JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 25 février 2003
¿ | 0905 |
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)) |
Mme Judy Darcy (présidente nationale, Syndicat canadien de la fonction publique) |
Le président |
Mme Judy Darcy |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Jeffrey Asher (À titre individuel) |
Le président |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
¿ | 0930 |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
Mme Judy Darcy |
M. Vic Toews |
¿ | 0935 |
M. Fred Hahn (Comité national du triangle rose, Syndicat canadien de la fonction publique) |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ) |
Mme Judy Darcy |
M. Richard Marceau |
Mme Judy Darcy |
M. Richard Marceau |
Mme Judy Darcy |
M. Richard Marceau |
Mme Judy Darcy |
M. Richard Marceau |
Mme Judy Darcy |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
¿ | 0940 |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
M. Svend Robinson |
¿ | 0945 |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
Mme Judy Darcy |
¿ | 0950 |
Le président |
Mme Judy Darcy |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
M. Jeffrey Asher |
Mme Marlene Jennings |
M. Jeffrey Asher |
Mme Marlene Jennings |
M. Jeffrey Asher |
Mme Marlene Jennings |
M. Jeffrey Asher |
Mme Marlene Jennings |
¿ | 0955 |
M. Jeffrey Asher |
Mme Marlene Jennings |
M. Joe Courtney (agent senior de recherche, Syndicat canadien de la fonction publique) |
À | 1000 |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
M. Jeffrey Asher |
M. Kevin Sorenson |
M. Jeffrey Asher |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.) |
À | 1005 |
M. Jeffrey Asher |
M. Pat O'Brien |
Le président |
M. Pat O'Brien |
M. Fred Hahn |
M. Pat O'Brien |
Le président |
M. Pat O'Brien |
Le président |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
À | 1010 |
M. Jeffrey Asher |
M. Réal Ménard |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
M. Réal Ménard |
Le président |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
À | 1015 |
M. Jeffrey Asher |
Mme Hedy Fry |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
M. Svend Robinson |
À | 1020 |
M. Jeffrey Asher |
M. Svend Robinson |
Le président |
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
M. Jeffrey Asher |
M. John McKay |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
À | 1025 |
M. Joe Courtney |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
Mme Marlene Jennings |
À | 1030 |
M. Fred Hahn |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
À | 1035 |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
M. Jeffrey Asher |
M. Richard Marceau |
Le vice-président (M. John McKay) |
M. Pat O'Brien |
M. Jeffrey Asher |
Le vice-président (M. John McKay) |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judy Darcy |
M. Kevin Sorenson |
À | 1040 |
Mme Judy Darcy |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judy Darcy |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judy Darcy |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judy Darcy |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judy Darcy |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judy Darcy |
M. Kevin Sorenson |
Le président |
Mme Judy Darcy |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
Mme Judy Darcy |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
Mme Judy Darcy |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
Mme Hedy Fry |
À | 1045 |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
Mme Judy Darcy |
Le président |
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.) |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
M. Fred Hahn |
M. Paul Harold Macklin |
À | 1050 |
M. Fred Hahn |
Le président |
M. Jeffrey Asher |
Le président |
Mme Marlene Jennings |
Mme Judy Darcy |
À | 1055 |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. Fred Hahn |
Le président |
M. Pat O'Brien |
M. Jeffrey Asher |
Á | 1100 |
Le président |
Mme Judy Darcy |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La 21e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons une étude sur la question du mariage et de la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe.
Aujourd'hui, pour nous aider dans ce travail, nous accueillons un groupe de témoins du Syndicat canadien de la fonction publique; ainsi que M. Jeffrey Asher, comparaissant à titre individuel.
Je pense que notre méthode de travail ne vous est pas inconnue. Fondamentalement, vous avez dix minutes pour donner votre exposé. Comme nous n'avons que deux témoins aujourd'hui, je pourrais me montrer un peu plus généreux que d'habitude. S'il vous plaît, n'essayez pas de condenser un exposé de 15 minutes en 10 minutes, parce que nos interprètes vont s'arracher les cheveux.
Mme Judy Darcy (présidente nationale, Syndicat canadien de la fonction publique): Peut-on négocier? Nous sommes des négociateurs, vous savez.
Le président: Je comprends. Je répète que nous n'avons que deux témoins, alors nous aurons probablement un peu plus de latitude. Mais après 12 minutes et demie, je vais agiter la main frénétiquement et cela vous donnera plus de temps. Rappelez-vous que nous avons le reste des deux heures pour explorer certaines des idées que vous allez présenter, alors vous aurez la possibilité de revenir sur ces questions plus tard si vous le désirez.
Ceci dit, j'aimerais donner la parole au Syndicat canadien de la fonction publique, représenté par Judy Darcy, présidente nationale; Fred Hahn, du Comité national du triangle rose; et Joe Courtney, agent principal à l'égalité.
Madame Darcy.
Mme Judy Darcy: Merci beaucoup, nous allons faire de notre mieux pour respecter les limites de temps.
Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) est le syndicat le plus important au Canada. Nous représentons 527 000 travailleurs et travailleuses au Canada. Nos membres travaillent dans une grande variété de services comme l'éducation, la santé publique, le traitement des eaux, les bibliothèques, les commissions de transport, les sociétés d'aide à l'enfance, les service d'urgence, les services municipaux, les transporteurs aériens et un grand nombre d'autres emplois et services partout au pays.
Nous sommes une grosse organisation aussi bien par l'effectif de nos membres que par l'effectif de nos employés, qui s'élève à environ 700 employés répartis dans quelque 70 bureaux locaux partout au pays. J'apporte cette précision parce que nous allons parler des questions qui, d'abord et avant tout, touchent nos membres, mais nous allons également parler de certaines mesures que nous avons prises en tant qu'employeur de ces 700 employés et qui sont reliées directement à la question que le comité doit étudier.
L'effectif du SCFP est diversifié. La majorité de nos membres sont des femmes—environ 60 p. 100. Nous représentons également un grand nombre d'employés de couleur, des Autochtones, des personnes qui ont un handicap ainsi que d'autres qui s'identifient comme des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des transgenres (LGBT). Nous croyons sincèrement, et ce depuis la création de notre syndicat en 1963, que nous avons le devoir de représenter les intérêts de tous nos membres, ce qui inclut les intérêts de nos membres qui sont des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des transgenres.
Le SCFP défend depuis très longtemps les questions d'égalité dans nos milieux de travail, dans notre syndicat et dans notre société en général et est très fier des résultats qu'il a obtenus. Plus particulièrement, nous avons, au cours de notre histoire, travaillé très fort par le biais de la négociation collective pour nous assurer qu'il n'y a aucune discrimination contre l'un ou l'autre de nos membres dans le milieu de travail. Nous sommes très fiers de notre dossier en matière de négociation collective. Dans le domaine de l'égalité des femmes, le syndicat a été, dès sa naissance, un chef de file dans la lutte pour la parité salariale et le congé de maternité.
Au cours des 20 dernières années, des sections locales—il y en avait quelques-unes au début, qui sont devenues des douzaines, puis aujourd'hui des centaines partout au pays—ont négocié, dans leurs conventions collectives, des mesures pour lutter contre de nombreuses formes de discrimination, dont la discrimination contre les gais et les lesbiennes. Nous avons eu du succès dans la négociation de dispositions interdisant la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Nous sommes très fiers des résultats que nous avons obtenus dans la lutte pour élargir des définitions comme celles de conjoint et de famille qui comprennent maintenant les partenaires de même sexe. Nous croyons avoir été le premier syndicat au pays à avoir négocié des conventions collectives prévoyant une variété d'avantages sociaux pour les conjoints du même sexe, y compris l'accès à l'assurance médicale, à l'assurance dentaire et à la pension de retraite ainsi que les congés de décès.
C'est notre expérience à titre de syndicat, tout comme c'est l'expérience du mouvement syndical au Canada, que de nombreux droits dont jouissent maintenant les Canadiens comme citoyens, qu'il s'agisse de droits découlant de la loi, de droits de la personne ou de programmes sociaux qui font maintenant partie intégrante de la politique gouvernementale, ont initialement été négociés dans le cadre de conventions collectives s'appliquant à des petits groupes de travailleurs, qui ont ensuite été étendus à un plus grand nombre de travailleurs pour ensuite être inscrits dans la loi, à la suite des efforts déployés par le mouvement syndical et d'autres groupes sociaux pour promouvoir ces droits. C'est pourquoi nous pensons qu'il est important de parler de ce que nous avons fait dans le domaine de la négociation collective. De nombreux droits que nous avons obtenus pour la première fois par le biais de la négociation collective pour nos membres gais et lesbiennes, pour les couples du même sexe, sont maintenant inscrits dans la loi dans de nombreuses provinces au pays.
Nous sommes également extrêmement fiers de la cause gagnée par le SCFP il y a un certain nombre d'années et qui a fait jurisprudence. Il s'agit d'une bataille qui a duré presque huit ans et qui a été entreprise conjointement par deux femmes qui travaillent pour le bureau national du SCFP et notre syndicat, en sa qualité d'employeur.
¿ (0910)
Ces deux femmes ont signifié au SCFP qu'elles désiraient pouvoir désigner leur conjoint de même sexe comme conjoint au titre des prestations au survivant en vertu du régime de pension du SCFP. Nous étions tout à fait prêts à le leur accorder, mais nous avons constaté qu'il y avait un obstacle majeur. Et cet obstacle, c'était la définition de conjoint dans la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada. Alors nous avons décidé, avec notre personnel, d'entreprendre ce combat parce qu'il s'agissait d'une forme de discrimination et que nous étions opposés à la discrimination en milieu de travail, et dans notre propre milieu de travail en qualité d'employeur.
Nous avons tenté d'enregistrer notre régime en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, ce qui nous a été refusé par le gouvernement fédéral. Conséquemment, nous avons intenté une poursuite en justice, d'abord devant la Cour suprême de l'Ontario et ensuite, devant la Cour d'appel de l'Ontario, qui a fini par nous donner raison. Subséquemment, le gouvernement fédéral a décidé, après avoir délibéré pendant un certain temps, de ne pas porter la cause en appel. Le résultat de cette démarche, comme le savent sans doute très bien les membres du comité, a été la modification de la définition de conjoint dans la Loi de l'impôt sur le revenu et le tout a débuté par cette cause devant les tribunaux.
Une vague de poursuites en justice semblables pour faire modifier la définition de conjoint dans diverses lois provinciales a suivi. Grâce au précédent créé par la cause Rosenberg-Evans (SCFP), dont je viens de parler, l'initiative du SCFP a donné lieu à d'autres causes qui ont été défendues avec succès devant les tribunaux partout au pays. Et, comme vous le savez également, j'en suis sûre, des projets de loi omnibus ont été adoptés dans diverses législatures provinciales et au niveau fédéral.
Maintenant, les cours ont fait savoir au gouvernement fédéral que l'absence de législation et une définition trop restrictive du mariage créaient une situation de discrimination et qu'il devait faire quelque chose pour corriger la situation. Et c'est ce qui nous amène ici aujourd'hui.
Le document de travail publié par le ministère de la Justice présente quatre approches différentes sur la façon dont pourrait ressembler le mariage dans le droit canadien. Comme vous le savez, ces approches sont les suivantes: conserver le mariage comme une institution visant deux personnes de sexe opposé, créer l'équivalent du mariage pour les conjoints du même sexe, légiférer des droits égaux au mariage pour les gais et lesbiennes canadiens, ou la création d'un système d'enregistrement pour toutes les unions conjugales, dans lequel le mariage serait considéré strictement comme une cérémonie religieuse.
Le SCFP défend clairement et fermement la position que l'égalité réelle des gais et lesbiennes au Canada suppose que l'on étende tous les droits du mariage aux conjoints du même sexe. Nous considérons la restriction actuelle à l'égalité face au mariage comme nettement discriminatoire parce qu'elle interdit à un segment de notre population l'accès à une institution accessible à la majorité des citoyens canadiens.
De nombreuses personnes dans notre société considèrent le mariage comme un instrument qui confère une légitimité à la relation la plus intime que nous puissions avoir parce qu'il est imprégné d'une énorme signification du point de vue social, culturel et symbolique. Par conséquent, si nous voulons réaliser l'égalité des citoyens devant la loi, nous croyons qu'il est extrêmement important que le mariage soit étendu aux conjoints de même sexe. C'est pourquoi le SCFP demande au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de recommander au gouvernement fédéral qu'il adopte une loi qui redéfinit le mariage, dans sa partie qui concerne l'union de personnes de sexe opposé, donnant ainsi aux conjoints de même sexe le choix de se marier.
L'interdiction du mariage entre conjoints de même sexe véhicule le message que, dans un certain sens, la relation entre gais et lesbiennes a moins de valeur que la relation entre hétérosexuels. De plus, elle véhicule le message très dangereux que la discrimination contre les gais et lesbiennes est acceptable et justifiée. Nous disons qu'il s'agit d'un message dangereux parce que la discrimination s'inscrit dans un continuum d'abus qui conduit également au harcèlement et à la violence. En fait, la discrimination est à la base du harcèlement et de la violence fondés sur l'orientation sexuelle dont font l'objet nombre de lesbiennes, de gais, de bisexuels et de transgenres, qu'il s'agisse de violence verbale ou de menaces de violence physique, qui peut même aller jusqu'au meurtre.
En qualité de syndicat qui représente de nombreux travailleurs gais et lesbiennes, si nous admettons les études réalisées par des spécialistes dans le domaine qui disent que l'on peut raisonnablement estimer à 10 p. 100 la population des gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres, nous devons dire, comme syndicat qui représente plus d'un demi-million de Canadiens, au nom de nos 50 000 membres qui pourraient faire face à la discrimination dans leur milieu de travail et dans la société, que nous nous opposons vigoureusement à la discrimination sur quelque fondement que ce soit, y compris dans le domaine du mariage, et que nous appuyons fermement l'application du droit fondamental de se marier aux conjoints de même sexe.
