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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 30 mai 2000

• 1541

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite à tous la bienvenue cet après-midi. Comme vous le savez tous, nous sommes là pour étudier le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi d'exécution du budget de 1999.

C'est avec plaisir que nous accueillons des représentants des organisations suivantes: le Tax Executives Institute, le Toronto Board of Trade et l'Institut canadien des comptables agréés.

Nous allons commencer par entendre M. Allinotte, président du Comité canadien de l'impôt sur le revenu de Tax Executives Institute.

Bienvenue.

M. John Allinotte (président, Comité canadien de l'impôt sur le revenu, Tax Committee, Tax Executives Institute): Monsieur le président, M. Drew Glennie fera notre exposé.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Glennie.

M. J.A. Drew Glennie (directeur général, Division des taxes et de l'assurance, Shell Canada Ltée, Tax Executives Institute): Bonjour. Merci. Je suis heureux d'être ici.

Bien que je sois directeur général de la Division des taxes et de l'assurance chez Shell Canada, je suis ici pour représenter Tax Executives Institute, que j'appellerai dorénavant TEI. J'en ai pour environ six minutes. Comme vous le savez, je suis accompagné de John Allinotte, directeur de la Division de l'impôt des sociétés chez Dofasco Inc. et président du Comité canadien de l'impôt sur le revenu de TEI, ainsi que par Jeff Rasmussen, le fiscaliste de TEI.

Comme vous l'avez mentionné, nous sommes ici aujourd'hui pour discuter des dispositions qui sont proposées sous le titre «Information trompeuse en matière fiscale fournie par des tiers».

Permettez-moi de vous expliquer qui représente TEI. Tax Executives Institute est la principale association de cadres spécialisés en matière de fiscalité des sociétés. Nos 5 000 spécialistes gèrent la situation fiscale de 2 800 entreprises chefs de file au Canada, aux États-Unis et en Europe. Ils sont aux prises quotidiennement avec des aspects touchant à la planification et à la conformité aux lois canadiennes sur la fiscalité des entreprises.

Les Canadiens représentent 10 p. 100 des membres de TEI, qui appartiennent aux sections de Calgary, de Montréal, de Toronto et de Vancouver. Les membres qui ne sont pas canadiens (y compris les membres européens) travaillent pour des entreprises exerçant d'importantes activités au Canada.

L'Institut s'occupe de questions traitant de politique fiscale et d'administration de l'impôt, et collabore avec les organismes gouvernementaux à Ottawa ainsi que des provinces, en vue de réduire les coûts et les frais généraux afférents à l'observation fiscale et à l'administration de l'impôt, ce dont tout le monde profite. Nous sommes convaincus que l'administration des lois fiscales en accord avec des normes élevées de compétence professionnelle et d'intégrité de même qu'un climat de confiance mutuelle entre les entreprises et le gouvernement favoriseront le fonctionnement efficace et équitable du régime fiscal.

Il faut comprendre que TEI compte parmi ses membres des représentants de tous les secteurs industriels au Canada. Dans l'ensemble, ces sociétés sont cotées aux bourses canadiennes. Par conséquent, nous sommes assujettis à des règles de conduite strictes imposées par les diverses commissions des valeurs mobilières. Nous travaillons dans de grandes entreprises. Nous ne sommes pas dans de petites organisations ou des organisations irresponsables. Nous traitons des transactions d'une valeur considérable.

Par exemple, la facture d'impôt annuelle de Shell atteint habituellement les centaines de millions de dollars. En outre, nous produisons des centaines de déclarations de revenu et de déclarations de taxe d'accise. Il n'est pas rare que nos transactions aient des conséquences fiscales se chiffrant en millions de dollars, en dizaines de millions de dollars ou même en centaines de millions de dollars. Inutile de vous dire que je prends ma responsabilité professionnelle envers mon entreprise et envers le régime fiscal très au sérieux.

Ce qui m'amène au noeud du problème. Nous, les employés des grandes sociétés, estimons que la faillite personnelle ne doit pas être la conséquence logique de notre emploi dans une grande entreprise. Pourtant, cela semble le résultat possible de ce projet de loi. Cette conséquence vise uniquement les employés des entreprises qui traitent des sommes considérables. La même conséquence ne semble pas viser les avocats, les comptables ou les employés des plus petites organisations, ni même les promoteurs d'abris fiscaux que devait viser, à l'origine, ce projet de loi. Très franchement, nous estimons que l'on fait tout à fait fausse route et qu'il faut rectifier le tir.

Vous avez nos mémoires détaillés où sont énumérées les nombreuses lacunes de ce projet de loi dont je vais faire ressortir les plus importantes au cours du temps qu'il me reste.

• 1545

D'abord, il y a la composante «indifférence» de la norme de conduite coupable qui, de l'avis de TEI, est inacceptable tellement elle est vague. Déterminer si un employé agit ou non avec indifférence est extrêmement subjectif et cette décision sera prise dans un premier temps par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Ce n'est qu'après que l'employé aura accumulé des frais juridiques considérables avec aggravation que les tribunaux se prononceront, jusqu'à un certain point, sur cette norme vague, sans interprétation. Nous exhortons donc les membres du comité à éliminer le volet indifférence de la norme de conduite coupable.

Ensuite, les conséquences financières éventuelles, mentionnées plus haut, découlent de l'absence apparente de la justification de bonne foi dont peuvent se prévaloir tous les autres conseillers. En outre, les pénalités pour les autres conseillers sont plafonnées, ce qui n'est pas le cas pour les cadres d'entreprise comme nous. Ce plafonnement est équivalent aux honoraires ou à la rémunération supplémentaire reçus pour transaction.

Comme employés de société, notre responsabilité éventuelle atteint 50 p. 100 de l'obligation fiscale. Nous considérons que c'est exorbitant et nous ne comprenons pas pourquoi on nous traite différemment en nous réservant une pénalité aussi élevée.

Les sociétés sont responsables des gestes posés par leurs employés. Si l'employé dépasse les bornes de l'honnêteté ou se comporte de façon inappropriée, il est passible de sanctions telles que le congédiement ou, dans certains cas, de poursuites criminelles devant les tribunaux.

Les employés qui travaillent dans les services fiscaux de ces sociétés sont déjà assujettis à ces sanctions. En fait, deux personnes ont récemment été reconnues coupables d'évitement fiscal et se sont vues imposer de lourdes amendes et une peine d'emprisonnement. Puisque le gouvernement dispose de ces mécanismes de défense, il y a lieu de se demander pourquoi ce projet de loi est nécessaire pour préserver notre régime fiscal.

Revenons à la question principale. Les employés du service fiscal d'une société sont assujettis aux mêmes règles de conduite et passibles des mêmes sanctions que tous les autres employés de cette entreprise. Voici que le gouvernement propose d'ajouter une autre pénalité financière importante qui ne vise que les employés de société qui participent à certaines transactions. La faillite personnelle nous semble tout à fait exagérée.

Nous estimons que ce projet de loi doit viser ceux qui devaient être visés à l'origine, les promoteurs d'abris fiscaux. Il ne convient tout simplement pas que ce projet de loi s'applique aux employés des sociétés. Nous recommandons fortement que l'on retire ce projet de loi. Et si c'est impossible, à tout le moins qu'on limite nos risques financiers à ceux de n'importe quel autre fiscaliste: c'est-à-dire, les honoraires accrus ou la rémunération générée par la transaction.

Voilà qui termine mes remarques. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Glennie.

Nous entendrons maintenant le représentant de la Chambre de commerce de Toronto, M. Tom Akin, président du Comité sur la fiscalité.

M. Tom Akin (président, Comité sur la fiscalité, Toronto Board of Trade): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Nous vous remercions de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui pour le compte de la Chambre de commerce de Toronto. Celle-ci, comme vous le savez, est la plus grande Chambre de commerce, par le nombre de ses membres, soit plus de 10 000 au Canada.

J'en préside le Comité sur la fiscalité. M. Friedlan, qui m'accompagne, et qui livra l'essentiel de la présentation, a participé au sous-comité spécial qui a examiné la mesure dont il est question ici aujourd'hui.

Les préoccupations de nos membres ressemblent beaucoup à celles de TEI, compte tenu que nos membres sont dans de nombreux cas les mêmes, mais nous avons également de petites entreprises ainsi que de nombreux fiscalistes dans les entreprises professionnelles établies à Toronto.

Nous voulons aujourd'hui vous parler des dispositions du projet de loi C-25 qui figurent à la rubrique «Information trompeuse en matière fiscale fournie par des tiers».

Permettez-moi d'abord de souligner que la Chambre de commerce appuie les mesures qui assurent l'intégrité du régime fiscal. Toutefois, nous estimons que les dispositions, dans leur libellé actuel, sont à la fois d'une portée considérable et vague et assorties de pénalités draconiennes ou excessives telles que les dispositions qui empiètent considérablement sur le droit des contribuables à obtenir des avis complets en matière fiscale.

Nous pensons que le projet d'article 163.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu et le projet d'article 285.1 de la Loi sur la taxe d'accise exigent d'autres modifications et consultations avant leur mise en oeuvre pour s'assurer qu'elles aient le résultat escompté, tel que recommandé à l'origine par le vérificateur général, à savoir imposer des pénalités administratives à ceux qui sciemment font de fausses déclarations ou commettent des omissions aux fins d'éviter de payer de l'impôt.

• 1550

Plus particulièrement, nous pensons que la portée de la loi doit être limitée aux abris fiscaux abusifs tels que mentionnés à l'origine par le vérificateur général. La définition de conduite coupable doit être modifiée, afin d'au moins éliminer la composante «indifférence» à l'alinéa b) de la définition. Enfin, il faut réduire considérablement les pénalités imposées aux conseillers internes.

Permettez-moi maintenant de céder la parole à M. Friedlan qui vous donnera plus de détails sur nos préoccupations. Merci.

Le président: Merci.

M. Phil Friedlan (Comité sur la fiscalité, Toronto Board of Trade): Merci.

Au cours des quelques minutes dont je dispose, j'aimerais vous faire part de plusieurs préoccupations que nous avons au sujet de ces dispositions. Je ne vais en souligner que quelques-uns. Comme l'a dit mon collègue, sous leur forme actuelle, les dispositions sont excessivement vastes et ne sont pas justifiées par des preuves d'abus de la part de conseillers ou d'employés de société, autres que dans le cas peut-être des abris fiscaux.

Ces dispositions ratissent excessivement large pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elles peuvent viser n'importe qui. Deuxièmement, elles s'appliquent dans des circonstances où le contribuable qui a fait la fausse déclaration ne serait pas passible d'une pénalité, parce que les nouvelles sanctions peuvent être imposées même s'il n'y a qu'une possibilité que celui qui a reçu les avis s'en serve à des fins fiscales.

