La politique étrangère du Canada à Cuba se fonde sur l'engagement constructif. Selon l'Agence canadienne de développement international, les politiques sociales de Cuba distinguent ce pays de bon nombre d'autres pays en voie de développement. Les investissements publics, par exemple, dans les secteurs de l'éducation et de la santé, se sont traduits par des indicateurs de développement social qui atteignent et surpassent même ceux que l'on retrouve dans certains pays industrialisés, toujours selon l'ACDI.
Par le passé, le régime cubain a compté sur l'appui de bon nombre de secteurs de la communauté internationale. Pour que le monde comprenne ce qui se passe à Cuba depuis plus de 48 ans, il est nécessaire de préciser certaines définitions.
Tout d'abord, un gouvernement qui exerce un contrôle totalitaire sur la société et les particuliers n'a pas de comptes à rendre de par sa nature.
Deuxièmement, le principe selon lequel les droits de la personne sont adaptés à la culture a permis aux dictateurs de violer impunément les droits de la personne ce qui serait tout à fait inadmissible dans ce que l'on appelle le monde occidental.
Troisièmement, et ce qui est tout aussi important, c'est le fait que l'anti-américanisme a été fort avantageusement exploité par des dictateurs comme Fidel Castro qui ont tiré parti de ce sentiment et ainsi paralysé les façonneurs d'opinions et les partis politiques d'après la doctrine selon laquelle ce qui va à l'encontre des États-Unis doit automatiquement être appuyé. Malheureusement, certains mouvements ont trouvé une identité fondée sur l'anti-américanisme, ce qui fait qu'il est difficile pour eux de sympathiser avec la souffrance de pays comme Cuba.
Il pourrait être utile de comparer la situation à Cuba aujourd'hui par rapport à celle d'il y a 50 ans afin de dissiper certains préjugés. Pendant la dictature de Batista, il y avait 11 prisons à Cuba. Aujourd'hui, il y en a plus de 300.
D'après un rapport présenté le 11 mai 2004 par la Commission cubaine pour les droits de la personne et la réconciliation nationale, commission qui est illégale, en 1956, le nombre total de prisonniers à Cuba s'élevait à moins de 4 000, ou environ 0,06 p. 100 de la population du pays.
Il faut souligner qu'en mai 1955, l'ex-dictateur Batista a signé l'amnistie générale pour les prisonniers politiques, notamment ceux qui purgeaient une peine pour avoir tué des soldats, faisant clairement référence à Fidel Castro et son groupe pendant les attaques des baraques Moncada à Santiago de Cuba.
On estime aujourd'hui qu'il y a plus de 100 000 prisonniers à Cuba, soit le nombre de prisonniers le plus élevé au monde par rapport au pourcentage de la population, c'est-à-dire 1 p. 100 de la population totale de 11 millions. Ce chiffre n'a été ni accepté ni nié par les autorités cubaines, qui interdisent la coopération avec la Croix-Rouge internationale.
Selon M. Armando Lago, vice-président du conseil d'administration du Free Society Project et directeur de la recherche de Cuba Archive, qui a un doctorat et une maîtrise en économie de l'Université de Harvard, jusqu'à présent plus de 8 200 cas d'exécutions, d'assassinats et de disparitions ont été documentés sous le régime Castro. Le nombre total de décès à la suite de tentatives pour fuir par la mer, qu'on appelle balseros, s'élèverait selon les estimations à environ 78 000. Parmi les cas documentés, il y a 94 cas de décès d'enfants, notamment 22 cas de décès par peloton d'exécution, 32 assassinats extrajudiciaires et 24 assassinats à la suite d'une tentative pour sortir du pays. Il y a des cas semblables de décès chez les femmes, soit un total de 216.
Voici certains mythes au sujet de Cuba qui sont maintenant profondément ancrés dans l'opinion publique.
Le premier mythe, c'est que Cuba est visé par un blocus commercial américain.
En réalité, entre 2001 et mars 2004, aux termes de la United States Trade Sanctions Reform and Export Enhancements Act, la valeur des produits alimentaires agricoles dont l'exportation a été autorisée vers Cuba s'élevait à 518 216 553 $. On estime que les Cubains aux États-Unis envoient pour un milliard de dollars américains par an à Cuba. Selon le département du Commerce des États-Unis, le tiers des aliments et le tiers des médicaments à Cuba proviennent des États-Unis. Les exportations vers Cuba en 2006 s'élevaient à 347,8 millions de dollars américains.
Le deuxième mythe c'est que les conditions de vie du peuple cubain avant l'arrivée au pouvoir de Castro étaient épouvantables.
En réalité, Cuba est l'un des pays d'Amérique latine où le niveau de vie du peuple était particulièrement élevé; c'est ce que déclarait un dirigeant communiste cubain du nom de Anibal Escalante, dans le numéro du 30 juillet 1961 de la revue Verde Oliva Magazine.
Dans le secteur de la santé, le taux de mortalité à Cuba était de 5,8 personnes par 1 000 habitants, soit le taux de mortalité le moins élevé au monde, tandis que le taux de mortalité infantile était de 36,6 par 1 000 habitants, soit le moins élevé en Amérique latine et beaucoup moins élevé que celui du pays qui occupait le deuxième rang.
Cuba arrivait au deuxième rang en Amérique latine pour ce qui est du pourcentage de sa main-d'oeuvre couverte par un régime d'assurance sociale contre la vieillesse, l'invalidité et le décès, 62,6 p. 100 de sa main-d'oeuvre étant assurée.
Avant la révolution de Castro, sous la république cubaine, la journée de travail était de huit heures, les travailleurs avaient le droit de faire la grève, les universités étaient autonomes, et il y avait un grand nombre de journaux et de stations de radio où l'on pouvait exprimer divers points de vue politiques et idéologiques.
Aujourd'hui, le salaire moyen est de 15 $ canadiens par mois, 70 p. 100 de la population n'a jamais connu d'autres dirigeants que Fidel Castro et 20 p. 100 des Cubains vivent en exile.
Le troisième mythe, l'analphabétisme était extrêmement élevé à Cuba avant l'arrivée de Fidel Castro.
En réalité, selon un recensement cubain de 1953, 23,6 p. 100 des 4 376 529 habitants de dix ans ou plus étaient analphabètes, soit un pourcentage moins élevé que celui que l'on retrouve dans tous les autres pays d'Amérique latine sauf en Argentine, au Chili et au Costa Rica. Ce pourcentage est de 22 p. 100 pour la population âgée de 15 ans ou plus.
Le mythe numéro sept, c'est que le régime de soins de santé à Cuba est universel et égalitaire pour tous les Cubains.
En réalité, selon l'Organisation panaméricaine de la santé, à l'heure actuelle le gouvernement cubain consacre un plus petit pourcentage de son budget aux soins de santé que des pays de la région comme le Nicaragua, l'Argentine, le Venezuela, le Chili et le Costa Rica. Selon l'Organisation panaméricaine de la santé, Cuba dépense moins pour les soins de santé par habitant que des pays de la région comme l'Argentine, les Bahamas, Puerto Rico, le Venezuela, le Chili, le Costa Rica et la Jamaïque.
En ce qui concerne les soins de santé à Cuba, l'apartheid médical et le tourisme de santé, l'effort croissant de Cuba en ce qui concerne le tourisme de santé a soulevé d'amères reproches de la part de ceux qui critiquent ce pays, qui accusent le régime de Fidel Castro de régime d'apartheid en ce qui concerne les soins de santé qui permet aux étrangers et à l'élite du parti cubain d'obtenir des services de santé de première classe tandis que les Cubains moyens doivent s'accommoder d'installations dilapidées, de matériel désuet et de pharmacies maigrement approvisionnées. Ces services contrastent considérablement avec les hôpitaux de l'élite cubaine dont des entreprises de tourisme de santé comme SERVIMED font la promotion.
Hilda Molina, l'une des scientifiques les plus connues de Cuba, fondatrice et ancienne directrice du Centre international de la Havane pour la restauration neurologique, s'est détachée du régime et a démissionné de son poste de haut niveau et de son poste également de membre de l'Assemblée nationale de Cuba afin de protester contre le régime d'apartheid médical.
Je ne peux pas lire tout le rapport parce qu'il est long, mais je soulignerai certains aspects dont j'aimerais faire part au sous-comité.
Vous avez toute l'information. Je parlerai en espagnol et ce monsieur traduira les questions que je vais aborder.
Le président: Allez-y.
M. Asdrubal Caner Camejo (interprétation): Je tiens à remercier les membres du sous-comité de m'avoir invité à comparaître. Je suis le représentant du Parti social-démocrate de Cuba et j'ai une lettre de créances signée par M. Vladimiro Roca.
Mon parti est le parti de Vladimiro Roca qui a été un prisonnier d'opinion bien connu à une époque. En fait, il faisait partie du « Groupe des quatre ». Le premier ministre Jean Chrétien avait demandé sa libération en 1998. Malheureusement, Fidel Castro n'a rien fait à ce sujet jusqu'à la toute fin.