¿ (0915)
Les conjoints de même sexe qui désirent se marier veulent être traités dans la dignité et le respect, comme n'importe qui d'autre. Ils ne cherchent pas à obtenir un traitement de faveur aux yeux de la loi. Les conjoints du même sexe veulent se marier pour exactement les mêmes raisons que les conjoints de sexe opposé, à savoir pour célébrer publiquement leur amour et leur engagement devant la famille, les amis et la communauté.
Comme de nombreux autres groupes dans notre société qui recherchent l'égalité et la justice, le SCFP est extrêmement déçu que le gouvernement fédéral ait choisi de porter en appel des décisions récentes des tribunaux en Ontario et au Québec qui ont jugé que l'exclusion des conjoints de même sexe de l'institution du mariage était à la fois discriminatoire et inconstitutionnelle. Des sondages d'opinion récents révèlent qu'une majorité de Canadiens appuie l'égalité face au mariage pour les couples de lesbiennes et de gais et nous n'avons aucune hésitation à vous dire que sur cette question, le gouvernement n'est pas sur la même longueur d'onde que les Canadiens .
Nous voyons l'application des droits du mariage aux conjoints du même sexe comme une étape naturelle dans l'évolution des droits à l'égalité au Canada. La question des avantages égaux pour les conjoints de même sexe était considérée comme une idée radicale il y a 10 ou 20 ans. Aujourd'hui, il s'agit d'une réalité dans maintes endroits, dans de nombreux milieux de travail et dans de nombreuses lois provinciales au pays.
Permettez-nous de vous dire que l'égalité face au mariage pour les lesbiennes et les gais sera un jour une réalité au Canada, que ce soit maintenant ou plus tard. Ce qu'il faut, c'est du leadership. Ce qu'il faut, c'est une volonté de la part du Parlement de faire preuve de leadership dans cette question et de dire une fois pour toutes que nous allons traiter tous les Canadiens sur un pied d'égalité.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Asher.
M. Jeffrey Asher (À titre individuel): Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, presque tout au long de ma vie, j'ai été d'accord avec mes amis gais qu'on devait appuyer le mariage pour les homosexuels et les lesbiennes dans une optique d'égalité, mais 50 ans de données sur l'affaiblissement de la famille et sur les torts subis par les enfants montrent que ces hypothèses sont erronées.
L'appui au mariage gai comprend des revendications...
Le président: Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Je suis très désolé d'interrompre M. Asher, mais je me demande s'il ne pourrait pas se présenter et nous dire qui il est. Habituellement, les témoins nous donnent une brève description d'eux-mêmes.
Le président: M. Asher fera son exposé. Si nous voulons nous informer sur ses antécédents, et le reste, nous pouvons le lui demander.
Monsieur Asher.
M. Jeffrey Asher: Merci, monsieur le président.
L'appui au mariage des gais s'accompagne de revendications sur les plans de la tolérance, de l'inclusion et de la diversité. Les membres de groupes culturels ou religieux peuvent avancer des arguments intrinsèques plus convaincants pour justifier une redéfinition du mariage pour le rendre plus conforme à leurs croyances. De plus, il est loin d'être évident qu'une redéfinition du mariage contribuera beaucoup à la vie des gais. Le comportement et la culture des couples gais semblent ne pas avoir évolué même dans les pays où l'on offre un semblant d'union civile.
Les homosexuels bénéficient d'une protection égale en vertu des lois sociales, démocratiques et civiles et leurs relations et associations sont reconnues comme légales...
¿ (0920)
Le président: Nous vous accorderons 12 minutes si vous acceptez de ralentir le débit.
M. Jeffrey Asher: Merci, monsieur.
Mesdames et messieurs, j'ai apporté des exemplaires de mon exposé, mais uniquement en anglais. Je m'en excuse.
Les gais peuvent conclure des contrats civils régissant leurs relations et opter pour des cérémonies religieuses. Les homosexuels vivent une situation sociale différente mais égale. Le projet de mariage gai exige qu'on modifie la définition centrale du mariage qui consiste dans l'union légale d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne. Plusieurs défenseurs du mariage homosexuel souhaitent qu'on souligne la transformation imminente de centaines de lois et l'inclusion de l'expérience homosexuelle et lesbienne comme étant une subversion à l'endroit du mariage hétérosexuel.
Les homosexuels ne possèdent pas plus le droit démocratique de modifier la définition du mariage que les groupes minoritaires plus importants. Les demandes visant à modifier la définition du mariage pourraient émaner en toute légitimité des fondamentalistes religieux, comme elles ont été formulées, dans l'histoire par des groupes racistes, xénophobes et polygames, entre autres. La modification des structures sociales fondamentales dans le but de se plier au désir d'un groupe minoritaire, à l'exclusion des autres, voilà un moyen sûr de miner le fondement d'une société tolérante où l'on protège tous les citoyens, incluant les minorités.
Aucune institution n'est aussi centrale à la vie hétérosexuelle que le mariage. Les demandes de respect mutuel ne devraient pas renverser les droits de 98 p. 100 de la population qui visent à soutenir l'intégrité de leurs institutions fondamentales. Le projet de mariage gai n'est pas en accord avec un progrès inévitable, mais constitue plutôt l'application à mauvais escient d'une revendication de droits. Il repose sur des revendications subversives qui vont bien au-delà des attentes légitimes en matière de dignité et de respect.
N'étant pas fondée sur la procréation, l'intimité entre personnes de même sexe est fragile. L'expérience gaie avec les familles de choix isole la famille des différences sexuelles, des liens biologiques, du lien de parenté et de la communauté en général. L'incapacité de procréer des homosexuels n'est pas égale à la capacité de procréation inhérente des hétérosexuels. Les familles gaies élèvent des enfants qui n'ont, sur le plan biologique, aucun lien avec un ou les deux parents. Les couples gais ne peuvent élever que des enfants issus de relations hétérosexuelles antérieures, d'une adoption, d'une maternité subrogatoire ou des technologies de reproduction. Le nombre d'enfants appartenant à ces catégories est extrêmement faible. La situation biologique et juridique de ces enfants est complexe et souvent source de conflits.
Dans l'histoire, on a légalisé et sanctifié le mariage afin de renforcer le lien entre les parents naturels et leurs enfants. En vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, l'enfant a le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Le projet de mariage gai permet de croire que la société puisse affaiblir la famille qui protège le lien entre les enfants et leurs parents naturels.
Tout au long de l'histoire, des défenseurs révolutionnaires et réactionnaires ont tenté de transformer le mariage. Les défenseurs d'un changement progressif ont décrété que le divorce sans égard au tort constituait la base d'une société plus heureuse. En 50 ans, le taux de divorce est passé de 8 à plus de 40 p. 100, alors que les deuxième et troisième mariages sont encore moins durables. On a défendu le divorce en prétextant qu'il était dans le meilleur intérêt des enfants, mais il a produit des bouleversements sociaux et une douleur généralisés, y compris des séquelles permanentes chez les enfants.
Les découvertes dans le domaine de la biochimie et des sciences sociales révèlent que les liens hormonaux et émotionnels apparaissent durant la grossesse de façon à ce que les parents protègent et élèvent leurs enfants. La légalisation des mariages gais lève inévitablement toute barrière à l'adoption et la garde des enfants. Les modèles de quasi parent ou autres substituts ne peuvent leur permettre de prospérer pleinement. Les enfants ont tous besoin d'une mère, d'un père biologiques et de la famille en général pour s'épanouir pleinement. L'amour des parents demeure une des principales forces de la nature.
L'épidémie de divorces et l'affirmation des parents biologiques qui étaient auparavant hétérosexuels ont fait en sorte que des millions d'enfants ont grandi dans des foyers avec mère seule et sans famille. Certaines de ces situations sont inévitables ou encore, il s'agit de la moins pire des options. L'État et les organismes sociaux responsables ne doivent pas faire de la nécessité une vertu, ni du désastre, quelque chose de souhaitable au plan social.
Certains homosexuels et lesbiennes souhaitent légaliser leur union amoureuse de façon à ce qu'elle puisse durer toute une vie. Cependant, les études des relations homosexuelles démontrent qu'il s'agit de relations transitoires et ouvertes où l'on encourage une promiscuité libre que l'on étale parfois avec fierté. Les données exhaustives à l'appui de tels comportements n'augurent rien de bien quant à la stabilité des relations gaies. Certains défenseurs des gais affirment que la légalisation du mariage rendra légitime l'homosexualité, ainsi que le mode de vie et la culture qui s'y rattachent. La stabilité du mariage s'en trouvera davantage affaiblie.
Même les homosexuels et les lesbiennes préconisent certaines limites quant aux personnes qui ont le droit de se marier, rejetant ainsi la tolérance, la diversité et l'inclusion. La plupart des gais refusent qu'on abaisse l'âge du consentement afin de faciliter le mariage des enfants et ce, même si dans l'histoire, des adolescents se mariaient fréquemment à des adultes, phénomène qui persiste dans certaines cultures modernes. Les lesbiennes radicales rejettent avec véhémence la polygamie des musulmans et des mormons comme étant une exploitation patriarcale. Le mariage entre frère et soeur adultes est également condamné, puisqu'il est moralement inacceptable.
¿ (0925)
Cependant, les défenseurs du mariage gai préfèrent ignorer les données voulant que le mode de vie des parents homosexuels puisse entraîner un dysfonctionnement chez leurs enfants hétérosexuels. Les études de ces défenseurs, qui reposent sur bien peu de données, ne renferment aucune justification scientifique du mariage ou du rôle parental des gais. Il est clair que les défenseurs du mariage gai choisissent ce qu'ils considèrent comme étant tolérables sur le plan scientifique, humain ou moral.
Les lesbiennes et les homosexuels représentent moins de 2 p. 100 de notre population et les couples gais constituent à peine 0,5 p. 100 de tous les couples. Leur orientation sexuelle, d'origine congénitale, est naturelle, mais il en est également ainsi des génies, des gens créatifs, des don Juan, des personnes attardées, des psychopathes et des gens qui présentent des aptitudes physiques exceptionnelles, et des handicaps. Il ne faut pas transformer nos structures juridiques pour redéfinir les déviations afin de les rendre normales. Pour leur propre sécurité, les homosexuels ont besoin de la protection et de l'attention de leur mère et père, qui sont dévoués l'un à l'autre et envers leurs enfants, pour la vie, et, envers la famille élargie, de façon à pouvoir ainsi prospérer dans une société tolérante.
Le mariage a dû être créé pour permettre à la civilisation humaine de progresser, pour répondre à ses besoins d'identité, d'amour et de famille qui sont essentiels aux aspirations de l'homme en matière d'ordre et de sens à la vie. Le mariage détermine la qualité de la vie hétérosexuelle. Le sens profond du mariage est le fruit de centaines de siècles de pratique religieuse, de traditions et de culture. La modification d'une définition si essentielle affecte l'identité de soi et des cultures entières qui chérissent la définition du mariage.
Aucune société civilisée ne devrait courir le risque d'extirper le mariage si profondément enraciné dans cet engagement de toute une vie entre hommes et femmes, dans la naissance des enfants et dans les liens naturels puissants entre les parents et leurs enfants. Lorsqu'ils étaient enfants, les homosexuels ont été conçus, élevés, éduqués, orientés et aimés par leurs parents. Aucun d'entre nous ne peut risquer de dissocier le mariage du rôle de parents et de laisser celui-ci sombrer dans l'incertitude.
On n'a pas créé le mariage dans le but de combler des besoins individuels. Le mariage et l'éducation des enfants reposent sur l'engagement entre conjoints, sur le devoir et le dévouement face à l'éducation des enfants et sur la responsabilité envers la famille élargie et la communauté dans son ensemble. Malgré certains changements, ces éléments essentiels se répètent dans l'histoire, les cultures et les religions. Le désir ardent de se marier et d'avoir des enfants est profond et constitue le principal espoir de la grande majorité des hommes et des femmes. Le mariage permets aux hommes et aux femmes de combler la différence complexe qui les séparent sur le plan sexuel et de s'engager ensemble, l'un envers l'autre et envers la famille pour le reste de leur vie.
Permettre le mariage homosexuel modifiera la nature de cette identité ainsi que la définition de l'homme et de la femme dans la société—de façon imprévisible, mais inévitablement déstabilisante. On devrait traiter tous les Canadiens dans le respect et la dignité en leur offrant des chances égales et une reconnaissance devant la loi. Mais ces droit ne comprennent pas celui de détruire une institution fondamentale pour la vie hétérosexuelle et l'avenir de la culture humaine. Il est impossible de prévoir les conséquences des changements au niveau du mariage. Cependant, il y en aura. Le mariage, la famille, les petits-enfants, la famille dans son ensemble et les innombrables engagements envers les autres et la société demeurent la base de notre civilisation.
Le gouvernement du Canada doit cesser de détruire le mariage en permettant une redéfinition constante, mais plutôt le consolider pour en faire le fondement de notre société.
Merci, mesdames et messieurs.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Toews, vous avez cinq minutes.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci beaucoup.
Ma question s'adresse à Mme Darcy.
Madame Darcy, comme vous le savez, les gouvernements sont souvent l'objet de critiques et même de poursuites quand ils accordent une aide financière ou autre à des institutions privées qui se livrent à des pratiques jugées discriminatoires en vertu de la loi. Essentiellement, le gouvernement du Canada n'accorde, par principe, aucune aide aux organismes qui se livrent à des pratiques discriminatoires.
Vous semblez perplexe.
Mme Judy Darcy: Je me demande où vous voulez en venir.
M. Vic Toews: Êtes-vous d'accord pour dire que, de manière générale, les gouvernements ne devraient pas accorder d'aide aux institutions privées qui se livrent à des pratiques discriminatoires?
¿ (0930)
Mme Judy Darcy: Je présume que la réponse à la question est oui, mais j'aimerais savoir où vous voulez en venir.
M. Vic Toews: D'accord.
Mme Judy Darcy: Je pense que la question ne dit pas tout.
M. Vic Toews: Vous avez raison. Mais, de manière générale, vous êtes d'accord.
Mme Judy Darcy: Oui, mais j'aimerais entendre le reste de la question.
