:
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité. C'est un très grand privilège et un très grand plaisir de pouvoir partager avec vous aujourd'hui quelques idées sur la situation des droits de la personne en Iran.
[Traduction]
J'aimerais commencer par insister sur l'importance de traiter des droits de la personne en Iran dans un contexte plus vaste. Il est impératif de comprendre que cette question est liée à beaucoup des autres considérations sur la paix et sur la sécurité qui semblent préoccuper la communauté internationale en ce moment. Par exemple, je crois que la question nucléaire, qui semble avoir capté l'attention de la communauté internationale, est inextricablement liée à la démocratisation de l'Iran. Le problème qu'il faut régler en Iran n'est pas tellement la capacité nucléaire, mais plutôt la nature du régime.
Le problème, c'est qu'un régime autoritaire qui ne tient pas compte de la volonté du peuple iranien aura besoin d'une confrontation avec l'Occident, d'une rhétorique anti-américaine et anti-israélienne, comme outil idéologique. Un régime qui se sent persécuté parce qu'il représente une menace à la paix internationale et à la sécurité ressentira le besoin de se doter d'armes nucléaires pour se protéger d'un conflit armé.
Il faut comprendre que le régime, ou plutôt les pur et dur du régime qui s'accrochent férocement au pouvoir, qui démonisent l'ennemi étranger associent cette démonisation à la répression interne de la dissidence. Chaque dissident iranien qui finit en prison, y compris le professeur Ramin Jahanbegloo, que vous connaissez sûrement, le canado-Iranien qui a passé l'été dernier en isolement jusqu'à ce qu'il avoue, contre son gré, ce qui était prévisible, d'avoir été agent secret pour les Américains — chaque personne ciblée en Iran finit par être associée à une conspiration étrangère quelconque. De cette façon, le régime déguise la volonté autochtone d'un changement comme une manipulation américaine ou étrangère des esprits des Iraniens.
Récemment, les droits de la personne se sont détériorés en Iran, sous le président Ahmadinejad, et je crois que mes éminents collègues en parleront plus en détail. À mon avis, il est très important de comprendre la radicalisation de la politique iranienne, la détérioration des droits de la personne non pas comme une tendance à court terme, mais plutôt comme le dernier souffle d'un régime qui a perdu sa légitimité et qui est complètement sourd à la volonté de la majorité des Iraniens.
Les données démographiques témoignent d'un changement. Soixante-dix pour cent des Iraniens sont âgés de 30 ans ou moins. Ils font partie d'une culture postidéologique, postutopique, pragmatique et se préoccupent beaucoup plus de l'emploi, de la transparence, de l'élimination de la corruption, de la croissance de l'économie, d'un avenir prospère, de liberté culturelle, de droits de la personne et de liberté démocratique qu'autre chose.
L'Iranien moyen, lorsqu'il se réveille le matin, ne pense pas à la capacité nucléaire de son pays ou à la façon de détruire Israël. C'est plutôt la préoccupation du président Ahmadinejad, parce que c'est la seule chose qu'il peut offrir au peuple iranien au fur et à mesure qu'il s'enfonce dans le désespoir, dans le déclin économique et social.
Dans ce contexte, je crois qu'il est très important de ne pas concevoir le conflit avec l'Iran comme un conflit de civilisation. Ce n'est pas un conflit de civilisation, c'est un conflit entre l'autoritarisme et la démocratie. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il y a plus de religieux islamistes en prison aujourd'hui en Iran qu'il n'y en a jamais eus sous le régime du Shah et que la plus forte opposition aux structures étatiques totalitaires qui, évidemment, sont plus souples aujourd'hui, vient des ecclésiastiques islamistes, sans parler des nombreux autres mouvements sociaux qui existent en Iran.
Pour résumer, il y a deux Iran. Il y a l'Iran des purs et durs et il y a l'Iran de la majorité, avec une société civile florissante, des mouvements pour le respect des droits de la personne, des mouvements féministes et des militants sociaux de tous les horizons. Cette réalité implique une politique étrangère nuancée qui, d'un côté, isole les extrémistes qui vont à l'encontre de la volonté de la majorité du peuple iranien et qui, de l'autre côté, soutient la société civile. Ce dernier élément est la seule solution à long terme, non seulement pour répondre aux préoccupations de la communauté internationale relativement à la stabilité de la région, mais aussi pour réaliser les aspirations légitimes du peuple iranien.
J'ai le regret de vous dire que de façon générale, historiquement, la politique occidentale vis-à-vis de l'Iran mettait les droits de la personne du peuple iranien au second plan par rapport aux préoccupations politiques. Le Canada a à présent la possibilité d'adopter non seulement une politique étrangère régie par des principes, mais également une politique étrangère réaliste qui tienne compte des liens entre la sécurité régionale et le respect des droits de la personne.
Inutile de vous dire que récemment, les survivants du tremblement de terre de Bam, en Iran, ont protesté contre la décision du gouvernement iranien d'envoyer des centaines de millions de dollars au Hezbollah au Liban, alors qu'ils n'avaient toujours pas de quoi se loger. Dans une démocratie iranienne, les gens se demanderont forcément s'il est justifié de dépenser 15 milliards de dollars pour un programme nucléaire controversé qui risque d'engendrer un conflit militaire avec l'Occident alors qu'officiellement, le taux de chômage est de 25 p. 100 et que non officiellement, il pourrait atteindre 40 p. 100.
À mon avis, la solution serait d'envisager des sanctions ciblées, des sanctions axées sur certains éléments précis du régime qui ne pénaliseraient pas la majorité du peuple iranien. Ces sanctions ciblées, en tant que telles, habiliteront de façon significative la société civile iranienne à orchestrer un réel changement du système politique iranien, et ne représenteront pas une nouvelle solution externe forcée. Je ne reviendrai pas sur la douloureuse leçon que nous avons tirée de l'exemple de l'Irak et des résultats des solutions imposées par l'étranger.
En ce sens, je pense que le Canada a un rôle fondamental à jouer. Nous avons, d'un côté, une diplomatie cow-boy et belligérante, si j'ose dire, aux États-Unis, qui est tombée à point nommé pour le président Ahmadinejad et qui l'a aidé à se proclamer sauveur de l'Islam dans ce conflit des civilisations. La conférence négationniste de l'Holocauste à Téhéran et ce genre d'événements sont des invitations à la condamnation, ce qui aide à rallier les masses iraniennes qui, indubitablement, ont la fibre nationaliste. Il faut garder tout cela à l'esprit.
D'autre part, la politique européenne, si j'ose dire, a, de façon générale, frôlé la conciliation, même si l'on observe aujourd'hui des politiques plus rigides relativement à la question nucléaire. À mi-chemin entre la conciliation et la confrontation armée, il existe à mon avis une politique efficace, et je crois que le gouvernement canadien, au-delà des paroles sur la sécurité humaine et sur ses principes abstraits, doit à présent accepter de relever ce défi.
En ce qui concerne des recommandations précises, je veux d'abord parler de ce qui est, à mon sens, un défi unique, mais aussi une occasion unique pour le gouvernement canadien, soit de réagir au décès de la photo-journaliste canado-iranienne Zahra Kazemi, qui venait de ma ville, Montréal. L'été dernier, le gouvernement iranien comptait, dans sa délégation, Saïd Mortazavi, le fameux procureur général de Téhéran impliqué dans le décès de Zahra Kazemi, non seulement selon la commission d'enquête présidentielle du président Khatami en Iran, mais également selon une commission d'enquête parlementaire iranienne.
