JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 20 mars 2003
¿ | 0910 |
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)) |
M. W. André Lafrance (À titre individuel) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Jeremy Dias (À titre individuel) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Peter Wadeck (À titre individuel) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. W. André Lafrance |
M. Vic Toews |
M. W. André Lafrance |
M. Vic Toews |
M. Jeremy Dias |
¿ | 0950 |
M. Vic Toews |
M. Jeremy Dias |
M. Vic Toews |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ) |
M. W. André Lafrance |
M. Richard Marceau |
M. W. André Lafrance |
M. Richard Marceau |
M. W. André Lafrance |
¿ | 0955 |
M. Richard Marceau |
M. W. André Lafrance |
Le président |
M. W. André Lafrance |
Le président |
M. Richard Marceau |
M. W. André Lafrance |
M. Richard Marceau |
M. W. André Lafrance |
M. Richard Marceau |
M. W. André Lafrance |
M. Richard Marceau |
M. W. André Lafrance |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. W. André Lafrance |
À | 1000 |
Le président |
M. W. André Lafrance |
Le président |
M. W. André Lafrance |
Le président |
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.) |
M. Jeremy Dias |
M. Pat O'Brien |
À | 1005 |
M. Jeremy Dias |
M. Pat O'Brien |
M. Jeremy Dias |
M. Pat O'Brien |
M. Jeremy Dias |
M. Pat O'Brien |
M. W. André Lafrance |
Le président |
M. Jeremy Dias |
À | 1010 |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
M. Jeremy Dias |
M. Kevin Sorenson |
M. Jeremy Dias |
M. Kevin Sorenson |
M. Jeremy Dias |
M. Kevin Sorenson |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) |
À | 1015 |
M. Peter Wadeck |
M. Paul Harold Macklin |
M. Peter Wadeck |
Le président |
M. Peter Wadeck |
Le président |
M. Richard Marceau |
À | 1020 |
M. Peter Wadeck |
M. Richard Marceau |
M. Peter Wadeck |
M. Richard Marceau |
M. Peter Wadeck |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
À | 1025 |
M. Vic Toews |
M. John McKay |
Le président |
M. John McKay |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne) |
À | 1030 |
M. Jeremy Dias |
M. Chuck Cadman |
M. Jeremy Dias |
M. Chuck Cadman |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Pat O'Brien |
M. Peter Wadeck |
À | 1035 |
Le président |
M. Richard Marceau |
M. Jeremy Dias |
M. Richard Marceau |
M. Jeremy Dias |
À | 1040 |
Le président |
M. John McKay |
M. Jeremy Dias |
M. John McKay |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Vic Toews |
À | 1045 |
M. Jeremy Dias |
M. Vic Toews |
M. Jeremy Dias |
M. Vic Toews |
M. Jeremy Dias |
M. Vic Toews |
M. Jeremy Dias |
M. Vic Toews |
M. Jeremy Dias |
M. Vic Toews |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Jeremy Dias |
M. Pat O'Brien |
À | 1050 |
M. Peter Wadeck |
Le président |
M. Jeremy Dias |
M. Pat O'Brien |
M. Jeremy Dias |
M. Pat O'Brien |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Chuck Cadman |
M. Jeremy Dias |
M. Chuck Cadman |
M. Jeremy Dias |
À | 1055 |
M. Chuck Cadman |
M. Jeremy Dias |
M. Chuck Cadman |
M. Jeremy Dias |
Le président |
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.) |
M. Jeremy Dias |
Le président |
Á | 1100 |
M. John McKay |
Le président |
M. John McKay |
Le greffier du Comité (M. Patrice Martin) |
M. John McKay |
Le président |
M. John McKay |
Le président |
M. John McKay |
The Chair |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 20 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 26e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur le mariage et la reconnaissance juridique des unions de même sexe.
Nous avions prévu trois témoins ce matin, mais je présume que la température a empêché l'un d'eux d'arriver à temps. M. Wadeck ne nous a pas annoncé qu'il ne viendrait pas.
Mais nous avons le plaisir d'accueillir MM. André Lafrance et Jeremy Dias. Je présume que les membres du comité les reconnaîtront, puisqu'ils ont assisté à la plupart de nos audiences.
Sans plus tarder, je donne la parole à M. Lafrance, qui aura 10 minutes.
M. W. André Lafrance (À titre individuel): Bonjour.
Je tiens d'abord à remercier sincèrement les membres du comité de m'avoir permis de leur présenter mon point de vue sur une question d'importance vitale, à mes yeux, pour le bien-être de mes concitoyens.
J'aurais bien voulu pouvoir vous présenter un mémoire, mais je n'en ai pas, pour la simple raison qu'on m'a informé de la date de ma comparution il y a exactement une semaine, ce qui me laissait absolument pas de temps pour faire les recherches nécessaires à la rédaction d'un mémoire.
J'ai toutefois apporté des copies de divers textes dont je parlerai dans le cadre de mon exposé. Ces documents seront disponibles en fin de séance pour ceux que cela peut intéresser. Ils sont regroupés en trois paquets. L'un porte sur la notion du bien et du mal et présente des réponses à la question: «Qu'est-ce qui est moral?», posée par M. Nystrom à un témoin, lors d'une de vos séances. On y trouve aussi une liste de suggestions de lecture sur la sexualité. L'autre porte sur les effets néfastes pour la santé du comportement homosexuel et le troisième regroupe les chroniques de divers journalistes sur le sujet dont est saisi votre comité.
Permettez-moi de me présenter. Je suis André Lafrance. Je suis médecin, plus précisément, dermatologue, avec une accréditation d'associé du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et le titre de diplomate de l'American Board of Dermatology. J'ai la même merveilleuse épouse depuis 42 ans. Nous avons cinq enfants adultes et quatre petits-enfants, qui sont pour nous la plus grande source de joie. Pour ceux qui veulent en savoir davantage sur mon compte, il y a des renseignements détaillés dans le premier des paquets dont j'ai parlé précédemment.
Pour commencer mon exposé, je vous demande de considérer des propositions de nature générale sur lesquelles j'espère que nous pourrons tous nous entendre. D'abord, pour qu'un début sur la question soit rationnel et utile, il faut s'entendre sur le sens des mots employés et sur la réalité qu'ils représentent.
Deuxièmement, le bonheur est la principale aspiration des humains et consiste en un état de bien-être physique, émotif et spirituel optimal.
Troisièmement, tout ce qui contribue au bien-être des humains peut être considéré comme souhaitable, et par conséquent bien, alors que tout ce qui nuit au bien-être des humains doit être considéré comme indésirable et par conséquent, mal.
Quatrièmement, la gestion gouvernementale doit toujours promouvoir et chercher à atteindre le bien et le désirable, et s'opposer à ce qui est mal et indésirable pour les citoyens. C'est certainement ce que l'un des pères fondateurs des États-Unis d'Amérique, Thomas Jefferson, voulait dire en déclarant: «Le souci de la vie humaine et du bonheur et non leur destruction, est le premier et légitime objet d'un bon gouvernement».
Cinquièmement, si la démocratie est vraiment ce qu'elle prétend être, soit le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple, les décisions sur les enjeux qui intéressent présentement votre comité doivent être prises par le peuple, soit directement, par référendum ou à tout le moins, indirectement, par les représentants élus des Canadiens mais certainement pas par des juges non élus et qui n'ont pas de comptes à rendre.
Voici la question dont est saisi votre comité: Doit-on accorder aux relations entre personnes de même sexe le statut juridique du mariage? À cette question, le juge Pitfield, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a répondu non, en octobre 2000. Deux autres tribunaux, l'un en Ontario, en août 2002 et l'autre, au Québec, le mois suivant, ont répondu oui. Il en résulte que les trois décisions ont fait l'objet d'un appel devant la Cour suprême.
Dans ses motifs de décisions, le juge Pitfield a déclaré que la loi fédérale actuelle exerce une discrimination contre les couples de même sexe. Mais il ajoute: «L'effet salutaire associé à la préservation du mariage hétérosexuel comme institution juridique fondamentale bien ancrée l'emporte sur l'effet négatif de la loi sur les requérants. Autrement dit, le juge Pitfield estime que la discrimination maritale exercée contre les couples de même sexe est raisonnable et justifiée et, par conséquent, conforme à l'article 1 de la Charte des droits et libertés et n'empiète pas sur le droit à l'égalité des requérants.
¿ (0915)
Le juge Pitfield a présenté deux autres arguments importants. D'abord, et je le cite: «Les relations homosexuelles et hétéroxuelles sont essentiellement différentes». Il a aussi affirmé que tout changement important aux règles relatives au mariage incombait aux politiciens et non aux juges. Voici ce qu'il a écrit:
Le fait que le mariage et le divorce sont des compétences attribuées au Parlement par la Loi constitutionnelle de 1867 montre l'importance du mariage dans notre société et donne à croire que tout changement destiné à intégrer les relations gaies et lesbiennes doit être décidé par le Parlement ou par les assemblées législatives provinciales, si tant est qu'un tel changement doit être fait. |
Un changement de la nature de celui est qui proposé créerait de nouveaux problèmes pour la société et la collectivité. |
À mon avis, la décision du juge Pitfield répond bien aux questions posées à votre comité. Ce qui est considéré comme discriminatoire par des personnes et des groupes homosexuels est dans certains cas non seulement justifié, mais nécessaire, pour le bien commun.
Je m'explique, en quittant mon texte. Vous savez ce que sont les transfusions sanguines. Je présume que vous savez aussi que l'Agence canadienne du sang, qui a succédé à la Croix-Rouge, n'accepte pas les homosexuels, ce qui vexe ceux-ci. Chaque automne, depuis des années, sur tous les campus universitaires canadiens, les étudiants font campagne pour que les homosexuels puissent donner du sang.
L'Agence canadienne du sang sait au moins une chose. Elle sait dans quelle situation difficile s'est retrouvée la Croix-Rouge avec le scandale du sang contaminé. Elle sait bien que les dons de sang par des homosexuels pourraient constituer une menace grave pour la santé publique et c'est pourquoi elle refuse toujours le sang d'hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, comme elle dit. Elle refuse les homosexuels et quiconque pourrait bientôt ou bien plus tard avoir quoi que ce soit à faire avec des homosexuels, parce qu'elle sait, ce qui m'amène à mon principal argument, que le comportement homosexuel est contre nature, malsain et, j'insiste là-dessus, immoral.
Je tiens aussi à dire que pareil comportement ne saurait être validé de quelque façon que ce soit. En accordant le statut juridique du mariage aux unions de même sexe, on accorderait la validation ultime au comportement et au mode de vie homosexuels. Voilà pourquoi les unions de même sexe ne doivent pas obtenir le statut juridique du mariage.
Si j'ai le temps, je vous expliquerai pourquoi les pressions en faveur du mariage homosexuel n'ont en fait rien à voir avec les concepts d'égalité et de discrimination et tout à voir avec l'atteinte de l'objectif ultime du mouvement homosexuel depuis ses débuts. Il s'agit de l'acceptation des actes homosexuels comme variante normale du comportement humain et de l'homosexualité comme mode de vie acceptable.
Je vais passer tout de suite au plus important. Pendant la période des questions, vous pourrez me demander de revenir sur ce que je n'ai pas eu le temps d'expliquer. Essentiellement, voici les trois choses qui comptent: le comportement homosexuel est contre nature, malsain et immoral.
Contre nature. Cela me paraît si évident que je ne perdrai pas de temps à vous en entretenir. Si vous avez des questions, je peux vous donner des arguments physiologiques et anatomiques pour vous en convaincre.
Malsain. J'ai peu de temps, et je le répète, j'espère qu'on me posera des questions pour me donner l'occasion de le prouver.
Immoral. Encore une fois, je suis disposé à en débattre. Vous direz que la moralité est une question de choix personnel. Je n'accepte pas cette idée et c'est pourquoi j'ai pris la peine d'écrire une assez longue monographie en réponse à M. Nystrom, qui demandait ce qui était moral. J'ai un point de vue bien arrêté sur ce que signifie le mot «moral» et j'ai dans ce paquet un texte sur la notion du bien et du mal. C'est fondamental. Une question comme celle dont vous êtes saisis ne doit pas être étudiée du simple point de vue juridique. Dans la vie, on peut dire que ce qui compte, c'est de savoir si une chose doit ou non être faite. Il faut savoir si c'est bien ou si c'est mal. Je m'arrête là-dessus.
Merci.
¿ (0920)
Le président: Merci beaucoup. Vous avez parfaitement respecté le temps qui vous était imparti.
Monsieur Dias, vous avez dix minutes.
M. Jeremy Dias (À titre individuel): Merci, monsieur Scott.
Je suis étudiant à l'Université d'Ottawa et je fais une spécialisation en psychologie avec concentration en sciences politiques. La plupart d'entre vous me connaissent déjà.
J'ai écrit un mémoire intitulé «A Youth's Argument» qui présente en gros le point de vue de la jeunesse.
