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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Bonjour mesdames et messieurs.
    Je déclare ouverte cette réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Le sous-comité poursuit ce matin son étude consacrée au dialogue bilatéral du Canada avec la Chine sur les droits de la personne .
    Nous allons entendre aujourd'hui un groupe de témoins qui sont tous, je crois, signataires d'une lettre envoyée le mois dernier au premier ministre pour demander que le gouvernement du Canada révise et même suspende le dialogue bilatéral du Canada avec la Chine sur les droits de la personne .
    Aujourd'hui, nous accueillons Mme Carrie Wilson et Mme Mickey Spiegel de Human Rights Watch et M. Stephen Benedict du Congrès du travail du Canada.

[Français]

    Nous recevons également Mme Luisa Durante du Comité Canada-Tibet, et M. Richard Elliott, du Réseau juridique canadien VIH/sida.
     M. Mohamed Tohti, président de la Uyghur Canadian Association devait être ici aujourd'hui, mais nous avons décidé de l'inviter à comparaître à la prochaine séance du comité.

[Traduction]

    Nous allons demander à nos témoins de nous présenter leurs exposés et nous leur poserons ensuite des questions. Je propose à Mme Spiegel de commencer.
     Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne d'avoir invité Human Rights Watch à venir témoigner ce matin dans le cadre de votre examen du dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne.
    L'organisme Human Righs Watch est encouragé par la volonté du premier ministre Harper de mettre l'accent sur les droits de la personne en Chine. Nous l'invitons à apporter une égale attention au processus de dialogue sur les droits de la personne et à le soumettre à un examen similaire.
    Human Rights Watch estime que le dialogue tel qu'il se présente actuellement n'est pratiquement d'aucune utilité. Le dialogue présente en effet plusieurs problèmes. Le changement d'objectif d'année en année empêche d'accorder une attention soutenue à certaines violations graves et continues des droits de la personne; les discussions ouvertes ne se déroulent pas en fonction d'un but établi, d'un calendrier pour l'atteinte de ce but ou d'une série de points de repère permettant de mesurer les progrès accomplis; le processus est séparé des autres efforts diplomatiques bilatéraux ou multilatéraux; le personnel chargé de mener le dialogue n'a ni l'expertise nécessaire pour évaluer les problèmes discutés, ni le statut politique pour réclamer effectivement des changements; et on constate un manque de transparence presque total relativement aux buts ou aux progrès accomplis.
    Nous estimons que les discussions portant sur la violation des droits de la personne ne devraient pas être limitées à une rencontre annuelle ou semestrielle, mais devraient faire partie intégrante des échanges diplomatiques réguliers et, si les rencontres de dialogue doivent se poursuivre, elles ne devraient représenter qu'une initiative dans une approche gouvernementale intégrée de l'épais dossier de la Chine en matière de droits de la personne.
    Nous pensons également que le dialogue ne doit pas exclure les autres façons d'aborder ces problèmes, notamment les protestations publiques et, si nécessaire, la confrontation diplomatique. Nous ne partageons pas le point de vue de ceux qui disent qu'il vaut mieux se parler plutôt que de ne pas se parler du tout, surtout si le dialogue ne sert à rien d'autre qu'à éviter d'agir. Pour être le moindrement utile, un dialogue doit se fixer des buts, des points de repère et un calendrier.
    Prenons par exemple l'élimination de ce qu'il était convenu d'appeler la rééducation par le travail, un système de détention arbitraire qui permettait d'incarcérer, sans contrôle judiciaire, les personnes accusées de délits mineurs. La Chine affirme que le but de ce système est d'éviter la criminalisation des personnes accusées de certaines infractions, mais en réalité, le système permet à un comité de rééducation, à la police, de détenir des personnes pendant une période pouvant atteindre trois ans.
    Un bon moyen d'aborder cette question dans le cadre des rencontres de dialogue consisterait — veuillez noter que ceci est seulement un exemple — premièrement, à définir les catégories de comportements susceptibles de soumettre un suspect à une rééducation; deuxièmement, à produire un compte rendu statistique par région du nombre de personnes condamnées dans chaque catégorie au cours d'une certaine période; troisièmement, à examiner par échantillonnage aléatoire les raisons précises avancées par les autorités pour appliquer une sanction de rééducation à caractère non pénal dans les cas examinés; quatrièmement, à mener une enquête comparative sur les moyens appliqués par d'autres pays, y compris le Canada, pour sanctionner des infractions mineures du même type, et dans quelles circonstances des peines ou des sanctions peuvent être imposées pour un comportement contrevenant qui ne se caractérise pas comme une infraction criminelle; et enfin, s'entendre sur un calendrier de réalisation de chacune des phases susmentionnées, ainsi que d'autres phases, afin de pouvoir aboutir à l'ébauche d'un programme agréé visant à éliminer progressivement le système de rééducation par le travail.