Lorsqu'il s'est rendu au conseil des droits de la personne à Genève, c'était une gifle pour la communauté internationale, une gifle pour le Canada et une gifle pour tous les Iraniens. Par ce geste, le gouvernement a clamé haut et fort qu'il enverrait un des individus les plus tristement célèbres au conseil des droits de la personne, un homme qui a envoyé des centaines et des centaines de blogueurs, de journalistes et de militants pour les droits des femmes à la prison d'Evin. Le régime a montré qu'il pouvait bafouer les droits de la personne des citoyens iraniens en toute impunité.
À cet égard, le gouvernement du Canada, le premier ministre, avec un grand courage, je crois, a réclamé l'arrestation de Saïd Mortazavi. Cet acte valeureux a fortement infléchi le cours des événements en Iran. Plus d'un réformiste ou défenseur des droits de l'homme m'ont avoué combien l'opposition démocratique avait été enhardie de savoir que ce symbole apparemment intouchable du régime allait désormais redouter d'être arrêté. Rentré précipitamment à Téhéran, il doit maintenant se demander sans cesse s'il peut se rendre à l'étranger sans risquer d'être arrêté. Voilà qui montre bien comment un geste mineur peut avoir un grand retentissement, combien la mesure peut donner des résultats très concrets.
Je déplore toutefois qu'il n'y ait pas eu de suite à ce que j'ai jugé être un acte très louable et valeureux. Nous avons ici le cas d'une citoyenne canadienne brutalement torturée, violée et assassinée. Les sévices qu'elle a subis et son meurtre ont fait l'objet d'une vaste opération de camouflage par le procureur général de Téhéran, rien de moins.
Par principe, si le Canada constitue bien une société multiculturelle qui profite des compétences et de la richesse que lui apportent tous les immigrants, il doit aussi en supporter le fardeau. Quand un citoyen canadien, qui se trouve à posséder une deuxième nationalité et qui a passé la plus grande partie de sa vie au Canada est brutalement torturé et assassiné dans un autre pays, nous avons l'obligation de défendre ses droits.
Un des arguments que j'ai entendus contre l'inculpation de Saïd Mortazavi est qu'il s'agit d'un problème de compétence universelle, que si nous inculpons les Saïd Mortazavi de ce monde, les tribunaux canadiens se transformeront en tribunaux mondiaux et nous aurons le même problème que la Belgique, quand elle porte des chefs d'accusation contre des chefs d'État.
C'est absolument faux. Le Code criminel du Canada, à l'article 7, alinéa (3.7)(d), prévoit expressément que les tribunaux canadiens ont la capacité de connaître en cas de torture si le plaignant a la citoyenneté canadienne. C'est le seul critère à remplir pour qu'un tribunal canadien ait la capacité de connaître: que la victime de torture soit citoyen canadien. Il est tout à fait erroné d'affirmer qu'il s'agit d'un cas de juridiction universelle qui ouvrira une boîte de Pandore et transformera les tribunaux canadiens en tribunal mondial. Si le Code criminel prévoit expressément l'exercice de la compétence, pourquoi devrait-on traiter le meurtre de cette citoyenne canadienne différemment du meurtre de tout autre Canadien?
Un autre argument contre l'inculpation de Saïd Mortazavi est que nous n'avons pas accès à la preuve. De toute évidence, nous ne pouvons pas nous rendre en Iran pour mener une enquête. J'estime néanmoins l'argument fallacieux. Tout d'abord, il existe de nombreux éléments de preuve à l'extérieur de l'Iran. Nous avons des rapports de la commission parlementaire iranienne, la commission présidentielle. Il y a le témoignage du médecin iranien, qui a cherché asile au Canada récemment. Il ne s'agit pas ici d'un acte criminel isolé où il faut une preuve tangible irréfutable ou des empreintes digitales.
Saïd Martazavi est impliqué dans une criminalité systémique. Pendant toutes les années où il a été une figure judiciaire imminente, des centaines de dissidents ont été incarcérés sur ses ordres à la prison d'Evin, où ils ont été torturés et assassinés. Il suffit de retrouver les nombreux dissidents qui ont maintenant trouvé asile en Europe et en Amérique du Nord pour monter un dossier d'éléments indirects convaincants.
À tout le moins, même si la preuve est difficile à obtenir, si le gouvernement du Canada n'exprime pas son intention d'au moins ouvrir une enquête, comment ceux qui pourraient apporter des éléments pourront-ils se faire connaître et contribuer à rassembler ce qui est nécessaire pour inculper Saïd Mortazavi?
J'insiste sur le fait que l'administration de la justice ne doit jamais être le fait de considérations politiques. Ce n'est pas pour des raisons de politique étrangère qu'il faut inculper Saïd Mortazavi. C'est bien pour des motifs de justice pénale. La diplomatie avec l'Iran a fait son temps quand il est devenu clair que le régime refusait tout net de traduire en justice les auteurs de ce crime odieux. C'est à ce moment-là que la justice pénale devait prendre le relais de la diplomatie. C'est ce que nous enseigne la Cour pénale internationale, les tribunaux de la Yougoslavie et du Rwanda: quand vous torturez ou commettez des crimes contre l'humanité, vous n'êtes plus ministre ni procureur général — vous êtes un criminel.
Dans ce cas-ci, cependant, nous ne pouvons pas être sourds aux longues ramifications de politique étrangère que suppose l'ouverture de l'affaire. La conduite vigoureuse de cette affaire annoncera que le Canada ne permettra plus que ses ressortissants soient assassinés avec impunité. Le régime iranien s'entendra également dire que les atteintes aux droits de la personne ont un prix et qu'il ne peut torturer des Iraniens, qu'ils possèdent ou non la nationalité canadienne. On ne peut pas torturer et assassiner avec impunité. Cela rejoint le rôle que le Canada peut jouer en exigeant que les individus rendent des comptes en cas d'atteinte aux droits de l'homme, au lieu de se contenter d'une simple condamnation à la Commission des droits de l'homme de l'ONU, importante, certes, mais éphémère comme une manchette de journal.
La valeur d'une inculpation — comme nous l'a appris la traque des criminels de guerre nazis ou de l'ancienne Yougoslavie et d'ailleurs — est de stigmatiser ceux qui sont au pouvoir. Le message, c'est qu'ils ne seront pas toujours au pouvoir et que le jour viendra où ils devront faire face à la justice.
Pour terminer, je voudrais dire combien il est important d'investir dans la relève en Iran au lieu de chercher à se gagner les faveurs du régime actuel. Certes, il faut tenir compte de certaines réalités politiques mais en fin de compte, la marée démocratique en Iran, l'éclosion de la société civile, annonce la fin de la triste ère d'autoritarisme dans ce pays. C'est pourquoi il faut de l'imagination, de la prévoyance et une vision politique au Canada — au moyen d'une diplomatie à deux voies ou autrement — pour renforcer la société civile iranienne et s'adresser à elle, au lieu de songer à ceux qui détiennent le pouvoir aujourd'hui mais pas forcément demain.
Je terminerai simplement en disant que des actes judiciaires peuvent avoir un effet important. Je sais que d'autres ont parlé de la possibilité d'inculper le président Ahmadinejad pour incitation au génocide et à d'autres crimes, mais je veux vous donner un dernier exemple instructif connu sous le nom du jugement de Mykonos.
