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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, membres du sous-comité, mesdames et messieurs, c'est effectivement un grand plaisir et un grand honneur pour mon collègue, M. Lodi Gyari et moi-même d'être invités à prendre brièvement la parole devant le sous-comité. Je vais commencer par présenter notre point de vue.
Je crois qu'il est surtout important que vous entendiez, ce matin, M. Lodi Gyari, qui est l'envoyé spécial de Sa Sainteté le dalaï-lama, basé à Washington, mais qui est surtout le chef de la délégation qui négocie avec le gouvernement chinois. Il assume la tâche très difficile d'essayer de trouver un règlement négocié pacifiquement pour un problème très complexe et très difficile.
Je vais simplement faire une brève déclaration préliminaire au sujet de la situation actuelle au Tibet et du problème des droits de la personne. Lorsque nous parlons de la question des droits de la personne, je pense que nous parlons des symptômes d'un problème beaucoup plus vaste. Je crois qu'il s'agit seulement des symptômes.
Vous avez certainement suivi, récemment, un tragique incident qui s'est produit à la frontière entre le Tibet et le Népal, au début du mois dernier, lorsqu'on a tiré sur un groupe de réfugiés tibétains innocents et non armés qui cherchaient à quitter le pays, ce qui a causé des morts et des blessures graves. Mais ce n'est pas un incident isolé. Cela dure depuis plus de cinq décennies, mais malheureusement la communauté internationale n'en a pas eu vraiment connaissance. Ce qui est arrivé au début du mois dernier a retenu son attention parce que c'ela s'est passé en présence d'étrangers, les alpinistes qui ont été témoins de cet incident.
Néanmoins, ce qui est intéressant, et qui illustre bien la situation au Tibet et les problèmes de notre peuple, c'est la réponse des autorités chinoises. Elles ont dit que les soldats avaient tiré en état de légitime défense. Qu'elles puissent faire une déclaration pareille alors que l'incident a eu pour témoins non pas une ou deux personnes, mais tout un groupe d'alpinistes étrangers, et je pense que c'est un Albanais qui a pu le filmer... Je suis certain que vous l'avez vu. Vous avez lu les articles dans les journaux. Et maintenant ce vidéo est affiché dans un site Web. Cela montre à quel point le gouvernement chinois a déformé les faits et comment il présente la situation à la communauté internationale.
Je vais dire simplement une chose pour montrer à quel point le problème est profond et combien il est difficile pour la communauté internationale d'en saisir toute la gravité. En 1987, il y a eu un incident, à Lhasa, la capitale du Tibet, suite à une manifestation pacifique de Tibétains. Elle a été réprimée de façon très brutale; de nombreuses personnes ont perdu la vie. Là encore, cet incident a retenu l'attention de la communauté internationale parce qu'il y avait des étrangers à Lhasa à ce moment-là. Deuxièmement, un Tibétain très brave qui travaillait au ministère chinois de l'Information a réussi à obtenir une copie du film officiel des événements qui avaient été filmés par l'équipe officielle. Ce n'était pas pour être diffusé publiquement. Cette copie est sortie clandestinement du Tibet quelques jours plus tard et a été montrée à l'étranger.
Également à la même époque, le gouvernement chinois a essayé de déformer les faits en disant que c'était en réponse aux provocations des Tibétains. Un journaliste chinois qui couvrait officiellement les événements et qui a ensuite couvert les événements de la Place Tiananmen s'est rangé du côté des étudiants chinois. Il a raconté comment les choses s'étaient passés, et notamment le fait que lorsque les Tibétains ont manifesté pacifiquement, les autorités chinoises ont placé des fusils chargés à chaque coin de rue et ont installé des caméras. Elles voulaient que les Tibétains prennent les fusils chargés et s'en servent afin de justifier leur répression.
La répression a eu lieu et cela, avant les événements de la Place Tiananmen, en 1989. Le Tibet a été placé sous la loi martiale en 1988.
Ce n'est là qu'un aperçu très général de notre situation au Tibet. Et comme je l'ai dit, cela dure depuis plus de cinq décennies.
Sa Sainteté le dalaï-lama et les dirigeants tibétains ont décidé de trouver une solution à ce problème. Je dirais qu'il s'agit d'un cercle vicieux. La répression engendre une résistance qui engendre davantage de répression ,et ainsi de suite. Plus de 1,2 million de Tibétains sont morts au cours des 50 dernières années. Ce qui s'est passé au début du mois dernier n'est que la pointe de l'iceberg. Le problème est beaucoup plus vaste.
Nous devons sortir de ce cercle vicieux. La seule façon d'y parvenir c'est en négociant. Il y a aussi ce mouvement tibétain, ce mouvement non violent et pacifique, mais il ne retient malheureusement pas beaucoup l'attention de la communauté internationale. En même temps, je pense que depuis quelques années, les gouvernements et les parlements...
Je mentionnerais également que nous sommes très reconnaissants au gouvernement canadien, au Parlement canadien, pour leur appui et surtout, je pense, pour la déclaration très énergique que le ministre des Affaires étrangères a faite au Parlement en réponse à une question. C'est une chose que nous apprécions énormément et dont nous sommes très reconnaissants. D'autre part, au cours des années, les membres du Parlement se sont intéressés à notre situation. Bien entendu, c'est également quelque chose d'important.
On a parfois l'impression que la Chine ne se soucie pas de l'opinion de la communauté internationale. Je dirais que c'est le contraire. Elle s'en soucie.
Il y a quelques années — je crois que c était il y a plus de 15 ans, il y a eu un document officiel chinois interne. C'était une directive émise par Beijing aux autorités locales. Elle disait que les autorités devaient gérer la situation au Tibet avec beaucoup de prudence. On y disait que si une épingle tombait au Tibet, cela engendrerait des vibrations dans le monde entier. Les Chinois sont donc sensibles à cela.
Bien entendu, le processus de négociation a commencé il y a une vingtaine d'années. Il a connu des hauts et des bas, mais il n'est jamais parvenu à sa conclusion logique. Les négociations ont été totalement interrompues pendant une dizaine d'années, après quoi, il y a environ cinq ou six ans, Sa Sainteté a voulu relancer le processus. Il a chargé deux de ses principaux conseillers de renouer les contacts et de reprendre le dialogue. Cette lourde responsabilité a été confiée à M. Lodi Gyari et à son collègue, M. Kelsang Gyaltsen. Ils ont réussi à rétablir le contact et il y a eu cinq séries de négociations.