En ce qui concerne la norme de conduite coupable, nous croyons comprendre que l'on semble vouloir l'adopter norme afin d'imposer une norme au moins aussi stricte que celle de faute lourde qui entraîne des pénalités administratives à l'actuel article 163.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le ministère des Finances estime que cette norme de conduite coupable signifie une conduite de nature flagrante. Nous estimons toutefois que cette norme est en fait considérablement moindre que celle de faute lourde prévue actuellement dans la Loi de l'impôt sur le revenu. À notre avis, à cause de la définition de conduite coupable, nous nous retrouvons maintenant avec une norme qui se définit, au pire, comme de la négligence.

Ce critère de conduite coupable qui consiste à faire preuve d'indifférence quant à l'observation de la présente loi est trop vague et représente une norme extrêmement faible pour imposer des pénalités. Nous notons également que la jurisprudence qui porte de façon générale sur les pénalités imposées en matière de faute lourde a été appliquée de façon subjective et sans uniformité. À notre avis, la norme proposée de conduite coupable ne sera probablement pas appliquée différemment.

Nous constatons également que le projet de loi prévoit deux pénalités; toutefois, le libellé est tel qu'une personne accusée aux termes des deux dispositions de la même loi est passible, et c'est la seule concession, de la pénalité la plus élevée seulement. Comme nous l'avons noté plus tôt, le montant en excessif, pouvant représenter des millions de dollars puisque le calcul est fondé sur le montant d'impôt économisé ou le remboursement touché.

Une autre grande préoccupation vient du manque de protection dans le cas de personnes dont on abuse. Le projet de loi n'offre aucune protection contre un comportement inapproprié de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Les conséquences pour un conseiller frappé d'une amende peuvent être catastrophiques même s'il finit par gagner sa cause en appel. La réputation professionnelle de cette personne pourrait être sérieusement ternie et elle pourrait être acculée à la ruine.

Il ne faut pas oublier qu'à l'heure actuelle, les sanctions pénales ne sont possibles que si le gouvernement détient l'information, porte des accusations et démontre au procès le bien- fondé de ses accusations hors de tout doute raisonnable. Aux termes des amendes administratives proposées, la pénalité peut être imposée simplement sur avis. Le conseiller n'a que l'option d'en appeler ou de payer. En d'autres termes, l'obligation de s'adresser aux tribunaux incombe à la personne accusée et non à l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Pour justifier une pénalité, Revenu Canada n'a qu'à faire la preuve en invoquant la prépondérance des probabilités, norme inférieure à celle qui s'applique dans une affaire pénale. Le même conseiller pourrait être accusé d'un acte criminel aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. En outre, il est fort peu probable que l'on réussisse à obtenir des dommages de l'Agence des douanes et du revenu du Canada en cas de comportement abusif.

• 1555

Le ministère des Finances a déclaré ne vouloir s'en prendre qu'aux mauvais éléments du système. Nous sommes donc portés à conclure que la solution proposée d'adopter un libellé extrêmement englobant afin d'y inclure tous les abus éventuels vient de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Nous croyons savoir que l'Agence effectuera un examen au siège social avant d'imposer une telle pénalité et demandera des directives sur l'administration de celle-ci. Nous ne pensons pas que des procédures administratives constituent une protection adéquate face à des abus éventuels. Nous ne pensons pas que des directives administratives sur l'imposition de dispositions extrêmement vastes constituent non plus une solution satisfaisante.

Si un projet de loi vise à prendre des mesures à l'égard du meurtre mais est rédigé en fonction des excès de vitesse sur la grand-route, il ne sert à rien à ce moment-là de mettre en place une procédure administrative qui ne permettra que de porter plainte contre les assassins. Voilà ce que nous faisons avec ce projet de loi.

Je me dois également de souligner que nous avons des exemples d'abus de la part de fonctionnaires de l'Agence et qu'il faut mettre en place une procédure pour permettre au contribuable de se protéger. Au cours de vérification, Revenu Canada a eu recours à des procédures abusives pour mener des enquêtes criminelles. Revenu Canada a eu recours à des pratiques abusives dans le recouvrement et dans les poursuites devant les tribunaux. Il est important de se rappeler qu'essentiellement, on propose ici un régime punitif.

Enfin, nous notons, comme l'a dit mon collègue, que le contribuable a droit à des avis fiscaux complets. Il a également le droit d'organiser ses affaires de façon à verser le moins d'impôt possible tout en respectant la loi. L'Agence même reconnaît ce droit dans sa déclaration des droits du contribuable. À notre avis, on empiétera sur ces droits parce que les conseillers, craignant l'imposition d'amendes inappropriées, se garderont de donner des avis tout à fait légaux, mais inacceptables peut-être pour l'Agence du revenu.

Nous craignons que ces pouvoirs excessifs accordés à l'Agence des douanes et du revenu du Canada servent à intimider le contribuables et ses conseillers qui accepteront des règlements de litige qu'ils n'accepteraient pas autrement. S'il survient une situation où le conseiller est placé devant la menace d'une amende, le conseiller se retrouvera dans une situation de conflit d'intérêts. Il risque d'être très tenté de régler la question, moins favorablement pour son client, afin d'éviter de se voir imposer une amende administrative et les conséquences qui en découlent. Un avocat, tout particulièrement, peut se retrouver en conflit d'intérêts et forcé de se retirer de toute manière. Cela entraînera nécessairement des coûts plus élevés pour le contribuable.

À notre avis, ce projet de loi comporte des lacunes et doit être retiré, ou à tout le moins examiné et révisé plus avant.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Friedlan.

Nous allons maintenant passer au représentant de l'Institut canadien des comptables agréés, M. Robert Spindler.

M. Robert Spindler (président, Comité mixte ABC/ICCA sur la fiscalité, Institut canadien des comptables agréés): Monsieur le président, membres du comité, au nom de l'Institut canadien des comptables agréés, nous aimerions vous remercier de nous avoir permis de venir nous exprimer sur le projet de loi C-25. Je m'appelle Rob Spindler et je suis président du Comité de l'ICCA sur la fiscalité. Je suis accompagné par Simon Chester, conseiller juridique de l'ICCA.

Tout d'abord, j'aimerais présenter notre organisme au comité. L'ICCA et les instituts provinciaux et territoriaux représentent plus de 65 000 comptables agréés. Ses adhérents sont employés dans des entreprises et des services de toutes dimensions, dans les secteurs privé et public, ou travaillent en pratique privée. Ils interviennent dans toutes sortes de situations en tant que vérificateurs, fiscalistes, évaluateurs d'entreprise, conseillers fiscaux, conseillers en gestion et experts en planification stratégique, pour n'en nommer que quelques-unes.

Mon exposé d'aujourd'hui sera centré sur les dispositions du projet de loi C-25 qui prévoient l'imposition de pénalités administratives pour information trompeuse en matière fiscale.

La proposition concernant l'imposition de pénalités administratives a été portée à notre attention par le budget fédéral de 1999. La profession y a vivement réagi. Nous étions inquiets de la portée de la proposition et nous avons immédiatement entrepris de collaborer avec les fonctionnaires du ministère des Finances pour régler les problèmes. Nous avons indiqué d'emblée qu'à notre avis, des pénalités administratives n'étaient pas nécessaires à propos de la préparation de déclarations d'impôt ou d'avis fiscaux. Nous sommes favorables à des pénalités pour les conseillers fiscaux qui participent sciemment à des fraudes, mais en dehors du domaine des abris fiscaux, il ne nous semble pas évident qu'en matière de déclaration fiscale ou de conseil fiscal, il existe un problème qui justifie la menace de telles pénalités. Notre principale préoccupation porte toujours sur les résultats éventuels, c'est-à-dire sur l'augmentation des coûts d'observation qui risque de peser sur les contribuables.

• 1600

Malgré nos graves préoccupations, nous avons constaté que le gouvernement était déterminé à imposer des pénalités administratives, avec l'appui du Comité Mintz et du vérificateur général, et que ces pénalités ne concerneraient pas uniquement les activités relatives aux abris fiscaux. Nous avons constaté que la perspective de ces pénalités préoccupait de plus en plus les milieux comptables. Notre conseiller juridique a examiné les propositions et les a jugées vagues et mal définies.

Nous avons eu bien du mal à reconnaître le bien-fondé d'une pénalité reposant sur la notion de faute lourde ou d'ignorance, qui nécessiterait l'adoption de normes uniformes pour les spécialistes en déclarations d'impôt et les fiscalistes, ce qui représente une tâche considérable.

Lorsque la négligence engage la responsabilité, la question n'est pas de connaître les intentions de la personne concernée, mais plutôt de savoir si elle a fait preuve d'une prudence raisonnable. On risque ainsi de créer un conflit d'intérêts, car cela signifie que les fiscalistes ont un devoir de prudence non pas envers leurs clients ou envers leur profession, mais envers Revenu Canada. Nous avons dit que nous ne voulions pas assumer le rôle d'exécuteurs de l'Agence. Nous avons jugé la proposition imprécise et trop ambitieuse, car elle réglemente pratiquement toutes les activités légitimes des fiscalistes professionnels. Nous avons demandé que la proposition soit modifiée de façon que les pénalités ne s'appliquent que dans les situations où des conseillers ont agi de propos délibéré.

Comme le gouvernement avait l'intention d'imposer des pénalités administratives, nous avons décidé d'exiger des changements par rapport à la proposition initiale afin de la rendre aussi précise et spécifique que possible. Nous avons insisté sur la nécessité de restreindre les dispositions de façon à cibler les actes délibérés et les méfaits intentionnels.

La Cour suprême du Canada a reconnu la différence fondamentale qui existe entre l'acte intentionnel et la négligence, et nous voulions que la proposition en tienne compte. Notre action a eu pour effet de faire remplacer le critère de faute lourde par celui de conduite coupable, grâce auquel on peut espérer que les pénalités soient concentrées sur les méfaits intentionnels, et non pas sur le non-respect accidentel de la norme de prudence; malgré tout, nos préoccupations restent entières.

Nous nous sommes aussi efforcés de faire inclure l'argument de défense de bonne foi dans la proposition, pour que les professionnels de l'impôt puissent se fonder sur l'information que leur fournissent les clients. Nous ne vérifions pas cette information et on ne peut nous demander d'entreprendre de lourdes procédures pour la vérifier. La règle de bonne foi, qui s'étend actuellement à toutes les activités autres que celles qui sont explicitement exclues, confirme que c'est le contribuable qui est responsable de la véracité de son information financière. Cependant, nos membres restent préoccupés et nous espérons que le ministère des Finances pourra apporter des changements.

En outre, nous nous sommes démenés pour obtenir la constitution d'un comité central de révision. Nous ne sommes pas prêts à accepter que des pénalités puissent menacer les vérificateurs locaux ou leur être imposées. À cet égard, nous signalons que le gouvernement a annoncé son intention de faire en sorte qu'aucune pénalité ne soit imposée avant d'avoir été révisée par un comité central. Il nous semblerait beaucoup plus rassurant que ce comité soit consacré officiellement dans la loi.

Enfin, nous pensons qu'il est impossible de rédiger une loi qui réponde à toutes les préoccupations des contribuables, des conseillers juridiques et du gouvernement. Nous avons apprécié les changements apportés à la proposition initiale, mais tout dépendra de la façon dont la loi sera interprétée et mise en oeuvre. Il est temps de mettre l'accent sur un rétrécissement de l'application des pénalités afin qu'elles ne visent que les situations qui les justifient.