Le Mykonos était un restaurant grec à Berlin où des agents iraniens ont tué quatre dirigeants kurdes en 1992. Les juges d'instruction allemands ont fait enquête, arrêté certains des auteurs des faits et mis en cause les plus hautes autorités iraniennes, y compris le chef suprême, l'Ayatollah Khomenei, et le président de l'époque, Rafsanjani, ainsi que le ministre de l'intérieur, Fallahian — des noms qui reviennent aussi au sujet de l'attentat à la bombe contre le centre culturel juif en Argentine et de l'assassinat du professeur Rajavi à Genève en 1989, et ainsi de suite.
Ce qui est important, c'est la décision rendue dans l'affaire Mykonos en 1997, à cause du tôlé qu'elle a créé dans la communauté internationale, il n'y a plus eu d'assassinats politiques en Europe. Jusqu'à cette date, 300 dissidents iraniens avaient été assassinés en Europe, souvent avec la complicité des gouvernements européens. Je pense que le jugement Mykonos devrait être une source d'inspiration quand se pose la question de savoir s'il faut inculper Saïd Mortazavi pour l'assassinat de Zahra Kazemi.
Merci de votre patience, monsieur le président.
Monsieur le président, distingués membres du comité, c'est un plaisir pour moi d'être ici. Je passe beaucoup de temps au Canada. Ma femme est canadienne, de Toronto, si bien que le Canada est littéralement mon deuxième chez-moi. C'est un plaisir pour moi d'être ici à Ottawa pour témoigner sur la question des droits de la personne en Iran.
La déclaration du professeur Akhavan a bien planté le décor pour une discussion plus détaillée des abus spécifiques du régime, même si dans les cas qu'il a évoqués, il a déjà discuté de plusieurs exemples en détail.
En un mot, la situation en matière de droits de la personne en Iran est catastrophique et a été condamnée plus de 50 fois par les Nations Unies. La règle de droit en Iran est exclusivement fondée sur un point de vue extrémiste de l'Islam qui punit sévèrement toute interprétation du Coran pouvant différer de l'interprétation des dirigeants religieux. Tout geste incompatible avec cet extrémisme est sévèrement puni par l'entremise de traitements inhumains comme les châtiments corporels en public, l'emprisonnement, la torture et la mort, et la peine de mort est souvent décidée sans procédure équitable.
Par conséquent, de nombreux dissidents politiques meurent ou disparaissent afin d'éliminer la menace qu'ils représentent pour le régime totalitaire. Malgré le tollé international, la situation continue de se détériorer. L'Iran a accru l'oppression et la violence contre les dissidents politiques, les journalistes, les femmes et les minorités.
Dans mon témoignage aujourd'hui, j'ai prévu couvrir un large éventail de pratiques abusives de l'Iran en matière de droits de la personne en abordant les sujets suivants: l'exploitation que fait l'Iran de l'Islam, la répression du droit de parole et d'association, la violation de la liberté religieuse, le déni des droits des femmes, le meurtre, la torture et les traitements inhumains ainsi que les récentes menaces et l'incitation au génocide contre l'État d'Israël.
Premièrement, permettez-moi de parler de l'exploitation que fait l'Iran de l'Islam. C'est en effet ce qui caractérise le régime de Téhéran. La majorité des abus commis par les dirigeants de l'Iran sont fondés sur l'exploitation de l'Islam. En fait, l'article 4 de sa constitution énonce strictement que toutes les lois et tous les règlements doivent être fondés sur des principes islamiques. Bien sûr, cela renvoie à l'interprétation faite par le régime religieux au pouvoir.
Le chef suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, est chargé d'appliquer la loi musulmane et il est le chef absolu et non élu de l'Iran. De fait, il y a un principe dans la constitution, le Velayat-E-Faqih, qui énonce la suprématie du pouvoir religieux. Toutes les branches du gouvernement sont contrôlées directement ou indirectement par l'Ayatollah ou son conseil des gardiens. Toutes les tentatives de libéralisation législative sont rejetées par le conseil et souvent remplacées par des lois encore plus restrictives.
Comme si cela ne suffisait pas, une police des moeurs, les Basiji, a été créée pour repérer les gestes non islamiques. La police des moeurs a beaucoup de pouvoir relativement aux châtiments extrajudiciaires, comme les châtiments corporels dans la rue, les arrestations et la torture. Les Basiji existent au sein d'autres groupes qui sont des comités de surveillance indépendants dont l'objectif est de trouver les personnes qui, selon eux, agissent de façon non islamique. Ils infligent souvent des blessures graves à leurs victimes qui ne sont pas remises en question par les représentants du gouvernement et leur comportement est appuyé par bon nombre de partisans du régime.
Deuxièmement, je voudrais parler de la liberté d'expression et d'association parce que les Iraniens jouissent de très peu de droits politiques, si tant est qu'ils en ont. Fondamentalement, ils n'ont aucune possibilité de modifier leur gouvernement. L'Iran prétend être une démocratie complète où se tiennent des élections pour choisir le président et la législature. Ce n'est toutefois qu'une façade. En pratique, les votes n'ont aucune signification puisque les chefs religieux au pouvoir contrôlent la liste des candidats ainsi que le processus électoral. Ils ont même été accusés de falsifier les bulletins de vote.
L'expression est fortement réprimée et la constitution ne protège pas le droit de parole. Les manifestations publiques sont généralement bannies et lorsqu'elles surviennent spontanément, elles sont brutalement réprimées.
Bien que la liberté de la presse soit garantie par la constitution, elle est restreinte et n'existe que pour diffuser les déclarations qui n'offensent pas l'Islam ainsi que les groupes religieux au pouvoir. Cela aussi se base sur leur propre interprétation de l'Islam. Les déclarations critiquant le défunt Ayatollah Khomenei, le chef suprême Khamenei et les règlements des chefs religieux sont interdites de publication, de même que les énoncés favorisant les opinions de certains dissidents religieux et encourageant les droits des minorités. Par exemple, trois journaux dissidents ont été fermés en Iran par le gouvernement juste avant l'élection récente du président Ahmadinejad après que l'un d'entre eux eut publié une lettre critiquant le gouvernement pour avoir truqué les élections. Voilà pourquoi la presse, même si elle n'est pas officiellement contrôlée par l'État, pratique souvent l'auto-censure de peur des représailles du gouvernement.
Actuellement, le régime prend des mesures encore plus sévères en ce qui concerne les journalistes et les blogueurs qui font des déclarations incompatibles avec les opinions prescrites par le régime.
Je parlerai maintenant des violations de la liberté religieuse, encore une fois à un niveau élevé. La liberté de pratiquer sa religion existe, mais elle se limite à la pratique de l'Islam shiite, la religion officielle de l'Iran. Même si la population sunnite n'est pas généralement victime de violence, les plaintes de discrimination contre le gouvernement sont nombreuses. De plus, les activités religieuses des chrétiens et des Juifs sont limitées et les membres de ces groupes souffrent grandement de discrimination. Par exemple, ils n'ont pas accès aux emplois dans l'administration, qui constituent une grande partie des emplois en Iran.
