SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 20 mars 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour, chers collègues.
Nous avons le quorum. Je déclare ouverte cette réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à notre témoin, M. Lu Decheng. M. Decheng est arrivé au Canada l'année dernière en tant que réfugié. Il est vraiment très courageux. J'espère qu'il va nous raconter son histoire personnelle.
[Traduction]
M. Decheng devrait être le dernier témoin que nous entendrons dans le cadre de notre étude sur le dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne.
M. Decheng est accompagné d'un interprète. Il livrera son témoignage en mandarin, si je ne m'abuse, et il sera traduit en anglais.
[Français]
Mais vous êtes bilingue; vous pouvez donc répondre aux questions en français également, n'est-ce pas?
[Traduction]
Vous êtes bilingue, n'est-ce pas? Je m'adresse à l'interprète.
C'est bon.
Veuillez m'excuser d'avoir demandé si vous étiez bilingue. J'aurais dû vous demander si vous parlez français. À Ottawa, on peut parler six langues, mais on est quand même pas bilingue si on ne parle pas le français ou l'anglais.
Monsieur Decheng, soyez le bienvenu à cette réunion de notre comité. Nous vous remercions d'être venu et avons hâte d'entendre votre témoignage.
Bonjour, mesdames et messieurs.
Permettez-moi tout d'abord de remercier le Parlement et le Sous-comité des droits internationaux de la personne de me donner l'occasion de formuler des suggestions au sujet du dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne.
Je m'appelle Lu Decheng et j'habite Calgary. Pendant le mouvement en faveur de la démocratie en 1989, à la Place Tiananmen de Beijing, en Chine, Yu Zijian, Yu Dongyue et moi-même avons lancé des oeufs remplis de peinture à l'huile sur le portrait de Mao Zedong qui domine la Place Tiananmen. J'ai été condamné à 16 ans de prison pour cet acte, Yu Dongyue, à 20 ans et Yu Zhijian, à perpétuité. J'ai été libéré après avoir passé neuf ans en prison et, par la suite, je me suis enfui en Thaïlande.
Le gouvernement du Canada est venu à mon secours et m'a ramené au Canada l'année dernière. J'aimerais encore une fois exprimer ma reconnaissance envers le gouvernement du Canada pour être venu à mon secours et pour l'attention de plus en plus grande qu'il porte à la question des droits de la personne en Chine.
Yu Dongyue a perdu la raison par suite des tortures qu'il a subies en prison depuis 1992, mais il n'a pas été libéré pour recevoir des soins médicaux. Il a finalement été mis en liberté en février 2006, après avoir passé près de 17 ans en prison. Une des conditions fixées pour sa libération était que sa famille ne porte aucune accusation contre les responsables de la prison où il avait été maltraité. La famille a également dû déclarer que Yu Dongyue n'avait aucun problème de santé.
Voici des photos de lui prises après sa libération.
D'après mon expérience personnelle et ma connaissance de la situation des droits de la personne en Chine, je pense qu'il faut améliorer les modalités du dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne en usage depuis 10 ans.
Au cours des dernières années, le gouvernement chinois a intensifié son contrôle et la répression dans le domaine des droits démocratiques, des droits de la personne, de la liberté de la presse, de la liberté d'expression et de la liberté religieuse. En même temps, il a tout mis en oeuvre pour priver la population de son droit fondamental de s'exprimer au sujet du développement économique déséquilibré qui se poursuit en Chine et du durcissement de la dictature gouvernementale.
Yu Dongyue, maintenant atteint de maladie mentale, a finalement été libéré l'année dernière; toutefois, combien de personnes qui, condamnées à l'incarcération par suite du massacre du 4 juin croupissent toujours en prison? Il est impossible d'en connaître le nombre avec précision, parce qu'il s'agit prétendument d'un secret national, mais nous croyons qu'elles sont très nombreuses.
Et, ce qui est pire encore, c'est que des injustices sont commises tous les jours en Chine. J'ai dressé la liste des noms des personnes qui ont été emprisonnées le 4 juin 1989, après avoir été qualifiées de criminels de droit commun.