La mise en oeuvre de pénalités administratives est une question fondamentale, et nous avons très hâte d'avoir plus d'informations sur les lignes directrices de mise en oeuvre et sur le Comité central de révision. Le gouvernement s'est engagé à consulter la profession sur les lignes directrices. Maintenant que le projet de loi C-25 a été présenté en deuxième lecture, ces consultations peuvent commencer.

Nous serons présents pour veiller à ce que les lignes directrices soient aussi spécifiques que possible. Les attentes du gouvernement doivent être clairement exposées, et nous allons solliciter l'avis de nos instituts provinciaux sur toute ébauche de proposition. Par ailleurs, nous demandons au gouvernement de tenir des consultations dans l'ensemble du pays avant d'élaborer les lignes directrices.

La façon dont ces lignes directrices seront communiquées est d'une importance capitale. Elles doivent être publiées de façon que chacun comprenne comment les pénalités s'appliqueront. Il est également essentiel que les lignes directrices soient rédigées et publiées avant que la loi n'entre en vigueur, et nous demandons au gouvernement de faire en sorte que la publication et la mise en oeuvre des lignes directrices précèdent la date d'entrée en vigueur des dispositions concernant les pénalités administratives.

Comme je l'ai dit, nous avons hâte d'être renseignés sur la composition et le mode de fonctionnement du Comité central de révision. Nous souhaitons que ce comité siège à Ottawa et qu'il se compose de hauts fonctionnaires d'expérience. Comme tout tourne autour de lui, nous aimerions savoir plus précisément comment il va fonctionner et nous souhaitons être consultés sur ses attributions et ses méthodes d'intervention.

Nous allons également faire pression pour obtenir une représentation des secteurs non gouvernementaux au sein du comité. Nous pensons qu'une telle représentation est essentielle à une saine analyse de chaque cas particulier. La confidentialité de l'information sur les contribuables est essentielle, mais il existe de sérieux précédents dans d'autres secteurs de l'administration fiscale où la confidentialité a été préservée.

Nous sommes toujours préoccupés par le montant des pénalités administratives. Nous considérons toujours qu'une pénalité égale au montant de l'impôt exigible est beaucoup trop draconienne et sans commune mesure avec les honoraires reçus par le fiscaliste ou, dans le cas de TEI, par rapport au revenu d'emploi.

• 1605

La pénalité du contribuable prévue à l'article 163.2 concerne un gain possible, c'est-à-dire l'impôt évité, mais le gain du fiscaliste ne dépassera jamais ses honoraires professionnels, ou son revenu s'il est employé.

Nous demandons que les pénalités soient moins sévères, étant donné qu'il n'y a pas de commune mesure entre le gain éventuel du fiscaliste et le risque auquel l'expose cette pénalité. En ce qui concerne la pénalité prévue au paragraphe 163.2(4), nous pensons qu'elle devrait être plafonnée à 5 000 $, ce qui en ferait toujours une pénalité importante, puisque la grande majorité des contribuables qui ont recours aux services d'un fiscaliste payent moins de 1 000 $. Cette pénalité plafonnée serait conforme aux pénalités analogues qui existent en Grande-Bretagne, en Australie et aux États-Unis. Nous ne pensons pas que les conseillers fiscaux canadiens soient moins professionnels que leurs homologues étrangers au point de justifier un tel écart dans la sévérité de la sanction.

D'après ce que nous avons appris, le gouvernement ne s'attendrait pas à plus d'une douzaine de cas de pénalités administratives par année. Néanmoins, les comptables agréés sont d'un tout autre avis. Si ces pénalités ne sont pas appliquées correctement, elles risquent de modifier la façon dont les services sont assurés dans la profession, ce qui fera augmenter leurs coûts pour les clients. Il est essentiel que ces nouvelles pénalités administratives soient appliquées de façon prudente et judicieuse.

Le gouvernement a déclaré que les pénalités administratives ne s'appliqueraient que dans les cas les plus flagrants. Si l'on peut le moindrement douter qu'elles ne soient pas réservées à de tels cas et qu'elles puissent servir de menace, nous ne manquerons pas de nous en plaindre à Ottawa.

À notre avis, personne n'a intérêt à nous obliger à mettre en place de nouvelles et coûteuses procédures qui pénaliseront les fiscalistes aussi bien que leurs clients, alors que le gouvernement déclare que seuls de très rares cas donneront lieu à l'imposition de pénalités administratives.

Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer sur le projet de loi C-25 et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Spindler.

Nous commençons un tour de 10 minutes par question, avec M. Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Je voudrais que nous consultions le projet de loi, dont j'ai ici un exemplaire. À la page 76, je trouve à l'alinéa 2(1)b) la disposition suivante: «montre une indifférence quant à l'observation de la présente loi». D'après les témoignages d'aujourd'hui et d'hier, j'ai l'impression que cet alinéa représente un danger pour tout le monde et j'aimerais demander à nos témoins d'aujourd'hui, qui ont évidemment dû y réfléchir, s'ils recommandent la suppression de cet alinéa b) ou s'ils ont une autre formulation par laquelle ils aimeraient le remplacer.

M. Tom Akin: Monsieur le député, si vous me permettez de répondre en premier, nous recommandons que cet alinéa b) soit tout simplement supprimé. Si vous regardez la structure de la définition, vous trouverez la formule «selon le cas», si bien que chacun des alinéas a), b) ou c) permet de conclure qu'on est en présence d'une conduite coupable.

Nous considérons que la norme de l'alinéa b) est tellement inférieure à celle de l'alinéa c), par exemple, que ce dernier perd toute signification. On peut facilement envisager que quelqu'un se conforme à la norme de l'alinéa c) mais non pas à celle de l'alinéa b), qui semble nettement inférieure. Par conséquent, pour que l'alinéa c) ait une signification, il faut supprimer l'alinéa b).

M. Paul Forseth: Y en a-t-il d'autres qui sont du même avis?

M. Robert Spindler: La suppression atténuerait les préoccupations de tous les groupes représentés ici.

M. Paul Forseth: Ce qui m'a frappé également, c'est le montant de la pénalité. Quelqu'un a proposé, je crois, un plafond de 1 000 $ par infraction. Quelqu'un d'autre a proposé 5 000 $, en faisant le rapport avec des sanctions en vigueur à l'étranger. Est- ce que vous pourriez nous donner des détails à ce sujet en indiquant dans quelle mesure ce projet de loi se démarque des législations étrangères et risque de désavantager le Canada sur le terrain des pénalités?

• 1610

M. Robert Spindler: Nous avons déjà présenté aux fonctionnaires du ministère des Finances un document qui compare les pénalités en vigueur au Royaume-Uni, en Australie et aux États- Unis, qui constituent sans doute de bons points de référence. Dans des situations comparables au Royaume-Uni, par exemple, la pénalité est plafonnée à 3 000 livres, ce qui équivaut à environ 7 300 $. En Australie, le plafond est de 3 000 $, ce qui équivaut à environ 2 900 $ canadiens, et aux États-Unis, il est de 1 000 $, soit environ 1 500 $ canadiens ou un peu plus, au taux de change actuel. Nous en sommes donc très loin.

En ce qui concerne les conseillers fiscalistes, c'est le contexte de leur gain potentiel qu'il faut prendre en considération, le point de référence étant leurs honoraires, et non pas l'impôt évité. Les honoraires peuvent être de quelques centaines de dollars alors que l'impôt évité peut atteindre des millions de dollars. Dans la profession comptable et dans le contexte de TEI, c'est un salaire individuel par opposition à des dizaines ou des centaines de millions de dollars d'impôt pour la société qui l'emploie. Les pénalités sont donc tout à fait disproportionnées, et un plafonnement atténuerait considérablement les préoccupations.

M. Paul Forseth: D'autres commentaires sur ce point?

M. Drew Glennie: Je répéterai simplement qu'à notre avis, ces mesures appliquées à un comptable employé d'une société sont inappropriées. Nous considérons que ceux qui ont rédigé le projet de loi ont ratissé beaucoup plus large que ne l'envisageait initialement le législateur.

Je n'aimerais pas devoir étaler mon salaire pour couvrir une pénalité...

M. Robert Spindler: Excusez-moi. Ce n'est pas ce que je voulais dire, Drew.

M. Drew Glennie: D'accord.

Le problème, pour les comptables des sociétés, c'est que selon la formulation actuelle de la loi, la pénalité correspond à un pourcentage de l'impôt, et c'est tout. Comme je l'ai dit, étant donné que nous travaillons pour de grosses sociétés, nous brassons des montants considérables. Une pénalité financière personnelle qui se chiffrerait en millions ou en dizaines de millions de dollars est tout simplement absurde. Voilà ce que nous en pensons.

M. Paul Forseth: Bien. Je cède la parole à mon collègue.

Le président: Monsieur Akin, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Tom Akin: Oui, monsieur le président, j'aimerais corroborer l'argument de M. Glennie.

J'ai eu ce matin chez un client une conversation intéressante avec le directeur fiscal d'une société, qui se disait très préoccupé par la portée de ces dispositions et les conséquences d'une pénalité. En bref, il considérait que ce n'était pas la probabilité d'une pénalité qui était sa principale préoccupation; c'était plutôt les conséquences d'une pénalité de cette ampleur. Il a fait un rapprochement avec une maison particulière: le risque que la maison brûle est assez faible, mais les conséquences d'un incendie sont très graves. Alors, que faisons-nous? Nous prenons une police d'assurance. Il a dit que les conséquences d'une pénalité de ce genre sont telles que cela ne vaut plus la peine de travailler.

Une bonne partie de nos clients, les comptables salariés, sont en train de réenvisager leurs perspectives de carrière à cause de l'ampleur du risque. Les conséquences sont énormes et apparemment, il est difficile de s'assurer contre ce genre de risque. C'est tout à fait disproportionné par rapport à ce que nous faisons.

M. Paul Forseth: Bien, merci.

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, messieurs, de vos exposés.

Je voudrais revenir à quelques points. Monsieur Glennie, vous et d'autres avez exprimé vos idées sur la structure du régime dans l'éventualité où le ministère limiterait les pénalités. Vous lui avez donné des idées sur la façon de plafonner les pénalités, n'est-ce pas?

M. Drew Glennie: Oui.

Des témoins: Oui.

M. Roy Cullen: Bien. C'est clair.

Dans le monde des sociétés commerciales, disons dans le service fiscal d'une grosse société, qui est tenu pour responsable? J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Disons qu'il y a un directeur de la fiscalité et un vice-président chargé des finances. Après bien des discussions, ce vice-président va voir le directeur du service fiscal et dit: «Voilà ce que nous allons faire», et il propose une déclaration frauduleuse ou une mesure d'évitement fiscal. À votre avis, le fiscaliste a-t-il une responsabilité dans un tel cas?

• 1615

M. Drew Glennie: Je ne peux parler qu'en mon nom personnel et au nom de TEI. Nous refusons les activités frauduleuses. De façon générale, nous ne participons jamais à des mesures d'évitement fiscal. Nous respectons la loi et nous travaillons toujours à l'intérieur de ses limites.

