SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 12 juin 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Nous allons commencer nos travaux.
Je tiens à m'excuser de notre retard. Comme vous le saviez, il y avait un vote à la Chambre et nous devions tous nous y rendre.
Puisque nous devons ajourner nos travaux au plus tard à 13 h, et que nous voulons être justes et équitables envers tous ceux qui ont pris le temps de venir nous rencontrer, et puisque évidemment nous avons des questions à poser, je suggère, avec l'indulgence du comité, les deux choses qui suivent:
Tout d'abord, je propose qu'on laisse les témoins, l'un après l'autre, faire une déclaration liminaire — il n'y aura donc pas de pause entre les exposés — et de plus que l'on limite les questions posées aux témoins à cinq minutes.
Est-ce que mes collègues acceptent cette proposition?
Des voix: D'accord.
Nous sommes contre le fait que tous les témoins soient assis à la même table. Je ne sais pas s'il y a d'autres personnes qui s'opposent à cela. Je ne veux pas qu'il y ait de problèmes. Je veux vraiment commencer cette importante réunion. Il appartient au comité de décider s'il veut entendre tous les témoins avant de leur poser des questions. Sinon, on peut commencer par le représentant du ministère et poursuivre ensuite avec M. Alex Neve. La décision appartient vraiment au comité.
Je suis prêt à entendre votre décision.
[Traduction]
Je propose que lorsque le ministère envoie des représentants nous rencontrer, que ces derniers soient les seuls qui prennent place à la table des témoins. Ils pourraient faire leur exposé puis nous pourrions à ce moment-là inviter Amnistie internationale à faire le sien.
Très bien. Si c'es ce que désire le comité, nous entendrons tout d'abord les représentants du ministère mais n'oubliez pas que nous voulons également entendre M. Neve.
Nous essaierons de limiter les discussions si possible à dix minutes. Vous disposerez donc d'un maximum de dix minutes puis nous passerons aux questions. Nous demanderons aux députés de limiter leurs interventions à cinq minutes.
J'espère que nous pourrons céder la parole à M. Neve au plus tard à 12 h 30, et que nous pourrons également lui poser des questions.
Merci.
Monsieur Alan Kessel.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, ma collègue Mme Eid, qui représente le ministère de la Justice, et moi-même sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour parler du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture.
J'aimerais tout d'abord vous expliquer le rôle des divers ministères fédéraux concernant les droits de la personne dans le contexte du droit international. Trois d'entre eux sont presque toujours à l'avant-scène. Dans les grandes lignes, les responsabilités sont réparties comme suit:
[Traduction]
Le ministère des Affaires étrangères est généralement chargé de mener les négociations sur les nouveaux instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, ainsi que de maintenir les relations du Canada avec les organismes internationaux oeuvrant en ce domaine.
Le ministère de la Justice, représenté aujourd'hui par ma collègue, a pour tâche d'évaluer les incidences nationales de ces instruments, et de coordonner les consultations fédérales concernant l'adhésion à un instrument donné.
Le ministère du Patrimoine canadien a pour mandat de promouvoir les droits de la personne au Canada, ce qui inclut les consultations fédérales-provinciales-territoriales afférentes. D'autres ministères fédéraux apportent aussi leur contribution lorsque les thèmes en cause relèvent de leurs mandats respectifs.
Monsieur le président, je vous dirai d'emblée que le Canada est fermement déterminé à prévenir, interdire et éliminer la torture ainsi que les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et cela aussi bien sur son territoire qu'ailleurs dans le monde. En fait, le Canada a ratifié la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 24 juin 1987. Il a d'ailleurs été un des premiers États à le faire.
Je voudrais simplement mentionner aussi les mécanismes internationaux auxquels le Canada collabore afin de prévenir et d'éliminer la torture. Le Canada a reconnu que le comité contre la torture, à l'article 22, et le Comité des droits de l'homme, aux termes du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont compétence pour examiner les plaintes individuelles déposées contre le Canada. Comme vous le savez, ce comité a tenu des audiences et en tient toujours aujourd'hui sur des questions soulevées par des particuliers résidant au Canada. Les détenus peuvent en effet se plaindre de leurs conditions de détention devant ces organismes créés par traité. Le comité nous communique ses conclusions.
Comme l'exige la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, nous soumettons en outre au comité contre la torture et au Comité des droits de l'homme des rapports périodiques donnant des informations sur les lois, programmes et politiques que les gouvernements au Canada ont adoptés pour mettre en oeuvre ces instruments, y compris les obligations relatives à la prévention de la torture. La présentation de ces rapports périodiques nous donne aussi l'occasion de discuter avec ces deux comités des conditions de détention et du traitement des prisonniers. Dans le cadre de leurs observations finales, les deux comités présentent leurs recommandations concernant la mise en oeuvre des traités par le Canada.
Outre sa coopération avec le Comité contre la torture et le Comité des droits de l'homme, le Canada soutient aussi le travail du Rapporteur spécial sur la torture. Il a d'ailleurs lancé une invitation permanente à toutes les procédures spéciales-- ce qui inclut les rapporteurs spéciaux et les groupes de travail — ce qui signifie qu'il acceptera toujours les demandes de visite émanant de toutes les procédures spéciales.
Par exemple, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention a effectué une visite au Canada du 1er au 15 juin 2005, à l'invitation du gouvernement. Et même s'il s'occupe surtout de la légalité des détentions, le Groupe a visité 12 établissements carcéraux, y compris des postes de police, des centres de détention avant procès, des installations réservées aux condamnés, un centre pour jeunes délinquants ainsi que des centres de surveillance de l'immigration. Lors de ces visites, le groupe a pu rencontrer et interviewer en privé plus de 150 détenus.
Même si la Convention fait déjà obligation aux États parties de prendre des mesures pour prévenir les actes de torture dans les lieux relevant de leurs compétences, le Protocole vient compléter la convention à l'égard de la prévention. Comme vous le savez, et comme l'ont mentionné des témoins, l'objectif du protocole est la mise en place d'un système permettant à des organismes internationaux ou nationaux indépendants de visiter régulièrement les lieux de détention, dans le but de prévenir la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le Canada a participé activement à la négociation du protocole facultatif et a voté en faveur de son adoption par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies ainsi que par l'assemblée générale en 2002. Le Canada soutient les éléments fondamentaux du protocole facultatif lequel à son avis peut s'avérer un important outil pour la protection des droits de la personne.
Le Canada suit de près les développements concernant le Protocole facultatif, et il s'intéresse à ce que les autres pays, en particulier les États fédéraux décentralisés, font ou entendent faire pour mettre en place un mécanisme national de prévention et en assurer la coordination.