En tant que socio-démocrates, nous souhaitons collaborer avec tous les partis politiques canadiens de façon démocratique et pacifique. J'aimerais aborder quatre problèmes liés à la violation des droits de la personne. Je vous proposerai ensuite mon analyse de la situation.
Premièrement, je parlerai de la situation actuelle des prisonniers politiques, et plus particulièrement de la situation désespérée des prisonniers d'opinion.
Deuxièmement, je parlerai de l'incarcération non motivée de 29 journalistes cubains.
Troisièmement, je parlerai de la résurgence de la discrimination raciale à Cuba et le fait que 90 000 Cubains noirs sont actuellement en prison.
Enfin, je parlerai de la santé de 57 prisonniers d'opinion.
Vous avez donc une liste qui comprend le nom des prisonniers, la peine à laquelle ils ont été condamnés, l'endroit où ils se trouvent, le nom des prisons dans lesquelles ils sont incarcérés. Il y a en tout 300 prisonniers.
Déclaration de :
Le deuxième point concerne l'incarcération non motivée de 29 journalistes cubains.
Cuba demeure l'un des pays qui emprisonnent le plus de journalistes, n'étant devancé que par la Chine. Dans les prisons cubaines, on dénombre 29 journalistes indépendants, dont 22 ont été mis en détention au moment des mesures de répression de mars 2003. Certains d'entre eux éprouvent également de graves problèmes de santé. J'ai pris avec moi la liste des journalistes dont le seul crime a été d'informer le public de la situation qui existe réellement à Cuba.
La répression s'exerce non seulement contre les journalistes, mais aussi contre les familles. La femme d'un journaliste indépendant a été congédiée de son travail après avoir été déclarée « politiquement peu fiable ». Yolanda Álvarez, femme du journaliste indépendant Alejandro Tur, travaillait comme préposée dans les salles de toilette au centre commercial El Rápido, à Cienfuegos. Ce centre commercial appartient au gouvernement et est exploité par lui et par l'entremise de l'entité CIMEX.
Passons maintenant à Internet, qui fait toujours partie du point numéro deux.
Moins de 2 p. 100 de la population cubaine est branchée sur Internet, ce qui fait de Cuba l'un des pays les plus en retard sur ce plan. Une enquête réalisée en octobre par Reporters sans frontière a révélé que le gouvernement cubain recourait à plusieurs techniques pour s'assurer que ce moyen de communications n'est pas employé d'une manière « contre-révolutionnaire ».
Nous allons maintenant passer au point numéro trois, la résurgence de la discrimination raciale à Cuba où 90 000 Cubains noirs sont actuellement en prison.
À Cuba, l'ère républicaine a été très difficile pour les Noirs. À compter de la tristement célèbre intervention américaine de 1898, un modèle de discrimination raciale a été établi, et ce segment de notre population en a gravement souffert. Ce segment de la population demeure le moins bien préparé et le plus vulnérable de Cuba.
En échange de cette amélioration de leur sort, Fidel Castro exige des Cubains noirs une fidélité et une soumission absolue. Ils ont été la force principale de l'armée cubaine déployée en Angola, en Éthiopie, en Somalie, au Congo et dans d'autres régions d'Afrique. Des milliers de Cubains noirs sont morts dans d'innombrables guerres aux quatre coins de la planète. Ils demeurent la force principale de l'armée cubaine et des services policiers. Le régime utilise les Noirs dans la brigade d'intervention rapide contre d'autres éléments de la population.
Les autorités ont dépêché des centaines de membres de la force policière noire à la Havane pour y contenir les protestations populaires. Ils utilisent une force extrême contre les protestataires, blancs et noirs, y compris les jeunes Havanais noirs.
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Bonjour. Tout d'abord, j'aimerais remercier les membres du comités de m'avoir invité à présenter un bilan sur les droits de la personne à Cuba.
Auparavant, si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais informer les membres du comité au sujet du témoin qui nous a précédés, M. Nelson Taylor Sol, de la Fondation canado-cubaine. Leur magazine, qui a paru la semaine dernière, publie une annonce que je vous traduis ainsi: « Récompense. Si vous connaissez quelque Cubain qui a demandé refuge ou qui est ici comme immigrant indépendant et qui collabore contre le régime de Fidel Castro, s'il vous plaît communiquez avec nous. L'information est hautement confidentielle. Agence de sécurité nationale. »
Il s'agit d'une promesse d'argent pour dénoncer des Cubains qui auraient des opinions politiques contraires à celles de la Fondation canado-cubaine. C'est illégal selon les lois du Parlement et c'est le genre d'atteinte aux droits de la personne qu'on cherche à dénoncer. Si le gouvernement cubain publiait des annonces semblables dans les journaux cubains, je ne serais pas ici pour témoigner.
Les trois parties de la Déclaration universelle des droits de l'homme ouvrent un champ trop vaste pour tenter d'en faire le tour dans les quelques minutes qui me sont offertes ici, d'autant plus qu'il s'agit d'un des sujets les plus graves qui soient. Cela ne devrait donc jamais être pris à la légère. Des femmes et des hommes ont sacrifié leur vie pour ces droits. C'est d'ailleurs le cas de 650 000 Irakiens, de milliers d'Afghans et de milliers de soldats des États-Unis, d'Europe et du Canada.
Tenant compte du fait que nous sommes le 1er mai, Journée internationale des travailleurs, j'ai cru bon de concentrer mon témoignage sur la situation du droit du travail à Cuba. Dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, le droit du travail est traité par l'article 23 et ses quatre alinéas. Le premier de ces alinéas énonce ce qui suit:
Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
Le Journal de Montréal nous apprenait récemment qu'un médecin cubain vivant au Québec devait faire le taxi parce qu'il n'avait pas le droit d'exercer sa profession, pourtant en très forte demande dans notre province, une situation malheureusement courante dans notre pays, et qui viole clairement le premier alinéa de cet article. À Cuba, on trouve également des médecins qui conduisent des taxis, mais ce sont ceux qui ont choisi de privilégier la rémunération en dollars à l'exercice de leur profession. Ils l'ont fait par choix, ils en ont le droit. Leurs collègues exercent leur profession sans difficulté et il en est de même pour tous les travailleurs cubains. Pas un Cubain ne se voit refuser sur l'île l'accès à un travail dans sa profession.
La crise de l'industrie sucrière cubaine, au cours des dernières années, s'est faite sans jeter aucun travailleur à la rue ou au chômage. Au contraire, chaque travailleur a pu bénéficier à son choix d'une préretraite ou d'une formation rémunérée dans un secteur d'avenir de son choix, avec un emploi correspondant à sa formation, comprenant un salaire supérieur ou égal à celui de son emploi d'origine, une approche sociale de la conversion industrielle qui ferait l'envie de nos travailleurs de l'industrie du bois, de l'amiante et des autres secteurs manufacturiers en crise au Canada.
Éliminer le chômage est un défi fondamental de la politique d'emploi cubaine. À la fin de 2005, Cuba atteignait 1,9 p. 100 de taux de chômage, ce qui permet de dire que Cuba est un pays de plein emploi. Pendant ce temps, au Canada, la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée augmente au même rythme que les frais de scolarité, garantissant aux familles les plus pauvres un chômage durable. Dans les pays proches géographiquement et économiquement de Cuba, les travailleurs se font imposer des taux de chômage récurrents de 20 à 60 p. 100.
Le deuxième alinéa de l'article 23 stipule ce qui suit:
Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
Cuba est le pays où l'on trouve la plus grande proportion de femmes professionnelles élues ou en poste de direction. Soixante pour cent des inscrits aux études supérieures sont des femmes. Le dernier recensement avant la révolution cubaine en 1953 montrait que 17 p. 100 seulement des travailleurs étaient des femmes; le tiers d'entre elles étaient des domestiques, 6 p. 100 étaient des techniciennes ou professionnelles et 2 p. 100 seulement occupaient des postes de direction.
Lors du recensement réalisé en 2000, les femmes cubaines représentaient 43,2 p. 100 des travailleurs, et les deux tiers — 66,4 p. 100 exactement — occupaient des emplois professionnels et techniques. Plus d'un député cubain sur trois est une femme. Le gouvernement cubain comprend six femmes ministres et près de 40 femmes vice-ministres, tandis que 46 des plus importantes sociétés d'État sont dirigées par des femmes. Selon le site Web du Parlement, au Canada, les femmes ne représentent que 20 p. 100 des députés et ce, tant au niveau fédéral que provincial et territorial, un pourcentage que Cuba avait déjà dépassé en 1993. Quant à l'équité salariale, elle n'est que récente au Québec, après des années et des années de luttes syndicales, politiques et judiciaires incessantes, et reste encore le sujet de batailles difficiles dans plusieurs entreprises canadiennes.