Je pense que le ministère des Finances avait en quelque sorte ce modèle à l'esprit, c'est-à-dire quelqu'un de très haut placé qui vient imposer une mesure inacceptable à un comptable.

M. Roy Cullen: Dans le cas d'une société comme Shell ou Dofasco, je suppose que vous avez raison. Une telle chose ne pourrait se produire, du moins je l'espère, mais toutes les sociétés ne sont pas comme Shell ou Dofasco.

Passons maintenant à d'autres questions sur l'argument voulant que les fiscalistes n'engagent leur responsabilité qu'à propos des abris fiscaux. Je crois que c'est ce qu'ont dit certains témoins. Je suis peut-être un peu naïf, mais il me semble qu'il peut y avoir de la fraude fiscale ou de l'évitement fiscal ailleurs que dans les abris fiscaux. Est-ce que vous prétendez que cela n'existe pas à l'extérieur des abris fiscaux?

M. Drew Glennie: Non, ce n'est pas du tout ce que je prétends. Dans mes commentaires, j'ai fait référence à deux personnes qui ont été récemment condamnées pour évitement fiscal et assujetties à des pénalités financières considérables ainsi qu'à une peine d'emprisonnement. C'est ce que prévoit la loi actuelle. Ici, on a un autre niveau de pénalité qui s'ajoute au régime en place.

Nous sommes tous déjà assujettis à ces règles. Cette législation a pour effet de rajouter une pénalité financière potentielle très importante à ce qui existe déjà.

M. Robert Spindler: Si je comprends bien, monsieur Cullen, cette pénalité est imposée parce que le vérificateur général et le Comité Mintz ont étudié les abus auxquels donnent lieu les abris fiscaux et ont dit qu'il fallait étendre les pénalités de façon à réprimer ces abus. La mesure actuelle va bien au-delà et s'étend aux activités quotidiennes.

C'est un véritable problème. L'ICCA, TEI et la Chambre de commerce n'ont jamais constaté d'abus généralisé, ni même de problèmes généralisés. Il existe des incidents isolés d'évitement fiscal impliquant des conseillers fiscalistes et des spécialistes de déclarations d'impôt, mais ce n'est pas une épidémie. Il n'y a pas de problème spécifique. Et du reste, il existe déjà des dispositions et des sanctions pénales pour les cas de ce genre.

Les fonctionnaires du ministère des Finances nous ont dit qu'il est trop difficile et trop compliqué de mettre en oeuvre des sanctions pénales. Il y a trop de renseignements à fournir, et les critères sont trop élevés. À y regarder de plus près, tout cela est sans doute tout à fait souhaitable. Avant d'accuser quelqu'un d'évitement fiscal, il est préférable d'avoir toute l'information pertinente.

En tant que fiscalistes et spécialistes des déclarations d'impôt, nous sommes inquiets de voir le gouvernement mettre en place ces pénalités administratives en disant: «Je ne veux pas me donner la peine d'aller chercher toute cette information ni de me conformer à ces normes. J'ai besoin d'une procédure simple qui me permette d'intervenir et d'imposer une pénalité, que j'aie raison ou tort.» Cela fait penser à une menace. C'est pourquoi nous aimerions que la loi lui impose des limites et les définisse plus précisément.

La menace de ces pénalités nous préoccupe, car à notre avis, il n'y a pas d'abus généralisé, ni même d'abus de moindre envergure. Il existe des situations anciennes où, sur un marché très limité, moins de 1 p. 100 des fiscalistes se livraient à des activités douteuses. Cette proportion de moins de 1 p. 100 est bien modeste.

M. Roy Cullen: Je ne sais pas d'où viennent ces données, mais je suppose qu'on pourrait inverser l'argument et dire que si l'évitement fiscal et l'activité fiscale frauduleuse sont à ce point minimes, il n'y a pas lieu de s'en préoccuper autant.

M. Robert Spindler: C'est bien ce que nous pensons.

M. Roy Cullen: Les fiscalistes n'ont pas à s'en préoccuper non plus.

J'en reviens à mon argument précédent. Dans le projet de loi, l'article 163.2 définit la conduite coupable. Pour ce qui est du Board of Trade, j'ai lu son mémoire et je ne parviens pas... Excusez-moi, mais vous parlez de conduite coupable par opposition à la faute lourde, et je ne suis pas certain que vous soyez exactement du même avis que l'ICCA. Nous pourrons y revenir tout à l'heure.

• 1620

L'article 163.2 est le suivant:

    «conduite coupable» Conduite—action ou défaut d'agir—qui, selon le cas:

      a) équivaut à une conduite intentionnelle;

      b) montre une indifférence quant à l'observation de la présente loi;

      c) montre une insouciance délibérée, déréglée ou téméraire à l'égard de la loi.

Bien sûr, nous savons tous qu'on peut trouver ici comme partout des zones grises. Est-ce que vous contestez le principe voulant que si l'on peut établir que ces éléments existent, le gouvernement fédéral et le ministère chargé de l'impôt doivent s'en préoccuper?

M. Phil Friedlan: Je considère que les alinéas a) et c) sont l'indication d'une norme élevée qui n'est pas respectée, mais à notre avis, l'alinéa b) constitue une norme extrêmement basse. On peut même se demander si elle n'équivaut pas à la norme de négligence. Je crois que cette définition provient de dossiers fiscaux. Je crois qu'en fait, on a abaissé la norme en deçà de la faute lourde, qui est la norme applicable aux contribuables qui font de fausses déclarations au sens administratif. Si l'on regarde les cas où apparaît le terme «indifférence», on doit en conclure que la norme est très basse dans certains cas et qu'en réalité, elle équivaut à de la négligence.

M. Roy Cullen: Je voudrais vous donner un exemple, que vous pourrez commenter.

Disons que quelqu'un s'adresse à un spécialiste en déclarations d'impôt ou qu'il fait régulièrement affaire avec un conseiller fiscaliste qui rédige sa déclaration de revenu et comme c'est souvent le cas, il arrive avec une boîte à chaussures et une balance de vérification. Le fiscaliste regarde les documents et dit: «L'année dernière, les revenus étaient de 80 p. 100 supérieurs et les dépenses de 100 p. 100 inférieures. Je ne vois aucune facture ou pièce justificative. Comment se fait-il que les revenus soient si bas cette année?» Le client répond: «Je ne sais pas. Qu'est-ce que ça peut faire? Contentez-vous de remplir le formulaire.»

Dans un tel scénario, pensez-vous que le comptable ait l'obligation de répondre: «Un instant, c'est moi qui vais remplir le formulaire, je veux voir des factures. Il faut au moins expliquer pourquoi les revenus ont diminué de 80 p. 100.» Pensez- vous que ce soit cette situation qui est visée? Dans l'affirmative, pensez-vous qu'on a raison ou tort d'intervenir?

M. Robert Spindler: Je vais retourner la question, et jouer un peu avec. Pensez-vous qu'il faille la viser?

M. Roy Cullen: Pardon?

M. Robert Spindler: Pensez-vous que cette disposition vise les situations de ce genre?

Le président: Vous êtes là parce que vous devez répondre aux questions.

M. Roy Cullen: C'est nous qui les posons.

Le président: Nous vous avons invités. Si vous voulez qu'il réponde à vos questions, invitez-le.

Des voix: Ah, ah!

M. Paul Forseth: Je n'ai pas obtenu de réponse, moi non plus.

M. Roy Cullen: La question est peut-être déplacée, mais je suis prêt à...

Le président: J'aimerais bien avoir votre réponse.

M. Robert Spindler: N'oubliez pas que cette pénalité peut s'appliquer à n'importe qui.

M. Roy Cullen: À moi aussi, évidemment.

M. Robert Spindler: Ce que vous dites, c'est qu'il y a une zone grise très étendue, et que ce qui est abusif pour l'un ne l'est pas pour l'autre.

Notre profession tient à se protéger contre toute forme de pénalité. N'oubliez pas que la simple imposition d'une pénalité peut nous coûter notre carrière. Elle peut y mettre un terme du jour au lendemain. Elle peut nous mettre en conflit avec nos clients. Elle peut nous obliger à renoncer à la comptabilité, et porter gravement atteinte à notre réputation, alors que cinq ans plus tard, nous obtiendrons peut-être gain de cause devant la justice en établissant qu'il n'aurait pas dû y avoir de pénalité.

Le risque est donc considérable. On pourrait aussi dire: «tout dépend du point de vue d'où on se place.»

Ce qui nous inquiète, c'est que pour nous protéger, il nous faudrait entreprendre des vérifications rigoureuses de toute l'information. Nous nous retrouverions malgré nous parmi les effectifs de Revenu Canada. Nous ne pourrions pas nous fier à toute l'information que nous recevons. C'est pourquoi nous avons invoqué l'exemption pour crédit accordé à l'information, selon lequel nous sommes autorisés à présumer de la véracité de l'information, à moins qu'elle soit manifestement fausse, sans avoir à la vérifier. Reste à savoir quelle est la valeur de cet argument.

• 1625

Je me permets de signaler que TEI et les membres de la profession qui n'ont peut-être pas autant confiance que moi dans le ministère se préoccupent à juste titre de l'incidence de cette mesure. Supposons qu'on fournisse à Drew un renseignement et qu'on lui demande de le traiter par l'intermédiaire de la déclaration d'impôt et qu'il ne vérifie pas ce renseignement provenant d'une société connexe ou d'une filiale. S'expose-t-il alors à des sanctions? Peut-être.

M. Roy Cullen: À moins que les choses aient changé, vous pouvez obtenir une déclaration vérifiée, une déclaration non vérifiée ou une déclaration révisée.

Je crois qu'on s'inquiète surtout de la façon dont la mesure serait appliquée. Je crois que vous simplifiez les choses lorsque vous dites que cette mesure risque de donner lieu à des sanctions, vous ne tenez pas compte des mesures de contrôle qui sont également prévues. En bout de ligne, cela revient...

M. Robert Spindler: Je regrette, mais ce n'est pas le cas. Nous avons cependant demandé à ce qu'un comité de révision soit prévu dans la loi afin d'assurer sa pérennité. Rien ne nous protège...

M. Roy Cullen: Non. Si je ne m'abuse, une telle mesure ne pourrait être prise par un bureau d'impôt régional, mais seulement...

M. Robert Spindler: La loi ne le précise cependant pas. Nous avons pourtant demandé à ce que ce soit le cas. Si la loi précisait que toute pénalité doit être soumise à un comité de révision, cela rassurerait beaucoup les membres de notre profession. Pour l'instant, ils ne peuvent se reporter qu'à l'engagement qu'a pris le gouvernement.

Nous avons demandé à rencontrer des représentants de Revenu Canada et du ministère des Finances pour discuter de la composition du comité et des lignes directrices qu'il serait chargé de mettre en oeuvre. Nous n'avons pas encore été invités à participer à ces réunions. Nos inquiétudes croissent cependant à mesure que nous nous rapprochons du moment de l'adoption de la loi. Il n'y a toujours pas de comité, pas de lignes directrices et pas de règles.