Les données indiquent qu'ils sont plus souvent arrêtés pour avoir eu un comportement non islamique. C'est encore pire pour les Baba'is. Les membres du bahaïsme n'ont droit à aucune protection et leur religion est considérée comme non islamique en vertu des lois iraniennes et, par conséquent, illégale.
Il y a quantité d'autres exemples de discrimination religieuse dans le code pénal iranien. Si un musulman est assassiné, le coupable est assujetti à des mesures de rétorsion. En revanche, si un musulman tue un non-musulman, le tueur doit simplement verser le prix du sang à la famille de la victime pour s'acquitter de sa « dette ». Comme c'est le cas dans plusieurs pays intégristes islamiques, celui qui veut se convertir à une autre foi que l'Islam est passible de la peine de mort.
Je voudrais maintenant parler des droits des femmes, parce que les femmes, en tant que minorité, sont fortement réprimées. En raison des attentes élevées envers elles en vertu du code islamique, elles sont ciblées plus fortement. Même s'il y a bien quelques députées, cela ne reflète pas fidèlement le statut de la femme. En outre, l'application des lois iraniennes à la femme est une violation du droit international en matière de droits de la personne.
La femme a en fait peu de droits indépendamment de son mari. Elle ne peut pas voyager sans son autorisation. Le témoignage de deux femmes équivaut à celui d'un seul homme. Le prix du sang versé à la famille d'une victime de sexe féminin est la moitié de la somme versée pour un homme. Souvent, la police des moeurs bat les femmes dans la rue parce qu'elles sont habillées de façon inconvenante, portent des produits de beauté ou fréquentent un célibataire.
Les femmes reçoivent souvent des peines beaucoup plus lourdes que les hommes pour le même crime. Par exemple, un homme qui commet un viol peut ne recevoir aucun châtiment tandis que des accusations liées à l'absence de chasteté contre une femme, même dans le cas d'un viol, peuvent entraîner la peine de mort. Le traitement est encore pire pour les femmes qui sont emprisonnées, car le viol, en particulier des vierges, y est un châtiment très commun.
En outre, les militants des droits de la personne de sexes féminin et masculin sont persécutés lorsqu'ils tentent d'obtenir davantage de liberté pour les femmes en Iran. Plus tôt ce mois-ci, les forces de sécurité en Iran ont attaqué et dispersé une foule d'une centaine de personnes qui soulignaient la Journée internationale de la femme.
Je voudrais maintenant aborder la question des assassinats, de la torture et des traitements inhumains par les autorités iraniennes.
Depuis la révolution de 1979, on estime à 120 000 le nombre d'exécutions politiques commandées par le régime. Le nombre de prisonniers en Iran est devenu alarmant et ne cesse d'augmenter. Le nombre d'Iraniens incarcérés est horrifiant et largement condamné. Par exemple, en décembre 2004, quand des journalistes ont affirmé publiquement qu'ils avaient été torturés et arrêtés sans mandat, le procureur en chef du pays a menacé de leur infliger des préjudices corporels à eux et à leur famille.
Il y a peu de justice pour les victimes de torture et de « mort accidentelle » subséquente, qui survient souvent pendant les interrogations. L'Iran est au sommet de la liste d'après un grand groupe de défense des droits de la personne, en ce qui a trait au nombre d'exécutions.
Les méthodes d'exécution inhumaines que sont la pendaison, la crucifixion et la lapidation sont encore plus affligeantes. La lapidation, souvent une peine imposée pour les crimes allant à l'encontre de la chasteté, est régie par des directives très précises indiquées dans le code pénal iranien. Par exemple, l'article 104 dispose que les pierres ne doivent pas être assez grosses pour tuer la personne en un ou deux jets. Le but de cette précision est de s'assurer que la personne ne meurt pas immédiatement et connaisse plutôt une mort lente et douloureuse.
Malgré les accusations nombreuses de l'ONU et d'autres instances partout dans le monde, l'Iran continue de commettre de graves violations des droits de la personne.
Pour terminer, je parlerai des menaces et de l'incitation au génocide avant de faire des recommandations.
Ces dernières années, des hauts dirigeants iraniens ont publiquement appelé à la destruction de l'État d'Israël, ce qui, je crois, constitue une violation des obligations de l'Iran en vertu de la convention sur le génocide, signée par l'Iran. Pour être plus précis, le président Mahmoud Ahmadinejad a publiquement appelé à la destruction d'Israël. Je cite: « Comme l'a dit l'imam, Israël doit être rayé de la carte. » Si le moindre doute subsistait quant à ses intentions, le président Ahmadinejad a présidé au défilé d'un missile Shahab-3 drapé d'une bannière déclarant qu'Israël devait être rayé de la carte. Il a répété différentes versions de cette déclaration à plus de dix reprises entre 2005 et 2007. L'Ayatollah Khamenei, le chef suprême de l'Iran a déclaré ceci: « Il n'y a qu'une solution au conflit au Moyen-Orient, l'anéantissement et la destruction de l'État d'Israël ». Vous trouverez d'autres citations dans mon texte.
Sur la foi des déclarations publiques et répétées des plus hauts dirigeants du gouvernement iranien incitant au génocide contre les Juifs d'Israël, quantité de gens, y compris des membres de votre comité, ont réclamé qu'une action soit intentée contre l'Iran à la Cour internationale de justice pour violation de la convention sur le génocide. Ici au Canada, l'importante organisation juive pour les droits de la personne B'nai Brith a demandé au gouvernement canadien d'intenter la poursuite.
Je n'ai fait que décrire brièvement ici le large éventail d'abus commis par le régime iranien. Le plus déplorable, à mon avis, c'est que pendant que l'attention du monde est braquée sur la question nucléaire, la population iranienne continue de souffrir aux mains de ses propres dirigeants. Vu l'impunité avec laquelle ils agissent, il est très difficile d'influer sur leur conduite mais, comme le professeur Akhavan l'a dit, c'est chose possible. Comme lui, je pense que le Canada est bien placé pour continuer à exercer des pressions sur le gouvernement iranien. En particulier, je recommande que le Canada envisage de prendre les mesures suivantes:
Premièrement, profiter de sa présence au Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour soulever le problème de l'Iran et combattre les efforts d'autres pays siégeant au Conseil pour éliminer les résolutions et les rapporteurs propres à chaque pays. À ce jour, le Conseil des droits de l'homme a malheureusement concentré son attention presqu'exclusivement sur Israël. Pas plus tard que la semaine dernière, j'étais à Genève au Conseil des droits de l'homme et j'ai été encouragé de voir le représentant du Canada participer activement aux discussions, se porter à la défense de l'État d'Israël et exprimer de vives inquiétudes au sujet des violations des droits de la personne dans plusieurs autres pays dont le cas était débattu pendant ma visite.
Deuxièmement, demander aux membres du Conseil de sécurité de l'ONU d'élargir le débat sur la situation en Iran, de ne pas se contenter de discuter des armes nucléaires mais aussi de se pencher sur l'incitation au génocide comme menace possible pour la paix et la sécurité internationale. Ils pourraient aussi envisager de transmettre l'affaire au procureur de la Cour pénale internationale. Même s'il y a peu de chance que cela se fasse, étant donné que plusieurs membres du conseil jouissent d'un droit de véto, je pense qu'il serait très utile que le Canada soulève la question auprès des membres du conseil de sécurité.
Troisièmement, déposer une plainte directe entre États en vertu de la Convention sur le génocide contre l'Iran et continuer de dénoncer publiquement les abus continuels de l'Iran en matière de droits de la personne, ce que le Canada fait et doit continuer de faire.