M. Vic Toews: D'après le SCFP, si nous changeons la définition du mariage de manière à y inclure les mariages entre personnes de même sexe, les ministres du culte qui auraient le droit de refuser de célébrer des mariages entre personnes de même sexe agiraient, en principe, de manière discriminatoire, sauf que le SCFP ne mettrait pas en cause leur droit, en tant qu'institution privée, de célébrer des cérémonies de ce genre.
Mme Judy Darcy: Ce que nous disons, c'est que le droit canadien respecte la liberté religieuse. Nous appuyons et respectons la liberté religieuse. Nos propositions ne portent aucunement atteinte à cette liberté. La question est de savoir si l'État va sanctionner légalement les mariages entre personnes de même sexe, et non pas si certaines églises vont les célébrer.
M. Vic Toews: Très bien. Comme vous le savez, ces églises reçoivent, bien entendu, une aide du gouvernement...
Mme Judy Darcy: Ah, je vois maintenant où vous voulez en venir.
M. Vic Toews: ... par le biais du statut d'organisme de bienfaisance. Elles bénéficient de ce statut, et ont donc droit à des avantages qui découlent directement d'une loi du gouvernement.
Ma question est la suivante. Même si, comme vous le dites, ces institutions privées vont avoir le droit de célébrer des mariages, mais qu'elles vont agir de manière discriminatoire, est-ce que le gouvernement devrait retirer le statut d'organisme de bienfaisance aux églises qui refusent de célébrer des mariages entre personnes de même sexe? Ce n'est pas ce que dit la loi à l'heure actuelle.
Mme Judy Darcy: Eh bien, il y a des églises au Canada qui ont diverses pratiques, dont certaines, à mon avis, sont discriminatoires. Toutefois, il revient aux fidèles de ces églises d'en discuter avec elles, d'intenter des poursuites s'ils le jugent nécessaire. L'Église catholique s'oppose à l'ordination des femmes. Il y a un important mouvement su sein de l'Église catholique qui souhaite s'attaquer à cette problématique.
Franchement, nous n'avons pas exploré la question du statut d'organisme de bienfaisance qu'accorde le gouvernement. Si vous estimez que ces pratiques sont discriminatoires, vous devriez alors exhorter le gouvernement à dénoncer le comportement discriminatoire de ces églises, le cas échéant, puisque vous êtes mieux placés que nous pour le faire.
Nous sommes en faveur de la liberté religieuse, qui est protégée par la Charte. Rien, dans ce que nous proposons, ne met en péril cette liberté.
M. Vic Toews: Ce que vous dites, alors, c'est que vous jugez normal que le gouvernement du Canada continue d'accorder le statut d'organisme de bienfaisance à des institutions comme les églises qui, en fait,...
Mme Judy Darcy: J'ai dit que je n'étais pas en mesure de répondre à la question. Nous ne nous sommes pas penchés là-dessus. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
M. Vic Toews: Tout ce que je veux savoir, c'est si vous êtes d'accord ou non.
Mme Judy Darcy: Nous ne nous sommes jamais penchés là-dessus.
M. Vic Toews: Très bien.
Le syndicat a la perception, par exemple, que les institutions religieuses seraient forcées de célébrer des mariages entre personnes de même sexe si les droits du mariage étaient étendus aux lesbiennes et gais canadiens... Vous ajoutez ensuite que cela n'est pas le cas. Je vous demande tout simplement de préciser votre pensée. Le syndicat, semble-t-il, n'a pas tenu compte du problème juridique auquel seraient confrontées les institutions religieuses qui refusent de célébrer les mariages conformément à la définition de la loi, si la celle-ci est modifiée est de manière à y inclure le mariage entre personnes de même sexe.
Mme Judy Darcy: Notre position est très claire. Nous estimons que l'État, au Canada, a le pouvoir de sanctionner le mariage. L'État devrait sanctionner les mariages entre personnes de même sexe. C'est ce que nous pensons. Cette position, à notre avis, ne met aucunement en péril la liberté religieuse.
M. Vic Toews: Donc, vous êtes d'accord pour dire, et je pense que tous ceux qui sont réunis autour de cette table pensent la même chose, que les institutions qui veulent bénéficier d'un statut fiscal, mais qui font la promotion de politiques racistes, ne devraient pas, bien entendu, avoir droit au statut d'organisme de bienfaisance.
¿ (0935)
M. Fred Hahn (Comité national du triangle rose, Syndicat canadien de la fonction publique): Quand un comité de la Chambre des communes entreprendra une étude sur le statut d'organisme de bienfaisance, nous présenterons un mémoire sur le sujet. Nous discutons, aujourd'hui, de mariage et de l'accès au mariage.
M. Vic Toews: Malheureusement, nous devons tenir compte de ce facteur dans le cadre de notre étude actuelle, car les ramifications de cette question sont très vastes. Il n'est pas uniquement question ici du mariage en tant qu'institution autonome. Il y a toutes sortes de ramifications sociales et légales qui doivent être prises en considération.
Merci. D'après ce que je crois comprendre, vous n'avez pas exploré le sujet. Nous allons donc poser la question à d'autres témoins.
Le président: Monsieur beaucoup, monsieur Toews.
[Français]
Monsieur Marceau, vous avez sept minutes.
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président.
Sur ce point, madame Darcy, je sais que vous avez dit que vous n'aviez pas exploré cela, mais dans vos recherches, avez-vous entendu dire que l'Église catholique avait perdu son statut d'Église reconnue ainsi que les bénéfices fiscaux qui vont avec ce statut parce qu'elle ne voulait pas ordonner des femmes à la prêtrise?
[Traduction]
Mme Judy Darcy: Non.
[Français]
M. Richard Marceau: Avez-vous entendu dire que des synagogues avaient perdu leur statut de religion reconnue parce que la plupart d'entre elles refusent de marier un juif avec un non-juif?
[Traduction]
Mme Judy Darcy: Non, mais au Canada, la séparation de l'église et de l'État existe toujours, si je ne m'abuse.
[Français]
M. Richard Marceau: Parfait.
[Traduction]
Mme Judy Darcy: L'État peut sanctionner des choses que les églises, elles, ne peuvent sanctionner.
[Français]
M. Richard Marceau: Donc, on s'entend pour dire qu'on parle de mariage civil et non pas de mariage religieux, n'est-ce pas?
[Traduction]
Mme Judy Darcy: Oui, j'ai fait cette distinction à plusieurs reprises.
[Français]
M. Richard Marceau: C'est important, car j'ai souvent l'impression qu'à ce comité, on mélange des choses. On n'est pas ici pour dire ce qu'une religion peut faire ou ne pas faire, mais bien pour dire ce que l'État, le gouvernement laïque qui n'est contrôlé par aucune religion, doit ou ne doit pas faire.
Mme Judy Darcy: Exactement.
M. Richard Marceau: Parfait.
Monsieur Asher, êtes-vous marié?
M. Jeffrey Asher: J'étais marié, mais j'ai le regret de dire que je ne le suis plus.
M. Richard Marceau: Prenons mon cas. Je suis marié. Si mon ami Réal Ménard pouvait se marier, qu'est-ce que cela changerait dans mon couple?
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: À mon avis, la redéfinition du mariage aura pour effet d'affaiblir l'institution du mariage et sur le plan historique et sur le plan social. À l'heure actuelle, le taux de divorce au Canada dépasse les 46 p. 100. Il s'agit là d'une menace à la sécurité sociale du Canada.
[Français]
M. Richard Marceau: D'accord. Je vous pose deux questions. Premièrement, les gais n'ont rien à voir avec le taux de divorce des couples hétérosexuels. Comme ils n'ont pas le droit de se marier, ils n'ont rien à voir avec cela. Deuxièmement, dites-vous que parce que le divorce est une menace pour l'institution du mariage, on doit l'abolir? Vous venez de me dire que vous êtes divorcé.
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: Absolument pas. Je ne propose pas qu'on abolisse le divorce. Ce que je dis, c'est que l'institution du mariage fait l'objet d'attaques soutenues depuis près de 50 ans. Or, l'objectif premier de la politique gouvernementale devrait être de rebâtir, de renforcer l'institution du mariage, non seulement pour le bénéficie des couples mariés, mais surtout pour le bénéfice des enfants et de la société dans son ensemble.
[Français]
M. Richard Marceau: En ce qui concerne les enfants, vous avez dit tout à l'heure
[Traduction]
... qu'on ne peut dissocier le mariage du rôle parental.
[Français]
En tout respect, qui est Jeffrey Asher ou Richard Marceau pour dire que quelqu'un qui se marie se marie pour faire des enfants? Quand je me suis marié, on n'avait pas décidé d'avoir des enfants. Pourquoi les députés ou vous diriez que si on se marie, c'est dans le but d'avoir des enfants parce que l'essence du mariage, le but du mariage, l'objectif du mariage, c'est d'avoir des enfants? Qui sommes-nous pour dire cela à des couples qui se marient?
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: Si les gens se marient, c'est, entre autres, pour avoir des enfants. Il s'agit là d'un besoin profond—sur le plan émotionnel, culturel et biologique. Le mariage sanctifie ce rapport et le réglemente pour le biens des enfants et de la société dans son ensemble.
Nous ne pouvons pas exiger que les couples aient des enfants, comme le faisait parfois la religion, mais les couples veulent se marier et avoir des enfants. Pour moi, avoir des enfants a été l'une des expériences les plus enrichissantes de ma vie, expérience qui se poursuit avec mes petits-enfants.
¿ (0940)
[Français]
M. Richard Marceau: J'ai eu un souper fort intéressant samedi soir. Nous étions quatre couples dans la trentaine, tous mariés, et mon épouse et moi étions les seuls à avoir des enfants. Les autres disent qu'ils se sont mariés parce qu'ils voulaient déclarer publiquement leur amour l'un pour l'autre. Les trois autres couples ne voulaient pas d'enfants. Vous dites:
[Traduction]
que les couples veulent se marier et avoir des enfants.
[Français]
Je vous soumets que ce n'est pas vrai.
[Traduction]
Ils veulent peut-être se marier, mais pas pour avoir des enfants.
M. Jeffrey Asher: Il est vrai que l'arrivée sur le marché de méthodes de contraception fiables, au cours des 50 dernières années, nous a permis de faire des choix que nous ne pouvions faire auparavant. Les gens se marient maintenant vers l'âge de 30 ans. Ils commencent à avoir un premier enfant au début de la trentaine. Toutefois, de nombreux hommes et de nombreuses femmes qui, aujourd'hui, sont dans la quarantaine, regrettent profondément le fait qu'ils n'ont pas eu d'enfants naturels.
La vie et le mariage hétérosexuels sont, par nature, procréatifs. La capacité existe. Si le mariage et la procréation n'avaient pas été protégés au cours des 500 000 dernières années, nous ne serions pas ici aujourd'hui.
[Français]
M. Richard Marceau: Je ne suis pas sûr que ce soit le but fondamental du mariage. C'est peut-être cela, le problème qu'il y a dans votre raisonnement. Pourquoi ne laisse-t-on pas aux couples le soin de définir eux-mêmes l'objectif qu'ils cherchent à atteindre?
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: Je suis tout à fait d'accord. On doit respecter le choix de ceux qui décident de ne pas avoir d'enfants. Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, l'incapacité de procréer des homosexuels se distingue de la procréativité inhérente des hétérosexuels.
[Français]
M. Richard Marceau: Que fait-on des femmes ménopausées? Elles sont, de façon inhérente, dans l'incapacité d'avoir des enfants. Une femme ménopausée, de façon inhérente, ne peut plus procréer. Un homme infertile, de façon inhérente, ne peut procréer. Est-ce qu'on devrait leur interdire de se marier?
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Marceau.
M. Jeffrey Asher: Le mariage entre hétérosexuels a également pour objet de renforcer les liens d'amour et d'affection, non seulement au sein du couple, mais également au sein de la famille, de la collectivité. Toutefois, bon nombre des femmes qui ont choisi de poursuivre une carrière, qui ont une carrière prometteuse et enrichissante, regrettent souvent, une fois ménopausées, de ne pas avoir eu d'enfants.
Le président: Monsieur Robinson, vous avez sept minutes.
M. Svend Robinson: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier les représentants du SCFP non seulement de leur exposé éloquent, mais, plus important encore, de l'intérêt soutenu qu'ils portent à l'avancement des droits à l'égalité des gais, des lesbiennes, des bisexuels et des transgenderistes. J'ai eu le privilège, au fil des ans, de travailler avec les représentants du syndicat, dont ceux de la division du transport aérien, sur plusieurs dossiers différents. Le SCFP fait vraiment preuve de leadership. Je suis heureux de voir qu'il se prononce encore une fois en faveur de l'égalité. La décision Rosenberg a constitué un arrêt historique puisque c'est ce qui a incité, entre autres, le gouvernement à aller de l'avant avec son projet de loi omnibus. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Donc, merci du leadership et de l'engagement continu dont vous faites preuve. Vos membres sont tous très bien représentés, et votre leadership influence grandement le cours des choses au Canada.
Monsieur Asher, je suppose que je me pose la même question que mon collègue, M. Marceau. Vous parlez des menaces qui pèsent sur le mariage, de la fragilité de l'institution, du taux de divorce, ainsi de suite. Or, je n'arrive toujours pas à comprendre comment le fait d'épouser mon partenaire, Max, peut contribuer à affaiblir l'institution du mariage que vous jugez tellement précieuse—en fait, il y aurait, au contraire, plus de gens qui se marieraient—sauf si vous partez du principe que le fait que j'épouse une autre personne mettrait fin au processus de procréation chez les hétérosexuels.
Je ne connais pas vos antécédents, et vous pourriez peut-être nous dire quelques mots à votre sujet, puisque nous ne vous connaissons pas. Mais jetons, à tout le moins, un premier coup d'oeil sur les données qui existent.
Est-ce que le taux de procréation aux Pays-Bas, par exemple, où les gais peuvent se marier, a connu une baisse marquée? Est-ce que le fait qu'il n'y ait pas un grand nombre de couples hétérosexuels qui se marient vous préoccupe? Où est le problème
¿ (0945)
M. Jeffrey Asher: D'abord, permettez-moi de vous dire quelques mots à mon sujet. J'ai enseigné dans un collège, à Montréal, pendant une bonne partie de ma carrière. Depuis 12 ans, j'enseigne un des deux cours sur les droits des hommes qui se donnent au Canada. Je trouve dommage que le fait de me porter à la défense des droits des hommes ait mis fin à ma carrière. Je travaille à l'occasion comme journaliste. J'ai rédigé des articles sur l'épidémiologie et la situation des hommes au Canada, et ces articles ont été publiés dans certains quotidiens au Canada.