M. Roy Cullen: Est-ce le genre de choses que vous vous attendriez à avoir dans la loi?

M. Robert Spindler: Il est tout à fait possible que ce genre de mesures donnent lieu à des abus. Les bases de données font l'objet de beaucoup de discussion. Il s'agit d'une loi qui est susceptible...

Réfléchissez-y. Un vérificateur pourrait dire à un comptable: «Votre client nous doit 100 000 $ en impôt. Vous lui avez demandé 1 000 $ pour faire sa déclaration. Que penseriez-vous de nous verser une amende de 50 000 $ à moins que nous ne réglions le problème tout de suite?»

M. Roy Cullen: Je n'ai pas de statistiques à vous fournir, mais il suffit de voir ce qui se passe au Canada pour comprendre que tous les revenus ne sont pas déclarés à leur juste valeur comme pour la TPS. Si cela se passe pour la TPS, cela se passe également dans le cas des revenus qui font l'objet de l'impôt. Nous y perdons tous.

M. Robert Spindler: C'est exactement ce que je fais valoir. Cette règle pénalise les contribuables et les comptables honnêtes. Je ne vais pas risquer de me retrouver en prison comme les gens qui ne paient pas leurs impôts et qui font face à des accusations criminelles. Pensez-vous que la possibilité de devoir verser une amende va amener ces gens à changer de comportement? Pensez-vous vraiment que ces gens-là vont décider tout d'un coup de payer leurs impôts comme tout le monde. Je ne pense pas que cette mesure change quoi que ce soit à la situation. Or, cette mesure me pénalise et augmente le coût d'observation de la loi.

À moins de certains changements, à moins que cette indifférence notamment disparaisse et que le comité de révision soit prévu dans la loi, on va simplement continuer à fausser le système et à inciter les gens à ne pas en faire partie.

M. Roy Cullen: J'ai donné l'exemple de revenus qui ne sont pas déclarés à leur juste valeur, mais j'aurais aussi pu parler de l'exagération des dépenses. Bon nombre de gens qui gonflent leurs dépenses font faire leur déclaration par des comptables agréés, des comptables généraux licenciés et des conseillers fiscaux respectés.

• 1630

M. Robert Spindler: Je ne pense pas que les conseillers fiscaux savent que c'est ce que font leurs clients. Proposez-vous qu'ils vérifient leurs dépenses?

M. Roy Cullen: Je ne propose pas qu'ils fassent une vérification, mais dans les cas où... À mon avis, il appartient à ceux qui font les déclarations d'impôt de demander à leurs clients à l'occasion s'ils peuvent leur fournir des reçus. Ils devraient se demander pourquoi on ne leur fournit pas de reçus.

M. Robert Spindler: Je crois...

M. John Allinotte: Permettez-moi, Robert, de vous parler de l'époque où j'étais en pratique publique.

Monsieur Cullen, j'espère que vous ne laissiez pas entendre que des comptables agréés ont partie liée avec des clients qui veulent soustraire une part de leurs revenus à l'impôt ou qui veulent exagérer leurs dépenses. Vous n'avez sans doute pas lu depuis un certain temps le Code de conduite de l'Institut. Aucun comptable agréé n'agit de la sorte.

Je conviens avec vous qu'il y a des gens qui ne déclarent pas tous leurs revenus ou qui exagèrent leurs dépenses. Comme M. Spindler l'a fait remarquer, ces règles ne vont pas empêcher ces gens-là de continuer à le faire.

M. Robert Spindler: Le problème qui se pose, monsieur Cullen, c'est que les clients retiennent nos services simplement pour traiter leurs reçus. Nous ne sommes pas rémunérés pour faire une vérification. On nous demande simplement de faire la déclaration d'impôt sur le revenu personnel ou une déclaration d'impôt pour une petite entreprise.

Sommes-nous maintenant tenus de vérifier cette information et d'établir s'il s'agit vraiment d'une dépense d'affaires ou d'une dépense personnelle? Un client nous présente cette information et nous dit qu'il s'agit de dépenses d'affaires. Nous espérons être protégés par la règle portant sur le crédit accordé à l'information parce que nous voulons pouvoir être en mesure d'accepter l'information qui nous est donnée à moins qu'elle ne soit manifestement fausse. Nous devons pouvoir traiter cette information.

Permettez-moi de revenir en arrière. Vous avez mentionné le fait que beaucoup de gens ne déclarent pas leurs revenus ou exagèrent leurs dépenses. Je ne pensais pas que c'était aussi fréquent. Les représentants du ministère des Finances ne nous ont pas donné cette impression. Nous savons tous qu'il existe une économie souterraine, mais cette disposition ne vise pas à s'attaquer à ce problème. Si vous avez d'autres renseignements à ce sujet, il serait bon que vous nous les communiquiez.

M. Roy Cullen: Tout le monde sait qu'il existe une économie souterraine, mais je crois... Cette loi n'impose pas de vérification des dépenses. Il s'agit simplement de poser certaines questions comme celle-ci: «Pourquoi vos ventes ont-elles diminué de 100 p. 100?» Ou «Pourquoi me demandez-vous de réclamer ces dépenses sur votre déclaration d'impôt lorsqu'elles ne s'appuient pas sur des preuves?»

M. Robert Spindler: Mais où obtenir les preuves? Pourquoi dois-je demander des explications à quelqu'un qui me dit que son revenu a augmenté ou a diminué?

Revenu Canada a des vérificateurs qui peuvent poser ce genre de questions. Je ne suis pas rémunéré par Revenu Canada pour vérifier ces renseignements. Si on me donne de l'information qui n'est pas manifestement fausse, je me contente de la traiter. J'espère que je peux compter sur l'honnêteté de mes clients. J'espère pouvoir me fier au fait que le ministère des Finances nous a dit qu'il ne voulait pas que cette disposition s'applique dans ce genre de situation.

M. Tom Akin: Pour reprendre votre exemple, monsieur Cullen, à quoi sert-il de poser des questions quand on ne peut pas vérifier la véracité des réponses qu'on nous donne? Ces réponses peuvent être ou non plausibles.

Il peut être vrai, par exemple, qu'une personne a été malade pendant la moitié de l'année.

L'un des exemples qui est donné est celui d'une personne dont le revenu d'emploi serait de 30 000 $ ou de 35 000 $ et qui réclamerait une déduction de 24 000 $ pour dons à un organisme de bienfaisance. Cette personne peut fournir un reçu. Ce genre de dons peut paraître assez inhabituel. Le donateur peut cependant dire avoir reçu un gros héritage, par exemple. Si quelqu'un soutient avoir hérité d'une somme d'argent importante, dois-je aussi lui demander qui lui a légué cette somme et s'il peut me le prouver. Il s'agit là de questions qui sont encore plus évidentes pour Revenu Canada que pour de nombreux conseillers fiscaux. Le ministère compte de nombreux employés, et il leur appartient de vérifier l'exactitude des déclarations.

• 1635

M. Roy Cullen: Je vais vous dire ce que je ferais et ce que j'ai déjà fait. Comme comptable agréé en pratique publique, si j'avais des doutes quant à l'exactitude d'une déclaration d'impôt, je n'y apposerais pas ma signature. Toutes ces personnes feraient peut-être la même chose, mais je ne suis pas sûr...

M. Robert Spindler: Nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous sommes heureux de pouvoir accorder crédit à l'information fournie. TEI considère que cette disposition fait toujours problème.

Nous nous écartons du point principal qui est la question de l'indifférence et du comité de révision. Permettez-moi d'y revenir.

Monsieur Cullen, vous dites que vous n'apposeriez pas votre signature à une déclaration si vous aviez des doutes quant à son exactitude. Revenons en arrière. Prenons le cas d'un client qui arrive à la dernière minute le 30 avril et qui vous demande de faire sa déclaration. Trois ans plus tard, Revenu Canada vous impose des pénalités administratives parce que vous n'avez pas remarqué que le revenu de cette personne avait changé par rapport au revenu déclaré l'année précédente et qu'elle n'a pas déclaré une partie de son revenu ou que ses dépenses ont augmenté. Vous vous dépêchiez de faire la déclaration. Je ne sais pas si vous vous êtes jamais retrouvé dans la situation où vous n'aviez pas eu l'occasion...

M. Roy Cullen: Je sais que tout le monde attend jusqu'à la dernière minute. Je ne veux pas insister trop là-dessus. Si l'on se penche sur les dépenses et les fluctuations dans les ventes et les recettes, il s'agit d'un examen. Je parle plutôt des choses évidentes. Que doit-on faire si quelqu'un nous dit qu'il fait comme tout le monde et qu'il ne déclare pas une partie de ses revenus?

M. Robert Spindler: Les cas de ce genre ne posent pas de problèmes. Nous sommes tous prêts à accepter qu'il nous faut intervenir dans ce genre de cas. Le comité de révision doit se pencher sur les cas moins évidents. Qui va prendre la décision dans ce cas-là? Un vérificateur local sur le terrain qui compte une expérience limitée ou le comité de révision? Qui fait d'ailleurs partie de ce comité?

Nous aimerions que ce comité compte des représentants qui n'appartiennent pas à Revenu Canada. Nous aimerions que différents groupes professionnels y soient représentés. Ce n'est que juste lorsqu'il s'agit de la carrière des gens et de leurs sources de revenu.

Nous ne parlons pas des cas où il est bien manifeste que quelqu'un essaie de frauder le fisc. Nous parlons des zones grises et nos préoccupations portent sur le sens à donner à l'indifférence et à l'étendue des vérifications que nous devons faire.

Le comité de révision est vraiment la seule façon de régler ce problème. La seule façon de rassurer les contribuables et leurs conseillers est de prévoir la création de ce comité dans la loi et de rendre publiques les lignes directrices qu'il sera chargé d'appliquer.

Personne ne veut protéger les fraudeurs. Nous voulons protéger les contribuables honnêtes et réduire au minimum les coûts d'observation de la loi. Il est dans notre intérêt à tous de rendre la vie aux fraudeurs aussi difficile que possible. Nous en convenons tous.

M. Tom Akin: Pour renchérir sur ce qu'a dit M. Spindler, nous pensons que les cas de fraude manifeste seraient visés par les alinéas 163.2(1)a) et c) portant sur la conduite coupable et les cas moins évidents seraient sans doute visés par l'alinéa 163.2(1)b). Voilà pourquoi si l'on crée le comité d'examen, nous pensons qu'on devrait supprimer l'alinéa b).

Puis-je faire une autre...

Le président: Je vais d'abord donner la parole à M. Allinotte. Je vous redonnerai la parole ensuite, Tom.

M. John Allinotte: J'aimerais simplement faire une observation à tire de conseiller fiscal. Nous discutons ici du cas des gens qui soumettent des déclarations trompeuses.