Enfin, continuer de collaborer avec les autres agences de l'ONU et la communauté internationale pour exercer davantage de pressions sur l'Iran.
Je crois que rares sont les Iraniens qui se réjouissent d'être gouvernés par les mollahs. Pour avoir parlé avec beaucoup d'Iraniens revenus dernièrement d'une visite en Iran ou qui viennent d'immigrer aux États-Unis ou au Canada, je sais que la plupart d'entre eux les détestent. En fin de compte, il faut envisager d'autres manières d'épauler les forces démocratiques en Iran et parmi les exilés pour maintenir la pression sur le gouvernement iranien. Le système tout entier est fondé sur une perversion de l'Islam et ce n'est qu'en appuyant ceux qui peuvent parler au peuple iranien dans leur langue que le gouvernement changera et que nous verrons à terme liberté, démocratie et droits de la personne s'épanouir au profit de tout le peuple iranien.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président, et merci aux autres députés membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Traduction]
Je vais tenter de donner un visage plus humain aux exemples qui ont été fournis aujourd'hui afin d'illustrer la brutalité des violations des droits de la personne commises en Iran.
En mars dernier, j'ai reçu un message électronique de la part d'un étranger à Paris qui m'a raconté l'histoire de Nazanin Fatehi en Iran. Nazanin Fatehi est une jeune fille de 17 ans qui se trouvait dans un parc avec sa nièce de 15 ans, l'an dernier, lorsque trois hommes ont tenté de les attaquer et de les violer. En tentant de se défendre, Nazanin a poignardé l'un de ces hommes. Au lieu d'être traitée comme la victime d'une tentative de viol, elle a été jugée comme une criminelle et condamnée à être pendue par les tribunaux de la république islamique.
J'ai été consternée par cette histoire lorsque je l'ai entendue et par le fait qu'aucune agence de presse ne retenait cette histoire parce que, selon elles, elle ne valait pas la peine d'être publiée et était trop banale. J'ai décidé d'entreprendre une campagne, en commençant par créer une pétition qui comporte maintenant plus de 350 000 signatures. Par la suite, j'ai fait pression auprès de différentes organisations internationales telles que le Parlement canadien, l'Union européenne, les Nations Unies et finalement le Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Louise Arbour. Elle a rappelé à l'Iran que le gouvernement avait des obligations en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que de la Convention relative aux droits de l'enfant, dont l'Iran est signataire. La convention indique que l'Iran n'a pas le droit d'exécuter quiconque ayant moins de 18 ans.
Les efforts combinés de la communauté internationale et de ces organisations internationales, de même que les pressions ont forcé les tribunaux islamiques à parler. En juin dernier, le chef de la magistrature iranienne, Ayatollah Shahrudi, a accordé un sursis d'exécution à Nazanin et a ordonné un nouveau procès complet.
Le nouveau procès a eu lieu en janvier, et les cinq juges qui présidaient l'affaire ont reconnu qu'il s'agissait d'un cas d'auto-défense. Ils ont blanchi Nazanin de toutes les accusations de meurtre, et le 31 janvier, Nazanin a été libérée de prison.
Je mets cette affaire en lumière parce que je veux tout d'abord qu'il s'agisse d'un symbole des violations très graves des droits de la personne qui existent en Iran et des situations désespérées des femmes. De l'autre côté, je veux démontrer au sous-comité aujourd'hui que lorsque les gouvernements de pays comme le Canada prennent des mesures et exercent des pressions internationales, ces efforts font réellement une différence et forcent la république islamique à parler et à répondre à son propre peuple.
Je suis seule et j'ai pu rassembler de nombreuses personnes, alors je ne peux qu'imaginer ce que pourrait faire le gouvernement canadien afin de sauver des milliers de vies et de « délivrer » les Iraniens qui sont emprisonnés dans un système avec lequel ils ne sont pas d'accord.
Je ne suis pas ici à titre d'analyste politique; je suis ici un peu comme une représentante non officielle du peuple iranien. Depuis cette campagne, j'ai reçu des milliers de messages électroniques d'Iraniens, tant en Iran qu'au sein de la diaspora, qui me parlaient de leur douleur, de leur souffrance et des exemples précis des différentes sortes de brutalité dont ils ont souffert dans ce régime. Aujourd'hui, j'essaie de m'exprimer en leur nom pour vous communiquer leur message et, je l'espère, vous offrir certaines de leurs solutions.
L'un des exemples dont je vous parle est le cas d'un jeune couple, Azita Shafaghat et son époux, qui se sont sauvés de l'Iran. Ils étaient emprisonnés à la suite des révolutions étudiantes de 1999. Ils ont quitté le pays via l'Irak et se sont rendus en Turquie. Ils tentaient de se rendre en Grèce, où vit la famille d'Azita. Les autorités grecques les ont rattrapés, parce qu'ils se trouvaient au pays illégalement, et les ont expulsés vers la Turquie, où ils ont passé neuf mois en prison. Ils viennent tout juste d'être libérés, et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés leur offrira l'entrée dans un tiers pays.
Je voulais vous parler de cette affaire parce qu'Azita et son époux se sont convertis au christianisme, ce qui fait que s'ils avaient été expulsés vers l'Iran, ils auraient encouru de graves conséquences; peut-être même la peine de mort. C'est un seul exemple.
Il y a aussi l'exemple de Zahra Kamalfar et de ses deux enfants. Je dois féliciter le gouvernement canadien, qui a récemment offert l'asile à Zahra Kamalfar et à ses enfants. Ils ont vécu dans un corridor de l'aéroport de Moscou pendant plus d'un an parce qu'ils ne voulaient pas être expulsés à nouveau en Iran. Lorsque les autorités russes ont tenté de les expulser, Zahra Kamalfar et sa fille ont tenté de se suicider. Le fait qu'elles aient pris de telles mesures démontre à quel point le régime dans leur pays d'origine doit être brutal.
Il y a aussi l'exemple d'Amir Abbas Fakhravar, qui vit maintenant à Washington. Il a été victime de torture. Il a été enfermé dans une salle blanche, une cellule, pendant environ huit mois. Les lumières étaient toujours allumées. On lui servait du riz blanc sur un bout de papier blanc, et les gardes qui lui apportaient ces repas portaient des chaussures à semelles silencieuses; cela vise la sensibilité de la personne et a pour objectif de la désorienter. C'est une forme de torture. Voilà seulement quelques exemples.
Il y a quelques jours, j'ai appris l'histoire d'une autre femme, qui est en fait Canadienne. Je ne vous dirai pas son nom maintenant parce que l'histoire n'a pas été publiée dans les médias et que personne ne la connaît. Ce sont des documents officiels, et je veux qu'ils demeurent assez confidentiels. Elle est documentariste. Elle s'est rendue en Iran, et elle a été emprisonnée. Elle a maintenant été libérée contre une caution de 120 000 $, mais devra retourner après le nouvel an perse. J'ai présenté cette affaire au MAECI hier, et on m'a dit que cette histoire serait examinée.
Nous ne parlons pas seulement d'Iraniens en Iran; cela touche les Canadiens également. Je me suis rappelée, avec un frisson dans le dos, de l'exemple de Zahra Kazemi, dont M. Akhavan a déjà parlé.