Il y a quelques années, j'ai travaillé dans une fabrique de vêtements située dans la ville de Wenzhou, dans la province de Zhejiang. J'ai fait enquête sur les conditions de vie des travailleurs à cet endroit. Les ouvriers devaient travailler 12 heures par jour pour seulement 15 yuan — le yuan est la devise chinoise. Tous les jours après le travail, ils étaient enfermés à clé dans des dortoirs miteux, séparés les uns des autres par des panneaux de bois, au dessus des ateliers qui étaient remplis de matériaux inflammables. Un chien de garde féroce, qui n'obéissait qu'à son propriétaire et aux gardiens, surveillait l'entrée de l'immeuble. Malgré ces conditions, beaucoup d'ouvriers voulaient quand même rester parce qu'au moins ils touchaient un salaire, même s'il s'agissait d'une pitance.
J'ai une étude fournie par une association de correspondants qui s'intéressent aux questions de main-d'oeuvre. L'étude porte sur les conditions de vie des travailleurs chinois. Je peux vous donner un exemple. Il s'agit d'une usine de chaussures située dans le comté de Dongguan, dans la province du Guandong, en Chine, près de Hong Kong. Les travailleurs de l'usine doivent travailler de 7 h 30 le matin à 23 h 30; deux heures seulement sont considérées comme du temps supplémentaire: le reste est considéré comme les heures normales de travail.
J'ai été profondément touché par les incidents suivants. Avant l'arrivée de l'hiver, en 2006, la Ville de Calgary a ordonné qu'un centre commercial désaffecté à l'angle de Centre Street et de la 16e Avenue ne soit pas démoli avant le printemps ou l'été suivant pour permettre à des sans-abri qui y logeaient de passer l'hiver en sécurité. Au même moment, en Chine, Xue Xianggu, un vieil homme de Yangzhou, dans la province du Jiangsu, est mort écrasé dans sa maison par suite d'une démolition forcée ordonnée par les autorités. Il y a eu quelques échos de cet incident. J'ai des exemples ici, que vous pourrez trouver aussi.
Aujourd'hui, des cas dramatiques de ce genre surviennent en grand nombre et souvent en Chine continentale.
Au moment où la liberté, la démocratie et les droits de la personne deviennent de plus en plus des valeurs universelles, le Canada, un des plus vastes territoires du monde et riche en ressources naturelles, a le devoir et est capable de jouer un rôle important. Je recommanderais donc les mesures suivantes:
Premièrement, changer la façon dont le dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne s'effectue depuis 10 ans; il est de pure forme, fermé et exclusivement intergouvernemental. Il faudrait que les ONG et les militants soucieux d'améliorer la situation bilatérale des droits de la personne aient le droit de participer aux entretiens, qui devraient être ouverts à la population.
Deuxièmement, sur une base individuelle et avec une détermination persistante, exhorter les partis à améliorer progressivement la situation bilatérale des droits de la personne.
Troisièmement, à intervalles réguliers, organiser des missions d'enquête sur la situation des droits de la personne en Chine qui s'y rendront pour examiner les progrès réalisés dans ce domaine.
Enfin, mettre sur pied un mécanisme global de collaboration avec les groupes de défense des droits de la personne de tous les milieux pour créer un réseau social de défense des droits.
Une Chine dictatoriale, tyrannique et puissante est une catastrophe pour le monde. Une Chine démocratique qui respecte les droits de la personne et la primauté du droit est non seulement une bénédiction pour le peuple chinois mais garantit également le développement pacifique du monde. Je suis encouragé de voir que l'actuel gouvernement canadien se préoccupe davantage des droits de l'homme en Chine et explore des façons plus efficaces de favoriser la progression des droits dans ce pays.
J'espère sincèrement que cet élan se poursuivra.
Merci.
Monsieur beaucoup, monsieur Decheng.
[Français]
Nous allons commencer la période de questions avec Mme St-Hilaire, afin que M. Silva puisse avoir l'occasion de se familiariser avec le témoignage de M. Decheng.