Le troisième alinéa de l'article 23 se lit comme suit:
Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.
Cuba considère qu'un travail productif à des revenus convenables est une condition indispensable pour l'équité et la justice sociale. Pendant les mois de mai et de décembre 2005, Cuba a accordé des augmentations substantielles des allocations aux bénéficiaires de la sécurité et de l'assistance sociale, allant jusqu'à les tripler dans certains cas.
En 2005 commença également un processus d'augmentation salariale bénéficiant à plus de 2 millions de travailleurs. Cette mesure comprend l'application d'une nouvelle échelle des salaires, le perfectionnement des indicateurs d'échange et de fonction, et elle permet de dresser l'instrument des paiements additionnels comme une reconnaissance à la qualification et à la qualité dans le travail.
L'application de cet ensemble de mesures a augmenté le salaire moyen de 282 pesos cubains au début de 2005, à 399 en juin 2006, soit une augmentation de plus de 40 p. 100 du salaire moyen en deux ans, qui s'est combinée à une revalorisation de 8 p. 100 de la monnaie cubaine et du pouvoir d'achat de cette monnaie.
À ces efforts sur le plan des salaires, il faut ajouter les subventions aux produits et aux services qui les rendent accessibles aux Cubains pour une fraction de leur valeur. M. Taylor Sol nous parlait tout à l'heure du fait que le salaire moyen cubain est de 16 $, mais le coût de la vie n'est pas le même là-bas. Ainsi, le kilowattheure d'électricité vaut 20 centièmes de peso cubain, soit moins d'un cent de dollar canadien. Une épicerie de nourriture hebdomadaire pour une famille de six personnes, incluant poisson, viande, fruits et légumes frais, coûte de 2 $ à 3 $ canadiens. Ainsi, un seul salaire cubain moyen de 399 pesos permet de payer les factures d'électricité, de téléphone, de gaz et de nourriture pour une famille de six personnes. Quant au logement, 85 p. 100 des Cubains en sont propriétaires et n'ont donc absolument rien à payer à ce titre. Pour les autres, le loyer représente moins de 10 p. 100 des revenus. Ce sont des privilèges dont les Canadiens travaillant au salaire minimum aimeraient bien bénéficier.
J'imagine que le sous-comité ne manquera pas d'étudier également le cas de nombreux pays d'Amérique latine où le salaire moyen est inférieur ou égal au salaire cubain, mais dans lesquels les produits et services ne sont pas subventionnés, ce qui condamne une partie importante de leur population à la pauvreté extrême.
Dans son rapport sur les droits de l'homme à Cuba, la représentante spéciale du Haut-commissaire des Nations Unies, Christine Chanet, identifie le blocus des États-Unis comme la première source d'attaque non seulement aux droits économiques sociaux et culturels de la population cubaine, mais également aux droits civiques et politiques.
Mais les États-Unis ne se contentent pas de ce blocus illégal, condamné presque unanimement par la communauté internationale. Les acquis obtenus à Cuba par les travailleurs, les personnes retraitées et les assistés sociaux sont menacés.
M. le président George W. Bush a fait approuver un véritable plan d'annexion de Cuba qui inclut, dès sa première version de mai 2004, un chapitre intitulé: Satisfaire les premiers besoins de santé, éducation, logement et services humanitaires. On insiste sur l'élimination du système de sécurité sociale cubain. Selon ce plan, l'économie cubaine et le budget du gouvernement après la transition ne seront pas capables de préserver le niveau et les requêtes d'éligibilité que le système communiste permettait. Il s'agit en fait purement et simplement de supprimer les droits socioéconomiques des Cubains.
J'en arrive au quatrième et dernier alinéa:
Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
Le droit de libre syndicalisation est pleinement protégé par les lois cubaines. Tous les travailleurs cubains ont le droit d'adhérer librement aux syndicats et de constituer des organisations syndicales sans qu'aucune permission préalable ne soit nécessaire. Ni le code du travail en vigueur à Cuba ni la législation complémentaire n'établissent de restrictions pour la création des syndicats. Le code du travail établit, dans son article 14, que les travailleurs cubains ont le droit de se réunir, de discuter et d'exprimer librement leurs avis sur toutes les questions et les sujets leur portant atteinte.
À Cuba, il y a 19 syndicats nationaux sectoriels avec leurs structures communales et provinciales dans 169 communautés et les 14 provinces du pays. Il y a plus de 80 000 bureaux syndicaux ou syndicats de base, où plus d'un demi-million de leaders syndicaux ont été élus par élection secrète et directe. Les syndicats nationaux se regroupent dans une centrale syndicale, la Centrale des travailleurs de Cuba, fondée en 1939, c'est-à-dire 20 ans avant le triomphe de la révolution cubaine, à partir de la volonté unitaire des travailleurs cubains.
Certains arguent que ces syndicats seraient contrôlés par le gouvernement et n'auraient aucun pouvoir. J'ai pu constater personnellement que ce n'est pas le cas. Il y a deux ans, le ministre du tourisme cubain, Manuel Marrero Cruz, dévoilait un code d'éthique pour les employés du secteur touristique en contact avec des étrangers.
Ce code visait à répondre à une demande pressante de la population cubaine exaspérée de voir la corruption se développer à cause du pouvoir d'achat démesuré du dollar dans une économie subventionnée. Sitôt dévoilé, ce code d'éthique fut diffusé et discuté par l'ensemble des travailleurs du secteur touristique dans leurs réunions syndicales. Il appert rapidement que le code rédigé est considéré comme trop radical pour de nombreux travailleurs en accord avec les principes du code, mais pas avec les dispositions et leur rigidité. Les syndicats ont rapporté ces discussions au ministère, le code a été immédiatement suspendu et le ministre a même présenté ses excuses aux travailleurs via une vidéo diffusée par l'ensemble des syndicats.
J'ai personnellement vécu ces événements grâce à des amis travaillant dans le domaine, qui m'ont permis de suivre la saga. Les travailleurs canadiens seraient sûrement heureux que leurs syndicats soient aussi puissants que les syndicats cubains.
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Bonjour et merci de l'invitation.
Ce dont je vais vous parler aujourd'hui, je l'ai appris sur le terrain. Cela fait 14 ans que je travaille à Cuba, que je vis là-bas avec un organisme dont le but est l'éducation à la paix par l'amitié entre les peuples, basée sur le respect et la compréhension mutuels. On dit que si on est capable de créer des liens d'amitié avec des gens d'un autre pays totalement différent du nôtre, la paix dans le monde est possible. Il faut établir un dialogue et essayer de se comprendre.
Je vais essayer d'expliquer quelque peu la mentalité du peuple cubain en vous faisant part de tout ce que j'ai appris. Commençons par faire un peu d'histoire en parlant de José Martí, le héros national de Cuba, le père de l'indépendance, le fondateur du parti révolutionnaire cubain, dont le but était de réaliser l'indépendance de Cuba et de fonder les bases de la future république.
Il disait: « Je veux que la première loi de notre République soit le culte des Cubains à la dignité absolue de l'homme ». Il a donc uni les forces indépendantistes pour permettre la victoire contre l'Espagne en 1898 et il a enseigné aux Cubains que le succès résidait dans l'union.
Le jeune Fidel Castro s'est imprégné de la pensée de José Martí et a réalisé avec le peuple cubain la véritable indépendance de Cuba par le triomphe de la révolution en 1959. Cette révolution s'est faite par, avec et pour le peuple. Depuis l'indépendance de Cuba en 1898, l'île était dirigée depuis Washington et elle appartenait à des entreprises étatsuniennes. Aujourd'hui, toute la société cubaine est basée sur les principes de José Martí.
Avant le triomphe de la révolution, il y avait plusieurs partis et aucune solution. Les Cubains se sont dotés d'un seul parti, qui a apporté des solutions à leurs problèmes. Un seul parti, un seul système d'éducation, un seul système de santé, pour un seul peuple. Justice et égalité pour tous.
Le peuple cubain est un peuple rebelle et insoumis. On ne parle pas d'un peuple écrasé. « Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux », disait Che Guevara. On peut aussi voir et lire à La Havane: « Monsieur Bush, vous pouvez nous tuer jusqu'au dernier, mais jamais vous ne réussirez à nous mettre à genoux comme avant ».
C'est un peuple digne, courageux et déterminé à défendre les conquêtes de la révolution, malgré un blocus inhumain de plus de 48 ans, le blocus le plus long de toute l'histoire de l'humanité. Un peuple révolutionnaire qui a fait la révolution en 1959, qui, passé la bataille des idées, a amené une révolution en éducation. « Des tranchées d'idées valent mieux que des tranchées de pierre », disait José Martí. À l'heure actuelle, on est dans la révolution énergétique.
Parlons maintenant des droits de la personne.