Je crois que le fait de personnaliser votre expérience, de parler de votre situation et de celle de votre partenaire est quelque peu trompeur. Ce qui importe, c'est la tendance générale de la politique sociale.
Encore une fois, excusez-moi, monsieur Robinson, mais je dois revenir à l'analogie du divorce. On nous a dit, dans les années 50, que le divorce était un changement progressif qui avantagerait les familles et les enfants. Le divorce s'est plutôt avéré un désastre dans le monde occidental libéral, le taux de divorce dans certains pays dépassant les 50 p. 100. Ce que cela veut dire, et excusez-moi si je personnalise la chose, c'est qu'un couple a plus de chances de rompre s'il est marié que s'il choisit tout simplement de vivre séparément.
M. Svend Robinson: Donc, d'après ce que vous dites, nous n'aurions pas dû modifier la Loi sur le divorce.
M. Jeffrey Asher: Ce n'est pas ce que je dis. Ce que je propose, c'est qu'on adopte plutôt une loi sur le divorce qui englobe, par exemple, la notion de faute. Je tiens à préciser que certains divorces ont été refusés dans l'intérêt des enfants, comme cela s'est déjà produit aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France, parce que la séparation des parents aurait profondément perturbé les enfants, surtout les plus jeunes, les enfants prépubères.
M. Svend Robinson: Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Pourquoi croyez-vous qu'il y aurait moins de couples hétérosexuels qui se marieraient ou qui auraient des enfants si les couples gais étaient autorisés à se marier? C'est ce que je veux savoir.
M. Jeffrey Asher: Je ne crois pas avoir dit cela. Ce que j'ai dit, c'est que si l'on inclut les homosexuels et autres groupes dans la définition du mariage—et c'est très important—d'autres vont exiger la même chose. Il y a d'autres groupes minoritaires, religieux, culturels, idéologiques et politiques qui veulent qu'on change la définition du mariage. Si l'on inclut un nouveau groupe dans celle-ci, qu'on crée un précédent, ils vont exercer des pressions énormes pour qu'on change la définition du mariage.
M. Svend Robinson: Si j'ai bien compris, vous ne dites pas qu'il y aura moins de mariages hétérosexuels ou moins d'enfants si les gais ou les lesbiennes sont autorisés à se marier.
M. Jeffrey Asher: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Toutefois, à mon avis, au fur et à mesure que l'institution du mariage subit des modifications, le taux de divorce va augmenter, les familles vont être plus petites et les familles sans enfants vont être plus nombreuses.
M. Svend Robinson: D'accord. Permettez-moi de vous poser une question précise à ce sujet. Pourquoi y aurait-il plus de divorces si les gais étaient autorisés à se marier?
M. Jeffrey Asher: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que le taux de divorce va sans doute augmenter.
M. Svend Robinson: Ce qui veut dire qu'il y aurait plus de divorces?
M. Jeffrey Asher: Le taux irait en augmentant.
M. Svend Robinson: D'accord. Il y aurait donc plus de divorces.
M. Jeffrey Asher: C'est exact.
M. Svend Robinson: Très bien. Et pourquoi y aurait-il plus de divorces si les gais étaient autorisés à se marier?
M. Jeffrey Asher: Parce que l'intégrité du mariage auquel les jeunes et les adultes aspirent serait affaiblie.
M. Svend Robinson: Madame Darcy, vouliez-vous ajouter quelque chose?
Mme Judy Darcy: J'aimerais parler des enfants.
Au nom des gais et des lesbiennes que représente le SCFP, je dois dire que je suis non seulement indignée par certains des commentaires que j'ai entendus au sujet des enfants, mais en tant que parent adoptif, je trouve personnellement scandaleuse l'idée qu'un enfant a besoin d'une mère biologique pour sa santé et sa stabilité émotionnelles à long terme, et que les enfants et les familles risquent de se trouver dans une situation critique si les enfants ne sont pas tous des enfants biologiques. Il y a longtemps, très longtemps, que je n'ai entendu une déclaration aussi stéréotypée et biaisée. Elle se veut discriminatoire non seulement à l'égard des couples homosexuels qui ont réussi à élever leurs enfants au sein de familles affectueuses, mais également à l'égard des parents adoptifs qui, sans qu'ils y soient pour quelque chose, ne peuvent absolument pas concevoir, mais qui sont des parents fiers et affectueux qui ont réussi à élever de nombreux enfants au sein de la société.
L'argument de l'autre intervenant présente une faille majeure, puisqu'il soutient qu'il faut être un couple hétérosexuel non infertile pour maintenir l'institution de la famille, pour procréer, pour avoir des enfants dans notre société.
¿ (0950)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Robinson. Votre temps est écoulé.
J'invite encore une fois les membres du comité et les témoins à faire preuve de modération dans leurs propos, à s'en tenir au sujet de discussion et à éviter les critiques, celles-ci ayant tendance à se faire plus vives, surtout entre les témoins.
Vous avez tous été invités à présenter vos vues sur la question. Nous sommes ici pour écouter, pour essayer de comprendre votre position. Nous devons, dans la mesure du possible, agir de façon respectueuse.
Mme Judy Darcy: Sauf votre respect, monsieur Scott, les propos immodérés appellent des réponses immodérées.
Le président: Vous avez le droit d'exprimer votre opinion et je la respecte, mais nous sommes engagés dans un débat qui est chargé d'émotion.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos exposés. J'ai quelques questions à poser.
Monsieur Asher, si je ne m'abuse, vous avez parlé, au début de votre exposé, de l'homosexualité. Vous avez laissé entendre que l'homosexualité, à votre avis, est un handicap et que les homosexuels ont besoin de l'attention et de la protection soutenues de leurs parents.
Est-ce bien cela?
M. Jeffrey Asher: Vous vous trompez, madame Jennings. J'ai dit que l'homosexualité était quelque chose de naturel, un produit de la nature. Il y a de nombreux produits de la nature. Mentionnons, par exemple, les génies, les personnes qui présentent des aptitudes physiques exceptionnelles. Toutefois, il ne faudrait pas redéfinir le mariage en fonction de...
Mme Marlene Jennings: Oui, mais en faisant cette analogie, vous avez parlé d'autres conditions naturelles, comme les handicaps intellectuels, physiques, ainsi de suite. En assimilant l'homosexualité à ces conditions naturelles, vous laissez entendre très clairement que cet état nécessite une aide accrue, que ce soit de la société, des parents, de la famille, de la collectivité, tout comme la personne atteinte d'un handicap intellectuel, physique ou autre, a besoin, elle aussi, d'une aide accrue.
Est-ce bien cela?
M. Jeffrey Asher: Encore une fois, madame Jennings, on retrouve dans ce groupe les génies, les gens créatifs, les personnes qui présentent des aptitudes physiques exceptionnelles...
Mme Marlene Jennings: Oui, j'ai compris.
M. Jeffrey Asher: Ceux qui choisissent de s'identifier à ces groupes sont libres de le faire.
Mme Marlene Jennings: D'accord.
En quoi cette conclusion se distingue-t-elle du concept juridique largement discrédité qui avait cours au XIXe siècle, à savoir que les personnes de descendance africaine n'étaient pas des êtres humains au même titre que les personnes de descendance européenne? Il était en fait légal, aux États-Unis, de juger que les personnes de descendance africaine ne correspondaient qu'à trois cinquième des personnes de descendance européenne. Cette condition naturelle plaçait donc celles-ci dans un état de servitude. Les personnes de descendance européenne devaient guider et protéger les personnes de descendance africaine qui, du fait de leur condition naturelle, n'étaient pas considérées comme des êtres humains au même titre que les personnes de descendance européenne.
Pouvez-vous m'expliquer comment l'analogie ou l'argument que vous avancez, à savoir que l'homosexualité exige une aide accrue tout comme d'autres conditions naturelles, se distingue de ce concept juridique discrédité? Je crois comprendre que la discrimination existe toujours, même dans les lois, mais ce concept d'inégalité a été rejeté. En quoi votre conclusion se distingue-t-elle de ce concept?
M. Jeffrey Asher: Il y a une très grande différence entre les deux.
Mme Marlene Jennings: J'aimerais que vous me l'expliquiez.
¿ (0955)
M. Jeffrey Asher: L'esclavage s'inspirait du racisme. Je soulignerais que dans l'histoire, la plupart des esclaves sont blancs, particulièrement ceux des empires grec et romain. Je soulignerais également que mon peuple, le peuple juif, a travaillé dans des conditions de servitude et d'infériorité sociale. C'est un autre exemple de fanatisme, et j'espère que les sociétés civilisées et les démocraties ont évolué depuis, même si de telles conditions persistent et qu'elles demeurent répandues dans le monde actuellement. J'espère que la situation va changer.
Mais l'analogie entre cette situation et la proposition en faveur du mariage entre conjoints de même sexe est extrêmement exagérée. Il s'agit d'une tentative visant à altérer une institution hétérosexuelle fondamentale conçue pour aider les familles et essentiellement les familles naturelles. Les familles adoptives doivent être les bienvenues. Il y a beaucoup de besoins dans notre société que la générosité et l'amour des familles adoptives peuvent aider à combler—il n'y en a d'ailleurs pas assez. De même, les homosexuels ou les lesbiennes qui sont les parents naturels d'enfants ont absolument le droit de participer à l'éducation de leurs propres enfants en tant que parents naturels de ces enfants. Il faut s'adapter beaucoup dans une société tolérante, rationnelle et démocratique pour veiller à la bonne éducation et au bien-être des enfants, mais la comparaison avec l'esclavage, tout odieux l'esclavage soit-il, et même s'il persiste sur de nombreux continents du globe aujourd'hui, n'est pas une comparaison que je juge appropriée.
Mme Marlene Jennings: Je crois tout de même que le concept que vous avancez devant notre comité est remarquablement similaire au concept juridique que certaines personnes de descendance africaine seraient inférieures aux autres.
Mais passons à un autre point. J'aimerais que les deux témoins nous parlent de la conception historique du mariage comme institution religieuse, comme institution culturelle et, plus récemment, comme institution juridique... L'un des facteurs qui a justifié l'accréditation, l'acceptation et le développement du mariage, c'est que c'était un moyen, certes imparfait, de déterminer la paternité. Compte tenu des avancées scientifiques de la médecine, ce n'est plus une justification du mariage comme auparavant.
Nous savons bien que l'adultère existait dans le mariage et qu'il existe toujours. On lit fréquemment des histoires d'hommes qui se marient et ont des enfants avec leur épouse mais qui, après analyse de l'ADN, se révèlent le père de l'un des enfants seulement et non des trois autres, même s'ils ont été conçus pendant l'union du mariage.
J'aimerais toutefois que vous nous parliez du fait que le mariage, comme nous le connaissons aujourd'hui, s'est en fait développé comme institution entre conjoints hétérosexuels afin de déterminer la paternité des enfants pour des raisons culturelles, religieuses, puis juridiques et autres.
M. Joe Courtney (agent senior de recherche, Syndicat canadien de la fonction publique): Je crois qu'il est évident que les significations du mariage ont changé au fil du temps. Le mariage en tant qu'institution connaît des fluctuations depuis longtemps. Comme vous le dites, il fut un temps où le mariage était une institution visant à déterminer la paternité. C'est vrai. Je crois qu'il y a actuellement tout un débat autour de la conception conventionnelle du mariage comme une institution patriarcale dans laquelle les femmes et les enfants étaient considérés comme des biens, mais la paternité était certainement fondamentale dans l'institution du mariage.
Aujourd'hui, le mariage est bien différent. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, le mariage est un moyen qui s'offre à la fois aux couples hétérosexuels et, nous l'espérons, aux couples de même sexe pour réaffirmer leur engagement l'un envers l'autre par un engagement reconnu par l'État, de même que pour faciliter l'éducation et la prise en charge des enfants.
Nous avons entendu ici ce matin que le mariage hétérosexuel et les enfants étaient des éléments fondamentaux de l'institution du mariage. Cela ne vaut pas moins pour les conjoints de même sexe. Bon nombre de couples homosexuels ont déjà des enfants et les élèvent.
À (1000)
M. Jeffrey Asher: Le lien entre la paternité et les enfants fait partie des caractéristiques définitoires du mariage, mais il n'en est pas la caractéristique principale.
La fonction du mariage consiste à protéger les enfants, à fournir une stabilité au sein de la société et à enrichir la culture générale de liens familiaux et filiaux. Il sert aussi à protéger les femmes et les enfants, ce qui fait partie de la définition des valeurs patriarcales classiques, soit dit en passant. Les femmes et les enfants ont toujours été protégés en raison de leur faiblesse relative, tant physique qu'institutionnelle, dans toutes les sociétés.
J'espère que le gouvernement du Canada va continuer à protéger le mariage et à préserver son intégrité.
Le président: Merci.
Le prochain sera M. Sorenson, pendant trois minutes.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus nous présenter leur exposé.
Monsieur Courtney, cette question ne s'adresse pas directement à vous, mais vous avez parlé du fait que le mariage évoluait, qu'il changeait. Je crois que ce qui me tracasse personnellement—et je ne parle pas au nom des autres députés—ce sont les changements qui ont contribué à la définition même du mariage au fil du temps et les changements qui risquent d'éroder l'institution dans son ensemble. Je crois que le mariage interracial et le mariage interconfessionnel ont amélioré le concept du mariage avec le temps. Nous reconnaissons que nous ne pouvons pas disqualifier des personnes en raison de leur race... Cependant, nous craignons que d'autres changements dont nous discutons aujourd'hui affaiblissent cette institution. Ces changements vont au-delà des différentes religions, des différentes races et des différentes couleurs. On envisage maintenant de l'élargir aux personnes du même genre, et cela pourrait affaiblir l'institution.