Je passe donc la parole à Mme St-Hilaire.
Merci, monsieur le président.
Je pense que c'est enrichissant pour les membres du comité d'entendre votre témoignage ce matin. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue au comité.
Je pense avoir mal entendu. Vous avez proposé en fait quatre moyens de revaloriser le dialogue avec la Chine. J'aimerais vous entendre à nouveau parce que j'en ai manqué quelques-uns. C'est ma première question.
Ma deuxième question est peut-être plus large. Vous êtes avant tout un Chinois, si je ne me trompe pas. Selon vous, qu'est-ce qui ferait bouger les autorités chinoises afin que les droits humains soient respectés? Vous avez nommé des façons de reprendre le dialogue, de valoriser le dialogue bilatéral avec la Chine. Qu'est-ce qui ferait bouger les autorités chinoises? Le dialogue est une réalité depuis longtemps, avec ses lacunes et ses faiblesses. Pensez-vous qu'il y a une façon pour nous de faire bouger les autorités chinoises?
Encore une fois, merci.
[Traduction]
Les suggestions que je vient de faire répondent indirectement à votre question. J'aimerais les répéter.
Les quatre recommandations sont les suivantes: Premièrement, changer la façon dont le dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne s'effectue depuis 10 ans; il est de pure forme, fermé et exclusivement intergouvernemental. Il faudrait que les ONG et les militants soucieux d'améliorer la situation bilatérale des droits de la personne aient le droit de participer aux entretiens, qui devraient être ouverts à la population.
Deuxièmement, sur une base individuelle et avec une détermination persistante, exhorter les partis à améliorer progressivement la situation bilatérale des droits de la personne.
Troisièmement, à intervalles réguliers, organiser des missions d'enquête sur la situation des droits de la personne en Chine qui s'y rendront pour examiner les progrès réalisés dans ce domaine.
Enfin, mettre en place un mécanisme global de collaboration avec les groupes de défense des droits de la personne de tous les milieux pour créer un réseau social de défense des droits.
Je pourrais faire d'autres suggestions si j'ai le temps. Je peux vous les remettre par écrit plus tard. Nous pourrons en discuter plus en détail.
[Français]
Je pense en effet qu'il serait intéressant d'entendre vos autres suggestions. Vous parlez de modifier le dialogue pour qu'il soit ouvert à tous, et je pense que c'est la volonté du comité et des ONG. Cependant, on entend dire de l'autre côté que même s'il était ouvert, ça ne changerait rien parce que les personnes qui participent actuellement à ce dialogue sont des fonctionnaires, et non des autorités haut placées.
Si on ouvrait le dialogue et qu'on le rendait davantage public, le message se rendrait-il jusqu'en haut? Est-ce que ça contribuerait concrètement à modifier la façon dont les droits de la personne sont traités en Chine?
[Traduction]
Vu le peu de temps dont nous disposons aujourd'hui et vu que d'autres députés voudraient poser des questions, puis-je proposer que l'on discute de mes autres suggestions une autre fois?
C'est une bonne idée, parce que cette série de questions est terminée.
S'il est prêt, je donne la parole à M. Silva.
Merci, monsieur le président.
Je veux remercier le témoin de sa présence. Je suis très impressionné par le bilan de votre action en faveur des droits de la personne. Vous recevoir est un honneur pour nous et je vous félicite de votre promotion courageuse des droits de la personne en Chine, au fil des ans.
Je voudrais vous poser une question au sujet de la situation sur le terrain. Cela est très important quand nous discutons de la nécessité d'élargir le dialogue, non seulement avec le gouvernement chinois mais aussi avec la population chinoise et les organisations non gouvernementales qui existent sur le terrain.
Pouvez-vous nous donner une évaluation? Ces organisations prennent-elles de l'expansion? Savez-vous si elles se multiplient en Chine? Quelles pressions subissent-elles quotidiennement? Peuvent-elles nous aider à favoriser ce dialogue avec la Chine, ou est-ce que le gouvernement les empêche d'agir ouvertement?