Nous voyons une telle brutalité et de telles violations des droits de la personne depuis 27 ans, soit depuis la Révolution iranienne. Seule une petite minorité de dirigeants islamiques fondamentalistes contrôlent les 70 millions d'habitants. Je veux répéter le fait que le président Ahmadinejad et le chef suprême, l'ayatollah Khamenei, ne sont pas des représentants du peuple; la population n'est pas d'accord avec les principes de ces dirigeants.
Je suis ici aujourd'hui pour encourager le Canada à agir comme un leader afin d'aider à la construction d'un nouvel Iran et de nouvelles solutions. M. Akhavan a déjà indiqué que le Canada ne devrait adopter aucune solution extrême. Le Canada ne devrait pas adopter les aspects extrêmes de certaines recommandations formulées par nos voisins américains au sujet d'une intervention militaire, parce qu'une telle intervention finirait par pousser les Iraniens à se rallier à Ahmadinejad — en dépit du fait qu'ils ne veulent pas le faire — parce qu'ils auront l'impression que leur souveraineté territoriale est attaquée et qu'ils voudront riposter.
En revanche, il ne faut pas non plus adopter la tactique de pacification, comme l'ont fait les Européens. Depuis des années, les Européens offrent aux représentants iraniens un dialogue, ce qui légitimise les représentants iraniens. Cela revient à dire qu'ils représentent le peuple, ce qui n'est en fait pas le cas.
Selon moi, le Canada devrait adopter une position mitoyenne. Je ne dis pas cela simplement en raison de mes croyances personnelles; de nombreux érudits iraniens de partout dans le monde disent la même chose, c'est-à-dire que la seule solution est d'appuyer le peuple iranien de l'intérieur, d'appuyer les mouvements des droits civils et en particulier les mouvements de défense des femmes et des enfants, en les encourageant à agir au moyen de la désobéissance civile non violente, pour tenter d'apporter des changements vers un nouvel Iran démocratique.
Nous avons vu des cas semblables, comme par exemple les révolutions en Europe de l'Est, en Afrique du Sud et en Amérique latine. C'est une nouvelle façon d'agir. Je crois que le Canada pourrait réellement être un chef de file dans ce domaine.
La question est de savoir si les Iraniens sont prêts. Que veulent-ils? Selon moi, oui, ils sont prêts et ils veulent cela depuis des années. Ils veulent la démocratie. Ils veulent la liberté. Ils veulent la primauté du droit. Ils veulent une constitution fondée sur les droits de la personne. Ils veulent le développement économique et ils veulent une distinction entre la religion et l'État.
Encore une fois, qui saisira la chance? Selon moi, il s'agira des mouvements des droits des femmes et des enfants et le mouvement ouvrier.
Je parle des jeunes parce que, comme M. Akhavan l'a déjà indiqué, 70 p. 100 de la population a moins de 30 ans, et ils aspirent tout simplement à la démocratie et à la liberté. Il existe 70 000 blogues en perse, ce qui est davantage que dans toute autre langue, à l'exception de l'anglais. Ils clavardent constamment avec des Occidentaux. Ils veulent de la modernité. Ils veulent être libres.
Nous avons pu voir un exemple de leur courage en 1999, comme je l'ai dit, lors des manifestations étudiantes du 9 juillet. Des milliers de jeunes se sont rassemblés et ont exigé leur liberté, et des milliers d'entre eux ont été emprisonnés et torturés. Certains de ces prisonniers politiques sont toujours en prison aujourd'hui, et l'ont été depuis sept ou huit ans.
Récemment, un groupe d'étudiants a tenu une photographie d'Ahmadinejad à l'envers. Ils ont fait brûler la photographie et scandaient « À bas le dictateur ». Cela représente bien leurs impressions. En dépit du fait qu'ils pourraient encourir la torture et l'emprisonnement, ils continuent de se faire entendre.
C'est la même chose avec les femmes. Les femmes ont toujours joué un rôle important dans la société civile iranienne. Il s'agit d'un mouvement très fort. Les femmes sont hautement éduquées. En Iran, entre 65 et 70 p. 100 des étudiants universitaires sont des femmes, contrairement à certains pays voisins au Moyen-Orient, comme l'Arabie saoudite, où les femmes sont réprimées depuis des centaines d'année, et où elles sont habituées à un mode de vie servile.
Encore une fois, les droits des femmes leur ont été retirés depuis seulement 27 ans. En 1935, les femmes disposaient de lois sur l'émancipation et elles pratiquaient l'égalité. Mais cette égalité leur a été enlevée. Leurs droits leur ont été enlevés. Selon la charia, la vie d'une femme vaut la moitié de celle d'un homme en diya. Pour ce qui est des cas de garde d'enfants, c'est le père qui obtient la garde des enfants. Dans les cas de divorce et en vertu des lois portant sur la succession, les hommes et les femmes ne sont pas traités équitablement.
Que puis-je dire d'autre?
Les femmes n'ont pas peur de se prononcer contre cet apartheid des sexes. En juin dernier, des centaines de femmes se sont réunies pour manifester et pour demander l'égalité des droits. Une immense campagne a été entreprise par 50 des principaux activistes pour les droits des femmes en Iran. C'est une campagne intitulée « Un million de signatures demandant des changements aux lois discriminatoires ». Cette campagne a joué un rôle considérable pour élargir les idées de la démocratie. Ces femmes sortent du centre-ville de Téhéran et forment d'autres femmes dans les villages et d'autres villes afin qu'elles aient plus de pouvoirs, qu'elles expriment leurs inquiétudes et qu'elles veuilles l'égalité.
En mars, quelques jours avant la Journée internationale de la femme, une cinquantaine de femmes se sont rassemblées pour exprimer leur solidarité envers les quatre femmes qui ont été arrêtées lors du rassemblement de femmes de l'an dernier. Elles tenaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Nous avons la liberté de réunion ». Trente de ces femmes ont été arrêtées. Elles ont été relâchées environ une semaine plus tard, mais deux d'entre elles sont demeurées en isolement cellulaire jusqu'à il y a quelques jours. L'une de ces femmes était Shadi Sadr, l'avocate de Nazani Fatehi, dont j'ai parlé au début de cet exposé. Elles ont été libérées moyennant un cautionnement de 200 000 $. Elles devront retourner là-bas, et elles seront passibles de deux à cinq ans d'emprisonnement pour avoir porté atteinte à la sécurité nationale, et elles pourraient même être condamnées à mort. Voilà à quel point ces condamnations sont graves.
Ce que je veux dire, c'est que les jeunes et les femmes ont la volonté de se faire entendre et sont prêts à le faire. Ils ont simplement besoin de l'appui de la communauté internationale. Ils ont besoin de l'appui du gouvernement canadien. Ils ont besoin de l'appui des organisations internationales. C'est la seule façon qu'ils ont de pouvoir changer le système de l'intérieur et d'amener la paix et la sécurité non seulement aux Iraniens mais également aux régions avoisinantes ainsi qu'aux Canadiens.
Que peut donc faire le Canada précisément? Je ne sais pas si vous avez reçu le document que je vous ai envoyé, qui contenait certaines mesures que le Canada peut prendre précisément. Je ne les lirai pas toutes, mais je vais en souligner quelques-unes.