Je m'excuse. Le mémoire n'a pas été traduit à temps et il n'y en a donc pas de copie, mais vous l'aurez plus tard.
Je vais simplement lire les citations sur la première page, parce qu'elles sont importantes. Il s'agit des propos du Dr Shelly Rabinovitch, de l'Université d'Ottawa:
Ce ne sont pas les yeux, le nez ou les petits pieds de l'autre, qu'on aime. Ce n'est pas la couleur de ses cheveux ni leur texture. On aime toute la personne, avec ses rides, ses taches de rousseur, son corps et son âme. Comment ose-t-on, dans les lois, dire qu'une âme hétérosexuelle a des privilèges que n'a pas une âme homosexuelle? |
[Français]
L'amour c'est comme un bijou très précieux. Un bijou a plusieurs faces et nous en avons aussi: faces hétérosexuelles et faces homosexuelles. Mais un bijou est complet seulement quand toutes ses faces sont unifiées. |
[Traduction]
J'ai effectué un sondage à l'Université d'Ottawa sur le point de vue des jeunes au sujet de ce dont vous traitez ici aujourd'hui. Essentiellement, je voulais savoir ce que pensent les jeunes et ce qu'ils feraient, à votre place. Laquelle des quatre options choisiraient-ils?
La grande majorité des jeunes Canadiens, 74,3 p. 100, étaient en faveur du mariage homosexuel. Seulement 8,9 p. 100 d'entre eux souhaitaient interdire le mariage homosexuel, 12,9 p. 100 voulaient la création d'une autre institution pour les couples homosexuels et 4 p. 100 voulaient l'élimination du mariage civil et le maintien du mariage religieux seulement.
Il est important de signaler que parmi les répondants, 95,3 p. 100 étaient hétérosexuels, et seulement 4,7 p. 100 ne l'étaient pas. Mon étude donne une ventilation de ces chiffres. Cette information est importante parce qu'elle reconnaît l'évolution des tendances dans notre culture.
Je vais parler de l'aspect contre nature de l'homosexualité, parce que cela me fâche vraiment. C'est aussi dans l'argumentation. Si l'on prétend que l'homosexualité est contre nature parce qu'elle ne débouche pas sur la procréation, alors d'autres actes sont aussi contre nature, comme le sexe oral, la masturbation, l'abstinence, les relations sexuelles après la ménopause et l'abstinence après la ménopause. Cet argument est sans fondement et illogique.
D'autres arguments ont été présentés au comité, notamment le polyamorisme, un argument qu'il faut considérer. Si l'on permet le mariage homosexuel, il est possible que le polyamorisme attire l'attention du public. Il est par conséquent important de se rappeler que le polyamorisme et le mariage homosexuel n'ont pas le même poids.
Après avoir été considérée immorale, criminelle et relevant d'un trouble psychiatrique, l'homosexualité est maintenant considérée comme une orientation sexuelle génétique par l'American Psychiatric Institute et par la plupart des psychologues et des professionnels renommés dans le milieu médical, en Amérique du Nord et en Europe.
Il est important de rappeler que la polygamie, de son côté, est toujours considérée tabou, immorale, et criminelle dans la mentalité nord-américaine et n'a donc pas suffisamment de similitude pour être prise en considération dans le contexte du mariage homosexuel. En outre, il n'y a pas au Canada de défenseurs de la polygamie, ce qui montre que les Canadiens ne souhaitent pas vraiment changer d' idée là-dessus.
J'y viens dans un instant, je sais ce que vous pensez.
D'après les recherches et les perspectives sociologiques aux Pays-Bas, rien ne prouve qu'après avoir accepté le mariage homosexuel, quiconque défendra le polyamorisme. Là-dessus, il est important de reconnaître qu'il y a environ cinq ans, il y avait un ménage à trois sur la Colline parlementaire. J'ai fait mes recherches là-dessus et il s'agissait en fait d'une plaisanterie. Il ne s'agissait aucunement d'un énoncé de position; il faut que le comité le sache bien.
J'aimerais vous présenter quelques autres arguments qui comptent pour les jeunes. Il y a notamment l'argument de la religion. Certains disent: «D'après ma religion, les couples homosexuels ne doivent pas se marier». C'est un argument valable pour ceux qui affirment ainsi souvent que la majorité trouve que c'est inacceptable pour ce groupe de personnes.
Cet argument n'est fondé et valable que si tout le groupe le croit. Il est impossible d'évaluer ce que décident, ressentent ou croient les membres d'une congrégation ou de fidèles, en fonction des déclarations des pouvoirs religieux et spirituels. Pour présenter un argument valable, il faut tirer ses informations des sondages et des recherches effectués.
Mais en outre, quelques étudiants ont soulevé cet autre argument: «Qu'en est-il des religions qui veulent marier les couples homosexuels? N'ont-ils pas le droit de le faire, en vertu de la Charte?» Je n'ai pas fait de recherche là-dessus, mais je vous pose la question.
Mon argument le plus fort est sans doute celui de l'amour. Dans le sondage, on demandait aux jeunes: «Veuillez rédiger une description du mariage ou donner des raisons de se marier». La raison la plus fréquemment invoquée, c'était l'amour. Que l'on soit hétérosexuel, homosexuel, bisexuel, transgenderiste ou autre, on croit à l'amour.
¿ (0925)
Les gens ne définissent plus le mariage en termes de sexe ou de procréation dans le mariage. De nos jours, les jeunes reconnaissent que le mariage est accompagné par l'amour, et seulement par l'amour. Les autres mots qui revenaient assez couramment étaient «union», «pour toujours», et «compagnonnage». On constate une tendance très nette parmi les jeunes, et c'est une tendance qui est en train de balayer toute la nation.
Je voudrais maintenant profiter de l'occasion pour aborder la question sous l'angle anthropologique. Je ne suis pas sûr que vous le sachiez tous, mais dans la communauté Ojibway et parmi d'autres groupes des Premières nations, et aussi dans des tribus en Inde, le mariage entre personnes du même sexe existe depuis des siècles. Il est donc important, à la lumière de ces données, de reconnaître que la mariage n'est pas une institution réservée exclusivement aux personnes de sexe opposé. C'est un point important parce que, au moment de prendre votre décision aujourd'hui, vous devez prendre conscience que vous ne redéfinissez pas le mariage. Vous ne modifiez pas le sens du mariage. Vous ne faites qu'ajouter certains compléments juridiques que vous plaquez sur la véritable réalité du mariage, dont vous reconnaissez ainsi pleinement la réalité sur toutes ses formes.
Je voudrais aussi mentionner certains travaux de sociologie et de psychologie. Je ne sais pas combien d'entre vous sont familiers avec la notion des groupes inclus et exclus, mais sur cette base, quand on a un groupe de gens qui peuvent se marier et un autre groupe de gens qui ne le peuvent pas, on a nécessairement des inclus et des exclus, c'est-à-dire des gens qui font partie du groupe de ceux qui peuvent se marier et des gens qui se trouvent à l'extérieur de ce groupe et qui ne le peuvent donc pas. Il en est résulté une discrimination très marquée au Canada. Les gens reconnaissent que ces personnes font l'objet de discrimination de la part du gouvernement, qu'elles font partie du groupe des exclus et qu'il est en conséquence acceptable d'exercer de la discrimination contre elles. Cette discrimination a causé une baisse de l'estime de soi et une hausse du taux de suicide parmi la communauté des gais et des lesbiennes, ainsi que beaucoup de violence à leur endroit.
Quand vous réfléchissez à l'opportunité du mariage entre personnes du même sexe, il est important de reconnaître ce qui va se passer si vous ne légiférez pas en faveur du mariage entre personnes de même sexe et aussi de considérer ce que la loi interdisant le mariage entre personnes du même sexe a créé comme situation au fil des années.
De plus, je voudrais attirer l'attention du comité sur le fait qu'il y a près de 10 ans, le gouvernement s'est penché sur la question de savoir s'il y avait lieu de décriminaliser l'homosexualité et s'est demandé s'il serait dangereux de supprimer l'homosexualité comme trouble psychiatrique, parce que l'inclusion des homosexuels au sein de la collectivité aurait une influence négative et nocive sur les jeunes, et je me sentais visé à l'époque. Je fais partie de cette génération, et 10 ans plus tard, me voici devant vous.
Les jeunes du Canada vont très bien, nous sommes plus forts, et nous avons une opinion différente. Nous aimerions vous faire part de cette opinion et nous aimerions que vous entendiez notre voix. C'est important de reconnaître la jeunesse, car les jeunes sont plus nombreux parmi la population adulte d'aujourd'hui et d'ici quelques générations, nous allons nous emparer—faute d'un meilleur terme—du Canada. Nous voudrions donc vous présenter ce mémoire. Je vous le soumets donc au nom de la majorité des jeunes qui défendent l'argument de la jeunesse canadienne.
Un dernier point. Je veux que vous sachiez tous que je ne suis pas venu ici simplement parce que c'est une question idiote et importante et que je veux avoir mon mot à dire. Au contraire, je suis ici parce que je voudrais vous présenter une opinion différente qui n'a pas encore été entendue par le comité, et je vous serais reconnaissant de me poser toute question qui pourrait vous aider à comprendre une perspective davantage axée sur la jeunesse, car les jeunes du Canada doivent être entendus dans ce débat.
Merci beaucoup.
¿ (0930)
Le président: Monsieur Wadeck, vous avez 10 minutes.
M. Peter Wadeck (À titre individuel): Dix minutes?
Le président: Vous n'avez pas besoin de vous lever.
M. Peter Wadeck: Pour réfuter l'argument fondé sur le sondage, je voudrais dire que les résultats du sondage dépendent des connaissances qu'une personne possède et sur laquelle elle peut fonder sa décision. Si on ne lui donne pas une information complète sur les répercussions d'une question, elle n'est évidemment pas en mesure de prendre la meilleure décision possible.
Mon point de vue est sociologique. Je suppose que chacun a une copie de mon mémoire.
Je voudrais me pencher essentiellement sur la fonction procréatrice de la famille et sur les répercussions qu'aurait un changement à cette loi sur la société canadienne. L'une des fonctions primordiales du mariage est de créer une famille en vue de produire des descendants, de manière à assurer la survie d'une société. Mon exposé porte donc essentiellement sur les conséquences sur la capacité d'une société de se reproduire.
Le gens peuvent comprendre très facilement, sur le plan écologique, que si, par exemple, les baleines bélugas du Saint-Laurent voient leur population décliner de 20 p. 100 à chaque génération, tôt ou tard, il n'y aura plus de bélugas. Donc, du point de vue sociologique et écologique, les gens comprennent que si l'on réduit constamment un groupe, tôt ou tard, il n'existera plus. Et c'est la fonction de la famille de créer des descendants pour assurer la survie d'une société.
Donc, pour commencer, nous devrions examiner l'état actuel de la capacité reproductrice de la famille canadienne. À l'heure actuelle, pour chaque tranche de 2 000 adultes, il y a seulement 1 639... enfin, cela dépend de l'année, mais essentiellement, au Canada, parmi la population indigène, il y a une baisse de 20 p. 100 par génération. Cela explique pourquoi nous avons un taux d'immigration aussi élevé. C'est parce que nous ne nous reproduisons pas. En fait, nous nous dirigeons tout droit vers l'extinction. C'est pourquoi nous avons besoin d'immigrants pour remplacer les gens qui constituent notre société aujourd'hui.
Mon exposé comprend deux tableaux qui montrent ce qui se passe exactement au Canada, et ils sont tirés des données de Statistique Canada. Ce n'est pas un phénomène ponctuel. Cette tendance se maintient depuis plus de 30 ans et elle ne va donc pas disparaître. En fait, la situation empire. Les données les plus récentes montrent qu'au Canada, le taux de fécondité est de 1,5, ce qui veut dire qu'à chaque génération, le nombre diminue de 25 p. 100. Il faut 2,1 personnes pour assurer le remplacement; 1,5 représente 75 p. 100 de ce chiffre, et nous sommes donc à court de 25 p. 100. Voilà l'état de la capacité de la famille canadienne de se reproduire.
Qu'est-ce que cela a à voir avec le mariage gai? Si l'on analyse les données au fil des années, et si l'on examine ce qui a causé cette rupture sociétale, passant d'une société capable de se reproduire à une société qui est maintenant en déclin et qui a besoin d'un grand nombre d'immigrants chaque année pour assurer le remplacement, d'après mon analyse, si l'on examine ce qui s'est passé au Canada peu avant que le taux de fécondité devienne négatif dans les années 1970, on constate qu'on a changé la loi sur le divorce et qu'il y a eu augmentation du nombre d'avortements, faisant passer le taux de fécondité du positif au négatif. Après ces changements, la société canadienne n'a plus été plus capable de se reproduire.
