:
La séance est ouverte. Je pense que nous avons le quorum. J’en vois un en tout cas — à moins que l’un d’entre vous ne me contredise.
Bonjour et bienvenue à cette séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous poursuivons ce matin notre étude du dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne et des questions qui y sont liées.
Nous accueillons ce matin
[Français]
Mme Adèle Dion, directrice générale de la Direction générale de la sécurité humaine et des droits de l'homme au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et M. Gordon Houlden, directeur général de la Direction générale de l'Asie orientale.
[Traduction]
Nous entendrons également les représentants de l’ACDI: Hau Sing Tse, vice-président de la Direction générale de l’Asie et Jeff Nankivell, directeur du Programme de la Chine et de l’Asie du Nord-Est.
J’imagine que tous les témoins sont bien au fait du contexte de notre étude, qui se poursuit depuis quelques semaines. Jusqu’à présent, nous avons rencontré un certain nombre de représentants d’ONG, d’universités et d’autres organismes concernés qui se sont exprimés sur l’efficacité du dialogue Canada-Chine sur les droits de la personne. Dans le cadre de cette étude, évidemment, nous ne nous sommes pas seulement penchés sur le dialogue; la situation réelle des droits de la personne en Chine a été abordée à maintes reprises. Je crois que le comité voulait entendre des représentants, issus de deux des ministères concernés, parler de la position et des programmes ministériels, en tout cas en ce qui concerne l’ACDI.
Nous vous souhaitons donc la bienvenue et nous avons hâte d’entendre vos exposés, qui seront suivis d’une période de questions.
Commençons avec nos invités du MAECI.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, madame et messieurs les députés. Je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole aujourd’hui au nom du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Ma collègue Mme Adèle Dion peut parler directement du Comité mixte Canada-Chine des droits de la personne et sur les engagements multilatéraux canadiens en matière de droits de la personne avec la Chine. M. Hau Sing Tse discutera de la coopération technique du Canada avec la Chine dans le même domaine. Pour ma part, je vous entretiendrai plus généralement des engagements bilatéraux canadiens en matière de droits de la personne avec la Chine.
Je vais commencer par la situation actuelle des droits de la personne en Chine. Le présent sous-comité a entendu les témoignages de nombreux témoins portant sur les violations des droits de la personne en Chine, dont la répression des droits des minorités et de la liberté de religion, la détention et l’emprisonnement arbitraires et la restriction de la liberté d’expression. Nous partageons les profondes inquiétudes exprimées par ces témoins.
Nous reconnaissons que les libertés économiques se sont améliorées en Chine au cours des quelque 20 dernières années de réforme, mais les violations constantes des droits civils et politiques constituent un problème capital. Bien qu’elles ne s’y limitent pas, nos principales préoccupations portent sur les restrictions des libertés d’expression, d’association et de pratiques religieuses ou spirituelles, le mépris de la primauté du droit et le manque de transparence des actions en justices, la détention arbitraire et le traitement des prisonniers politiques, la répression des minorités ethniques, particulièrement au Tibet et au Xinjiang, la violence et la torture policières, la persécution et la poursuite judiciaire des défenseurs des droits de la personne, la répression de la liberté de la presse ainsi que l’intimidation et la détention de journalistes, l’interdiction permanente de syndicats indépendants et les mauvais traitements infligés aux militants syndicaux, le manque de respect des normes internationales en matière de consentement libre et éclairé dans le domaine de la transplantation d’organes prélevés sur les prisonniers exécutés, la non-ratification des conventions internationales sur les droits de la personne et les réserves formulées à l’égard de celles-ci, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la discrimination exercée contre les personnes vivant avec le VIH-sida.
Comme le mentionne le discours du Trône, la promotion des valeurs canadiennes, par exemple la démocratie et les droits de la personne, constitue un objectif important de notre gouvernement. En qualité de hauts fonctionnaires, nous nous employons à mettre en œuvre cette politique. Les droits de la personne ne font pas seulement partie des valeurs et principes canadiens fondamentaux, mais ils sont également enchâssés dans les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme, dont certains ont été signés par la Chine. C’est dans ce contexte que nous essayons d’encourager la Chine à déployer des efforts en vue d’apporter des améliorations concrètes sur le terrain.
Nous entretenons des relations étroites avec la Chine et cherchons à défendre tous les intérêts canadiens, y compris le commerce, l’investissement, la santé, la sécurité, les droits de la personne et d’autres questions multilatérales. Le dialogue avec la Chine constitue le meilleur moyen de défendre nos divers intérêts et une approche compatible avec celle d’autres pays ayant des vues similaires.
Plus nous dialoguons avec la Chine sur tous les fronts dans le cadre d’une relation étroite, mieux nous serons en mesure de défendre vigoureusement les droits de la personne. Sans dialogue, nous perdons la possibilité de communiquer et les moyens de plaider pour l’amélioration des droits de la personne.
Nous disposons d’un vaste éventail d’outils pour faire la promotion des droits de la personne auprès de la Chine. Ceux-ci vont des déclarations publiques aux pressions diplomatiques officielles (notes et démarches) en passant par les réunions privées entre gouvernements à tous les niveaux. Pour chaque situation, nous évaluons quel outil s’avère le plus efficace pour maximiser les retombées positives. En utilisant ces outils, nous exprimons des préoccupations tant sur les aspects systématiques que sur les cas individuels qui sont portés à notre attention par les citoyens et les ONG du Canada.
Nous avons pour but d’améliorer sans cesse l’efficacité de nos activités de sensibilisation afin de maximiser les retombées positives. Nous évaluons et réévaluons constamment notre stratégie en fonction de la contribution de la société civile et des consultations tenues avec les pays et les institutions multilatérales ayant des vues similaires. En d’autres mots, notre stratégie en matière de défense des droits de la personne n’est ni définitive ni une solution unique pour toutes les situations.
Notre réaction à l’incident de la fusillade par les gardes-frontières chinois d’un groupe de Tibétains non armés tentant de franchir la frontière sino-népalaise constitue un exemple récent où nous avons eu recours à divers outils dans le but de défendre les droits de la personne. Nous avons exercé des pressions diplomatiques officielles tant à Ottawa qu’à Beijing et notre ministre a fait une déclaration publique ferme à la Chambre des communes condamnant la fusillade non provoquée de civils non armés. Nous continuons à nous occuper de la question du bien-être des enfants et du lieu où ils ont été détenus pendant l’incident et à faire le suivi auprès du gouvernement chinois dans le but d’obtenir des renseignements.