Si je vous racontais ce qui se passe actuellement au Tibet ou ce qui s'est passé, ce serait une histoire très triste et très tragique. Mais nous ne voulons pas nous enfermer dans le passé. Nous voulons aller de l'avant et trouver une solution. C'est ce que nous essayons de faire. Nous faisons un effort très sincère pour parvenir à un règlement négocié.
Je pense qu'il serait plus utile pour le comité d'entendre aujourd'hui M. Lodi Gyari, la personne chargée de ce dialogue, de ce processus, de la responsabilité de faire progresser le dialogue et de la situation actuelle. Je pense que c'est important. Comme je l'ai dit, si nous pouvons résoudre le principal problème, les autres questions comme les violations des droits de la personne qui ne sont que les symptômes... Nous essayons maintenant de nous attaquer au principal problème. Je crois très important que le comité entende M. Lodi Gyari au sujet de cette importante question.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président et membre du comité, mon collègue et moi-même sommes très honorés d'avoir été invités à témoigner devant votre comité.
Nous ne sommes certainement pas venus ici pour critiquer le gouvernement chinois ou lancer des accusations contre lui, car particulièrement en ce qui me concerne, Sa Sainteté m'a confié la responsabilité de dialoguer avec le gouvernement chinois.
En même temps, nous croyons, comme nous l'avons fait très clairement savoir au gouvernement chinois, que tant que la question tibétaine ne sera pas résolue, tant que le gouvernement chinois ne commencera pas à respecter les droits fondamentaux du peuple tibétain, Sa Sainteté le dalaï-lama et nous tous avons la responsabilité morale et historique envers notre peuple de dire la vérité. C'est donc dans cet esprit que nous venons aujourd'hui prendre la parole devant cette auguste assemblée.
Nous croyons aussi, comme mon collègue l'a très clairement indiqué, que la communauté internationale a un rôle important à jouer pour que nous puissions trouver une solution, les Chinois et nous. Plus particulièrement, le gouvernement et le Parlement du Canada ont un rôle important à jouer. Encore une fois, il ne s'agit pas de se contenter de prendre le parti de l'un et d'être inamical avec l'autre. C'est un rôle qui peut aider à la fois les Chinois et les Tibétains à trouver une solution dans leur intérêt mutuel.
Cela fait cinq ans que je suis directement en contact avec le gouvernement chinois. Nous avons eu cinq séries de réunions. Je voulais seulement vous dire qu'en ce qui concerne ces réunions, nous en sommes assez satisfaits. Si je dis cela, c'est parce que j'ai eu l'honneur, ou la tâche difficile de faire partie d'une délégation que Sa Sainteté a envoyée en Chine dès 1982 et 1984.
Par rapport à ce qui s'est passé à ce moment-là, je dois dire que les cinq dernières séries de réunions ont été beaucoup plus encourageantes. Je dis « encourageantes » parce que le gouvernement chinois a, selon moi, commencé à écouter notre point de vue, même si c'est de façon limitée. Cela risque d'étonner ceux d'entre vous qui vivent dans la liberté totale et vous pourriez vous demander: « Qu'est-ce qu'il veut dire? Ne l'écoutez pas. » Mais nous savons qu'à une certaine époque nous n'avions même pas la possibilité d'exprimer nos opinions.
Par conséquent, il s'agit certainement pour nous d'un changement important. D'autre part, je dis que c'est encourageant parce que pour la première fois, les deux parties, soit les Chinois et nous, ont pu parler très honnêtement de leurs divergences de vues au cours des discussions. Je parle de « divergences de vues » car pour le moment, le seul succès dont je puisse vous faire part c'est que nous avons pu mettre plus ou moins le doigt sur nos divergences d'opinions. Malheureusement, nous n'avons pas encore commencé à explorer la question, particulièrement du côté chinois, de façon à pouvoir résoudre le problème. Mais je peux certainement dire que nous avons commencé, avec un certain succès je pense, au moins à mettre en lumière ce qui nous sépare.
Je pense que la déclaration officielle du gouvernement chinois et les déclarations que j'ai faites après nos visites sont identiques. Nous disons que nous avons été capables d'établir ce qui nous sépare. Par conséquent, nous savons maintenant que l'écart est très important. Nous divergences de vues sont nombreuses et un grand nombre d'entre elles sont fondamentales.
Cela dit, sous la direction de Sa Sainteté, les Tibétains restent déterminés à combler l'écart qui nous sépare, à minimiser nos divergences de vues et, finalement, à pouvoir trouver une solution.
D'une certaine façon, si les dirigeants chinois ont la volonté politique nécessaire, je ne pense pas que c'est aussi compliqué que cela semble l'être parfois. En ce qui concerne notre position et celle des Chinois, si vous l'examinez d'un point de vue purement politique, je crois que le principal écart a été comblé. Malheureusement, il l'a été non pas par le gouvernement chinois, mais par Sa Sainteté le dalaï-lama.
Lorsque Sa Sainteté le dalaï-lama a pris la décision très difficile, mais très courageuse de chercher une solution, sans demander l'indépendance, mais dans le cadre de la République populaire de Chine, nous pensons avoir répondu aux principales préoccupations du gouvernement chinois.
Comme vous vous en souviendrez peut-être, lorsque nous avons commencé à nouer des relations en 1979, le chef suprême, Deng Xiaoping, nous avait adressé deux messages bien clairs. Premièrement, ne parlez pas d'indépendance, car c'est non négociable. Deuxièmement, si vous acceptez de ne pas demander l'indépendance et si vous cherchez une solution à l'intérieur de la République populaire de Chine, tout peut être négocié. Du point de vue des Chinois, l'indépendance n'était pas acceptable. En ce qui nous concerne, nous étions prêts à discuter de n'importe quel autre sujet.
