JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 19 février 2003
¹ | 1530 |
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)) |
Me Denis Marsolais (président, Chambre des notaires du Québec) |
¹ | 1545 |
Le président |
Le révérend Brent Hawkes (pasteur, Metropolitan Community Church of Toronto) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
Mme Diane Watts (présidente nationale, Les femmes pour la vie, la foi et la famille) |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
M. Christopher Gray (professeur, département de la philosophie, Université Concordia, témoignage à titre personnell) |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Christopher Gray |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) |
R. P. Brent Hawkes |
º | 1620 |
M. Vic Toews |
R. P. Brent Hawkes |
M. Vic Toews |
R. P. Brent Hawkes |
M. Vic Toews |
R. P. Brent Hawkes |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Douglas Elliott (avocat, McGowan Elliott & Kim, Metropolitan Community Church of Toronto) |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ) |
Me Brigitte Lefebvre (notaire et professeure, Département des Sciences juridiques de l'UQAM, Chambre des notaires du Québec) |
º | 1625 |
M. Richard Marceau |
Me Brigitte Lefebvre |
M. Richard Marceau |
R. P. Brent Hawkes |
M. Douglas Elliott |
M. Richard Marceau |
º | 1630 |
Mme Diane Watts |
Le président |
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) |
R. P. Brent Hawkes |
M. Lorne Nystrom |
Mme Diane Watts |
M. Lorne Nystrom |
Mme Diane Watts |
º | 1635 |
M. Lorne Nystrom |
Mme Diane Watts |
M. Lorne Nystrom |
Le révérend Brent Hawkes |
M. Lorne Nystrom |
Mme Diane Watts |
M. Lorne Nystrom |
Mme Diane Watts |
M. Lorne Nystrom |
Mme Diane Watts |
M. Lorne Nystrom |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
º | 1640 |
Me Denis Marsolais |
º | 1645 |
Mme Marlene Jennings |
Me Denis Marsolais |
Le président |
M. Douglas Elliott |
Le président |
M. Douglas Elliott |
Le président |
Mme Diane Watts |
Le président |
M. Vic Toews |
º | 1650 |
Le président |
R. P. Brent Hawkes |
M. Vic Toews |
Le président |
R. P. Brent Hawkes |
M. Vic Toews |
Le président |
R. P. Brent Hawkes |
Le président |
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
Le président |
M. Christopher Gray |
M. John McKay |
M. Christopher Gray |
º | 1655 |
Le président |
M. Richard Marceau |
» | 1700 |
Mme Diane Watts |
M. Richard Marceau |
Le président |
Mme Diane Watts |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.) |
Le président |
M. Derek Lee |
» | 1705 |
M. Douglas Elliott |
M. Derek Lee |
M. Douglas Elliott |
Le président |
M. Derek Lee |
Le président |
M. Douglas Elliott |
Le président |
M. Lorne Nystrom |
Le président |
Me Denis Marsolais |
M. Lorne Nystrom |
Me Denis Marsolais |
» | 1710 |
Le président |
Me Brigitte Lefebvre |
Me Denis Marsolais |
Le président |
M. Christopher Gray |
Le président |
» | 1715 |
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.) |
Le président |
M. Christopher Gray |
Le président |
M. Christopher Gray |
» | 1720 |
Le président |
Mme Diane Watts |
Le président |
M. Vic Toews |
M. Christopher Gray |
» | 1725 |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
Le président |
Me Brigitte Lefebvre |
Le président |
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) |
» | 1730 |
M. Christopher Gray |
Le président |
M. Paul Harold Macklin |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 19 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte cette 19e séance du comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude du mariage et de la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe.
Aujourd'hui, nous accueillons quatre groupes de témoins: la Chambre des notaires du Québec, la Metropolitan Community Church of Toronto, les Femmes pour la vie, la Foi et la famille et, à titre personnel, Christopher Gray, professeur à l'Université Concordia.
Je crois qu'on vous a tous expliqué le fonctionnement de notre comité. Chaque groupe dispose de 10 minutes pour faire des remarques liminaires. Si deux personnes d'un même groupe veulent faire des remarques, n'oubliez pas que vous ne disposerez pas plus de 10 minutes en tout; je préférerais ne pas avoir à vous le rappeler et ainsi nous mettre tous dans l'embarras.
Par ailleurs, je vous rappelle aussi, comme je le fais au début de chaque réunion, que nous traitons d'un sujet qui suscite beaucoup d'émotions. Je demande donc à tous de faire preuve de dignité et de traiter les autres, les témoins et les membres du comité, avec respect, ainsi que le public canadien s'y attend.
Sans plus tarder, je cède la parole à la Chambre des notaires du Québec, représentée par maître Denis Marsolais et maître Brigitte Lefebvre.
[Français]
Me Denis Marsolais (président, Chambre des notaires du Québec): Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, permettez-moi d'abord de me présenter et de présenter ma collègue. Je m'appelle Denis Marsolais et je suis évidemment notaire et président de la Chambre des notaires du Québec. Je suis accompagné de Me Brigitte Lefebvre, notaire également, docteur en droit, professeur à l'Université du Québec à Montréal et spécialiste en droit de la famille.
La Chambre des notaires du Québec est heureuse d'être présente ici aujourd'hui pour discuter avec vous des questions soulevées dans le document de travail intitulé « Mariage et reconnaissance des unions de conjoints de même sexe ». Elle salue d'ailleurs cette initiative de fournir aux personnes intéressées par la question une occasion de faire valoir leur point de vue. La Chambre des notaires entend commenter les approches proposées et faire profiter les parlementaires canadiens du fruit de son expérience récente entourant la création de l'union civile. Cette dernière saura sans doute être une source d'inspiration attrayante pour le législateur fédéral.
D'entrée de jeu, la Chambre des notaires du Québec recommande que le mariage soit admis entre personnes de même sexe et que le législateur fédéral modifie les règles de fond du mariage en conséquence.
Depuis plusieurs années, les couples homosexuels revendiquent ouvertement leur juste place sur l'échiquier juridique provincial et canadien. Autrefois marginalisés, ils aspirent désormais, à juste titre il nous semble, aux mêmes droits que les couples hétérosexuels, dont le droit de choisir d'officialiser ou non leur union, de se soumettre ou non à un cadre légal strict. Ils sont également disposés à assumer les mêmes obligations.
Cette position a trouvé des échos auprès des tribunaux canadiens. Ces derniers ont fait valoir au gouvernement qu'il ne peut pas y avoir de discrimination fondée sur l'état civil ou l'orientation sexuelle. Le mariage ne doit pas être utilisé comme une manière d'évincer ou de mettre à l'écart certaines personnes vivant des relations auxquelles sont reliées des nécessités analogues à celles des couples hétérosexuels. Nous y reviendrons d'ailleurs plus tard, au moment de l'analyse des approches suggérées.
Avant d'aller plus loin, nous voulons tout d'abord expliquer le rôle du notaire vis-à-vis des familles. Son implication traditionnelle dans ce domaine touche autant les questions de nature patrimoniale qu'extra-patrimoniale, qu'elles aient trait aux époux, aux conjoints de fait, aux conjoints unis civilement ou aux enfants. Le notaire, je vous le rappelle, est un juriste appelé à intervenir à différentes étapes de l'évolution de l'organisation juridique des relations d'un couple, de sa naissance à sa rupture, le cas échéant.
En tant que conseiller juridique, le notaire est habilité à donner des avis. À titre d'exemple, il est appelé à renseigner les époux en ce qui a trait aux dispositions d'ordre public qui découlent du mariage telles que la constitution d'un patrimoine familial. Il les aide à déterminer un régime matrimonial qui leur convient ou, à défaut d'en établir un, les renseigne sur les règles qui les régiront. En leur livrant toute l'information utile et nécessaire, le notaire les aide à prendre des décisions éclairées. Sa formation et son approche particulière à l'égard du droit l'incitent à tenter de prévenir les conflits, et sa pratique est axée sur la conciliation des intérêts des parties.
En tant qu'officier public, le notaire rédige et reçoit des actes auxquels les parties doivent et veulent donner l'authenticité. Cet attribut accorde un poids supérieur à ses écrits puisqu'ils font preuve, à l'égard de tous, de leur contenu, de leur date et de l'identité des signataires. En leur faisant lecture de l'acte, le notaire doit s'assurer que les parties consentent librement et volontairement au contenu obligationnel, qu'elles en comprennent bien la nature et l'étendue. Son devoir de conseil l'oblige à les informer des conséquences prévisibles de leurs gestes et ce, dans la plus grande impartialité, car le notaire agit alors pour toutes les parties.
Au Québec, tout contrat de mariage, toute modification aux conventions matrimoniales, toute renonciation à ses droits auxquels un époux peut consentir lors du partage d'un patrimoine familial ou des acquêts lors de la dissolution du régime matrimonial, doivent obligatoirement être reçus devant notaire.
Depuis le 24 juin dernier, les notaires sont habilités à célébrer des mariages et des unions civiles. Par la même occasion, le notaire, en sa qualité d'officier public et d'auxiliaire de justice, s'est vu confier l'importante responsabilité de présider à la dissolution consensuelle des unions civiles. En effet, aux termes de la nouvelle loi, les conjoints unis civilement peuvent d'un commun accord, lorsque la volonté de vie commune est atteinte de façon irrémédiable, mettre un terme à leur union par une déclaration conjointe.
Cette option est rendue possible dans la mesure où les conjoints s'entendent non seulement sur le principe d'une rupture, mais également sur les conséquences accessoires qui en résultent, en autant que les intérêts de leurs enfants communs ne soient pas en cause. Ces conséquences accessoires consignées dans un contrat de transaction notarié et la déclaration commune de dissolution ont, à compter de la date où elles sont reçues devant notaire et sans autre formalité, les effets d'un jugement de dissolution de l'union civile.
L'intervention impartiale du notaire est donc à même d'assurer que les droits et intérêts des personnes en cause ne soient pas en péril et permet de prévenir efficacement les cas d'injustice et d'abus potentiels. Libre aux conjoints toutefois de consulter parallèlement un conseiller juridique ou de choisir que la dissolution de leur union civile soit prononcée par le tribunal. Comme nous le démontrerons, cette solution est facilement exportable en matière de divorce.
Abordons maintenant chacune des propositions ou des approches proposées dans le document de travail qui sous-tend les audiences d'aujourd'hui.
La première approche se résume comme suit: le mariage demeure une institution visant deux personnes de sexe opposé, alors que serait créé parallèlement un registre national équivalant au mariage.
La Chambre des notaires écarte cette solution maintenant le statu quo. Certes conforme à la définition traditionnelle du mariage telle qu'elle se retrouve dans la majorité des pays, cette proposition ne tient pas compte de l'évolution de la notion de mariage, laquelle s'est privatisée au fil du temps. D'affaire d'État, le mariage est devenu une affaire de couple et est désormais fondé sur le sentiment amoureux. Or, le sentiment amoureux est aussi la réalité des couples de même sexe.
La Chambre des notaires rejette aussi cette solution du fait qu'elle perpétue la discrimination envers les couples homosexuels, est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés et entretient la contestation judiciaire.
La Chambre des notaires incite donc les parlementaires à combler le plus rapidement possible le vide juridique dont sont victimes les couples de même sexe, sans attendre que d'autres décisions ne les y obligent, directement ou indirectement.
Quant à la création d'un registre national qui serait considéré comme étant un équivalent du mariage, nous affirmons respectueusement que nous doutons de sa validité constitutionnelle. Comme il ne s'agit pas d'un mariage au sens du paragraphe 91(26) de la Constitution, il nous apparaît plutôt de la compétence des législatures provinciales d'adopter des lois relativement à la propriété et aux droits civils, tel que le stipule le paragraphe 92(13). En outre, ce concept maintient le clivage dénoncé puisque le mariage ne serait toujours pas accessible aux couples homosexuels.
De plus, les parlementaires n'ayant le pouvoir de faire appliquer le registre qu'en ce qui a trait aux lois, aux règlements et aux programmes fédéraux, cette solution implique nécessairement un chevauchement de paliers gouvernementaux qui n'est pas sans complexifier les choses pour le citoyen, surtout s'il est appelé à déménager dans une autre province.
La deuxième proposition, dont la Chambre des notaires tient à souligner l'originalité et le courage, comporte de nombreux avantages. Cette position signifie toutefois l'abolition du mariage. Or, nous croyons qu'il serait prématuré d'agir de la sorte, le mariage demeurant encore une valeur chère et partagée par bon nombre de personnes.
Attardons-nous plutôt à la troisième approche, qui se résume ainsi: le mariage pourrait englober les conjoints de même sexe. La Chambre des notaires retient cette approche.
D'un point de vue laïc, rien ne s'oppose à ce que le mariage soit ouvert aux couples de même sexe. De plus, cette approche vient colmater le déficit d'égalité et de reconnaissance que subissent les couples de même sexe et qui est dénoncé par plusieurs, dont les tribunaux. En adoptant une telle position, le Canada s'inscrirait, avec les Pays-Bas, parmi les sociétés ouvertes qui font la promotion de la dignité de la personne humaine. Par surcroît, cette solution apporte simplicité et sécurité juridiques. Les lois et programmes, tant fédéraux que provinciaux, visant les couples mariés s'appliqueraient harmonieusement aux personnes de même sexe.
Le document de travail fait état d'une crainte que pourraient exprimer certaines autorités religieuses d'être forcées de célébrer des mariages homosexuels à l'encontre de leurs croyances.
Qu'il nous soit permis de les rassurer. Au Québec, entre autres, le Code civil pourvoit qu'il ne peut en être ainsi, même pour les unions civiles.
Une objection poussée sur le mariage ne saurait être complète sans qu'on en étudie la fin, laquelle peut survenir par un divorce. La Chambre propose ici une nouvelle perspective, le divorce par consensualisme, inspiré du modèle québécois de la dissolution de l'union civile.
J'en aurais beaucoup à dire, mais je vais attendre la période de questions. Je vous remercie, monsieur le président.