Une autre affaire qui nous préoccupe est la détention de l’un de nos propres citoyens en Chine et les efforts continus que nous déployons en vue de nous assurer et d’assurer sa famille qu’il est en santé et que ses droits sont respectés. Comme le premier ministre l’a dit: « Quand il s’agit du cas particulier d’un citoyen canadien qui a été maltraité, nous avons une obligation morale absolue de le défendre et d’exprimer notre opinion ».
Nous employons également divers outils afin de souligner des sujets particuliers de préoccupations que des citoyens et des ONG du Canada ont portés à notre attention. Nous évoquons les cas qui concernent les minorités ethniques, les militants syndicaux et pro-démocratie, les prisonniers d’opinion, les avocats, les journalistes, les cyberdissidents et ceux qui ont des liens directs avec une famille canadienne.
Le risque que les mesures que nous déployons pour défendre un cas individuel aient des répercussions négatives nous préoccupe au plus haut point. C’est pourquoi, lorsque nous prenons de telles mesures, nous le faisons en étroite consultation avec ceux qui nous ont fait part du cas en question. Nous surveillons également l’évolution de la situation de chaque cas, qu’elle soit positive ou négative. À notre connaissance, aucun des cas que nous avons soulevés n’a souffert de nos actions.
Quelle est l’efficacité de nos démarches? C’est la question que nous nous posons constamment afin d’évaluer les progrès que nous avons accomplis. La mesure et l’attribution des résultats sont difficiles à effectuer pour tous les pays ayant des vues similaires. En outre, il est difficile pour un seul pays d’avoir une influence systématique importante. C’est pourquoi, à chaque occasion, le Canada coordonne avec des pays aux vues similaires des actions axées sur les questions systématiques et les principaux sujets de préoccupation.
En fait, nous avons constaté des améliorations dans certains des cas que nous avons soulevés. Certains prisonniers au Canada et dans des pays partageant nos vues ont été libérés plus tôt et d’autres ont eu droit à un meilleur traitement en prison. Par exemple, le droit de visite de la famille d’un prisonnier politique chinois a récemment été rétabli peu de temps après que le Canada a envoyé une note diplomatique au gouvernement chinois lui demandant notamment de régler ce problème.
Toutefois, nous ne sommes pas du tout satisfaits de l’importance que la Chine a accordé aux questions que le Canada et la communauté internationale ont soulevées. Les violations des droits de la personne demeurent une réalité pour de nombreux Chinois. Nous nous employons à trouver des façons de maximiser l’efficacité des efforts que nous déployons dans le but d’améliorer concrètement les droits de la personne en Chine. C’est un défi pour nous, mais un défi que nous acceptons volontiers, parce que c’est la bonne chose à faire.
Merci.
[Traduction]
Je remercie le sous-comité de m’avoir invitée aujourd’hui à parler des relations bilatérales du Canada en matière de droits de la personne. Comme l’a indiqué mon collègue plus tôt, je parlerai plus particulièrement du dialogue Canada-Chine, qui est connu sous le nom de comité mixte des droits de la personne.
Pour commencer, je vais faire un bref historique de la question. Le dialogue a été engagé en 1997, il y a neuf ans, comme solution de remplacement au coparrainage de la résolution annuelle sur la situation des droits de la personne en Chine qui était présentée à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies. Les parties canadiennes et chinoises ont convenu que l’ordre du jour serait négocié au préalable et que les discussions se feraient en privé dans un esprit de respect et de compréhension mutuels, ce qui signifie: pas de diplomatie du mégaphone.
Il a été convenu qu’il serait avantageux que les universités, les ministères nationaux et les organismes de la société civile participent aux discussions. En plus de celles-ci, chaque session comprend habituellement une prétendue visite des lieux, par exemple la visite d’une capitale régionale de province, d’un centre de formation ou d’un établissement correctionnel, selon les sujets discutés. Parmi les sites visités en Chine dans le passé, on compte le Tibet, le Hunan et le Xinjiang-Ouïgour.
Le dialogue a été entamé dans le cadre de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cela dit, la Chine a ratifié plusieurs des principales conventions des droits de l’homme, par exemple la Convention contre la torture, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits de l’enfant. Bien qu’elle ait également signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, elle ne l’a pas encore ratifié, mais elle s’apprête à le faire et le Canada appuie ces efforts.
À mesure que le dialogue a évolué, nous avons davantage insisté sur l’adoption de normes internationales. Le Canada et d’autres interlocuteurs occidentaux ont activement encouragé la Chine à signer, ratifier et mettre en place des instruments internationaux de défense des droits de la personne et à permettre des visites sur son territoire par les divers observateurs des Nations Unies chargés de veiller au respect des droits de l’homme, comme le Rapporteur spécial sur la torture.
Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire s’est rendu en Chine à deux reprises, une fois en 1997 et à nouveau en 2005 — le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation et le Rapporteur spécial sur la torture qui y était en 2005. En principe, la Chine a accepté d’autres visites, dont celle du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction et celle de l’Expert indépendant sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté.
Je dois également mentionner que le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’est rendu deux fois en Chine: soit Mary Robinson en 1998 et, plus récemment, Louise Arbour en 2005. Cette dernière visite a débouché sur un accord visant à régulariser la poursuite du programme de coopération technique entre la Chine et le Haut Commissariat, dont l’objectif est de faciliter la ratification par la Chine du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que la mise en œuvre des recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies.
Je devrais peut-être aborder brièvement l’évaluation de la commission que le ministère a entreprise en 2005. Affaires étrangères Canada, d’autres ministères partenaires et tous les membres de chaque délégation qui participe au dialogue bilatéral s’engagent à évaluer chaque série de rencontres. En outre, en 2005, un universitaire indépendant a été chargé d’effectuer un examen en vue d’évaluer l’ensemble du dialogue et de cerner les points à améliorer. Affaires étrangères, je crois qu’on l’a déjà mentionné, est d’accord avec de nombreuses conclusions du rapport, et ce dernier a été publié par souci de transparence. L’idée était que nous partageons tous l’objectif commun d’améliorer la situation des droits de la personne en Chine.