Malheureusement, le gouvernement chinois a continué à nous chapitrer, en privé comme en public, sur le fait que nous ne pouvions pas parler d'indépendance du Tibet, ce que nous ne faisions pas. Il a toutefois continué d'accuser Sa Sainteté de cacher ses véritables intentions à cet égard. Comme je l'ai dit au cours d'une de mes visites, ce premier message nous est toujours répété, mais souvent, les Chinois omettent la deuxième partie du message à savoir que si nous ne parlons pas d'indépendance, tout peut être négocié. J'avoue que nous n'avons pas été autorisés à discuter de tout jusqu'à présent. Il n'est pas question qu'on réponde à nos espoirs ou même qu'on nous permette d'en discuter. Mais il y a eu un léger changement, car au moins les Chinois écoutent nos opinions.
Nous en sommes donc à une étape critique. Nous savons maintenant établir quelles sont nos divergences et nous allons faire des efforts pour trouver un moyen de les surmonter. C'est là que la communauté internationale, et surtout un pays comme le Canada, qui a toujours eu des relations assez cordiales avec le gouvernement chinois... Depuis de nombreuses années, j'ai décidé volontairement de ne pas témoigner devant un grand nombre de comités, mais j'ai pensé que je devais me joindre à mon collègue. En raison des relations du Canada avec la Chine, vous pourrez mieux comprendre nos motifs. Il est important que nous puissions vous demander votre aide.
Par exemple, le Canada a l'expérience unique d'avoir fait face à ce genre de situation. Vous nous aideriez beaucoup si vous étiez prêts à partager, avec Sa Sainteté, le dalaï-lama et le gouvernement chinois, votre expérience de ce genre de questions. Malheureusement, les Chinois sont actuellement en déni. Ils pensent que la meilleure façon de résoudre cette situation c'est de faire comme si elle n'existait pas et d'imposer leur propre façon de voir. Mais je pense que vous avez essayé de résoudre ce genre de situation différemment. Vous pourriez inviter Sa Sainteté lors de sa prochaine visite afin qu'il puisse mieux comprendre comment vous avez réglé certains problèmes, ainsi que les Chinois, de préférence ensemble, ce qui risque d'être un peu difficile pour le moment, ou séparément.
Une des questions importantes pour nous est la préservation de notre identité tibétaine distincte dans laquelle la langue joue un grand rôle. Si vous prenez la Constitution chinoise et les lois chinoises, vous pourriez les trouver assez similaires aux vôtres, mais en réalité, les Tibétains n'ont aucune possibilité d'en faire valoir l'aspect bilingue. C'est également un problème auquel vous avez su faire face et vous pourriez donc peut-être inviter les Chinois à en faire autant, mais il ne suffit pas de le faire par écrit; il faut qu'ils l'appliquent vraiment.
Voilà le genre de choses pour lesquelles nous espérons que vous pourrez nous aider. En ce qui concerne plus précisément les négociations, de notre côté du moins, nous sommes prêts pour le prochain cycle, qui sera le sixième. J'ai déjà fait savoir, il y a quelque temps, à nos homologues chinois que nous étions prêts à revenir. En fait, mon collègue et moi-même revenons de Dharamsala où nous avons passé plusieurs jours à discuter intensivement entre nous et où nous avons examiné à fond les délibérations du dernier cycle de négociations au cours duquel, comme je l'ai mentionné, monsieur le président, les deux parties ont fait le tour de leurs divergences de vues. Nous en sommes revenus, du moins de notre côté, avec un certain nombre de décisions importantes pour essayer de répondre à certaines des préoccupations de la Chine. Nous espérons également que, lorsque nous retournerons là-bas, le gouvernement chinois aura, dans l'intervalle, examiné sérieusement notre point de vue et qu'il fera au moins un effort pour répondre à certaines des questions que nous avons soulevées.
En résumé, ce que nous demandons a toujours été très transparent. Il s'agit d'une tâche très difficile et déplaisante, mais je peux dire qu'elle n'est pas si compliquée, car nous avons un chef qui a toujours été très franc et très direct. Par conséquent, nous sommes toujours allés négocier avec les Chinois en mettant cartes sur table. La façon dont nous négocions est tout à fait particulière aux Tibétains. Nous ne l'avons pas apprise dans un des manuels de négociation moderne.
Nous avons dit que nous étions prêts à rester en Chine, mais qu'il fallait que tous les Tibétains qui résident actuellement en République populaire de Chine obtiennent le maximum d'autonomie dans les régions où ils sont les mieux placés pour préserver leur langue, leur culture et leur mode de vie. Ce sont des choses fondamentales pour tous les Tibétains.
Pour le moment, lorsque le gouvernement chinois parle du Tibet, il parle seulement de la moitié du Tibet sur le plan géographique, mais aussi sur le plan démographique. Le reste de la population tibétaine se trouve maintenant dans diverses provinces chinoises, mais elles sont toutes désignées comme des régions tibétaines autonomes. En fait, les régions que nous voudrions réunir sont déjà désignées et si vous examinez la carte politique de la Chine, elles sont désignées comme des régions tibétaines autonomes. Ce que nous demandons n'est donc vraiment pas compliqué.
Nous avons également fait très clairement valoir que Sa Sainteté n'a aucune ambition personnelle. Il a dit très clairement que dès qu'il pourra conclure une entente entre les Chinois et les Tibétains, il ne détiendra aucun poste politique. Je sais que nos amis chinois continuent d'induire les gens en erreur en disant, par exemple: « Vous savez que le dalaï-lama veut régner sur le quart de la Chine », ou « Vous savez que le dalaï-lama veut remplacer le système socialiste actuel au Tibet en imposant le gouvernement tibétain en exil ».
Ces affirmations ne sont absolument pas fondées. Comme vous le savez, étant donné qu'un grand nombre d'entre vous ont rencontré personnellement Sa Sainteté, ce dernier a fait des déclarations officielles dans lesquelles il a dit très clairement qu'il ne recherchait aucun poste politique. En fait, non seulement il ne cherchera pas, mais il refusera catégoriquement tout poste politique une fois que la situation aura été résolue.