Merci de cette question très intéressante.
Que je sache, il y a plus de 200 organisations de défense de la démocratie à l'extérieur de la Chine qui s'emploient à faire progresser les droits de la personne dans le pays. Il faut je pense que les pays occidentaux comprennent mieux la Chine, plus profondément, parce que nous avons besoin d'aide et de soutien d'amis ici et d'autres pays pour améliorer la situation des droits de la personne en Chine.
Par exemple, un journaliste dissident de Hong Kong, qui s'appelle Ching Cheong, a été condamné par le gouvernement à cinq années de prison grâce aux pressions exercées par d'autres pays, des pays occidentaux, alors qu'un autre, appelé Lu Jianhua, a été condamné à 20 ans, en secret. Personne n'a donc été au courant. En l'absence de pressions, sa peine a été beaucoup plus lourde.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de comparaître ici aujourd'hui.
Tout à l'heure, vous avez parlé des conditions de travail en Chine et du fait que les ouvriers travaillent de 7 h 30 à 23 h 30, ce qui représente une journée de 16 heures et une semaine de 96 heures de travail. Dans la plupart des sociétés organisées, il y a au moins un semblant de code et de règles du travail. Même Haïti limite la journée de travail à huit heures.
Le gouvernement a-t-il des restrictions ou des règles au sujet du nombre d'heures de travail normalisées par jour, surtout si on considère que l'on traite internationalement d'un très grand niveau de fabrication et de compétitivité?
Il y avait aussi le sentiment que quand on a introduit la semaine de travail de six jours et de 48 heures en Amérique du Nord et en Europe, la courbe d'efficacité était sans doute l'une des principales raisons de la restriction des heures de travail des ouvriers. Il est clairement plus efficace d'avoir des ouvriers qui ne sont pas épuisés pour avoir travaillé toute la journée.
Pourriez-vous nous parler des règles ou de la législation ouvrière? Est-ce quelque chose au sujet de quoi le Canada pourrait avoir des suggestions, si nous rivalisons dans cette économie mondiale, pour qu'il y ait une certaine conformité ou adhésion?
En 1998, le Chine a adhéré au Pacte international de l'ONU relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international de l'ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels.
En Chine, il y a beaucoup de lois et de règlements. Par exemple, au tout début de la Constitution, il est dit que la loi est au bénéfice du peuple chinois. Dans le chapitre premier, il est dit aussi que chaque citoyen du pays jouit de la liberté d'expression, de publication, de rassemblement, de regroupement et de manifestation — toutes ces libertés — mais elles ne sont pas appliquées dans la pratique.
Reconnaissant cela, et étant entendu que la plupart des sociétés organisées ont des règles et des lois, qu'elles les suivent ou pas, c'est une toute autre chose. Quelle est votre suggestion? Est-ce quelque chose qu'il faudrait faire connaître davantage?
L'information que nous lisons à propos de la Chine et de sa puissance économique et de son économie en plein essor est relative à 120 $ par mois pour un ouvrier d'usine... C'est une des raisons de sa compétitivité. Mais il est très peu question de la semaine de travail de 96 heures. Peut-être est-ce dans la Constitution chinoise, mais y a-t-il y a des organisations internationales du travail, ou quelque chose que le Canada puisse faire?
Nous voulons exporter la feuille d'érable, sur notre drapeau, mais ne devrions-nous pas aussi être au courant des violations extrêmes des lois du travail? Bien honnêtement, cela va à l'encontre de toute décence dans les droits de la personne, mais si vous voulez regarder cela sous l'angle matérialiste, cela va aussi à l'encontre de toutes les formes de compétition normale. Y a-t-il donc quelque chose que nous pouvons faire du point de vue du commerce international pour amplifier ceci et au moins le signaler pour que ce ne soit pas oublié?
Mais avez-vous de véritables suggestions sur la façon dont on pourrait orchestrer ceci? Quel genre d'endroit, de plate-forme, ou de niveau devrait servir à notre énonciation de ceci?