¹ (1545)
[Traduction]
Le président: Merci.
Nous entendrons maintenant le révérend Brent Hawkes et Douglas Elliott de la Metropolitan Community Church of Toronto.
Le révérend Brent Hawkes (pasteur, Metropolitan Community Church of Toronto): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous permettre de vous présenter notre témoignage. Douglas Elliott est l'avocat de notre église et pourra répondre éventuellement à vos questions. C'est moi qui présenterai nos remarques.
Pour commencer, j'aimerais apporter une brève précision. En janvier 2001, notre église a marié deux couples homosexuels, un couple de femmes et un couple d'hommes. Nous n'avons pas décrit cette situation en détail dans notre mémoire car nous comptions sur la présence de ces couples avec nous ce matin. Ils n'ont pu venir et nous nous exprimons donc en leur nom.
J'espère que vous aurez l'occasion de lire notre mémoire. Je ne le lirai pas, car j'aimerais plutôt traiter de certaines questions bien précises.
J'aimerais d'abord aborder la préoccupation qui a été soulevée par d'autres groupes confessionnels, qui croient qu'en conférant aux couples gais et lesbiens le droit de se marier, on les forcera à revenir sur leur position et à marier, du jour au lendemain, les couples gais et lesbiens.
Nous estimons que tel n'est pas le cas. Le jugement qui a été rendu au Québec dit clairement que les autres groupes confessionnels ne sont nullement tenus de modifier leurs pratiques. Je crois aussi que M. John Fisher, d'ÉGALE, qui a déjà témoigné devant votre comité, a indiqué que si le gouvernement reconnaît les mariages homosexuels, ÉGALE s'engageait à ne pas contester le droit qu'ont les églises de refuser de marier les gais et les lesbiennes.
Aujourd'hui, je tiens à prendre un engagement en mon propre nom. J'ai signé un document qui dit: «Moi, le révérend Brent Hawkes de la Metropolitan Community Church of Toronto, je m'engage solennellement à appuyer publiquement, par tous les moyens raisonnables, tout prêtre, ministre du culte, rabbin, imam ou autre officiant qui ferait l'objet d'une procédure judiciaire au Canada en raison de son refus d'offrir le mariage aux homosexuels pour de véritables raisons religieuses.» Ce document est daté d'aujourd'hui et signé par moi-même.
La déclaration de M. Fisher et la mienne devrait démontrer que les organisations et la communauté homosexuelles n'ont nullement l'intention, dans leur désir de faire reconnaître le mariage des couples gais et lesbiens, d'exercer quelques pressions que ce soient sur d'autres églises pour qu'elles changent leur position. Nous voulons simplement le droit de marier les couples gais et lesbiens nous-mêmes.
En janvier 2001, par suite de la publication de bans prévue à la Loi sur le mariage de l'Ontario, notre église a marié deux couples. La Loi sur le mariage de l'Ontario dispose que deux personnes peuvent se marier sans préciser si elles doivent être de même sexe ou non. Aux termes de ces dispositions, nous avons fait publier les bans et marié les deux couples.
À l'époque, le gouvernement conservateur de l'Ontario a refusé d'enregistrer ces couples et nous nous sommes retrouvés en cour, après nous être joints à huit couples de Toronto qui avaient demandé une licence de mariage à la ville de Toronto qui le leur avait refusée.
Cette poursuite collective est allée de l'avant et nous avons eu gain de cause; les trois juges ont rendu un verdict unanime en notre faveur. Le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario a décidé de ne pas en appeler de cette décision. Nous sommes donc dans une situation assez curieuse puisque le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario n'a pas appelé de cette décision, mais que nous faisons face à l'opposition du gouvernement libéral fédéral.
Je ne répéterai pas les nombreux arguments qui vous ont été présentés par d'autres organisations de gais et de lesbiennes ou qui sympathisent avec eux. Je voudrais plutôt vous dire pourquoi il est important de donner aux couples gais et lesbiens le même accès que les autres à l'institution du mariage.
D'autres solutions ont été suggérées, et ce sont peut-être des tentatives sincères de compromis, mais elles sont pour nous peu pratiques et inacceptables du point de vue moral. Nous croyons que l'institution du mariage devrait être ouverte à tous les couples, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels, et que si l'on juge bon de créer une institution parallèle comme l'union civile, celle-ci devrait être ouverte à tous les couples homosexuels et hétérosexuels qui le souhaitent.
J'aimerais revenir à ce jour de janvier 2001 où j'ai célébré ces mariages. Les mariages avaient été précédés de plusieurs menaces de mort qui avaient été proférées contre moi et notre église, et que la police de Toronto avait jugé graves au point de nous proposer des mesures de sécurité pour ce jour-là.
J'ai donc eu des gardes du corps. Ils sont venus me prendre chez moi à six heures pour me conduire à l'église. Là, il y avait des douzaines de policiers en uniforme et banalisés. Au beau milieu du service de 11 heures—les mariages devaient être célébrés en après-midi—, une femme a tenté de perturber le service en voulant se jeter sur moi tout en criant des versets de la Bible.
Les mariages ont été célébrés en après-midi et un millier de personnes y ont assisté. Chaque personne a été fouillée par la police avant de pouvoir entrer dans l'église pour la cérémonie. La veille, en soirée, compte tenu de toutes les menaces que j'avais reçues, j'avais téléphoné à ma soeur, au Nouveau-Brunswick, pour lui décrire la situation et pour lui demander de transmettre mon amour et mes remerciements à nos parents au cas où le pire se produirait le lendemain.
¹ (1550)
La police a aussi insisté pour que je porte un gilet pare-balles ce jour-là, en guise de protection supplémentaire. Tentez d'imaginer ce que ressent un ecclésiastique qui doit porter un gilet pare-balles pour célébrer un service liturgique dans son église, sa synagogue ou sa mosquée.
Dans notre groupe confessionnel, 17 églises ont été incendiées, 41 personnes sont mortes dans ces incendies et des membres du clergé ont été battus et assassinés. Nous prenons donc très au sérieux les menaces qui sont proférées contre notre église.
Une grande exaltation régnait dans l'église ce jour-là. Lorsque je suis entré avec les couples, tous ceux qui étaient présents se sont mis à applaudir à tout rompre. J'ai célébré la cérémonie et au moment de signer les documents officiels, j'ai entendu encore une fois les applaudissements de la foule. Lorsque les tribunaux reconnaîtront ces deux mariages, comme ceux de l'Ontario l'ont déjà fait, ce seront les deux premiers mariages homosexuels qui auront été célébrés dans l'histoire moderne puisqu'ils auront précédé les changements qui ont été apportés à la loi aux Pays-Bas.
Le mariage est une institution dont l'importance est juridique et sociale. Du point de vue social, l'importance du mariage se traduit par les remarques du couple gai qui s'est marié à notre église et qui avait précédemment fait bénir son union:
Lors de la bénédiction de notre union, nos parents n'ont pas préparé de gâteau de mariage comme ils l'ont fait à cette occasion-ci. Ils ne nous ont pas non plus offert les biens de la famille les plus précieux comme ils le font à l'occasion de notre mariage. Auparavant, nous n'étions pas considérés comme faisant partie de la belle-famille de l'autre famille, comme c'est le cas maintenant. La cérémonie du mariage a changé l'attitude des gens à notre égard, a renforcé les liens qui nous unissent à nos familles et encouragé ceux qui nous aiment à accepter notre relation. Nous ne pouvons qu'imaginer l'incidence qu'aura la reconnaissance juridique de notre union sur ceux qui ne nous connaissent pas et sur ceux qui estiment que nos vies et notre existence sont inférieurs à ceux de nos concitoyens hétérosexuels. |
Le mariage a aussi de l'importance juridiquement. Les tribunaux font de plus en plus de différence entre les couples mariés et les conjoints de fait, et ce, parce qu'ils estiment que le mariage est un choix. Mais la réalité d'aujourd'hui est que seuls les couples hétérosexuels ont ce choix. Si les tribunaux établissent une différence de ce genre en matière d'avantages et de responsabilités, nous devrions faire en sorte que les couples homosexuels aient accès à cette institution.
J'aimerais vous raconter deux ou trois anecdotes qui témoignent de l'importance du mariage. L'autre jour, un jeune m'a appelé pour me dire que des gens étaient en train de vider sa maison. Lorsque je suis arrivé chez lui, il m'a expliqué que son conjoint de longue date venait de mourir et que la famille du défunt était venue prendre tout ce qui lui avait appartenu, toutes les photos et tous les souvenirs. Elle n'accordait aucune crédibilité à cette relation, malgré le fait que ces deux hommes avaient vécu ensemble de nombreuses années et étaient copropriétaires de la maison. Je suis certain que s'ils avaient pu se marier, un certificat de mariage aurait mis fin à la discussion sur-le-champ.
J'ai aussi reçu un appel d'une jeune femme qui m'a demandé d'aller la rejoindre à l'hôpital St. Michael, à Toronto; sa conjointe avait été renversée par un autobus et amenée à cet hôpital de toute urgence. Elle y était depuis deux heures et le personnel de l'hôpital refusait de dire à sa conjointe si elle était encore en vie. Lorsque je suis arrivé sur place, j'ai parlé à l'aumônier qui a eu la gentillesse d'intervenir et de s'informer, ce qui nous a permis d'apprendre que la victime allait bien. Entre-temps, le personnel de l'hôpital avait fouillé dans ses effets personnels et trouvé le numéro de téléphone de sa famille à Ottawa qu'ils avaient appelée pour parler aux parents. Je suis certain qu'un certificat de mariage aurait réglé le problème si ces deux femmes avaient pu se marier.
Je pourrais vous donner bien d'autres exemples de cas où pouvoir se marier aurait corrigé la situation.
Enfin, je vous demande de penser au jour où, peut-être, votre petite fille viendra vous voir pour dire qu'elle s'unira à une autre femme et que, parce qu'elle vous aime, elle vous invite à la cérémonie et que, parce que vous l'aimez, vous acceptez d'aller à la cérémonie pour l'appuyer. Comment vous sentiriez-vous pendant cette cérémonie? Seriez-vous heureux de savoir qu'en votant aujourd'hui pour la reconnaissance des unions homosexuelles, vous lui avez donné le droit de se marier? Ou aurez-vous honte en comprenant que vous aviez eu la possibilité de l'appuyer mais que vous aviez préféré faire obstacle à son accès au mariage? La façon dont vous vous prononcerez sur cette question aura de grandes conséquences pour beaucoup de couples gais et lesbiens. Grâce aux témoignages, aux questions et aux discussions, j'espère que vous prendrez la bonne décision.
¹ (1555)
Le président: Merci beaucoup, révérend Hawkes.
Je cède maintenant la parole à Diane Watts, présidente de Femmes pour la vie, la foi et la famille.
Mme Diane Watts (présidente nationale, Les femmes pour la vie, la foi et la famille): Merci, monsieur le président.
Je commencerai par citer monseigneur Luigi Civardi sur l'enseignement social de l'Église catholique. Je ne tente de persuader personne. Je tiens simplement à ce que ces renseignements figurent au compte rendu car le Canada compte de nombreux catholiques.
Les chrétiens appartiennent à trois sociétés distinctes, soit domestique, civile et religieuse. Ces trois sociétés ne s'opposent pas les unes aux autres, mais elles sont mutuellement complémentaires, puisque chacune répond à certains besoins de l'homme. Ainsi, elles devraient vivre dans une parfaite harmonie en s'aidant les unes les autres. La société domestique, qui représente la famille, devrait avoir priorité sur les autres, puisque c'est Dieu lui-même qui l'a créée. La famille est une société naturelle puisqu'elle a été fondée par le Créateur de la nature lui-même. De plus, elle est nécessaire, puisque sa finalité consiste à créer et à éduquer l'homme. La famille trouve ses racines et son fondement dans le mariage. |
Voici une autre citation, cette fois du Pape Pie XI: «Le mariage et la famille sont la source d'où l'État tire sa vie.».
Nous croyons qu'en affaiblissant davantage le rôle du mariage, nous contribuerons à détruire l'harmonie entre l'Église et l'État au Canada, en plus de nous mettre encore plus à dos ses citoyens, mais tout particulièrement ceux qui adhèrent à la traditionnelle loi morale chrétienne occidentale ou qui la chérissent.
L'Église catholique administre sept sacrements. L'un d'eux est le saint mariage. Le terme «mariage» implique qu'il y a «une mère», autrement dit que le mariage repose sur la maternité. Le père acquiesce aux besoins et aux exigences du principe de maternité lorsqu'il se marie et contribue à la procréation des enfants. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les sociétés chrétiennes ont approuvé le salaire familial afin de libérer la mère pour son rôle maternel.
Le mariage est plus qu'un symbole ou un moyen de se faire accepter sur le plan social. Le mariage existait avant cet État que nous appelons le Canada, une nation qui a profité jusqu'à tout récemment de lois puissantes favorisant la famille. L'Église nous enseigne l'indissolubilité du mariage pour le bien-être des enfants et la protection des femmes dans les périodes d'adversité pendant la vieillesse.
Dans mon mémoire, que vous pourrez obtenir, je traite du langage ambigu qu'on emploie souvent. L'unité signifie l'union d'un homme et d'une femme; les unions homosexuelles ne représentent donc pas véritablement la réalité. Il est inexact de parler d'union dans ces cas-là. De même, les termes homosexuel et hétérosexuel sont problématiques parce qu'ils ne représentent pas la complémentarité de l'homme et de la femme, mais plutôt leur opposition.
Notre organisation a souvent défendu le mariage. Une auteure féministe affirme que l'histoire du mariage dans la société chrétienne montre que les femmes mariées y ont été subjuguées, battues et violées. Nous avons cité des sources papales pour contredire cette affirmation et pour démontrer que le mariage était «la fidélité mutuelle des époux à observer le contrat de mariage». Le Pape Pie XI a aussi parlé du «siège véritablement royal de la mère». D'autres ouvrages faisant partie de la liturgie catholique depuis des siècles sont très favorables au mariage.