Il a également déclaré très clairement qu'une fois qu'un accord aura été conclu, il dissoudra volontairement le gouvernement tibétain en exil, car ce jour-là, le gouvernement aura atteint son objectif. Il a dit qu'il l'avait constitué non pas pour défier les Chinois, mais pour défendre les droits du peuple tibétain. Si le but est atteint, il démantèlera lui-même volontairement le gouvernement en exil. Il n'y aura alors plus qu'un gouvernement qui sera le gouvernement tibétain. Ce sera un gouvernement dans lequel les Tibétains auront leur mot à dire. Ce sera le meilleur...
Comme je l'ai dit, voilà notre position. Je peux vous assurer que, de notre côté, nous allons poursuivre ces négociations énergiquement, en toute sincérité, car nous croyons en avoir la responsabilité morale envers le peuple tibétain. Mais nous croyons aussi que, finalement, c'est important pour la Chine.
Pour conclure, j'aimerais que vous disiez aux Chinois qu'ils ne doivent pas rater cette occasion. C'est seulement quand Sa Sainteté le dalaï-lama est là pour diriger la lutte qu'ils ont la possibilité historique de pouvoir résoudre cette situation dans l'intérêt de tous.
Si les Chinois croient avoir intérêt à ne pas régler cette situation, je peux vous assurer que ce sera une très grosse erreur. Si Sa Sainteté n'est pas là, il ne fait aucun doute dans notre esprit, pour le peuple tibétain, que la situation sera tragique. Je peux aussi vous dire que notre amertume et notre tristesse augmenteront au lieu de disparaître et qu'il n'y aura plus personne ayant l'autorité morale voulue pour empêcher le peuple tibétain de se tourner vers la violence.
Aujourd'hui, nous sommes très fiers de pouvoir dire que malgré tant de souffrance, il n'y a pratiquement aucune violence sur le plateau du Tibet. Ce n'est pas en raison de la brutalité des autorités chinoises, mais en raison du profond respect que le peuple tibétain éprouve pour son leader. C'est grâce à ses conseils que, malgré toutes ces décennies de souffrance, nous sommes si fiers de notre tradition bouddhiste tibétaine qui nous permet de rester non violents.
L'autre raison est qu'aucune personne intelligente n'aura recours à des actes stupides tant qu'elle aura de l'espoir. Tant que nous aurons Sa Sainteté le dalaï-lama, les Tibétains garderont espoir. Grâce à cet espoir, ils ne feront rien qui puisse causer du tort à eux-mêmes ou aux autres. Si cet espoir disparaît, il y a peut-être bien des gens qui pourront quand même faire face à la situation, mais pas tout le monde. Comme vous le savez, il suffit de quelques personnes pour créer des situations qui finissent par causer un problème énorme.
Par conséquent, je voudrais simplement vous demander, encore une fois, de transmettre collectivement ou personnellement ce message aux Chinois, car aucun des dirigeants chinois n'a rencontré personnellement Sa Sainteté le. Un grand nombre d'entre vous ont rencontré le dalaï-lama. Vous connaissez Sa Sainteté beaucoup mieux que les dirigeants chinois de Pékin. Encore une fois, si vous le pouvez, faites-leur comprendre que dans l'intérêt de la Chine, ils devraient saisir cette occasion de tendre la main à Sa Sainteté le dalaï-lama, dans l'intérêt de tous.
Merci beaucoup.
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En ce qui concerne le sixième cycle de négociations, je pense avoir dit qu'elles revêtent une importance cruciale, car au cours des cinq derniers cycles, nous avons réussi à établir sur quoi nos opinions divergent. En ce qui nous concerne, nous sommes déterminés à faire des efforts pour surmonter ces divergences afin de parvenir à une entente. Néanmoins, nous n'espérons pas pouvoir régler nos différends en l'espace d'un ou deux cycles de négociations. Le processus sera malheureusement assez lent. Si les deux parties l'abordent sérieusement, il est normal que cela prenne du temps.
Sommes-nous optimistes? Je le suis. En fait, je dis toujours que le jour où j'aurais perdu tout espoir, j'aurais la responsabilité morale de démissionner, car par respect pour Sa Sainteté, mon chef, et pour pouvoir continuer à diriger un effort important, si je ne crois plus vraiment dans la voie médiane qu'il préconise et la possibilité de la voir aboutir...
Cela dit, pourquoi suis-je optimiste? Certainement pas en raison du comportement ou de la position actuelle de mes homologues. Je garde espoir en raison de l'engagement sincère de mon chef, Sa Sainteté. Par conséquent, si vous entendez dire que je ne dirige plus cette mission, vous devrez en conclure que j'ai perdu confiance. Cela ne veut pas dire que le dialogue sera rompu, car Sa Sainteté est déterminée à le poursuivre. Le dalaï-lama désire résoudre ce conflit grâce au dialogue, car la non-violence s'exprime par le dialogue. Quelqu'un d'autre, qui aura peut-être plus d'espoir que moi, reprendra le flambeau.
La dernière question est importante. Oui, nous savons que la majeure partie de l'argent des contribuables canadiens va vers la Chine et nous commençons à comprendre qu'une petite partie de cet argent semble redirigée vers le Tibet. Nous l'apprécions vivement, car notre situation n'est pas la même que celle des autres organisations internationales. Je ne voudrais pas citer de noms, mais vous savez qu'il y a certains mouvements internationaux pour la liberté dont les dirigeants politiques laissent délibérément la population souffrir et vivre dans des conditions lamentables pour l'inciter à continuer de résister et pour dire au monde entier : « Voyez à quoi nous sommes réduits ».
Notre attitude a toujours été entièrement différente, car il ne faut pas jouer avec la vie des gens. Par conséquent, pendant que nous négocions, pendant que les Chinois ne nous laissent pas aller au Tibet pour faire quoi que ce soit — même pas pour que Sa Sainteté puisse y créer directement une petite école — nous avons toujours exhorté les organismes internationaux, les gouvernements et même les particuliers à dire tout ce qu'ils peuvent dire pour aider notre peuple, car la véritable marginalisation se produit à l'intérieur du Tibet. Toutes nos négociations visent à mettre un terme à cette marginalisation.
Si nous disions de ne pas le faire pendant que nous négocions, nous serions hypocrites et nous trahirions notre peuple.