Le droit à la vie. Le taux de mortalité infantile à Cuba est de 5,2 pour 1 000 naissances vivantes, un taux qui est comparable au nôtre. Une attention est portée à la femme enceinte. Le système de santé est basé sur la prévention: un enfant cubain reçoit 13 vaccins dans sa première année de vie. L'espérance de vie est de 76 ans pour les hommes et de 78 ans pour les femmes. C'est ce qu'on constate aujourd'hui.
Le droit à la santé. Le système de santé est gratuit et universel. Il est subventionné par le tourisme. C'est le tourisme qui est la première industrie du pays et qui permet d'arriver à ces résultats, ainsi que la volonté politique de le faire.
Le droit à l'éducation. Environ 4 p. 100 des gens sont analphabètes et ne pourront jamais apprendre, car ils n'en ont pas la capacité. À l'école primaire, il y a un professeur pour 20 élèves. Un enfant égale un professeur et une école. Que ce soit à la montagne ou n'importe où, le professeur se déplace, à mulet s'il le faut, mais chaque jour l'enfant a accès à un professeur avec son école, panneau solaire, téléviseur, vidéo et ordinateur.
Dans les écoles secondaires, il y a un professeur pour 15 élèves, pour une meilleure attention à l'adolescent et ainsi prévenir le décrochage scolaire. On les envie, n'est-ce pas? On a également des téléclasses et des vidéoclasses, pour avoir le même système d'éducation, que ce soit à la montagne ou à la capitale. Ces enfants qui sont déplacés, par exemple, pour aller dans les écoles secondaires, sont logés, nourris, transportés, costume et matériel scolaire tout inclus, tout est gratuit.
Le droit à la propriété. La réforme agraire est la première réforme instaurée par Fidel Castro. Le titre de propriété qu'on a remis aux cultivateurs est celui-ci: la terre est à ceux qui la cultivent. À Cuba, 80 p. 100 des terres appartiennent aux agriculteurs qui sont réunis ou non en coopératives de différents types.
Comme le disait mon collègue, 85 p. 100 des gens ont une propriété. La maison est construite par le gouvernement et elle est remboursée à raison de quelques pesos par mois. Au bout de 25 ans, la maison leur appartient. Personne n'est locataire de sa maison.
Pour ce qui est des droits d'association, je vais nommer une série d'associations: les Comités de défense de la révolution, la Fédération des femmes cubaines, l'Association nationale des petits producteurs agricoles, l'Organización de Pioneros José Martí, qui regroupe les jeunes de 9 à 14 ans, la Fédération des étudiants d'enseignement moyen, qui regroupe tous les adolescents jusqu'à l'âge de l'université, la Fédération des étudiants universitaires, l'Union des jeunes communistes, la Centrale des travailleurs cubains et l'Union nationale d'écrivains et d'artistes de Cuba.
Pour ce qui est du droit à la démocratie, on parle d'élections libres tous les deux ans et demi au niveau municipal, et aux cinq ans aux niveaux provincial et national. En matière de liberté d'expression, on parle de lignes ouvertes à la radio et dans les journaux provinciaux et nationaux. Tout peut être remis en cause, sauf le caractère socialiste de la révolution, parce que c'est une décision du peuple qui a été ratifiée dans le cadre d'un référendum en 2002.
Lorsque M. Carter a demandé de rouvrir la Constitution, 10 000 signatures ont été déposées au Parlement. Même si elles n'étaient pas légales, c'est-à-dire prouvées devant un notaire ou un avocat, la Constitution a été rouverte; on a fait un référendum auquel plus de 98 p. 100 des personnes de plus 16 ans ont participé. Plus de 92 p. 100 des gens étaient favorables non seulement au maintien de la Constitution mais au caractère irrévocable du socialisme dans la Constitution. Le caractère socialiste est donc irrévocable: c'est une décision du peuple.
En ce qui a trait à la liberté de religion, on voit des églises catholiques et protestantes, des Santeros, la religion afro-cubaine Santeria, et même des Témoins de Jéhovah. Ils ont droit à tous les services, comme l'ensemble des Cubains, même s'ils ne participent à aucune activité populaire.
Pour ce qui est du droit au travail, comme l'a dit notre collègue, le taux de chômage est inférieur à 2 p. 100.
Je vous ai présenté un panorama succinct, mais qui vous donne une idée de la réalité de Cuba aujourd'hui telle que j'ai pu l'apprécier sur le terrain, de l'ouest à l'est et du nord au sud, en vivant avec les paysans dans les coopératives de café, de tabac, de canne à sucre, et en travaillant avec les pêcheurs.
Je vous remercie de me donner cette occasion de témoigner devant vous.
La Caravane d'amitié Québec-Cuba existe depuis 1994 et elle est bien établie dans la société québécoise. Nous avons des amis dans toutes les couches de la société. Il y a des bénévoles qui travaillent avec nous. Parmi nos amis, il y a certains parlementaires du Québec. Nous travaillons aussi avec des organisations comme les Pasteurs pour la Paix aux États-Unis et des associations semblables dans toutes les villes au Canada.
Notre but est de développer l'amitié avec Cuba dans le respect de sa souveraineté. Nous sommes surtout contre l'intervention extérieure à Cuba. Ce pays a le droit de développer son propre système social et sa propre société.
Évidemment, le thème de mon intervention porte sur les élections et la façon dont les Cubains choisissent leur gouvernement.
Un des droits humains est celui de choisir son gouvernement. J'affirme qu'à Cuba, ce droit important est respecté. En effet, il y a là un processus électoral participatif très complet, garanti par la constitution.
La constitution qui établit la structure politique a été soumise à un référendum général le 15 février 1976, après un processus massif de consultation populaire initié une année auparavant. Lors de ce référendum, 99,3 p. 100 des électeurs admissibles de 16 ans et plus ont participé et 98 p. 100 de ceux-ci ont voté en faveur du projet.
Comme Colette l'a dit plus tôt, il y a des élections tous les cinq ans. Les députés et les délégués à l'Assemblée nationale sont choisis par scrutin général et secret. Il y a des élections partielles à tous les deux ans et demi au niveau municipal.
La population propose et choisit tous les candidats et candidates lors d'assemblées publiques qui se tiennent dans les circonscriptions locales où sont regroupés les électeurs. Dans plus de 14 000 circonscriptions divisées en quartiers et zones, il y a environ 25 000 collèges électoraux où sont affichés les listes des électeurs, ainsi que les biographies et les photos de tous les candidats.
C'est parmi les délégués des circonscriptions, présentés et élus par la population du quartier, que sont élus à leur tour les membres des assemblées municipales, puis provinciales du pouvoir populaire. Pour être élu, il faut obtenir 50 p. 100 des votes plus un, sinon on passe au deuxième tour.
Les députés de l'Assemblée nationale ou du Parlement sont choisis parmi les membres des assemblées provinciales et rejoints dans l'exercice de leurs fonctions par des représentants des secteurs scientifique et administratif, des associations paysannes et intellectuelles et des organisations de masse. Au Parlement, des blocs de sièges sont réservés à la population en général des municipalités et des quartiers, mais aussi à des secteurs représentatifs du pays, comme les syndicats et autres. Ces institutions ont droit à un certain nombre de députés.
Le Parlement élit lui-même parmi ses représentants les membres du Conseil d'État. C'est ce dernier qui élit le président, qui est Fidel Castro. Les élus, qu'il s'agisse des délégués de circonscriptions, des membres des assemblées municipales et provinciales ou des députés de l'Assemblée nationale, remplissent leurs fonctions sans toucher quelque rémunération que ce soit. Cependant, les titulaires des postes représentatifs les plus exigeants sont payés. En général, les gens qui avaient des professions autres que celle de politicien professionnel gagnent le même salaire qu'avant de devenir politiciens.
Périodiquement, les élus doivent rendre compte de leur travail et leur mandat peut être révoqué par les instances qui les ont élus. Ils doivent donc se présenter devant ceux qui les ont élus, et si ces derniers ne sont pas satisfaits de leur travail, ils peuvent perdre leur poste.
À Cuba, le droit de vote s'exerce dès l'âge de 16 ans. Les inscriptions au registre électoral se font automatiquement quand les jeunes atteignent cet âge, car elles se font sur la base du registre civil, dans lequel sont inscrits tous les citoyens et citoyennes. Le vote est volontaire, libre et secret. Il n'existe aucune loi qui oblige les électeurs à aller déposer leur bulletin de vote.
À chaque élection ayant eu lieu à ce jour, plus de 90 p. 100 de l'électorat s'est rendu aux urnes. Le comptage des votes est réalisé publiquement, au terme de la période de vote, par des membres de la table électorale et en présence d'électeurs qui viennent volontairement vérifier la transparence de l'acte électoral. À Cuba, les urnes sont surveillées par les enfants, et il n'y a jamais eu de vol d'urne.
Voilà qui termine ma présentation.
Merci.
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Je vous comprends tout à fait, madame St-Hilaire.