    Chaque étape nécessite d'intenses efforts de collaboration avec nos homologues chinois et, en cas de refus de collaboration, le Canada devrait envisager de suspendre le dialogue.
    Par ailleurs, d'autres changements doivent intervenir pour permettre la poursuite d'un dialogue utile. Ces changements doivent porter sur les questions les plus importantes, en l'occurrence la peine de mort, la détention arbitraire et la torture. Le dialogue ne devrait pas passer à de nouvelles questions tant qu'une résolution ne sera pas intervenue sur le sujet étudié. Nous souhaitons également une intégration avec d'autres aspects de la promotion des droits, par exemple le financement par le Canada des programmes d'éducation juridique et d'initiatives entreprises sous l'égide du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Compte tenu de la complexité et de la persistance des différentes questions à l'étude, il faudrait reconnaître qu'il serait plus efficace de faire intervenir dès le départ les spécialistes et le personnel politique supérieur et leur laisser le soin de diriger les opérations le plus longtemps possible. Enfin, il faudrait prévoir un processus de surveillance continu une fois qu'un programme structuré de changement serait en place et pour un temps défini après l'atteinte des buts finals.
    Nous demandons au gouvernement canadien de préciser de manière extrêmement claire que si la Chine refuse de collaborer à l'amélioration du processus de dialogue dans un laps de temps raisonnable, par exemple six à 12 mois, le Canada refusera de participer au dialogue. Une telle révision de la participation du Canada au dialogue bilatéral devrait être assortie aux efforts du Canada à l'échelle multinationale. Nous demandons au Canada de collaborer avec les autres pays signataires du processus de Berne afin d'élaborer un ensemble d'objectifs principaux et de coordonner les efforts en vue de définir les points de repère, les calendriers et les mécanismes de surveillance nécessaires. Nous pressons également le Canada de proposer ces objectifs de dialogue aux membres du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, par exemple lorsque la Chine est soumise à une révision interne. Incidemment, le processus de Berne commence demain à Berne.
    Human Rights Watch est convaincu par ailleurs que le Canada doit examiner en profondeur les buts et les méthodes relatifs à l'échange des listes de prisonniers, un exercice qui est actuellement pratiquement inutile. Il y a un certain temps, lorsque les moyens d'obtenir des informations sur les prisonniers étaient beaucoup plus limités, il était possible d'obtenir à l'occasion des autorités chinoises des renseignements utiles. Aujourd'hui, les informations obtenues n'ajoutent généralement rien à ce que l'on sait déjà. En outre, étant donné que les demandes d'information ne remettent pas en question le bien-fondé de la décision initiale d'incarcérer une personne, les autorités chinoises peuvent interpréter ces demandes comme une façon de légitimer l'emprisonnement politique et de leur accorder le bénéfice d'avoir réduit les peines.
    Afin de déterminer si les listes sont efficaces et par conséquent si l'on devrait poursuivre cette pratique, le gouvernement canadien devrait examiner les listes de noms présentées et les réponses reçues du gouvernement chinois depuis que le dialogue a commencé; comparer les réponses reçues par rapport à ce que l'on savait déjà et par rapport aux mesures prises en fonction des résultats de la réponse; mesurer les résultats obtenus grâce à la présentation des listes par rapport aux résultats obtenus par d'autres moyens; et suivre les résultats de l'analyse sur une période prolongée.
    D'après ce que nous savons, la plupart des pays qui interpellent la Chine sur la question des prisonniers d'opinion politique et religieuse entreprennent en privé des activités diplomatiques intenses en vue d'obtenir leur libération. Si nous préférons cette approche à celle des demandes d'information pro forma et à l'expression d'inquiétudes relativement à la santé des prisonniers, nous continuons à déplorer l'absence de débat public, situation qui contribue à affaiblir les moyens de pression en faveur du changement.
    Je vous remercie d'avoir donné à Human Rights Watch la possibilité de présenter officiellement notre point de vue au sujet du processus de dialogue. N'hésitez pas à faire appel à nous si vous avez besoin de notre assistance.
    Merci.
(1115)
    Merci, madame Spiegel pour cette présentation très concentrée.
    Monsieur Benedict.

[Français]

    Merci, monsieur le président, membres du sous-comité. Je vais essayer d'être bref et je parlerai en anglais, si vous me le permettez.