Par conséquent, nous voulons inciter les gens à nous consulter, mais nous voulions le faire par votre entremise, celle du gouvernement canadien et de vos institutions fédérales. Les gens peuvent nous consulter dans le couloir, dans les cafés, peu importe. Mais si vous voulez vraiment aider les Tibétains, n'écoutez pas le gouvernement chinois de Pékin.
Il est très important que vous nous consultiez. Nous espérons aussi qu'au moins une partie de cette aide commencera à être distribuée par l'entremise des ONG, car l'aide bilatérale ne doit pas seulement être dirigée vers la Chine. Dans de nombreux pays, une bonne partie de l'aide bilatérale ne rejoint pas vraiment ses destinataires et c'est malheureusement le cas dans une bonne partie du tiers monde. Ce n'est peut-être pas politiquement correct, mais nous aimerions qu'à l'avenir un financement important soit accordé par l'entremise des ONG, qui ont des comptes à rendre, celles dont les livres seront vérifiés et dont les activités peuvent susciter des questions de la part de gens comme vous et nous.
Telle est donc notre espoir et nous espérons également pouvoir échanger ces idées avec les membres du gouvernement.
Encore une fois, nous voudrions en profiter pour exprimer notre gratitude envers l'Inde. Vous en avez parlé. Bien souvent, les gens ne le comprennent pas, mais si l'identité tibétaine est encore vivante aujourd'hui c'est parce que nous avons pu nous réfugier en Inde. Le peuple et le gouvernement indiens nous ont donné largement l'occasion non seulement de survivre, mais de permettre à la culture tibétaine de prospérer.
Vous avez également mentionné les États-Unis. Le fait est qu'aujourd'hui le Congrès et l'administration des États-Unis ont manifesté énormément d'intérêt et pris des initiatives en faveur du Tibet. Nous l'apprécions énormément. Mais en même temps, nous espérons que d'autres pays feront la même chose, car les Chinois ont également des relations très particulières avec les États-Unis. Lorsque les États-Unis mettent constamment cette question sur le tapis — ce dont nous leur sommes très reconnaissants — cela donne aux Chinois l'occasion de comprendre que ce n'est pas à cause des souffrances du peuple tibétain, mais pour des raisons particulières.
C'est pour ces raisons que nous avons toujours espéré qu'un pays comme le Canada, qui entretient des relations différentes... Bien entendu, vos relations avec la Chine sont tout à fait nouvelles par rapport aux nôtres qui datent de plusieurs siècles. Les vôtres n'ont commencé que dans les années 70. Mais même bien avant cela, vous aviez des relations diplomatiques et vous vous intéressiez aux relations avec la Chine.
Ce que nous souhaiterions, c'est peut-être une plus grande coopération, par exemple avec l'Union européenne. Nous faisons de notre mieux pour amener l'Union européenne à nous porter davantage d'intérêt. Comme vous le savez, le Parlement européen est l'une des organisations qui nous soutiennent le plus. En tant que parlementaires vous pourriez peut-être nous aider vous-mêmes, mais aussi en collaboration avec d'autres parlementaires.
Pour ce qui est du genre d'aide que nous souhaitons, non seulement nous demandons certains droits individuels comme le fait de pouvoir parler le tibétain, mais nous demandons aussi, et c'est garanti par la Constitution chinoise, notre gouvernement autonome tibétain. Ce gouvernement sera-t-il nommé par les chefs religieux? Absolument pas. En fait, nous avons déjà séparé l'Église et l'État. Sa Sainteté a, malgré une vive opposition de la part de certains de nos parlementaires tibétains... Nous avons un petit groupe très dynamique de parlementaires. En fait, ils ont voté à deux reprises contre Sa Sainteté, parce qu'ils estiment que l'État tibétain doit avoir des relations privilégiées avec le bouddhisme tibétain alors que Sa Sainteté s'y est absolument opposée. Les temps ont changé. Il est à la fois plus sain pour l'Église et plus sain pour l'État qu'il n'y ait pas de relation entre eux et les deux sont donc entièrement séparés.
Ce que nous voulons c'est un gouvernement qui pourra gouverner et qui sera élu par les Tibétains. En fait, Sa Sainteté n'a aucune intention de désigner qui que ce soit. Il reviendra entièrement aux Tibétains de constituer démocratiquement le gouvernement de leur choix.
C'est avec grand plaisir que je présenterai au comité un bref aperçu général de la situation des droits de la personne à Cuba, ainsi que quelques recommandations concernant la politique du Canada à l'égard de Cuba.
Cuba est dirigée par un gouvernement non démocratique qui réprime pratiquement toutes les formes de dissidence politique. Le régime Castro qui est maintenant au pouvoir depuis 47 ans, ne manifeste aucun désir d'envisager le moindre mouvement en faveur d'une ouverture politique ou économique. La dégradation de l'état de santé de Fidel Castro et sa proclamation du 31 juillet où il a délégué ses pouvoirs à son frère Raoul Castro et six autres dirigeants en attendant sa guérison, nous rappellent que de profonds changements pourraient survenir à Cuba. Il y a actuellement des plans en cours à l'intérieur de l'île pour que la succession au régime de Fidel Castro se déroule sans heurts.
Étant donné les événements récents, on peut se demander ce qu'il adviendra du prochain régime qui aura sans doute Raoul Castro à sa tête. Il est difficile de prédire combien de temps il pourra se maintenir au pouvoir après le décès de Fidel, mais comme les variables qui entreront en jeu à ce moment-là seront très complexes et très nombreuses, toute prédiction est forcément risquée.
Les experts prédisent une certaine ouverture économique, mais il n'est pas non plus difficile d'imaginer que ce scénario s'accompagnera d'une poursuite des graves violations des droits civils et politiques si le régime révolutionnaire cherche à maintenir son monopole politique malgré l'accroissement de l'activisme de l'opposition cubaine déterminée à assurer une transition non violente vers la démocratie.