¿ (0935)
D'un point de vue sociologique c'est un peu abstrait mais les gens ont des faisceaux d'attitudes. Si vous êtes membre d'un parti politique, vous savez qu'il y a toute une série de lois et de convictions à laquelle adhèrent tous les autres membres. Les libéraux ont leurs convictions à eux, les conservateurs aussi, ainsi que les néo-démocrates.
Le divorce à l'amiable, l'avortement et les droits des gais se retrouvent habituellement dans un même faisceau d'attitudes, et cela se comprend parce que c'est un point de vue logique.
L'avortement réduit la nécessité de la sexualité dans le mariage, et dans les mariages traditionnels axés sur la famille, les gens peuvent avoir des rapports sexuels sans aucune conséquence.
Le divorce à l'amiable est également compatible avec une société qui accepte le mariage gai parce qu'il y a plus de diversité dans un second mariage. Si la société avait, comme c'était le cas traditionnellement, un taux de divorce de 10 p. 100—90 p. 100 des gens restaient mariés jusqu'à la mort—,il serait alors inconcevable que les gens d'une telle société réclament le mariage gai parce qu'il serait trop différent des valeurs sociétales.
Donc, dans la société d'aujourd'hui, qui accepte le divorce à l'amiable et l'avortement, les droits des gais prennent plus de place et les gens réclament le mariage entre personnes de même sexe. C'est une évolution sociale et c'est un ensemble logique—j'aime parler de faisceaux—ou un faisceau d'idées qui ont un lien logique entre elles.
Essentiellement, compte tenu de tous ces faits, si vous voulez que la société canadienne restaure la santé de ses familles, sa santé génésique, qu'elle retrouve sa pérennité, il faut augmenter le taux de fertilité à 2.1, et pour ce faire, il faudrait renverser certains changements qui se sont opérés dans la société. Si vous autorisez le mariage gai, vous allez dans le sens contraire; vous allez vous écarter d'une société durable pour vous rapprocher d'une société où les valeurs familiales traditionnelles ne sont pas autant valorisées... Donc, si l'on conserve le statu quo, ou si l'on va plus loin et que l'on redéfinit la famille, le pronostic pour la société canadienne est le suivant—et vous pouvez le voir au tableau 1, figure 2: dans 21 générations, la population actuelle du Canada aura disparu.
Aujourd'hui, avec ces générations qui durent 30 ans, cela fait des centaines d'années, mais certaines sociétés affichent une grande longévité, par exemple, la Chine, l'Inde, la Grèce ou d'autres. Voilà probablement pourquoi on ne s'intéresse pas beaucoup à l'avenir. Les gens ont déjà du mal à se faire un budget quinquennal, alors pour ce qui est de se projeter dans des centaines d'années et de réfléchir à ce qui va advenir de leur société...
On ne parle presque jamais de cette question dans la presse. Il y a des articles sur l'évolution démographique, mais on ne traite jamais de ses causes sous-jacentes, et c'est probablement la raison pour laquelle tout cela semble nouveau et risque peut-être de vous choquer. Mais tout cela est fondé sur les données de Statistique Canada, et vous pouvez les vérifier. À l'avenir, si nous maintenons l'organisation familiale que nous avons aujourd'hui, avant de passer aux droits des gais, à l'avenir, il n'y aura plus d'anglophones ou de francophones au Canada.
¿ (0940)
Par conséquent, si l'on considère que la société a pour rôle de protéger les gens, je m'oppose à ce qu'on autorise pour l'instant le mariage gai. Vous avez déjà des unions gaies, et la redéfinition de la famille n'est pas nécessaire. On a fait valoir que les Pays-Bas autorisent le mariage gai, mais leur population diminue à un rythme beaucoup plus rapide. Je pense que si nous suivons les Pays-Bas sur la voie de l'extinction, nous allons vite savoir si c'est une bonne idée ou non.
Le président: Merci beaucoup.
C'est au tour de M. Toews pour sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci à tous pour votre exposé. Je voulais faire quelques observations au sujet de la présentation de M. Dias. Je mesure bien le travail que vous fait avec ce sondage. Je me demande cependant si vous avez pris connaissance de certains textes théoriques. L'une des universitaires que nous avons entendue s'appelait Katherine Young, et elle nous a remis un document tout à fait remarquable qui s'intitule Responding to Dubious Reasons for Legalizing Gay Marriage. Tout particulièrement en ce qui concerne certaines observations que vous faites, vous voudrez peut-être prendre connaissance de son texte et peut-être en discuter à votre professeur dans le contexte de votre recherche.
En réponse à l'idée selon laquelle le mariage gai est fondé sur des précédents historiques et anthropologiques, elle écrit:
En fait, en tant que norme d'une société, le mariage gai ne connaît aucun précédent. Certaines sociétés ont autorisé des exceptions à la norme, oui. Et certains chefs ou rois puissants ont défié toutes les normes. Mais la norme conjugale, dans toutes les sociétés, a toujours été hétérosexuelle. |
Elle écrit plus loin:
Les précédents qu'on cite normalement sont pris hors contexte. Il est vrai, par exemple, que certaines sociétés amérindiennes ont permis à quelques hommes de servir d'épouses à d'autres hommes. Mais ces sociétés se sont assurées que leurs maris avaient déjà épousé des femmes et engendré des enfants, ou que la survie démographique de la collectivité n'était pas mise péril. En ce qui concerne Néron, l'empereur romain, il est vrai qu'il a épousé un homme. Mais il a fait cela dans un contexte moral que peu de gens aujourd'hui trouveraient édifiant. Pourquoi donc s'inspirer de l'enseignement moral de Néron? |
Je vous invite donc à prendre connaissance de certaines recherches qui ont été faites par un autre témoin que nous avons entendu, Daniel Cere, et de celles de Katherine Young. Ils présentent une perspective différente de la question.
Je vous laisserai répondre à cela plus tard, mais j'aimerais d'abord entendre le Dr Lafrance. Il a mentionné qu'il avait quelque chose à dire mais qu'il croyait manquer de temps. Essentiellement, vous avez dit que cette revendication de la communauté homosexuelle n'avait rien à voir l'égalité mais que c'était autre chose qu'elle recherchait. Je veux vous permettre de dire de quoi il s'agit.
¿ (0945)
Le président: C'est donc une question qui s'adresse à M. Lafrance et...
M. Vic Toews: je crois que je reviendrai à M. Dias, s'il nous reste du temps, et je lui poserai une autre question au prochain tour.
Le président: Monsieur Lafrance.
M. W. André Lafrance: Je crois que la meilleure réponse à cette question se trouve dans un article écrit par Lysiane Gagnon. Vous le savez sans doute, Lysiane Gagnon est un des chroniqueurs vedettes de La Presse de Montréal, le plus grand quotidien de langue française. Elle affirme, essentiellement, que les homosexuels tiennent au mariage en raison de son importance symbolique, parce que le mariage est très respecté dans notre société. Comme vous dites, cela a toujours été la norme partout dans le monde, à toutes les époques. Le mariage est perçu universellement comme une bonne chose. Donc si on leur permet de se marier, comme le révérend Hawkes et M. Douglas Elliott vous l'ont dit...
Ils nous ont dit que c'est tout ce qu'ils veulent, pouvoir se marier. Il y a une bonne raison pour laquelle ils vous ont dit cela. La seule raison pour laquelle ils veulent se marier comme nous, c'est pour obtenir l'approbation à laquelle ils tiennent tant. Bien sûr, leur permettre de se marier comme nous constituerait l'approbation ultime de leur comportement. Ils le savent, et je pense que tout observateur lucide de la scène politique, comme Lysiane Gagnon, le sait aussi.
C'est une question de symbolisme, et le symbolisme est important. Les jeunes soldats américains qui sont partis au combat—et il est probable que certains d'entre eux seront tués—vont marcher derrière leur drapeau. Le drapeau a une signification pour eux.
Les mots ont leur importance. Il y a quelque chose de magique dans le mot «mariage», et les homosexuels le savent. Ils savent que si on leur permet d'adhérer à cette institution, ce sera l'approbation ultime de leur comportement. C'est la raison pour laquelle ils veulent se marier aussi.
Le révérend Hawkes ne vous a pas dit pourquoi il voulait se marier comme nous. Il a juste dit qu'il voulait se marier aussi. Je vous dis, moi, pourquoi je pense qu'il veut se marier aussi.
M. Vic Toews: Parlez-vous du Révérend Hawkes de la Metropolitan Community Church de Toronto?
M. W. André Lafrance: C'est exact, et Douglas Elliott est l'avocat d'une organisation...dont j'oublie le nom.
M. Vic Toews: Merci.
S'il nous reste du temps, M. Dias peut répondre.
M. Jeremy Dias: C'était une observation formidable, et je suis heureux que vous l'ayez relevée. C'était génial. Je n'aurais jamais pensé que quelqu'un l'aurait relevée.
¿ (0950)
M. Vic Toews: Nous sommes ici pour ça.
M. Jeremy Dias: Mais ce qu'il faut retenir, c'est que je ne dis pas que le mariage homosexuel est la norme partout dans le monde. En fait, ce n'est pas le cas. Ce que j'essaie de faire comprendre à votre comité, c'est que le mariage homosexuel fait partie de l'institution du mariage. Ce n'est pas une norme.
Le mariage homosexuel fait partie de l'institution du mariage parce qu'il a été célébré auparavant dans l'histoire.
Ils sont de McGill, n'est-ce pas, ces deux savants? Oui, ils sont de l'Université McGill. J'ai pris connaissance de leur recherche. Ils m'ont donné une copie de leur mémoire.
Elle a omis certaines preuves en l'Inde. Elle a omis certaines preuves en l'Europe. J'en parle dans mon mémoire, et si vous voulez, vous pouvez obtenir plus d'information à ce sujet.
De même, il est important de rappeler—il s'agit encore de certaines recherches qu'elle a omises—que l'on prêtait à certaines personnes dans ces collectivités deux esprits. Ce que cela veut dire, c'est que ces personnes possédaient en elles les qualités aussi bien des hommes que des femmes. La raison pour laquelle ces personnes se mariaient—et c'est une chose dont elle ne parle pas dans son mémoire—c'était parce qu'elles avaient deux esprits. Avoir deux esprits, c'est avoir des qualités des hommes aussi bien que des femmes, et donc marier deux personnes du même sexe—excusez-moi, je prends beaucoup de temps pour le dire—,ce n'est pas un mariage en fait, ce n'est pas comme s'il manquait un homme ou une femme. En fait, vous réunissez les qualités des deux sexes, et c'est ce qui est important, et dans la majorité de ces cultures, c'est ce qu'on essayait de faire comprendre.
M. Vic Toews: Donc, essentiellement, pour résumer très rapidement, d'après les preuves que vous présentez, quiconque croit dans une union éternelle et est amoureux d'une autre personne peut se marier.
M. Jeremy Dias: Oui.
Le président: Monsieur Marceau, sept minutes.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les trois pour vos présentations.
Monsieur Lafrance, j'ai été un peu surpris de la vôtre, surtout lorsque vous avez fait l'analogie avec le sang. J'ai organisé récemment une collecte de sang, comme je le fais chaque année, et on refusait d'accepter le sang de gens qui avaient vécu en Europe pendant plus de tant de mois, de même que celui des hommes et des femmes qui avaient eu des partenaires multiples, même s'ils étaient hétérosexuels. Est-ce qu'on devrait empêcher ces gens de se marier?
M. W. André Lafrance: Cela n'a rien à voir avec le mariage. Vous mêlez deux choses, monsieur Marceau.
La raison pour laquelle on refuse le sang de ces gens, c'est qu'il y a en Europe une maladie qui s'appelle la maladie de la vache folle. C'est une maladie d'origine virale causée par un organisme qu'on appelle un prion et qu'aucun test ne peut déceler à l'heure actuelle. La seule façon d'éliminer cette possibilité est d'exclure ces gens. Cela n'a absolument rien à voir avec le mariage. Vous soulevez une chose qui est complètement hors contexte.
M. Richard Marceau: Parfait. C'est exactement ce que je voulais vous entendre dire. Vous venez de dire que le fait que certaines personnes ne peuvent pas donner de sang pour une raison ou pour une autre n'a rien à voir avec le mariage. Je suis d'accord, et c'était le point que je voulais faire ressortir.
Il y a une deuxième chose dont je voudrais parler. Vous venez de dire à mon collègue Vic Toews que tout ce qu'ils veulent, c'est être acceptés. Répondez-moi. Quel mal y a-t-il à ce qu'une personne soit acceptée dans la société si elle est différente? Quel mal y a-t-il là-dedans?
Vous avez dit dans votre présentation, en anglais d'ailleurs, que le bonheur était la chose la plus importante. Vous avez également dit que les choses qui affectaient de façon mauvaise le bonheur des gens étaient mauvaises. Ce sont vos mots que je traduis.