Pour discuter de l'application du Protocole dans les États fédéraux, la Mission permanente du Canada à Genève a organisé en janvier 2005 une rencontre des États décentralisés. Le but était d'échanger des informations sur les approches novatrices et les stratégies de résolution de problèmes dans le contexte précis des États fédéraux et autres États décentralisés. Même s'il n'est pas partie au Protocole, comme l'ont fait remarquer la semaine dernière les représentants de l'Association pour la prévention de la torture et l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, le Canada dispose déjà de plusieurs mécanismes, tant au fédéral qu'au provincial, pour protéger de la torture les personnes incarcérées. Bon nombre de ces organismes peuvent effectuer des visites dans les lieux de détention, et ils le font. Ma collègue vous en dira davantage sur ces mécanismes.
Le mécanisme de contrôle créé par le Protocole facultatif diffère sensiblement de ceux institués par les autres traités de l'ONU sur les droits de la personne. Dans ces autres cas, c'est en effet généralement un comité d'experts internationaux, créé en vertu du traité en question, qui se charge de voir si l'État respecte ses obligations, tandis que le Protocole facultatif est le premier instrument en vigueur à comporter des mécanismes de contrôle nationaux. Il existe peu de modèles pouvant aider les États à développer leurs propres mécanismes de contrôle. Il faut bien se garder de sous-estimer à quel point il est difficile de mettre sur pied des mécanismes nationaux de visites qui soient indépendants et proactifs, surtout dans un État fédéral doté d'un immense territoire.
En avril 2006, le Canada s'est engagé à considérer la possibilité de signer le Protocole, pour soutenir sa candidature au nouveau Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Des consultations et une analyse ont commencé après l'adoption du Protocole facultatif, et elles se poursuivent. Une fois cette analyse terminée, le Canada sera en mesure de prendre une décision quant à la signature et à la ratification du Protocole facultatif. Nous félicitons l'Association pour la prévention de la torture du travail qu'elle accomplit dans ce domaine, ainsi que des excellents outils qu'elle a préparés pour aider les États à créer leurs propres mécanismes.
Comme l'a déclaré le Groupe de travail sur la détention arbitraire, le Canada est perçu comme un modèle et une référence par les populations de nombreux pays en matière de primauté du droit et de respect des droits de la personne. Cela signifie que les plus hautes normes s'appliquent au Canada. En tant que Canadiens, nous pouvons être fiers de notre réputation, celle d'un pays qui prend très au sérieux ses obligations internationales dans le domaine des droits de la personne. Et pour être sûrs de respecter nos engagements à venir et de préserver notre réputation dans le monde, nous devons continuer à prendre les mesures qui s'imposent.
Je suis désolé d'avoir lu le document en vitesse mais je suis très conscient que nous sommes pressés par le temps. Je vais maintenant céder la parole à ma collègue. Merci.
[Français]
Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.
Je suis très heureuse d'être ici pour vous parler du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture. Je vous parlerai du processus de consultation en général. Ensuite, je vous parlerai de façon plus spécifique du Protocole facultatif.
En règle générale, le ministère de la Justice dirige les consultations au sein du gouvernement fédéral pour ce qui est de déterminer si le Canada devrait devenir partie à un traité international des droits de la personne comme le protocole. Il s'agit d'un processus d'examen interne exigeant en termes de ressources et qui nécessite la participation de plusieurs ministères fédéraux, ainsi que celle des provinces et des territoires.
Le processus de ratification d'un traité des droits de la personne comprend de nombreuses étapes. Pour le gouvernement fédéral, les étapes initiales sont les suivantes:
[Traduction]
Premièrement, le ministère de la Justice a procédé à un examen des dispositions de l'instrument afin de prendre la mesure des obligations.
Deuxièmement, on a passé en revue les lois, politiques et pratiques fédérales des ministères touchés afin de déterminer le degré auquel les mesures en place satisfont aux exigences du traité, éventuellement dans le but d'en adopter de nouvelles.
S'il est jugé que les mesures actuelles ne répondent pas aux exigences de l'instrument, des options sont envisagées. Faut-il adopter ou modifier des lois? On tient également compte des considérations financières.
Quand un traité sur les droits de l'homme porte sur les questions qui relèvent des provinces et des territoires, le gouvernement les encourage à en faire autant. Ces administrations devront peut-être elles aussi prendre de nouvelles mesures qui exigeront une analyse des coûts.
Il importe évidemment d'obtenir le soutien des provinces et des territoires en vue de la signature et de la ratification afin de garantir la mise en oeuvre au pays où les obligations internationales touchent des questions qui relèvent d'eux et de s'assurer que le Canada tout entier se conforme en tous points. C'est le Comité permanent des fonctionnaires chargé des droits de la personne qui coordonne les consultations avec les provinces et les territoires. Il s'agit d'un comité permanent fédéral, provincial et territorial. Créé en 1975, une des ses principales tâches est de servir de mécanisme de consultation pour la rectification par le Canada des traités relatifs aux droits de l'homme. Les membres du comité participent chaque mois à des appels conférences, et ceux-ci se réunissent deux fois par an. Le gouvernement fédéral est représenté par Patrimoine canadien, qui préside les séances. Les ministères de la Justice et des Affaires étrangères participent également activement aux discussions avec les provinces et territoires.
Il est possible qu'un traité relatif aux droits de l'homme touche également des questions qui relèvent d'une première nation; c'est donc un autre élément dont il faut tenir compte. Il faut alors tenir des consultations avec les administrations des premières nations.
Il peut aussi en avoir avec des organisations non gouvernementales. Les lettres provenant d'organisations non gouvernementales et du grand public au sujet d'un traité donné reçoivent toute l'attention voulue.
En outre, quand un comité parlementaire comme le vôtre examine la question de savoir si le Canada va devenir partie à un traité relatif aux droits de l'homme, il va sans dire que le témoignage de témoins ainsi que le rapport et les recommandations du comité font l'objet d'un examen attentif.
Une fois les consultations terminées, la question de savoir si le Canada doit devenir partie à un traité est transmise au Cabinet, qui prend la décision finale. La décision d'y adhérer dépend d'ordinaire de l'appui officiel des provinces et des territoires en faveur de la ratification par le Canada. Souvent, cette étape peut demander du temps puisque ceux-ci doivent — comme je viens de le dire, effectuer leur propre analyse des dispositions du texte. Nombre de ces gouvernements exigent également une approbation par leur cabinet. Dans le cas du Québec, il faut l'approbation de l'Assemblée nationale lorsqu'il s'agit de traités relatifs aux droits de l'homme.
En particulier, en ce qui concerne les consultations autour du protocole facultatif, les fonctionnaires fédéraux ont entrepris les travaux préparatoires aux consultations. En fait, beaucoup de travail a déjà été accompli. Le ministère de la Justice a analysé les dispositions du texte. Nous avons expliqué au ministère ainsi qu'aux provinces et aux territoires les exigences du protocole facultatif. Nous avons tenu des réunions interministérielles et des rencontres bilatérales avec certains ministères également.