Pour le moment, le gouvernement cubain continue de faire respecter son régime politique en recourant aux poursuites pénales, aux incarcérations à long terme et à court terme, au harcèlement, à la surveillance policière, à la supervision, à la détention à domicile, à l'interdiction de voyager et aux congédiements pour raisons politiques. Tout cela a pour résultat de priver systématiquement les Cubains du droit fondamental à la liberté d'expression, d'association, d'assemblée, du droit à la vie privée, de la liberté de mouvement et de l'application régulière de la loi. Les structures légales et institutionnelles sont à la source des violations des droits qui sont commises à Cuba et le Code pénal cubain sert de base à la répression de la dissidence. La presse écrite et électronique est sous le contrôle du Parti communiste.
Dans un rapport de juillet 2005, la Commission cubaine des droits de l'homme et de la réconciliation nationale, un groupe local respecté de défense des droits de l'homme, a signalé l'existence de 306 détenus incarcérés pour des raisons politiques. Sur les 75 dissidents politiques, journalistes indépendants et défenseurs des droits de la personne qui ont fait l'objet d'un procès sommaire suite aux mesures de répression que le gouvernement a prises en avril 2003, plus de 60 sont toujours détenus et purgent une peine de durée moyenne de près de 20 ans.
En plus de ces graves restrictions politiques, les Cubains doivent faire face à d'importantes restrictions économiques. Fidel Castro a lancé une campagne énergique pour annuler les timides réformes économiques qu'il s'était senti obligé d'apporter au milieu des années 90 après l'effondrement de l'Union soviétique, le partenaire et le maître de Cuba. Pour faire face à la crise, Castro avait ouvert la porte à l'investissement étranger et permis aux Cubains de créer des petites entreprises privées. Néanmoins, le secteur très limité de l'entreprise indépendante se rétrécit de plus en plus au fur et à mesure que le gouvernement Castro s'éloigne de l'économie de marché.
Au milieu des années 90, il y avait 240 000 entrepreneurs autorisés à exploiter un restaurant ou un café à domicile, à travailler comme homme à tout faire ou comme esthéticienne. Leur chiffre est maintenant tombé à 140 000. Cet éloignement de l'économie de marché est facilité par une alliance économique très lucrative avec Hugo Chavez, le président du Venezuela, qui fournit du pétrole à bas prix en échange de l'expertise cubaine dans des domaines comme la santé et la sécurité, de même que par des prêts avantageux consentis par la Chine. Grâce à ces relations, au début de l'année, M. Castro a déclaré officiellement que la crise économique postsoviétique était terminée.
Même si Castro a annoncé la fin de la crise économique à Cuba et si son gouvernement a continué à consacrer des ressources importantes au généreux régime d'avantages sociaux, diverses études récentes faites par des sociologues et des économistes cubains décrivent une société où la pauvreté est en augmentation, où il y a de plus en plus d'inégalité entre les classes sociales et les régions, où l'accès aux services publics et aux débouchés économiques est inéquitable et où la société est en train de se stratifier de nouveau en fonction de la race et du sexe.
Les auteurs ont décrit les problèmes auxquels sont confrontés les services sociaux cubains, y compris la dégradation des programmes de soins de santé et d'éducation, la réduction des pensions et de leur valeur réelle, ainsi qu'une augmentation régulière du déficit de logements en raison du très faible taux de construction domiciliaire et de la destruction d'une partie des logements existants faute d'entretien.
Le taux de pauvreté à La Havane, défini comme le manque de revenu suffisant pour répondre aux besoins de base sur le plan de l'alimentation et des services essentiels, a été estimé à un pourcentage conservateur de 20 p. 100 de la population de la ville pour la période de 2001 à 2003.
La croissance de la pauvreté et de l'inégalité à Cuba contredit le discours officiel du gouvernement concernant l'égalité et la solidarité sociale et contribue à mettre en doute le modèle cubain ainsi qu'à une démoralisation généralisée dans le pays. Ces facteurs, associés au décès imminent de Fidel Castro, ouvrent la porte à une nouvelle période de l'histoire cubaine.
La Fondation canadienne pour les Amériques estime que le moment est venu pour le Canada de renouveler et de réviser sa politique à l'égard de Cuba de façon à empêcher activement et efficacement la consolidation d'un nouveau régime communiste à Cuba et de jeter les bases d'un scénario de changement fondé sur une démocratisation pacifique venant de l'intérieur, la prospérité économique, un développement social durable et la réconciliation entre les Cubains.
Pour ce faire, le Canada devrait explorer les moyens de coopérer davantage avec d'autres membres clés de la communauté internationale, y compris les États-Unis, de façon à atteindre ces objectifs. Les pressions trop énergiques en faveur du changement risquent d'avoir l'effet contraire alors que des suggestions respectueuses, mais fermes pour une ouverture démocratique et le respect des droits de la personne, accompagnées d'une promesse d'aide économique généreuse et d'assistance technique reliée à une véritable ouverture politique une fois que Fidel Castro quittera la scène, donneront sans doute des résultats. Autrement dit, il faudrait appliquer à la fois la carotte et le bâton pour inciter Cuba à se diriger graduellement vers un changement politique et économique positif et un véritable dialogue.
Pour vraiment exercer une influence, il faudra créer les conditions voulues pour que le changement politique soit considéré comme la possibilité d'améliorer les conditions d'existence de la majorité.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de nous avoir invités. C'est avec plaisir que nous sommes revenus vous voir. Comme le président l'a mentionné tout à l'heure, c'est la troisième fois que nous rencontrons le comité, ou son prédécesseur, et nous nous réjouissons de votre nouvelle invitation.
La première fois, nous avons notamment parlé de nos inquiétudes à l'égard de neuf membres d'un syndicat cubain indépendant appelé le CUTC ou Consejo Unitario de Trabajadores Cubanos, qui regroupe des travailleurs cubains indépendants. Neuf d'entre eux étaient en prison.
Nous allons vous parler du rôle que nous jouons à l'égard de la situation des droits de la personne à Cuba. Nous allons examiner brièvement les relations du Canada avec Cuba et, suite à nos deux réunions antérieures, nous allons vous faire quelques suggestions qui, nous l'espérons, seront suffisamment concrètes pour permettre au comité de recommander à la Chambre ou aux autorités en place de réexaminer et de modifier la politique du Canada à l'égard de Cuba.