M. W. André Lafrance: Oui, c'est à peu près ce que j'ai dit.
M. Richard Marceau: Prenons l'exemple de M. Dias. Si son bonheur consiste à se marier avec un conjoint de même sexe, selon votre propre définition, si on l'empêche d'établir une relation reconnue par la société avec la personne qu'il aime, cela nuit à son bonheur et c'est nécessairement mauvais.
M. W. André Lafrance: Dans la question du mariage, l'amour est peut-être l'élément le moins important. En dépit de ce que monsieur a dit et en dépit de l'opinion qui prévaut, les trois ingrédients principaux et essentiels du mariage sont les suivants. Premièrement, il y a le substrat biologique, c'est-à-dire la capacité d'un homme et d'une femme ou de deux êtres de générer d'autres êtres humains. C'est l'essentiel de la fonction du mariage. Deuxièmement, il y a l'engagement, en anglais commitment. C'est important et c'est peut-être l'un des éléments les plus essentiels. Le troisième, qui est hautement souhaitable, et je le reconnais, c'est l'amour. Actuellement, le problème du mariage, c'est que les gens ont inverti l'ordre de ces choses. Ils ont un peu trop écouté la chanson des Beatles All You Need Is Love. C'est vrai, mais ce n'est pas suffisant. It helps: je vous concède cela.
[Traduction]
Je le répète, c'est très souhaitable, mais c'est loin d'être le plus important. C'est la raison pour laquelle le mariage se porte si mal, parce qu'on a inversé ces trois choses.
¿ (0955)
[Français]
M. Richard Marceau: Oui, mais...
[Traduction]
M. W. André Lafrance: Laissez-moi finir. Vous m'avez interrompu.
Le président: Je vous prie de vous adresser au président, parce qu'il est évident que...
M. W. André Lafrance: Mais il m'a interrompu.
Le président: C'est moi qui en décide.
M. Marceau va vous poser une question et vous allez répondre.
Allez-y.
[Français]
M. Richard Marceau: Je ne veux pas me poser en adversaire. Je m'excuse si...
M. W. André Lafrance: Non, non. Je comprends, monsieur Marceau.
M. Richard Marceau: C'est que sept minutes, c'est court.
Revenons à la procréation. Je vous ai déjà vu ici et vous devinez sûrement ma prochaine question. Qu'est-ce qu'on fait des couples infertiles ou d'une femme ménopausée qui ne peut plus avoir d'enfants? Selon vos propres mots, le but du mariage est la procréation et pour se marier, il est essentiel d'avoir la capacité de procréer. Si c'est cela, qu'est-ce qu'on fait des gens hétérosexuels qui ne peuvent procréer?
M. W. André Lafrance: J'ai dit que le potentiel devait être là. Étant donné leur âge, ces gens ne sont plus capables de procréer, mais à un moment de leur vie, ils avaient ce potentiel. Au moment où ils se sont mariés, ils l'avaient.
M. Richard Marceau: Pas nécessairement.
M. W. André Lafrance: Non, mais même s'ils ne peuvent pas réaliser le potentiel, le substrat biologique est là.
M. Richard Marceau: Une femme de 60 ans n'a plus le potentiel de procréer.
M. W. André Lafrance: Non, mais je n'ai pas dit que c'était le seul but du mariage. J'ai bien insisté sur le commitment, l'engagement. C'est très important et c'est peut-être, en fin de compte, l'élément le plus important. Mais pour que cet engagement du mariage puisse se réaliser, il faut qu'il y ait un substrat biologique. «Substrat» est un mot qu'on utilise en biologie. C'est le fondement d'une chose, l'essentiel sans lequel l'autre chose ne peut pas exister.
M. Richard Marceau: Reprenons vos trois éléments, qui sont la capacité de procréer, l'engagement et l'amour. Vous avez dit vous-même que deux personnes de même sexe pouvaient s'aimer. On vient de parler de procréation et de se dire qu'il y a des gens qui ne sont pas capables de procréer, mais il y a aussi des gens qui ne veulent pas procréer. J'ai des amis qui sont mariés et qui ne veulent pas avoir d'enfants.
Le troisième point est l'engagement. Comme vous l'avez vu, il y a des gens qui sont venus faire une présentation ici et qui nous ont dit qu'ils voulaient s'engager. Ils veulent s'engager; they want to commit. Vous avez utilisé le mot commitment. Donc, ils s'aiment et ils ont une volonté de s'engager. Pour ce qui est de la procréation, certains hétérosexuels ont ce potentiel et d'autres ne l'ont pas. Je sais que je ne vous convaincrai pas, mais je vous demande d'essayer de me convaincre parce que j'ose espérer que j'ai l'esprit ouvert. Je ne vois pas en quoi les trois points sur lesquels vous vous basez pour définir l'essence même du mariage empêcheraient M. Dias ou d'autres personnes de même sexe de se marier.
Le président: Merci, monsieur Marceau. Monsieur Lafrance.
M. W. André Lafrance: Au sujet de votre conception de l'amour, il faut savoir qu'il y a deux conceptions de l'amour. Il y a l'amour bon et l'amour déviant. La personne qui s'engage dans la pédophilie a de l'amour pour le jeune garçon. La personne qui s'engage dans la bestialité a de l'amour pour son petit caniche. La personne qui s'adonne à des excès de nourriture a de l'amour pour la nourriture. Mais, à des degrés divers, ce ne sont pas des formes d'amour que la société propose comme modèles. Je vais m'en tenir à ça. L'amour n'est pas tout. Il faut définir le type d'amour.
Ensuite, en ce qui a trait à l'engagement, il y a quelque temps, j'ai lu quelque chose dans un journal et je vais vous le lire en anglais.
À (1000)
[Traduction]
Le président: Monsieur Lafrance, combien de temps allez-vous prendre? Nous avons dépassé de loin les sept minutes.
[Français]
M. W. André Lafrance: Il m'a dit qu'il y a un engagement possible de la part des homosexuels, et je dis que leur conception de l'engagement n'est pas tout à fait la même que celle des hétérosexuels. Je pense qu'il est important d'établir la différence entre les deux.
[Traduction]
Le président: D'accord.
Je voulais seulement savoir combien de temps il vous faudrait pour lire cela.
M. W. André Lafrance: It is not very long; only one paragraph.
Le Journal of Sexual Researchfaisait remarquer assez récemment, en 1997, que,
[...] des chercheurs australiens ont demandé à plus de 2 500 homosexuels actifs combien de partenaires ils avaient eu dans leur vie. La réponse la plus populaire parmi les plus âgés était «entre 101 et 500». Mais pour la catégorie «501 à 1 000» et «plus de 1 000», c'était dans chaque cas plus de 10 p. 100 des répondants. |
Ce n'est pas l'idée que je me fais de l'engagement.
Le président: Merci beaucoup. J'ai hâte au tour de trois minutes. Nous devons avancer.
Clarification pour tous, je vais vous rappeler que nous en sommes maintenant au tour de sept minutes, et que nous allons passer au tour de trois minutes. Les sept minutes doivent inclure les questions et les réponses.
Les députés ont en fait le droit de poser leurs questions à qui ils veulent, parce que c'est essentiellement le but de cet exercice, de vous interroger sur vos exposés. Je vais donner la parole aux députés qui veulent réagir à une autre réponse. Si nous en avons le temps, je vous donnerai la parole, mais si nous n'avons pas le temps, je ne pourrai pas vous la donner.
Nous allons maintenant passer à M. O'Brien, sept minutes.
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos trois témoins pour leurs exposés. J'ai quelques questions.
Tout d'abord, je m'adresse peut-être à M. Dias, je crois que nous avons vu certains mots avec lesquels on joue. Vous dites, et je cite vos paroles, que nous «ne redéfinissons pas le mariage», et vous avez ensuite essayé d'expliquer pourquoi. Et je pense que M. Toews a cité de fortes preuves pour mémoire selon lesquelles la norme sociale a toujours été le mariage hétérosexuel. Je ne veux pas discuter de vos preuves et de celles d'autres témoins. Qu'il suffise de dire qu'au Canada, depuis la Confédération, le mariage a toujours été l'union entre un homme et une femme. Notre comité tient des audiences pour savoir s'il y a lieu de changer cela. Pour ma part, franchement, je ne crois pas que nous devrions y changer quoi que ce soit.
Nous avons entendu des témoins qui nous ont dit qu'ils voulaient redéfinir le mariage et y inclure les unions homosexuelles. Vous semblez dire que cela ne revient pas à redéfinir le mariage.
Monsieur le président, étant donné que nous avons un porte-parole de la jeunesse ici, il serait peut-être indiqué de citer un passage célèbre de la littérature de jeunesse, un classique, De l'autre côté du miroir , de Lewis Carroll. Je cite:
«Lorsque moi j'emploie un mot, répliqua Humpty-Dumpty d'un ton de voix quelque peu dédaigneux, il signifie exactement ce qu'il me plaît qu'il signifie... ni plus, ni moins... |
«La question, dit Alice, est de savoir si vous avez le pouvoir de faire que les mots signifient autre chose que ce qu'ils veulent dire.» |
Monsieur le président, à mon avis, c'est exactement ce que certains témoins nous demandent de faire. Ils nous demandent d'étirer la définition du mariage, ou de la modifier de telle manière à la rendre tellement inclusive qu'elle ne voudra plus rien dire pour la plupart des Canadiens qui partagent les mêmes valeurs.
Je vais donc vous demander, monsieur Dias, si vous parlez au nom de la jeunesse ou si vous pensez parler en son nom. En terminant votre exposé, vous avez dit que vous parliez pour la majorité des jeunes Canadiens. Sur quoi vous fondez-vous pour dire cela? Est-ce votre conviction profonde? Comment pouvez-vous prétendre parler au nom de la majorité des jeunes Canadiens?
M. Jeremy Dias: Merci. C'est une bonne question.
Je peux parler au nom de la jeunesse canadienne, premièrement, parce que j'en fais partie et, deuxièmement, parce que j'ai mené un sondage exhaustif pour savoir ce que les jeunes pensent des enjeux actuels. La plupart des arguments que je présente dans mon mémoire sont des arguments qui ont été présentés par des jeunes.
Bien sûr, je ne peux pas présenter plus d'un point de vue, parce que ce serait illogique. Par conséquent, je dois présenter l'opinion qui représente la pensée dominante de cette couche démographique. Donc, c'est ce que je vous présente.
M. Pat O'Brien: Je vous remercie pour cette précision. Je crois qu'elle était importante. Voilà pourquoi je vous ai posé cette question. Je pense que c'est très important.
À (1005)
M. Jeremy Dias: Excusez-moi. Je suis très nerveux.
M. Pat O'Brien: Je pense qu'il est très important que vous ayez la possibilité de clarifier votre pensée, comme vous venez de le faire, et de vous entendre dire que vous n'êtes pas un porte-parole de la jeunesse canadienne. Vous êtes un jeune Canadien qui a sondé certaines personnes, et vous présentez vos constatations. Je pense que c'est très bien.
Je vous réponds, moi, sans aucune hésitation, que nous n'aurions pas à aller bien loin pour entendre des tas de jeunes Canadiens qui, je le sais personnellement, ont des vues exactement contraires à celles de M. Dias, mais probablement que nous allons entendre certaines de ces personnes.
M. Jeremy Dias: Excusez-moi, monsieur...
M. Pat O'Brien: Pardon. Le président vous a expliqué que les interruptions sont interdites.
Je vous réponds donc que nous allons probablement entendre certains de ces témoins à l'avenir.
M. Dias a fait valoir que personne ne revendique la polygamie. Eh bien, la réalité est... Je ne sais pas si vous êtes au courant des preuves que nous avons entendues. Cette instance imminente qu'est la Commission de droit du Canada s'est interrogée sur cette question et a fait savoir qu'on ne pourra pas nécessairement limiter le mariage s'il suffit de deux personnes pour en faire un.
Êtes-vous au courant de ce témoignage?
M. Jeremy Dias: Oui.
M. Pat O'Brien: Très bien.
Je vous dirais donc que peu importe qu'on préconise ou non ce genre de chose, il est fort probable que si on commence à remanier la définition du mariage, on sait peut-être comment cela commence lorsqu'on la déconstruit, mais on ne sait pas forcément à quoi cela aboutira. Et c'est ce qui préoccupe beaucoup un grand nombre de Canadiens.
J'aimerais reprendre ce que mon collègue M. Marceau a dit, et j'aimerais connaître l'opinion de M. Lafrance à ce sujet. C'est la question de la procréation. Est-ce l'unique fondement du mariage? Quelle place cet aspect occupe-t-il dans toute cette question?
J'aimerais citer un témoin précédent, M. Cere, qui a dit:
Les cultures et les religions de l'humanité ont toujours affirmé vigoureusement et sans relâche la nature procréative intrinsèque du mariage tout en permettant le mariage aux hétérosexuels stériles et ayant passé l'âge de procréer. |
Il existe une différence fondamentale entre la stérilité de certains couples hétérosexuels et l'impossibilité de l'ensemble des couples du même sexe de procréer dans le cadre d'une union de même sexe.