À Dofasco, nous dépensons environ un demi-milliard de dollars par année en immobilisations. Nous venons de terminer l'une de nos vérifications annuelles. Revenu Canada revoit continuellement nos déclarations. Nous venons de constater que nous avons par erreur inscrit comme dépense un engagement de 10 millions de dollars qui aurait dû être considéré comme des immobilisations. Le dossier comportait une note d'un conseiller qui s'est demandé s'il s'agissait bien d'une dépense. Dix-huit mois après avoir soumis la déclaration, Revenu Canada a décidé de faire une vérification et nous n'avons pas pu vérifier ce qu'il en était. Ayant signé la déclaration, nous serions aujourd'hui considérés comme ayant fait preuve d'indifférence et cela nous aurait coûté 3,5 millions de dollars en pénalité administrative.

• 1640

Lequel d'entre vous pense que cette pénalité se justifierait?

M. Roy Cullen: Je comprends l'argument que vous faites valoir au sujet des pénalités. Je comprends tous les arguments que vous faites valoir. Nous sommes ici pour vous écouter.

Le président: Le comité propose aussi parfois des amendements aux projets de loi. Voilà pourquoi vous êtes ici.

Monsieur Friedlan.

M. Phil Friedlan: J'aimerais rappeler que certaines de ces conduites pourraient donner lieu à des poursuites criminelles. Devrait-il être si facile au ministère du Revenu d'imposer des pénalités à ceux qui conseillent les contribuables, que ce soit de façon interne ou externe?

N'oublions pas que les pénalités administratives qui sont prévues reviennent à envoyer un avis à la personne qui est pénalisée. C'est le début du processus comme je le disais plus tôt. Il appartient ensuite au conseiller ou à l'employé de contester l'avis du ministère et la norme qui s'applique est la prépondérance des probabilités.

La prépondérance des probabilités est un critère beaucoup moins strict que le doute raisonnable. Dans certains cas, il ne serait sans doute même pas possible de prouver qu'il y a négligence. Les cas qu'on vise sont des cas d'abus flagrants du système.

Le Comité Mintz a soumis un rapport et a confié à un autre groupe le soin de faire une étude sur l'économie souterraine. Il n'a pas été question dans cette étude des abus par les tierces parties. L'étude a conclu que certaines personnes ne déclaraient pas leur revenu, mais la mesure qu'on propose ne réglerait pas ce problème.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il poser une question?

Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai deux ou trois questions à poser. Vous avez donné quelques exemples. À mon avis, tout professionnel, que ce soit un médecin ou un autre spécialiste, doit être passible de sanctions en cas d'inconduite ou de négligence. Vous avez cité l'exemple d'un oubli de 10 millions de dollars.

Tous les professionnels veulent respecter les normes de qualité les plus élevées. Je comprends que vous ne voulez pas faire l'objet de pénalités élevées, mais je pense qu'il faut viser un juste équilibre.

J'ai recours aux services d'un comptable et je m'attends à ce qu'il respecte les normes de qualité les plus élevées. Si j'ai oublié d'inclure quelque chose à ma déclaration—et j'ai un bon comptable—je m'attends à ce qu'il me demande de lui fournir cette information. Je dois lui dire que j'ai omis d'inclure un reçu, par exemple. Ma déclaration est très simple, mais je traite...

Vous êtes fiers de votre profession et vous voulez respecter les normes de qualité les plus élevées, n'est-ce pas? Nous ne voulons pas pénaliser les professionnels. C'est l'inverse. Nous nous attendons à ce que les professionnels respectent les normes de qualité les plus élevées.

M. Drew Glennie: Comme John a mentionné le cas de Dofasco, puis-je vous donner la perspective d'une grande entreprise?

Notre entreprise compte environ 3 500 employés répartis dans le pays et nous faisons des erreurs. Nous essayons de notre mieux de ne pas en commettre, mais des erreurs se commettent tout de même. Nous nous sommes rendu compte que des erreurs sont commises de part et d'autre. John a donné le cas d'une somme qui a été considérée comme une dépense alors qu'elle aurait dû être considérée comme une immobilisation. Ce genre d'erreur se produit.

Nous avons cependant constaté qu'il fini par y avoir compensation. Le problème que soulève l'exemple de John est que nous allons être pénalisés d'une part, mais que nous ne serons pas récompensés s'il y a compensation.

Ce n'est pas dire que nous ne sommes pas des professionnels. Nous faisons de notre mieux pour nous assurer...

Mme Sophia Leung: Si une erreur est commise, qui devra en assumer la responsabilité?

M. John Allinotte: Qui devra en assumer la responsabilité?

Mme Sophia Leung: Oui, le professionnel.

M. Drew Glennie: L'entreprise.

• 1645

M. Robert Spindler: Dans quelle mesure voudriez-vous...? J'essaie simplement de comprendre.

Pour reprendre l'exemple de John, si l'erreur est de l'ordre de 10 millions de dollars, ...

John, je ne sais quel est votre revenu, mais...

M. John Allinotte: Ce n'est pas tant que cela.

Des voix: Oh, oh!

M. Robert Spindler: Devrait-il être soumis à une pénalité de 10 millions de dollars? Si c'est moi qui prépare la déclaration de revenu...

Mme Sophia Leung: Non, nous essayons de nous entendre sur une pénalité type.

M. Robert Spindler: S'il s'agit cependant d'une véritable erreur par opposition à... Je crois qu'il faut faire une distinction entre une erreur de bonne foi et une conduite coupable.

Le ministère des Finances n'a pas laissé entendre que cette disposition s'appliquerait aux erreurs. Le ministère a toujours dit qu'elle devait s'appliquer aux cas de fraude ou aux cas où il est presque assuré qu'un professionnel savait pertinemment qu'il y avait fraude. Voilà le genre de cas auxquels on veut s'en prendre. On ne vise pas les erreurs et on ne cherche pas à relever les normes professionnelles. Souvenez-vous que...

Le président: Je crois que le ministère jugerait sans doute que M. Allinotte a fait une erreur honnête. On ne lui réclamerait pas 3,5 millions de dollars.

M. Robert Spindler: Il faudrait vérifier ce que prévoient les lignes directrices.

Le président: Non, je dis simplement...

M. Robert Spindler: Nous aimerions que le comité de révision le confirme. Si ce n'est pas le comité de révision qui le fait, ce devrait être un vérificateur. Qu'advient-il cependant si on dit à John: «Vous êtes passible d'une pénalité de 5 millions de dollars si cette affaire ne se règle pas tout de suite.»

Le président: Si vous êtes raisonnable, et nous le sommes tous, pensez-vous que cela se réalisera, c'est-à-dire qu'il paiera 3,5 millions de dollars?

M. Robert Spindler: J'espère que vous, vous et vous serez les vérificateurs. Mais d'après notre expérience, et je pense que d'autres vous l'ont déjà dit, les agents de Revenu Canada n'y vont pas toujours de main morte quand il s'agit d'user de leurs pouvoirs.

Le président: Très bien.

Quand vous avez dit «vous, vous et vous», pourquoi avez-vous exclu M. Pillitteri?

Des voix: Oh, oh!

M. Robert Spindler: En fait, c'est ce degré de perfectionnisme qui m'a dérangé. Tout d'un coup, je me suis dit que je ne pourrais pas être à la hauteur de cette norme.

Le président: Il faut que vous sachiez que c'est un homme très sensible.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Vous savez, les questions posées ont été assez éloquentes, mais elles me passent presque toutes au-dessus de la tête. Elles concernent les entreprises, les gros sous, les façons d'éviter les impôts et ainsi de suite. Je suis un petit entrepreneur et je pense que vous, messieurs, devrez dans une certaine mesure vous entendre avec le gouvernement sur une façon d'imposer des pénalités.

Permettez-moi de vous présenter un scénario. J'ai déjà été chef d'une petite entreprise qui avait peut-être un seul employé. À l'époque, j'étais moi-même un employé et je devais faire des déclarations de revenu...

Le président: Faites attention, Gary.

M. Gary Pillitteri: Rassurez-vous, je ferai très attention.

Des voix: Oh, oh!

Le président: C'est vous qui avez semé les raisins...

Des voix: Oh, oh!

M. Roy Cullen: Les raisins de la colère.

Le président: Nous comprenons votre douleur, Gary. Allez-y.

M. Gary Pillitteri: Il fallait donc remplir des déclarations de revenu. Évidemment, certains penseront que, étant donné que je siège au Comité des finances depuis sept ans, je devrais être un expert en matière de fiscalité. Pourtant, je m'en remets encore à mon comptable pour remplir ma déclaration de revenu, car je ne sais toujours pas comment le faire.

En tant que particulier, et en tant que petit entrepreneur, qui est très occupé... Et l'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la boîte à chaussures. C'est ce que mon père faisait tout le temps, et je l'ai fait moi-même, après quoi j'allais voir le comptable. À ce jour, tout ce qui me semble pertinent, je le mets dans la boîte pour le remettre au comptable ou à la personne qui remplit ma déclaration de revenu.

Vous savez, messieurs, il est parfois faux de penser que l'on peut économiser de l'argent en nous en remettant à quelqu'un qui n'est pas compétent, car si la déclaration de revenu n'est pas préparée en bonne et due forme, on se retrouve perdant à la fin.

• 1650

À de nombreuses reprises, je me suis rendu compte que la personne qui avait rempli ma déclaration de revenu n'avait pas fait un bon travail. Vous savez, il y a bien des incompétents qui se cachent derrière le titre de spécialistes en déclarations ou de conseillers en matière de fiscalité.

Ce projet de loi ne vise-t-il pas à protéger les innocents qui essaient de s'en remettre à un professionnel pour remplir une déclaration de revenu? Ou essaye-t-on plutôt de protéger ceux qui ne font pas du bon travail? Pensez-vous que, grâce à ce projet de loi, on découvrira ces incompétents qui se prétendent des spécialistes en déclarations? Voilà la première partie de ma question.

M. Robert Spindler: Non, nous craignons que ce projet de loi ne fasse plutôt le contraire. La menace de sanctions poussera les CA et les CGA à augmenter le volume de travail qu'ils effectuent et, par conséquent, à hausser leurs prix, car nous ne sommes certainement pas une oeuvre de charité. Nous avons besoin d'être payés pour le travail que nous faisons. Cela augmenterait les frais généraux. Les gens finiraient par dire «au lieu d'aller voir ce spécialiste-là qui va me demander 5 000 $ ou 10 000 $ de plus, j'irai plutôt voir le gars au bout de la rue qui n'exigera que 1 000 $». Le problème, c'est que ce dernier n'est peut-être pas compétent, mais sa facture est moins élevée.

Nous craignons que cela force les gens à aller voir des spécialistes en déclarations qui ne sont pas très compétents, ce qui serait contraire à nos objectifs.

M. Gary Pillitteri: Monsieur Spindler, permettez-moi de vous dire que c'est ce que je fais déjà. Je préfère payer davantage en sachant que la personne qui remplit ma déclaration fera un meilleur travail.

M. Robert Spindler: Très bien, seulement voilà, nous allons essayer de trouver le nom de votre comptable pour l'informer que votre facture pour l'année prochaine augmentera de 10 000 $.