[Traduction]

    Je tiens pour commencer à vous remercier de me donner la possibilité de présenter notre point de vue sur le dialogue bilatéral avec la Chine sur les droits de la personne et, de manière plus générale, sur la situation des droits humains en Chine.
    Comme beaucoup d'autres organisations que vous avez invitées à comparaître, le Congrès du travail du Canada a signé, par l'intermédiaire de son président Ken Georgetti, la lettre adressée au premier ministre Harper. Je veux rapidement attirer votre attention sur trois points.
    Sur le plan du dialogue bilatéral sur les droits de la personne, mes collègues ont souligné le contexte politique et le processus qui a mené à la mise en place du dialogue et les pressions de groupes comme le nôtre qui ont amené M. Burton à réaliser un examen approfondi et excellent. Le Congrès du travail du Canada partage le point de vue selon lequel le dialogue dans sa forme actuelle a très peu contribué à améliorer la situation des droits de la personne en Chine, à l'exception peut-être de quelques réformes pratiques apportées à la peine de mort, après une vingtaine d'années de promesses creuses.
    Pour paraphraser David Cozac du PEN, le personnel des Affaires étrangères nous a présenté de multiples séances d'information et nous a, de manière générale, écoutés poliment, mais nous a ensuite laissés pour compte. Pour vous donner un exemple, le thème des droits des travailleurs ou autres sujets apparentés étaient abordés dans la majorité des réunions de dialogue et pourtant, le Congrès du travail du Canada n'a jamais été invité à participer à ces discussions. Je ne sais pas non plus si votre sous-comité a été invité à participer à ces séances de dialogue. Je crois savoir que cela date de la semaine dernière et j'y reviendrai d'ailleurs dans mes recommandations.
    Je veux aussi attirer votre attention sur l'autre processus, celui de Berne, qui commence aujourd'hui. Les participants se réunissent pour confronter leurs vues et discuter de leurs dialogues respectifs. Le mouvement international des syndicats a mis en place un processus parallèle.
    Permettez-moi de vous parler des droits des travailleurs en Chine. Il ne fait aucun doute que le malaise ouvrier est le talon d'Achille de l'évolution chinoise vers ce qu'il est convenu d'appeler l'économie de marché. Le ministre chinois du Travail enregistre officiellement chaque année plus de 87 000 incidents, conflits de travail, protestations, activités illégales et autres. Certains de ces incidents se produisent dans des régions rurales, mais la grande majorité d'entre eux ont pour cadre les zones industrielles.
    Il faut bien se rendre compte que les droits fondamentaux des travailleurs ne sont ni reconnus ni respectés en Chine aujourd'hui, que ce soit la liberté d'association, le droit de grève, les droits de négociation collective ou la résolution des conflits de travail. Voici ce qu'on peut lire dans le plus récent rapport des violations syndicales rédigé par la Confédération internationale des syndicats libres qui sera, je pense, distribué:
Selon la version révisée de la loi, « l'ACFTU et tous ses organismes affiliés représentent les intérêts des travailleurs et protègent leurs droits légitimes ». Les syndicats doivent aussi « observer et protéger la Constitution [...], promouvoir le développement économique, respecter les principes socialistes, la dictature démocratique du prolétariat, la direction du parti communiste de Chine, ainsi que le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong et la théorie de Deng Xiaoping [...] et poursuivre leur mission indépendamment, en conformité de la constitution des syndicats ».
Les fonctions fondamentales des syndicats consistent à « coordonner les relations de travail par la consultation, mobiliser les travailleurs afin de les encourager à remplir leurs tâches de production et veiller à leur éducation idéologique, morale, professionnelle, scientifique, culturelle et autre ainsi qu'à leur transmettre des valeurs de discipline et d'intégrité morale ».
    Un nouveau projet de loi sur les conventions collectives contient quelques points positifs, en particulier en ce qui a trait à la sécurité sociale et à la protection des travailleurs. Cependant, il faut noter que si le droit du travail chinois est de manière générale acceptable, sa mise en oeuvre pose problème et il y a très peu de signes d'amélioration à l'horizon.
    On fait grand cas depuis quelque temps de l'initiative d'harmonie sociale. Beaucoup d'observateurs croient voir dans cette initiative la preuve que le gouvernement chinois se préoccupe de ses travailleurs. Il est plus probable que le gouvernement s'est rendu compte qu'il devait rajuster l'économie et répartir les bienfaits des réformes sans oublier les déshérités, afin de se prémunir contre une éventuelle agitation sociale.
(1120)