En plus d'appuyer les dissidents, je suggère fortement au Canada de condamner les atrocités brutales continuelles, les violations des droits de la personne commises par la République islamique d'Iran et, plus précisément, de demander la libération immédiate des prisonniers politiques ainsi qu'un moratoire sur les exécutions des enfants qui commettent une infraction. D'ailleurs, l'Iran est le seul pays au monde qui exécute toujours des mineurs, et il y a à l'heure actuelle environ 25 mineurs qui attendent leur exécution en Iran. Le Canada devrait demander la fin de la pratique de la lapidation et demander des procès équitables et le droit à des avocats.
M. Akhavan a déjà indiqué le besoin de sanctions ciblées contre l'Iran, sans toutefois, mettre en danger les Iraniens.
Il faudrait surveiller les relations commerciales entre le Canada et l'Iran ainsi que les investissements iraniens au Canada. J'ai reçu des plaintes des gens de ma propre communauté à Vancouver, selon lesquelles le Canada accepte beaucoup d'argent sale de ces mollahs, qui achètent des manoirs à Vancouver et un peu partout au Canada. J'ai entendu dire que Rafsanjani avait investi un montant considérable ici au Canada. Ainsi, le Canada devrait geler les avoirs et les comptes personnels de ces représentants iraniens corrompus qui ont investi à l'étranger.
Les hauts fonctionnaires iraniens associés à des violations des droits de la personne devraient être poursuivis devant un tribunal international. M. Akhavan a déjà parlé de la nécessité d'arrêter Saïd Mortazavi.
Il faudrait aussi donner la chance aux dissidents Iraniens de se faire entendre; invitez-les à comparaître devant votre sous-comité pour entendre ce qu'ils ont à dire, y compris les avocats et les chefs de syndicats, ou encore certains leaders des jeunes et d'autres experts dans le domaine des questions iraniennes.
Il faudrait par la suite entreprendre le deuxième volet de l'établissement de la diplomatie, fournir du financement aux dissidents politiques, aux syndicats et aux activistes dans le domaine des droits humains, et donner des subventions aux différentes ONG ici au Canada, afin qu'elles travaillent avec les ONG en Iran. Il serait bon de fournir du financement à des organisations en Iran, mais encore une fois, il faut être prudent, parce que si elles reçoivent de l'argent de l'étranger, on pourrait les considérer comme des espions et leurs militants pourraient être emprisonnés. Il faut agir de façon extrêmement prudente.
Le Canada devrait également fournir des bourses d'études, des bourses de recherche, des échanges et des offres d'ateliers aux Iraniens afin qu'ils viennent ici au Canada. J'ai reçu de nombreuses plaintes à l'effet que le Canada ne permet souvent pas aux conjoints des personnes qui viennent ici pour étudier de venir également; ces personnes veulent que leurs conjoints puissent venir ici également.
Il faudrait permettre à plus de réfugiés iraniens de venir au pays, et il faudrait créer une équipe d'observateurs avec d'autres membres des Nations Unies pour mener des enquêtes sur les prisons et le traitement des prisonniers en Iran.
Il faudrait demander à la GRC d'ouvrir un dossier sur le procès de Zahra Kazemi.
Finalement, le Canada devrait encourager la tenue d'un référendum régi par les Nations Unies en Iran, au cours duquel les gens pourraient décider de la façon dont ils veulent être dirigés.
Le Canada ne devrait pas investir dans le régime actuel parce que son effondrement est inévitable. En faisant la promotion de la démocratie en Iran, nous investissons dans la paix et la stabilité de toute la région, ce qui, encore une fois, touche inévitablement les Canadiens.
Je vais terminer en vous lisant le témoignage d'un prisonnier politique en Iran, nommé Valiollah, qui résume ce dont j'ai parlé:
Je crois réellement que la liberté, la démocratie et la justice sont vitales pour la vie des humains, tout comme l'air que l'on respire. Je me permets donc de vous demander de ne pas abandonner notre combat juste contre le régime d'oppression des mollahs. J'adresse également ces quelques mots aux leaders et aux laquais du régime: nous ne nous résignerons jamais à l'ignominie qui consiste à nous rendre à votre dictature répressive, même si nous devons le payer de nos vies.
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Oui. Je dois dire que je trouve que la question du professeur Cotler est fascinante. Je vais essayer d'être le plus bref possible.
Pour les sanctions contre les États qui ont des programmes nucléaires, je pense que l'on commence déjà à cibler par exemple l'interdiction des voyages et le blocage des actifs.
Ma distinguée collègue, Mme Afshin-Jam, a évoqué les nombreuses allégations au sein de la communauté iranienne selon lesquelles le Canada est la destination de choix pour le blanchiment d'argent, pour blanchir d'énormes quantités d'argent qui sont le fruit de la corruption et du crime. Nous avons maintenant une convention de l'ONU contre la corruption et nous devrions comprendre que nous avons en fait une influence considérable parce que le Canada est une destination de choix pour les immigrants iraniens. Nous devons envoyer le message que nous accueillons à bras ouverts les immigrants iraniens, mais que nous ne laisserons pas le Canada devenir un refuge pour le produit de la criminalité et pour ceux qui ont été impliqués dans des violations des droits de la personne.
Je pense que nous devrions commencer par mettre de l'ordre dans nos propres affaires en renforçant nos services de renseignements sur les transferts de fonds et les déplacements des personnes. Ensuite, ayant établi ce précédent, peut-être pourrions-nous encourager les discussions aux Nations Unies, notamment en donnant suite à la recommandation de mon collègue M. Genser, à savoir d'établir un lien au Conseil de sécurité entre le dossier nucléaire et la situation des droits de la personne en Iran, et en encourageant la prise de sanctions ciblées comme l'interdiction des voyages et le blocage des actifs, y compris ceux détenus par les dirigeants impliqués dans des crimes contre l'humanité.
Je veux ajouter que Human Rights Watch a publié récemment un rapport intitulé « Cabinet of Murder », dans lequel on implique au moins deux ministres du cabinet du président Ahmadinejad dans des crimes contre l'humanité, y compris l'exécution en masse, en 1988, de quelque 4 000 prisonniers gauchistes en Iran.
Pour ce qui est de la diplomatie du volet deux, l'un des problèmes est que les États-Unis ont monopolisé ce dossier. C'est devenu en quelque sorte le baiser de la mort pour la société civile en Iran, comme l'illustre l'arrestation de Ramin Jahanbegloo cet été. Quiconque réclame la résistance non violente est simplement dénoncé par le régime comme membre des services d'espionnage américain.
Je pense que nous devons non seulement critiquer les États-Unis, mais aussi jeter un regard critique et nous demander pourquoi les Canadiens et les Européens n'ont pas pris de mesures, eux non plus, pour mettre en place une approche multilatérale qui appuie et renforce la société civile en Iran. Je pense que nous devons faire preuve d'imagination et comprendre par exemple que les organisations de femmes au Canada, comme l'a dit Mme Afshin-Jam, peuvent faire beaucoup pour aider les organisations de femmes en Iran. Les syndicats au Canada peuvent faire beaucoup en termes de soutien technique et de solidarité avec les syndicats en Iran.
Je suis un ancien procureur du tribunal sur les crimes de guerre en Yougoslavie. N'oublions pas que les bombes de l'OTAN n'ont pas fait tomber Slobodan Miloševic. Il a été renversé par la mobilisation massive du pouvoir populaire. La révolution de velours, un million de gens, en grande partie les syndiqués et les étudiants, a mis un terme au règne de Slobodan Miloševic, et c'est le tribunal des crimes de guerre de La Haie qui l'a empêché de se recycler et de ressusciter sa carrière politique.
