarantaine d'années, et allaient connaître la même baisse en raison de la surpêche étrangère des années 1960 et 1970; puis il y a eu rétablissement des stocks lorsque l'on a adopté la zone de 200 milles. On a alors forcé les bateaux étrangers à quitter la zone. Après cette amélioration de l'état des stocks ces derniers ont connu des diminutions importantes parce que les Canadiens ont augmenté leur capacité de pêche.
En 1994, lorsque les stocks canadiens ont commencé à s'effondrer, le gouvernement a lancé un plan de rétablissement. Ce plan comportait trois volets: la réduction de l'effort de pêche, soit les jours en mer; la création de deux zones interdites à la pêche et enfin des restrictions concrètes imposées à certains engins de pêche.
En 1995, le stock a commencé à se rétablir et en fait il est aujourd'hui 10 fois plus important et continue à augmenter. Les pêcheurs canadiens avec qui je parle de la question tirent profit de cette augmentation des stocks parce que le Banc Georges est en partie dans les eaux territoriales canadiennes. Ils me disent que cela leur fait penser à la pêche du bon vieux temps. Ils n'ont jamais vu autant de poissons et tout cela est attribuable à une stratégie de rétablissement des stocks qui faisait appel à divers outils, qui avait une cible claire, et des échéanciers précis.
Bref, je crois que la communauté scientifique en vient à un nouveau consensus. Nous avons rassemblé des intervenants qui n'étaient pas du même avis, des spécialistes de l'écologie marine comme moi, des scientifiques des pêches comme Ray Hilborn et d'autres intervenants qui par le passé nous avaient critiqués. Nous nous sommes réunis pour mettre sur pied cette trousse d'outils qui permettrait de rétablir les stocks. Tous reconnaissent que la surpêche a mené à l'épuisement d'un bon nombre de stocks et d'écosystèmes. La solution au problème est de réduire la pression de la pêche pour obtenir de meilleurs résultats écologiques et économiques. Il existe nombre d'exemples des avantages que tirent les pêcheurs sous forme d'augmentation du revenu grâce à la stabilité accrue de la ressource. On reconnaît de plus en plus que l'on doit multiplier les efforts visant à rétablir la diversité et les stocks. Pour ce faire, il faut adopter une approche plus générale que par le passé et utiliser les divers outils de gestion dont je vous ai déjà parlé.
J'étais à Washington la semaine dernière, Washington D.C., et j'ai vu à quel point les décideurs étaient excités par l'impact d'une mesure législative adoptée il y a environ 10 ans, le Magnuson-Stevens Act, et qui a été reconfirmé il y a deux ans. Cette loi a permis le rétablissement des stocks américains. Elle prévoit une structure de gestion du rétablissement des stocks assortie de cibles et d'échéanciers précis, j'entends par là les cibles prévues pour le rétablissement des stocks, et le moment où cette cible doit être atteinte.
J'aimerais terminer en vous présentant une analogie. À mon avis c'est un peu comme si on voulait reconstruire une maison qui est en train de s'effondrer. Que vous faut-il? Bien il vous faut une cible, un plan, et un échéancier que vous présentez à votre entrepreneur. Vous ne pouvez pas simplement dire que ça se fasse sans fixer un échéancier. Il faut que ça se fasse soit cette année soit l'année prochaine. C'est ce qu'ont fait les États-Unis, et c'est ce que le Canada devrait faire. Le rétablissement, s'il y a lieu, est un processus politique ici. Cependant il n'est pas assorti de cibles et d'échéanciers. Nous avons parlé un peu plus tôt aujourd'hui à la ministre du sujet et elle s'intéressait à la revitalisation de la Loi sur les pêches, parce que de cette façon l'accent sera mis plus sur la biologie que sur la pression politique.
Enfin, j'aimerais signaler que la haute mer et les pêches émergentes dont Heike a parlé demeurent d'importants défis, non seulement pour le Canada mais pour les autres pays. Comment pouvons-nous composer avec les pressions exercées sur les stocks de la haute mer comme ceux du thon, du voilier et du requin? Que faire des espèces émergentes comme le concombre de mer qui est à un des échelons les plus bas de la chaîne alimentaire, une espèce qui n'était même pas entrée en ligne de compte quand on pensait aux pêches traditionnelles? Il s'agit là de questions scientifiques importantes sur lesquelles nous devons nous pencher; nous devons également tenir compte des changements politiques qui se produisent.