Je crois que cela répond à l'argument que nous avons entendu à maintes reprises et que nous continuerons sans doute d'entendre sans relâche, selon lequel étant donné que certaines personnes décident de ne pas avoir d'enfants ou sont incapables d'en avoir, il faut permettre aux couples du même sexe de se marier. Je considère qu'il s'agit au mieux d'un raisonnement spécieux.
Mais j'aimerais entendre l'opinion de M. Lafrance à ce sujet.
M. W. André Lafrance: J'ai essentiellement dit la même chose mais autrement, à savoir que le substrat doit exister. Il n'est pas nécessaire qu'il soit actualisé mais il faut que le substrat soit présent, tandis que dans les unions de même sexe, cette possibilité n'existe pas. Dans ce sens, cela serait contre nature. Je crois fermement dans la notion d'ordre naturel; si cet ordre naturel n'existait pas, ce serait le chaos. Il existe un ordre qui doit être respecté, et c'est le grand principe du mouvement écologique moderne, à savoir qu'il ne faut pas aller contre nature.
M. Wadeck a fait allusion à la notion de ce que j'appelle la masse critique. Dans toute population, il faut une certaine masse critique et si on n'arrive pas à maintenir cette masse critique, cela cause des problèmes. C'est ce que nous a appris l'industrie de la pêche où on a eu l'imprudence de permettre la surpêche et où on en paye le prix maintenant. La morue a disparu, et maintenant on nous prévient que les crevettes et les pétoncles risquent de connaître le même sort. On a l'impression que les humains répètent toujours les mêmes erreurs.
Le président: Nous allons maintenant céder la parole à M. Dias pour qu'il réponde à certaines des observations qui ont été faites lorsque je vous ai demandé de ne pas interrompre les intervenants. Je n'ai jamais réussi à empêcher les gens d'interrompre ceux qui parlent si je ne leur donne pas la possibilité de finir par répondre.
Allez-y.
M. Jeremy Dias: En ce qui concerne les multiples partenaires sexuels des homosexuels, je crois que cette information est sans doute un peu faussée compte tenu de sa provenance. Si on examine les études canadiennes qui ont été faites, le résultat pourrait être légèrement différent. Quoi qu'il en soit, les habitudes sexuelles des gens sont des aspects personnels et privés qui n'ont rien à voir avec l'engagement.
Je me souviens d'un célèbre opéra qui a été transformé en une comédie musicale intitulée Moulin Rouge. C'était l'histoire d'une prostituée qui avait eu des milliers de partenaires sexuels mais qui après avoir trouvé la personne qui lui convenait était prête à se ranger, à s'engager et à vivre heureuse jusqu'à la fin de ses jours. J'ignore pourquoi les homosexuels devraient être privés de ce droit.
De plus, je n'essaie pas de jouer avec les mots devant le comité, mais j'essaie en fait de vous présenter l'opinion des jeunes en fonction d'un sondage qui a reconnu l'existence d'une gamme d'opinions. Même si je suis persuadé quand interrogeant les gens dans la rue on obtiendrait des différentes opinions, le sondage que j'ai effectué était conforme aux principes énoncés dans le texte de David G. Myer intitulé Psychology, et dans l'ouvrage, A Textbook of Social Psychology, rédigé par John Alcock, ainsi qu'aux procédures qui accepteraient des données démographiques exactes.
Une voix: Combien de personnes ont participé à votre sondage?
À (1010)
M. Jeremy Dias: Quatre cent quatre personnes ont été interrogées uniquement en raison de contraintes de temps. Le sondage se poursuivra jusqu'à ce que j'obtienne...
Le président: C'est une question légitime, et nous allons...
Donc, nous avons entendu des témoins évoquer Moulin Rouge, De l'autre côté du miroir et les Beatles, et nous n'avons même pas commencé à voyager.
Des voix: Oh, oh!
Le président: C'est un comité qui est très porté sur la métaphore.
Monsieur Sorensen.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Oui, je vous remercie.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être des nôtres. Jeremy, je vous remercie de votre présentation. Nous vous en sommes reconnaissants parce que nous avons constaté que vous avez déjà assisté à nos délibérations à titre d'observateur. Donc, nous savons que c'est un sujet qui vous intéresse et que vous avez fouillé.
La semaine dernière, nous sommes revenus d'une pause de deux semaines. Au cours de la pause, je me suis rendu dans un certain nombre d'écoles secondaires de ma circonscription où on m'a demandé quel était le rôle d'un député. Je leur ai expliqué en quoi consistait mon travail, c'est-à-dire à représenter mes électeurs et les membres de ma circonscription, et je leur ai parlé de la rédaction des lois. Ils m'ont demandé, «Vous arrive-t-il de vous occuper de mesures vraiment controversées?»
Des voix: Oh, oh!
M. Kevin Sorenson: Je leur ai dit que je faisais partie d'un comité qui vient de terminer ses audiences sur l'utilisation de drogues à des fins non médicales et que nous devions décider, entre autres, s'il faut autoriser la création de piqueries sûres et de cliniques à l'intention des héroïnomanes . Je leur ai fourni ces exemples de questions controversées dont nous devons discuter.
Je leur ai expliqué que je fais maintenant partie du Comité de la justice et nous étudions le mariage homosexuel. Toute la classe a demandé, «Pourquoi perdez-vous votre temps sur un sujet comme le mariage homosexuel? Le mariage doit demeurer l'union de l'homme et de la femme.» Il s'agit d'étudiants du niveau secondaire qui parlent de l'importance de préserver les traditions, les valeurs, etc. Je me suis presque fait l'avocat du diable, car même si j'ai précisé que je crois que le mariage est l'union de l'homme et de la femme à l'exclusion de toute autre forme d'union, je me suis mis à réfléchir et je leur ai alors demandé, «S'il y avait des homosexuels dans la classe de douzième année, devrions-nous les priver de la possibilité de se marier?» Ils m'ont répondu qu'il ne fallait pas les empêcher d'être qui ils sont, mais que le mariage était propre à l'homme et à la femme. Il s'agit d'étudiants du niveau secondaire.
Lorsque M. Toews vous a demandé si on devait permettre aux gens de se marier tant qu'ils croient qu'ils s'unissent pour la vie et qu'ils sont amoureux l'un de l'autre, vous avez répondu oui. Est-ce exact?
M. Jeremy Dias: Oui.
M. Kevin Sorenson: Vous avez répondu oui.
Mais dans notre société, la population homosexuelle est très faible. Devrions-nous tenir compte du nombre ou du pourcentage que représente cette minorité? Croyez-vous qu'il faudrait tenir compte de ce faible pourcentage pour déterminer si nous devons lui accorder ce droit ou ce privilège?
M. Jeremy Dias: Je crois qu'il est important de reconnaître que la communauté homosexuelle n'est pas simplement une petite minorité. Elle ne se compose pas uniquement de gais, de lesbiennes, de transgenderistes, et de pédés et ainsi de suite, mais aussi d'hétérosexuels. Je crois qu'il est important de reconnaître qu'il existe des hétérosexuels qui considèrent faire partie de la communauté gaie et lesbienne, parce qu'il ne s'agit pas uniquement des homosexuels d'un côté et des hétérosexuels de l'autre. Il s'agit de gais, de lesbiennes, de bisexuels, de transgendéristes, de pédés. de travestis qui...
M. Kevin Sorenson: On ne devrait pas tenir compte de la petite taille de la minorité ou de la communauté homosexuelle, mais il faudrait quand même accorder ce droit à quiconque croit en une union permanente et est amoureux?
M. Jeremy Dias: Je dis que la communauté homosexuelle n'est pas une minorité. Je pense que si vous tenez compte du contexte...
M. Kevin Sorenson: Vous êtes en train de dire qu'il ne s'agit pas d'une minorité?
M. Jeremy Dias: Non, ce n'est pas une minorité parce que la communauté gaie ne se limite pas uniquement aux gais.
Le président: Gardez vos réflexions pour plus tard, messieurs.
Nous allons maintenant passer à M. Macklin.
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais m'adresser à M. Lafrance et à M. Wadeck afin qu'ils nous parlent de l'une des préoccupations que nous avons et qui est de toute évidence importante puisque les tribunaux s'y sont intéressée en adoptant jusqu'à présent des points de vue différents. Il s'agit d'examiner le mariage dans le cadre du tissu social et des éléments constitutifs de notre société.
Monsieur Wadeck, je m'intéresse aux statistiques que vous avez présentées concernant la diminution de la population, ce qui de toute évidence devrait nous préoccuper. Cependant, compte tenu du contexte général dans lequel s'inscrit cette question, je m'interroge sur les relations qui existent dans notre société, ou dont on dit qu'elles existent.Il existe au sein de la communauté homosexuelle des liens amoureux qui voudraient s'exprimer par l'institution sacrée du mariage, pour reprendre l'expression consacrée. Même si ces liens existent déjà, croyez-vous que le fait de franchir cette étape aura une incidence importante sur les statistiques que vous avez présentées aujourd'hui pour ce qui est de l'avenir de la société?
À (1015)
M. Peter Wadeck: La responsabilité de tout gouvernement est de protéger sa société, et pour qu'une société existe, elle doit se reproduire. Si vous adoptez ce changement, il sera d'autant plus difficile de remédier au problème que connaît la société.
M. Paul Harold Macklin: Là où je veux en venir c'est que si cette relation existe déjà et que nous modifions simplement le niveau de reconnaissance, en tant que sociologue avez-vous des indications selon lesquelles cela pourrait nuire au mariage en tant qu'institution et, par conséquent, à la procréation qui résulte de cette relation?
M. Peter Wadeck: Non, je n'ai aucune indication en ce sens. Je suppose que notre pays en est au stade expérimental, comme c'est le cas aussi des Pays-Bas.
Pourquoi se précipiter, je vous le demande? Nous sommes ici depuis quelques centaines d'années, ce qui sur le plan historique est une période assez courte.
Je propose que vous suiviez ce qui se passe aux Pays-Bas. La population des Pays-Bas ne cesse de diminuer et sera remplacée par l'immigration d'ici quelques dizaines d'années. J'ai lu un article selon lequel les enfants d'immigrants formeront la majorité des couples d'ici quelques dizaines d'années. Nous devrions peut-être observer cette expérience jusqu'au bout pour déterminer si cela serait une bonne chose pour le Canada.
Quant à savoir si cela modifiera les choses, il sera difficile de renverser la tendance. Une fois que vous aurez redéfini le mariage, il sera plus difficile d'établir des valeurs ou des mécanismes sociaux qui rendront la société plus saine. Par exemple, aujourd'hui les couples non mariés paient plus d'impôt que les couples mariés, ce qui est un exemple d'un mécanisme social qui va à l'encontre des traditions familiales. Il y a de nombreux exemples de ce genre. Pour remédier au malaise qui existe à l'heure actuelle dans la société, il ne sera d'aucune utilité de s'éloigner encore davantage d'une structure familiale saine. C'est un peu comme donner encore plus de drogue à un toxicomane, ou plus d'alcool à une personne souffrant de cirrhose du foie. Nous ne ferons ainsi que nous orienter dans la mauvaise voie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Macklin.
J'aimerais obtenir une précision. M. Macklin a dit «en tant que sociologue». Êtes-vous aussi sociologue, monsieur Wadeck?
M. Peter Wadeck: Non, je suis en fait un étudiant en théologie.
Le président: Très bien, je vous remercie.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord dire à M. O'Brien que la Commission du droit n'a jamais dit qu'il fallait ouvrir le mariage à la polygamie. C'est important de le dire.
Deuxièmement, M. O'Brien a lu un texte dans lequel on fait la distinction entre some et many: tous les hétérosexuels peuvent avoir des enfants et aucun homosexuel ne le peut. Je lui soumettrai que toutes les femmes ménopausées ne peuvent pas avoir d'enfants. Selon la logique de M. O'Brien, on pourrait dire que si toutes les femmes ménopausées ne peuvent avoir d'enfants--et c'est le cas--, aucune femme ménopausée ne devrait pouvoir se marier. C'est la logique de M. O'Brien. Je ne fais que changer les termes.
Cela étant dit, monsieur Wadeck, avez-vous des preuves quelconques qui vous permettent d'affirmer que si jamais le mariage était ouvert à des conjoints de même sexe, les couples hétérosexuels qui veulent maintenant avoir des enfants arrêteraient d'avoir des enfants?
À (1020)
[Traduction]
M. Peter Wadeck: Pour vous répondre brièvement, non.
[Français]
M. Richard Marceau: Selon les preuves que vous pouvez avoir, si des conjoints de même sexe pouvaient se marier, est-ce que cela ferait baisser le taux de mariage des conjoints de sexe opposé?
[Traduction]
M. Peter Wadeck: Je crois que la réponse que vous recherchez, c'est que cela permettrait d'accepter une situation qui est à l'heure actuelle celle d'une cellule familiale dysfonctionnelle. La cellule familiale qui existe à l'heure actuelle est dysfonctionnelle; elle est incapable de se reproduire.