Parmi les considérations particulières qui s'appliquent à ce texte, les lieux de détention sont définis de manière assez large dans le protocole; ces lieux relèvent donc du gouvernement fédéral, des provinces, des territoires ainsi que des administrations autochtones. Les lieux de détention comprennent divers établissements comme les prisons, les pénitenciers fédéraux, les postes de police, les centres de détention de l'Immigration, les établissements de détention pour les jeunes ainsi que les hôpitaux psychiatriques. Plusieurs ministères et organismes fédéraux sont visés, ainsi que les provinces et les territoires. Toute l'attention voulue est évidemment accordée aux consultations auprès des administrations des premières nations.
Comme l'a déclaré mon collègue, il existe déjà au Canada un ensemble de mécanismes aux paliers fédéral et provincial destinés à protéger contre les mauvais traitements les personnes placées en détention, comme les enquêteurs correctionnels et, dans les provinces, des ombudsman. Il existe des organismes de surveillance de la police, des commissions des droits de la personne, sans compter les tribunaux, arbitres ultimes des litiges concernant les lieux de détention.
Certains des points à examiner englobent l'existence ou non de mécanismes de visite pour tous les lieux de détention visés par le protocole et la question de savoir si les organes existant aux niveaux fédéral, provincial et territorial effectuent des visites conformément aux exigences du protocole. Celui-ci exige en effet que des visites soient effectuées régulièrement. Beaucoup de mécanismes actuels tendent plutôt à réagir et à effectuer des visites à la suite de plaintes. Le protocole envisage, lui, des visites régulières et proactives.
Le protocole dispose également que les organes doivent être suffisamment indépendants des gouvernements. Il faut donc examiner les organes existants pour déterminer s'ils répondent aux critères de l'indépendance suffisante envers le gouvernement dans le protocole.
Une autre question que nous examinons est celle de savoir si la législation pertinente en matière de protection de la vie privée permettra au gouvernement de communiquer des renseignements personnels au nouveau sous-comité de l'ONU. Les protocoles soulèvent également d'autres questions concernant la communication de renseignements.
Une autre question qui se pose est celle de savoir dans quelle mesure le protocole exige — ou serait-il souhaitable de garantir — une bonne communication et une coordination du travail des divers mécanismes de visite aux niveaux provincial, territorial et fédéral. Cela entraîne évidemment des considérations financières.
Enfin, il doit y avoir une étude et une évaluation en bonne et due forme des incidences financières si nous avons besoin de nouveaux mécanismes pour effectuer une visite dans les lieux de détention ou s'il faut élargir le mandat des organes actuels.
Le Canada prend au sérieux ses obligations internationales en matière de droits de l'homme. L'usage habituel est que les traités des droits de l'homme ne sont signés et ratifiés qu'après que le Canada se soit rassuré que ses lois et politiques internes respectent les obligations du traité.
La mise en oeuvre du protocole facultatif exigera une coopération poussée de tous les paliers de gouvernement, ainsi qu'un accord sur les incidences financières et les moyens nécessaires.
Ce travail demande du temps, surtout en présence de multiples ministères et organismes et de tous les niveaux de gouvernement en cause.
[Français]
Merci de m'avoir invitée à vous parler du Protocole facultatif. Nous attendons avec impatience les résultats des délibérations de ce comité. Je suis prête à répondre à vos questions. Merci.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci, madame et monsieur, de votre présentation. Je pense que vous avez fait le tour de la question. Je ne sais pas si je vous ai bien suivis, mais j'ai l'impression que vous nous avez fait un grand topo sur la situation qui était très clair, mais peut-être un peu théorique en ce sens où, surtout Mme Eid, vous avez beaucoup parlé des consultations avec les provinces et les territoires.
Peut-on savoir où en sont les consultations, s'il y a des problèmes du côté de certaines provinces et à quels genres de problèmes exactement on fait face?
Présentement, avec les provinces et les territoires, on est en train d'étudier les questions dont je vous ai parlé plus tôt. On est en train d'examiner les mécanismes existants dans les provinces et les territoires, afin de savoir si ces mécanismes répondent à tous les critères du protocole et s'ils sont assez indépendants du gouvernement. Du travail a été fait, mais il y en a encore à faire pour analyser tout cela. On continue à travailler avec les provinces et les territoires, on a des conférences téléphoniques, comme je l'ai dit, chaque mois. On a des réunions face à face. La prochaine réunion sera en novembre, mais on a des contacts assez réguliers avec le comité.
Si je comprends bien, on ne peut pas vraiment savoir du côté de quelles provinces il y a des problèmes et avec quelles provinces ça va bien. Ce n'est pas clair comme cela.
Si je comprends bien, vous êtes encore en consultation, vous échangez de l'information, mais il n'y a rien de conclu.
Nous travaillons présentement au palier fédéral. On est en train de faire nos consultations afin d'adopter une position fédérale. C'est certain qu'on partage de l'information avec les provinces et les territoires pour leur expliquer où nous en sommes dans le processus fédéral. Nous prévoyons que cela prendra plusieurs mois au palier fédéral et plusieurs mois encore avec les provinces et les territoires.
Vous avez parlé aussi des coûts. C'est toujours une question d'argent, mais quand on parle de droits humains, il me semble qu'on ne devrait pas mettre les deux considérations dans la balance. Quels seraient les coûts exacts?
Comme je l'ai expliqué, c'est une des questions que l'on devra vraiment étudier. À ma connaissance, il n'y a pas eu d'étude concernant les ressources exigées par le protocole. C'est quelque chose à examiner. Si on doit, par exemple, créer un nouveau mécanisme, on devra évaluer les coûts qui y seront rattachés. C'est à évaluer. Ce n'est pas nécessairement le ministère de la Justice qui fera ce travail. Chaque ministère et les provinces et territoires devront faire leur propre travail.
Une province ou un territoire pourrait certainement soulever une préoccupation en ce qui concerne les coûts. À ce moment, le gouvernement fédéral devra décider s'il veut est partie du traité, même s'il n'a pas l'appui d'une province en particulier.
[Traduction]
Encore une fois, merci d'être venu, soit dit en passant.
Il me semble que cela demande beaucoup de temps. Je ne sais pas si c'est plus long que prévu ou que d'habitude mais il me semble que ça prend énormément de temps.
En 2005, il s'est tenu une réunion des États décentralisés à Genève. J'ignore ce qui en est ressorti. Est-ce les provinces qui retardent les choses? Vous avez relevé le rôle des provinces à chaque étape du processus. Il y a les services correctionnels, le travail policier, tous les différents secteurs qui relèvent des provinces. Mme St-Hilaire l'a évoqué, mais en général, cela suppose-t-il des changements structurels au système de corrections des provinces? Quel est l'obstacle ou l'empêchement ici?