Le sénateur Laurier LaPierre a attaqué l'Église catholique en prétendant que celle-ci approuvait l'idée selon laquelle la femme appartient à son mari. Nous avons nié cela en citant Léon XIII qui, dans l'encyclique Arcanum, critique sévèrement la société pré-chrétienne où «le mari est le chef de la femme». Le pontife déplore l'état pitoyable de la femme dans l'Antiquité qui «était abaissée à ce point d'humiliation qu'elle était en quelque sorte considérée comme un simple instrument destiné à assouvir la passion ou à produire des enfants» et où «on n'eut même pas honte de vendre et d'acheter les femmes à marier, ainsi que l'on fait pour les choses matérielles». La vente de femmes à marier se fait encore de nos jours, mais pas dans les pays chrétiens.
Je citerai maintenant le professeur d'histoire John D'Emilio, directeur du programme d'études sur les sexes et les femmes à l'Université de l'Illinois. Cet homme a déclaré son homosexualité et adopté ce mode de vie il y a déjà longtemps. Il nous a livré des observations très franches. Il écrit qu'autrefois «le sexe était indissociable de la procréation», mais que les relations gaies «n'ont absolument rien en commun avec ce cadre qu'est la procréation». Il demande qu'on élargisse «les possibilités de vie à l'extérieur de la cellule familiale hétérosexuelle traditionnelle». Il faut pour cela, écrit-il, «qu'on donne accès à l'avortement, qu'on prenne des mesures de promotion sociale et qu'on prévoie des garderies publiques et d'autres services essentiels...». Il ajoute que «nous avons besoin des structures et des programmes qui permettent d'abattre ces obstacles qui isolent la famille, en particulier celles qui privatisent l'éducation des enfants».
º (1600)
Il croit dont ceci: «Alors que nous créons des structures au-delà de la famille nucléaire qui permettent un sentiment d'appartenance, l'importance de la famille ne cessera de diminuer». Le professeur D'Emilio déclare également: «Le mariage, la sainteté du foyer, la vie familiale, la nature morale de l'hétérosexualité—voilà ce que protègent nos lois et d'où provient notre oppression.» Il parle de l'oppression des homosexuels et continue:
Le mouvement gai doit avoir pour but de mettre fin à l'institutionnalisation de l'hétérosexualité...cela consiste à s'attaquer à toutes les façons et à tous les domaines où l'hétérosexualité bénéficient d'un statut privilégié. Cela inclut le contenu des livres d'enfant et le programme de nos écoles à tous les niveaux de l'enseignement. Il nous faut également combattre la dichotomisation des rôles sexuels uniquement comme rôles au sein de la famille hétérosexuelle. Il nous faut abolir ces pratiques d'éducation des enfants et les environnements où on inculque aux enfants un modèle d'intimité hétérosexuelle comme étant normal et où on leur présente la hiérarchie entre les sexes comme étant naturelle. Cela implique une transformation de la société dans le but de conférer un statut différent aux hommes et aux femmes, aux homosexuels et aux hétérosexuels...la libération des gais ne touchent pas que les gais. |
Il ajoute: «Nous devons continuer d'attaquer, de délégitimer et de démystifier ces institutions qui nous oppriment». Il parle ici du mariage et de la famille.
Pour reprendre les paroles des activistes Marshall Kirk et Hunter Madsen dans leur livre de 1990, quiconque s'oppose à la révolution culturelle se voit taxé sans pitié de borné homophobe, de néandertalien et de fanatique religieux, par le recours à des tactiques de persuasion publique expertes.
Joe Varnell, dont la cause sur la légalisation de son mariage est actuellement pendante devant les tribunaux canadiens, a écrit: «après avoir abattu tous les obstacles juridiques à l'égalité. Ce n'est qu'alors que nous pourrons nous attaquer aux vraies questions qui touchent l'égalité sociale.»
John D'Emilio nous informe que: «Avant les temps modernes, il n'y avait pas de «minorité» gaie et lesbienne... La sodomie n'était pas une catégorie servant à distinguer les types d'individus. Elle représentait plutôt la capacité de pécher qu'on retrouve dans chacun de nous».
M. D'Emilio, professeur d'histoire de la sexualité, prétend que, d'un péché et d'une maladie qu'elle était, la sodomie est devenue une identité. Précisons cependant que d'après l'Église catholique et la plupart des églises chrétiennes, on peut surmonter le péché, et que d'après les psychiatres et les psychologues, on peut guérir les troubles médicaux, et modifier les identités.
L'Église nous enseigne que Dieu a doté l'homme d'un intellect et du libre arbitre, contrairement au déterminisme, selon lequel le comportement humain est déterminé et ne peut s'améliorer. L'Église respecte davantage tous les êtres humains lorsqu'elle dit dans sa définition que la personne est dotée d'un intellect, du libre arbitre et de l'autodétermination, alors que les adeptes du déterminisme entretiennent une vision diminuée de la nature humaine. L'Église leur enseigne qu'ils peuvent évoluer librement, alors que le déterminisme prétend plutôt qu'ils ne sont pas libres mais asservis par des liens dont ils ne peuvent se défaire.
Nous croyons qu'il n'y a aucune équivalence morale entre le sacrement et le péché. L'Église nous enseigne que la liberté consiste à vivre dans le dessein de Dieu. Le gouvernement songe présentement à placer le sacrement du mariage sur un pied d'égalité avec des activités qui objectivement vont à l'encontre de l'ordre moral. Nous estimons que les catholiques et bon nombre de Canadiens y verront un message bizarre et que cela jettera le discrédit sur l'État et sur ses représentants. L'Église catholique a démontré de bien des façons que le mariage et les actes contre la loi morale sont irréconciliables et que le mariage et l'engagement homosexuel ne sont pas équivalents. Il est trompeur de prétendre qu'on y parvienne dans le but d'apaiser une faible minorité non silencieuse, soit 0,5 p. 100 des couples au Canada.
Si la Charte canadienne des droits et libertés oblige les Canadiens à mettre au rancart leurs principes moraux, et si cela vient compromettre l'harmonie entre la famille, l'Église et l'État, c'est donc dire qu'une révision de la Charte s'impose. Plutôt que de fomenter une agitation constante menant à des conflits et à la division, l'harmonie entre l'Église et l'État devrait être l'objectif des législateurs et du pouvoir judiciaire. Les attaques actuelles à l'endroit de l'institution du mariage n'aident ni l'État, ni l'Église, et encore moins la famille canadienne et le mariage.
Si l'État insiste pour créer un système distinct afin de réglementer les relations homosexuelles, nous recommandons que les relations familiales interdépendantes bénéficient également des avantages dans le cadre d'ententes que les grandes religions ne découragent pas, par exemple, les frères et soeurs vivant ensemble dans le soutien mutuel, les enfants s'occupant des parents âgés et les amis partageant un logement pour leur bien-être mutuel tout en demeurant chastes.
º (1605)
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci à vous. Manifestement, à force de venir à nos audiences, vous avez bien assimilé la notion des 10 minutes. Merci. Vous arrivez pile.
Et enfin, à titre personnel, le professeur Christopher Gray, du département de philosophie de l'Université Concordia.
M. Christopher Gray (professeur, département de la philosophie, Université Concordia, témoignage à titre personnell): Je vous remercie pour cette occasion de parler du document de discussion sur les quatre options proposées par le ministère de la Justice.
Toutes mes excuses pour mon handicap vocal.
Vous pouvez trouver ici copie de mon mémoire et de mon exposé, qui tiennent en une page chacun, en anglais seulement. Je comprends que c'est la raison pour laquelle on ne peut les faire circuler. Vous pourrez toutefois vous les procurer ensuite.
Mon mémoire se concentre sur un problème de procédure, se rapportant aux conflits législatifs, et aussi sur des questions de fond, dont nous reparlerons dans notre discussion, si vous le voulez bien.
Si le gouvernement fédéral adopte la dernière option, renonçant à toute compétence en matière de mariage, il faudra modifier la Constitution, puisque si cette compétence est simplement mise de côté, aucune province ne pourra se permettre les coûts nécessaires pour l'assumer, puisque à tout moment, le gouvernement fédéral pourrait vouloir la reprendre.
Si le gouvernement fédéral abandonne cette compétence, toutefois, la compétence en matière de mariage ne sera pas complètement évacuée, puisque les provinces s'en chargeront.
Voilà où survient le conflit législatif. Ce ne sont pas toutes les provinces qui peuvent assumer les mêmes capacités en matière de mariage. Par conséquent, la situation risque d'être impossible à gérer. S'il n'y a pas d'accord entre deux provinces, rien ne garantit que le mariage contracté dans une province sera respecté dans une autre.
S'il n'y a pas d'accord, la personne mariée dans une province sera régie par les lois de cette province, et non par celles de sa nouvelle province de résidence. Pour limiter les conséquences négatives, la loi de toutes les provinces devra être en partie harmonisée, mais quand survient un problème, ce n'est pas en raison des exigences de la loi de la province où a eu lieu le mariage, mais parce que celle de la province où le problème survient permet l'application de la loi de la province d'origine. Ce n'est pas évident.
La seule raison pour laquelle tout fonctionne bien maintenant, c'est parce que malgré notre pluralité, il y a une certaine harmonie dans la reconnaissance de ce qu'est le mariage, partout. Si ce n'est pas une homogénéité de la culture du mariage, c'est au moins un consensus utile.
Cela n'a pas toujours été le cas, toutefois, comme on l'a vu aux négociations de la Confédération. Le succès a reposé uniquement sur une compréhension suffisante, notamment de ce qui n'était pas vraiment un mariage. En doctrine, on parle d'« ordre public et bonnes moeurs ». Des définitions du mariage proposées par un parti provincial, aucune n'était inacceptable aux yeux des autres provinces. Ce ne sera peut-être bientôt plus le cas. Les liaisons homosexuelles, qu'il s'agisse d'un mariage ou d'une union civile, ne seront pas approuvées également partout.
Si la compétence fédérale en matière de mariage n'est ni modifiée ni abandonnée, les provinces auront l'occasion de faire prévaloir leurs propres points de vue.
On peut s'attendre aux scénarios suivants:
John et Edward contractent une union civile à Chicoutimi, puis déménagent à Corner Brook, où elle n'est pas reconnue. C'est là que John épouse Sally et qu'Ed épouse Sue, sans obstacle. Ils retournent tous au Québec, où le mariage néo-écossais n'est pas reconnu. John et Ed sont unis et mariés, ce qui n'est pas vraiment possible.
Au lieu de cela, John et Edward pourraient s'épouser à Chicoutimi, et leur mariage serait reconnu partout au Canada, ce qui les empêcherait de se remarier ailleurs. Mais le mariage homosexuel n'est pas reconnu. Ils peuvent donc épouser respectivement Sally et Sue, dans un scénario semblable. Ils seraient mariés et mariés de nouveau de retour chez eux.
Et loin de réserver les joies de l'adultère aux Québécois, d'autres, des Adam et des Joseph se précipiteront dans notre Eden pour s'épouser, et reviendront légitimement mariés à Red Deer, où, pourtant, les portes du paradis conjugal ne s'ouvrent que pour les Adam et les Eve.
º (1610)
Il s'agira essentiellement de forcer les provinces à nier l'intégrité des autres, pour conserver la leur, et ainsi rompre l'équilibre de l'unité interprovinciale qui reconnaissait pleinement les lois conjugales des autres provinces. Et nous ne parlons que du statut des personnes mariées. Nombre d'avantages sociaux et d'obligations viendraient compliquer la situation.
L'enfant adopté par John et Edward au Québec ne serait pas reconnu comme le leur, actuellement, à Terre-Neuve. Si Sally ou Sue est blessée, l'autre ne peut pas signer en son nom pour des services médicaux à Red Deer, où leur mariage n'est pas reconnu.
La solution, ce serait des accords qui reconnaîtraient la valeur des lois sur le mariage des autres provinces. Mais pourquoi une province y souscrirait-elle, alors que c'est pour respecter la volonté de sa population et ses propres principes qu'elle a refusé de changer ses propres lois sur le mariage?
Si la troisième option n'est pas bonne du point de vue des politiques publiques, celle qui propose de ne pas tenir compte du sexe dans le mariage est pire encore. Et dans ce cas-ci, on pourra contester des éléments de fond de cette option. Cela profane le mariage à tel point que bon nombre de Canadiens pourraient être dissuadés d'y recourir pour accomplir leur rêve. Si quelqu'un estime que le mariage est une forme d'union spéciale destinée à accueillir et honorer sa sexualité et son fruit éventuel, il n'y restera plus rien de spécial qui fera que le jeu en vaut la chandelle.
Beaucoup de personnes condamnent moralement le coït homosexuel ou en sont dégoûtées esthétiquement. À tort ou à raison, il est permis tant qu'il n'y a pas de violation des droits d'une autre personne, dont je reparlerai, si vous le voulez bien, en répondant à vos questions.
La seule façon de prendre ses distances par rapport à une forme d'union entachée si gravement, ce n'est pas seulement de se distinguer de ceux dont les pratiques nous répugnent, mais de ne plus faire partie de cette institution, désormais définie comme reconnaissant ces pratiques.
Ce n'est certainement pas bon pour la politique publique de décourager les gens de se marier, et de fonder des familles, comme le ferait cette option. Aucun argument supplémentaire n'est nécessaire.
La désexualisation du mariage est pire encore pour la politique publique que son abandon.
Outre ces petits problèmes, il y a le vide que cela représenterait pour le public. Des hommes et des femmes continueront d'aspirer à ce que le mariage offrait auparavant. Des Canadiens et des Canadiennes ne cesseront pas de vouloir se déplacer au Canada avec leur bien le plus précieux : l'écrin de leur amour. Les nouveaux couples seront particulièrement brimés, en comparant leur perte sur 40 ou 50 ans, aux richesses des couples mariés avant que le mariage authentique cesse d'exister.