[Français]
M. Richard Marceau: Mais est-ce uniquement à cause des gais?
[Traduction]
M. Peter Wadeck: Si vous autorisez les mariages homosexuels, vous introduisez une valeur dans la société, qui solidifie la situation. Cela rend le changement d'autant plus difficile.
[Français]
M. Richard Marceau: Si je vous comprends bien, vous dites que le fait de permettre le mariage des conjoints de même sexe ne ferait pas baisser le taux de natalité, et c'est là-dessus que vous basez votre mémoire. Donc, permettre le mariage des conjoints de même sexe ne ferait pas augmenter le taux de natalité à 2,1. C'est le premier point.
Deuxièmement, vous venez de dire que le fait de permettre le mariage des conjoints de même sexe ne fera pas en sorte que moins de conjoints de sexe différent se marieront. C'est ce que vous avez dit, et je suis bien d'accord avec vous.
Vous avez parlé des Pays-Bas. Selon ce que les gens de notre service de recherche nous ont présenté, l'entrée en vigueur de la loi autorisant le mariage entre conjoints de même sexe aux Pays-Bas ne semble pas avoir eu un impact sur la courbe des mariages hétérosexuels. Ce ne sont pas des feelings ou des idées. Ce sont des statistiques importantes que nous devons mettre dans le dossier.
[Traduction]
Le président: Pardonnez-moi, monsieur Marceau, mais votre temps est écoulé. Je suis désolé, mais de nombreuses personnes attendent pour prendre la parole.
Par ailleurs, vous pouvez toujours répondre, mais je tiens d'abord à dire combien je suis ravi en tant que sociologue de constater que vous n'avez pas jugé nécessaire de vous distancier de votre profession, comme le font la plupart des avocats.
Monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Ce commentaire s'adresse à M. Dias. L'argument fondamental de la communauté homosexuelle est que le mariage est une question d'amour. Les personnes du même sexe peuvent s'aimer; donc, il faut ouvrir l'institution du mariage pour qu'elle soit accessible aux couples homosexuels. Cela améliorera leur estime d'eux et réduira les taux de suicide.
Je m'interroge sur l'hypothèse qui sous-tend cette théorie, en particulier parce que votre condition sine qua non du mariage, c'est que les gens s'aiment. C'est vraiment ce dont il s'agit, d'amour et de compagnonnage; si vous avez ces deux éléments, il n'y a aucune raison essentiellement qui vous empêche de vous marier.
Je viens d'une circonscription multiculturelle, et je constate des choses vraiment fascinantes. L'une de mes anciennes employées est hindoue. Pendant qu'elle travaillait pour moi, elle était en train de prendre des dispositions pour marier sa fille, et nous racontait des histoires à propos des prétendants qu'elle-même et sa fille allaient évaluer toutes les fins de semaine.
C'était vraiment très intéressant, et ce qui m'intéressait surtout en tant qu'homme protestant blanc anglo-saxon, c'est que l'amour n'avait pas grand-chose à voir là-dedans. La notion hindoue du mariage est beaucoup plus compliquée qu'une simple question d'amour. Si en fait les deux parties se plaisent, c'est le fruit d'un heureux hasard.
De même, il y a aussi un musulman afghan qui travaille pour moi. Lorsque l'on parle de l'amour selon la conception occidentale, nous parlons de notions très différentes.
Par conséquent, il me semble que l'hypothèse sur laquelle repose votre argument est faussée. Elle est faussée parce qu'on ne devrait pas séparer toutes les raisons complexes pour lesquelles un homme et une femme décident de s'unir et n'en choisir qu'une à l'exclusion de toutes les autres. Il est pratiquement simpliste de dire que le mariage est une question d'amour. Au début de la colonie, on expédiait ici des futures mariées d'un peu partout en Europe pour qu'elles donnent des enfants aux hommes établis ici. Les promis et les promises ne s' étaient jamais vu auparavant, et je suis sûr que cela a donné lieu à un certain nombre de relations très étranges.
Donc, je considère que vous avez posé la mauvaise question.
À (1025)
M. Vic Toews: Certains des produits de ces unions se trouvent probablement ici aujourd'hui.
Des voix: Oh, oh!
M. John McKay: Je n'ai pas l'intention de m'étendre sur l'étrangeté de la chose, monsieur Toews.
Le président: Voudriez-vous je vous prie poser votre question?
M. John McKay: Ce que je veux vous dire, monsieur Dias, c'est que l'amour a très peu à voir avec le mariage dans bien des sociétés et dans bien des circonstances. En fait, il est pratiquement trompeur d'en parler.
M. Jeremy Dias: Je crois que c'est un vraiment bon argument, et si j'étais musulman ou hindou, je serais probablement d'accord avec vous. Malheureusement, je suis un jeune Canadien qui vit au Canada, qui a grandi au Canada et qui a appris à l'école que l'amour et le mariage vont de pair. L'un de mes premiers cours en troisième année portait sur le mariage. En dixième année, j'avais un cours de sociologie et nous avons fait un simulacre de mariage, où notre gouvernement nous a appris que l'amour est l'aspect le plus important du mariage. Notre enseignant a cité des mémoires du ministère de l'Éducation indiquant entre autres que selon la tendance qui se dessine, les homosexuels finiront par pouvoir se marier. Je considère que c'est un élément important à souligner.
Oui, ce genre de chose existe au Canada, mais d'après mes recherches, selon la majorité des Canadiens et surtout des jeunes Canadiens, l'amour et le mariage vont de pair. Par conséquent, si les personnes du même sexe peuvent s'aimer, elles devraient par conséquent être autorisées à se marier. C'est un argument très simple.
Mais il est vrai que le mariage est une institution discriminatoire. Des personnes de la même famille ne peuvent pas se marier. Des personnes de religions différentes dans certains cas ne peuvent pas se marier, mais parallèlement—oh, désolé. Les gens ayant des religions différentes peuvent se marier.
Quoi qu'il en soit, c'est ce que je veux faire valoir. La situation a évolué et a changé. Le mariage n'est pas une institution fragile; c'est une institution qui peut évoluer.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Cadman, vous avez trois minutes.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais simplement enchaîner sur ce que vous avez dit, monsieur Dias et poursuivre dans le sens des questions posées par M. O'Brien.
Vous avez dit que le mariage est discriminatoire: les gens ayant des liens de parenté ou faisant partie de la même famille ne peuvent pas se marier. Pourquoi est-ce le cas? Parce que c'est prévu dans le droit pénal. Ne considérez-vous pas que le droit pénal peut être changé en tout temps? C'est ce que nous faisons ici assez souvent; nous le modifions.
C'est le type de question dont nous traitons et si la polygamie entre en ligne de compte, et bien beaucoup d'autres aspects ont été soulevés. Mais ils reposent tous sur le droit pénal, qui peut être changé en tout temps à l'avenir, et c'est ce qui doit nous préoccuper. Nous disons maintenant que le mariage est défini comme une institution qui tend à l'exclusion. Que se passera-t-il si nous ouvrons maintenant la porte et que nous disons que ce n'est plus une institution axée sur l'exclusion? Qui franchira cette porte? N'y aura-t-il pas quelqu'un un jour au sein de ce comité ou à la Cour suprême qui préconisera...? Il y a 20 ans, les gens n'auraient probablement pas pensé que nous tiendrions ce genre de discussion aujourd'hui.
C'est la question que je vous pose. Ne convenez-vous pas que les décisions que nous allons prendre ici aujourd'hui risquent d'avoir à l'avenir toute sorte de ramifications?
À (1030)
M. Jeremy Dias: Tout à fait, 20 ans avant les mariages mixtes, on y avait même pas songé. Vingt ans avant que les gens de couleur soient libérés, ils n'y avaient même pas songé. Je pense que cela fait partie du mariage; c'est un processus en évolution.
De plus, pour ce qui est d'assimiler le mariage à la polygamie ou à quoi que ce soit de ce genre, il faut reconnaître que les statistiques canadiennes indiquent que la majorité des Canadiens sont favorables au mariage des couples de même sexe. La situation n'est pas la même lorsqu'il s'agit de polygamie. Il n'existe pas de communauté de gens qui se sont réunis, et qui ont revendiqué le droit à la polygamie. Il ne s'agit pas d'une majorité écrasante.
M. Chuck Cadman: Vous voudrez peut-être venir dans la vallée du Kootenay en Colombie-Britannique et parler à quelques résidants. Vous constaterez...
M. Jeremy Dias: Mais ce que je suis en train de dire, monsieur Cadman, c'est qu'il s'agit d'une minorité. Ce que je préconise, c'est une mesure à laquelle est favorable une majorité de Canadiens, comme l'indiquent la recherche faite par le Parti libéral du Canada, l'étude Polara, l'étude Environics et l'étude Léger; c'est ce qu'indique également le mémoire d'Égale Canada. Ces études présentent les opinions des Canadiens.
Lorsque vous étudiez cet argument, il est effectivement important de prendre en compte la polygamie et les autres ramifications dangereuses du mariage, mais parallèlement il faut reconnaître qu'ils ne sont pas sur le même pied d'égalité. Il importe d'en tenir compte, mais elles ne sont absolument pas sur le même pied d'égalité parce que ces questions émanent de groupes dont les revendications sont différentes et dont les raisons sont différentes. Elles sont différentes sur le plan moral et elles sont acceptées différemment au sein de la collectivité canadienne et dans le contexte canadien.
M. Chuck Cadman: Vous laissez entendre que la légitimité d'une revendication dépend du nombre de personnes qui la défendent.
M. Jeremy Dias: Je ne crois pas que la légitimité d'une revendication dépende du nombre de gens qui la défendent; elle dépend de la solidité de leur argumentation. Je crois que les Canadiens reconnaissent volontiers que cet argument est un argument solide et ils y sont favorables.
Le président: Je vous remercie monsieur Cadman et monsieur Dias.
Monsieur O'Brien, vous avez trois minutes.
M. Pat O'Brien: Je vous remercie, monsieur le président.
Il s'agit de ce débat autour de la capacité de procréer, qui semble interminable. Je suppose que M. Marceau et moi-même ne serons jamais d'accord.
Voici où je veux en venir, monsieur le président. Comme l'a dit M. Cere, la capacité de procréer est une caractéristique inhérente bien que variable de l'expérience conjugale hétérosexuelle. Certains couples hétérosexuels ne peuvent concevoir. Nous le savons, nous l'acceptons, mais c'est une caractéristique inhérente de l'expérience des couples hétérosexuels telle que nous la connaissons. L'impossibilité de procréer est une caractéristique inhérente et immuable de l'expérience homosexuelle. Aucun couple de même sexe ne pourra avoir d'enfant sans recourir à une tierce partie. C'est là où je veux en venir, monsieur le président. Je crois que c'est assez simple, pourtant il ne fait aucun doute que certains ne seront pas d'accord avec cette déclaration.
Je veux poser une question à M. Wadeck, et je tiens à citer le rapport de la Commission du droit du Canada intitulé Au-delà de la conjugalité. La Commission laisse déjà entendre que la nouvelle catégorie juridique de rapports de nature personnelle, comme elle les appelle, ne devrait pas se limiter «à deux personnes». Le rapport insiste sur la nécessité de faire preuve de souplesse à cet égard parce que «les valeurs et principes d'autonomie et de neutralité de l'État exigent que les gens soient libres de choisir la forme et la nature des rapports personnels étroits qu'ils entretiennent entre adultes».
Il s'agit de citations directes, monsieur le président, dans le rapport intitulé Au-delà de la conjugalité, préparé par la Commission du droit du Canada. Il est indéniable que cela ouvre la voie, comme l'a indiqué M. Cadman, à des pressions subséquentes pour que le mariage inclue les relations polygames, un peu à la façon du roman De l'autre côté du miroir, que j'ai cité plus tôt.
J'aimerais connaître la réaction de M. Wadeck à l'argument présenté par ce groupe de spécialistes juridiques. Que cela plaise ou non à M. Dias, à M. Marceau, à moi-même ou à qui que ce soit d'autre, c'est l'argument qui est présenté. J'aimerais que M. Wadeck nous parle des ramifications possibles de la re-définition du mariage qui le prive de toute signification pour notre société.
M. Peter Wadeck: Je dirais qu'il faut envisager cette question dans une perspective collective plutôt qu'individuelle. M. Marceau parlait d'hétérosexuels individuels dans la société qui sont incapables de procréer, tandis que je mets l'accent sur les groupes et les faisceaux d'idées.
Je ne peux vraiment ajouter rien de plus. Je me contenterai de dire que nous sommes à l'heure actuelle dans une situation—j'ai vraiment l'impression de me répéter—,où une famille canadienne est incapable de se reproduire. C'est un problème que je considère très grave. Tout écologiste qui constaterait le même taux de fécondité chez une espèce quelconque sur cette planète considérerait qu'il y a quelque chose qui cloche sérieusement. Cette espèce finira par disparaître.