Je vous remercie de nous avoir écoutés.
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Ce n'est pas exactement cela. À titre de précision à l'intention des membres du comité, l'étude de 2006 a été entreprise pour mieux comprendre les incidences des lois concernant la biodiversité, notamment la pêche, sur le bien-être des humains; mais il y a d'autres choses, comme la qualité de l'eau et d'autres enjeux, dont nous traitions dans notre article. Nous avons traité de façon assez générale les avantages des océans pour la société — les avantages économiques, entre autres — et les incidences de la disparition des espèces sur ces avantages. Nous avons démontré que, dans le domaine des pêches à l'échelle mondiale — et ce fait n'a pas été réfuté ni discuté —, on a pu voir au cours des 50 dernières années une augmentation de la proportion d'espèces effondrées ou exploitées. C'est ce que démontrent les données de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ainsi que d'autres données. Cet aspect n'a pas été contredit. Ce que nous avons dit dans l'article, c'est que si et seulement si cette tendance que nous avons observée, tout comme d'autres, pouvait se poursuivre pendant encore 50 ans, nous finirions par manquer d'espèces de poissons. C'était un scénario.
Les médias ont rapporté, j'en conviens, que les stocks de poissons disparaîtraient d'ici 2048, ou quelque chose comme cela, mais ce n'est pas ce que nous avons dit. Il ne s'agissait que d'un scénario fondé sur la poursuite éventuelle de cette trajectoire historique.
Des scientifiques spécialisés dans le domaine des pêches ont formulé des critiques en disant que cette trajectoire constituait peut-être une trajectoire mondiale générale de surexploitation, mais quelques régions s'en sont détournées et gèrent leurs pêches avec pour objectif le rétablissement des stocks de poissons.
Le nouvel article, publié également dans Science, est intitulé « Rebuilding Global Fisheries »; il se penchait sur les réussites, en quelque sorte, de façon plus détaillée et cherchait à déterminer ce que l'on pouvait apprendre de ces réussites. Il est certain qu'il y en a peu, mais elles sont éducatives et nous disent comment changer nos tendances destructrices. Selon nous, il était important d'en parler.
Ce qui est important, dans ce document, c'est que nous avons répété l'analyse de l'augmentation de l'effondrement des stocks, comme nous l'avions indiqué en 2006. Nous avons utilisé d'autres sources de données indépendantes de celles que nous avions déjà, de meilleures sources de données que les données sur les prises utilisées en 2006; nous avons établi la même trajectoire. Cet aspect n'était donc pas contredit, et je ne reviens pas sur ce que j'ai dit.
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Ma position, comme celle du milieu scientifique en général, c'est que la zone de 200 milles est un outil de conservation extrêmement important qui permet aux États côtiers de bien gérer leurs ressources. Cela n'a pas toujours fonctionné, mais ça a été une mesure efficace dans certains cas.
La semaine dernière, à Washington, j'ai parlé à des décideurs qui veulent que leurs réussites servent de modèles à d'autres États, par l'intermédiaire d'organisations régionales de gestion des pêches ou directement, et que leur succès dans leurs eaux territoriales soit reproduit en haute mer.
Le thon rouge est un bon exemple que j'ai donné à la ministre ce matin. Le rétablissement a été une réussite incroyable pour l'aiglefin, dans la zone de 200 milles, et cela seulement parce que l'ensemble du stock se trouve dans cette limite de 200 milles.
Le thon rouge se trouve surtout dans les eaux territoriales des États-Unis. On en trouve dans le Golfe du Mexique, le long de la côte et jusqu'au Canada où on le pêche. Il traverse l'Atlantique où il est péché aussi. C'est un problème de diversité de stock. Il y a un stock dans la partie Est de l'Atlantique et un autre dans la partie Ouest.
Cette espèce fait l'objet d'un plan de rétablissement depuis onze ans, mais la biomasse a en fait un peu décliné, plutôt qu'augmenter, comme dans le cas de l'aiglefin. Les causes n'en sont pas biologiques, c'est plutôt la gestion par un organisme multilatéral qui a été inefficace dans la réduction de l'exploitation. C'est vrai pour la plupart des cas de stocks gérés internationalement. Il n'y a pas eu une volonté internationale suffisante pour réduire l'exploitation de ces stocks, comme le recommandaient les scientifiques.