Pour commencer, la situation des droits de la personne à Cuba ne s'est pas améliorée depuis notre dernière réunion en novembre. La vague de répression qui a déferlé en mars et avril 2003, au cours de laquelle 75 Cubains ont été arrêtés pour des raisons comme leur appartenance à un syndicat ou leur association avec des journaux indépendants, se poursuit. Comme Christina a mentionné, 60 d'entre eux sont toujours en prison et d'autres personnes ont été arrêtées depuis.
Comme nous l'avons mentionné, parmi les personnes arrêtées à l'époque il y avait des membres du CUTC. Non seulement ils ont été arrêtés et jugés lors de procès qui ont duré deux jours, sans l'aide d'un avocat indépendant et sans que des diplomates étrangers ou des journalistes soient autorisés à suivre les délibérations, mais ils sont incarcérés dans des prisons qui se trouvent souvent loin de leur famille et de leurs collègues, ce qui rend les visites et la communication difficiles. Les Nations Unies, Amnistie Internationale et un certain nombre d'autres groupes ont reconnu et déploré ces conditions d'incarcération et toutes ces difficultés. Nous disons ici que le cas du CUTC n'est qu'un des exemples de la situation déplorable des droits de la personne à Cuba.
Cela ne se limite pas aux droits individuels. Les droits des travailleurs de Cuba, qui bien entendu nous préoccupent aussi beaucoup, ne sont pas reconnus. Les syndicats indépendants ne sont tout simplement pas autorisés. En fait, Amnistie Internationale a laissé entendre que toute organisation indépendante qui n'est pas parrainée par l'État est interdite. Cela nous préoccupe vivement. Les Cubains qui travaillent et qui ne sont pas d'accord avec le gouvernement sont souvent congédiés ou rétrogradés et incapables de trouver un autre emploi. À Cuba, on ne peut trouver un emploi que par l'entremise des agences d'emploi d'État et, comme le gouvernement canadien l'a mentionné dans son guide pour faire des affaires à Cuba, ces agences sont payées 500 $ par mois par l'entreprise qui a des activités à Cuba tandis que l'employé ne touche que 25 $, c'est-à-dire 5 p. 100.
Le Canada applique depuis longtemps une politique d'engagement constructif. Cette politique vise à exporter à Cuba les valeurs canadiennes, y compris le respect des droits de la personne, en plus, bien sûr, des avantages mutuels qui découlent du commerce.
Dans cette partie de mon exposé, je vais aborder très rapidement les relations du Canada avec Cuba et vous faire part de nos suggestions à cet égard.
En 2005, nos échanges commerciaux avec Cuba atteignaient une valeur de 1 milliard de dollars. Cela nous place au deuxième rang des pays exportateurs et au sixième rang des pays importateurs pour ce qui est de Cuba. Comme Christina l'a également mentionné, nous nous classons derrière le Venezuela et des pays comme la Chine. Il était intéressant d'entendre ici ce matin le rapport sur la Chine. Le Canada est aussi l'un des deux principaux pays donateurs pour Cuba. L'autre pays est l'Espagne. Nos projets à Cuba portent sur la modernisation de l'État. Il s'agit de la modernisation de l'administration fiscale et des programmes d'infrastructure. Nous consacrons également de l'argent au développement participatif.
Il vaut la peine de souligner ici que 8 millions de dollars sont consacrés à la modernisation de l'État. Cela touche l'infrastructure fiscale, l'infrastructure de l'information, etc., alors que la somme consacrée au développement participatif, qui est en principe dirigée vers les ONG de Cuba, est de moins de 1 million de dollars. Nous ne savons d'ailleurs pas exactement si ce financement continue depuis 2003. L'ACDI n'a pas de renseignements à ce sujet et nous ne pouvons pas en obtenir.
Les objectifs visés sont la sécurité alimentaire et le développement participatif au moyen de l'éducation populaire et de projets pilotes, grâce à une plus grande collaboration entre les ONG canadiennes et cubaines. Le problème, bien entendu, est que les ONG cubaines ne sont pas autorisées à exister comme l'ont dit Amnistie Internationale et d'autres groupes. Elles ne sont pas légalement autorisées à exister.
Le fait que le Canada a poursuivi ses relations avec Cuba malgré les répressions de 2003 ont amené certaines personnes... Par exemple, à notre dernière réunion, l'honorable Ed Broadbent a qualifié la politique canadienne d'euphémisme — c'est ce qu'il a dit — en cachant le fait « qu'il y a une absence totale de droits civils et politiques à Cuba ».
CLAC est convaincue de la validité de cette affirmation. Le fait est que, depuis 2003, depuis cette répression, le Canada a augmenté de 65 p. 100 ses échanges commerciaux avec Cuba. C'est ce qu'un représentant du gouvernement, M. Pettigrew, a déclaré publiquement, mais aucun des principaux journaux n'en a parlé.
Ce que nous disons ici c'est que la politique du Canada à l'égard de Cuba est un euphémisme si l'on tient compte de la façon dont Cuba respecte les droits de la personne dans le contexte de la situation politique et institutionnelle de ce pays. Cela devient de plus en plus embarrassant. Nous espérons que le comité va commencer à travailler à l'élaboration d'une politique qui sera plus efficace à cet égard.
Nous avons un certain nombre de suggestions à formuler. Une question qui a été soulevée à la suite de nos dernières réunions était celle de savoir si la Christian Labour Association of Canada allait ou non faire des suggestions politiques. Nous en formulons un certain nombre. Si vous le permettez, je voudrais les passer brièvement en revue, afin de donner au comité matière à réflexion et en espérant qu'il en tiendra compte dans son rapport.
Tout d'abord, nous suggérons de souligner, dans une déclaration publique, qu'il y a toujours 60 prisonniers d'opinion dans les prisons cubaines. Nous voudrions que le gouvernement canadien ne se contente pas d'un petit communiqué ou d'une conversation avec Reuters. Nous voulons qu'il se serve régulièrement de la voie diplomatique ou d'autres voies pour inciter le gouvernement cubain à libérer ces personnes et à reconnaître les organisations indépendantes telles que les syndicats.