Je diras également, tout comme le ferait un écologiste, que la société doit apporter des changements, doit déterminer en quoi consiste le problème et inverser la tendance. J'aurais peut-être pu faire une étude, vous donner de nombreux détails sur les raisons pour lesquelles les mariages gais sont associés au divorce sans égard aux torts et à l'avortement.
J'ai présenté une citation qui indique les opinions communes d'un groupe composé de trois grands médias. La société fonctionne en groupe et les idées se présentent en groupe.
M. Marceau a indiqué que le taux de fécondité n'a pas changé aux Pays-Bas. En fait, il n'a jamais été positif. À mon avis, il ne deviendra jamais positif compte tenu de la situation dans lequel se trouve ce pays à l'heure actuelle.
À (1035)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Marceau, vous avez trois minutes.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
D'abord, je voudrais citer un rapport de la Commission du droit du Canada qui s'intitule Beyond Conjugality, où on parle de ce genre de relations. Il serait intéressant que Me Des Rosiers revienne. On parlait de relations entre frères vivant ensemble, entre soeurs vivant ensemble, entre un père et une mère. Au tout début de ces audiences, M. Toews parlait du fait qu'il faudrait aussi reconnaître ce genre de relations. Dans le contexte du rapport Beyond Conjugality, c'est exactement de ce genre de relations qu'elle parle. On ne parle pas de polygamie, mais d'autres sortes d'unions non conjugales. C'est important de le dire, et on pourrait faire revenir les gens de la commission n'importe quand.
Donc, il est important de mettre les choses dans leur contexte, mais je ne veux pas qu'il y ait un débat entre Pat et moi.
Monsieur Dias, j'aimerais avoir votre opinion sur la chose suivante. M. McKay disait qu'il n'y a pas si longtemps, les femmes étaient envoyées d'Europe to breed with the male population here. Ce sont à peu près les mots qu'il a employés. Or, connaissant M. McKay, je sais qu'il ne dirait pas qu'un tel geste serait acceptable aujourd'hui. Aujourd'hui, on n'accepterait pas qu'on mette un groupe de femmes dans un bateau pour les envoyer procréer ailleurs, comme on n'accepterait pas que les femmes soient inégales dans le mariage, comme elles l'ont été jusqu'à il y a environ 40 ans. Autrefois, la femme était soumise à l'autorité de l'homme selon le Code civil.
Est-ce que ces deux exemples ne montrent pas que la nature du mariage a changé avec le temps, que ce qui était acceptable il y a 200 ans ou même 50 ans n'est plus acceptable aujourd'hui? N'est-ce pas la meilleure preuve que le mariage d'il y a 50 ans n'est pas le mariage d'aujourd'hui?
[Traduction]
M. Jeremy Dias: Absolument. Je suis d'accord avec vous.
Vous dites que l'institution du mariage évolue, ce que certaines personnes qui ont témoigné devant votre comité ont énergiquement nié. Il n'en reste pas moins que le mariage évolue, et que les opinions sur le mariage changent également. L'opinion de la majorité ne doit pas nécessairement être l'argument déterminant, mais c'est un facteur dont il faut tenir compte.
[Français]
M. Richard Marceau: Vous dites qu'il faut prendre en considération le sondage scientifique de 2001 fait par Léger Marketing qui disait que 76,5 p. 100 des Québécois étaient en faveur des conjoints de même sexe. Au fond, c'est une question d'égalité, mais vous dites qu'il faut que ce soit le reflet des valeurs de la société, y compris l'acceptation de différents points de vue et d'un style de vie différent.
[Traduction]
M. Jeremy Dias: Absolument. Si les statistiques démographiques et les sondages ne sont pas le seul facteur à considérer, il faut quand même en tenir compte, et les résultats de ce sondage illustrent l'évolution des attitudes face au mariage.
À (1040)
Le président: John McKay.
M. John McKay: M. Marceau devrait passer quelques jours à mon bureau à essayer d'obtenir des visas pour les personnes qui veulent venir se marier au Canada. C'est un exercice fort instructif. J'oserais même dire qu'il y a beaucoup de ressemblance avec ce qui se passait il y a une centaine d'années.
Les gays vont valeur qu'ils ne sont qu'un petit groupe et que si on leur permet de se marier, cela n'aura guère de conséquence. Je veux bien, mais comment le savoir? Personne ne peut le prouver. L'expérience vécue aux Pays-Bas n'est pas concluante, parce qu'elle est trop récente. Les études faites jusqu'ici sont donc pratiquement inutiles.
Je demande si vous avez réfléchi à certains aspects de cette question, monsieur Dias et monsieur Lafrance. Beaucoup d'hommes hésitent déjà à se marier, jugeant que cela comporte trop de risques. Il existe une certaine mentalité masculine qui dénigre le mariage, si bien que certains hommes refusent de se marier parce qu'ils ont peur de l'engagement. À mon avis, une bonne part des gens de votre génération—et peut-être également la mienne—pense de cette façon. Cette mentalité est cependant plus répandue chez les jeunes. Cela a pour effet de rendre le mariage moins attrayant pour beaucoup de gens, ce qui a des répercussions.
Avez-vous réfléchi aux répercussions d'une telle mesure? En plus d'affirmer que le mariage comporte des difficultés dans le meilleur des cas, nous nous trouverions à l'ouvrir à tous les couples qui sont amoureux.
J'aimerais connaître votre point de vue à tous les deux. Si on élargit l'accès au mariage, qu'arrivera-t-il à l'avenir?
M. Jeremy Dias: Il ne s'agit pas d'élargir l'accès au mariage. Le mariage évolue et je crois que cela ferait partie de cette évolution.
Vous avez dit que certaines personnes pensent qu'une telle mesure n'aurait guère de conséquences et qu'elles ne comprennent pas pourquoi on fait tant d'histoires. Ces gens ont tort, parce que le droit de se marier est un enjeu important, et c'est pourquoi certaines personnes le revendiquent. J'ai eu l'occasion de parler avec l'un des députés et je reconnais que sur le plan social, il y a des sujets plus importants en ce moment: la guerre, la mort, la famine, le cancer et le sida. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la population tient encore à ces droits. Elle tient à l'égalité des être humains. Les gens attachent autant sinon plus d'importance au mariage qu'à certains de ces autres maux qui affligent notre société. S'ils y attachent une telle importance et désirent aussi ardemment se marier, la possibilité de le faire est évidemment capitale à leurs yeux.
Vous avez dit que le mariage comporte des risques et je suis tout à fait d'accord. L'institution du mariage est risquée, puisqu'un couple sur deux divorce. Les hommes ne veulent pas s'engager, contrairement aux femmes. Nous devons aussi tenir compte du fait que beaucoup de lesbiennes souhaitent se marier. Selon les études sociologiques, les femmes sont plus disposées à s'engager que les hommes. Il ne faut pas invoquer cette différence pour exercer une discrimination contre les femmes.
Quels effets aurait cette ouverture du mariage aux homosexuels? On ne peut que faire des conjectures parce que personne ne peut le savoir avec certitude. D'après les plus récentes recherches, rien n'indique que cela aurait des effets nuisibles ou dangereux pour la société, et quiconque affirme le contraire invoque l'argument de la pente glissante.
M. John McKay: Mais cela ne vaut-il pas également pour les tenants de l'argument contraire?
M. Jeremy Dias: Je pense que cela va dans les deux sens.
Le président: Merci.
Monsieur Toews.
M. Vic Toews: Monsieur le président, je suis troublé par l'argument de M. Dias selon lequel il faudrait permettre les mariages entre personnes du même sexe parce que les homosexuels ne sont pas minoritaires dans notre société et que beaucoup d'hétérosexuels sont en réalité des homosexuels. Je n'arrive plus à m'y retrouver dans ces arguments. Une chatte y perdrait ses petits. M. Dias rejette les arguments en faveur de la polygamie parce que le nombre de partisans de la polygamie est négligeable au Canada. Sauf le respect que je lui dois, les droits que notre société reconnaît ne sont pas une affaire de chiffres.
Son témoignage nous amène à nous poser certaines questions intéressantes au sujet de ces personnes dites bi-spirituelles: devrait-on permettre aux deux esprits d'une même personne de s'épouser? Les personnes bi-spirituelles devraient-elles avoir les mêmes droits que les autres étant donné l'importance symbolique ou psychologique du mariage? Dans ce cas, pourquoi une personne bi-spirituelle ne pourrait-elle pas se marier religieusement ou civilement toute seule en disant: je veux m'épouser moi-même afin de montrer l'importance du mariage? Puisque ces êtres bi-spirituels sont majoritaires dans notre société, pourquoi ne pourraient-ils pas se marier eux-mêmes?
À (1045)
M. Jeremy Dias: Que je sache, je n'ai jamais dit que les hétérosexuels avaient trop peur ni que les personnes bi-spirituelles étaient majoritaires dans notre société.
M. Vic Toews: Vous avez bel et bien dit que les homosexuels ne sont pas minoritaires dans notre société.
M. Jeremy Dias: J'ai dit que la communauté homosexuelle n'est pas une minorité. Quiconque appuie la communauté des gays et les lesbiennes fait partie de cette communauté. On n'a pas besoin d'être homosexuel. Il y a des personnes bisexuelles—
M. Vic Toews: Voulez-vous dire que si on appuie les mariages entre gays, on est un homosexuel?
M. Jeremy Dias: Non, pas du tout. Je veux dire que la communauté des gays et des lesbiennes regroupe des personnes hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles, transsexuées, de «folles» et de gens qui s'interrogent. Ce n'est pas une communauté isolée qui peut être tout à fait séparée.
M. Vic Toews: Donc, les homosexuels sont minoritaires dans notre société.
M. Jeremy Dias: Oui.
M. Vic Toews: Et sous prétexte qu'ils sont minoritaires, devrions-nous refuser d'admettre leurs arguments en faveur des mariages entre personne du même sexe? Les partisans de la polygamie veulent également avoir le droit de se marier, mais vous dites que nous devrions leur refuser ce droit parce qu'ils sont minoritaires.
M. Jeremy Dias: Je me suis peut-être mal exprimé. Ce que je voulais dire, c'est que personne ne préconise la polygamie. Personne n'invoque d'arguments moraux logiques à l'appui de la polygamie. De plus, la polygamie—
M. Vic Toews: Ce qui vous dites est absurde. Les Musulmans de beaucoup de pays vous diront qu'il y a un fondement moral à la polygamie. Ici au Canada, nous n'acceptons pas ces valeurs morales mais il y a bel et bien des polygames dans notre pays. Ils ne sont pas légalement mariés, mais pourquoi n'auraient-ils pas le droit de l'être?
M. Jeremy Dias: Cela est sans rapport avec les arguments que j'essaie de faire valoir, qui militent en faveur des mariages entre personne du même sexe. Je n'invoque pas d'argument pour condamner le mariage polygame. Je ne fais que souligner la distinction entre le mariage de personne du même sexe et le mariage polygame. Si je le fais, c'est pour que votre comité comprenne que l'argument de la polygamie ne peut justifier le refus de légaliser le mariage entre personne du même sexe.
Le président: Merci, monsieur Toews.
C'est au tour de M. O'Brien, qui dispose de trois minutes.
M. Jeremy Dias: Ce raisonnement est exposé plus clairement dans mon mémoire et je m'excuse de n'avoir pas pu le clarifier davantage faute de temps.
M. Pat O'Brien: Monsieur le président, j'aimerais approfondir quelques-uns de ces arguments. Je vais citer les propos d'une théoricienne lesbienne du nom de Ladelle McWhorter et je veux que cela figure au compte rendu. Je ne sais pas si M. Dias connaît cette personne, dont je mentionne l'orientation sexuelle en raison de l'argumentation qu'elle présente. Selon Ladelle McWhorter, si les homosexuels sont
autorisés à prendre part, à titre de gays, aux communautés et aux institutions dont les hétérosexuels revendiquent l'exclusivité, leur présence transformera ces institutions et pratiques au point de miner la version privilégiée de l'hétérosexualité, ce qui fait que les homosexuels eux-mêmes s'en trouveront changés. |
Il est faux de prétendre qu'une telle mesure ne menacerait pas l'institution du mariage. Des spécialistes comme Mme McWhorter et le professeur Eskridge de Harvard affirment sans détour le contraire.
Au sujet de la polygamie, le professeur Eskridge fait ressortir la similitude entre le projet du mariage gay, pour reprendre son expression, et le projet de mariage des Mormons. À son avis, la condamnation légale et politique du projet de mariage des Mormons est une expression injuste et répressive de ce qu'il appelle le camp culturel, semblable aux lois d'exclusion actuelle qui interdisent les unions homosexuelles.
Monsieur le président, des experts sérieux qui sont eux-mêmes homosexuels estiment que la question de la polygamie pourrait se poser si l'on change la définition du mariage. Notre comité doit en être conscient, comme M. Cadman, moi-même et d'autres l'avons signalé à quelques reprises.