J'ai suggéré d'organiser des missions d'enquête qui se rendraient en Chine pour constater de visu la situation dans les usines. Après quoi, il serait possible de prendre des décisions ou d'adopter des résolutions.
À titre d'information, pour éviter le problème de perception, un certain nombre de compagnies occidentales qui passent des marchés avec des usines chinoises embauchent des consultants pour inspecter les usines pour s'assurer qu'elles observent les pratiques de travail minimalement acceptables. Mais il y a souvent de fausses pièces à l'avant des usines, et dès que les consultants se présentent pour voir ce qui se passe, des centaines de gens s'enfuient par la porte de derrière. Ce n'est pas un travail facile.
Monsieur Goldring, je pense qu'une chose que nous pouvons tous faire au Canada, c'est de regarder les étiquettes pour voir où sont fabriqués les vêtements que nous achetons et porter un jugement moral nous-mêmes quant à savoir si nous voulons contribuer à ce genre d'exploitation.
Monsieur Marston.
Merci, monsieur le président.
Je remercie notre invité d'être venu aujourd'hui.
En 1996, j'ai mené la plus grande manifestation civile de l'histoire du pays, qui a rassemblé 105 000 personnes, un nombre considérable, dans les rues de Hamilton. À ce moment-là, nous avons souvent pensé à ce qui s'était passé sur la place Tiananmen elle-même, nous en avons discuté et aussi de la différence dans la manière dont nous pouvions protester ici, les pénalités et les coûts. Je dois dire que j'ai un grand respect pour ceux qui ont vécu cette période. Je veux que vous sachiez que d'autres pensaient à vous.
Aujourd'hui, vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence des besoins des autres en Chine, et d'autres personnes auraient pu venir ici pour discuter de leur passé personnel et de leurs épreuves personnelles. Je vous respecte beaucoup pour l'avoir fait de la manière dont vous l'avez fait aujourd'hui.
C'était contre le gouvernement provincial conservateur de Mike Harris.
Une amie à moi, qui est à Hong Kong mais qui se rend en Chine clandestinement et qui conseille les syndicats de ce pays qui essaient de se constituer, m'a dit qu'elle pense que certaines choses sont en train de changer, de s'améliorer, et qu'il y a de l'optimisme là-bas et qu'on pense, parce que les dirigeants se font vieux, que dans un délai raisonnable, des changements naturels vont se produire.
Elle m'a dit que le bol de riz de fer est maintenant disparu et que pour cette raison les gens dans les zones urbaines sont en bien meilleure situation que les habitants des campagnes. Pensez-vous que cela pourrait engendrer une certaine forme de protestation importante dans ce pays?
Il existe une impression bien ancrée que la situation des droits de la personne en Chine s'améliore. Si vous vérifiez dans des médias libres, à l'extérieur de la Chine, vous constaterez qu'elle ne s'améliore pas; au contraire, elle empire.
Par exemple, il y a toujours des restrictions sur l'Internet en Chine. Il est interdit de créer des associations libres ou d'organiser des activités, même si elles n'ont pas pour but de contester le gouvernement, même s'il ne s'agit que de personnes qui veulent se rassembler pour faire quelque chose.
Si vous voulez la voir, j'ai une longue liste d'associations qui ont été écrasées par le gouvernement.
J'ai été heureux de vous entendre parler des ONG et d'autres pays aux vues semblables qui s'unissent. J'avais suggéré au comité d'inclure les organisations du travail dans ce groupe et que le dialogue présente un rapport au Comité. Plus tôt, dans des propos que j'ai entendus, on a dit que le dialogue qui se tient était beaucoup trop caché de la population et qu'on le mettant sur la carte en le tenant devant un comité public pourrait servir énormément à changer la situation.
Une seule, peut-être.
Je tiens à vous remercier d'être venu ici, de nous avoir parlé de votre expérience et d'avoir témoigné.