Je vais d'abord répondre à votre première question. Pourquoi ces choses demandent-elles du temps? Je ne pense pas que ce soit hors de l'ordinaire pour un instrument international qui comporte une grande dimension fédéral-provinciale-territoriale.
Il est certain que s'il s'agissait d'un instrument international qui relevait entièrement du gouvernement fédéral, les choses iraient plus vite. Mais il y a une séparation des pouvoirs au Canada qui prévoit des établissements de détention dans les provinces et désormais de plus en plus souvent dans les collectivités autochtones, ce qui est nouveau pour nous. À cet égard, je pense que nous procédons avec la diligence raisonnable dans le cas de ce texte international.
Il est certain que le dispositif existe. Les provinces se sentent bien consultées, je crois, ce qui est un des principaux éléments chaque fois que le Canada adhère à un texte international.
Je vais laisser Elizabeth vous répondre à propos des infrastructures.
Chose certaine, si vous avez un traité et que les obligations ne relèvent que du gouvernement fédéral, c'est très facile. Nous avons des cas où on a pu agir très rapidement en matière de ratification de traité sur les droits de l'homme quand c'est juste le gouvernement fédéral qui est impliqué. C'est vrai que c'est plus compliqué quand il y a des questions qui relèvent des provinces et des territoires. Habituellement ces traités prennent plusieurs années à être ratifiés.
Dans ce cas-ci, il y a aussi la question des consultations avec les premières nations à cause de l'existence possible de lieux de détention dans les réserves, par exemple. Aussi, il y a la possibilité qu'il y ait un problème quand vous prenez de nouvelles mesures, comme une nouvelle loi, et qu'il y ait des incidences financières qui peuvent aussi ralentir le processus.
Tous les deux vous avez parlé des premières nations à quelques reprises. Beaucoup de choses relèvent des provinces mais les première nations sont-elles hésitantes?
Non. Nous savons qu'il y a des lieux de détention qui pourraient relever de leur compétence et que nous devons les examiner, consulter pleinement les Autochtones, comprendre les implications et ce qu'ils en pensent.
Si le protocole était mis en oeuvre, est-ce qu'il y aurait des rapports à faire? J'imagine que les rapports sont déposés. C'est une convention internationale à laquelle on adhère. Est-ce que c'est le gouvernement fédéral qui doit produire un rapport, ou est-ce un ensemble de...?
D'après ce que je sais, le protocole ne fixe pas d'obligation de produire un rapport; il impose la création d'un mécanisme de visite aussi bien à l'échelon international qu'à l'échelon national.
Il serait nécessaire de fournir une information, bien sûr, et le sous-comité devrait créer un rapport au sujet du Canada. Il y a donc de l'information.
Permettez-moi de répondre. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un protocole à la convention contre la torture, à propos de laquelle nous produisons déjà un rapport. De fait, le Canada a comparu plusieurs fois devant le comité; il doit produire un rapport à l'échelon fédéral mais aussi pour toutes les provinces et territoires. C'est un gros travail chaque fois que le Canada doit se préparer à comparaître devant l'un de ces comités.
Le comité contre la torture a examiné le rapport du Canada à plusieurs reprises et a relevé certains sujets problématiques dont il a discuté avec nous. Cela s'applique également à d'autres organes visés par le traité. Comme vous le savez, le Canada a déposé des rapports au Comité des droits de l'homme et au Comité des droits économiques sociaux et culturels.
Il y a à Patrimoine canadien une équipe du tonnerre qui consacre beaucoup de temps à rassembler les 13 ou 14 rapports que le Canada doit présenter au comité. Il se fait donc beaucoup de rapports.
Je pense que vous voyez le fil conducteur autour de la table. Pourquoi faut-il tant de temps pour concrétiser quelque chose qui va au coeur des convictions du Canada? Oui, vous nous avez expliqué pourquoi. L'ironie de l'affaire c'est que ce soit le Canada qui a piloté ce texte à l'ONU. Il a voté en sa faveur mais 35 pays l'ont signé avant nous. Pour le citoyen moyen qui s'interroge sur ce qui se passe ici, ça n'a pas l'air de tourner rond.
Vous avez parlé de la protection des renseignements personnels. Dans le cas d'un détenu, son crime et sa condamnation sont de notoriété publique. Je me demande donc où et le problème, à moins que je comprenne mal.
Le gouvernement est tenu de fournir de l'information au sous-comité. Celui-ci peut demander toutes sortes de renseignements, y compris des précisions sur le traitement ou l'état du détenu. Il peut s'agir d'information sur son état de santé, donc de renseignements personnels sensibles.
J'ai une autre question. Avez-vous dû faire face à certaines réticences dans le cadre de ces nombreux dialogues? Si oui, d'où proviennent-elles?
Comme je l'ai dit, nous menons des consultations avec les provinces et les territoires ainsi qu'avec d'autres ministères et agences. Je vous ai décrit les enjeux. Il s'agit maintenant de tout faire pour nous mettre en conformité et aller de l'avant —c'est-à-dire prendre des nouvelles mesures, examiner la possibilité de modifications législatives, examiner la question des ressources. Nous voulons être en mesure de calculer les ressources nécessaires.
D'après votre réponse, je comprends que vous n'avez pas eu à faire face à des réticences, mais c'est tout l'aspect technique de ce dossier qui vous ralentit. Il n'y a pas véritablement de réticence.
Vous allez certainement être ravi d'entendre cela... Oh, M. Sorenson a quitté la salle.
Je pense qu'il incombe au gouvernement fédéral d'assumer les coûts. Il s'agit après tout d'une entente fédérale, en espérant que cela signifie encore quelque chose. J'apprécie votre diligence raisonnable.
Vous avez parlé du temps qu'il faudra avant de pouvoir achever le processus. S'agit-il de mois, d'années, ou...?
Nous faisons de notre mieux pour que le processus arrive à son terme. Je ne peux pas vous donner d'échéance précise.
Le processus précédant l'adoption du protocole a en effet duré dix ans. Je pense qu'il est évident que lorsqu'on siège au sein d'une communauté de nations composée de 180 pays, il n'est pas facile de mettre tout le monde d'accord sur une vision et la marche à suivre pour y arriver. L'adoption en soi est déjà un exploit.
L'expérience passée a montré que cela valait vraiment la peine de travailler étroitement avec nos collègues des provinces et des territoires dans le cadre du système fédéral, car cela nous permet d'éviter des problèmes plus tard. Une base solide et un dialogue franc et ouvert avec nos collègues nous permettent d'entretenir de meilleures relations, et actuellement nous prenons le temps de le faire.
Si le comité me le permet, j'ai une brève question à poser aux témoins.