J'aimerais savoir ce qu'en pense M. Wadeck et, si le temps le permet, M. Dias. Sont-ils au courant de l'avis exprimé par ces experts? Ces avis ont-ils influencé leur réflexion sur cette question?
À (1050)
M. Peter Wadeck: Je connais une Africaine qui a rencontré son mari ici. Elle était avocate et a travaillé pour le gouvernement ici pendant quelques années avant de faire la connaissance d'un homme musulman. Dans son pays d'origine, les chrétiens pouvaient avoir une femme et les Musulmans, quatre. Dans son pays, on admet le fondement moral de la polygamie.
Je n'ai pas réfléchi sérieusement à la polygamie et j'en parle à titre de profane. D'après l'information que j'ai pu glaner, il semble que le taux de fécondité des mariages polygames soit positif. Par conséquent, de mon point de vue, les mariages polygames seraient plus souhaitables que les mariages entre gays.
Le président: Monsieur Dias.
M. Jeremy Dias: Vous soulevez là un argument très pertinent. Ces études sont importantes et j'ai pu en parcourir quelques-unes parce que j'ai assisté aux audiences de votre comité et pris connaissance de beaucoup de recherches qui ont été présentées.
Vos arguments sont très pertinents, mais les personnes que vous citez sont des extrémistes. On peut entendre toutes sortes d'arguments qui vont à peu près dans tous les sens—
M. Pat O'Brien: Je ne rappelle maintenant que les propos que j'ai cités étaient ceux d'un homosexuel.
M. Jeremy Dias: Je le sais. Il y a aussi des lesbiennes et des homosexuels qui s'opposent au mariage entre gays, tout comme il y a des hétérosexuels qui revendiquent le droit au mariage pour les gays. Ils affirment faire partie de la communauté gay et ont des points de vue radicaux.
M. Pat O'Brien: Sauf le respect que je vous dois, ces personnes ne sont pas contre le mariage entre gays. Vous déformez mes propos. Ils sont en faveur du mariage homosexuel, mais ils sont assez honnêtes pour reconnaître que si leurs revendications sont exaucées, cela minera l'institution du mariage, telle qu'on la connaît au Canada. Voilà ce que je voulais faire valoir.
M. Jeremy Dias: Je l'ai compris, mais je ne pense pas que cela mine l'institution du mariage. Nous demandons de pouvoir prendre part à une institution extrêmement reconnue et valorisée. Je ne vois pas comment en permettant à une catégorie de personnes de participer à une institution, on réduira essentiellement la discrimination entre les deux groupes. De plus, lorsqu'on accorde le même droit à différentes catégories de personnes, on ne détruit rien et on n'enlève rien à qui que ce soit. Si j'ai les cheveux noirs et vous voulez avoir les cheveux noirs, vous pouvez vous les teindre en noir et cela ne m'enlèvera rien.
Le président: Nous comprenons la métaphore.
J'accorde la parole à M. Cadman.
Le président souhaiterait qu'on évite de parler de coiffure.
Des voix: Oh, oh!
M. Chuck Cadman: Je pourrais vous en vendre si vous le souhaitez.
Il m'est venu à l'esprit qu'on parlait de l'«évolution» du mariage. Or, la définition du mariage n'a pas vraiment évolué; elle est toujours demeurée la même. On nous demande maintenant de permettre cette évolution parce que le mariage a toujours été défini comme une union entre deux personnes hétérosexuelles.
J'aimerais revenir à ce qui a été dit, à savoir qu'autrefois les femmes étaient asservies à leurs époux. Je suis marié depuis 34 ans, et je peux vous affirmer qu'il y a eu un renversement total de la situation. Je crois qu'on peut parler d'une évolution des rôles de chacun dans un mariage. Je ne pense pas que le mariage lui-même ait évolué. Ce sont les rôles assumés par les membres du couple qui ont changé.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Jeremy Dias: C'est une observation valable avec laquelle je ne suis cependant pas d'accord. Je pense que ces rôles ont évolué. Puis-je vous donner un exemple? Je vous remercie.
M. Chuck Cadman: Je ne dis pas que les rôles ont changé, mais que la définition du mariage n'a pas évolué. On nous demande de donner le coup d'envoi à cette évolution.
M. Jeremy Dias: Je ne pense pas qu'on vous demande de changer la définition du mariage. D'après mes recherches, le fondement du mariage est l'amour. Puis-je poursuivre, je vous prie?
Avant que vous ne vous fassiez une idée sur le sujet, je pense qu'il importe de souligner qu'à une époque seul les gens de même race pouvaient se marier. Lorsque les mariages interraciaux ont été permis, on a eu l'impression que c'était un changement révolutionnaire et qu'on avait ainsi changé la définition du mariage. On a pensé la même chose, lorsque les mariages interculturels et les mariages interreligieux ont été permis.
Il importe de tenir compte de ces facteurs lorsqu'on examine la question du mariage entre personnes du même sexe, mais je ne pense pas que ce soit une raison pour s'y opposer.
À (1055)
M. Chuck Cadman: Pensez-vous que la définition du mariage a évolué?
M. Jeremy Dias: Tout à fait.
M. Chuck Cadman: Quelle était donc la définition intérieure?
M. Jeremy Dias: À l'époque des Grecs, les gens mariaient plus d'une personne et avaient des enfants dont certains étaient mis dans de bocaux et laissés dans la rue parce que ces enfants étaient des femmes. Maintenant, un homme et une femme vont se marier à l'église, à la synagogue ou à la mosquée. Ils sautent par-dessus un balai où ils brisent un verre et célèbrent ce qu'on appelle l'amour qui les unit au lieu de mettre leurs enfants dans des bocaux.
La définition de mariage varie avec les cultures et avec les époques. Je crois qu'au cours des 100 dernières années, l'humanité a beaucoup évolué tant au plan philosophique, moral, psychologique que scientifique. Il y a 200 ou 500 ans, nous ne voyagions pas en avion et avant cela, nous n'avions pas de bateau qui nous permettait de voyager dans le monde entier. La technologie des communications a évolué de manière à nous permettre maintenant de nous comprendre et d'apprécier ce qui nous distingue les uns des autres.
Le président: J'accorde maintenant la parole à monsieur Lee. M. Sorenson posera la dernière question.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): J'aimerais faire une observation et poser aussi une question à M. Dias.
Je voulais tout d'abord dire que je pense que nous devrions essayer de ne pas taper sur les droits de la Commission du droit du Canada. M. O'Brien a cité très exactement quelque chose de la Commission du droit, mais dans le rapport de la Commission du droit, on parlait de toutes sortes de relations dans la société canadienne—relations conjugales, non conjugales, les familles où frères et soeurs vivent ensemble avec les parents, les amis. En légiférant au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial, nous devons tenir compte de tous ces différents types de relations et nous y montrer sensibles. Ils ne préconisaient pas vraiment des changements au mariage, mais le lien est là si on veut le faire.
Pour ce qui est de l'évolution du mariage, je refuse l'analogie au mariage interracial. Tout ce qui s'est passé quand on a commencé à accepter les mariages interraciaux, c'est qu'on a changé la couleur de la peau de l'homme et de la femme. Certains ont pu à l'époque penser que c'était tout un changement, mais ce n'était qu'un changement de la couleur de la peau d'un homme et d'une femme.
Voir évoluer le mariage en quelque chose qui n'est tout simplement pas selon sa définition fondamentale, c'est tout un saut.
Je respecte l'opinion de ceux qui veulent le faire, mais ne reconnaîtriez-vous pas—et peut-être que non—que ce genre d'évolution, qui consiste essentiellement à modifier ce que c'est, c'est-à-dire une union entre un homme et une femme, pour en faire quelque chose d'autre c'est bien plus qu'une évolution? C'est tout simplement un changement.
Pourquoi ne laisserions-nous pas tout simplement l'institution du mariage évoluer toute seule? Laissons-la tranquille. Si nous avons besoin d'autres choses pour d'autres types de relations—des relations conjugales, qui incluent les gais et les lesbiennes—pourquoi ne pas le faire?
M. Jeremy Dias: Je pense que c'est intéressant. Je pense qu'il est important de reconnaître que le mariage est une institution hautement respectée, avec ses traditions, ses valeurs, ses droits et privilèges. Pourquoi ne pas créer une seconde institution ayant les mêmes droits et privilèges? C'est une très bonne question.
Il y a deux raisons. L'une est la preuve anthropologique selon laquelle le mariage n'est pas une institution exclusive à des conjoints de sexe opposé. Deuxièmement, pour revenir aux différences raciales et sexuelles que vous avez mentionnées, la différence entre ma composition génétique et celle d'une femme, par exemple, c'est une affaire de gènes; cela tient à un chromosome. La différence génétique entre ma couleur de peau et la vôtre c'est une composante génétique équivalente à 10 p. 100. Pour être bien franc, la différence entre les deux... ils ne sont pas si éloignées. La différence génétique est d'environ 10 p. 100 dans un cas comme dans l'autre.
Pour revenir à votre point de vue, je ne suis pas d'accord pour dire qu'il s'agit là de tout un saut ou d'un changement majeur.
Je reprends des notions apprises en classe de science, et j'espère que l'argument vous paraîtra acceptable ou que tout au point vous en tiendrez compte.
Le président: Merci beaucoup.
J'aimerais attirer l'attention des membres du comité sur deux ou trois choses. Il n'y a pas quorum, et nous ne pouvons donc pas prendre de décisions, mais je vous en prie réfléchissez-y. Vous savez qu'on nous a renvoyé la question de—comment dit-on?—la sollicitation. C'était la motion 192 de Libby Davies. Ce que nous pourrions vouloir faire—et vous pourriez y réfléchir—c'est de constituer un sous-comité, étant donné que nous sommes assez pris par cette question-ci et que quelques membres ont manifesté un intérêt et ont exprimé le désir de s'occuper de cette question. Alors, je vous en prie, pensez-y, et la prochaine fois que nous serons suffisamment nombreux, nous prendrons cette décision, dans un sens ou dans l'autre.
Enfin, à notre dernière réunion nous avons discuté du fait qu'une Américaine voulait comparaître devant le comité à Montréal. Je récapitule pour ceux qui n'étaient pas là; nous avons discuté de la question de savoir si nous allions convoquer quelqu'un pour parler de l'expérience aux États-Unis, tout comme nous pourrions convoquer quelqu'un qui viendrait parler de l'expérience des Pays-Bas, ou de la Belgique, ou de la France, est-ce que c'est quelque chose que nous souhaiterions faire. Cela dit, nous ne ressentions pas le besoin de faire comparaître un témoin des États-Unis. Est-ce un bon...?
Dans ce cas, quelqu'un a communiqué avec nous en nous disant qu'elle était une spécialiste de la question du mariage, l'auteur de plusieurs ouvrages, et elle en a énuméré un certain nombre, mais elle ne prétend pas être une spécialiste de l'expérience américaine en matière de mariage. Je pense que c'est une bonne façon de décrire sa lettre.
Je vais donc lui répondre en disant que nous allons conserver sa lettre, au cas où nous voudrions étudier la question plus avant, mais que pour l'instant, nous n'en sentons pas la nécessité. D'accord?
John.
Á (1100)
M. John McKay: Juste une chose, notre liste de témoins est-elle complète? J'avais compris que cette personne allait être à Montréal.
Le président: Elle y sera.
M. John McKay: Elle y sera en même temps que le comité.
Notre liste de témoins est-elle complète?
Le greffier du Comité (M. Patrice Martin): Non. Nous avons encore quelques possibilités pour le deuxième jour à Montréal.
M. John McKay: Eh bien, alors, y a-t-il une raison, mis à part sa citoyenneté, pour que nous ne la traitions pas de la même manière que toute autre personne qui souhaiterait comparaître?
Le président: Non. Je n'ai pas d'opinion. Je récapitule seulement ce qui a été dit à la dernière séance.
Je vais la convoquer comme témoin si elle est à Montréal. Je veux bien.
M. John McKay: Je ne sais pas pourquoi on s'y objecterait. Elle est écrivain. Elle a écrit les ouvrages sur le mariage.
Le président: Avez-vous des objections?
Des voix: Non.
Le président: Voici ce que nous allons faire. Si en fait nous avons beaucoup de témoins et qu'à Montréal il y a plus de gens qui veulent comparaître que nous ne le permet le temps dont nous disposons, ceux qui sont Canadiens...
M. John McKay: Nous ne ferons pas de discrimination en fonction de la citoyenneté.
The Chair: Non, vous ne voyez pas ce que je veux dire. Il s'agit de ne pas refuser à quelqu'un qui vit à Montréal la possibilité de comparaître parce que nous aurions déjà donné la possibilité à d'autres. Vous voyez?
Une voix: D'accord.
Le président: Je remercie les témoins d'être venus comparaître et pour la civilité des échanges.
La séance est levée.