Le gouvernement fédéral ne peut s'attendre qu'à une rupture avec ses citoyens, en raison de cette profonde déception. Les citoyens ne voudront plus entendre parler du parti politique qui en aura été le maître d'oeuvre et, plus important encore, de tout gouvernement qui aurait autrement eu leur confiance et leur appui.
Aucun gouvernement n'est immunisé contre l'anomie politique et ne voudrait en faire une pandémie.
Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il, s'il vous plaît?
º (1615)
Le président: Une minute.
M. Christopher Gray: L'analyse de ces conflits législatifs possibles montre que le statu quo est la politique la plus souhaitable.
En répondant à vos questions, je répondrai volontiers aux objections relatives au statu quo qui ont influencé les tribunaux de première instance, de même que des considérations qui ont abaissé des institutions, en en faisant des institutions de seconde classe.
J'ai l'intention aujourd'hui de dire que le retrait du fédéral est une option regrettable qui doit venir loin derrière les autres, au troisième rang, parmi les options proposées par le ministre. Le mariage homosexuel n'est même pas concevable. Il n'y a même pas de quatrième rang pour lui.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Je vais donner la parole à M. Toews, mais auparavant, il faut régler une petite question administrative. Je pourrai ainsi demander une autorisation budgétaire au Comité de liaison, demain.
Voici la motion qu'il faut proposer...
Une voix: Je la propose.
Le président: Qui l'appuie? Des objections?
Des voix: Adopté.
Le président: Merci beaucoup. Nous appelons ça l'amendement de Steinbach.
Des voix: Bravo!
Le président: Je donne maintenant la parole à M. Steinbach—désolé, je voulais dire M. Toews, qui a sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins.
Merci, monsieur Gray. Au sujet de la reconnaissance juridique des mariages homosexuels, la question n'est pas aussi simple que certains voudraient qu'on le croie. Votre exposé présente bien les difficultés juridiques et constitutionnelles de ce projet, non seulement à l'échelle nationale, mais aussi, dans le contexte international.
Vous ne serez pas étonné que je m'adresse à vous, monsieur Hawkes. Je présume que vous avez écouté ce témoignage. Nous avons écouté des témoins de diverses églises chrétiennes qui nous ont dit que le mariage était l'union d'un homme et d'une femme. Ces groupes ont cité divers passages de la Genèse et de Saint Mathieu. Vous nous dites que votre Église est en faveur du mariage entre deux personnes de même sexe. Je me pose deux questions. D'abord, sur quelle base théologique repose votre affirmation selon laquelle le mariage n'est pas exclusivement hétérosexuel et peut aussi englober des couples homosexuels?
Deuxièmement, sur quoi vous fonderiez-vous pour prétendre que les mariages polygames ne doivent pas aussi être reconnus? D'après ce que je vous ai entendu dire aujourd'hui, rien ne justifie rationnellement l'exclusion des mariages polygames, comme les mariages musulmans, qui sont acceptés dans certains pays. Autrefois, les mormons... mais il s'agit maintenant davantage de musulmans.
R. P. Brent Hawkes: Comme pour d'autres confessions chrétiennes, notre position théologique, c'est que les églises chrétiennes ont mal interprété les Écritures en condamnant l'homosexualité. Il s'agit d'une vive controverse chez toutes les confessions religieuses. S'y opposent des éléments conservateurs et des éléments libéraux, que ce soit au sein de l'Église unie du Canada, de l'Église anglicane et même, de certains mouvements charismatiques et évangéliques. Aux États-Unis, sept églises baptistes ont quitté la Convention baptiste du Sud pour pouvoir marier des gais et des lesbiennes et pour ordonner des homosexuels déclarés. Ce débat se poursuit chez toutes les confessions religieuses.
Pour vous, il ne s'agit pas de savoir s'il y a des dissensions au sein des églises chrétiennes au sujet de cette question, mais plutôt si des éléments d'une église chrétienne doivent pouvoir dicter la politique publique. À une certaine époque, l'Église catholique romaine s'est opposée aux changements législatifs visant à permettre le divorce, de même que le mariage interconfessionnel. Il ne s'agissait pas de savoir si la chrétienté acceptait ou non le divorce ou avait des arguments quelconques au sujet du divorce. Essentiellement, il ne revient pas à une église chrétienne de décider des politiques publiques et les Canadiens qui veulent se marier devraient avoir la possibilité de le faire. Je ne pense pas que les catholiques romains ont cessé en masse de se marier parce que des couples divorcés pouvaient se marier dans d'autres églises.
Je ne m'étonne pas que la question de la polygamie ait été soulevée. Je suis pasteur depuis 25 ans. Je l'étais déjà quand les législateurs de l'Ontario, la deuxième province après la province de Québec à se pencher sur la question, ont choisi de ne pas inclure l'orientation sexuelle dans le Code des droits de la personne.
C'était au début des années 80 et il n'était alors question que de donner aux gais et aux lesbiennes le droit au travail et il ne s'agissait que d'inclure l'orientation sexuelle dans le Code des droits de la personne. Un des premiers arguments invoqués alors était la polygamie. En effet, en permettant aux gais et aux lesbiennes de travailler, n'inciterait-on pas les polygames à réclamer le droit de travailler et de ne pas être licenciés? On a constaté à maintes et maintes reprises qu'on soulevait la question de la polygamie chaque fois qu'il s'agissait de reconnaître une relation homosexuelle dans une loi sur les droits de la personne ou un code des droits de la personne.
Que je sache, une fois que l'on a accordé aux gais et aux lesbiennes le droit au travail, il n'y a pas eu une seule action judiciaire intentée par des polygames réclamant la même chose. Donner aux gais et aux lesbiennes le droit de se marier ne nous expose pas davantage à ce genre de poursuite que de le donner aux hétérosexuels. Le code criminel interdit la polygamie. La polygamie est définit dans le code criminel et elle relève du domaine pénal.
º (1620)
M. Vic Toews: Je me permets de vous interrompre, car j'ai très peu de temps.
À une certaine époque, l'homosexualité était une infraction au Code criminel et, pour diverses raisons d'intérêt public, cela a été changé. Moi, je me dois de penser à toutes les répercussions que pourraient avoir les changements que nous apporterons aux lois. Si nous recommandons que les mariages homosexuels soient permis, quelle raison pourrons-nous invoquer pour empêcher un musulman d'immigrer au Canada avec trois épouses? Il pourrait nous dire qu'il a le «droit d'être marié à trois femmes, que ce n'est pas criminel dans son pays d'origine et que c'est notre loi à nous qui devrait être modifiée.»
R. P. Brent Hawkes: C'est une toute autre question. Si quelqu'un veut déposer devant votre comité une motion réclamant que les dispositions législatives sur la polygamie soient modifiées... Je n'ai entendu personne réclamer un tel changement. Aucun membre de la communauté gaie et lesbienne ne le réclame. J'ignore d'où vient cette idée, mais c'est une toute autre question. C'est un sujet qui fait l'objet de dispositions distinctes dont vous pourriez débattre et que vous pourriez peut-être même modifier si vous souhaitez. Je ne le recommanderais pas, mais cela devrait faire l'objet d'un débat distinct.
M. Vic Toews: D'une certaine façon, votre église accepterait que les mariages polygames fassent l'objet de discrimination.
R. P. Brent Hawkes: Le père qui veut épouser sa fille fait l'objet de discrimination. Ça, c'est de l'inceste, et nous imposons une forme de discrimination contre l'inceste. C'est une décision que nous devons prendre comme société. J'appuie cette décision comme j'appuie la décision qui interdit le mariage aux polygames. Mais c'est une toute autre question.
M. Vic Toews: Vous dites donc que notre comité a le droit d'appuyer les mesures discriminatoires contre les polygames mais qu'il n'a pas le droit de le faire dans le cas des homosexuels qui veulent se marier. Sur quoi vous fondez-vous pour faire une telle affirmation?
R. P. Brent Hawkes: Sur la Charte canadienne des droits et libertés qui interdit la discrimination pour des raisons d'orientation sexuelle.
M. Vic Toews: Merci. J'ai ma réponse.
Le président: Pourrais-je demander à notre avocat de répondre aussi?
M. Douglas Elliott (avocat, McGowan Elliott & Kim, Metropolitan Community Church of Toronto): Outre la distinction en droit pénal, il y a deux autres différences importantes. Je suis certain que mes collègues de la Chambre des notaires vous confirmeront que notre droit de la famille et notre droit des successions traitent uniquement sur l'union de deux personnes. Il faudrait apporter des changements importants à nos lois pour tenir compte des unions polygames.
De plus, dans une union polygame, il y a la question du choix—qui consent au deuxième, au troisième et au quatrième mariage—qui n'est pas soulevée dans le cas d'un mariage homosexuel.
N'oublions pas non plus le préjudice. Je sais qu'il y a actuellement dans l'ouest du pays une affaire judiciaire en cours où il est question de la subjugation des femmes dans les mariages polygames. Je peux vous assurer qu'il n'y a pas de mariage forcé chez les homosexuels.
Le président: Merci.
Monsieur Marceau, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président.
Je veux d'abord dire à ceux et celles qui exercent différentes professions religieuses que les questions que je pose se veulent tout à fait respectueuses de leurs opinions en matière de religion. Il est important pour moi de le préciser.
D'abord, maître Marsolais, vous soulevez un point fort intéressant lorsque vous parlez de la constitutionnalité de ce qu'on appelle une union civile ou encore un registrariat domestique.
Je sais que certaines personnes de ce comité seraient plutôt favorables à l'idée qu'un statut équivalent à celui du mariage soit créé. Or, selon ce que vous dites, ce serait inconstitutionnel. Pourriez-vous nous donner des détails sur ce que vous avancez? Je pense qu'il s'agit d'un des enjeux fondamentaux qui sont débattus aujourd'hui.
Me Brigitte Lefebvre (notaire et professeure, Département des Sciences juridiques de l'UQAM, Chambre des notaires du Québec): En ce qui concerne la constitutionnalité, nous notons que d'après les analyses qui ont été faites par les constitutionnalistes, la compréhension qu'on a de la compétence fédérale en matière de mariage est une question de statut. C'est le statut marital comme tel et non pas une compétence qui pourrait englober tous les types d'union pouvant exister entre deux personnes, que ces unions soient hétérosexuelles ou homosexuelles.
Or, si on reconnaissait une compétence au fédéral à l'égard de tous les types d'union, on se retrouverait dans des situations où des lois provinciales, qui régissent notamment les unions de fait ou les enregistrements particuliers, pourraient être invalidées.
C'est donc à cet égard que la compétence est plutôt une question de statut, mais elle est uniquement reliée au statut civil de personne mariée et non pas à celui de personnes dont le type d'union peut s'apparenter aux autres unions de type marital.
º (1625)
M. Richard Marceau: Si je comprends bien, tout ce qui touche le droit civil est de compétence provinciale en vertu de 92.2. Or, on a fait une exception à cela en 1867, et il s'agissait du mariage et du divorce. Il reste qu'en dehors du mariage et du divorce au sens strict, le fédéral n'a pas droit de regard. Est-ce exact?
Me Brigitte Lefebvre: Le motif sous-jacent à la compétence fédérale en matière de mariage était, à l'époque, de permettre à cette institution--qui était l'institution de l'heure, il faut le reconnaître--d'être valide et de ne pas être remise en cause dans quelque partie du Canada que ce soit.
La société a évolué et il existe maintenant diverses autres formes d'union. Bien qu'on ne doive pas nécessairement conserver une notion figée et non adaptable du mariage, il reste qu'il s'agissait au départ de statut marital et non pas du statut de deux personnes vivant ensemble, peu importe leur orientation sexuelle.
M. Richard Marceau: Merci beaucoup, maître Lefebvre.
Révérend Hawkes, vous avez pris aujourd'hui l'engagement de ne forcer aucune autre Église ou dénomination à marier des conjoints de même sexe. Vous savez que le Code civil du Québec, à l'article 367, explicite un peu l'engagement tel que vous l'avez pris aujourd'hui. Vous qui êtes fortement en faveur du mariage de personnes de même sexe, est-ce que vous seriez à l'aise si jamais le comité se dirigeait dans cette direction, s'il reconnaissait le mariage de personnes de même sexe et proposait l'équivalent de l'article 367 du Code civil pour expliciter cela? Comme vous le savez, Me Elliott a également suivi les débats. Plusieurs dénominations sont venues devant le comité et ont dit craindre que des groupes de pression gais ne forcent les Églises à marier des personnes de même sexe.
Si c'était explicite dans la loi, vous sentiriez-vous à l'aise?
[Traduction]
R. P. Brent Hawkes: Nous avons l'habitude de l'alarmisme qui a cours chaque fois qu'on envisage de modifier les lois; on prétend que l'effondrement de la société et du mariage nous guette, que plus personne ne voudra se marier. Énoncer explicitement dans la loi que toutes les églises conservent leur liberté de religion contribuerait à mettre fin à cet alarmisme. Il est paradoxal que l'on appuie la liberté religieuse de ne pas se marier, mais que l'on s'oppose à la liberté religieuse de se marier. Quoi qu'il en soit, nous appuyons toute disposition législative qui le préciserait.
M. Douglas Elliott: J'abonde dans ce sens, mais j'aimerais ajouter une chose. Je sais qu'on a déjà fait mention du Code civil du Québec. Je signale que, dans sa décision, la juge Lemelin a indiqué que le paragraphe 2a) de la Charte protège le droit des membres du clergé de refuser de célébrer les mariages contre leur conscience. C'est un droit protégé par la Charte des droits, mais je serais d'accord pour qu'on prévoie une protection additionnelle. Juridiquement parlant, ce n'est pas nécessaire, mais ce l'est peut-être du point de vue social. C'est aussi la position que nous avons exprimée devant la Cour divisionnaire de l'Ontario.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci.
Madame Watts, je m'excuse de faire un peu de coq-à-l'âne, mais on a tellement peu de temps.