M. Gary Pillitteri: C'est le cadet de mes soucis.

M. Robert Spindler: Si le prix que vous payez est le cadet de vos soucis, vous êtes alors notre client idéal.

M. Gary Pillitteri: Compte tenu de tout ce qu'il m'épargnera comme impôt, le jeu en vaut la chandelle.

M. Phil Friedlan: Vous permettez que je vous pose une question? Croyez-vous qu'on réussira à se débarrasser, d'une certaine manière, des gens qui sont moins compétents, parce qu'ils seront assujettis à...

M. Gary Pillitteri: C'est moi qui vous pose la question. Pensez-vous que ce serait possible?

M. Phil Friedlan: Non. J'allais justement vous dire que les tribunaux ont imposé aux personnes incompétentes un critère qui est inférieur à celui qui est imposé aux spécialistes compétents. En réalité, ces sanctions risquent moins de nuire aux incompétents.

M. Robert Spindler: Cela pourrait pousser les gens davantage vers des incompétents... et cela serait contre-productif. Au lieu de hausser le niveau d'observation, vous le baissez. Quoi qu'il en soit, c'est ce qui se produira à notre avis.

Si le gouvernement prend note des préoccupations soulevées ici et modifie le projet de loi en conséquence, les choses se dérouleront alors normalement et comme nous le souhaitons. Les adeptes de la fraude fiscale ne pourront plus s'en tirer facilement, et le projet de loi sera plus efficace.

En revanche, si les modifications que nous avons proposées ne sont pas prises en considération, on risque fort bien d'augmenter les coûts d'observation et d'alourdir le fardeau des contribuables. Par conséquent, nous exigerons davantage pour remplir des déclarations de revenu.

M. Tom Akin: Si vous le permettez, je voudrais simplement faire une récapitulation. Nous appuyons tous autant que nous sommes toute mesure visant à pénaliser un conseiller qui, sciemment et délibérément, essaie de frauder le fisc. Il n'y a pas de doute à ce sujet. Cela dit, ce qui nous inquiète, c'est que ces dispositions ne sont pas limitées à ce genre de situation, puisqu'elles vont plus loin encore et menacent des spécialistes de pénalités administratives.

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Monsieur le président, je vais aborder la chose d'un autre angle.

Évidemment, la responsabilité de la personne qui signe la déclaration de revenu est toujours plus grande. En remplissant ma déclaration de revenu, si j'apprends, ou si la personne remplissant ma déclaration m'apprend qu'il y a une façon d'éviter de payer de l'impôt, une façon d'éviter...? Pourquoi craignez-vous tellement que cette responsabilité tombe sur vous? D'emblée, vous supposez... que seule la personne remplissant la déclaration de revenu est fautive.

• 1655

M. Robert Spindler: Je ne suis pas certain de comprendre votre question. Le projet de loi ne vise pas uniquement les contribuables, mais aussi les spécialistes en déclarations, les conseillers en matière de fiscalité et quiconque a quelque chose à voir avec la déclaration de revenu. Manifestement, on ne vise pas uniquement le contribuable, mais bel et bien tous ceux qui ont quelque chose à voir avec la déclaration de revenu.

Voilà pourquoi nous sommes inquiets. La responsabilité n'incombe pas uniquement aux contribuables; on court le risque de se voir imposer une pénalité qui va au-delà d'une accusation criminelle. On risque désormais de se voir imposer une sanction administrative, où le fardeau de la preuve est moins rigoureux. On commencera alors à se demander si on en a fait assez, si on a recueilli suffisamment de renseignements et si le travail qu'on a fait est suffisant. Qui doit en décider?

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question ou non.

M. Gary Pillitteri: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Cullen, puis nous passerons à M. Forseth.

M. Roy Cullen: Au risque de contrarier M. Allinotte, je voudrais faire une petite mise au point. Je suis tout à fait convaincu que quand il a donné l'exemple des 10 millions de dollars au titre des immobilisations ou des dépenses, il a commis une erreur de bonne foi. Je veux que cela soit bien clair. Si j'avais lu ce qu'il a dit quelque part et que je devais me retrouver face à face avec lui aujourd'hui, je penserais... Nous savons tous que le fait d'imputer les immobilisations aux dépenses est une pratique que tous les fiscalistes connaissent. Quelle est la bonne définition, me dira-t-on? Évidemment, l'idée est de pouvoir, dans des limites raisonnables, en profiter au maximum en faisant passer les immobilisations pour des dépenses.

Si j'avais pris connaissance de votre histoire et du fait qu'on vous avait dans le collimateur et que vous aviez l'intention de retourner, j'aurais pensé que votre ministère avait une certaine responsabilité d'expliquer pourquoi cela s'était produit. Premièrement, vous êtes un poids lourd, et il est question de gros sous. Deuxièmement, étant donné que l'on cherche toujours à maximiser les dépenses et à réduire les immobilisations, il me semble—et vous me corrigerez si je me trompe, puisque je ne suis pas un avocat—que s'il y a une menace de sanction administrative, on se sentira alors obligé de mettre les questions au clair.

Je veux bien croire qu'il s'agit d'une erreur faite de bonne foi, mais peut-on m'expliquer pourquoi on ne réussit pas à prouver que c'est le cas? En d'autres mots, peut-on prouver qu'il ne s'agit pas d'une erreur intentionnelle, due à l'indifférence ou à l'insouciance? Il me semble que dans le cas que vous avez évoqué—et là encore je ne veux pas entrer dans les détails—, l'État a tout à fait le droit d'exiger des explications. Comme je l'ai dit, il s'agit de gros sous.

M. John Allinotte: Je vais vous expliquer ce qui s'est passé.

M. Roy Cullen: Je ne vous demande pas de m'expliquer aujourd'hui ce qui s'est passé dans ce cas en particulier.

M. John Allinotte: Je vous expliquerai le reste.

La note figurant dans le dossier faisait référence à une conversation avec un étudiant qui a travaillé l'été à notre programme de construction à Dofasco et qui a été affecté au groupe de vérification chargé de réviser les dépenses. Le commis à la vérification, c'est-à-dire l'étudiant qui travaillait pour nous à Dofasco, a appelé le service de la fiscalité et a expliqué la nature de la dépense à un autre étudiant qui travaillait là. Celui- ci a expliqué à l'étudiant affecté à la division de la vérification qu'il aurait fallu, en fait, inscrire à l'actif cette dépense relative à la description des données techniques dont ils avaient discuté. Aucun des deux étudiants n'était qualifié.

Cela s'est produit entre août et septembre de l'année de déclaration. On a inséré une note dans le dossier, et à la fin de notre année financière nos spécialistes chargés de remplir notre déclaration de revenus l'ont lue. Ils ont agi en conséquence. Les deux étudiants en question ne travaillaient plus pour Dofasco. Ils étaient retournés à l'université, et nous avions versé 10 000 $ ou 12 000 $ pour contribuer à leur éducation. Quoi qu'il en soit, ils étaient retournés à l'université.

• 1700

Nous sommes allés voir les ingénieurs concernés, et, en parlant des dessins techniques dont il était question, ils nous ont appris qu'il s'agissait en fait d'un projet de garnissage d'un haut fourneau, qui comportait une partie dépenses et une partie immobilisations. Ils nous ont confirmé que les dépenses entraient dans les frais généraux. Nous avons donc préparé nos états financiers de fin d'exercice, révisé notre déclaration de revenus et procédé en conséquence.

Pressés par le temps, nous... Contrairement à mon ami de Shell, qui a dû remplir plus de 100 déclarations de revenus en juin, nous devions en remplir environ 65, ce que nous avons fait. Nous faisons toujours l'objet d'une vérification. Notre bilan professionnel est tel que, chaque année, Revenu Canada vérifie tout ce que nous avons fait. C'est pourquoi nous passons toujours en revue ce que nous faisons.

En réalité, nous avons relevé cette erreur avant même que les vérificateurs ne viennent nous voir, et nous l'avons indiquée dans notre réévaluation, puis fait des rajustements. C'est donc bien nous qui l'avons relevée, et non pas Revenu Canada. En dépit de ces circonstances, et même si je savais que la note était dans le dossier, étant donné que j'avais signé la déclaration de revenus moi-même, j'aurais fait preuve de négligence à en croire les règles et, par conséquent, je pourrais être assujetti à la sanction.

Je me demande si cette sanction ne pourrait pas être contestée devant un tribunal. Mais je ne suis pas un juriste non plus. Je ne suis qu'un simple comptable fiscaliste.

Pour en revenir à la qualité du travail, contrairement à Drew, j'ai 7 500 employés, et dans cette transaction en particulier, comme je l'ai indiqué, il s'agissait de 10 millions de dollars d'un programme de dépenses de 500 millions de dollars sur une période de 12 mois. Avez-vous une idée du nombre de chèques que nous avons dû signer et du nombre de dépenses et d'immobilisations que nous avons dû classifier? Vingt-cinq mille transactions serait une estimation modeste. Une seule erreur. Même les meilleurs médecins perdent un patient par année.

M. Robert Spindler: Monsieur Cullen, cela soulève à mon avis une question intéressante relativement à la composition de ce comité de révision, ou d'examen. Si j'ai bien compris votre propos, vous vous demandez si Revenu Canada a le droit d'exiger des renseignements supplémentaires pour déterminer s'il convient d'imposer une sanction ou non. Je vous répondrai par l'affirmative, puisqu'il faudrait recueillir beaucoup de renseignements avant d'envisager d'imposer une sanction. Nous pensons qu'il serait extrêmement important d'avoir un représentant externe, c'est-à-dire quelqu'un qui n'est pas de Revenu Canada, au sein du comité pour apporter une touche réaliste aux délibérations de ce comité et refléter le point de vue du milieu des affaires.

Nous ne vivons pas dans un monde parfait; la collecte de renseignements prend du temps; des erreurs peuvent se produire; on emploie des étudiants l'été. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour faire marcher les choses. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous insistons pour avoir un représentant au sein du comité qui ne soit pas de Revenu Canada.

M. Phil Friedlan: Je voudrais faire une petite mise au point, si vous le permettez. Le but de la politique n'est pas de traiter les cas de négligence ou d'erreurs. Nous visons plutôt les comportements excessifs et abusifs. Elle est censée nous aider à éliminer les pommes pourries. Le défaut de ce projet de loi, c'est qu'il n'est pas limité à ces cas. Avec une erreur de ce genre, ils seront obligés de payer l'impôt et des intérêts en cas de retard. Il s'agit de déterminer s'il convient ou non d'imposer une sanction, et à plus forte raison une sanction sévère. Voilà le véritable problème.

M. Roy Cullen: Je pense à cet exemple, mais on pourrait imaginer une autre situation où quelqu'un inscrirait délibérément les immobilisations dans les dépenses et insérerait une note dans le dossier, sans pour autant y revenir plus tard. Je donne cet exemple à titre d'illustration.

À l'heure actuelle, la loi est telle que, en ce qui concerne le fardeau de la preuve criminelle—et n'étant pas juriste, je vous demanderais de me corriger si je me trompe—, le ministère serait obligé, même s'il avait des doutes... Dans votre cas, il s'agissait d'une erreur de bonne foi, mais cela ne vaudrait pas nécessairement pour une autre entreprise. Il serait assez difficile de prouver la nature de l'erreur dans ce cas-là. Il me semble qu'il devrait incomber à la personne concernée d'expliquer, de façon convaincante, pourquoi une immobilisation a été imputée aux dépenses.