Quand je suis allé à Cuba pour la première fois en 2000, je me suis posé à peu près les mêmes questions. Quand je lisais les journaux, je me demandais si c'était le paradis ou l'enfer. Pour cette raison, depuis les sept dernières années, j'ai passé près de 25 p. 100 de mon temps à Cuba, en vivant chez les Cubains, tant à La Havane que dans les autres provinces, pour découvrir de l'intérieur la réalité cubaine dans tous les milieux.
Je me suis aperçu que tout n'allait pas très bien à Cuba. Il s'agit d'un pays asphyxié économiquement depuis 48 ans. Aucun autre pays au monde n'a eu à supporter cela au cours de son histoire. Imaginez si, demain matin, les États-Unis refusaient tout commerce avec le Canada et menaçaient de poursuite toute entreprise qui ferait du commerce avec le Canada. Notre situation économique serait désespérée. Nous sommes un pays riche, alors que Cuba, au moment de sa révolution, était un pays pauvre.
Les choses ne vont donc pas très bien. Lorsqu'il y a eu la chute de l'Union soviétique, qui apportait une aide économique à Cuba, il y a eu un renforcement des mesures du blocus. Je vous rappelle que vous m'avez demandé si nous devrions condamner ce blocus. Le gouvernement canadien le condamne, comme la quasi-totalité de la communauté internationale. Seulement quatre pays appuient le blocus à l'ONU, soit les États-Unis, bien entendu, Israël, Palaos et les Îles Marshall. Le reste de la communauté internationale s'insurge contre ce blocus illégal qu'on qualifie bien souvent de tentative de génocide.
Telle est la réalité économique de Cuba. Il est heureux que le Canada et les entreprises canadiennes fassent des affaires à Cuba, sinon les Cubains mourraient littéralement de faim, comme cela a été le cas au début de ce qu'on a appelé la « période spéciale », en 1992, lorsqu'il y a eu le renforcement du blocus américain au lendemain de la chute de l'Union soviétique.
On entend dire beaucoup de choses sur Cuba. C'est pour cette raison que l'organisation Cuba-Nouvelles s'emploie à exposer des faits objectifs et vérifiables. Les chiffres que je vous ai cités peuvent être validés. Le pouvoir d'achat du Cubain moyen a augmenté de près de 50 p. 100 au cours des deux dernières années. C'est le résultat de la politique économique constructive canadienne, le Canada étant présent à Cuba.
Si le blocus des États-Unis disparaissait demain matin, on pourrait s'attendre à ce que le niveau de vie des Cubains devienne quatre ou cinq fois meilleur. Il y a un commerce très limité entre Cuba et les États-Unis. On parle d'un commerce annuel d'à peu près 300 à 400 millions de dollars US. À l'échelle du pays, il s'agit d'une goutte d'eau comparativement aux besoins d'une population de près de 12 millions de personnes.
Ce commerce se fait dans des conditions très difficiles. Il est possible de trouver des produits à Cuba, mais le gouvernement, le peuple et l'État cubains sont en général obligés de payer ces produits deux ou trois fois leur prix. Par exemple, pour acheter un sac de ciment dont le prix en gros n'est que de quelques dollars, il faut dépenser jusqu'à 10 $ ou 15 $ en frais de transport pour le faire venir d'Europe par bateau, et ce bateau n'a pas le droit d'entrer dans un port américain pendant les six mois subséquents.
Je termine en soulevant un deuxième point qui a trait aux prisonniers politiques. Imaginez que demain matin, on apprenne au Canada que l'Arabie Saoudite ou les gouvernements de l'Iran ou du Pakistan financent quatre à cinq fois le salaire minimum des Canadiens pour favoriser ici une transition pacifique et démocratique à une république islamiste parce que ces pays estiment que notre monarchie est désuète. J'imagine que le gouvernement canadien ne laisserait pas faire de telles choses.
C'est exactement ce qui se passe à Cuba. Les gens qui ont été pris à se faire financer directement à raison de 200 $ à 300 $ par mois — je vous ai parlé du coût de la vie à Cuba — se sont retrouvés en prison. Ce n'est pas à cause de leurs opinions. Beaucoup de gens qui sont contre le système à Cuba se promènent dans la rue librement, mais ceux qui travaillent avec l'ennemi se retrouvent en prison.
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Quand j'entends ces propos, j'ai l'impression d'entendre une radio cubaine. Je suis de Cuba. Je suis né à Cuba et j'y ai passé mon enfance. J'ai quitté ce pays pour aller en Jamaïque, d'où je suis venu au Canada.
Autrefois, Cuba attirait des immigrants du monde entier. Mes grands-parents ont immigré à Cuba à partir de la Jamaïque. Les Haïtiens eux-mêmes ne veulent plus rester à Cuba désormais. De toute évidence, nous parlons de deux pays différents. C'est comme le soleil et la lune; c'est absolument...
Les faits mentionnés sont fournis par le gouvernement cubain, ce même gouvernement qui ne reconnaît pas l'existence de prisonniers politiques à Cuba. Est-ce qu'on peut se fier à un régime totalitaire en se figurant qu'il va donner une information fiable concernant les droits de la personne, la santé publique et l'éducation?
À Cuba, nous sommes endoctrinés par l'idéologie communiste. On ne peut pas choisir son éducation. On est obligé d'étudier le communisme, qu'on le veuille ou non. On interdit aux Témoins de Jéhovah de faire des études universitaires. Lorsque j'étais à l'école secondaire, la meilleure élève de ma classe était Témoin de Jéhovah et on lui a interdit l'accès à l'université. Tout le monde s'est désolé du sort de cette fille parce que c'était la meilleure élève et n'a pas été admise à l'université.
Des Cubains ont été persécutés pour des motifs religieux, politiques ou idéologiques, voire même parce qu'ils pensaient différemment. Je suis au Canada, en train de parler des droits de la personne à Cuba; on pourrait se demander ce qui m'amène à m'adresser à ce Comité des droits de la personne. Pourquoi ne pas parler à Cuba des droits des Cubains?
Il a fallu que je vienne de Cuba au Canada pour entendre des Canadiens qui sont allés à Cuba en touristes, qui y ont passé 25 jours ou un an — je ne sais pas combien de temps — alors que moi, qui suit pourtant Cubain, je ne suis autorisé à passer que trois semaines à Cuba. C'est le maximum. Et il y a fort à parier qu'après la présente séance, on va carrément m'interdire d'aller à Cuba.
Je ne sais donc pas de quel pays vous parlez. Cela n'a aucun sens.
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Cela ne prendra qu'une minute. Cela fait 50 ans que Cuba se trouve dans la même situation qu'aujourd'hui. C'est la même chose à la télévision, à la radio, partout. Je me contenterai de vous donner un seul exemple.
Lorsque je faisais mon doctorat à Cuba et que je cherchais des données, des renseignements, je me suis rendu dans chacune des sucreries situées dans ma province, celle de Santiago de Cuba, et dans tout le pays. Eh bien, lorsqu'on compare les données provenant de l'usine, de la province et du gouvernement national, on se rend compte qu'elles sont totalement différentes. Je ne prête pas foi aux statistiques fournies par le régime cubain.
Aussi, la Commission économique pour l'Amérique latine, la CEPAL, a rejeté les renseignements fournis par ces mêmes autorités. Elle a dit que c'était assez, que c'était fini, parce que Fidel Castro voulait changer de fond en comble la méthodologie utilisée pour étudier les améliorations économiques. C'est pour cela que je n'accorde pas la moindre crédibilité à toutes ces statistiques.
On dit que Cuba est un pays très libre. Mon parti est socialiste. Nous ne souhaitons pas le triomphe du capitalisme à Cuba; nous voulons que notre pays ressemble au Canada, qu'il compte à la fois une économie de marché et des programmes sociaux. Or, mon parti, qui cherche justement à créer des conditions de vie semblables à celles qu'on trouve au Canada, n'est pas autorisé à participer aux élections, comme c'est le cas d'autres partis à Cuba. À l'heure actuelle, il y a quelque 450 organisations à Cuba. Certaines d'entre elles sont de grande taille, comme mon parti, et il y en a d'autres, comme le Parti social-démocrate et d'autres mouvements.
Le problème tient à l'embargo. Cette mesure a vraiment affecté le pays pendant les trois premières années, soit en 1963, en 1964 et en 1965. Tout cela est terminé. À partir de moment-là, le système n'a pas fonctionné; l'étatisation a été un échec.
À Cuba, on dit en espagnol: El ojo del amo engorda al caballo...
M. Ronald Silvester: L'oeil du maître engraisse le cheval.
M. Asdrubal Caner Camejo: À Cuba, aucun propriétaire, personne ne s'occupe des propriétés. Le gouvernement paie les travailleurs et les travailleurs ont du travail, mais ça ne fonctionne pas.