Monsieur Asher, compte tenu de la nature sociale et culturelle et de cette institution, y a-t-il vraiment lieu de reconnaître l'union hétérosexuelle entre un homme et une femme? Y a-t-il lieu de reconnaître cette union?
M. Jeffrey Asher: Oui, monsieur, et je crois que c'est une très grande nécessité. Vous me le pardonnerez, mais je vais vous donner un exemple dans lequel cette union n'est pas reconnue.
Dans les quartiers pauvres de bon nombre de villes aux États-Unis, des adolescentes vivent seules dans des appartements délabrés avec leurs nombreux enfants dans des conditions que je ne peux qualifier que de misérables. Elles ont été abandonnées par les jeunes hommes qui ont procréé ces enfants. Ils vivent dans des conditions que je qualifierais presque de chaotiques. C'est un désastre social qui sévit depuis beaucoup trop longtemps.
Le mariage doit être revalorisé moralement, religieusement, culturellement et juridiquement. Cette situation va mener à la perpétuation de conditions sinistres dans ces sociétés et nuire aux cultures dont ces familles et ces enfants dépendent.
M. Kevin Sorenson: Certaines familles jouissent de conditions bien plus favorables que d'autres. Il y a des familles monoparentales. Il y a des familles dont le père ou la mère est décédé. Il y a différentes raisons expliquant la situation des familles monoparentales. Il est clair que les enfants sont élevés de bien des façons différentes dans notre pays.
Que pensez-vous de l'argument de certaines personnes que les enfants qui grandissent dans une famille dont les parents sont du même sexe sont blessés dans leur estime d'eux-mêmes parce qu'ils ne peuvent dire que leurs deux parents sont mariés?
M. Jeffrey Asher: On semble accorder bien trop d'importance à l'estime de soi aujourd'hui, à mon avis. Les enfants s'adaptent aux conditions dans lesquelles ils vivent du mieux qu'ils peuvent. Ceci dit, le lien affectif d'une mère et d'un père qui peuvent donner à cet enfant une orientation hétérosexuelle pour son épanouissement et sa vie future me semble—et de nombreux scientifiques sociaux le pensent aussi—essentiel pour le bon développement de cet enfant dans sa vie d'enfant, puis dans sa vie d'adulte.
Pour vous donner un exemple manifeste, les enfants du divorce sont beaucoup plus susceptibles de divorcer que leurs parents. Le taux de divorce augmente. Cependant, nous avons très peu d'information sur les enfants venant de familles dont les conjoints sont du même sexe, parce que leur nombre est très petit, mais encore une fois, leur attachement au mariage, leur adaptation à la vie hétérosexuelle ne semblent pas aussi importants que chez les enfants qui ont grandi dans des familles constituées de la mère et du père naturels. Encore une fois, je dois tout de même admettre que les données accessibles sont très limitées.
M. Kevin Sorenson: Merci.
Le président: Merci, monsieur Sorenson.
Monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins. Je dois dire que je ne suis pas d'accord avec la majorité des propos que les représentants du SCFP ont tenus, mais je les remercie tout de même d'être ici aujourd'hui pour nous faire part de leurs points de vue.
Monsieur Asher, je vous remercie d'être ici aussi. Il se trouve que je suis d'accord avec vous à de nombreux égards et je crois que vous avez été particulièrement éloquent pour défendre votre point de vue, que la plupart des Canadiens partagent, à mon avis.
J'aimerais commencer par une question qui s'adresse à M. Asher. Je cite un témoin précédent, un M. Cere, qui a dit ceci:
D'entrée de jeu, il faut reconnaître qu'il existe une distinction fondamentale entre la «stérilité» de certains couples hétérosexuels et l'«impossibilité» de procréer de tous les couples homosexuels dans leur union affective. |
Il poursuit en disant que:
Le potentiel de procréation est une caractéristique fondamentale, bien que variable, de l'expérience conjugale hétérosexuelle. L'absence de potentiel de procréation est une caractéristique inhérente et immuable à l'expérience homosexuelle. |
Auriez-vous l'obligeance de commenter ces propos à la lumière de votre expertise.
À (1005)
M. Jeffrey Asher: Merci. Je connais bien les observations de M. Cere à ce propos. En réalité, je les ai lues.
Je crois que c'est l'un des nombreux points importants à souligner : notre société se fonde sur une structure sociale stable parce que les hétérosexuels peuvent avoir des enfants et sont profondément attachés à ces enfants, non seulement en raison de leur sens des responsabilités et de leurs devoirs juridiques et culturels, mais en raison de leurs profonds liens d'amour, qui sont puissants et durables. Cela rend le mariage hétérosexuel unique.
Je ne doute pas un instant que les homosexuels qui ont décidé d'avoir des enfants sont profondément attachés à eux, mais les enfants des familles issues d'un mariage entre conjoints de même sexe, des enfants conçus au moyen de la maternité par substitution, des technologies de la reproduction ou qui ont été adoptés ne réussissent pas aussi bien que ceux qui sont nés de leurs parents, même si je dois admettre que dans une société complexe, il faut prendre beaucoup de moyens devant les nécessités et l'obligation de faire le moins de mal possible. J'espère que nous allons continuer à prendre de tels arrangements pour le bien des enfants.
Mais encore une fois, monsieur—et vous m'excuserez de me répéter—je crois que le mariage doit être revalorisé, parce qu'il est actuellement en crise dans le monde occidental, ce qui comprend le Canada.
M. Pat O'Brien: Je vous remercie. Ne vous excusez pas de vous répéter. Je crois qu'il va falloir que ceux qui partagent ce point de vue se répètent tout au long de ce débat.
J'aimerais poser quelques petites questions aux témoins du SCFP, si je peux me le permettre, monsieur le président. Je n'ai pas beaucoup de temps, donc je demanderais...
Le président: Vous avez moins d'une minute.
M. Pat O'Brien: Vos membres ont-ils tenu un débat sur cette question précise et adopté une résolution en particulier?
Je vois que vous nous renvoyez à votre principe d'égalité, que j'ai lu, mais je me demande si vous avez vraiment tenu un débat et un vote sur la question et, dans l'affirmative, quels en ont été les résultats.
M. Fred Hahn: En fait, nous avons tenu plusieurs débats sur les questions de l'égalité des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des transgenres qui sont membres de notre syndicat, ce qui comprend des discussions sur l'accès au mariage. Chaque fois que notre syndicat tient de tels débats, convention après convention, nos membres appuient sans réserve notre position, selon laquelle nous préconisons un accès plus équitable à l'institution du mariage et un plus grand respect de tous les droits des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des transgenres. Nous croyons que c'est la position que non seulement notre syndicat doit privilégier, mais aussi le gouvernement du Canada.
M. Pat O'Brien: D'accord, merci.
Ma dernière question, monsieur le président...
Le président: Je suis désolé, je pensais que c'était votre dernière question.
Monsieur Ménard.
M. Pat O'Brien: Vous dites que c'était ma dernière question. Vous n'êtes pas très souple avec les députés, monsieur le président.
Le président: J'ai une longue liste de personnes qui veulent parler.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'aimerais faire une proposition à M. Asher. Je le rassure tout de suite: elle ne sera ni émotive ni tendancieuse.
Il a fait une affirmation assez étonnante, à savoir que des études révélaient que les enfants de parents divorcés avaient davantage tendance à divorcer. J'aimerais qu'il nous cite la référence afin qu'on puisse avoir accès à cette étude. De mon côté, je m'engage à déposer une autre étude. Comme M. Asher a vécu à Montréal, il doit certainement savoir qu'à l'Université du Québec à Montréal, il y a un professeur qui s'appelle Danielle Julien, qui est psychologue, qui dirige un centre de recherche et qui a fait des études longitudinales qui ont prouvé que les enfants élevés par des parents homosexuels ne devenaient pas homosexuels. L'homosexualité ne se transmet pas dans les valeurs familiales, et cela est documenté à la fois par des études américaines et des études faites ici, au Québec. S'il dépose l'étude dont il parle, je déposerai une autre étude pour le bénéfice de tous les membres du comité.
Je lui pose une question. Il y a deux motifs au mariage. Le premier est un motif juridique: le mariage produit des effets immédiats; il entraîne l'égalité des deux conjoints dès qu'il est prononcé. Il y a aussi des questions de valeurs. Mes amis qui veulent se marier veulent le faire parce qu'ils croient à la fidélité, à l'engagement réciproque et au soutien. Le témoin croit-il que les personnes homosexuelles peuvent bien vivre ces valeurs, ou est-il d'avis qu'on doit s'opposer au mariage des gais parce que ces derniers sont incapables de vivre ces valeurs?
À (1010)
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: Monsieur le député, je ne sous-entends pas... D'abord, pour ce qui est du divorce, il y a de nombreuses études— et je vais essayer de les trouver rapidement pour vous les apporter—qui montrent que les enfants du divorce affichent un taux de divorce supérieur à la normale. Malheureusement, il y a une logique claire derrière tout cela. On ne leur inculque pas un modèle de mariage tolérant, durable, indulgent et en adaptation constante. Le modèle qu'on leur inculque en est un de mariage temporaire, éphémère, et c'est ce modèle qu'ils appliquent dans leur propre vie.
Ensuite, je ne dis pas que les enfants des mariages entre conjoints de même sexe apprennent à adopter un comportement homosexuel. Bien sûr que non. Je présume que le comportement homosexuel est congénital, qu'il est un produit de la nature et non un comportement acquis. Ainsi, les enfants hétérosexuels des couples homosexuels, qui représenteront au moins 98 p. 100 de ces enfants auront de grandes difficultés à s'adapter la vie hétérosexuelle parce qu'ils ne pourront s'inspirer du modèle de leurs tuteurs, de leurs parents, de leur famille.
[Français]
M. Réal Ménard: Mais ce n'est pas ce que révèle l'étude de Mme Julien, que je vais déposer pour la gouverne de tous les membres du comité. Je vous mets au défi, non pas de nous faire part de vos états d'âme, de vos préjugés ou de vos questions existentielles--comme législateurs, nous ne pouvons pas prendre de décisions sur cette base--, mais de déposer une étude scientifique qui soutienne votre point de vue.
Aux États-Unis, il se fait de la recherche là-dessus depuis 20 ans. J'ai un frère jumeau identique qui a le même bagage génétique que moi, mais qui est hétérosexuel. Il faut faire attention quand on fait des affirmations comme celles que vous faites. Étant donné sa faiblesse, votre argumentation ne résiste pas à l'analyse. J'aimerais que vous déposiez des études qui disent que ces gens ont un problème d'adaptation quant à leur sexualité, et on comparera les résultats. À mon point de vue, ce que vous avez mis dans la balance ce matin relève beaucoup plus des préjugés que d'une démonstration scientifique. Vous avez droit à vos opinions, et je ne remets pas cela en cause, mais comme législateurs, nous devons aller un peu plus loin.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Ménard.
Vous pouvez réagir ou non, monsieur Asher, comme vous préférez.
M. Jeffrey Asher: Je vais répondre brièvement.
La source biologique de l'homosexualité, monsieur le député, est loin d'être claire. Elle se fonde sur des généralisations. Notre connaissance des gènes humains est rudimentaire, au mieux. Des gens ont réalisé des études corrélationnelles et statistiques. Il ne fait aucun doute que les jumeaux identiques semblent identiques dans tous les aspects de leur vie, mais ils ne le sont pas. Ils diffèrent sous certains aspects et peuvent adopter des comportements différents. Je ne vais pas nier...
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce qu'il existe un gène du divorce?
[Traduction]
Le président: Madame Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Ma question s'adresse à M. Asher.
Monsieur Asher, vous avez fait des affirmations très claires. Vous avez dit que depuis 50 ans, le taux de divorce était passé de 7 à 50 p. 100. Pendant ces 50 ans, le mariage était une institution exclusivement hétérosexuelle. Il me semble donc que cette institution hétérosexuelle est ébranlée par les couples hétérosexuels eux-mêmes. Il y a maintenant les couples gais, qui, selon vous, représentent entre 0,5 et 1 p. 100 des couples qui souhaitent se marier. Il me semble que si des gens se battent pour pouvoir accéder à une institution, ils sont nécessairement susceptibles de la renforcer, parce qu'ils sont convaincus de sa pertinence, bien sûr, alors que les gens qui en font actuellement partie n'ont pas cette même conviction.
Je ne pousserai pas l'audace jusqu'à dire que le taux si élevé de divorce est attribuable à un facteur en particulier. Il est attribuable à une multitude de facteurs. Cependant, vous avez laissé entendre que le fondement de la société reposait sur le fait que les couples aspirent à avoir des enfants, que le mariage vise à protéger les enfants et à assurer la stabilité de la famille et que les hétérosexuels sont profondément attachés à leurs enfants, mais qu'il existe des preuves statistiques, du moins je l'espère, que ceux qui n'ont pas d'enfants issus d'une union hétérosexuelle sont évidemment moins... qu'ils sont des parents inférieurs. Les parents adoptifs sont inférieurs. Les parents qui ont eu des enfants grâce à une quelconque technologie de la reproduction sont nécessairement des parents inférieurs.
Ainsi, si je suis votre argumentation logique, je vous dirais que nous ne devrions pas autoriser les personnes mariées qui décident de ne pas avoir d'enfants ou les personnes qui, après 10 ans de mariage, n'ont toujours pas d'enfants parce qu'ils ne le peuvent pas ou les personnes au-delà d'un certain âge qui ne peuvent avoir d'enfants à conclure cette union hétérosexuelle qu'on appelle le mariage. Nous ne le devrions pas. J'aimerais savoir si c'est vraiment ce que vous essayez de nous dire par les conclusions logiques que vous tirez sur le mariage.
À (1015)
M. Jeffrey Asher: Bien sûr que non. Tous les hétérosexuels devraient pouvoir se marier, même ceux d'un âge avancé, tous sauf les enfants, évidemment. Le mariage devrait être offert aux adultes hétérosexuels, même s'ils sont vieux et qu'ils ont bien passé l'âge de la reproduction. Pour revenir à la question du divorce, le fait d'imputer le divorce aux hétérosexuels me semble être une stratégie politique. Le divorce est dangereux. Il touche toute notre société. Il touche toutes les familles. Le mariage doit être renforcé dans notre société, compte tenu de ses forces sociales, culturelles et juridiques. Sinon, nous serons tous en danger.