Vous avez énoncé des arguments très clairs contre le mariage de personnes de même sexe. Vous avez aussi mentionné la possibilité que la charte soit modifiée. Si jamais les cours décidaient de permettre le mariage de personnes de même sexe, le Parlement devrait-il utiliser la clause nonobstant de la Constitution afin de garder la définition dite traditionnelle du mariage?
º (1630)
[Traduction]
Mme Diane Watts: Oui. Nous croyons que le mariage est une institution fondamentale d'une grande importance. Nous craignons qu'il y ait un schisme entre le peuple et l'État et que l'État s'en trouve discrédité aux yeux du grand public. Le mariage jouit d'une excellente réputation au Canada, les études le prouvent. Dans une étude récente, 79 p. 100 des répondants ont dit que leur principal intérêt était le mariage et la famille. Je peux vous donner le nom du groupe qui a fait cette étude. D'autres montrent que le mariage faiblit, que de moins en moins de gens se marient, qu'il y a beaucoup de divorces, etc. Mais le problème, c'est que l'État ne facilite pas toujours le mariage et la vie de famille. Les impôts sur la famille sont élevés. Les familles subissent des pressions énormes de nos jours. Les Canadiens aspirent au mariage et à la famille, mais ils ne l'atteignent pas toujours et nous estimons que c'est parce qu'ils n'ont pas toujours le soutien dont ils ont besoin de la part de l'État.
Le président: Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole à M. Nystrom, pour sept minutes. Soyez le bienvenu, Lorne.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup.
C'est la première fois que j'assiste à une séance de ce comité. Si je pose des questions qui ont déjà été posées, j'espère que vous me pardonnerez.
Révérend Hawkes, pourriez-vous nous dire s'il y a des pays dans le monde dont nous pourrions tirer des leçons, des pays qui traitent les gens de façon plus équitable en matière de mariage, qui croient que tous les citoyens devraient être traités de façon égale, quelle que soit leur orientation sexuelle.
Il est intéressant que Mme Watts parle de l'importance du mariage, et je suis d'accord avec elle, mais elle refuse néanmoins d'accorder ce droit et cette liberté à tous les citoyens canadiens.
R. P. Brent Hawkes: J'aimerais d'abord souligner que de nombreux couples gais et lesbiens croient fermement à l'institution du mariage et soutiennent vigoureusement l'institution du mariage. Nous voulons être inclus, tout simplement; nous voulons avoir accès à cette institution.
Pour ce qui est du reste du monde, les Pays-Bas et la Belgique—la Belgique étant, soit dit en passant, un pays très catholique—ont récemment accordé aux homosexuels le droit de se marier sans créer un système «distinct mais égal», sans créer une union civile parallèle pour les gais et lesbiennes. On examine la question en Allemagne ainsi qu'en France. Les tribunaux de différents pays sont saisis de causes sur cette question. Au Canada, les sondages d'opinion publique ont démontré de façon constante que la majorité appuie la reconnaissance du mariage homosexuel. D'autres pays l'ont fait, bien d'autres pays l'envisagent et la majorité des Canadiens appuie cette idée.
De plus, au Canada, sauf en Colombie-Britannique, où la décision qui a été rendue fait l'objet d'un appel—et l'argument décisif dans cette cause ne jouit pas de l'appui de tous, même au niveau de l'appel... Les tribunaux québécois et ontariens ont jugé que notre Constitution affirme que les gais et les lesbiennes devraient avoir le droit de se marier.
M. Lorne Nystrom: J'aimerais que Mme Watts nous dise pourquoi elle est en faveur de la discrimination contre certaines personnes, au sujet du mariage. L'opinion publique est certainement maintenant en faveur d'un traitement égal pour tous. Les choses bougent, partout dans le monde. Pourquoi ne voudriez-vous pas accorder les mêmes droits à tous les Canadiens?
Mme Diane Watts: Ce n'est pas une question d'égalité, ni une question de droits. Il s'agit du mariage, une institution unique et très différente, ce que reconnaissent les Canadiens. Je suis allée à de nombreuses conférences où l'on prétendait s'écarter du mariage dans son acception traditionnelle, ou de la famille comme on l'a vue traditionnellement, où tout le monde faisait des déclarations officielles sur l'inclusion de tous les types de familles, mais avant la fin de ces rencontres et de ces conférences, tout le monde parlait du mariage et de la famille dans le sens où on l'entend habituellement. Il ne s'agit donc pas de traiter des gens inégalement ou avec discrimination, mais plutôt du fait que l'intelligence se refuse à faire équivaloir des choses qui ne sont pas égales et qui sont complètement différentes.
M. Lorne Nystrom: Je pense que vous avez droit à votre point de vue et que chacun a droit à son opinion, mais pourquoi voudriez-vous l'imposer à tous? Je connais de très nombreux catholiques qui sont en faveur de la libéralisation des lois sur le mariage. Je connais de nombreux catholiques qui étaient tout à fait en faveur des lois permettant le divorce au Canada. Beaucoup de catholiques voulaient aussi des lois libéralisant l'avortement. D'ailleurs, le gouvernement du premier ministre Brian Mulroney, un catholique, est celui qui a libéralisé l'avortement au Canada. Pourquoi voudriez-vous imposer votre point de vue à tout le monde?
Mme Diane Watts: Quelqu'un d'autre impose une fausse conception du mariage au reste du pays.
º (1635)
M. Lorne Nystrom: Ils ne vous forcent nullement à faire quoi que ce soit, alors que votre point de vue empêche quelqu'un de faire quelque chose.
Mme Diane Watts: À notre avis, les hommes d'État, les législateurs qui adopteront cela baisseront dans l'estime des Catholiques et des chrétiens. C'est comme s'ils prétendaient que ce qui va à l'encontre de la loi morale vaut autant qu'un sacrement. C'est une contradiction.
Biologiquement, l'homme et la femme peuvent procréer. Deux hommes ne peuvent pas procréer, ni deux femmes. Le gouvernement vous dit que c'est du pareil au même. À mon avis, les citoyens penseront que le gouvernement ne sait pas de quoi il parle. Sait-il vraiment la différence entre un sacrement et une infraction à la loi morale, ou la différence entre le mariage et la sodomie? Connaît-il la différence?
M. Lorne Nystrom: Vous parlez de loi morale. Qu'est-ce que la loi morale? La morale est un point de vue et je n'essaie pas de vous imposer le mien. Qu'entendez-vous par loi morale? Nous avons le droit civil, la common law, des tribunaux pour interpréter les lois, le Parlement qui fait les lois, mais qu'entendez-vous au juste par loi morale?
M. Hawkes pourrait peut-être réfuter ceci, je n'en sais rien, mais que voulez-vous dire par loi morale?
Le révérend Brent Hawkes: Je crois que lorsque des institutions religieuses présentent un argument, elles doivent être cohérentes. Madame vient de laisser entendre que le mariage est une affaire de procréation et que les couples gais et lesbiens ne peuvent se marier faute de pouvoir procréer. Pourtant, beaucoup de couples hétérosexuels ne peuvent pas procréer ou choisissent de ne pas procréer. L'Église catholique veut-elle leur refuser le droit de se marier?
M. Lorne Nystrom: En effet.
Comment réagissez-vous à cet argument?
Mme Diane Watts: On a laissé entendre, par exemple, que l'Église catholique ne réprouvait plus le divorce. Pourtant, l'an dernier, l'Église catholique s'est déclarée encore pour l'indissolubilité des liens du mariage, en raison des conséquences négatives des ruptures pour les enfants et, très souvent, pour les femmes, et des souffrances causées par les divorces. L'Église catholique continuera d'exister même si divers pays adoptent des lois déraisonnables et contraires à l'intelligence. L'Église catholique continuera de soutenir la famille. Je crois qu'en général, les Canadiens continueront de considérer le mariage selon sa nature, comme ils le font maintenant. La loi morale n'est pas totalement fluide et vous ne pouvez pas dire—
M. Lorne Nystrom: Qu'est-ce que la loi morale? J'ai déjà posé cette question. Qu'est-ce que la loi morale?
Mme Diane Watts: La loi morale se trouve dans diverses religions qui l'expriment. Toutes les grandes religions reconnaissent que le mariage est une bonne chose, à cause de la procréation, de la création des générations futures. Et toutes les grandes religions ont déclaré que certaines activités entre deux hommes et deux femmes allaient à l'encontre de la loi morale. C'est un fait. Cela peut vous déplaire et ne pas concorder avec votre idée de la loi morale, mais c'est un fait historique. Et je crois que les législateurs s'en rendront compte, en traitant avec leurs électeurs, en voyant l'image qu'ils auront, après avoir imposé cette contradiction dans nos lois. Quelqu'un a dit qu'ils seraient la risée de tous.
M. Lorne Nystrom: Vous proposez donc que votre loi morale soit imposée au pays, dans notre droit civil et la common law?
Mme Diane Watts: Je propose le respect de nos traditions, du mariage, et de la sensibilité des familles. Je propose la survie d'une nation qui a une grande histoire et qui a survécu jusqu'ici.
M. Lorne Nystrom: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Mme Jennings a maintenant la parole, pour sept minutes.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup pour vos présentations. Mes questions s'adressent à Me Marsolais et à Me Lefebvre, mais M. Elliott pourra aussi y répondre étant donné qu'il est avocat.
Je veux parler de la question de l'union et du registre. Si nous, en tant que législateurs parlementaires, insistons pour faire quelque chose, plusieurs personnes qui sont contre la reconnaissance du mariage entre deux personnes de même sexe proposent qu'il y ait plutôt un registre, une union civile, un peu comme c'est le cas au Québec et dans d'autres juridictions. À ce moment-là, c'est correct.
Je me demande si le gouvernement fédéral a la compétence constitutionnelle pour adopter ce genre de mesure législative. N'est-ce pas plutôt du domaine provincial? C'est ma première question.
Deuxièmement, on a entendu dire aujourd'hui que si jamais le gouvernement canadien recommandait le mariage entre deux personnes de même sexe, cela créerait beaucoup de problèmes juridiques à l'étranger, par exemple, et même au niveau provincial, car les provinces pourraient reconnaître un mariage célébré dans une province, mais pas celui célébré dans une autre.
Je me pose donc la question suivante. Je me suis mariée dans une église, et c'est reconnu par mon gouvernement provincial, celui du Québec, et dans toutes les autres provinces. Selon la loi en vigueur ici, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. Dans un autre pays, on a un régime d'égalité des sexes, etc. Si je déménageais en Arabie saoudite avec mon mari et que nous transférions tous nos acquêts là-bas, le régime matrimonial dont je bénéficie ici, au Canada, ne serait peut-être pas reconnu, car les lois n'y sont pas nécessairement les mêmes.
Est-ce que le fait que les lois régissant les relations sociales entre deux personnes au Canada ne sont pas nécessairement reconnues dans d'autres pays devrait, sur le plan juridique, constituer un motif pour ne pas agir au Canada en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés?
Je peux déménager dans un autre pays, où les femmes n'ont pas le droit de vote ou n'ont pas droit à la propriété. Le fait que mon droit à la propriété et mes autres droits ne sont pas reconnus dans d'autres pays devrait-il être un motif pour que nos gouvernements ne suivent pas le Code civil du Québec, par exemple, qui dit que si je suis mariée, j'ai droit à certaines choses et que la résidence matrimoniale ne peut pas être vendue même si la propriété est au nom de mon mari, etc.?
La province de Québec a légiféré malgré le fait que ses lois ne sont pas reconnues dans d'autres pays. Le Canada peut-il dire qu'il ne doit pas reconnaître légalement le mariage entre deux personnes de même sexe parce que d'autres juridictions ne reconnaîtront pas ce statut?
º (1640)
Me Denis Marsolais: Avant de céder la parole à Me Lefebvre, je vous dirai qu'actuellement, on vit tous les jours le problème de la reconnaissance, dans d'autres pays, des droits qu'un individu possède dans son propre pays, et cela pour toutes les lois. Il y a des dispositions qui régissent le droit international privé. Je ne veux pas trop élaborer, mais si, par exemple, vous êtes propriétaire d'un immeuble en Arabie saoudite, ce sont les lois qui existent en Arabie saoudite qui s'appliqueront. Au niveau des régimes matrimoniaux, c'est selon votre domicile conjugal au moment de votre mariage si vous n'avez pas de contrat de mariage. Il y a déjà des règles qui régissent cela.
Si les gouvernements se servaient d'un argument consistant à dire, par exemple, que l'union civile qui a été adoptée au Québec au mois de juin dernier n'est pas reconnue dans les autres provinces canadiennes ou dans d'autres pays, aucun gouvernement ne voterait de lois. C'est donc un argument qu'on ne doit pas retenir.
Vous avez posé plusieurs questions. En ce qui concerne les registres, Me Lefebvre a répondu à cette question plus tôt en disant que nous pensons que la création d'un registre est de juridiction provinciale. La juridiction fédérale régit l'état du mariage. À la lumière des discussions entendues depuis un certain temps, je pense qu'on mêle toujours les deux notions: l'aspect religieux du mariage et l'aspect juridique du mariage. Ce dont on doit discuter aujourd'hui--et je pense que c'est le rôle du comité--, c'est du statut juridique et non pas du statut religieux.
º (1645)
Mme Marlene Jennings: Je suis bien contente de vous entendre...
Me Denis Marsolais: Si vous me le permettez, j'ajouterai qu'on doit avoir à l'esprit que, de toute façon, jamais un gouvernement, qu'il soit provincial ou fédéral, ne va obliger une communauté religieuse à marier un couple lorsque cela est contraire à ses convictions. Je respecte tout à fait l'opposition de Mme Watts, mais on n'est pas ici pour obliger l'Église catholique à célébrer des mariages de couples homosexuels. Si elle veut le faire, ce sera sa décision. On discute du statut juridique du mariage, et personne d'autre que le gouvernement que vous représentez ne peut faire cette modification-là. Voilà.
[Traduction]
Le président: Mme Lefebvre veut-elle intervenir? Non?