Tout d'abord, je suis inquiet des répercussions que cela pourrait avoir sur la réputation du Canada dans le monde. Le Canada a toujours été un chef de file. Par conséquent, dès qu'il y a des retards, cela nous donne mauvaise presse, et je suis inquiet des répercussions que cela peut avoir sur notre réputation. J'espère que les deux ministères en sont conscients également.
L'autre point qui me préoccupe concerne le fait qu'on a le sentiment — que ce soit vrai ou non — que les ministères travaillent chacun dans leur coin, qu'il y a des bisbilles entre eux et qu'ils ne coopèrent pas suffisamment. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet, l'avez-vous constaté, est-il possible d'avoir une pleine et entière coopération pour que ce protocole soit ratifié aussi rapidement que possible, car cette situation n'est pas en train de redorer le blason du Canada dans le monde.
Je vais dire quelques mots au sujet de notre réputation. Je pense que la réputation du Canada est plutôt bonne. Je ne pense pas que ce dossier ait des répercussions sur l'image de notre pays.
Si notre pays n'avait aucun mécanisme national en place, s'il n'avait pas signé la Convention contre la torture et s'il n'était pas chef de file en matière des droits de la personne, je comprendrais vos préoccupations. Peut-être qu'il y a des pays qui n'ont nullement l'intention de ratifier ce protocole et qui pourraient être classés dans cette catégorie, mais je ne pense pas que ce soit le cas du Canada. Nous faisons nos devoirs, et le Canada, comme à son habitude, rendra une copie irréprochable à la fin de la discussion. Je félicite d'ailleurs le travail de mes collègues au ministère de la Justice.
Pour ce qui est des autres ministères, chaque ministère a une perspective différente selon son mandat. Le ministère qui gère les prisons, le ministère de la Sécurité publique, est un intervenant important dans ce genre de dossier, et il participe bien entendu à l'évaluation des coûts et de l'administration. Nous avons tous le même objectif, à savoir travailler aussi rapidement que possible pour que le protocole puisse être ratifié, et je pense que c'est ce que nous faisons.
Je tiens à remercier nos témoins.
J'invite maintenant M. Alex Neve à prendre place à la table des témoins.
Je vais poser une très brève question, il ne faudra pas plus de 30 secondes. Puis-je le faire? Il nous reste quatre minutes.
Merci beaucoup, messieurs.
Monsieur Kessel, vous avez parlé des délais, et c'est une question qui est préoccupante. Quand allez-vous commencer à travailler à ce dossier; quelles consignes avez-vous reçues du gouvernement précédent, quel délai avait-on prévu, s'il en est?
Comme c'est le cas pour tous les instruments internationaux, nous discutons de la question avec les ministères et avec nos homologues provinciaux au début du processus; nous avons donc commencé à discuter de la question lorsque nous étions en train de négocier le protocole facultatif.
C'est un commentaire intéressant parce que j'ai consacré dix ans à l'élaboration du traité sur la Cour pénale internationale. Tout cela a commencé par une discussion à Nuremberg et à Tokyo. Nous avons été très heureux d'obtenir ce que nous avons pu, et je crois qu'il faut étudier chaque question particulière séparément.
À mon avis cela représente du progrès. Ce n'est pas comme si nous sommes en train de créer quelque chose de complètement nouveau, mais nous avons mis sur pied un mécanisme proactif plutôt que réactif, et je crois que cela nous permettra d'assurer la diligence voulue pour que les choses se déroulent comme il faut.
Je vous remercie d'être venu rencontrer le comité aujourd'hui.
Nous accueillons maintenant M. Alex Neve de Amnistie internationale.
Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs les députés.
Même si elle est interdite sans réserve par nombre de traités internationaux sur les droits de la personne, par des constitutions nationales et des lois dans le monde entier, la torture, cette pratique horrible, est toujours pratiquée dans tous les coins du globe.
En l'an 2000, Amnistie internationale a publié un important rapport exhaustif sur la présence de la torture à l'échelle internationale. À l'époque, nous avions noté que la torture était pratiquée dans les trois quarts des États du monde, qu'il s'agissait d'une pratique systématique et généralisée dans pratiquement la moitié des États, et que dans un quart des États les enfants étaient torturés. Ce n'est pas une question qu'on pourrait prendre à la légère. La torture clairement représente une crise des droits de la personne à l'échelle internationale.
Cette réalité contraste nettement avec les lois fermes et sans équivoque qui interdisent la torture. La Déclaration universelle des droits de l'homme: nul ne sera soumis à la torture. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques: nul ne sera soumis à la torture. La Convention relative aux droits de l'enfant: les États parties veillent à ce que nul enfant ne soit soumis à la torture. Dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.
La loi est claire; la pratique, c'est tout autre chose. La torture, tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées, est tout à fait illégale mais partout dans le monde des bourreaux sévissent.
Une des raisons pour lesquelles la torture se pratique en secret, à l'abri du regard des tribunaux, des caméras de télévision ou du grand public, c'est que le secret est l'un des plus grands atouts du bourreau. C'est pourquoi il faut absolument lever le voile autour de la torture dans cette campagne pour y mettre fin une bonne fois pour toute.
Voilà pourquoi il y a quatre ans et demi l'ONU a finalement adopté ce traité relatif aux droits de l'homme immensément important qui cherche à lever le secret sur la torture. Grâce au protocole facultatif, les Nations Unies ont mis en place un mécanisme puissant d'inspection des lieux de détention dans le but de mettre au jour et d'éliminer les conditions qui encouragent la torture. Le protocole facultatif exige que les États créent des entités nationales chargées d'effectues ces inspections. Il crée également, bien sûr, un comité d'experts de niveau international habilité à effectuer ces inspections. Des visites nationales et internationales sont précisément ce qu'il faut pour jeter la lumière sur la pratique de la torture et faire en sorte que l'examen et l'attention feront en sorte qu'il sera impossible à cette pratique de continuer.
C'était une chose pour l'ONU de convenir d'un protocole facultatif, fruit de plus de 10 ans de négociations ardues et parfois litigieuses entre les États, dont beaucoup à un moment ou à un autre ont cherché à affaiblir le nouveau dispositif de visite; c'en est maintenant toute une autre que d'encourager les États à ratifier le protocole facultatif et à s'engager ainsi à adhérer à cet important et nouveau système. Vingt États doivent le ratifier avant qu'il puisse entrer en vigueur et que le nouveau comité international voie le jour. C'est enfin chose faite depuis cette année et le protocole facultatif s'applique depuis près d'un an. Vingt-quatre pays y ont adhéré, les plus récents étant le Cambodge et la Nouvelle-Zélande en mars. Les 10 membres du Sous-comité du Comité de l'ONU contre la torture, le nouvel organe international d'experts chargé d'effectuer les visites, ont été élus en décembre 2006. Le système fonctionne; 34 pays en font partie, mais pas le Canada. Il y a maintenant quatre ans et demi que le protocole facultatif a été adopté: il est temps pour le Canada d'y adhérer.