Lors de nos discussions avec le gouvernement de la Chine, nous avons exprimé nos préoccupations concernant la dernière série de rencontres, comme nous l’avions fait les années précédentes. C’est une partie du processus d’engagement continu avec les ministères chinois. Le ministère des Affaires étrangères de la Chine, ainsi que d’autres partenaires chinois, ont convenu de l’importance d’entreprendre des réformes. Nous travaillons actuellement à l’élaboration d’une série de projets de réformes constructives fondés sur les conclusions de cette évaluation commandée et d’autres recommandations formulées par la société civile, des ONG et des agents du ministère. Dès qu’un ensemble de mesures aura été adopté, nous demanderons conseil aux ministres sur la façon de procéder.
Je devrais aussi vous parler de certaines des recommandations que nous avons reçues de nos partenaires des organisations non gouvernementales, dont de nombreuses vous ont déjà été présentées, je crois, comme la collaboration avec d’autres pays qui maintiennent un dialogue sur les droits de la personne avec la Chine. Nous entretenons systématiquement des rapports avec d’autres pays occidentaux qui poursuivent un dialogue bilatéral avec la Chine sur les droits de la personne. Nous partageons avec eux des renseignements, des méthodes de travail et des pratiques exemplaires.
Il a aussi été recommandé d’accroître la participation des ONG au dialogue, et nous sommes d’accord. Nous aimerions que la société civile participe davantage. La Chine s’est montrée ouverte à cette proposition. Les années passées, des universitaires et des ONG étaient présents, dont Droits et Démocratie, Amnistie Internationale, la Fédération nationale des femmes de Chine, le Congrès du travail du Canada, l’Association des femmes de l’Asie du Sud, le Conseil canadien pour les réfugiés et la Fondation canadienne des relations raciales.
La participation d’ONG indépendantes a été instaurée en 2004 à Beijing à l’occasion d’une table ronde sur le VIH-sida avec des ONG chinoises. En 2005, le dialogue a eu lieu au Canada et la délégation chinoise officielle a accepté de rencontrer des ONG canadiennes, entre autres lors d’une table ronde organisée par Droits et Démocratie sur le partenariat entre le gouvernement du Canada et les partenaires non gouvernementaux. Nous aimerions aller de l’avant en nous appuyant sur ce type de progrès.
Une autre recommandation porte sur la rétroaction à la société civile. Nous tentons vraiment de maintenir ouverte la communication avec la société civile au sujet des activités et des discussions que nous menons. Des consultations par téléconférence se tiennent avant et après les dialogues. Avant, les agents communiquent l’ordre du jour prévu et invitent les participants à faire part de leurs commentaires, de leurs préoccupations et de leurs priorités en ce qui concerne le respect des droits de la personne en Chine. Les agents intègrent ces éléments aux représentations et aux discussions qui se produisent dans le cadre du dialogue. De la même façon, après celui-ci, nous faisons un compte rendu dans le but d’informer nos partenaires de la société civile des activités et des discussions qui ont eu lieu ainsi que de l’engagement qu’a pris le gouvernement chinois.
En ce qui a trait à la présence d’autres ministères qu’Affaires étrangères à la table, nous convenons que ceux qui sont chargés d’appliquer des normes en matière de défense des droits de la personne devraient non seulement s’y trouver, mais aussi participer activement à la détermination des questions qui requièrent la plus grande attention. Un des principaux objectifs du dialogue consiste à diffuser davantage le savoir, les méthodes et les idées dans les ministères d’attache des participants et d’intervenir davantage après avoir reçu ces informations. Nous pensons que nous avons accompli d’énormes progrès à cet égard au cours des dernières années. L’an passé, quelque cinq ministères et organismes chinois étaient présents. Du côté canadien, nous étions entourés de divers ministères à l’appui de notre approche pangouvernementale.
Quant à la recommandation selon laquelle des objectifs doivent être fixés et des critères utilisés, nous sommes d’accord que des objectifs et des critères concrets sont nécessaires pour établir des buts prédéfinis et adoptés d’un commun accord et pour mesurer les progrès accomplis. Mais il importe d’établir des critères qui sont mesurables. Évidemment, pour y parvenir, il faut s’entendre avec la partie chinoise sur les résultats visés.
Une autre recommandation clé porte sur l’importance de la participation de hauts fonctionnaires. Les participants au dialogue bilatéral se trouvent au niveau supérieur de l’échelle. Les réunions sont habituellement ouvertes par les directeurs généraux ou les sous-ministres adjoints du pays hôte. On a mutuellement convenu que ce niveau était le plus efficace pour discuter en profondeur des questions et problèmes techniques et pratiques.
Mon collègue a déjà mentionné la prochaine recommandation, soit de réévaluer la présentation des listes de prisonniers devant le Comité mixte des droits de la personne (CMDP), car en attirant l’attention sur certains prisonniers, leur sécurité et leur santé peuvent avoir été menacées. Je voudrais simplement signaler le fait que le gouvernement du Canada présente régulièrement des listes de prisonniers dans les réunions bilatérales à tous les niveaux, y compris dans celles du CMDP. S’il existe des cas particuliers où des prisonniers peuvent avoir été exposés à des risques, nous voulons absolument être mis au courant par nos partenaires non gouvernementaux.
Il est aussi recommandé qu’une résolution sur les droits de l’homme en Chine soit à nouveau présentée aux Nations Unies. À cet égard, je dirais simplement que la décision de proposer ou d’appuyer une résolution sur la Chine devrait se prendre au niveau politique par le Cabinet. Toutefois, au sein du nouveau Conseil des droits de l’homme, il existe un mécanisme d’examen périodique universel en cours d’élaboration, qui obligera tous les membres de l’ONU à faire examiner par leurs pairs leur dossier en matière de droits de l’homme, en commençant par les États membres du Conseil des droits de l’homme, dont fait partie la Chine.
Sur ce, je termine mon exposé, monsieur le président. Je serai heureuse de répondre aux questions et aux commentaires.
Merci.
:
Monsieur le président, madame et messieurs les membres du sous-comité, je suis très heureux de témoigner avec mes collègues devant vous aujourd’hui.
Pour faire suite aux exposés de mes collègues du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, mon intervention a pour objectif de vous renseigner sur les parties traitant des droits de la personne du programme de coopération pour le développement avec la Chine de l’ACDI.