Mme Hedy Fry: Je suis désolée, monsieur Asher, je ne vous ai que posé une question simple. Vos propos étaient très clairs. Même si seuls les hétérosexuels sont autorisés à se marier à l'heure actuelle, je ne laisse pas entendre qu'ils ont détruit l'institution du mariage, mais votre argument est certes logique. Vous semblez présenter beaucoup d'arguments très logiques. Je voudrais que vous me disiez ce qui devrait arriver aux gens qui ne peuvent pas... car vous avez répété que le mariage vise en fait à protéger les enfants.
Nous avons parlé des personnes qui ont des enfants sans vivre une relation hétérosexuelle normale. Vous avez de toute évidence laissé entendre que ces enfants ne méritent pas autant d'être protégés que ceux issus des couples hétérosexuels. Vous avez déclaré que depuis 50 ans le mariage est menacé. Il me semble logique de penser que ceux qui se marient de nos jours commettent certaines erreurs, car le taux de divorce augmente.
Alors que pensez-vous? Je ne comprends pas, car vous dites que les personnes qui n'ont pas leurs enfants dans le cadre d'une relation hétérosexuelle normale ne devraient pas se marier du tout. Je crois que c'est une déclaration très importante.
Le président: Monsieur Asher, la parole est à vous.
M. Jeffrey Asher: Je ne suis pas d'accord. Mme Fry prétend que j'ai dit que le mariage ne devrait pas être permis, que les beaux-parents sont d'une certaine façon inférieurs, mais je ne ferai jamais une telle déclaration. Ce genre d'affirmation est incorrecte et causerait du tort à la société canadienne. Cependant, je veux signaler qu'aux États-Unis les beaux-parents, tant les belles-mères que les beaux-pères, commettent davantage de crimes contre leurs enfants non biologiques. Le nombre est peu élevé, mais il est inquiétant.
Je répète que les meilleurs protecteurs de la sécurité, de l'avenir et de l'amour des enfants sont les parents biologiques. Nous devrions faire tout ce qui est possible pour que les enfants vivent avec leurs parents biologiques, tout en convenant que, dans une société démocratique qui connaît de nombreux problèmes sociaux, il faut apporter les meilleurs changements nécessaires afin de protéger les enfants. Ces changements visent notamment les parents seuls et les parents biologiques qui avouent ultérieurement leur homosexualité.
Le président: Merci beaucoup.
Je veux rappeler aux membres la façon dont nous fonctionnons—et je ne le fais pas maintenant parce que je vais céder la parole à M. Robinson en particulier. La ronde de trois minutes comprend les questions et les réponses. Au bout des trois minutes, je ne permets pas aux membres de poser d'autres questions. De toute évidence, je laisse par contre une marge de manoeuvre aux témoins, qui sont venus ici pour nous informer. C'est de cette façon que nous fonctionnons.
Monsieur Robinson, vous avez la parole.
M. Svend Robinson: Merci. Je vais veiller à respecter le temps.
J'essaie de comprendre. Dans un sens, ma question fait suite à celle qu'a posée Mme Fry.
J'ai pris note d'un de vos propos, au sujet duquel Mme Darcy a d'ailleurs fait un commentaire. Vous avez dit dans vos propres mots que des problèmes peuvent découler du fait que des parents élèvent des enfants non biologiques. Mme Darcy a fait remarquer, tout à fait justement je crois, que ce propos est très offensant pour les parents qui élèvent des enfants adoptifs. Il n'existe peut-être pas de liens génétiques, mais rien ne permet de démontrer que les enfants élevés par des parents non biologiques sont moins bien adaptés que les autres.
Selon votre logique, les enfants issus d'un couple de lesbiennes—et je sais que certaines personnes sont étonnées d'apprendre que des couples de lesbiennes peuvent avoir des enfants, car, comme je l'ai signalé plus tôt, il existe diverses techniques qui leur permettent d'en avoir, notamment l'utilisation d'une poire à jus, technique qui semble offusquer beaucoup M. Toews chaque fois que j'en parle, mais c'est une réalité—sont des enfants qui sont supposément mieux adaptés que les enfants élevés dans des familles adoptives hétérosexuelles, car il existe un lien génétique, selon votre point de vue. Ce type de logique est tout simplement pervers, selon moi.
Je vous demande de commenter cette question et de nous dire si vous en savez sur le sujet—et je crois savoir que vous êtes un ancien universitaire qui a perdu son emploi, à moins que je me trompe. Je voudrais aussi que vous parliez de votre connaissance d'études qui révèlent très clairement que les enfants élevés dans des familles gaies ou lesbiennes sont en fait au moins aussi bien adaptés que les enfants élevés dans des familles hétérosexuelles. De nombreuses études le démontrent. Connaissez-vous ces études et voudriez-vous faire part au comité de votre point de vue à leur sujet ?
À (1020)
M. Jeffrey Asher: Absolument. Premièrement, je tiens à signaler que les études sur la vie des homosexuels et des lesbiennes sont rares. Elles sont fondées sur des données très limitées et elles sont en majeure partie ce que j'ai appelé dans mon exposé des études effectuées par des défenseurs. Elles visent à arriver à une conclusion prédéterminée et bien sûr cet objectif est atteint. Il existe très peu de preuves.
Vous avez dit, monsieur, que je rejetais les enfants qui n'étaient pas élevés par leurs parents biologiques. Cela est faux. J'ai répété à maintes reprises au cours des audiences que les parents adoptifs, les parents gais et les parents biologiques qui avouent ultérieurement leur homosexualité ont tous le droit de prendre soin, d'aimer et d'élever leurs enfants.
Il n'y a aucune certitude. Il y a des généralités, qui, au bout d'une longue période, deviennent très claires. L'épidémie de divorces et la culture du divorce dans notre pays constituent une menace pour la stabilité de notre société. Nous comptons sur les immigrants pour instaurer de solides valeurs familiales dans notre société dans l'espoir qu'elle grandira et qu'elle conservera sa force. Il faut recréer nos valeurs familiales.
M. Svend Robinson: Pouvez-vous nommer certaines études?
Le président: Monsieur Robinson, nous devons passer à un autre membre.
Monsieur McKay, la parole est à vous.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): M. Robinson n'a cessé de demander de quelle façon les mariages entre homosexuels causeraient du tort à l'institution du mariage elle-même et il se donne en exemple. Un auteur du nom de Kurtz a dit ceci à propos du mariage entre homosexuels:
Mais le mariage entre homosexuels est une attaque radicale sans pareil au fondement du mariage lui-même. Il détache le mariage de la dynamique propre à la sexualité hétérosexuelle, il divorce le mariage de son lien étroit avec le fait d'élever des enfants et il ouvre la voie au remplacement du mariage par une série d'ententes contractuelles infiniment souples... Une fois que le mariage ce sera divorcé de l'hétérosexualité, il sera impossible de rétablir, même en partie, les fréquentations traditionnelles. |
Vous avez dit plus tôt que vous avez été l'un des deux professeurs à mener des études sur les hommes au Canada. J'aimerais savoir si l'opinion de M. Kurtz se rapproche du point de vue que vous tentez de communiquer au comité.
M. Jeffrey Asher: M. Kurtz a tout à fait raison. Au Canada, Condition féminine Canada et Statistique Canada ont tenté de redéfinir la famille. Il est soit opportuniste ou pratique de définir la famille comme étant tout groupe de deux personnes ou plus. Cette nouvelle définition mine la famille par l'entremise de l'orientation des recherches menées par le gouvernement et ses ministères. Il ne fait aucun doute que, lorsque deux homosexuels pourront se marier et être considérés comme une famille, d'autres groupes revendiqueront le même statut, et la famille sera minée d'autant plus.
Je reviens, monsieur, sur la situation des mères adolescentes qui vivent dans les bidonvilles d'Amérique du Nord, seules et dans une misère noire, et dont les fils deviennent membres de bandes et vivent en marge de la société et dont les filles tombent enceintes à leur tour à l'adolescence. Certaines grands-mères n'ont que la mi-trentaine.
Ce n'est pas une bonne situation pour notre société, et les dangers imminents d'élargir la définition du mariage sont clairs selon moi. Quand nous en rendrons-nous compte? Après qu'il soit trop tard et après que le dommage soit extrêmement difficile à réparer.
M. John McKay: Qu'en est-il du rôle des hommes dans notre société, particulièrement en ce qui concerne la paternité et le fait de prendre soin des enfants? Avez-vous une opinion sur le sujet?
M. Jeffrey Asher: Je crois qu'on sous-estime, monsieur, à quel point les pères aiment leurs enfants et à quel point ils sont attachés à leur épouse. Je pense que les enfants donnent une signification et une orientation à la vie de leur père. La plupart des pères ne garderaient pas un emploi pendant presque toute leur vie, jusqu'à la fin de la soixantaine, qui n'offre que deux semaines de vacances par année, s'ils n'aimaient pas leur épouse et leurs enfants. Ce que les pères abandonnent en fait dans notre société, c'est toute leur vie pour leur épouse et leurs enfants. Ils le font parce qu'ils les aiment tant. Les liens qui unissent une famille doivent être renforcés et reconnus par notre société. En tant que père, et maintenant en tant que grand-père, j'ai découvert la satisfaction et la fierté qu'apportent ces deux rôles. C'est l'une des expériences les plus enrichissantes de ma vie.
Le président: Je cède la parole à M. Courtney, et ensuite à M. Sorenson.
À (1025)
M. Joe Courtney: Merci, monsieur Scott.
J'ai certains commentaires à formuler. M. Asher a raison en quelque sorte. Il y a un manque de preuves et de recherches à propos des relations entre personnes de même sexe. Cependant, je vous renvoie à la bibliographie de votre mémoire. Une publication de l'Institut Vanier, qui est parue cette année, en 2003, présente un examen d'études sur les relations entre personnes de même sexe. L'auteur en vient à la conclusion que les enfants de couples de lesbiennes sont aussi bien adaptés, ou peut-être même davantage, que les enfants issus de relations entre hétérosexuels.
Je suis conscient que, à bien des égards, les recherches qui ont été menées et celles qui le sont actuellement en sont encore à leurs premiers balbutiements. J'ai moi-même effectué beaucoup de recherche sur la discrimination et la violence dont sont victimes quotidiennement dans notre société les homosexuels et les lesbiennes. Pour les intéressés, je signale que ma thèse sera publiée cette année. J'examine la discrimination et le harcèlement en milieu de travail. Nous considérons l'interdiction du mariage entre personnes de même sexe comme une forme de discrimination qui perpétue l'abus, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Je suis très offusqué par le point de vue selon lequel les enfants issus de couples de même sexe sont en quelque sorte mal adaptés, alors que les preuves indiquent le contraire et qu'en fait nous ne disposons pas de suffisamment de preuves pour faire une telle déclaration.
Le président: L'Institut Vanier a présenté un mémoire à titre d'information pour le comité.
Nous allons maintenant passer à M. Sorenson, qui dispose de trois minutes.
M. Kevin Sorenson: Monsieur Asher, le fait d'exclure les gais et les lesbiennes de la définition du mariage diminue-t-il la relation qu'ils ont ou contribue-t-il simplement à indiquer qu'il s'agit d'une relation différente?
M. Jeffrey Asher: Certainement pas. Je parle comme vous d'une relation différente mais égale. Dans l'ouest de l'Europe, où l'adaptation à l'égard des gais et des lesbiennes est beaucoup plus grande qu'ici, on constate que leurs relations ne sont pas considérablement différentes qu'ici et qu'elles n'ont pas changé beaucoup. La possibilité de vivre ensemble, d'échanger des voeux spirituels et de s'engager dans une union civile existe. Prenons l'État du Vermont, par exemple. Il est possible que le Canada emboîte le pas. Cela ne diminue pas la qualité des relations homosexuelles.
Ce qui est fondamental dans les relations hétérosexuelles, c'est le mariage et la famille, la famille élargie, les liens de parenté et la communauté. C'est l'un des fondements de notre civilisation, et nous ne devrions pas y toucher. Une fois qu'on l'aura changé, il sera modifié à d'autres reprises, et la tentation d'élargir les définitions et de miner ce fondement sera irrésistible. C'est aujourd'hui qu'il faut résister, pour le bien des prochaines générations de Canadiens.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Jennings, la parole est à vous.
Mme Marlene Jennings: Merci.
Je veux revenir à une question que certains de mes collègues de l'autre côté de la table ont soulevée, à savoir le danger que pose le fait de permettre le mariage civil pour les couples de même sexe, car cette autorisation pourrait avoir une incidence sur le statut des institutions religieuses, qui refusent à l'heure actuelle, et continueront de refuser, de célébrer des mariages entre conjoints de même sexe.
Je crois savoir que les institutions religieuses refusent déjà de célébrer des mariages dans certaines conditions permises en vertu du droit civil. Ai-je raison?
Par exemple, l'Église catholique romaine et l'Église anglicane, si je ne m'abuse, refusent de marier un couple hétérosexuel si un des conjoints est divorcé, car il est considéré comme étant encore marié selon le dogme de ces institutions religieuses. En outre, certaines des églises ou institutions religieuses refusent de marier un couple hétérosexuel dont les conjoints sont de croyance différente. Pourtant, en vertu du droit civil, le mariage de ces couples est autorisé. Ce refus n'a aucune incidence sur le statut d'organisme de bienfaisance de ces institutions.
Pouvez-vous parler de l'aspect juridique de la question, si c'est possible? Si vous n'êtes pas en mesure de le faire aujourd'hui, vous pourrez toujours le faire par écrit par l'entremise du président. Bien que nous ayons une Charte des droits et libertés qui garantit l'égalité, pouvez-vous nous dire comment la loi peut permettre la discrimination au sein des institutions religieuses en fonction des croyances, sans que cela n'ait d'incidence sur le statut d'organisme de bienfaisance de ces institutions? Il me semble que la limite ne soit pas claire en ce qui concerne certains des cas qui ont été soulevés. Il est possible notamment qu'une école, peut-être dirigée par une institution religieuse, refuse d'embaucher un professeur qui ne partage pas la même croyance.