Il faut que le Canada le ratifie parce que notre pays doit se ranger fermement dans le camp de ceux qui font tout ce qui est possible, appuient toutes les initiatives, souscrivent à toutes les lois destinées à abolir et mettre fin à l'abominable pratique de la torture. Il faut le ratifier pour s'assurer que nous disposons de tous les éléments à l'échelle nationale pour nous prémunir contre la possibilité de torture ou de mauvais traitements dans nos prisons, mais il faut le faire surtout pour garantir que nous avons fait tout ce que nous pouvons pour créer des lois et des institutions internationales fortes capables d'affronter et d'éliminer la torture et les mauvais traitements dans les autres pays.
Le Canada a toujours cherché à compter dans le combat mondial en faveur des droits de l'homme. Il a toujours cherché à mener et non à suivre. Vu ses antécédents de meneur, son absence, son silence ou son retard se remarquent. D'autres pays se sentent moins tenus d'agir si le Canada ne l'a pas fait. Quand le Canada ouvre la voie, d'autres lui emboîtent le pas. C'est ce qu'incarne le Canada. C'est ce dont le monde a besoin. C'est à coup sûr ce dont ont besoin les hommes, les femmes et les jeunes menacés de torture.
Évidemment, on ne peut passer sous silence la réalité cruelle de la torture à proximité de nous. Des cas récents, comme ceux de Maher Arar, Abdullah Almalki, Muayyed Nureddin en Syrie, Zahra Kazemi en Iran, Ahmad El-Maati en Égypte, William Sampson en Arabie saoudite et Kunlun Zhang en Chine nous rappellent tous que nos ressortissants risquent la torture à l'étranger. Tous ont fait des récits insupportables de la torture qu'ils ont subie en secret.
Évidemment, la question de la surveillance a été mise en relief récemment avec le débat qui a lieu actuellement sur la façon de veiller à ce que les prisonniers appréhendés par les Forces canadiennes en Afghanistan ne soient pas assujettis à la torture dans les prisons afghanes.
Ce n'est pas purement théorique. Ce ne sont pas des voeux pieux non plus. C'est une approche fonctionnelle. En 1987, le Conseil de l'Europe a institué le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ce comité a commencé ses travaux en 1990 et a désormais juridiction dans plus de 46 États européens. Au cours des 17 dernières années, le comité a effectué plus de 225 visites, dont 140 étaient planifiées et 85 étaient des visites d'intervention rapide, impromptues. La torture a-t-elle cessé d'exister en Europe? Manifestement, la réponse est non. Les travaux du comité ont-ils amélioré les choses? Absolument, et ils continueront à le faire. Cette année, des visites sont prévues dans 11 pays, y compris plusieurs où les craintes de torture sont vives, notamment la Georgie, la Moldavie et la Serbie.
Le Canada est perçu, à juste titre, partout dans le monde comme étant un ardent défenseur de la protection des droits de l'homme à l'échelle internationale, et notamment de l'interdiction cruciale de la torture à l'échelle mondiale. Voilà autant de raisons qui rendent évidente et problématique la non-ratification par le Canada après quatre ans et demi. En effet, le monde s'attend à ce que le Canada adhère à cette nouvelle initiative. Le monde escomptait que le Canada allait être un des premiers pays du monde à la ratifier.
Pourquoi ce retard? Nous savons que les autorités fédérales, provinciales et territoriales ainsi que les premières nations en discutent depuis un certain temps déjà. Apparemment, les autorités fédérales et provinciales n'ont pas d'objections aux inspections à l'échelon international, mais elles ont semble-t-il des questions et des préoccupations en ce qui concerne l'exigence relative aux inspections à l'échelon national. Qui entreprendrait de telles inspections? À quelle fréquence? Combien cela coûterait-il? Nous en avons entendu parler pas mal ce matin.
Il y a trois ans, Amnistie internationale a fait part au gouvernement des résultats de sa propre enquête dont il est ressorti que, grâce à un réseau constitué de bureaux d'ombudsman, d'enquêteurs du Service correctionnel et d'autres instances, il existe déjà des mécanismes pour assurer des inspections à l'échelon national, en grande partie. Manifestement, des améliorations, des éclaircissements et une bonification des ressources pourraient s'avérer nécessaires, mais les processus et l'architecture générale pour assurer la surveillance des prisons existent déjà et servent de cadre pour progresser dans le sens du traité. Qu'à cela ne tienne, nous attendons toujours. Nous avons eu beaucoup de difficulté à obtenir des renseignements au sujet des discussions entre les différents niveaux de gouvernement et au sein même du gouvernement, car ces discussions ont lieu entièrement à huis clos. Nous ne savons pas dans quelle mesure ces discussions ont progressé, par exemple, en faveur de réformes ou de l'instauration de nouveaux mécanismes de surveillance des prisons. Tout ce que nous savons c'est que les consultations se poursuivent. Il nous a donc été très difficile de nous faire une idée des progrès, des difficultés des défis, et ni les parlementaires, ni la population canadienne dans son ensemble, n'avaient les moyens de contribuer aux discussions de façon constructive et transparente.
Nous entendons parler de la participation des premières nations. Or, il n'est pas clair que le processus de consultation soit en cours,ou le cas échéant, où en sont les choses, et c'est symptomatique de la difficulté qu'éprouvent les Canadiens dans l'ensemble, et les parlementaires en particulier, a contribuer de façon constructive, aux discussions et aux processus intergouvernementaux en matière de droits humains internationaux.
Permettez-moi de terminer en insistant sur le fait que les Canadiens veulent que le Canada ratifie le Protocole. En effet, près de 4 000 personnes ont signé une pétition d'Amnistie internationale exhortant le Canada à le ratifier. Il y a 18 mois, dans une lettre ouverte au gouvernement canadien, huit citoyens canadiens ayant eux-mêmes été victimes de torture ou perdu un être cher des suites de la torture, ainsi que des avocats, trois Canadiens qui ont déjà fait office d'experts en matière des droits de l'homme aux Nations Unies, 43 organismes canadiens et 24 personnalités canadiennes, y compris deux anciens ministres des Affaires étrangères, nommément Lloyd Axworthy et Flora MacDonald, ont tous pressé instamment le Canada de ratifier la convention. La lettre, rendue publique en décembre 2005, exhortait le Canada à ratifier le Protocole avant mai 2006, ce qui aurait coïncidé avec le premier anniversaire de l'instauration du Comité des Nations Unies contre la torture, demandant la ratification par le Canada. Mai 2006 est passé, et aucune ratification. Mai 2007 aussi est passé, et toujours pas de ratification.