Depuis sa création en 1981, les programmes de l’ACDI en Chine ont porté sur un vaste éventail de domaines. Au cours des années 1980 et jusqu’au milieu des années 1990, les programmes étaient axés sur l’aide alimentaire, les échanges de personnel et les liens institutionnels. À mesure que l’économie de la Chine a prospéré et que ses capacités dans ces domaines se sont améliorées, l’ACDI a adapté ses programmes afin de tirer avantage des nouvelles possibilités dans des secteurs clés où la Chine est en mesure de travailler avec des Canadiens et où l’aide de l’ACDI peut contribuer aux priorités en matière de politique étrangère comme les droits de la personne.
En conséquence, l’ACDI n’a pas cessé d’améliorer ses programmes liés aux droits de la personne, en se concentrant sur le renforcement de la primauté du droit en Chine, selon les normes et accords internationaux auxquels la Chine est partie. Bien sûr, les gouvernements du Canada et de la Chine ont des opinions très différentes sur la situation des droits de la personne en Chine. L’ACDI collabore étroitement avec le ministère des Affaires étrangères afin de veiller à ce que la politique du Canada en matière de droits de la personne soit cohérente et constante, et nous continuons de chercher des moyens de renforcer cette politique.
L’ACDI complète le ministre des Affaires étrangères qui est responsable des questions politiques, en soutenant les services d’experts canadiens qui se penchent sur les questions de droits de la personne à long terme. Par exemple, le dialogue annuel Canada-Chine sur les droits de la personne a débouché sur de nouveaux projets et initiatives de l’ACDI. Une demande adressée par le ministère chinois de la Sécurité publique lors du dialogue de 2005 a directement conduit à la conception d’un nouveau sous-projet qui porte sur les droits des prisonniers, dans le cadre du programme d’élaboration de mesures d’intérêt public de l’ACDI.
Une autre initiative liée au dialogue consiste en une activité créée dans le cadre du programme à long terme financé par l’ACDI sur la mise en place de normes internationales dans la politique de justice pénale. Ce programme, qui est administré par le Centre international pour la réforme du droit pénal et la politique de justice pénale de Vancouver, offre un nouveau champ d’activités portant sur les questions de responsabilité de la police, et débute par une mission à Beijing la semaine prochaine, à laquelle participeront des universitaires et des responsables de l’application de la loi du Canada. Ces experts feront des exposés sur des questions telles que la responsabilité de la police, la corruption policière, la protection des témoins et des victimes et les problèmes liés au genre dans les crimes transnationaux.
Dans nos programmes actuels liés aux droits de la personne, l’ACDI a eu recours à divers experts et partenaires canadiens comme l’Association du Barreau canadien, le Centre parlementaire du Canada, la Cour suprême du Canada par l’entremise de l’Institut national de la magistrature, Justice Canada, les autorités provinciales, la Fédération canadienne des municipalités et le Centre international pour la réforme du droit pénal et la politique de justice pénale.
Par l’intermédiaire des programmes de l’ACDI, le Canada a aussi établi des relations et une grande crédibilité auprès d’un vaste éventail d’institutions chinoises qui ont un lien direct avec les droits de la personne, par exemple le ministère de la Justice, la Cour suprême du peuple, l’Association des avocats de Chine, le Procureur suprême du peuple, le ministère de la Sécurité publique et le Centre national d’aide juridique.
Depuis le milieu des années 1990, les droits de la personne occupent une part de plus en plus grande de l’ensemble des programmes de l’ACDI, et cette tendance ne cesse de s’accentuer. Grâce aux programmes de l’ACDI, les Canadiens ont pu obtenir des résultats remarquables, par exemple le Projet Canada-Chine relatif à la loi sur les droits des femmes, qui a été mis en œuvre par l’Association des collèges communautaires du Canada et qui a permis de former en Chine des centaines de juges, d’officiels de la cour et d’agents de police sur les questions liées au genre, d’élaborer une documentation abondante pour utilisation future et d’aider à la création de tribunaux spéciaux et de cliniques d’aide juridique pour informer et conseiller les femmes en ce qui concerne leurs droits. L’expertise canadienne a également servi à élaborer et adopter de nouvelles lois sur la violence familiale.
Un projet mis en œuvre par l’Association du Barreau canadien, se basant sur des modèles canadiens de services d’aide juridique, a aidé le gouvernement chinois à financer davantage les services d’aide juridique et à améliorer l’accès des citoyens à la justice. Les avocats de l’aide juridique acceptent maintenant plus de causes telles que les réclamations de salaires dus à des travailleurs migrants et les demandes d’indemnisation présentées par des travailleurs blessés.
[Français]
Grâce au travail du Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale du Canada, un modèle canadien de services correctionnels communautaires a été adopté à Shanghai et subséquemment dans 18 autres provinces. Le Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale a aussi travaillé avec les juristes, juges et décideurs chinois de premier rang dans le but de contribuer à parfaire leur compréhension des normes légales internationales, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont la ratification est toujours à l'étude auprès du conseil d'État.
L'ACDI a aussi aidé le Centre de recherche et d'enseignement sur les droits de la personne de l'Université d'Ottawa à collaborer avec l'Université de Pékin sur une série de projets relatifs aux droits de la personne, dont l'un des résultats est l'ouverture du premier centre de recherche chinois sur les droits de la personne.
Également, le programme de société civile de l'ACDI, qui débuta en 1998 et qui fut élargi en 2001, est géré en étroite collaboration avec des collègues du ministère des Affaires étrangères à l'ambassade canadienne à Pékin. Ce programme a mené directement à la création de 20 nouveaux organismes de la société civile en Chine. Cent sept autres organismes ont bénéficié de formations en gestion et d'activités de renforcement des capacités organisationnelles. Plus de la moitié des bénéficiaires de ce projet sont des femmes. Ce programme a aussi financé la création d'une importante ONG chinoise luttant pour les droits des gens vivant avec le VIH-sida et a financé, dès le début, le travail de M. Wan Yanhai, récemment détenu par les autorités pour ses activités de défense des droits.
Le projet Satisfaction des besoins humains fondamentaux dans la région autonome du Tibet, mis en oeuvre par Agriteam Limited de Calgary, a permis d'instaurer des modèles de planification participative dans certaines communautés rurales du Tibet. Ces modèles sont adoptés dans les villages partout dans la région autonome du Tibet.