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C'est un sujet très important qu'étudie sérieusement le milieu scientifique. Je vais vous donner un exemple. En mer du Nord, la morue est une ressource qui a toujours été très importante pour la région. Comme cette ressource chevauche les zones économiques exclusives de divers pays, la morue a fait l'objet d'une surpêche systématique et il est difficile d'obtenir de quelque pays que ce soit l'engagement de réduire ses prises. Si je comprends bien, tout récemment, les choses se sont un peu améliorées.
Pour ce stock, il y a donc une biomasse faible. Ajoutons à cela que les eaux de la mer du Nord se sont réchauffées au cours des 20 dernières années, de sorte que les aliments dont se nourrit la morue, et non pas ses prédateurs, se sont déplacés vers l'Islande, où il y a une autre sorte de morue. La morue de la mer du Nord n'a pas bien surmonté ces difficultés. Des données prouvent bien que ces modifications de l'écosystème, qui a forcé l'adoption de proies plus petites a eu un effet sur la survie de la morue juvénile. Il y a donc une double contrainte. La biomasse déjà affaiblie subit un accroissement de la mortalité des morues juvéniles, dont la survie est moindre, ce qui signifie que la ressource s'affaiblira encore davantage.
Pour un stock plus grand, produisant une classe d'âge plus forte, cela ne serait pas un problème. Si un changement climatique accroissait la mortalité, ce ne serait pas un problème. Mais pour un très petit stock, c'est un grave problème. Voilà pourquoi Keith Brander, du CIEM, a publié un article qui a fait beaucoup de bruit dans les Proceedings of the National Academy of Sciences au sujet de l'effet des changements climatiques sur les pêches. Il a dit que pour protéger les stocks de poisson contre un effondrement ou une détérioration due au changement climatique, on peut notamment reconstruire les stocks au-delà de la biomasse nécessaire au rendement maximal. C'est exactement ce que nous sommes venus vous dire. Nous déclarons qu'il faut le faire, parce que c'est avantageux du point de vue économique et parce que ça assure une stabilité accrue pour ceux qui exploitent la ressource. Il dit qu'il faut le faire aussi pour préparer les stocks à des variations environnementales accrues. C'est ce qu'on trouve dans de nombreux articles scientifiques, en rapport avec les fluctuations de ces stocks.
Les stocks sont donc sensibles au climat, et dans bien des cas, les problèmes sont aggravés par le réchauffement de l'eau. On peut contribuer à la reconstruction des stocks en augmentant la biomasse grâce à une stratégie de reconstruction. C'est la seule chose que nous puissions faire.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
Je vous ai demandé de comparaître devant le comité notamment parce que nous avons reçu au comité M. William Brodie, conseiller et coordonnateur scientifique principal de l'OPANO. Je présume que les quotas négociés par les pays de l'OPANO sont fondés sur des données scientifiques.
Madame Lotze, vous dites que nous manquons de connaissances et d'évaluations en ce qui concerne les invertébrés. Parliez-vous seulement du Canada ou du monde entier? Parce que d'après le témoignage reçu... Il a déclaré: « Le Conseil scientifique présente des avis à la Commission des pêches à propos de 18 stocks de poissons et d'invertébrés ». Ces données sont donc fournies à la Commission. Vous dites que nous n'avons pas suffisamment de données sur les invertébrés et pourtant, le Conseil scientifique fournit à la Commission des pêches des conseils sur ces espèces.
Est-il possible que le Conseil scientifique fournisse des conseils à la Commission et par conséquent, aux pays qui exploitent ces ressources, à partir de données incomplètes? Si vous exploitez une espèce de poisson, dans la zone de 200 milles ou à l'extérieur, sans avoir des connaissances scientifiques complètes, je me demande s'il est possible que vous le fassiez d'une façon qui soit dangereuse pour ce stock?
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Je ne vous donnerai pas mon opinion mais je me contenterai de vous dire comment les choses sont faites aux États-Unis, parce qu'elles sont faites de façon fort logique. Lorsqu'un stock est en train de se rétablir et qu'on ne sait pas vraiment quel est son état, parce qu'il existe toujours une certaine incertitude, et qu'on ne sait pas dans quelle mesure on devrait l'exploiter, et c'est toujours une question qu'on se pose — on prévoit une échelle, et entre 3 000 et 12 000 évidemment c'est toute une échelle, ce qui pour un scientifique comme moi révèle qu'il y a énormément d'incertitude — et l'on opte toujours dans ces circonstances, conformément à la loi, pour le chiffre le plus bas. C'est parce que ce chiffre offre une certaine protection en cas d'incertitude, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'un stock qui est en train de se rétablir. Ce genre de stock c'est un peu comme un malade qui se remet, mais que vous ne voulez pas trop épuiser pour qu'il puisse se remettre le plus rapidement possible; c'est un peu comme la biomasse et on attend de pouvoir l'exploiter pleinement à nouveau. À mon avis, et je m'inspire à cet égard de la position adoptée par le gouvernement américain, sous forme de loi et de pratique, qu'il vaut toujours mieux choisir le chiffre le plus bas quand il s'agit d'un stock qui est en train de se rétablir.