Le Canada se croise les bras. Or, la torture est un problème trop grave et l'importance de la combattre est trop urgente pour que le Canada attende encore.
Je vous remercie.
[Français]
Monsieur Neve, merci beaucoup de votre présentation. J'aurais essentiellement deux questions parce que vous avez bien cerné le problème, je crois. Vous avez entendu les témoignages précédents et vous avez parlé de la lenteur du processus, dont vous êtes un peu déçu. J'aimerais vous entendre davantage à ce sujet. Que répondez-vous en ce qui a trait aux problèmes, à l'absence d'un calendrier ou d'un échéancier, etc.?
Ma deuxième question est plutôt d'ordre pratique. Avez-vous une stratégie pour forcer un peu la main des différents acteurs et pour accélérer le processus? Auriez-vous une stratégie à nous proposer quant aux moyens à utiliser pour que les différents gouvernements sentent davantage la pression? On parle d'une pression douce et gentille, bien sûr.
[Traduction]
Bien sûr, toujours.
En ce qui concerne votre première question, nous avons eu de la difficulté à savoir clairement où se situaient les difficultés ou les préoccupations. Évidemment, nous avons reçu, comme vous ce matin, et ce, à de maintes reprises, l'assurance que les consultations étaient en cours. Nous avons été mis au courant de certaines des questions en particulier qui ont fait l'objet de ces discussions, et nous sommes convaincus que ces discussions ont bel et bien lieu.
À cause du manque de transparence quant à la coordination des processus des droits humains internationaux au Canada, il n'y a pas de communication publique à cet égard. En effet, la société civile n'a aucun moyen — et je vous dirai que c'est encore plus difficile pour les parlementaires — d'avoir une idée claire et concrète de l'état et de la nature de ces discussions, pour vraiment comprendre s'il y a, par exemple, un problème émergent qui pourrait nécessiter du leadership politique, que des groupes de la société civile sachent s'il y a des problèmes en particulier qui devraient être mis en relief dans les interactions avec les gouvernements, ou encore pour sensibiliser la population et ainsi rallier des appuis pour des initiatives de ce genre. L'ennui, c'est que quand nous ne savons pas où en sont les progrès, où se situent les difficultés, le cas échéant, il nous est difficile, à nous tous, parlementaires et membres de la société civile, de jouer le genre de rôle que nous devrions jouer pour faire la promotion de quelque chose d'aussi fondamental pour notre pays, puis la façon d'incorporer à notre tissu national nos obligations en matière de droits humains internationaux. Je suis malheureusement incapable de vous éclairer sur cette question, c.-à-d. à savoir s'il existe des difficultés sur ce front.
Pour ce qui est d'une stratégie, étant donné certaines des questions qui ont été posées ici, on cherchait à savoir s'il était temps, par exemple, de militer en faveur de l'élaboration d'un calendrier assorti d'attentes claires pour achever le processus de consultation, pour proposer des recommandations claires à l'intention des différents gouvernements pour que des décisions soient prises au niveau politique. J'ai énormément de respect pour les fonctionnaires, tant fédéraux que provinciaux, qui travaillent dans ce domaine, et j'en connais un certain nombre personnellement, et je sais également qu'ils partagent la même passion que moi quant à la nécessité d'éradiquer la torture dans le monde. Ces fonctionnaires comprennent le rôle que le Canada peut jouer à ce chapitre, et ils font beaucoup de travaux techniques nécessaires, mais il faut que les choses bougent au niveau politique également. Je pense que les échelons politiques supérieures devraient donner des orientations claires, à l'échelle fédérale comme provinciale, pour montrer que c'est une question qui revêt de l' importance. Sur le plan politique, on s'attend à ce que le Canada soit prêt à agir et à agir bientôt, car quatre ans et demi c'est beaucoup trop long. En faisant preuve d'un tel degré d'appui politique et d'engagement envers le processus, je crois que les efforts de bien des fonctionnaires qui essaient de faire progresser les travaux techniques n'en seront plus renforcés.
Je pense qu'on atteindra peut-être un point où il faudra par exemple que les ministres fédéraux communiquent entre eux. Si un ministère est un peu plus récalcitrant qu'un autre, il faudra alors que notre ministre de la Justice persuade notre ministre de la Sécurité publique, ou le ministère compétent selon le cas. De même, nous devons voir nos ministres fédéraux engager le dialogue avec leurs homologues provinciaux pour faire en sorte que tous souscrivent à la même vision politique en ce qui concerne l'importance de cet instrument.
La dernière chose qu'aucun d'entre nous souhaiterait, c'est que s'écoulent encore quatre ans et demi alors que les consultations et un bon travail technique se poursuivent— et je ne veux pas laisser entendre que ce n'est pas le cas actuellement — sans une orientation politique claire.
Merci, monsieur le président.
Après avoir écouté votre déposition et celles des autres témoins, je m'inquiète, comme l'a mentionné le président il y a quelques instants, pour la réputation du Canada. Nous disons que quand le Canada mène, les autres suivent. Mais je pense que la cadence entre 1992 et 2007 semble avoir été plutôt léthargique.
J'aimerais que vous me disiez, monsieur, pourquoi cela a pris aussi longtemps. Y a-t-il une volonté d'agir? Y a-t-il eu un manque de leadership politique au cours des 15 dernières années? J'ai posé la même question aux fonctionnaires, mais je n'ai pas obtenu de réponse claire. Y avait-il une orientation? Savez-vous si on avait donné une orientation quelconque et sinon, pourquoi pas? Pourquoi le Canada n'agit-il pas?
Encore une fois, j'aurais souhaité pouvoir vous donner une réponse claire et nette. Permettez-moi de commencer par la question sur la réputation du Canada.
Je crois que votre comité devrait s'en préoccuper. Je ne voudrais pas vous donner l'impression que parce que nous n'avons pas ratifié le protocole facultatif à la Convention contre la torture, nous sommes maintenant perçus dans les cercles onusiens comme étant un pays qui bafoue les droits humains. Je ne pense pas que ce soit le cas du tout. Notre bilan est beaucoup plus reluisant que cela, et nous continuons de faire des contributions très positives à l'échelon international.
Cela dit, je pense qu'il y a un sentiment de déception sur la scène internationale à cause du rôle que le Canada jouait, et ce, parce que, comme je l'ai dit, nous cherchons généralement à piloter des initiatives de ce genre plutôt que d'emboîter le pas à d'autres pays plus tard. Comme chacun le sait, nous avons besoin de plus de leadership à l'échelon international. Nous ne pouvons pas nous permettre de risquer de voir s'amenuiser notre leadership.
Pour ce qui est de la lenteur du processus, là encore, je ne peux pas vous donner de réponse concrète, ne sachant pas les progrès réalisés dans ces discussions. Cela étant, je pense que votre question concernant le leadership politique, l'orientation et les directives est importante.