[Traduction]
Comme vous l’aurez remarqué, ces initiatives font appel à l’expertise des organisations et des organismes d’exécution du Canada. Nous continuons d’explorer les possibilités de faire avancer les droits de la personne en Chine au moyen d’une coopération pratique.
Je vous ai donné un aperçu des résultats que nous avons obtenus dans le domaine des droits de la personne. Afin de fournir aux membres du comité de plus amples renseignements, nous distribuons une liste des projets pertinents.
En outre, j’encouragerais le comité à inviter des représentants d’organisations canadiennes que j’ai mentionnées. Ces personnes peuvent vous brosser un tableau beaucoup plus complet du travail pratique effectué en Chine par des Canadiens dans le domaine des droits de la personne.
Merci de votre temps. J’accepte vos questions. M. Nankivell est ici et il est également disposé à vous donner les informations voulues.
Merci.
:
Il va de soi qu'on n'aura pas de réponse.
Ma deuxième question concerne essentiellement l'ACDI. Quand j'ai interrogé la ministre de la Coopération internationale au sujet de l'argent envoyé en Chine, elle m'a répondu clairement qu'aucun argent n'y était envoyé. D'après ce que je comprends, il ne s'agit pas directement d'argent envoyé au gouvernement mais bien de programmes que l'ACDI finance en Chine. Si j'ai bien compris, ça représente 43 millions de dollars par année, ce qui n'est pas négligeable.
J'aimerais d'abord savoir si vous faites des analyses qui vous permettent de savoir comment se déroulent vos projets et s'ils ont des effets positifs sur les droits de la personne. Depuis que le comité étudie la question de la Chine, on nous laisse entendre que la situation dans ce pays n'a jamais été aussi grave en termes de droits de la personne, malgré l'augmentation constante du financement du gouvernement canadien relativement à divers programmes.
Je ne doute pas qu'il y ait du travail à faire, au contraire. Par contre, comme fonctionnaire, ne trouvez-vous pas un peu paradoxal que le gouvernement canadien finance des programmes en Chine par l'entremise de l'ACDI et que la Chine, de son côté, envoie de l'argent au Darfour? Nous essayons de contribuer à l'amélioration des droits de la personne, mais ils ne semblent pas s'améliorer du tout, et en même temps, la Chine nous fait un pied-de-nez en envoyant de l'argent au Darfour. N'est-ce pas un drôle de message qu'on envoie aux contribuables? Comment peut-on expliquer une telle situation à la population, d'après vous?
:
J'aimerais ajouter quelques mots au sujet de la deuxième question. Je veux préciser qu'on n'octroie au gouvernement chinois aucune ressource pouvant être utilisée à des fins autres que la mise en oeuvre de nos projets communs. Lorsqu'on envoie des experts canadiens en Chine, les Chinois ne peuvent pas utiliser cette expertise pour faire avancer des projets qu'ils réalisent autre part dans le monde. Il n'y a aucun lien, que ce soit directement ou indirectement, entre l'aide au développement que nous offrons à la Chine et les programmes que la Chine réalise outre-mer.
[Traduction]
Au sujet de la première question et plus précisément de la mesure dans laquelle nous essayons de mesurer l’incidence de notre travail, je vous assure que nous consacrons passablement de temps, d’énergie et de ressources à cet égard. Nous établissons un cadre de mesure du rendement au début de chacun de nos projets, et c’est aussi le cas pour tous les projets qui figurent dans ce document. C’est conditionnel à l’approbation du projet. Le cadre de mesure du rendement prévoit des objectifs, des cibles et des indicateurs établis pour les extrants du projet qui sont, par exemple, dans le cas d’un projet de formation, le nombre de personnes qui bénéficient de la formation pour les effets du projet, qui seraient, par exemple, ce que l’institution est capable de faire à la fin du projet qu’elle ne pouvait pas faire au début du projet, et pour l’impact du projet qui serait, par exemple, la façon dont le projet change la vie des gens.
Vraiment, c’est l’impact que nous nous efforçons d’améliorer année après année. Nous produisons des rapports annuels à l’ACDI. Tous les promoteurs des projets doivent nous présenter des rapports annuels sur les progrès réalisés au cours d’une période de douze mois par rapport à ces trois points de repère que sont les extrants, les effets et l’impact. Nous produisons des rapports pour la Direction de la Chine et nous produisons aussi des rapports à l’attention des échelons supérieurs à l’ACDI, un rapport d’étape annuel qui décrit les résultats.
En ce qui concerne l’impact, nous évaluons les progrès systémiques. Ils sont réalisés à long terme, assurément. La Chine est un très vaste pays. Comme M. Tse l’a mentionné, nous avons constaté que nos projets ont un impact à certains égards, et nous espérons observer d’autres impacts plus tard, à mesure que se réalisent les extrants et les effets.
Mais nous appliquons un système rigoureux pour évaluer les résultats. Quand vous parlez avec des organismes canadiens qui mettent en œuvre des projets financés par l’ACDI... Comme députés, vous entendez de temps à autre les gens se plaindre de ce qu’il est difficile de travailler avec l’ACDI. Si vous demandez des précisions, je pense que vous constaterez qu’une des difficultés auxquelles ils se heurtent est la rigueur avec laquelle nous évaluons le rendement. Nous leur consacrons beaucoup de temps et leur posons des questions très précises sur les impacts de leurs projets.
:
Je vais essayer de vous répondre d’une façon générale. La question n’est pas simple. Il s’agit ici de 20 p. 100 de la population mondiale. Les deux réponses peuvent être vraies en même temps, et je ne cherche pas à être drôle. C’est tout simplement que la prospérité croissante en Chine, même relative — et nous venons de mentionner que 200 millions de Chinois vivent dans une misère quasi-totale — y a sûrement amélioré les conditions de vie.
Et pourtant, rien n’indique que l’emprise du Parti communiste ou que l’autoritarisme du système politique chinois est en train de se relâcher. En revanche, de nombreux Chinois ont maintenant accès, quoique limité, à Internet. Ils peuvent voyager. Ce n’est pas rien. Les endroits où ils pouvaient aller et où ils pouvaient s’établir étaient autrefois limités. Ils devaient même demander l’autorisation pour prendre le train et se déplacer en Chine, et qui plus est, hors de la Chine.