Pourquoi y a-t-il un embargo? À ce jour, Cuba a acheté pour 2 milliards de dollars en produits des États-Unis. Pourquoi est-ce que ce pays devrait payer 1,7 milliard de dollars pour acheter des aliments que nous pouvons nous-mêmes produire? L'agriculture est inexistante à Cuba en ce moment.
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Je vous remercie beaucoup. Il ne m'arrive pas souvent de féliciter un socialiste, de lui dire voilà qui est bien.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: Un social-démocrate.
M. Kevin Sorenson: Oui, un social-démocrate.
Vous avez certainement exprimé ce que nous reconnaissons tous. Nous reconnaissons tous que ce qui a été fait à Cuba ne fonctionne pas. Le communisme ne fonctionne pas et n'a jamais fonctionné. Je vous applaudis d'avoir affirmé vouloir une économie de marché, que vous ne voulez peut-être pas demeurer un pays purement socialiste et que le capitalisme, lui, fonctionne. Nous vous en remercions.
Vous avez parlé de libre-échange et de ce genre de choses. Nous vous en sommes reconnaissants. Cela nous ramène peut-être à ce que disait M. Cotler, à savoir que les ententes signées par le Canada et Cuba ne donnent peut-être pas autant de résultats qu'elles le devraient.
Cela étant dit, notre comité est chargé d'étudier les droits de la personne. Il s'agit aussi d'un sous-comité du Comité des affaires étrangères, lequel s'occupe présentement de rédiger un rapport sur le développement démocratique. J'ai deux questions à vous poser.
Comment le Canada peut-il encourager Cuba à devenir démocratique?
En second lieu, en 2003, le gouvernement précédent a pris des mesures en réponse à l'arrestation de 75 personnes. À ma connaissance, la question n'a pas été réglée de manière satisfaisante. Par conséquent, que peut faire le Canada pour venir en aide à ces gens qui ont été emprisonnés?
Nous tenons à ce que Cuba prenne certaines mesures, mais si nous soulevons ces questions relatives aux droits de la personne, cela risquerait de faire reporter les mesures que nous préconisons.
Mes questions s'adressent à la fois à M. Taylor Sol et à M. Caner Camejo — à M. Taylor Sol en premier.
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Je voudrais simplement préciser que je suis très soucieux de m'en tenir à des faits et de ne pas émettre d'opinion. Mes sources ne sont absolument pas les autorités cubaines, mais uniquement des organismes internationaux ou des revues de presse internationales. Je ne pense pas que l'AFP, Reuters, Associated Press, les Nations Unies et l'UNESCO puissent être traités de sources peu fiables en ce qui concerne le régime cubain. Ma dernière source est, bien entendu, la Maison-Blanche à Washington, qui n'est pas non plus favorable au gouvernement cubain.
Vous demandez ce que peut faire le Canada et quel est le résultat de la politique canadienne. Dans un rapport de l'UNESCO paru au mois de mars dernier, on disait que le système cubain avait permis de sauver la vie de 420 000 enfants au cours des dernières années. Si le régime de Cuba avait été le même que dans le reste de l'Amérique latine, un système capitaliste, socio-démocrate ou autre appellation que je ne saurais désigner parce que c'est très diversifié d'un bout à l'autre de l'Amérique latine, de même que le système de santé, 420 000 enfants ou adultes seraient morts aujourd'hui. Voulons-nous vraiment, en tant que Canadiens, planter notre drapeau sur un tel cimetière?
Vous avez demandé ce qu'il fallait faire. Je vais vous parler du rapport de Mme Christine Chanet, qui est rapporteure spéciale auprès du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Cette dame s'est vu systématiquement refuser l'accès au territoire cubain, où elle voulait faire enquête, parce que le Cubains ont toujours refusé d'être accusés. Ils ont toujours collaboré avec toutes les autorités internationales, sauf quand celles-ci cherchaient à condamner un pays ou un autre.
Or, Mme Chanet, qui n'est bien entendu pas très favorable au système cubain, dit clairement que la première cause d'atteinte aux droits de l'homme, notamment aux droits économiques, socio-culturels, mais également civiques et politiques, est le blocus des États-Unis. Voilà la position de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, qui travaille à ce dossier depuis 20 ans.
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Je vous répondrai très brièvement. Le Canada n'est qu'un des 192 États membres des Nations Unies. Nous n'avons pas la prétention de croire que nous avons la capacité et le pouvoir de gérer ce qui se passe à Cuba. En tant que pays — comme le disait Mme Savoie tout à l'heure —, il n'est pas dans les coutumes du Canada de s'ingérer dans les affaires des autres, de décider à la place de la population d'autres pays.
Vous me demandez quelle est la situation et ce qu'on peut faire. Je vous dirais que près de 49 ans de blocus économique des États-Unis à l'endroit de Cuba, de luttes médiatiques, voire même terroristes à une certaine époque ont donné les résultats qu'on connaît. C'est un pays appauvri dans lequel la situation des droits de l'homme est très difficile.
Que peut faire le Canada? Je dirais tout d'abord qu'il peut peut-être arrêter de dénoncer le blocus, et peut-être exiger enfin de notre principal allié et partenaire qu'il abandonne ce blocus, qui est reconnu comme étant la première source d'atteinte aux droits de l'homme à Cuba. Deuxièmement, il peut reconnaître que Cuba est le seul pays d'Amérique latine où, au cours des dernières décennies, aucun journaliste n'a été assassiné, et reconnaître que Cuba est le seul pays d'Amérique latine où, au cours des dernières décennies, aucun syndicaliste n'a été assassiné.
Le Canada pourrait aussi mener une enquête réelle, à la lumière des 30 articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et dresser un bilan quant au maintien et au statut de ces droits dans chacun des pays de la région de l'Amérique latine et des Caraïbes. Ensuite, il pourrait probablement travailler avec Cuba afin d'envoyer des médecins en Haïti et en Afghanistan, plutôt que d'y faire tuer nos soldats. Également, il pourrait travailler avec Cuba à l'alphabétisation de l'Amérique latine afin de procurer aux citoyens de ce pays un minimum de droits civils. N'oublions pas qu'une personne analphabète est une personne privée de tous ses droits politiques et civils. Actuellement, Cuba est l'un des rares pays en voie de développement du monde à se battre contre l'analphabétisme. Enfin, il pourrait faire une analyse factuelle et objective de la situation réelle en ce qui a trait au respect des 30 articles de la Déclaration des droits de l'homme dans tous les pays de l'Amérique latine. Il verrait alors que Cuba n'est probablement pas l'endroit où les droits de l'homme sont les plus menacés.
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Merci, monsieur le président.
J'ai justement lu ce rapport auquel vous vous amusez à faire référence à gauche et à droite. Je pense que tout n'est pas blanc et que tout n'est pas noir. La plupart des organismes qui défendent les droits de l'homme parlent de prisonniers politiques à Cuba. Vous comprenez que vous êtes dans une situation contradictoire à celle d'autres personnes. Ce sont des prisonniers, mais je ne sais trop de quel type de prisonniers il s'agit.
Il y a un problème. Je suis d'accord sur les recommandations de la rapporteure, mais comme elles remontent à 2006, j'aimerais savoir si le gouvernement cubain y a répondu par la suite. C'est ma première question.
Ma deuxième question s'adresse à M. Leroux. Vous l'avez dit vous-même en citant Mme Chanet: elle parle d'un non-respect des droits de l'homme. Dans son rapport, elle en parle. Peu importe à quoi cela est dû, on s'entend sur le fait qu'il y a un problème en ce qui a trait aux droits de l'homme. Cela, vous ne pouvez pas le nier.
En tant que membres du sous-comité, nous voulons trouver une façon d'apporter notre aide sans nous ingérer dans la politique cubaine, parce que Cuba est souverain. Est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à suspendre l'aide publique à Cuba tant que les prisonniers ne seront pas libérés? Car il y a des prisonniers. Et il n'y en a pas seulement cinq ou six, il y en a plusieurs. Peut-être s'agit-il d'un complot contre Cuba — une série 24 heures chrono qui se déroulerait à Cuba —, mais il faut trouver une façon de prouver tout cela.
On se sent un peu mal à l'aise parce qu'il y a des gens de Cuba qui nous disent qu'il y a un problème, qu'il y a un non-respect des droits de l'homme, qu'il y a des prisonniers politiques ou autres, mais ce sont des prisonniers, qu'il y a de la torture. D'autre part, des gens sont venus nous dire le contraire. Vous, vous pouvez peut-être dire autre chose, mais il y a des groupes de défense des droits de l'homme qui sont venus nous dire qu'il y a un problème. Alors, vous avez le fardeau de la preuve et vos organismes sont davantage canado-québécois que représentatifs des gens du milieu. Je ne diminue en rien le travail que vous faites — loin de là, je le valorise —, mais vous devez comprendre qu'on entend d'autres versions des choses et que des rapports, comme celui de Mme Chanet, nous disent qu'il y a un problème en ce qui a trait aux droits de l'homme.
Qu'est-ce que vous répondez à cela?