Nous donnons donc la parole à M. Toews, qui a trois minutes.
M. Douglas Elliott: Monsieur le président, puis-je ajouter quelques éléments de réponse...
Le président: Je signale aux membres du comité que, si je ne m'abuse, le révérend Hawkes et M. Elliott doivent nous quitter sous peu. Si vous avez des questions pour eux, rappelez-vous qu'ils ne seront pas ici bien longtemps.
M. Douglas Elliott: Monsieur le président, j'aimerais faire quelques observations à la suite de ce qu'a dit le député.
Tout d'abord, je suis tout à fait en accord avec ce qu'ont dit mes collègues de la Chambre des notaires.
En ce qui a trait au premier point, en fait, le ministère de la Justice a reconnu devant le tribunal de première instance qu'il faudrait modifier la Constitution pour créer un registre de l'état civil exécutoire à l'échelle du pays. Je pense que c'est la réalité. Donc, pour moi, ce serait imposer un fardeau tout à fait déraisonnable et absolument pas pratique à la communauté lesbienne et gaie que d'exiger d'obtenir un amendement constitutionnel.
Deuxièmement, pour ce qui est de la question de la reconnaissance à l'étranger, les mêmes arguments ont été présentés au Parlement belge et au Parlement hollandais qui les ont tous les deux rejetés. Je vous suggère respectueusement de faire la même chose.
Pour ce qui est de savoir si nos mariages seront reconnus à l'étranger, je vous dirai, comme je l'ai dit à mes collègues de la Hollande, que nos mariages de conjoints de même sexe seront reconnus en Hollande, en Belgique et, je suppose, dans la plupart des pays européens, et de plus en plus partout dans le monde. Et dans la mesure où ils ne seront pas reconnus, nous pourrons vivre avec cela. Le fait que l'Arabie saoudite prévoie la peine de mort pour les homosexuels ne signifie pas que nous devons avoir une loi interdisant l'homosexualité au Canada.
Le président: Mme Watts veut répondre.
Je vous demanderais d'être brève.
Mme Diane Watts: Quelqu'un a mentionné mon nom, alors je voudrais préciser que ma position n'est pas que notre religion veuille imposer quoi que ce soit à qui que ce soit contre sa volonté. Le fait est que les chrétiens et les catholiques vivent dans trois sociétés distinctes : domestique, civile et religieuse. Il est préférable pour tous, notamment pour l'État, qu'il y ait harmonie entre les trois, plutôt qu'un conflit constant et une opposition totale entre les idées et les principes qui vont à l'encontre des croyances et des fondements de l'institution, de l'institution domestique de la famille. Voilà ce que je voulais dire.
Le président: Merci.
Monsieur Toews, vous avez trois minutes.
M. Vic Toews: Merci.
J'ai remarqué l'échange entre Mme Watts et M. Nystrom à savoir si une loi pouvait se fonder sur la morale. J'ai toujours pensé que toutes les lois se fondaient sur la morale. On ne peut avoir un système juridique sans un fondement moral. L'interdiction de tuer, de voler, l'interdiction de tuer des animaux dans une certaine limite—tout cela se fonde sur la morale. Il s'agit donc de déterminer ici le niveau approprié de moralité légale qui régira nos actes. Voilà ce que nous devons examiner.
Pour ce qui est de l'une des questions qui été soulevée auparavant, aucun autre tribunal dans le monde n'a considéré cette question comme étant une question de droits de la personne. C'est peut-être ce qui est unique au débat canadien, c'est-à-dire que nous considérons cette question comme une question de droits—de droits constitutionnels ou autre. Et je pense que nous sommes peut-être ici en train de faire fausse route.
L'une des choses qu'a dites Mme Watts je pense se reflète dans le témoignage d'un témoin précédent, M. Daniel Cere, qui a dit que le fait de changer les caractéristiques essentielles du mariage, comme on le ferait dans le cas du mariage de conjoints de même sexe, aurait en fait un impact sur les personnes dont la vie est actuellement façonnée par cette institution. Il a dit que d'après la recherche universitaire qui a été faite jusqu'à présent, nous ne comprenons pas l'impact qu'a cette institution très profonde et très importante. Il dit qu'il faut faire preuve de prudence à cet égard, particulièrement étant donné que la recherche universitaire et autre à cet égard est tellement précaire à ce moment-ci.
Il y a le fait que des gens comme Mme Watts—et c'est peut-être une suggestion que je fais ici—considèrent que leur position au niveau du mariage est réellement menacée, et également la question que j'ai mentionnée. Je n'ai pas beaucoup de temps, alors...
º (1650)
Le président: J'attends une question de votre part. Est-ce que vous posez une question à un membre du groupe en particulier, monsieur Toews?
R. P. Brent Hawkes: Tout le monde parle en même temps.
M. Vic Toews: Je suis préoccupé par cette question de l'impact sur les droits de ceux qui sont actuellement mariés et l'impact sur l'institution du mariage en général, alors que très peu de recherches ont été faites au sujet de ce qui pourrait arriver.
Le président: Très bien. Je vais donner la parole au révérend Hawkes, car il doit partir, et il nous reste environ 15 secondes.
R. P. Brent Hawkes: J'ai deux réponses à vous donner rapidement.
Je ne crois pas que le fait d'inclure les gais et les lesbiennes dans l'institution du mariage ait quelque impact que ce soit sur les droits des hétérosexuels dans le mariage. Cela n'enlève aux hétérosexuels aucun droit ni aucune responsabilité.
Deuxièmement, diriez-vous alors qu'à un certain moment donné, peut-être encore dans certaines régions, les mariages interconfessionnels sont source d'anxiété pour les groupes religieux qui ne croient pas au mariage interconfessionnel ou le fait de marier des couples divorcés soit une source d'anxiété pour certaines personnes et ait en quelque sorte changé l'institution du mariage, que ces choses devraient être interdites parce qu'elles sont source d'anxiété pour d'autres?
M. Vic Toews: Vous pensez qu'il n'y a pas de différence importante entre l'élimination de cette interdiction des mariages interraciaux, qui naturellement était une mauvaise chose, et faire de cette institution hétérosexuelle qui existe depuis des milliers d'années une institution qui accepte les mariages de conjoints de même sexe. Vous ne voyez pas qu'il y a une différence.
Le président: Il faut que cela s'arrête. Je passe à autre chose.
R. P. Brent Hawkes: Je ne vois pas cela comme une différence importante. À une certaine époque au cours de l'histoire nord-américaine, avant que le Canada existe, les catholiques et les juifs ne pouvaient pas se marier ensemble. Ils devaient aller à l'église anglicane pour se marier. Nous avons constaté qu'il fallait que cela change, que les catholiques romains devaient pouvoir se marier dans leurs propres églises, que les juifs devaient pouvoir se marier dans leurs propres églises.
À un moment donné, les couples interconfessionnels ont pu se marier, et ce que nous disons tout simplement, c'est qu'il y a des couples de gais et de lesbiennes qui veulent se marier. Le fait d'inclure les gais et lesbiennes dans l'institution du mariage n'enlève rien aux droits et aux responsabilités des couples hétérosexuels.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur McKay, vous avez trois minutes.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur ce que disait le révérend Hawkes, c'est-à-dire que malgré le mythe populaire, la nature du mariage comme institution juridique et sociale a considérablement évolué au fil des ans et que la reconnaissance légale du mariage de conjoints de même sexe est l'étape la plus récente de cette évolution. Je voudrais que le professeur Gray participe à ce débat, car je pense que ce qu'il a dit précédemment était très intéressant.
Si on regarde le mariage au cours des 40 dernières années, je ne comprends pas comment le mariage va dans la bonne direction. Bien des gens considèrent que ce n'est là qu'un bout de papier survalorisé. On pourrait faire valoir que les hommes ont été marginalisés au sein du mariage, qu'ils ne sont rien d'autre que des donneurs de sperme à qui l'on donne une importance exagérée. En fait, l'autre étude que nous devrons faire et qui relève presque de l'impossible consiste à modifier la Loi sur le divorce. Nous constatons le déclin du mariage, qu'il y a de plus en plus de divorces, de plus en plus d'enfants qui sont élevés par des parent seuls. Les enfants qui sont élevés en dehors des liens du mariage ont de toute évidence moins de chance de réussir que les enfants qui sont élevés dans toute autre forme de relation.
Les êtres humains ne sont pas des rats de laboratoire. Depuis les 40 dernières années, notre société s'est engagée dans toute une expérience. Je dirais même que c'est en quelque sorte un désastre. On nous a maintenant invités à nous engager dans une autre grande expérience. J'aimerais savoir ce que pense le professeur Gray de cette invitation à nous engager dans cette voie et dans ce que nous proposons de faire. Il serait très difficile quoi qu'il en soit de revenir en arrière.
Le président: Monsieur Gray, vous avez une minute et demie.
M. Christopher Gray: Merci. Je crois comprendre que la question ne s'adressait pas au révérend Hawkes, même si au départ...
M. John McKay: Une observation à la suite de son observation.
M. Christopher Gray: Oui, vous me demandez de faire toutes sortes de spéculations et de projections, monsieur McKay, et je vais tenter d'en faire un peu.
Je suis tout à fait d'accord avec la proposition que vous a faite précédemment M. Cere, c'est-à-dire de respecter le bon principe scientifique comme on le fait dans les affaires juridiques et scientifiques, c'est-à-dire le principe de la prudence, soit de ne pas aller au-delà de ce que l'on peut voir, de ne pas inclure dans la loi quelque chose dont on n'a pas la moindre idée des conséquences.
Si j'ai bien entendu ce que vous avez dit, vous laissiez entendre que les changements qui ont été apportés à l'institution du mariage au cours des dernières décennies ont eu des conséquences assez négatives. Je ne pourrais pas être plus en accord avec cela. Cependant, vous laissez entendre que cela montre que le mariage a changé, et que par conséquent il ne peut y avoir que d'autres changements à venir. Prenons par exemple le divorce, c'est tout à fait faux. Même s'il y a beaucoup de divorces, on ne permet pas aux gens de se marier en leur disant : « Je vous marie pour trois ans et demi ». Même s'ils pensent qu'ils pourraient divorcer dans trois ans et demi, le caractère essentiel du mariage demeure malgré les changements et les petites modifications périphériques. Voilà le genre de choses que l'on veut garder en maintenant les obstacles au mariage entre conjoints de même sexe.
Une partie du mémoire dont je n'ai pas parlé porte sur une question qui a été soulevée depuis, par la députée qui représente ma circonscription, Mme Jennings, c'est-à-dire si quelqu'un pouvait nommer d'autres pays qui se sont engagés sur cette voie. C'est le contraire qui me vient à l'esprit. Dès qu'on nomme d'autres continents qui ne se sont pas engagés dans cette voie, il y en a quelques exemples dans les vieux pays d'Europe, pour utiliser l'expression qui est devenue populaire aux États-Unis au cours des dernières semaines, où des changements dans ce sens ont été apportés ou ont été amorcés. Au-delà de ces quelques rares pays d'Europe de l'Ouest, ce que les Canadiens envisageraient de faire, afin de protéger leur institution du mariage s'il y avait mariage entre conjoints de même sexe, serait minimal. La politique publique dans le monde entier tend à rejeter ce que, à tort ou à raison, d'autres continents considèrent comme étant au Canada et en Amérique du Nord une réaction de panique insondable en ce qui a trait aux exigences morales. Cela est rejeté à l'échelle du monde entier. Je dirais que l'on aurait exactement la même réaction en ce qui a trait aux mariages de conjoints de même sexe.
La Chambre des notaires a laissé entendre que cela se produisait constamment. Cela ne se produit pas constamment. Les régimes matrimoniaux sont différents d'un pays à l'autre tout comme le sont les lois sur les biens matrimoniaux—mais ce n'est pas le cas pour ce qui est de la reconnaissance générale du mariage. Prenons par exemple la réaction d'un Canadien dont l'état matrimonial serait rejeté dans un autre pays, ou quelle serait sa réaction face à un mariage où la conjointe serait un enfant, où les conjoints seraient frère et soeur ou encore un homme qui aurait plusieurs femmes. Il n'est pas difficile de voir l'horreur que cela provoquerait.
º (1655)
Le président: Merci beaucoup.
Je vais maintenant donner la parole à M. Marceau. Les trois minutes comprennent à la fois les questions et les réponses.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
D'abord, maître Marsolais, je vous remercie. Vous avez mis le doigt sur le bobo tout à l'heure lorsque vous avez dit qu'on parle ici de la conception civile du mariage, et non pas de sa conception religieuse. Comme le disait mon professeur de droit de la famille à l'époque, vous allez à la substantifique moelle du débat sur ce sujet. C'est pour cette raison que j'adresse ma question à Mme Watts.
Il y a un enjeu qui consiste à déterminer où tracer la ligne entre ce que vous appelez l'ordre moral de quelqu'un et la société civile, la société civique. Vous êtes catholique, et la religion catholique interdit le divorce. Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, les catholiques pensent que le mariage est un lien indissoluble. C'est la même chose pour l'ordination des femmes. Les femmes ne peuvent être ordonnées prêtres dans la religion catholique. On pourrait dire, de façon assez simpliste d'ailleurs, que l'Église catholique fait de la discrimination à l'endroit des femmes et que le refus de marier des gens divorcés est aussi une forme de discrimination. Or, personne n'a tenté de forcer l'Église catholique à marier des divorcés ou à ordonner des femmes.