Je ne suis pas sûr que le témoin pourra répondre à la question que je vais poser, mais elle est reliée à la mise en place il y a environ trois ans maintenant d'un projet d'aide juridique et de services de proximité Canada-Chine. Je crois savoir qu'il y a désormais des centres témoins d'aide juridique dans quatre provinces chinoises. Je me demande si le témoin a des renseignements — je ne m'attends pas à ce qu'il en ait fait l'expérience — à propos de ce que font ces centres d'aide juridique pour aider la population à avoir accès à la justice.
Je regrette de ne rien savoir de précis à ce sujet, mais je sais que la Chine a reçu beaucoup d'aide ou d'assistance dans les domaines de l'aide juridique, de la culture et de l'économie des gouvernements occidentaux, y compris du Canada.
Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions.
Je veux partager mon temps de parole avec mon collègue.
Merci beaucoup d'être venu, monsieur.
Je me suis rendu en Chine, dans sept villes et dans différentes provinces. La Chine grandit, mais il est aussi désolant de savoir qu'il y a des atteintes aux droits de la personne.
Ma question est la suivante. À l'extérieur de l'ONU et d'autres organisations, y a-t-il quelqu'un comme vous — vous êtes ici devant le comité — qui communique avec les pays avec lesquels la Chine commerce ou entretient d'autres liens, quels qu'ils soient, comme le Pakistan, l'Inde et d'autres régions du monde? Malheureusement, certains autres pays avec lesquels la Chine a des relations n'ont pas d'antécédents étincelants en matière de droits de la personne, mais y a-t-il une autre façon selon vous, d'exercer de l'influence sur la Chine pour qu'elle agisse dans le dossier dont nous avons parlé?
Je pense qu'il y a de l'influence quand la Chine traite avec d'autres pays. Ce que je pense, c'est que nous devons changer notre façon de voir. La Chine — j'entends par là le gouvernement chinois — régente tout dans le domaine de la liberté ou des droits de l'homme. Il s'en sert pour rester au pouvoir.
Par exemple, à la fin des années 70, quand Deng Xiaoping a entrepris la réforme de l'économie et ouvert la Chine au monde extérieur, les gens pensaient que la Chine s'ouvrait et devenait plus civilisée mais c'était en fait une façon pour lui de conserver son pouvoir ou sa dictature. Ce n'était en rien différent de ce qu'avait fait Mao.
À propos du droit, vous avez dit que le Canada offre de l'aide pour les questions de droit. Or, c'est justement le droit que l'on semble ne pas respecter. Comment en fait peut-on encourager un autre pays à faire respecter son droit.
J'ai vu que la Chine a ratifié plusieurs conventions des Nations Unies. Est-ce que ce n'est pas là un rôle, ou les Nations Unies jouent-elles un rôle à ce sujet, étant donné le baromètre qu'a l'organisation pour mesurer la performance des pays et institutions en matière de droits, droit du travail ou justice? Est-ce un rôle que pourraient jouer les Nations Unies, en évaluant annuellement dans quelle mesure différents pays respectent les conventions dont ils sont signataires? Est-ce que les Nations Unies auraient un rôle à jouer? Est-ce qu'elles le font actuellement?
C'est une question plus compliquée parce que la Chine est membre du Conseil de sécurité de l'ONU où elle a un pouvoir de veto. Par exemple, dans le cas de sécession de Taïwan, si Taïwan veut devenir membre des Nations Unies, ou si le Japon veut être membre du Conseil de sécurité aux Nations Unies, la Chine peut apposer son veto. Je sais toutefois que les Nations Unies peuvent faire quelque chose.
[Français]
Je ne veux pas vous mettre dans une situation embarrassante. Peut-être ne pourrez-vous pas répondre, tout simplement.
Est-ce que le Canada devrait aller jusqu'à un boycott des produits qui entravent les règles commerciales, mais surtout les règles de respect des droits de la personne?
[Traduction]
J'aimerais donner mon avis personnel. Cela peut sembler une question simple mais c'est au contraire très complexe.
Il devrait y avoir dans une telle situation un choix à faire entre les responsabilités et les avantages économiques. Les intérêts économiques du Canada pourraient en effet souffrir d'un boycott de toutes les importations venant de Chine ou des importations de certains produits venant de la Chine. L'idéal serait évidemment que nous puissions importer des produits de Chine alors que la situation des droits de la personne s'améliore dans ce pays.