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Je n'ai jamais nié qu'il y avait des problèmes de respect des droits de l'homme à Cuba. Le respect des droits de l'homme est un problème pour tous les pays du monde, y compris les États-Unis et le Canada. Même le Canada s'est fait épingler par la Commission des droits de l'homme. Aucun pays n'est parfait et c'est pour cela qu'on travaille tous ensemble pour essayer de faire avancer les choses. Cela dit, la notion de prisonnier politique n'est définie dans aucune convention internationale. L'interprétation de la notion de prisonnier politique est subjective.
Je reviens sur l'exemple absurde que j'ai donné plus tôt. Si, au Canada, on arrêtait des personnes financées par le gouvernement de l'Iran, du Pakistan ou de l'Arabie saoudite pour provoquer une transition d'une démocratie pacifique à une république islamiste, comment traiterions-nous ces personnes? Plusieurs organismes de défense des droits de l'homme qualifient les personnes arrêtées au moyen de certificats de sécurité de prisonniers politiques. Les autres pays doivent-ils pour autant arrêter leurs relations économiques ou gouvernementales avec le Canada?
Il y a des prisonniers politiques aux États-Unis. On arrête régulièrement des personnes dans le cadre de manifestations. Aux États-Unis, un prisonnier, Mumia Abu-Jamal, est en prison depuis plus de 25 ans pour ses opinions. Il est dans le couloir de la mort; il est menacé de peine de mort. Aucun des soi-disant prisonniers politiques cubains n'a été condamné à la peine de mort. Les seuls cas de condamnation à la peine de mort des 10 dernières années étaient attribuables au détournement terroriste d'une embarcation, à quelque chose d'équivalent à ce qui s'est passé le 11 septembre. Effectivement, il faut déterminer si ces gens sont des prisonniers politiques ou non. Cette question fait l'objet d'un grand battage médiatique.
Vous avez parlé de complot. Malheureusement, il n'y a pas que dans les séries télévisées qu'on peut voir le gouvernement des États-Unis, le Pentagone, la CIA mettre en place des mesures politiques et de guerre psychologique pour prendre le contrôle économique ou politique d'un pays. Il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé au Chili et dans d'autres pays.
Le site de la Maison-Blanche parle du plan d'annexion de Cuba, auquel je faisais référence. Le gouvernement des États-Unis a débloqué l'année dernière 80 millions de dollars pour financer une campagne de salissage et de dénigrement dirigée contre Cuba. On a découvert que Reporters sans frontières, qu'on a longtemps considérée comme une organisation indépendante et noble, était directement financée par ces fonds. C'est malheureusement la situation actuelle.
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Chers collègues, nous reprenons.
Le prochain point à l'ordre du jour est l'étude du rapport Burton. Comme le savent les membres réguliers du comité, c'est toute une saga qui continue à attirer l'attention de nos membres. En fait, à la suite de diverses motions qui ont été présentées, on nous a tous fourni rapidement la version publique du rapport de Burton intitulé « Évaluation du dialogue bilatéral sur les droits de la personne entre le Canada et la Chine », en date du 31 décembre 2005. Il existe un appendice confidentiel qui comprend des documents supplémentaires qui avaient été retirés de la version publique du rapport.
En réponse à nos protestations, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international nous a remis une version censurée des documents confidentiels supplémentaires, que vous avez maintenant sous les yeux. On vous a tous et toutes fait parvenir des exemplaires, du moins aux membres réguliers du comité.
À l'origine, on nous avait dit qu'il fallait étudier ces documents lors d'une réunion à huis clos durant 10 minutes, sans prise de note, mais de toute évidence, le ministère nous en a fourni des exemplaires, et on m'a informé que nous n'avons pas besoin d'être à huis clos pour les passer en revue.
Une voix: Est-ce exact?
Le président: Est-ce que la greffière pourrait apporter des éclaircissements, s'il vous plaît?
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Merci, monsieur le président.
Cette motion dont je donne avis est en fait une version abrégée d'une motion plus longue et plus détaillée que j'ai déposée auprès du comité le 12 décembre. À ce moment, la motion tenait compte de la résolution qui avait été adoptée à Berlin et à laquelle avaient souscrit les principaux experts sur le génocide, entre autres. Le comité avait décidé qu'il fallait entendre des témoins avant de s'engager dans ces dossiers. Il a donc entendu le professeur Payam Akhavan et M. Jared Genser. Ces deux témoins ont confirmé les preuves relatives à cette motion et ils ont fait des recommandations semblables. Le Congrès américain et les parlements européens sont déjà saisis de motions semblables ou en ont déjà adoptées.
Pour conclure, j'affirme qu'il n'y a pas de crime plus horrible que le génocide. C'est pour cette raison que j'ai mentionné dans ma motion la prévention de l'incitation au génocide, élément qui figure dans la Convention sur le génocide, qu'on appelle parfois le traité « jamais plus ».
En application de la Convention sur le génocide, notre propre Code criminel interdit la promotion du génocide.
En fait, monsieur le président, cette résolution est minimaliste. Elle dit simplement qu'il devrait être interdit d'inciter au génocide, compte tenu des conséquences horribles que cela pourrait avoir. La motion réclame simplement que cette question de l'incitation soit portée devant les Nations Unies. Elle ne nous empêche en rien de prendre d'autres mesures. En tant que pays signataire de la Convention sur le génocide, nous avons au minimum la responsabilité de porter cette question devant les Nations Unies.
En outre, le libellé de la résolution est directement tiré de la Convention sur le génocide. Je ne l'ai pas modifié.
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Oui. Notre comité plus que tout autre est conscient des atrocités commises en Iran. Dans le cas de certains pays, dont la Corée du Nord, on a parfois l'impression que tout ce que nous pourrions faire serait en vain. On a l'impression d'être impuissant tant que la Corée du Nord n'aura pas un nouveau président, par exemple. Le cas de l'Iran suscite un peu les mêmes sentiments.
On nous demande d'agir. C'est ce que nous demande M. Cutler, je crois.
Que pouvons-nous faire?
Il est certain que préconiser le génocide est la chose la plus horrible qu'un dirigeant puisse faire. Cela ne fait aucun doute. Lorsque le chef d'un pays réclame l'anéantissement d'un autre pays, d'un pays démocratique, il faut certes réagir avec toute la vigueur possible. Mais ce que M. Cutler réclame, dans ce cas-ci, est sans précédent au Canada. D'après ce qu'on m'a dit, la Cour pénale internationale n'est jamais intervenue dans une telle affaire.
Quelles conséquences une telle motion pourraient-elles avoir pour notre politique étrangère? Pouvons-nous réclamer une réaction aussi extraordinaire sans avoir étudié à fond toutes les considérations en matière de politique étrangère? Le Canada sortirait-il gagnant de cela?
Est-il même possible de gagner? C'est bien de déposer une plainte. C'est une façon de protester — eh bien, c'est une façon de protester énergiquement. Cela montre que nous n'acceptons pas la situation et que nous y réagissons aussi énergiquement que nous le pouvons. Mais est-il possible d'avoir gain de cause? Nous n'en avons aucune idée.
Le Canada a toujours reproché à l'Iran ses violations des droits de la personne, son mauvais comportement dans les affaires internationales, et nous avons pris diverses mesures. Nous avons signé une politique d'engagement contrôlé. Qu'est-ce que cela signifie? Eh bien, cela signifie qu'à l'heure actuelle, nous ne négocierons avec l'Iran que dans certains domaines. Il nous est encore possible de discuter de désarmement nucléaire, et nous le faisons. Nous nous sommes toujours opposés à la menace de l'Iran de se doter d'armes nucléaires. Et en ce qui concerne les violations des droits de la personne? Nous avons entendu des témoins nous raconter les horreurs qu'ils ont vues en Iran, et nous avons reconnu le problème.
Il nous est encore possible de discuter avec l'Iran au sujet des droits de la personne. Même si notre engagement est contrôlé, nous avons la possibilité de discuter avec le gouvernement iranien de la torture et du meurtre de Canadiens aux mains des fonctionnaires iraniens, comme on l'a constaté dans l'affaire Zahra Kazemi, dans une prison iranienne.
Parmi les choses qui sont interdites au Canada, il y a le vente de tout article qui pourrait servir à des fins militaires, qui pourrait être utilisé dans le cadre d'opérations d'agressions ou même de défense des intérêts de l'Iran. Il nous est interdit d'ouvrir des consulats iraniens au Canada, ce qui est une mesure très sévère. Nous disons à l'Iran qu'il ne peut avoir de consulat au Canada parce que nous sommes entièrement opposés à ce que l'Iran a fait et fait encore. Nous interdisons aux avions iraniens de survoler le territoire canadien. Toutes ces mesures sont en réaction à ce problème. Notre position est bien connue. Le gouvernement du Canada s'oppose depuis longtemps aux politiques de l'Iran, et cela est bien connu de la communauté internationale.