Peut-être que vous pourriez commenter cette question, car elle est soulevée lors de chaque audience que nous tenons.
À (1030)
M. Fred Hahn: Ce qui fait partie de notre fière tradition canadienne, et aussi de notre Charte des droits et libertés, c'est la garantie des droits et libertés, y compris la liberté de religion. Je crois que l'un des arguments injustes à propos de l'inclusion des couples de même sexe dans l'institution du mariage est que cela nous oppose d'une certaine façon aux institutions religieuses. Je suis certain que les personnes ici présentes savent et comprennent qu'un grand nombre de témoins approuvent qu'on permette l'accès à l'institution du mariage aux couples de même sexe. Ils ont répété à maintes reprises que cette autorisation ne porte pas atteinte à la liberté des membres des diverses religions de pratiquer comme bon leur semble.
Vous avez cité plusieurs religions. Je proviens d'une famille catholique romaine et j'ai été élevé dans cette religion. Mes deux parents sont également catholiques romains. Les deux s'étaient divorcés antérieurement et avaient été excommuniés de l'Église. Ils ne pouvaient donc pas bien sûr se remarier à l'église. Mais ils se sont tout de même mariés et ils ont eu des enfants, ce qui a été reconnu. En fait, à cette époque, on se demandait si nous pouvions aller à une école catholique.
Toutes ces règles font partie du tissu de nos collectivités. Elles font partie de la mise en application des droits de la personne au Canada.
Je le répète, rien de ce que nous proposons limiterait la liberté de religion. En fait, ce que nous revendiquons, en tant qu'adversaires de la discrimination et du harcèlement, constitue la meilleure mesure qui permet d'inclure le plus grand nombre de Canadiens possibles dans les institutions de notre pays. Cela est fondamental en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne et, je dirais, la Charte des droits et libertés.
C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui pour dire, bien sûr, que les couples de lesbiennes et de gais devraient avoir accès à l'institution du mariage en vertu de la loi.
Le président: Merci, madame Jennings.
Allez-y très rapidement, monsieur Asher. Ensuite, nous allons passer à M. Marceau.
M. Jeffrey Asher: Monsieur le président, j'aimerais rappeler encore à tout le monde que ceux qui veulent inclure le plus grand nombre de Canadiens possible devraient accepter les relations polygames. Ce sont les suivantes sur la liste. Comme ces unions sont consacrées par leur religion, les gens vont s'attendre à ce qu'elles soient jugées tout aussi légitimes.
Le président: Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Monsieur le président, j'aimerais faire un commentaire et poser deux ou trois questions.
Monsieur Asher, vous avez utilisé le slogan separate but equal. En tant qu'hétérosexuel en faveur du mariage homosexuel, je vous dis de continuer à l'utiliser parce que vous me donnez un argument extraordinaire dans ce débat.
Vous parlez de la famille traditionnelle. Savez-vous qu'au Canada, à l'heure actuelle, moins de 50 p. 100 des familles sont composées de papa, maman et les enfants?
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: Quand vous dites que moins de 50 p. 100 des familles sont composées d'un père, d'une mère et de leurs enfants, je dois admettre que le taux de divorce est de près de 50 p. 100. Comme je l'ai dit, ce qui est inquiétant, c'est que les jeunes qui ont l'intention de se marier sont moins susceptibles d'être encore ensemble cinq ans plus tard que s'ils ne choisissaient pas de se marier. Ce n'est pas une bonne chose pour la société.
[Français]
M. Richard Marceau: Avez-vous entendu des gens vous dire que si les personnes de même sexe avaient la possibilité de se marier, eux ne se marieraient pas même s'ils sont hétérosexuels?
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: Non, monsieur, je n'ai pas entendu cela.
[Français]
M. Richard Marceau: Si jamais la Cour suprême--et je vous soumets respectueusement que c'est dans cette direction que vont les cours--décidait que les gens de même sexe peuvent se marier, seriez-vous en faveur de l'utilisation de la clause nonobstant pour empêcher le mariage des conjoints de même sexe?
À (1035)
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: Je préfère employer le mot «prévenir». J'espère que la Cour suprême ne prendrait pas cette décision.
Pour ce qui est de l'utilisation de la clause dérogatoire, c'est aux assemblées provinciales de décider. Je vais les laisser trancher.
[Français]
M. Richard Marceau: Non, il appartiendrait au gouvernement fédéral de le faire, étant donné qu'il s'agit des conditions de fond.
En tant que témoin fortement opposé au mariage de conjoints de même sexe, vous venez nous donner votre opinion. Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de cette chose qu'il va falloir examiner. Si on veut garder la définition traditionnelle du mariage, il va falloir qu'on se penche sur l'utilisation de la clause nonobstant. Si jamais on en arrivait à cela, favoriseriez-vous l'utilisation de la clause nonobstant?
[Traduction]
M. Jeffrey Asher: Je suis désolé, monsieur, mais cela sort de mon champ de compétences. Je ne peux vraiment pas vous répondre.
[Français]
M. Richard Marceau: D'accord.
[Traduction]
Le vice-président (M. John McKay): Monsieur O'Brien, pour trois minutes.
M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président. Je veux citer le professeur Cere et poser une question à M. Asher d'abord, et peut-être ensuite aux représentants du SCFP.
Nous parlons de la condition parentale aujourd'hui, et c'est un sujet que je veux explorer un peu. Dans son mémoire, M. Cere dit:
... Les défenseurs de la cause homosexuelle les plus candides admettent que le cautionnement du mariage gai transformera la réalité des enfants. |
William Eskridge—qui, au fait, monsieur le président, est un professeur de renom de Harvard—avoue ceci, à propos de la reformulation du droit à la lumière de l'expérience gaie:
L'expérience gaie de la «famille que l'on choisit» dissocie la famille des stéréotypes sexuels, de la généalogie, des liens de parenté. Les familles gaies qui se sont choisies élèvent habituellement des enfants peu stéréotypés, qui n'ont pas de lien biologique avec au moins un de leurs parents et qui ont peu d'appartenance à leur parenté au sens général du terme. |
C'est ce qu'a écrit M. Eskridge, qui est lui-même homosexuel, je crois. Je n'en suis pas sûr, mais je pense que c'est le cas.
Puis, M. Cere ajoute:
Cette séparation entre l'enfant et les parents naturels est la nouvelle vision juridique du mariage qu'ont peinte les jugements de l'Ontario et du Québec en faveur du mariage de conjoints de même sexe. |
Monsieur le président, je constate également qu'un autre tribunal de Colombie-Britannique a confirmé la définition actuelle du mariage. Je pense qu'un témoin a dit que les tribunaux se prononcent en faveur, mais je pense qu'il y a un partage de deux à un dans le cas décisions des tribunaux portées en appel actuellement.
Je me demande si M. Asher pourrait nous dire ce qu'il pense de cette concession faite par l'éminent professeur gai, William Eskridge, à propos de cette différence fondamentale concernant l'expérience des enfants qui ont des parents gais.
M. Jeffrey Asher: Monsieur O'Brien, je pense que la question de choix est assez importante. La responsabilité des parents à l'égard des enfants est un devoir moral et juridique et je dirais même un devoir d'amour. Élever des enfants est extrêmement difficile. La petite enfance, surtout quand on a plusieurs enfants, l'enfance et l'adolescence sont des périodes très éprouvantes pour un couple marié. Ce dont les parents ont besoin pour élever leurs enfants, ce n'est pas la passion et l'amour qu'ils ont connus au début de leur relation, mais le sens du devoir et des responsabilités à l'égard d'eux-mêmes, de leurs enfants et de la collectivité.
Le sens du devoir a grandement été ébranlé. On présume maintenant que les adolescents s'opposent naturellement à leurs parents et qu'ils doivent rompre assez rapidement avec eux pour adopter des valeurs et des orientations différentes. Certes, les jeunes ont le droit de définir leur vie comme ils l'entendent, mais ils sont privés de ce que leurs parents et la génération de leurs parents peuvent leur offrir, de l'expérience, des connaissances et des conseils qu'ils peuvent leur apporter.
Il est extrêmement dangereux de substituer le choix aux concepts de devoir, d'obligation et d'amour dans le mariage. Les gens qui choisissent une fois peuvent choisir encore. Ils peuvent choisir le divorce, ils peuvent choisir de se décharger de leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants, ils peuvent choisir un tas de choses. Il nous faut agir en adultes raisonnables et responsables. La décision d'avoir des enfants n'a rien de provisoire, elle est prise pour la vie. C'est une décision qui engage toute la vie et dont les intérêts sont mieux servis par les liens du mariage.
Le vice-président (M. John McKay): Merci, monsieur Asher.
Monsieur Robinson, avez-vous une question à poser?
Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson: J'ai une question à poser à Mme Darcy. Vous avez dit avoir adopté des enfants, n'est-ce pas?
Mme Judy Darcy: Je suis fière d'être la mère d'un fils adoptif de 19 ans.
M. Kevin Sorenson: Félicitations.
Si vous aviez un fils et une fille qui étaient adoptés, croyez-vous qu'ils devraient pouvoir se marier s'ils tombaient amoureux?
À (1040)
Mme Judy Darcy: Oui. Désolée, si le fils et la fille tombaient amoureux l'un de l'autre?
M. Kevin Sorenson: Oui.
Mme Judy Darcy: Je n'avais jamais pensé à cela. D'après mon expérience, les frères et soeurs essaient de ne pas tomber amoureux l'un de l'autre. C'est ce que j'ai connu.
M. Kevin Sorenson: S'ils tombaient amoureux l'un de l'autre, pensez-vous qu'ils devraient pouvoir se marier?
Mme Judy Darcy: S'ils ne sont pas rattachés par les liens du sang, c'est votre question?
M. Kevin Sorenson: Oui.
Mme Judy Darcy: C'est purement hypothétique. Je n'ai jamais pensé à cela. Où voulons-nous en venir?
M. Kevin Sorenson: On veut en venir au fait que, s'ils ont une relation—peut-être qu'ils ont vécu dans la même maison pendant 20 ans et sont tombés amoureux—pourrions-nous, en tant que gouvernement, leur refuser la possibilité de se marier?
J'ai deux enfants adoptés, un fils et une fille. Je pense que nous pourrions peut-être refuser qu'un frère et une soeur se marient.
Mme Judy Darcy: Je n'avais jamais pensé à cela, et je ne suis pas en mesure de vous répondre.
M. Kevin Sorenson: Peut-être que pour protéger une institution, nous...
Mme Judy Darcy: Ce que je sais, et ce que je ressens profondément, c'est que ni mon fils, ni un autre enfant, ni un parent devrait être victime d'une forme ou d'une autre de discrimination, qu'il vive avec ses parents biologiques ou non. Je pense que nous parlons de «parents biologiques» plutôt que de «parents naturels», parce que le contraire de naturel, c'est contre nature.
M. Kevin Sorenson: Mais s'il ne fallait pas faire de discrimination à l'égard des enfants adoptés...
Mme Judy Darcy: Un instant.
M. Kevin Sorenson: J'ai trois minutes?
Le président: Vous pouvez répondre, Judy, et vous pourrez poser une autre question, monsieur Sorenson. Je pense que M. Asher veut aussi intervenir. Je demanderais à tout le monde d'être bref.
Mme Judy Darcy: Nous croyons que ce n'est pas essentiellement une question d'ordre moral. C'est une question de droits, de droits de la personne. D'après nous les enfants de familles adoptives ou de couples de même sexe ne devraient pas être traités différemment des autres enfants dans la société.
Il reste que les couples de même sexe, les gais et les lesbiennes ainsi que les enfants de couples de même sexe sont victimes de discrimination aujourd'hui. Nous devons faire quelque chose. Il est possible pour nous d'intervenir en mettant fin à la discrimination faite aux couples de même sexe dans l'institution du mariage.
Le président: Vous pouvez poser une très brève question.
M. Kevin Sorenson: Exerçons-nous de la discrimination à l'égard des enfants quand nous refusons à deux enfants adoptés par une même famille de se marier?
Mme Judy Darcy: Je ne peux pas vous répondre. Je ne vais pas m'aventurer sur ce sujet. Je n'ai pas de réponse à cela.
Le président: Monsieur Asher.
M. Jeffrey Asher: Merci.
Je dirais que Mme Hahn est prise au dépourvu parce que si la définition du mariage veut donner le choix, éliminer la discrimination...
Mme Judy Darcy: Je suis Mme Darcy et c'est M. Hahn.
M. Jeffrey Asher: Je suis désolé, madame Darcy.
Madame Darcy, si on veut empêcher la discrimination à propos du mariage et laisser la liberté de choix, toutes sortes de choix sont possibles. Des frères et des soeurs biologiques ont vécu ensemble et se sont mariés par le passé, ce qui a fait scandale dans leur milieu.
Mme Darcy estime que c'est une question de droits et pas une question morale. Je dirais que les droits sont profondément ancrés dans la moralité et c'est une des raisons pour lesquelles la civilisation occidentale a été éclairante en examinant la question des droits d'un point de vue moral dans l'intérêt de la plupart des pays du monde.
Le président: Merci.
Madame Fry, pour trois minutes.
Mme Hedy Fry: J'aimerais revenir à ce que M. Asher a dit, à savoir que le mariage aujourd'hui met les couples à l'épreuve et que c'est une institution fragile en raison du taux de divorce de 50 p. 100. Quant à moi, j'affirme que cela est arrivé alors que le mariage était purement et simplement une institution hétérosexuelle.
J'aimerais savoir si M. Asher se fonde sur autre chose que des hypothèses, des données ou des sentiments personnels pour dire que le mariage entre personnes de même sexe affaiblirait nécessairement davantage une institution déjà fragile. J'aimerais qu'il réponde à cette question, parce que je me rappelle que beaucoup de traditions de longue date, comme les hommes en politique, les femmes considérées comme des biens, tous les arguments en faveur de l'eugénisme et contre le mariage interracial avaient des fondements scientifiques, et on prédisait dans tous les cas que le ciel allait nous tomber sur la tête ou que des horreurs allaient arriver si on changeait les choses. En fait, rien de cela ne s'est produit.