Merci.
Si vous permettez, monsieur Decheng, j'aurais également une ou deux questions à vous poser rapidement.
Quand vous étiez en prison en Chine, était-ce dans un camp Laoga?
Ou des camps d'éducation de la main-d'oeuvre. Même si les noms varient, c'est essentiellement la même chose, les prisonniers sont très mal traités et privés de leurs droits fondamentaux. Mais j'étais pour ma part dans une prison.
Avez-vous jamais été victime de peines corporelles? Avez-vous déjà été torturé ou physiquement agressé?
Je puis vous donner un exemple. J'ai passé neuf ans en prison. L'eau que nous buvions n'était pas filtrée et j'ai attrapé des calculs rénaux. À l'hôpital, le docteur a été choqué de voir combien ces calculs étaient durs. Ils étaient très difficiles à retirer.
Mais votre ami et collègue YuDongyue a souffert de traumatisme post-emprisonnement. À quoi attribuez-vous cela?
Le cas de YuDongyue est un cas parmi beaucoup d'autres.
En 1991, Yu Dongyue a été torturé, mentalement et physiquement, par les gardes de prison et c'est ainsi qu'il a craqué. Ce n'est qu'après 14 ans en prison qu'il a été relâché suite aux pressions exercées par le monde extérieur.
À votre connaissance, certains des jeunes qui ont manifesté avec vous à Tiananmen Square ont-ils été tués?
Oui. Il y a une personne qui était en prison avec moi et qui a été exécutée. Juste avant son exécution, ce matin-là, nous sommes allés au toilettes et l'on nous a mis à tous les deux des menottes si bien que nous avons dû chacun reboutonner le pantalon de l'autre.
Repenser à cela m'attriste beaucoup. Il s'appelait Luo Hongjun.
À votre connaissance, le gouvernement chinois a-t-il jamais reconnu que des étudiants sont morts, que des étudiants ont été tués après Tiananmen Square?
On entend diverses versions au sujet des victimes de ce mouvement. Dès le début, Yu Anmu, qui était un fonctionnaire, a nié qu'il y avait eu des morts puis, nous avons entendu dire, que certains avaient été tués et après, on a parlé de quelques dizaines de personnes.
Il a donc eu différentes versions parce que les pressions venant du monde extérieur étaient très fortes. Je crois toutefois que ces chiffres sont loin d'être vrais et que personne ne connaît la vérité.
J'aurais une dernière question.
Vous avez parlé de pressions du monde extérieur qui dans certains cas ont donné des résultats, notamment dans votre cas. Ma question a deux volets. D'une part, pensez-vous que si la population chinoise avait le choix, elle choisirait d'être gouvernée par le Parti communiste?
Deuxièmement, pensez-vous que ceux qui soutiennent une réforme démocratique en Chine soient encouragés et motivés par des gouvernements étrangers comme le Canada qui se préoccupe des questions de droits de la personne en Chine? Pensez-vous que cela aide les forces de réforme, lorsque des pays comme le Canada expriment publiquement qu'ils s'inquiètent de la situation des droits de la personne?
Pour répondre à votre première question, la population chinoise est en fait forcée d'accepter la direction du Chinese Community Party. Elle n'a pas le choix.
Deuxièmement, après 1989, après le 4 juin, c'est le Japon qui le premier a renoncé à ses sanctions contre la Chine. Autrement dit, si aucun pays n'avait fait de compromis, est-ce que la situation des droits de la personne en Chine serait meilleure?
D'accord.
Eh bien, merci encore beaucoup et merci à votre interprète.
Nous allons lever la séance pour conclure cette partie de notre réunion. Nous siégerons ensuite à huis clos et j'inviterai donc ceux qui ne sont pas membres du comité ou qui ne font pas partie du personnel des membres du comité à bien vouloir quitter la salle.
Merci infiniment à tous.
[Les délibérations se poursuivent à huis clos]