C’est en effet un message ambigu, mais ce qui nous préoccupe c’est que certains groupes, des groupes de défendeurs des droits de la personne en particulier, des gens qui protestent ouvertement, des membres de minorités qui veulent s’organiser pour améliorer leur condition se trouvent dans des situations très difficiles ou sont mis très rapidement aux arrêts ou en détention. Toute organisation politique semble vite voir s’abattre sur elles la main des autorités.
Je vous dirais que les deux réponses sont vraies. Des problèmes subsistent, et certains ont même empiré. Par contre, des améliorations très profondes ont été constatées, notamment sur le plan économique. Comment mesure-t-on cela? C’est difficile de mesurer en chiffres précis, mais certains groupes s’y efforcent. Bien entendu, nous échangeons des points de vue avec d’autres pays, des pays occidentaux surtout. J’étais à Washington la semaine dernière et j’ai demandé aux porte-parole du gouvernement et d’organismes américains comment ils percevaient la situation relative aux droits de la personne en 2006. Mon collègue revient à peine d’Europe et nous voyageons régulièrement et échangeons bien entendu des courriels et de la correspondance. Comme nous lisons les rapports l’un de l’autre, nous avons une idée globale de la situation, mais nous devons en parler entre nous parce que l’information est incomplète.
Nous faisons de notre mieux pour évaluer la situation dans son ensemble. Bien entendu, nous demandons à chaque mission, y compris celle de Beijing, de produire une évaluation annuelle des droits de la personne pour notre gouvernement en signalant les améliorations ou les détériorations particulières de la situation des droits de la personne en Chine, et ce document sert aussi de guide aux décideurs.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais choisir mes mots soigneusement et vous comprendrez pourquoi dans un moment. Je veux dire à M. Houlden que je conviens avec lui que le respect des droits de la personne s’améliore à certains égards, mais se dégrade à d’autres.
J’ai rencontré la semaine dernière une personne de Hong Kong qui collabore clandestinement en Chine avec des groupes de la société civile. C’est pourquoi je vais choisir mes mots soigneusement. Cette personne me disait que des changements assez importants s’étaient produits au chapitre des droits de la personne ces 15 dernières années et qu’on avait constaté des progrès. En fait, cette personne disait que l’armée ou la police de certains districts semblait plus agressive que d’autres lorsqu’il était question des droits de la personne. C’est comme si le gouvernement lui-même n’avait pas d’emprise; mais la situation n’est pas systémique à l’échelle du gouvernement.
Je réfléchis une seconde, parce que je dois faire attention à ce que je dis. Cette personne disait qu’ils sont toujours surveillés, qu’ils sont toujours interrogés, mais qu’ils ne sont pas appréhendés autant qu’avant. Ils le sont à l’occasion, mais pas comme auparavant.
J’ai une question pour l’ACDI. Y a-t-il eu une évaluation externe de vos programmes liés aux droits de la personne en Chine?
Je vais aller juste un peu plus loin et je reviendrai à cette question. J’ai proposé ici, et d’autres l’ont fait aussi, qu’il faudrait rendre compte de ce dialogue à ce comité. J’aimerais savoir ce qu’on en pense.
Ma dernière question s’adresse aux Affaires étrangères. Qu’est-ce qui a été fait précisément, et dont vous pouvez nous parler, pour garantir la sécurité de Huseyincan Celil et obtenir sa libération?
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Je ne peux pas commenter cette expérience précise. Mais les programmes que nous soutenons nécessitent des engagements à long terme; de part et d’autre, les mêmes acteurs doivent interagir pendant une longue période.
Je pense vraiment que le comité devrait s’entretenir avec les experts canadiens — juges, juristes, etc. — qui participent aux programmes actuels que nous appuyons pour leur demander ce qu’ils ont constaté et si, lorsqu’ils ont visité des tribunaux et discuté avec les employés, ils ont eu le sentiment qu’on les avait bernés.
Par exemple, je dirais qu’une visite ponctuelle, qu’un échange ponctuel, est plus propice à ce genre de chose que ne le serait une série de rencontres entre professionnels.
Pour avoir parlé aux gens qui s’investissent au quotidien dans les projets que nous soutenons à l’Institut national de la magistrature, au Centre international pour la réforme du droit pénal et la politique de justice criminelle et à l’Association du Barreau canadien, il est certain qu’ils ont des discussions professionnelles avec des homologues professionnels.
Nos juges de la Cour suprême qui ont travaillé avec leurs homologues chinois nous disent avoir eu des discussions de fond avec eux, et nous devons nous fier à ce qu’ils nous ont dit.
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Je poserai une dernière question générale à M. Houlden ou à Mme Dion.
Dans son rapport, M. Burton cite un représentant du ministère chinois des Affaires étrangères qui aurait dit que le but principal du dialogue est « de dissiper le malaise suscité à l’étranger par le dossier des droits de la personne en Chine ». Voilà pour le côté chinois.
Du côté canadien, j’ai demandé à M. Burton et à d’autres témoins s’ils croyaient que l’amorce par le Canada du dialogue avec la Chine en 1997 était motivée principalement par la volonté de recourir au dialogue bilatéral au lieu de coparrainer ou d’appuyer les résolutions du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. M. Burton a dit qu’il ne pouvait pas répondre parce qu’il traitait de cette question dans la partie confidentielle de son rapport. Mais il a dit que cela ressortait clairement des discussions que M. Axworthy a eues avec les dirigeants chinois à cet égard, et il a évoqué des déclarations publiques que M. Axworthy a faites en 1997.
Alex Neve, d’Amnistie Internationale, a répondu à la même question en ces mots: « À notre avis, la décision a été prise — de recourir à un dialogue bilatéral plutôt que de souscrire aux résolutions du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme — de ne plus soulever la délicate question des droits de la personne dans le cadre des relations Canada-Chine ».
Donc, comme il y a des gens du côté chinois qui affirment que le dialogue vise à dissiper le malaise suscité à l’étranger par le dossier des droits de la personne en Chine et qu’il y des gens du côté canadien qui prétendent qu’il vise à éviter qu’on aborde ces questions en public et qu’on minimise l’importance des droits de la personne dans le dialogue, ne pensez-vous pas que ce sont là des façons justes et raisonnables de caractériser la politique? Dans l’affirmative, comment peut-elle être efficace si, dans les faits, elle a été élaborée précisément pour éviter un échange franc et ouvert?
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Merci, monsieur le président.