Vous dites qu'il faut garder la définition dite traditionnelle du mariage. À cet effet, j'ai bien aimé ce que le révérend Hawkes a dit sur les formes de mariage antérieures à l'existence du Canada, sur les autochtones qui reconnaissaient une certaine forme de mariage pour les personnes de même sexe. Ne vous trouvez-vous pas à imposer votre vision du mariage, c'est-à-dire la vision catholique du mariage, à une société qui n'est plus catholique? Certains diraient même qu'elle n'est plus chrétienne. Donc, ne vous trouvez-vous pas à imposer la vision catholique non seulement à la société civile mais à d'autres religions, dont celle du révérend Hawkes, qui disent respecter la vision catholique du mariage même si ce n'est pas la leur, mais qui demandent à l'État, à nous, législateurs, de créer un espace où l'ordre moral que vous faites n'aurait pas sa place dans la sphère civile? Si vous voulez garder cette tradition dans l'Église catholique, ça va, mais on vous demande de ne pas l'imposer à d'autres, parce que de toute façon, comme le disait Me Marsolais, on parle ici, non pas de la définition ou de la conception religieuse du mariage, mais de la conception civile du mariage.
» (1700)
[Traduction]
Mme Diane Watts: Il y a trois points ici.
Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte des déclarations faites par les militants homosexuels selon lesquelles l'objectif doit être la fin de l'institutionnalisation de l'hétérosexualité. Par là, ils entendent le mariage et la famille. Ils veulent donc s'attaquer à toutes les façons et à tous les domaines où l'on favorise l'hétérosexualité. Cela inclut le programme scolaire. Nous envoyons nos enfants dans les écoles; nous ne pouvons pas tout leur enseigner à la maison. Le mariage n'est pas une institution encapsulée, ni une institution complète, mais il dépend de son entourage et fait partie de la société. Nous envoyons nos enfants à l'école, et nous ne pouvons éviter ces attaques sur nos valeurs dans des écoles publiques et dans l'institution du mariage.
Je vous en prie, vous avez fait beaucoup d'observations. J'aimerais en faire trois.
[Français]
M. Richard Marceau: Je veux ajouter...
[Traduction]
Le président: C'est moi qui préside.
Mme Watts va répondre, ensuite M. Marceau pourra répliquer.
Mme Diane Watts: Vous avez dit plusieurs choses.
Dans un article de notre journal de Québec, on citait un Néerlandais qui aurait dit que le dernier domaine inexploré pour eux était de faire en sorte que le clergé marie les homosexuels dans leur église. C'est un message qui contredit ce que tout le monde dit ici, c'est-à-dire : « Nous n'allons pas toucher la religion ». Il y a cependant des déclarations voulant que cela serait leur objectif, ce qui ne me surprend pas. S'ils veulent aller dans les écoles et provoquer une révolution culturelle contraire à la famille et contraire à ce que les parents veulent pour leurs enfants, cela ne me surprendra pas du tout. C'est pourquoi cela inquiète les personnes religieuses.
Pour ce qui est de la discrimination contre les femmes dans l'Église, je n'ai pas abordé cette question.
Le président: Si nous avions davantage de temps, on pourrait poser davantage de questions. Nous avons une longue liste, mais malheureusement nous n'avons que très peu de temps.
Monsieur Marceau, très rapidement.
[Français]
M. Richard Marceau: Il est important de dire qu'aucune des personnes en faveur du mariage homosexuel qui sont venues ici n'a dit qu'elle voulait détruire l'institution du mariage. Vous avez repris une citation. Pas une seule personne n'est venue dire ici, devant ce comité, qu'elle voulait détruire le mariage; bien au contraire, ces personnes voulaient y avoir accès. Il faut faire attention quand on parle de citations ici, parce qu'on a entendu plusieurs personnes qui étaient en faveur du mariage homosexuel, et aucune d'elles n'est venue dire qu'elle voulait que les hétérosexuels n'aient plus accès au mariage. Il est important de le dire et d'en tenir compte dans le contexte de ce comité-ci.
[Traduction]
Le président: Nous allons donner la parole à M. Lee.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci, monsieur le président. Je me rends compte que nous approchons de la fin.
Je voulais poser une question à M. Elliott avant que le révérend Hawkes et que M. Elliott ne partent, pour voir si je comprends bien la source de notre inquiétude légale ici.
Un tribunal de première instance de l'Ontario a jugé que la définition du mariage que l'on utilise à l'heure actuelle est discriminatoire à l'égard des gais et des lesbiennes. Nos tribunaux supérieurs n'ont pas eu la chance de vraiment renverser cette décision. Le gouvernement fédéral est, en un sens, intervenu et nous a demandé...
Le président: Merci pour votre jargon de juriste.
M. Derek Lee: ...de trouver une solution avant d'en venir à une confrontation avec la Cour suprême.
La discrimination que l'on allègue vient de la définition du mariage. La définition du mariage dit un homme et une femme. Or, si j'ai bien lu, il n'y a aucune discrimination directe dans cette définition par rapport à l'orientation sexuelle. On parle d'un homme et d'une femme, et la loi ne se préoccupe pas vraiment de l'orientation sexuelle de l'homme et de la femme lors du mariage. Donc, à première vue, il n'y a pas de discrimination directe. Mais ai-je raison de mettre l'accent sur le fait que l'on allègue que nous avons ce que l'on appelle une «discrimination par suite d'un effet préjudiciable», où les règles «en effet» sont discriminatoires, de sorte qu'il s'agit d'un effet préjudiciable?
» (1705)
M. Douglas Elliott: C'est une bonne interprétation. C'est très semblable à la situation qu'on avait en ce qui concerne les femmes, lorsqu'on disait qu'il y avait discrimination parce qu'une femme était «enceinte». À un moment donné, la Cour suprême a tranché que ce n'était pas de la discrimination à l'égard des femmes, et par la suite a changé sa position et dit que c'était de la discrimination à l'égard des femmes.
M. Derek Lee: Seriez-vous d'accord pour dire alors qu'en ce qui concerne cette discrimination, nous pouvons soit changer les règles, soit changer la façon dont nous appliquons la série de règles? La société, par l'intermédiaire des tribunaux, notre charte, nous demande de régler ce cas de discrimination par effet préjudiciable. Donc, si nous pouvons trouver une façon, soit en changeant la règle, soit en changeant la façon dont nous appliquons la règle, car il ne faut pas oublier que la règle n'a pas été conçue pour être discriminatoire. Elle n'est discriminatoire que par effet préjudiciable. Est-ce une bonne façon de voir les choses?
M. Douglas Elliott: Je suppose, mais vous devez trouver une solution qui est conforme à la Charte. Je pense que c'est ce que les tribunaux vous ont dit très clairement.
Par exemple, au Québec, Mme le juge Lemelin a dit très clairement qu'une union civile comme celle que l'on retrouve au Québec n'est pas une réponse constitutionnelle adéquate. Je pense que le juge Iacobucci a parlé d'un dialogue constitutionnel entre les tribunaux et le Parlement. On peut dire qu'on vous a confié ce dialogue—pour ne pas dire ce sujet épineux—et que nous attendons votre réponse.
Le président: Trois minutes...
M. Derek Lee: Votre description est «colorée», mais le dialogue est en cours.
Merci, monsieur le président.
Le président: Nous apprécions votre vocabulaire coloré.
Le comité voudrait remercier M. Elliott et le révérend Hawkes d'être venus nous rencontrer. Merci.
M. Douglas Elliott: Merci.
Le président: Monsieur Nystrom, vous avez trois minutes.
M. Lorne Nystrom: Je crois comprendre qu'il y a deux ans le Parlement européen a adopté une résolution disant que légalement, les conjoints de même sexe devraient être mariés, mais qu'il appartient aux Églises de décider si elles veulent ou non les marier. Qu'est-ce qui ne va pas avec cela? On dit que les mariages entre conjoints de même sexe sont possibles, mais on laisse à l'Église le soin de décider. On n'impose pas un point de vue à une Église en particulier, on ne fait que déclarer un droit légal. C'est ce que le Parlement européen a exprimé.
[Français]
Est-ce que le fait de laisser ce choix aux Églises, peu importe la religion, tout en accordant ce droit à tout le monde poserait un problème ici, au Canada?
[Traduction]
Le président: Monsieur Marsolais.
[Français]
Me Denis Marsolais: Si je comprends bien votre question, vous dites qu'il y a en Europe une disposition permettant le mariage des couples homosexuels, mais ne forçant pas les Églises à les marier. C'est bien cela?
M. Lorne Nystrom: Oui.
Me Denis Marsolais: Cette situation est la même que celle qui existe au Québec actuellement dans le cas de l'union civile d'un couple de personnes de même sexe. Comme on l'a dit plus tôt, il y a une disposition du Code civil qui dit qu'on ne peut pas forcer un ministre du culte à marier un couple si cela va à l'encontre de ses convictions. C'est la même chose.
Le gouvernement fédéral, à titre de législateur, a le pouvoir de modifier le statut du mariage du point de vue juridique, mais non du point du vue religieux. Ça, c'est important. J'ai l'impression qu'on patauge des deux côtés en mélangeant les notions. On doit seulement s'attarder uniquement au point de vue juridique. Évidemment, lorsqu'un gouvernement réglemente et légifère, il doit vérifier l'aspect moral des lois et règlements qu'il veut adopter.
Dans le Code civil du Québec--et je présume que c'est aussi le cas de la common law--, on ne peut pas légiférer contre l'ordre public et les bonnes moeurs. C'est clair. On doit répondre à la question suivante: le fait de permettre à un couple de gens qui s'aiment de consacrer leur union par le mariage constitue-t-il un geste qui va à l'encontre des bonnes moeurs et de l'ordre public? Si vous répondez oui à cette question à titre de gouvernement fédéral, je vous rappellerai que vous avez permis l'union de fait de personnes de sexes différents il n'y a pas si longtemps.
» (1710)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Gray, je vais permettre qu'on pose une question supplémentaire à Mme Lefebvre, ensuite je reviendrai à vous.
[Français]
Me Brigitte Lefebvre: J'aimerais faire une remarque complémentaire. On semble avoir beaucoup de difficulté à dissocier l'aspect religieux du mariage de son aspect juridique ou civil. Il ne faut pas oublier que si les deux sont intimement liés, c'est parce que le législateur provincial a conféré aux ministres du culte le pouvoir de célébrer des mariages. Si les deux sont intimement liés, c'est qu'on reconnaît qu'à ce titre, le ministre du culte a deux chapeaux: celui d'officier public qui génère les effets juridiques d'une institution civile qui est le mariage et celui lui permettant de donner une portée religieuse au mariage parce que cela correspond à ses propres convictions. Ce ne sont pas tous les ministres du culte, même au Québec, qui peuvent célébrer une telle union; ils doivent être accrédités et reconnus par le ministre de la Justice. On a intimement lié ces deux institutions, mais au fond, ce sont deux institutions totalement distinctes. En ce qui nous concerne, nous avons une approche très laïque du mariage parce que nous l'examinons sous l'aspect de ses effets juridiques.
Me Denis Marsolais: Nous célébrons nous-mêmes des mariages.
[Traduction]
Le président: Merci.
Je vais maintenant donner la parole au professeur Gray qui voulait répondre à la question de M. Nystrom, ensuite je donnerai la parole à M. O'Brien.
Soyez bref, professeur Gray.
M. Christopher Gray: Monsieur le président, je me suis porté volontaire pour répondre à la question, car je croyais que c'était une question ouverte. C'est la première fois que je comparais ici, également.
Le révérend Hawkes—malheureusement ce dernier n'est plus ici—au tout début de ses observations a dit, et John Fisher de EGALE a dit également—qu'on ne devrait pas tenter d'obliger les ministres qui n'acceptent pas les mariages entre conjoints de même sexe à célébrer ces mariages, si l'on redéfinissait ainsi le terme «mariage».
Je comprends tout à fait cela, mais il faut souligner que votre comité est un comité législatif, non pas un comité qui fait du travail social. C'est peut-être rassurant pour aujourd'hui et demain, malheureusement le révérend Hawkes ne sera pas toujours pasteur de son Église et M. Fisher ne sera pas toujours le président de EGALE, et, Dieu nous vienne en aide, peut-être que Mme Lemelin ne sera pas toujours juge à la Cour suprême du Québec.
Ce que vous cherchez, en tant que comité législatif, ce n'est pas une garantie individuelle. Mme Lemelin cite le paragraphe 2a) de la Constitution, et dit que c'était pour faire en sorte que les dirigeants religieux continuent d'être contre l'application d'une telle disposition. Si on regarde l'interprétation de la liberté de religion dans des causes récemment devant les tribunaux, c'est très peu rassurant. Je cite par exemple le cas dont le nom m'échappe d'un jeune homme qui voulait se faire accompagner à sa soirée de finissant il y a environ un an par son conjoint de même sexe. On a dit que certains catholiques n'étaient pas d'accord avec cela, de sorte que cela n'était pas une doctrine catholique.
Cela fait donc en sorte d'éliminer l'accord d'une religion en particulier. On élimine l'idée même que la doctrine catholique ait quelque chose à voir avec ce que l'on enseigne, avec le point de vue des gens à ce sujet, le fait que cela soit relativement peu pertinent. On élimine le point de vue d'une religion sur la question. Le paragraphe 2a) n'est pas un besoin qui soit un point de vue traditionnel—j'essaie de trouver un terme qui ne soit pas insultant.
Le président: Merci.
Et félicitations, monsieur Nystrom, vous avez réussi à obtenir une intervention de sept minutes au lieu de trois minutes le premier jour.
Je vais maintenant donner la parole à M. O'Brien. Sachez que la liste est longue et qu'il reste très peu de temps.
» (1715)
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Monsieur le président, merci, et merci aux témoins.
J'essaie de suivre deux comités à la fois, ce que mes collègues peuvent comprendre. Ce n'est pas par manque d'intérêt si je n'ai pas été ici tout le temps.
J'aurais bien aimé que le révérend Hawkes soit encore ici, car je vais le citer le plus fidèlement possible. Il a dit quelque chose au sujet d'une limite que nous devrions établir quelque part. Je suis certainement d'accord avec lui à cet égard. Je dirais que l'État—et je veux garder la religion en dehors de tout cela pour l'instant, bien que j'aie mon propre point de vue religieux sur la question—en a établi une quelque part. Il l'a fait en 1867. Cela a assez bien servi notre pays à mon avis.