Est-ce que M. Asher se fonde sur autre chose que ses hypothèses personnelles et a-t-il des raisons scientifiques de croire qu'ouvrir une institution en déclin aux couples de même sexe va l'ébranler encore davantage?
À (1045)
M. Jeffrey Asher: Encore une fois, je répondrais que dire que ce sont seulement les hétérosexuels qui ont fait augmenter le divorce met en évidence les préoccupations politiques des pouvoirs publics qui appliquent ce qu'on appelle une analyse fondée sur l'appartenance sexuelle. Cette analyse repose en grande partie sur le discours féministe radical selon lequel le mariage est une institution patriarcale qui peut donner lieu à des abus. C'est un point de vue politique, pas social, moral ou familial. Il y a des gens qui désapprouvent vivement ces politiques et espèrent qu'elles ne seront pas maintenues dans la société.
Est-ce qu'affaiblir encore plus la définition du mariage va fragiliser davantage le mariage? Évidemment. Les faits le démontrent clairement depuis 50 ans, avec l'augmentation du taux de divorce. Je pense que seulement cela suffit à soutenir ces observations.
Le président: Madame Darcy.
Mme Judy Darcy: En tant que féministe mariée depuis 25 ans et ayant l'intention de le rester, je préconise la consolidation de l'institution de la famille, et un des moyens de la consolider consiste, je crois, à offrir aux couples de même sexe la possibilité de se marier. Je n'accepte pas qu'on dise qu'un point de vue féministe, qu'une analyse féministe fragilise le mariage. Au contraire, nous croyons que tout le monde devrait avoir accès à cette institution, et que cela ne peut que la renforcer.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Macklin, pour trois minutes.
M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci.
J'aimerais parler des solutions de rechange possibles ou qui pourraient l'être parce que la question, d'après moi, est la suivante. Nous voulons assurer la dignité et le respect des gais et des lesbiennes dans la société. Je me demande si, pour cela, il faut redéfinir l'institution du mariage ou si, en fait, il y a d'autres solutions que notre comité pourrait envisager?
Le président: Monsieur Asher puis monsieur Hahn.
M. Jeffrey Asher: Je dirais, monsieur, qu'il y a beaucoup de solutions de rechange. Les unions civiles sont permises dans l'État du Vermont, et les homosexuels et les lesbiennes peuvent signer des contrats d'union actuellement. De plus, il y a toutes sortes de croyances religieuses qui permettent la polygamie, la polyandrie, la polygynie et le mariage homosexuel. C'est une façon de respecter la différence dans une société démocratique diversifiée. Les homosexuels ont accès à toutes ces possibilités pour consacrer et structurer leurs relations.
Mais il ne faudrait pas compromettre le mariage hétérosexuel et la famille pour tenir compte d'autres besoins; c'est une mauvaise application des droits. J'ai choisi d'employer les mots «différente mais égale» en parlant de leur situation, et le mot égale est important, même si leur situation est différente. Le mariage hétérosexuel est une institution hétérosexuelle, sur laquelle sont fondées en partie les sociétés occidentales.
M. Fred Hahn: Pour notre syndicat, ses 500 000 membres partout au Canada, ses militants, ses dirigeants et ses employés, sans un accès égal à l'institution du mariage, la reconnaissance des relations gaies et lesbiennes sera plus difficile à assurer.
Les partenaires hétérosexuels choisissent toutes sortes de relations de couple à l'extérieur de l'institution du mariage, mais il est question ici pour nous, et je pense aussi pour le comité et le gouvernement du Canada, de l'égalité d'accès à une institution, des droits fondamentaux, de façon à permettre aux gais et aux lesbiennes qui le veulent de choisir le mariage. Offrir moins perpétuerait le genre de discrimination qui a existé jusqu'ici. C'est le point de vue de nos membres.
M. Paul Harold Macklin: Dans ses questions, un de nos membres a dit qu'atteindre l'idéal du mariage pourrait en fait représenter une victoire très coûteuse, dans le sens où en élargissant tout à coup la définition du mariage réservé jusqu'ici aux hétérosexuels—et on a vu aujourd'hui qu'elle pouvait fort bien devenir très large—on discréditerait cet idéal, cet objectif ultime de l'union des couples de même sexe.
Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?
À (1050)
M. Fred Hahn: Améliorer l'accès de divers groupes de Canadiens a seulement eu pour effet de renforcer notre société et les institutions rendues ainsi plus accessibles. Nous sommes d'avis que nous discutons aujourd'hui de l'accès des couples gais et lesbiens, et seulement eux, à l'institution du mariage. Nous pensons que cette mesure aura seulement pour effet d'aider davantage les couples gais et lesbiens qui le choisissent à exprimer leur engagement dans le cadre de cette institution. Nous pensons qu'il n'est pas question pour l'instant d'ouvrir cette institution à un autre groupe. En fait, nous savons que là où la société a décidé collectivement d'accorder l'égalité d'accès à l'institution, après avoir sondé l'opinion publique—et on sait qu'elle est massivement en faveur du mariage gai—cela a seulement eu pour effet de la renforcer.
Le président: Merci.
Monsieur Asher, très brièvement. Il y a deux autres députés qui veulent poser des questions.
M. Jeffrey Asher: Les privilèges spéciaux demandés par les homosexuels dans le cas du mariage constituent un danger de glissement. Des groupes religieux plus importants, qui sont en faveur de la polygamie, diront que leurs traditions religieuses, vieilles de centaines sinon de milliers d'années, leur donnent le droit d'avoir accès au mariage.
L'accès des homosexuels au mariage n'est pas un changement, c'est seulement un début. D'autres grandes transformations vont suivre. Dans une société démocratique, c'est évident.
Le président: Madame Jennings, pour trois minutes.
Mme Marlene Jennings: Je veux discuter d'un sujet dont il a été question à toutes les séances auxquelles j'ai assisté, à savoir que l'orientation sexuelle de certains universitaires ou scientifiques réputés, ou de personnes reconnues pour leurs connaissances, comme M. William Eskridge, donne curieusement plus de poids à leurs arguments, qu'ils soient scientifiques, empiriques ou autres.
Dans le cas de M. Eskridge, dont on parle pratiquement à chaque réunion, il s'oppose au mariage gai en faisant valoir des arguments dont certains peuvent être valables et d'autres pas—je ne vais pas me prononcer là-dessus—et on rajoute chaque fois qu'il est homosexuel. De votre côté, madame Darcy, vous venez de dire que vous étiez hétérosexuelle et que vous étiez mariée, religieusement ou civilement, et cela devait curieusement donner plus de poids à vos arguments en faveur du mariage civil de couples de même sexe.
J'aimerais en discuter. Comment l'orientation sexuelle, que ce soit l'homosexualité ou l'hétérosexualité, peut-elle d'une façon quelconque donner du poids ou de la crédibilité à un argument d'un côté ou de l'autre?
Mme Judy Darcy: Je ne pense pas que ce soit le cas, et si j'ai donné cette impression, ce n'était pas mon intention. On a dit à maintes reprises qu'accorder l'accès des couples de même sexe à l'institution du mariage était une façon de fragiliser l'institution. J'ai dit, en tant que personne mariée, croire que d'autres personnes devraient avoir les mêmes droits.
Je ne crois pas que le fait que je sois hétérosexuelle ou que je sois mariée donne plus de poids à mes arguments, mais je pense parler pour la majorité des Canadiens. Qu'ils soient mariés ou non, les Canadiens croient en majorité que tous les Canadiens, quelle que soit leur orientation sexuelle, devraient avoir accès à l'institution du mariage.
Quand moi et mon conjoint nous présentons à une cérémonie civile pour nous engager dans le mariage, nous exprimons exactement ce que les hommes et les femmes qui font partie du SCFP, les gais et les lesbiennes qui en sont membres et qui veulent se marier... nous exprimons ce qu'ils veulent exprimer, c'est-à-dire notre engagement l'un envers l'autre, notre engagement envers la collectivité, ainsi que notre désir que la collectivité et la société reconnaissent notre engagement et nous apportent leur soutien.
C'est tout simplement ce que le mariage représente. Nous croyons que tous les couples de la société ont cette possibilité. Ils peuvent choisir ou non de s'en prévaloir, tout comme les couples hétérosexuels. Ne pas leur accorder ce droit, c'est perpétuer la discrimination, et encourager la discrimination dans un aspect de la vie des gens, c'est encourager la discrimination dans tous les aspects de leur vie.
À (1055)
Le président: Merci.
Je vais donner la parole à M. Sorenson, puis de nouveau à M. O'Brien. Il nous reste quatre minutes pour les questions, et je vous demanderais donc d'être très brefs.
M. Kevin Sorenson: Monsieur Hahn, vous avez dit que vos parents étaient divorcés, et qu'on s'était alors demandé si vous pourriez fréquenter l'école catholique dans les circonstances.
Le problème de discrimination qui nous inquiète et qui pourrait survenir dans le cas des institutions religieuses n'est pas lié uniquement au fait d'interdire le mariage aux couples de même sexe, mais il se pourrait que ces personnes ne puissent plus faire partie d'un groupe religieux ou d'une Église en raison de leur union homosexuelle ou gaie.
Vous savez ce qui s'est passé en Ontario quand un jeune étudiant du secondaire a voulu inviter son ami gai à la danse de l'école. On a pourtant jugé que c'était discriminatoire, que l'école faisait preuve de discrimination à son endroit en refusant de permettre ce genre de chose dans cet établissement religieux ou cette école confessionnelle.
Approuvez-vous la décision que le tribunal a prise dans cette affaire?
M. Fred Hahn: Dans cette affaire portée devant les tribunaux, Marc Hall a fait valoir qu'il y avait un manque de logique, étant donné qu'un certain nombre de conseils scolaires catholiques et de conseils des écoles séparées de la province de l'Ontario permettent en fait aux étudiants gais et lesbiens d'inviter leurs partenaires de même sexe aux activités scolaires et aux bals de finissants. Il n'y avait pas de politique cohérente de la part du conseil scolaire dans la région de Durham. En fait, la cause est toujours devant les tribunaux.
En réalité, et c'est conforme au point de vue de notre syndicat, les gens devraient tous avoir le même accès aux activités auxquelles les étudiants, les citoyens d'un pays et nous tous au Canada avons le droit de participer.
Le président: Non, monsieur Sorenson.
Monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien: Monsieur le président, merci.
Je vais continuer de citer M. Eskridge, qui est professeur à Harvard et qui, d'après ce qu'ont dit certains témoins, serait un porte-parole influent dans le dossier du mariage gai. Je crois en fait qu'il est en faveur du mariage gai—mais c'est simplement pour rétablir ce qui a été dit, étant donné que je l'ai déjà cité et que je vais le faire encore assez souvent au cours des audiences.
Monsieur Hahn, vous avez dit qu'un changement de définition du mariage semblait obtenir très clairement la faveur du public. Je dois vous dire que, d'après ce que je vois dans ma circonscription, c'est tout à fait le contraire.
Vous faites remarquer que la seule question dont le comité est saisi aujourd'hui est celle du mariage gai, et rien d'autre. Je pense que M. Toews a fait remarquer plus tôt, avant de partir, que ce n'était pas si simple pour le comité.
Je répète ce que j'ai dit. Il serait vraiment irresponsable de la part du comité d'examiner cette grave question sans envisager dans toute la mesure du possible les répercussions que ce changement de définition pourrait entraîner. Il serait vraiment irresponsable de notre part de ne pas examiner cela, y compris la question de la polygamie.
Je veux parler de cette question avec M. Asher.
La Commission du droit du Canada a publié un rapport qui a pour titre Au-delà de la conjugalité, et dans lequel elle affirme que nous ne serons pas en mesure, en fait, de limiter la mariage à deux personnes. C'est ce qu'on dit.
William Eskridge, spécialiste et professeur à Harvard, fait valoir la même chose. Quand il parle du projet de mariage mormon, il dit qu'on fait preuve de discrimination à son endroit. Il prétend que c'est le même genre de discrimination qu'à l'égard du mariage gai.
Malheureusement pour certains députés qui ne sont pas ici et qui ont soulevé des objections à ce sujet, des chercheurs sérieux ont continué de souligner que nous ne pouvons pas nécessairement nous arrêter au mariage gai, que la polygamie est aujourd'hui souhaitée, et que c'est un phénomène bien réel.
Monsieur Asher, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Jeffrey Asher: Monsieur O'Brien, je suis tout à fait d'accord avec vous.
D'après Mme Darcy, tous les Canadiens, peu importe leur orientation sexuelle, devraient avoir accès au mariage. Cela inclut la polygamie. Il le faut. Il faudrait aussi inclure Mary Kay Letourneau, mère de quatre enfants, qui a décidé de concevoir deux enfants avec son élève âgé de 12 ou 13 ans. Ils disent s'aimer. Il a promis de l'épouser quand elle sortirait de prison. Une peine de prison ne serait-elle pas inappropriée dans son cas, étant donné que les deux approuvent la relation et ont conçu des enfants?
Je pense effectivement, monsieur, que beaucoup de modifications seraient apportées par la suite au mariage, comme abaisser l'âge du mariage pour permettre à des gens comme Mme Letourneau et son amoureux adolescent de se marier.
Á (1100)
Le président: Nous allons nous arrêter. Il est passé 11 heures.
Pour ceux qui pensent que je suis trop sévère dans l'attribution du temps, le temps est écoulé et il reste trois noms sur ma liste.
Mme Judy Darcy: J'aimerais pendre 30 secondes pour faire une mise au point, parce que j'ai été mal citée.
Le président: Il est passé 11 heures, et nous allons mettre fin à la séance parce que nous allons en commencer une autre sur le projet de loi C-250 de M. Robinson. Je pense que nous allons accueillir des représentants du ministère de la Justice. Je crois d'ailleurs qu'ils sont arrivés.
Je remercie donc les témoins d'être venus nous rencontrer, et je remercie les membres du comité de leur collaboration.
La séance est levée.