Par conséquent, je pense que la diplomatie du volet deux doit peut-être éviter les tensions qui existent au niveau gouvernemental en permettant à la société civile au Canada de travailler en partenariat avec la société civile en Iran. Je veux seulement signaler un événement notable: les chauffeurs d'autobus de Téhéran se sont récemment mis en grève et la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles a exprimé son soutien à ce mouvement. Cet appui était très important.
Enfin, il y a la question de ce que je pense des exceptions à l'immunité absolue devant les tribunaux canadiens. C'est un principe bien établi en droit international que l'immunité absolue ne s'applique pas aux activités commerciales. La question est de savoir pourquoi ayant accepté ce principe de droit au Canada, nous ne pouvons pas maintenant l'appliquer aux violations des droits de la personne et aux actes de terrorisme.
Aux États-Unis, la Foreign Sovereign Immunities Act — mon collègue M. Genser serait mieux placé pour vous en parler — renferme explicitement des exceptions en matière de droits de la personne, au point que si un État s'est livré à la torture et dans les cas de graves violations des droits de la personne, l'immunité absolue ne s'applique plus aux États étrangers. Je ne vois aucune raison nous empêchant d'adopter au Canada une loi semblable qui ferait place aux normes fondamentales des droits de la personne, au lieu de faire de l'immunité absolue une sorte de tabou qui, pour une raison ou une autre, doit l'emporter sur toute autre norme.
Je pense que l'argument voulant que cela ouvrirait une boîte de Pandore et créerait une situation incontrôlable est déraisonnable. Aux États-Unis, on a vu que le système judiciaire a été tout à fait en mesure de traiter ces situations et que cela a eu une incidence considérable en envoyant le message, encore une fois, que l'on ne peut pas se réfugier derrière le bouclier de la souveraineté quand on s'est livré au terrorisme ou quand on est impliqué dans de graves violations des droits de la personne.
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Si vous me permettez, nous devons comprendre que le Moyen-Orient islamique constitue une société extrêmement diversifiée. Sauf tout le respect que je vous dois, la comparaison entre l'Arabie saoudite et l'Iran est erronée. Il s'agit de deux sociétés complètement distinctes. L'Arabie saoudite est une version conservatrice de l'Islam. Il y a quelques générations, elle était composée essentiellement de Bédouins.
Comme l'a mentionné Mme Afshin-Jam, jusqu'à la révolution de 1979, les Iraniennes occupaient des postes de juges, de politiciennes, de ministres et de physiciennes nucléaires. La Loi iranienne de 1967 sur la protection de la famille avait libéralisé la loi musulmane pour le divorce et la garde des enfants. Si vous en parlez avec Shirin Ebadi, lauréate du Prix Nobel de la paix, elle vous dira que, depuis 1979, les Iraniennes tentent de revenir progressivement à l'état de la jurisprudence de 1967.
Il faut également comprendre que les femmes iraniennes dirigent le mouvement démocratique. Bien entendu, nous connaissons tous le cas de Shirin Ebadi, mais il existe également bon nombre d'autres femmes que l'on pourrait mentionner. Le fait même que le gouvernement a fait tout son possible pour mettre ses femmes en prison lors de la Journée internationale de la femme montre très bien qu'elles représentent une menace inquiétante pour les structures patriarcales et autocratiques.
Une autre erreur que l'on commet est celle de percevoir l'Islam ou d'autres cultures comme un artefact dans un musée, comme quelque chose que l'on étudie et qui est immuable. L'Islam, tout comme tout autre système culturel ou religieux, évolue. Il est en pleine mutation, car il passe de la tradition à la modernité.
Au 18e siècle, en Europe, on punissait les gens à Paris en les attachant à des chevaux et en les empalant. Devrions-nous donc dire qu'il s'agit d'une tradition européenne authentique qu'il faudrait conserver à tout prix? Non, ce serait ridicule. Le droit constitutionnel reconnaît la doctrine de la divisibilité. On peut donc enlever des parties de l'Islam qui étaient appropriées il y a mille ans, mais qui ne le sont plus aujourd'hui. L'Islam comporte un message universel transcendant qui est plus important.
Ainsi, il n'existe pas d'interprétation immuable ou incontestable de l'Islam. Certaines féministes islamiques estiment que le patriarcat est une invention des hommes que l'on a importée dans la tradition islamique. Il existe également des féministes laïques qui croient qu'il ne faudrait pas se préoccuper de l'Islam. Il existe une multitude de voix, que nous devons tous écouter.
Pour ce qui est de la révolution de velours, je crois qu'on peut la supprimer, mais uniquement de manière temporaire. Bien entendu, la situation en Chine est tout à fait différente. Elle est peuplée de 1,3 milliard d'habitants et la notion de contrôle et de stabilité est d'un tout autre ordre. En Iran, la population n'est pas principalement rurale. Il ne s'agit pas de la même réalité.
Au bout du compte, même si l'on peut supprimer les libertés politiques, on ne peut pas supprimer les besoins économiques des gens, car la plupart des révolutions consistent ultimement à chercher à obtenir son pain et son beurre. Il s'agit du fonctionnaire qui se réveille un matin à Téhéran et se dit: « Je dois conduire un taxi, travailler dans une boulangerie, et vendre des biens sur la rue pour pouvoir payer mon loyer, alors que M. Rafsanjani habite un palais opulent et que cette révolution était censée aider les pauvres ».
Au bout du compte, le quatrième exportateur de pétrole au monde ne peut pas fournir un niveau de vie de base à ses habitants. De plus en plus de personnes vivent dans la misère noire. L'Iran affiche parmi les plus hauts taux de toxicomanie et de prostitution. Les maux sociaux en Iran sont énormes. Le pays est une bombe à retardement, non pas tellement en raison des abus de droits de la personne, mais parce qu'on ne peut pas gouverner une société moderne à partir d'une mollahcratie incompétente et corrompue.
J'aimerais revenir à ce que M. Sorensen a dit sur le fait d'envenimer la situation en attirant l'attention à l'échelle internationale. Je ne crois pas que ce soit vrai. Songez au fait que l'on a sauvé Nazanin d'une exécution. Bon nombre d'autres femmes dans la même position que Nazanin Fatehi ont été exécutées en Iran. La seule raison pour laquelle on ne l'a pas exécutée est que sa cause a attiré l'attention du monde entier.
Dans le cas de Ramin Jahanbegloo, l'on voulait d'abord opter pour une diplomatie discrète afin de ne pas envenimer la situation. Lorsque cette forme de diplomatie a échoué, il est devenu apparent, y compris pour les membres de la famille de Ramin, qu'il allait falloir rendre sa situation publique. Si le gouvernement du Canada et les médias ne l'avaient pas fait, il aurait peut-être connu le même sort que Zahra Kazemi. Le fait qu'il n'ait que subi une torture psychologique par le biais d'un isolement prolongé est en quelque sorte une bonne chose car, si vous me permettez d'être cru, on lui aurait autrement brisé les os et arraché les ongles. Cela prouve que le fait d'attirer l'attention à l'échelle internationale fonctionne. Il faut le faire avec soin et après mûre réflexion, mais, au bout du compte, le silence est la pire solution.