Une des difficultés que pose la politique canadienne d'engagement constructif est qu'il n'y a pas de mesures permettant d'établir si notre politique est efficace ou non. Il n'existe aucun système d'évaluation qui nous permette de dire que notre engagement est réellement constructif. Comme je l'ai déjà dit, nous nous engageons sans savoir si ce que nous faisons atteint le but visé, en augmentant le respect pour les droits de la personne et en renforçant la société civile, le bon gouvernement et la justice à Cuba.
Nous suggérons notamment que le comité travaille avec différents ministères à l'établissement d'une série de mesures objectives grâce auxquelles les Canadiens qui s'intéressent à Cuba pourront exiger des comptes du gouvernement et de notre politique à cet égard.
En troisième lieu, nous suggérons d'établir dans quelle mesure nous sommes prêts à tolérer les violations des droits civils et politiques avant de modifier notre politique. Là encore, l'engagement constructif pose un problème, car nous n'avons aucune idée de la mesure dans laquelle nous pouvons tolérer les violations des droits de la personne à Cuba avant de commencer à modifier la politique canadienne. CLAC croit que 75 violations, dont le nombre continue d'augmenter, sont déjà beaucoup trop. Nous voudrions un point de référence plus bas et que le Canada prenne des mesures à cet égard.
Nous voudrions aussi une réorientation de l'investissement à Cuba. L'investissement de l'ACDI est centré sur la modernisation de l'État et le développement social. Il sert surtout à financer l'éducation et les soins médicaux. Comme nous l'avons mentionné, les ONG cubaines ne reçoivent qu'une très faible partie de cet argent. En fait, je dirais que les ONG cubaines n'existent pas, si bien qu'elles ne reçoivent pas d'argent.
Nous espérons une réorientation totale des fonds d'aide et de développement. Pour le moment, notre argent finance des projets cubains qui servent à atténuer les critiques formulées, dans les communiqués des Nations Unies et ailleurs, au sujet des violations des droits de la personne commises contre les syndicalistes et d'autres gens. Nous investissons beaucoup dans le développement social, la santé, et l'éducation à Cuba, mais le gouvernement cubain en profite pour dire: « Les choses vont bien chez nous et nous avons fait des progrès à ces différents niveaux ». Pendant ce temps, on ne fait pas mention des droits des individus, des communautés et des organisations qui cherchent à favoriser le dialogue et le renouveau démocratique ou la démocratie à Cuba.
Enfin, le Canada a une série de programmes d'échanges avec le gouvernement cubain, les autorités cubaines, les avocats, etc. Nous voudrions que le gouvernement canadien fasse venir au Canada des groupes dissidents non gouvernementaux, y compris le CUTC et d'autres personnes et groupes. Nous ne devrions pas avoir d'échanges avec un gouvernement qui refuse de reconnaître les droits de ses citoyens et qui viole régulièrement le droit d'exister des organisations.
Et je m'arrêterai là, monsieur le président et membres du comité.
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Je pourrais peut-être commencer par dire que j'ai été à Cuba. Je suis allé là-bas il y a trois ans et je ne suis pas certain de vouloir y retourner. Je suis assez d'accord pour dire que l'embargo pose un sérieux problème et je m'y suis toujours opposé. Je crois aussi que la communauté cubaine de Miami a sans doute fait plus de tort que de bien avec ses déclarations et ses agissements.
Vous ne pouvez toutefois pas nier que c'est une dictature militaire. Il n'y a toujours pas de libertés civiles, par de liberté de la presse, la religion est toujours interdite, les homosexuels continuent d'être arrêtés et il y a d'incroyables violations des droits de la personne. Vous ne pouvez pas attribuer tout cela à l'embargo. Oui, il y a un embargo et c'est un embargo injuste. Mais les Cubains ont également obtenu des subventions massives en raison de leur alliance avec l'Union soviétique pendant la guerre froide. Ils ont entraîné leurs soldats et les ont envoyés à l'étranger, surtout en Afrique, où ils ont combattu dans différentes guerres comme mercenaires, si vous voulez les appeler ainsi.
Les Cubains se sont maintenant alignés avec Chavez et ils ont ainsi obtenu la nouvelle source de financement dont ils avaient besoin. Mais ils reçoivent également de l'argent de pays comme l'Espagne qui ont beaucoup investi à Cuba. Vous ne pouvez donc pas dire que la pauvre Cuba est dans une situation économique terrible parce que les États-Unis ne veulent pas faire affaire avec elle. Les Cubains ont de nombreux autres alliés qui ont investi énormément d'argent dans leur pays.
La réalité qui ne change pas est qu'il s'agit toujours d'une dictature. Et je ne connais aucune dictature dans le monde qui n'ait pas violé les droits de son peuple.
Comment pouvons-nous excuser un gouvernement, un régime qui arrête les gens, qui les jette en prison parce qu'ils ont pris la parole ou parce qu'ils veulent s'organiser ou exercer les droits humains fondamentaux que leur reconnaissent toutes les conventions des Nations Unies dont nous sommes signataires? Nous disons croire dans ces principes et dans les résolutions que nous proposons aux Nations Unies, mais à Cuba, nous ne disons rien à cause de l'embargo. S'il vous plaît, un peu de sérieux!
Je suis allé là-bas il y a trois ans. J'ai eu la chance, ou la malchance, d'être malade. Comme j'ai été malade pendant deux semaines, j'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de gens, y compris des médecins. Ce que j'ai constaté dans tous les cas, c'est qu'ils avaient peur. Ils ne veulent pas parler en public, mais lorsqu'ils entrent dans votre chambre et que vous les rencontrez en privé, ils ont peur. Ils vous demandent si vous avez des nouvelles, des revues, parce qu'ils ne peuvent pas obtenir de revues à Cuba. C'est une société répressive et j'ai quitté le pays avec un goût très amer dans la bouche.
Comme la plupart des Canadiens, je suis allé là-bas pour passer des vacances à la plage. Si vous passez votre temps à la plage et que vous voyez les centres de villégiature, vous pensez que tout est merveilleux. Mais lorsque vous allez rencontrer les gens qui veulent dialoguer avec vous, comme ils l'ont fait avec moi — ce qui m'a beaucoup étonné — vous vous rendez compte que la réalité est différente.
Vous ne pouvez pas invoquer l'embargo pour excuser les violations des droits de la personne. Je trouve cela absolument révoltant.