• 1705

M. Tom Akin: Au risque de contredire Rob, l'exemple que vous venez de donner porte sur une situation différente. Dans ce cas-là, nous serions d'accord avec vous: il devrait incomber à la partie concernée de donner des explications, et on devrait peut-être prévoir une sanction. Cela étant dit, nous pensons que cela est déjà couvert par les alinéas a) et c). L'alinéa b) est superflu.

M. Roy Cullen: En fait, oui et non. Je reprends l'exemple de cette situation en particulier. Admettons que l'erreur a été signalée, mais que quelqu'un réponde quelque chose du genre: «Nous sommes occupés. Tant mieux s'il s'agit d'une dépense. Je ne vais pas trop m'en faire.» Cette personne ne fait-elle pas preuve d'indifférence? Vous me direz que ce n'est peut-être pas intentionnel, mais d'autres pourraient vous répondre que c'est un comportement délibéré, insouciant, qui fait carrément fi des règles.

M. Tom Akin: N'oubliez pas que dans l'alinéa a) on précise bien que l'action ou le défaut d'agir «équivaut à» une conduite intentionnelle.

M. Robert Spindler: Mais revenons un peu à l'intention déclarée à l'origine par le gouvernement. Cette sanction devait en principe s'appliquer à des situations où la personne commet une fraude fiscale en connaissance de cause, ou presque. La personne commettant la fraude n'avait pas l'intention de corriger l'erreur. On visait exclusivement ceux qui veulent frauder le fisc.

Voilà pourquoi la question de l'indifférence nous dérange. Elle est sujette à interprétation. Jusqu'à quel point faut-il aller pour prouver qu'on n'a pas fait preuve d'indifférence? Combien de précédents judiciaires doit-on consulter? Combien d'articles doit- on lire pour prouver qu'on n'a pas été indifférent à quelque chose qui est sujet à interprétation?

Voilà pourquoi la question de l'indifférence est dangereuse. Nous pouvons tous comprendre ce que signifie un comportement délibéré, insouciant et négligent. Les agents de Revenu Canada peuvent facilement vous affirmer que les dispositions législatives sont suffisantes à cet égard. Mais c'est l'interprétation de l'indifférence qui pose problème.

D'autre part, si l'on veut équilibrer les choses et contrôler les actions de Revenu Canada, il nous faudra le comité d'examen. Si vous pouvez concilier ces deux choses, vous aurez alors un système raisonnable.

M. Roy Cullen: Mais l'article relatif à l'indifférence ne vise-t-il pas...? Parfois, on peut faire certaines choses et omettre d'en faire d'autres, et on peut voir la chose sous différents angles, mais on se rend compte parfois qu'un comportement est aussi inacceptable qu'un autre. À titre d'exemple, je peux me saouler comme il faut et prendre la voiture en me disant: «Je m'en fiche! Je veux rentrer chez moi ce soir. Je suis fatigué.» Alors si vous dites: «Je m'en fiche! Quelqu'un d'autre peut s'en inquiéter. Je ne...»

M. Robert Spindler: Ou encore vous n'avez pas vérifié un renseignement ou vous n'avez pas lu la décision d'un tribunal; vous avez peut-être choisi une interprétation judiciaire plutôt qu'une autre. J'espère que vous n'êtes pas en train de nous dire que le contribuable n'a pas le droit de contester la décision devant un tribunal en avançant un argument plutôt qu'un autre qui serait plus récent.

M. Roy Cullen: Non, absolument pas.

M. Phil Friedlan: Dans ce même ordre d'idées, en ce qui concerne le critère d'indifférence, je pense que vous êtes en train de baisser la norme par rapport à ce qu'on impose aux contribuables comme sanctions administratives dans ce scénario.

Le président: Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Jusqu'à présent nous avons parlé des grandes entreprises. Pourquoi ne pas changer de sujet et parler des petites entreprises, ou pourquoi ne pas parler d'autre chose carrément?

Certains d'entre vous offrent peut-être des services communautaires bénévoles dans vos localités respectives. Certains de vos collègues qui ont pris leur retraite continuent peut-être d'aller dans des bureaux de quartier à but non lucratif pour aider les personnes âgées à remplir leurs déclarations de revenus. Je sais que dans ma collectivité il y a un bureau de ce genre. Parfois, des bénévoles qui n'ont même pas les qualifications nécessaires vont dans les établissements de soins locaux pour aider les gens à remplir leurs déclarations de revenus.

Certaines de ces personnes ont des biens et d'autres n'en ont peut-être pas. Elles sont confuses. Une année, elles peuvent être relativement lucides pour savoir ce qu'elles font, mais l'année d'après elles ne seront peut-être plus en mesure de donner des instructions claires ou oublient complètement qu'elles ont des comptes bancaires, etc.

• 1710

Vous avez évoqué brièvement les grands spécialistes et la prestation de services. Vous avez parlé de la possibilité de changer de carrière, et j'ai entendu quelqu'un le dire dans cette salle aujourd'hui, et même d'abandonner le métier une fois pour toutes. Qu'en est-il de l'autre extrême? Avez-vous une idée de ce que les grands spécialistes feront au niveau bénévole, là où la plupart des gens ne font que remplir une déclaration de revenus, c'est-à-dire les prestataires de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada, mais reçoivent peut-être une petite pension d'un autre pays ou une allocation de divorce ou quelque chose de ce genre?

Vous pourriez peut-être éclairer notre lanterne.

Le président: C'est un point de vue très intéressant.

M. Phil Friedlan: Je veux bien en parler.

Étant donné que la sanction n'est pas imposée uniquement à ceux qui remplissent une déclaration de revenus moyennant des frais, les gens hésiteront probablement beaucoup plus à aider quelqu'un à remplir une déclaration de revenus, pour ne pas risquer de se voir imposer une amende minimale de 1 000 $, parce qu'on pourrait juger qu'ils ont été indifférents à la question que vous soulevez. Je pense que ce n'est pas une exigence stricte.

Alors oui, la sanction n'a pas une incidence uniquement sur les grandes entreprises, mais aussi sur tout le monde. Elle a des répercussions sur les petites entreprises, qui doivent composer avec des coûts de conformité de plus en plus élevés. De plus, elle a des conséquences pour les praticiens qui doivent expliquer à leurs clients pourquoi ils doivent payer davantage. On nous impose des normes plus élevées, encore plus élevées que celles de nos associations professionnelles. Alors je pense que vous avez tout à fait raison.

M. John Allinotte: À titre d'exemple, il y a la responsabilité des administrateurs qui auraient retenus des impôts. De nombreux membres de la profession faisaient partie de ces conseils d'administration d'organismes de charité. Nous avons été nombreux à nous désister à cause des exigences strictes qui sont maintenant imposées dans l'exercice des fonctions d'administrateur. Les organismes de charité qui ne pouvaient mettre en place les contrôles nécessaires pour nous assurer que toutes les retenues d'impôts avaient été correctement versées ont vu leurs administrateurs disparaître parce que nous pouvions être tenus responsables personnellement. C'est la même chose en ce qui concerne la préparation des déclarations de revenus.

M. Paul Forseth: Je sais que le fonctionnement de Revenu Canada dans ma circonscription dépend énormément du service gratuit donné par le bureau d'aide aux personnes du troisième âge. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif qui se procure les tables d'impôt localement, ou que sais-je? L'organisme prépare plusieurs centaines de déclarations et consacre des centaines d'heures de bénévolat aux personnes âgées; parfois ces bénévoles sont des personnes qualifiées, mais le plus souvent ce sont des gens pas du tout qualifiés qui tentent tout simplement d'aider les contribuables à lire même les documents et qui préparent les déclarations abrégées.

Je me demande, en voyant tous ces gens expérimentés à l'autre bout de la table, si tout ce service ne s'effondrera pas à cause de tous ces grands spécialistes, de tout ce qui est prévu ici, et tout à coup Revenu Canada devra compenser. L'agence devra commencer à embaucher des gens ou faire quelque chose parce que le bureau du troisième âge ne touchera plus rien de Revenu Canada pour faire ce travail.

M. Robert Spindler: J'ose espérer que ce projet de loi n'aura aucune incidence sur les gestes charitables. Mais je pense que votre exemple est bon, qu'il montre très précisément que ce projet de loi n'est pas du tout ciblé. La simple idée que quelqu'un qui prépare une déclaration de revenus par charité risque d'être exposé à une pénalité est ridicule. Nous en convenons tous, je pense; c'est absolument insensé, c'est stupide. Mais cela démontre à quel point ce projet de loi est imprécis et a une vaste portée. Je pense que c'est là un excellent argument.

Le président: Monsieur Chester.

M. Simon G. Chester (conseiller juridique, Institut canadien des comptables agréés): On a dit ce que je voulais dire.

Le président: Monsieur Pillitteri, dernière question.

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.

Messieurs, pour avoir fait faire mes déclarations de revenus de nombreuses fois et de nombreuses façons, je dois avouer que j'ai été des deux côtés et que je comprends. L'examinateur parfois, ou la plupart du temps... Aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, vous êtes coupable jusqu'à preuve du contraire. C'est presque l'inverse du droit criminel, mais plus particulièrement dans le secteur agricole c'est la mésentente la plus totale. Nous procédons parfois à la capitalisation d'équipements, etc., et je peux dire, pour avoir été d'un côté comme de l'autre, que je ressens beaucoup de sympathie pour vous face à ce projet de loi.

• 1715

J'ai vu les deux côtés de la chose; il m'est arrivé de planter un acre de vigne et de pouvoir porter la dépense à un compte de résultats. Par ailleurs, j'ai vu d'autres vérificateurs dire que planter un acre de vigne, c'est de la capitalisation, qu'il faut porter la dépense au compte d'actifs dans les sept ans. J'ai vu les deux. Je comprends votre difficulté. Chacun a sa propre interprétation... il est difficile de les faire changer d'opinion.

Je tenais simplement à vous le dire. Oui, je comprends votre difficulté, et j'espère que nous pourrons apporter des changements à ce projet de loi, car ce n'est pas encore définitif.

Je ne blaguais pas précédemment, mais je pense aussi qu'il existe déjà une certaine protection pour le consommateur, car il y a beaucoup de pommes pourries qui ne font pas leur travail. Celui qui se préoccupe de ses affaires, l'homme d'affaires honnête, accepte ce coût plus élevé. Celui qui cherche le moindre coût est celui qui se cherche des problèmes.

Cela dit, je tenais à vous faire savoir que j'ai été d'un côté comme de l'autre et que je comprends vos opinions.

M. Robert Spindler: Merci.

M. Tom Akin: Merci.

Le président: Comme c'est bien dit, monsieur Pillitteri. Comme toujours, il est très tendancieux. Il parle toujours de pommes pourries, mais jamais de raisins pourris.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier. Vous nous avez certainement donné beaucoup de matière à réflexion.

La séance est levée.