Je connais ces gens, y compris M. Burton, depuis longtemps. J'ai travaillé avec lui à l'ambassade du Canada à Beijing et je le connais depuis de nombreuses années. Je connais aussi depuis longtemps bon nombre des personnes que vous avez entendues. Je respecte leurs vues dans l'ensemble.
Il n'y a pas de réponse simple à cette question. J'ai participé avec beaucoup de sérieux à la première série de rencontres dans le cadre du dialogue. Du point de vue de la politique, j'estime que ce n'est pas du tout un moyen de permettre à la Chine de se tirer d'affaire. Par contre, je ne suis pas étonné que le ministère chinois des Affaires étrangères le voit ainsi. Je ne connais pas les motivations exactes des autorités chinoises, mais les nôtres sont certainement très différentes. La Chine peut y voir un moyen de détourner la critique, mais, pour nous, c'est l'occasion de sensibiliser les autorités chinoises à la critique, de faire enquête sur la violation des droits de la personne, de nous renseigner et, nous l'espérons, de proposer à des hauts fonctionnaires de meilleurs moyens d'atteindre leurs objectifs.
Les autorités chinoises sont parfois motivées par la volonté de maintenir la stabilité, objectif que nous pouvons adapter à nos propres fins par la réforme de certains systèmes chinois. C'est là le principe sous-jacent.
Que M. Burton ait conclu, après près de 10 années de dialogue, que c'était, dans l'ensemble, à des fins pratiques... J'ai lu le rapport qu'il a soumis — puisque l'étude a été réalisée à notre demande — et, de façon générale, je respecte ses vues.
Quant à l'autre question, j'ai participé à la prise de ces décisions et à... Il y avait 21 ans que je m'occupais de questions liées à la Chine. Je n'ai pas connaissance que, par cynisme, on ait voulu substituer le dialogue à la résolution. Bon nombre étaient d'avis que le vote annuel sur la résolution était devenu quelque peu futile et qu'il fallait trouver de nouvelles façons de faire, qu'il pourrait être plus productif de traiter directement avec les ministères et le gouvernement de la Chine.
M. Burton et d'autres, et certes les membres de ce comité, détermineront eux-mêmes si l'effet recherché a été obtenu. Cependant, je n'ai nul doute qu'il ne s'agissait pas pour les hauts fonctionnaires participants, ou pour ma part du moins, d'un compromis retenu par cynisme. C'est cependant au fruit que l'on connaît l'arbre.
Que dire du dialogue? Je crois qu'il est utile. Peut-on l'améliorer? Il en vaudrait certainement la peine, mais c'est au gouvernement qu'il revient de déterminer la voie à suivre.
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Depuis que je siège à ce comité, il a très souvent été question d'indicateurs de réussite, de manières de mesurer le succès. Je ne sais pas si vous êtes optimiste ou ce que vous en pensez, mais moi, que ce soit en affaires ou dans un autre domaine, j'aime qu'il y ait des objectifs réalisables. J'aime affirmer: voici ce que je veux réaliser dans un mois, dans cinq ans.
Dans le cas de la Chine, toutefois — à moins que je fasse erreur — les attentes en matière de réussite me semblent très faibles. Oui, nous pouvons poursuivre le dialogue. Oui, le changement s'opère lentement. Peut-être faut-il être optimiste lorsqu'il est question de progrès quel qu'il soit, qu'il faut faire de petits pas. Mais lorsque je regarde la situation dans son ensemble, assis ici comme je le suis aujourd'hui, il me paraît difficile d'être optimiste lorsque les attentes par rapport à la Chine sont aussi faibles que le sont les miennes. Peut-être faut-il y aller au cas par cas: la situation de M. Celil serait un cas et des explications de ce qui se produit au Tibet en serait un autre. Tant que nous n'aurons pas d'explications, nous ne pourrons pas mesurer la réussite.
Vous dites que vous visez à rendre toujours plus efficace notre rôle de défense. Le président a fait état de l'appui du Canada à la réforme judiciaire de la Chine. Sachez que je suis d'accord avec le président de ce comité. Dans un État où il n'y a qu'un seul parti, il y a très peu de chances que le système judiciaire soit indépendant.
Avez-vous constaté des progrès?
Je suis peut-être masochiste, mais, la fin de semaine dernière, j'ai regardé en partie le congrès du Parti libéral. M. Chrétien a dit que l'appui du Canada à la réforme juridique en Chine était un exemple de grande réussite du Canada. Il est très encourageant de l'entendre à la télévision, mais je me demande ce qu'il en est.
Qu'en est-il vraiment?
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Vous comprendrez que je ne peux traiter des questions de nature purement politique. En qualité de fonctionnaire, cela ne conviendrait pas.
Vous avez mis le doigt sur des questions très délicates et je ne peux vous donner de réponses faciles. L'un des problèmes est évidemment le fait que nous ne sommes pas les seuls à faire des efforts sur ce plan. De nombreux autres pays, dont certains coopèrent avec nous dans une certaine mesure, exercent des pressions sur la Chine en même temps.
Par exemple, un léger assouplissement de la politique, annoncé la fin de semaine dernière, à l'égard de la visite de journalistes en prévision des Jeux olympiques, constitue-t-il une importante amélioration? À certains égards, oui, et à d'autres, non. Quel en est l'origine? Est-ce parce qu'il a été question d'accès à l'information dans nos discussions? Je ne peux certainement pas affirmer que nous avons été à l'origine de cette amélioration au cours d'une rencontre donnée ayant eu lieu un jour particulier. L'assouplissement est-il attribuable à la critique et aux pressions provenant de l'extérieur de la Chine et de pays occidentaux en général? Peut-être.
Je comprends votre insatisfaction. Dans un modèle d'entreprise, il doit y avoir des résultats clairement mesurables et dans un pays aussi vaste que la Chine auprès duquel nous avons peu de moyens de pression, il n'est pas facile de mesurer le progrès. Il est possible de définir des critères d'évaluation des résultats. Nous suivons l'évolution des dossiers de dissidents particuliers qui sont emprisonnés. Nous constatons parfois que les conditions s'améliorent après que nous soyons intervenus, mais la Chine ne nous accorde pas le privilège de nous dire, après coup, qu'en conséquence de nos plaintes dans l'affaire, elle a décidé d'améliorer la situation d'un dissident ou d'une dissidente. Cela ne se produit pas. Il y a malheureusement beaucoup de conjecture et comme nous tous, je serais heureux qu'on me suggère des moyens de faire mieux.