Ce que réclame la motion de M. Cutler, c'est que M. Ahmadinejad soit poursuivi devant la Cour pénale internationale. Le problème, c'est que ni Israël, ni l'Iran, ni l'Inde, ni les États-Unis n'ont signé cette convention, et que l'on voudrait demander à un tribunal de statuer sur cette question alors que sa compétence n'est pas reconnue par ces pays. Cela pose un problème. Ces pays sont en droit de ne pas signer le traité. Pouvons-nous les obliger à appliquer un traité qu'ils n'ont pas signé?
Ce qui m'inquiète également, c'est que si nous adoptons cette mesure, nous ouvrirons la possibilité que d'autres pays, même ceux qui n'ont pas signé ce traité, puissent faire l'objet de poursuites devant cette Cour dont ils ne reconnaissent pas la compétence, pour des violations des droits de la personne ou de crimes dont ils pourraient être accusés.
Je suis d'accord avec l'esprit de la motion. Il faut agir; il faut faire davantage. Mais est-ce bien la solution à adopter? Pour l'instant, je ne crois pas que je puisse voter en faveur de cette motion, même si je fais partie du comité, parce que même si nous reconnaissons qu'il y a un grand problème humain... Ce n'est pas la bonne solution.
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Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de dire simplement que je comprends que le Canada a fait tout ce qu'il peut en interdisant aux avions de voler au-dessus de notre territoire, dans le domaine des droits de la personne, etc. Malheureusement, cela ne résout pas le problème. Ce sont de bonnes mesures, mais elles ne vont pas au coeur du problème.
Le monde n'a rien fait dans le cas du Rwanda — et je donne cela en exemple. Nous savions ce qui se passait dans ce pays. Il y avait dans ce pays toutes sortes de discours sur ce que l'on avait l'intention de faire, mais malgré les émissions radiophoniques, tout ce qui était diffusé... Le monde a choisi de ne pas écouter et il a parlé de génocide. Même pendant que les atrocités se déroulaient, rien n'a été fait.
Il y a eu un génocide aussi durant la Deuxième guerre mondiale; l'holocauste est aussi un génocide. On peut lui donner l'un ou l'autre nom. Les pays occidentaux savaient ce qui se passait mais ont choisi de fermer les yeux.
Il y a maintenant le Darfour. Combien de temps nous a-t-il fallu avant de réagir à ce problème? Et nous venons à peine de commencer à le faire. Quand des pays commencent à déclarer qu'Israël est un État illégal, qu'il faut l'abolir car c'est l'incarnation du mal ou qu'il faut l'effacer de la face de la terre, c'est de l'incitation au génocide.
Les étoiles ne seront peut-être pas prochainement dans l'alignement nécessaire pour que ce génocide se déroule, mais le monde ne peut pas se permettre d'attendre que cela arrive.
Généralement, la communauté internationale se prononce par l'entremise de cet organe collectif que sont les Nations Unies, et c'est par cet organe qu'elle devrait dire à l'Iran que cette situation ne peut être tolérée, que l'Iran doit changer sa façon d'agir si ce pays veut faire partie de notre système, de notre monde, ou avoir notre respect, entre autres. Mais à l'heure actuelle, je ne crois pas que le gouvernement iranien se soucie d'avoir le respect de qui que ce soit.
On a également dit que ces pays n'étaient pas signataires du traité. Je ne crois pas que cela constitue un problème, parce que la Serbie n'était pas non plus signataire, et cela n'a pas empêché ce pays et le président Milosevic d'être poursuivis devant la Cour pénale internationale pour les atrocités commises au Kosovo, etc. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire qu'un pays soit signataire du traité pour qu'il puisse être poursuivi devant la Cour pénale internationale. Cela se fait en fonction d'une seule règle, et c'est celle de savoir si des atrocités humaines ou un génocide ont été perpétrés contre l'humanité. C'est de cela qu'il s'agit.
Je sais que les États-Unis font partie d'un certain nombre de pays qui n'ont pas ratifié ce traité, mais je signale néanmoins que la Cour pénale internationale mène des poursuites contre des pays qui n'ont pas ratifié l'existence de cette cour.
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Je vais essayer de vous apporter des précisions.
Je suis d'accord avec . J'aurais cru cependant que ses conclusions auraient découlé de sa prémisse initiale, c'est-à-dire qu'il s'agit du crime le plus horrible dont un dirigeant peut faire la propagande. Je suis d'accord avec vous. En fait, c'est le seul dirigeant qui ait toujours... C'est pour cette raison que j'ai fourni la toile de fond. Et depuis que je vous ai fourni ces preuves, le 12 décembre, M. Ahmadinejad et certains de ses associés ont malheureusement réitéré leur voeu de faire disparaître Israël de la carte — en toute impunité.
Vous avez dit qu'on n'avait jamais demandé à la Cour pénale internationale d'intervenir dans un tel cas. Permettez-moi d'apporter des correctifs. Pour commencer, le Canada a appuyé le renvoi devant la Cour pénale internationale des atrocités commises par les dirigeants du Soudan. Cependant, le Soudan n'est pas partie à la Cour pénale internationale, il n'en est même pas membre. Cette affaire n'est donc pas sans précédent et il n'y a pas non plus de lien avec le fait que l'Iran, par exemple, n'a pas reconnu la Cour pénale internationale. Le Canada a appuyé ce renvoi, je l'ai appuyé, je faisais alors partie du gouvernement. Je puis vous assurer que c'est exactement ce qu'a fait le gouvernement à cette époque, la même chose que votre gouvernement aurait fait sans doute, c'est-à-dire qu'on a demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies de porter la question devant la Cour pénale internationale.
a parlé de considérations politiques bien énoncées. Je lui répondrai ce qui suit: Quel message donnons-nous si nous disons que l'on peut préconiser le génocide en toute impunité? Que peut-on en déduire sur le plan des droits humains, de la politique étrangère et du droit international? M. Sorenson a également parlé de la question de la construction d'armes nucléaires par l'Iran. J'essaie d'établir un lien. Aux Nations Unies, nous avons adopté comme position — et c'est aussi la position adoptée par les Nations Unies — qu'il fallait adopter des résolutions demandant à l'Iran de cesser l'enrichissement de matières nucléaires à des fins d'armement... L'Iran a déclaré que ces armes nucléaires serviraient à éliminer Israël d'une seule bourrasque, pour reprendre les termes qu'on a utilisés. Il faut dire aux Nations Unies que le problème, ce n'est pas seulement l'enrichissement de matières nucléaires à des fins d'armement, c'est l'intention de génocide qui est liée — d'après les dirigeants de l'Iran — à l'utilisation des armes nucléaires.
Enfin, vous avez dit qu'on pourrait débattre du problème iranien dans d'autres contextes et sur d'autres tribunes. Cette motion ne nous empêche pas de parler à l'Iran ailleurs. Mais si nous ne pouvons pas discuter de l'application de la Convention sur le génocide, nous pouvons à tout le moins demander aux Nations Unies de l'examiner... À mon avis, la motion dont nous débattons est un minimum.
Je vais maintenant répondre aux observations de Denise. Elle a raison lorsqu'il dit qu'il s'agit d'une question de style. Disons que j'accepte son amendement à l'amiable et que je suis prêt à ajouter « En conséquence, il est recommandé que », après la quatrième ligne... Après « en vue de prévenir l'incitation directe et publique à commettre le génocide », j'ajouterais « par les hauts fonctionnaires du gouvernement iranien ». Je reconnais que le texte se lirait mieux grâce à cet amendement à l'amiable, par lequel on ajouterait « par les hauts fonctionnaires du gouvernement iranien », après « à commettre le génocide », à la fin des deux premiers paragraphes.
En ce qui concerne les enquêtes et les poursuites, elle a également raison. Je n'ai pas voulu laisser entendre que nous devons nécessairement entamer des poursuites et qu'il n'est pas nécessaire de faire enquête avant de poursuivre. Ce que je dis, c'est qu'il faut porter l'affaire devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, et que le Conseil prendra cette décision. Autrement dit, il pourra, comme dans le cas du Soudan, renvoyer l'affaire à la Cour pénale internationale aux fins d'enquête et de poursuites. C'est ce qui est dit. La Cour pénale internationale rendra sa décision.
Ce que je demande est foncièrement minime. Confions le dossier aux Nations Unies. Laissons les organes compétents des Nations Unies en discuter. Portons devant les Nations Unies cette question de l'incitation au génocide. Je ne voudrais pas que, en 2007, nous ne puissions pas au moins recommander que les Nations Unies discutent de la question de l'incitation au génocide. Laissons les Nations Unies décider si la question doit être portée devant la Cour pénale internationale aux fins d'enquête et de poursuites.
Je ne recommande pas que Ahmadinejad soit poursuivi en justice; je recommande que les Nations Unies examinent la question et rendent la décision. C'est si minime... on ne saurait faire moins.