Il s'agit là d'une situation qui se produira sous peu au Canada parce que le stock de morue du Nord à Terre-Neuve commence à se rétablir, après une période de près de 20 ans pendant laquelle on a enregistré très peu de changement. Il y a eu une augmentation de 1 à 2 p. 100 de la biomasse, et il faut se demander si l'on doit commencer à nouveau à exploiter ce stock? J'ai posé la question à la ministre ce matin et elle a répondu: « Non, nous n'exploiterons pas ce stock. » J'espère qu'elle ne changera pas d'idée parce que nombre d'intervenants exerceront des pressions pour qu'on autorise les pêcheurs à exploiter le surplus chaque année. Cela serait une très mauvaise stratégie à court terme. Une stratégie à long terme appropriée doit prévoir un rétablissement de la biomasse à un niveau qui permette d'obtenir le rendement maximal, ou une protection supplémentaire contre le climat; puis, pour tout stock excédentaire on pourra procéder à une exploitation. J'espère qu'on fera les choses comme cela.
Au point de vue politique, cependant, cela suscitera toute une controverse. Je pense cependant qu'il faut être conscient du problème. Le rétablissement de ces stocks représente une bonne nouvelle, mais ça ne veut tout de même pas dire qu'on peut recommencer à les exploiter sans imposer de limites. Dans les rapports sur l'évaluation des stocks on dénote une certaine augmentation de la biomasse de la morue dans la zone 3M, et c'est fort encourageant, je le reconnais. Je suis heureux, parce que c'est là toute une réussite, mais ça ne veut tout de même pas dire que l'on peut recommencer à exploiter ce stock à une grande échelle.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui. C'est un sujet qui m'intéresse particulièrement car j'ai un diplôme en zoologie, sciences halieutiques et aquatiques, de l'Université de l'Alberta et j'ai travaillé pendant un certain nombre d'années comme technicien en pêches à Alberta Fish and Wildlife. À ce titre, j'ai participé à une expérience sur le doré jaune — mon expérience est strictement limitée aux eaux douces — mais je crois que les principes sous-jacents sont toujours les mêmes.
J'ai aussi eu le privilège de servir mon pays comme agent de conservation et gardien de parc national et je vais vous en parler un peu, parce que j'ai parcouru une partie de l'information qui m'a été fournie, et l'argument qui selon moi n'est jamais abordé par les organismes qui veulent protéger les écosystèmes ou en faire la promotion, c'est l'argument économique. Les organismes expliquent très bien la perspective scientifique, ils font valoir la perspective de la politique publique, mais ils n'expliquent pas très bien la perspective économique. Vous en avez parlé et avez dit que si nous changions notre objectif, si on s'éloignait du but traditionnel de l'exploitation, et qu'on assurait une gestion visant la reconstitution des stocks, il y aurait des avantages économiques. J'aimerais qu'on en parle.
Je vais vous donner un exemple du temps où j'étais gardien de parc national. Un parc national est un refuge. Le modèle est basé sur des principes sous-jacents complètement différents de celui d'un modèle de conservation; il s'agit d'un modèle de préservation. Dans un parc national, il y a des troupeaux, disons, de mouflons d'Amérique et c'est ce que je voyais dans l'arrière-pays — j'étais chargé de surveiller le périmètre du parc, de veiller à ce que les chasseurs, les braconniers ou quiconque ne pénètre pas dans le parc. Du même coup, je travaillais de façon constructive en dénombrant tous ces animaux pour s'assurer qu'ils étaient bien là.
J'ai appris à connaître les guides et les pourvoyeurs dans la région qui demandaient à leurs clients jusqu'à 30 000 $ chacun pour le privilège de chasser le mouflon d'Amérique. Le meilleur endroit pour chasser le mouflon d'Amérique en Alberta est tout juste à la frontière du parc national, parce que ce territoire est un refuge. Les mouflons d'Amérique ne sont pas stupides; ils le savent. Parce que ces populations sont là, elles finissent par traverser la frontière, ce qui crée des avantages économiques pour le territoire et la région; c'est très efficace.