À mon avis, nous n'avons pas vu cela se produire jusqu'ici. Dans mes propres interactions au fil des ans avec divers ministres fédéraux et provinciaux, j'ai souvent trouvé un auditoire empathique et approbateur, l'assurance que la question serait soulevée auprès de leurs homologues. Je dois dire par ailleurs que je n'ai jamais vu se concrétiser ces réactions. Je pense que tout ce qui peut rappeler à nos chefs politiques, fédéraux comme provinciaux, le rôle qu'ils ont à jouer pour faire progresser les droits humains serait très précieux.
À votre avis, le sous-comité devrait-il avoir un rôle plus important à jouer à cet égard? Devrions-nous nous rendre dans les pays qui s'adonnent à la torture? Je pense que le Canada a été absent à ce chapitre aussi.
À votre avis, le sous-comité devant lequel vous comparaissez aujourd'hui à titre de témoin devrait-il avoir un rôle élargi? Devrions-nous mettre l'accent sur les pays qui s'adonnent à la torture? Que je sache, nous ne sommes pas très actifs sur la scène internationale.
Clairement, la prévention de la torture est un objectif que tous les membres d'Amnistie internationale ont à coeur de réaliser, et tout ce que ce comité est prêt à faire pour attaquer ce problème à l'échelle... Le travail que vous faites à l'égard du protocole facultatif est très important, mais cela ne représente en fait qu'un outil parmi tant d'autres qu'il nous faut continuer à renforcer à l'échelle nationale. Il existe des problèmes et des lacunes dans nos propres lois et pratiques au Canada, et à l'échelle internationale, parce qu'il y a toutes sortes d'autres façons qui permettent de renforcer les systèmes internationaux et ceux des Nations Unies.
Si votre sous-comité est un jour intéressé à entreprendre une étude plus générale du rôle du Canada pour lutter contre la torture à l'échelle internationale, ou peu importe le sujet, je crois que votre participation sera fort utile.
Je vous remercie d'être venu comparaître aujourd'hui. M. Neve et moi nous sommes rencontrés à quelques reprises pour discuter de diverses choses.
La torture est une chose absolument extraordinaire. Nous sommes très chanceux nous qui vivons au Canada. Nous n'avons pas vraiment à penser très souvent à ce genre de choses quand on parle du Canada. Il y a plusieurs années j'ai vécu brièvement en Arabie saoudite. J'ai été abasourdi en rencontrant des gens qui pouvaient à peine marcher parce que leurs pieds avaient été blessés ou qui n'avaient plus d'yeux. Lorsque j'étais au marché une journée, une foule de gens m'ont poussé en se déplaçant parce qu'ils amputaient la main d'un homme et qu'ils en décapitaient un autre. Cela m'a absolument bouleversé.
J'ai eu le plaisir de rencontrer M. Maher Arar et M. Amalki pour discuter avec eux de ce dossier. M. Amalki, tout particulièrement, est venu à Hamilton pour nous parler de ce qu'il avait vécu, surtout en Syrie, pour nous décrire ce que c'était de se trouver enfermé dans un local de la taille d'un cercueil pendant des mois, sinon pendant des années. La situation m'inquiète gravement parce que je pense à Bashir Makhtal, qui est détenu en Éthiopie, à Huseyin Celil, qui lui est détenu en Chine. Dans ces deux cas je crains que l'on pratique la torture.
Je crois cependant que dans ce dossier le Canada n'est pas vraiment présent. Je ne dis pas que l'on fait preuve de complaisance, mais parce que nous ne pensons pas que ça se produira ici, le problème n'est pas vraiment présent à l'esprit du public.
Je vous encourage tous à visionner un film qui s'intitulé Road to Guantanamo. Si vous pensez que la torture n'existe pas chez les Nord-Américains, vous changerez d'idée une fois que vous aurez vu ce film.
Je crois donc que ce que nous entendons aujourd'hui doit nous mener à conclure une chose : Le Canada n'a pas manifesté, et ne manifeste toujours pas la volonté politique d'intervenir. Êtes-vous d'accord?
Je crois que c'est vrai. Comme je l'ai signalé un peu plus tôt, les hauts fonctionnaires et les ministres que j'ai rencontrés pour discuter de la question font preuve de beaucoup de compassion. Tout le monde convient que ce dossier mérite d'être étudié et qu'il faut lutter contre la torture, mais toutes ces bonnes volontés ne se sont jamais traduites par un engagement réel et un vrai leadership afin d'encourager tous les gouvernements à agir, et à agir rapidement.
Je crois que tous ceux qui sont ici reconnaissent que le Canada a été le chef de file dans le domaine de la défense des droits de la personne aux yeux du reste du monde pendant plusieurs années. Certains ne voudront peut-être pas le reconnaître, mais ce rôle de chef de file sera mis en péril par ce retard.
Encore une fois, lorsque j'étais en Arabie saoudite le Canada était respecté pour la position qu'il avait adoptée lors de diverses interventions partout au monde. J'ai parlé à des amis qui vivent là-bas, et cette opinion du Canada commence à changer. Cela est attribuable à diverses choses; je n'essaie pas de dire que tout cela est exclusivement attribuable à ce dont nous parlons. Le Canada est perçu aujourd'hui plutôt comme un allié de la politique américaine; c'est pourquoi je crois qu'il importe que nous agissions le plus rapidement possible dans ce dossier.
J'aimerais poser une dernière question. On s'est toujours préoccupé de l'application des dispositions des traités qui étaient signés. Il est clair que nous appuyons le protocole parce que nous avons participé à sa rédaction et nous espérons que le gouvernement continuera à appuyer le protocole facultatif. Ne pensez-vous pas que ce protocole représente un nouvel outil dans la lutte pour l'application des dispositions sur les droits de la personne et que c'est justement pourquoi il représente un outil si important et qu'il faut donc absolument qu'il fasse aussi partie du système législatif canadien?
Absolument. Une des choses les plus passionnantes ici, c'est que c'est du concret. Bien sûr, les traités... qui sont faits de promesses, d'engagements et d'aspirations comme tant d'autres traités relatifs aux droits de l'homme, revêtent une importance vitale. Ils fixent les normes juridiques dont nous exigeons le respect par les gouvernements au moyen d'autres mécanismes et dispositifs.
Il s'agit d'un instrument international qui crée un mécanisme national et international tout à fait concret qui vise en réalité à changer les choses. Nous en avons désespérément besoin dans le système international des droits de l'homme. C'est une des principales raisons pour lesquelles ce protocole mérite le soutien généralisé de la planète. Il est bien évident qu'il faudra du temps avant de rallier chaque pays mais nous sommes en tout cas rendus au stade où il faut que des pays comme le Canada y souscrivent fermement.