Il ne s'agit peut-être pas de la meilleure façon de procéder. Nous avons demandé à M. Burton d'étudier la question et de nous faire des recommandations. Nous étudions attentivement ce qu'ont dit les ONG. Nous sommes toujours ouverts à des propositions sur la façon de procéder.
Je crois qu'il y a eu d'importantes améliorations mesurables dans la vie quotidienne en Chine. Cela étant dit, il existe d'énormes lacunes et, comme l'honorable député l'a signalé, il y a de grandes inégalités. On dit, en Chine, que le ciel est très haut et l'empereur très loin. Dans certaines régions, la vie quotidienne n'a rien de comparable à celle que l'on peut observer dans d'autres régions. Je ne veux pas dire qu'il y a en Chine des endroits de liberté totale, mais que les conditions à l'intérieur du pays sont très variables. La Chine représente 20 p. 100 de la terre, et l'application de la loi y est très inégale. Dans certaines régions, notamment celles où habitent des minorités, le bilan est très mauvais — je pense au Tibet et au Xinjiang en particulier —, tandis que dans d'autres, il est un peu mieux.
Il n'est pas de mon intention de répondre longuement et vaguement; je comprends votre difficulté et je partage votre avis qu'il est difficile de mesurer le progrès.
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Nous agissons certainement pour les mêmes raisons que les pays occidentaux aux vues similaires qui entretiennent des dialogues bilatéraux avec la Chine. Nos valeurs et nos intérêts sont les mêmes. Nous sommes tous partie au cadre juridique international des droits de la personne et nous avons de très grandes inquiétudes très précises. Nous nous efforçons de concerter nos efforts.
Dans un groupe donné de pays, il y a évidemment des divergences importantes dans les priorités d'un gouvernement donné. Il n'importe pas toujours, si je puis dire, de s'efforcer de définir une courte liste de cinq messages que tous doivent transmettre. Cela dépend de la nature de la relation de chacun avec la Chine; il est plus utile pour le Canada, par exemple, de prendre l'initiative dans certains domaines particuliers où nos efforts peuvent avoir plus de poids, que ce soit en raison des programmes de l'ACDI ou de la relation que nous entretenons de longue date avec la Chine.
Quant à la question de la coordination, oui bien sûr, elle est très importante, très utile. En 1996-1997, lorsque nous étions encore occupés par la résolution de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, nous avons certainement conjugué nos efforts à ceux de pays aux vues similaires pour faire adopter la résolution. Je crois qu'il était généralement entendu entre nous en 1997 que les chances de réussite ou la probabilité d'adoption de la résolution diminuaient de jour en jour. C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles nous estimions qu'il fallait envisager d'autres solutions pour amener la Chine à dialoguer.
Parmi les pays entretenant des dialogues bilatéraux avec la Chine, je crois que nous avons conclu par nous-mêmes qu'en ce qui concerne la Chine, il importe au plus haut point de poursuivre les efforts. La Chine est un vaste pays. Elle est membre du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle participe activement aux travaux des Nations Unies et à des forums régionaux comme l'APEC.
Comme le disait plus tôt l'honorable député, la situation est très insatisfaisante parce que les progrès sont très lents. En réalité, toutefois, si nous souhaitons changer les choses, si nous souhaitons que la Chine respecte les droits de la personne et les normes qui s'y rattachent, que faire d'autre que d'entretenir le dialogue?
Quant aux critères de mesure des résultats, oui, ils sont indispensables. Il n'y a nul doute que nous cherchons tous ici à renforcer le dialogue.
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Je remercie tous les témoins des services rendus et de leur témoignage devant nous aujourd'hui. Nous leur en sons très reconnaissants. Si les membres du comité souhaitent vous poser d'autres questions, ils pourront sans doute vous les transmettre par écrit. Une fois de plus, merci.
En conclusion, comme le MAECI nous a invités à participer à l'examen de la politique, nous espérons que le rapport de ce comité sera accueilli à cette fin également. Je vous remercie.
Chers collègues, pendant que les témoins quittent la salle, je vous rappelle que nous devons planifier nos travaux futurs, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de délibérer à huis clos.
Brièvement, Mme Rebiya Kadeer, présidente fondatrice de la Fédération internationale ouïgoure pour la démocratie et les droits de la personne (International Uyghur Human Rights and Democracy Foundation), viendra témoigner la semaine prochaine. Il est prévu de lui accorder une heure, je crois. Comme nous avons accueilli les représentants du Dalaï-lama pour une séance spéciale, il a été décidé de faire de même pour la porte-parole internationale des Ouïgours.
Il avait été prévu d'ajouter une deuxième heure à nos délibérations habituelles pour permettre à des représentants du milieu des affaires de témoigner au sujet des dimensions commerciale et économique des droits de la personne. La semaine dernière, il a été question d'ajouter aux témoins un ou deux universitaires. Toutefois, il a été difficile de fixer l'heure du témoignage de ces représentants et dirigeants du monde des affaires en raison de conflits d'horaires.
La seule personne dont la présence a été confirmée, je crois, est M. Mendes, un professeur d'université. Il a été proposé par Mario.
Je m'interroge sur l'utilité de prévoir une deuxième heure, étant donné que nous ne pouvons confirmer la présence de représentants du monde des affaires, comme nous l'avions envisagé.
J'aimerais avoir l'avis des membres du comité au sujet du rapport sur Cuba dont nous reportons continuellement l'étude. Je propose que, durant la deuxième heure, nous examinions la version provisoire de l'étude préparée par notre analyste, dans l'espoir de pouvoir rédiger notre rapport avant le congé de Noël. C'est une possibilité.
En outre, M. Cotler m'a informé de vive voix d'une motion. Il ne l'a pas encore déposée officiellement, mais elle se rattache à ses propos initiaux au sujet de l'incitation de l'Iran au génocide. Je propose que nous réservions une partie de la deuxième heure prévue la semaine prochaine à l'examen de cette motion.
Voilà les possibilités. Nous pouvons entendre quelques témoins vers la fin de la semaine prochaine, tenir notre réunion habituelle et accueillir Mme Kadeer ou examiner le rapport sur Cuba et/ou la motion de M. Cotler.
Mario.