Mais ça ne fonctionne pas pour tous les stocks. Ça ne fonctionne pas pour les poissons pélagiques; ça ne fonctionne pas pour les stocks qui migrent; ça ne fonctionne pas non plus pour les stocks d'oursins diadèmes. Mais ça fonctionne pour les poissons de fond et certains autres stocks.
Alors je vous demande, de votre point de vue, où tout cela s'inscrit. Vous avez mentionné les parts de prises comme solution nouvelle. Vous avez parlé d'éco-gestion communale et de certification des pêches, mais vous n'avez pas vraiment parlé de la perspective de protéger les plus grands éco-systèmes. Qu'en faites-vous dans le cadre des nouvelles solutions?
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Certaines mesures augmentent la disponibilité de la ressource, comme les stratégies de reconstruction dont on a parlé; puis il y a d'autres mesures connexes qui protègent la biodiversité et les plus grands écosystèmes. Les territoires fermés comme les parcs nationaux font partie de cette stratégie.
Une autre stratégie dont j'ai parlé qui pourrait protéger la biodiversité est celle de changer le matériel de pêche pour qu'il soit moins destructif. Par exemple, la loi américaine imposait une restriction de la pêche à l'aiglefin dans le Banc Georges — qui est en reconstruction, comme je l'ai dit — parce qu'il y avait prise accessoire de morues. Donc, pour éviter les captures accessoires et ne pas devoir mettre fin à leurs opérations, les pêcheurs ont changé leur matériel. Ils y sont arrivés grâce à un filet tamiseur qui finalement rejette toute la morue et les autres prises accessoires et ne garde qu'une prise quasiment pure d'aiglefin. Il s'agit d'une solution technologique simple à un problème qui dure depuis un certain temps, mais il n'y avait eu aucun incitatif visant à résoudre le problème parce qu'il n'y avait pas de règles claires, rigoureuses et rapides pour reconstruire les stocks de morues et d'aiglefins en même temps, comme c'est le cas maintenant.
Je veux vous donner des exemples d'avantages pour les communautés de pêcheurs. Je crois que c'est assez frappant. Il est question ici de pêche de homard en Nouvelle-Zélande, qui dans certaines régions de la Nouvelle-Zélande était épuisée, et le stock était en danger. Les scientifiques conseillaient de réduire le quota et laisser le stock se reconstruire jusqu'à des niveaux acceptables. Les pêcheurs s'y opposaient parce qu'ils ne voyaient pas d'avantages pour eux. Ils se disaient: dans cinq ans je ne serai plus pêcheur; quelqu'un d'autre va profiter des avantages. Ils sont passés à un système de partage des prises, par lequel chaque pêcheur obtenait une part de la prise garantie. La part de prise était échangeable, et à ce moment-là le marché évaluait le prix à 50 000 $ la tonne, ce qui n'est pas beaucoup compte tenu de tous les frais, etc. Seulement les stocks étaient tellement épuisées qu'ils ne valaient pas grand-chose.
Dans le cadre du régime, des pressions ont été exercées pour obtenir une réduction du total autorisé des captures, ce qui a mené à une reconstruction de la ressource. Seulement trois ans plus tard, la part était passée de 50 000 $ à 250 000 $ sur le marché, ce qui veut dire que leur actif avait quintuplé grâce à une bonne gestion. Cela a mené à un effet domino autour de la Nouvelle-Zélande, parce que les gens voyaient qu'il était économiquement sensé de reconstruire, si on a la garantie de profiter des avantages au moyen, par exemple, d'un système de partage des prises. La part n'a pas besoin d'être individuelle; elle peut être coopérative ou communautaire.
Voilà ce qui a fonctionné là-bas. Voilà les avantages économiques réalisés très rapidement. Pour avoir obtenu une augmentation de 500 p. 100 en seulement trois ans de la valeur des parts est un rendement énorme sur « l'investissement », si vous le permettez. C'est un exemple.
Souvent, ces mesures, comme dans l'exemple du Banc Georges — les zones fermées pour protéger l'aiglefin et d'autres stocks — comportent des avantages pour la biodiversité; par exemple les stocks de pétoncles, de limandes à queue jaune et même de requins ont pu se reconstruire grâce à ce scénario.