M. Marceau dit que ceux qui sont venus nous demander de changer la définition du «mariage» ne veulent pas détruire le mariage. Ils n'ont peut-être pas l'intention de détruire le mariage, mais il y a des chercheurs sérieux qui veulent changer la définition du «mariage». Même le professeur William Eskridge de Harvard avoue honnêtement que, naturellement, si nous changeons la définition du «mariage», cela changera fondamentalement l'institution du mariage comme telle, et il ajoute que cela changera la relation hétérosexuelle comme telle.
Il y a donc des chercheurs sérieux qui admettent que si nous changeons la définition du mariage, naturellement cela changera l'institution comme telle et cela exercera des pressions sur cette dernière. Quelles sont ces pressions? D'où viennent-elles?
Dans le peu de temps dont je dispose, monsieur le président, j'aimerais que M. Gray et Mme Watts me disent s'ils peuvent ou non appuyer quelque chose qui n'irait pas jusqu'à changer la définition du mariage, car en toute bonne conscience je ne pourrais jamais appuyer que l'on change cette définition. Que pensent-ils d'un changement qui irait moins loin, d'une sorte de registre civil, ou autre? Ceux qui proposent le changement ne semblent pas vouloir cela du tout, mais c'est quelque chose que notre comité pourrait prendre en compte dans ses délibérations.
Nous avons 0,5 p. 100 de la population, même pas unanimement, qui veut déterminer la politique publique. Je trouve cela curieux, mais c'est leur droit. Ma question est la suivante : bien que vous vous opposiez à une modification de la définition du «mariage»—et je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus—serait-il utile à votre avis que l'État envisage une sorte de reconnaissance des relations homosexuelles, naturellement sans changer la définition du mariage? À mon avis, changer la définition ne serait pas du tout une bonne chose pour notre pays.
Le président: Merci, monsieur O'Brien.
Je vais donner d'abord la parole au professeur Gray, ensuite à Mme Watts. Je vous demanderais d'être brefs.
M. Christopher Gray: Puisque je ne suis pas du tout discipliné, pourquoi ne demanderiez-vous pas à Mme Watts de répondre en premier et j'utiliserai le temps qu'il restera?
Le président: Je savais qu'elle allait venir.
M. Christopher Gray: C'est effectivement une bonne discipline.
Merci.
Je viens du lieu de naissance du registre civil, de l'union civile au Québec. À l'époque, j'avais manifesté de la réticence. Ce registre a toutefois une fonction. C'est une fonction qui va au-delà de la modification de la définition du «mariage» ou de l'abandon complet du mariage civil.
Quels en sont les avantages? Eh bien, ce registre répond aux préoccupations légitimes non seulement des couples de même sexe d'une façon générale, mais plus particulièrement de ceux qui sont vulnérables. Ce pourrait être tout, mais ce ne l'est pas.
Quel est l'inconvénient des registres civils? Eh bien, voici l'opinion du juge Pitfield, dans la première de ces trois affaires : plus le parallélisme est grand, plus il semble y avoir de discrimination, jusqu'à ce que les actes de bonne volonté et la justice qu'il y a à permettre des contrats parallèles soient totalement détournés de leurs objectifs.
Voici le second problème. L'union civile représente une énorme mesure juridique, c'est-à-dire la création d'un statut entièrement nouveau. Il y a bon nombre de moyens moins exigeants d'arriver à la même fin, non pas un nouveau statut, mais plutôt une loi, ce qui pourrait être accompli maintenant, dans une grande mesure, avec quelques adaptations, pour résoudre les problèmes qui restent en matière de privilèges médicaux. Les lacunes du droit seraient corrigées.
Voilà pour cet aspect, en voici un autre. À peu près tous les griefs que les employés présentent au syndicat peuvent être réglés à l'amiable ou au moyen d'entente privée, de contrat ou en conférant un pouvoir en matière de traitements médicaux.
Pour conclure, l'un des problèmes, c'est que cette union pose un vaste problème, du fait que la Cour au Québec a déclaré qu'elle n'était pas suffisante. Mais même si elle est suffisante au niveau de la politique, elle ne le sera pas autrement. Il faut aller plus loin et justifier le mariage, le statu quo.
Je suis désolé.
» (1720)
Le président: Madame Watts, brièvement.
Mme Diane Watts: C'est une excellente réponse et je n'ai rien à y ajouter. Je dirai néanmoins que le droit est utilisé comme outil.
Votre comité a entendu un groupe de mères lesbiennes dont la représentante a déclaré qu«'il est important de dissocier la notion de famille de l'image traditionnelle de l'homme, de la femme et des enfants dans une situation de mariage.»
Un autre groupe, Gai Écoute, a déclaré:
[Français]
«C'est donc un changement de société, c'est sûr. C'est ça qu'on vous demande.»
[Traduction]
Joe Varnell, dont la demande de légalisation du mariage des couples homosexuels est présentement devant les tribunaux canadiens, a écrit: «qu'une fois qu'il aura eu gain de cause»—et il semble persuadé qu'il gagnera—«ce ne sera qu'un début... Cette mesure montrera qu'il existe une tolérance en droit, mais ce n'est pas suffisant. Il faut aller au-delà de la tolérance pour atteindre l'acceptation par l'ensemble de la société. Une telle entreprise ne peut commencer qu'une fois que tous les obstacles légaux à l'égalité auront été surmontés. D'après lui, on pourra ensuite commencer à régler le vrai problème, c'est-à-dire l'égalité sociale.»
Nous sommes donc au milieu d'une grande révolution culturelle, et les lois ne sont qu'un outil pour atteindre une fin. Nous devrions tous en être conscients.
Le président: D'accord. Monsieur Toews, trois minutes.
M. Vic Toews: Merci, monsieur le président.
Je suis content que M. Gray ait signalé à notre attention l'affaire du Conseil scolaire catholique de l'Ontario, car c'est de toute évidence une attaque directe contre les droits constitutionnels des catholiques romains, droits qui sont enchâssés dans notre Constitution depuis 1867. Malgré les propos rassurants de témoins comme M. Hawkes, bon nombre de catholiques s'inquiètent beaucoup de ce que leur liberté de culte garantie dans la Constitution depuis 1867 pourrait être de nouveau enfreinte.
Si ces modifications sont apportées à la définition du mariage, je crains que, même si M. Hawkes appuiera les prêtres et ministres qui refusent de marier des conjoints de même sexe, les tribunaux et l'État useront de leur pouvoir pour les y obliger. Ils n'enverront pas les policiers dans les églises, mais ils leur retireront leur statut d'oeuvre de charité ou se livreront à d'autres attaques de ce genre. C'est ce qui va se produire, et cela m'inquiète, comme bon nombre de mes commettants.
Monsieur Gray, je me demande si vous pourriez m'en dire davantage à ce sujet, puisque c'est vous qui nous l'avez signalé.
M. Christopher Gray: Je n'ai pas grand-chose à ajouter, car cela a été bien exprimé. J'en ai parlé dans mes remarques précédentes.
Le seul angle qui reste, c'est celui que M. Nystrom nous a présenté tout à l'heure. S'agit-il d'imposer aux autres ses croyances religieuses ou ses valeurs morales?
À mon avis, non. C'est ce qui existe à l'heure actuelle. Ce qui a été commun dans toutes les religions, malgré le témoignage contraire du révérend Hawkes, un témoignage qui va à l'encontre des recherches du Dr Young à plusieurs égards, c'est un statut de mariage qui correspond au caractère social de l'humain. Il va peut-être également de pair avec diverses croyances religieuses, toutes les croyances religieuses à travers l'histoire, mais c'est simplement par manque de données anthropologiques datant de 3 000 ans avant Jésus-Christ pour faire la distinction entre les croyances sociales et les croyances religieuses. Jusqu'à tout récemment, cette notion était synonyme. Cela ne devrait pas donner le droit de dire que le caractère social de l'humain correspond simplement à imposer ses croyances religieuses aux autres.
» (1725)
Le président: Merci beaucoup.
M. Vic Toews: Monsieur le président, il nous a donné une bonne explication.
Le président: Oui, et en moins de trois minutes et 13 secondes.
Madame Fry, vous avez trois minutes.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Brigitte Lefebvre. J'ai entendu la même question à plusieurs reprises. En permettant les mariages entre conjoints de même sexe, allons-nous être obligés de déterminer si les mariages polygames seront autorisés? On a aujourd'hui demandé comment on pourra contester la décision de certaines religions de ne pas marier les couples de même sexe. Je ne suis pas avocate, mais j'ai entendu très clairement que la Charte contient des dispositions qui pourraient être invoquées dans un tel cas.
On a également dit que vu la grande diversité culturelle qui existe au Canada, si nous permettons les mariages des couples de même sexe, la polygamie sera autorisée car il y aura également des groupes pour qui la polygamie fait partie de leurs croyances religieuses et culturelles. On a également évoqué cette raison comme motif pour interdire le mariage civil.
Mais je crois également savoir que, dans le Code criminel, les mutilations génitales des femmes sont considérées comme un acte criminel. Et pourtant, c'est un acte accepté dans la culture et la religion de bon nombre de communautés qui vivent au Canada. Cela ne nous a pas empêchés de l'inclure dans le Code criminel en 1997.
En fin de compte, les arguments que nous entendons sont-ils vraiment d'ordre religieux ou plutôt d'ordre émotif? J'étais ici, je crois, en 1995, lorsque la Loi sur les droits de la personne a été modifiée pour y inclure le motif de l'orientation sexuelle. On nous avait dit à cette époque que notre société subirait des maux horribles, qu'on permettrait à des enseignants homosexuels d'enseigner dans les écoles et qu'ils pervertiraient nos enfants. On nous avait prédit toutes sortes de malheurs. Et pourtant, près de huit ans plus tard, rien de cela ne s'est réalisé.
Je veux qu'il soit bien clair que ce dont nous discutons ici, ce n'est pas vraiment du droit. Nous discutons de la morale, de valeurs, de craintes et d'émotions qui ressortent toujours. Je me rappelle avoir entendu dire que les enfants de mariages interraciaux seraient—et je cite—«déficients mentaux».
À chaque fois que la société fait un pas en avant pour évoluer, ces arguments ressortent toujours. Je veux une réponse claire du point de vue légal. Si nous modifions la structure légale du mariage de façon à permettre les mariages de couples de même sexe, les religions seront-elles protégées par les dispositions de la Charte des droits et libertés de façon à ce qu'elles puissent refuser de marier ces couples? Est-ce très clair? Des avocats nous posent constamment cette question, ce ne semble donc pas très clair.
[Français]
Le président: Maître Lefebvre.
Me Brigitte Lefebvre: Je ne suis pas une spécialiste des libertés publiques, mais plutôt du droit familial, mais il m'apparaît que ce qui est considéré par certains comme une protection du mariage religieux dans la Charte canadienne des droits et libertés n'est même pas nécessaire dans certaines provinces, dont chez nous. Ce n'est pas en se fondant sur la Charte qu'on peut discuter de ces aspects-là, parce qu'on reconnaît déjà, par des dispositions tant au niveau civil qu'au niveau du mariage, qu'il y a des ministres du culte qui ne peuvent pas renier leur religion et célébrer de telles unions. Il y a sûrement des moyens assez sûrs au niveau juridique pour que les autres provinces du Canada puissent obtenir les mêmes garanties. De surcroît, si on se fie à ce qui a été dit dans le jugement Hendricks par le juge Lemelin, il serait même superfétatoire de le faire parce que ce serait déjà protégé par la Charte.
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Fry, notre temps est déjà écoulé, mais je vais laisser la parole à M. Marceau, qui avait une question... Non.
Je vais autoriser M. Macklin à poser une question, brièvement.
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Je vais faire de mon mieux pour que ma question soit brève, mais je ne suis pas certain que la réponse le sera autant.
Vous avez dit, professeur Gray, que «ce ne serait pas une bonne politique de décourager la population de participer à l'institution du mariage et de fonder des familles, comme cette mesure le ferait. Vous dites que c'est indiscutable.»
Toutefois, pour justifier les limites et la différence, si je puis utiliser cette expression—d'autres parleraient de discrimination—il faut que «la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique».
À ce qu'il semble, deux des trois tribunaux n'ont pas trouvé cette justification dans les arguments qui leur ont été présentés. Comment cette difficulté s'explique-t-elle, alors que cela semble très clair dans vos propos?
» (1730)
M. Christopher Gray: Deux choses, aussi brièvement que possible. Ce que j'ai dit, c'est qu'il est évident que décourager le mariage serait une mauvaise politique. C'est ce que j'entendais par là.
Voici en 15 secondes les lacunes relevées par les trois Cours supérieures. D'une façon générale, chaque cour a signalé, même celle du juge Pitfield, que, premièrement, on faisait une distinction, deuxièmement, cette distinction constituait une discrimination, et troisièmement, que cette distinction discriminatoire n'était pas justifiée par des motifs opposés—autrement dit, ce que Oakes définit comme un argument fondé sur la Charte.
Déjà au départ, ce que M. Blair a dit au sujet de l'affaire en Ontario est exact—il ne s'agirait pas de déterminer si quelqu'un peut voir une différence. Il n'est pas nécessaire que la différence soit scientifique, il peut s'agir simplement d'une différence reconnaissable par le gros bon sens. Ceux qui ne se rendent pas compte que, même pour un couple de même sexe, la fécondation nécessite des cellules sexuelles de sexe différent passent à côté de l'essentiel, c'est-à-dire qu'il n'est pas tant nécessaire qu'il y ait coït avec quelqu'un du sexe opposé, mais plutôt qu'il faut des cellules sexuelles différenciées quant au sexe. La seule solution de rechange à cela est morte vendredi. Après sept ans, on a abattu Dolly.
Le président: Est-ce tout, monsieur Macklin?
M. Paul Harold Macklin: Oui.
Le président: Merci aux membres du comité. Je tiens également à remercier nos témoins et je les encourage à suivre nos délibérations.
Je signale aux membres du comité que nous nous réunirons demain matin à 9 heures. Nous entendrons trois témoins. À demain.
La séance est levée.