    Même si le gouvernement met l'accent sur l'harmonie sociale, il est intraitable avec les ONG qu'il empêche de prendre des initiatives pour aider les démunis. Au cours des dernières semaines, plusieurs petites sections syndicales ont dû fermer leurs portes et la plupart des groupes de travailleurs du delta de la rivière Pearl reçoivent quotidiennement la visite des représentants du Bureau de la sécurité publique. Les autorités locales ont cessé d'attribuer des licences aux groupes susceptibles de représenter des travailleurs au tribunal pour assurer leur défense civile.
    On ne saurait s'étonner que les positions des différentes organisations syndicales du monde varient considérablement en ce qui a trait aux droits humains en Chine, tout comme nous voyons au Canada s'exprimer, notamment chez les témoins aujourd'hui, des opinions différentes quant aux stratégies à adopter. Ces positions varient d'un engagement peu critique à la volonté farouche d'éviter tout contact.
    Le Congrès du travail du Canada, après un hiatus d'une dizaine d'années à la suite des événements de 1989, cherche prudemment à rétablir une forme de dialogue avec l'ACFTU, la Fédération chinoise des syndicats. Parallèlement, des délégations chinoises comprenant des représentants des divers secteurs et alliés de l'ACFTU, visitent fréquemment le Canada pour se renseigner sur notre système de relations industrielles. La Fédération chinoise des syndicats a produit un guide très utile traitant des contacts avec la Chine et l'ACFTU. Je précise à l'intention des personnes intéressées, qu'on peut l'obtenir assez facilement dans les deux langues officielles.
    J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt la discussion de la semaine dernière sur la relation entre le commerce et les droits. Permettez-moi de prendre une minute pour vous parler des relations économiques du Canada avec la Chine.
    Tout comme les États-Unis, le Canada affiche depuis quelque temps un énorme déficit commercial avec les économies d'Asie comme la Chine. La concurrence accrue de l'Asie, combinée à la valeur élevée du dollar canadien, a contraint les industries manufacturières du Canada à une douloureuse restructuration. Depuis quatre ans, un emploi sur dix a disparu dans le secteur manufacturier. Nos exportations vers la Chine représentent moins d'un quart des produits que nous importons de Chine qui représentent une valeur de 30 milliards de dollars. La plupart de nos exportations sont des ressources naturelles et des matières premières et seule une faible proportion représente des produits manufacturés.
    Comme vous le savez, les industries extractives canadiennes investissent lourdement dans des pays comme la Chine. Elles ont malheureusement une mauvaise réputation en matière de respect des droits humains et des normes environnementales. Les tables rondes qui ont cours actuellement sur la responsabilité des entreprises et la responsabilité sociale soulignent la nécessité pour le gouvernement canadien de réglementer de manière plus efficace les activités de ces entreprises à l'étranger par l'application obligatoire de normes de compte rendu aux sociétés.
    En résumé, nous ne pensons pas qu'il soit judicieux de considérer le commerce et les droits comme deux objectifs politiques contradictoires. Nous pensons que le commerce réglementé est essentiel au développement économique et au bien-être des travailleurs de Chine et du Canada. Toutefois, nous croyons également que le développement économique ne peut se faire que dans le respect des droits fondamentaux des travailleurs.
    On pouvait lire ce qui suit dans un article publié par le Financial Times le 21 novembre au sujet de la répartition de la richesse en Chine:
    En Chine, les pauvres sont devenus encore plus démunis à mesure que le pays s'est enrichi. Le revenu réel des habitants les plus pauvres représentant une tranche de 10 p. 100 de la population chinoise qui compte 1,3 milliard d'habitants a chuté de 2,4 p. 100 en deux ans jusqu'en 2003... période où l'économie a progressé de près de 10 p. 100 par an. Au cours de cette même période, le revenu de la tranche de 10 p. 100 qui représente la population la plus riche de Chine a augmenté de plus de 16 p. 100.
    Voilà qui remet en question la théorie voulant que la prospérité profite à toute la population.
    Je vais terminer par quelques recommandations. Le Sous-comité des droits internationaux de la personne devrait exiger que tout dialogue futur soit placé sous son contrôle. Le Sous-comité des droits internationaux de la personne devrait collaborer avec les Affaires étrangères, la société civile et le secteur privé afin de définir des paramètres basés sur les principes de transparence et d'obligation de rendre compte qui s'appliqueraient à tout dialogue futur. Le dialogue devrait faire place à une discussion plus large à laquelle participeraient les parlementaires avec les représentants élus des autres pays, dans le cadre de dialogues semblables à ceux du groupe de Berne. Par ailleurs, il faudrait soutenir plus fermement les échanges entre les divers intervenants au Canada et en Chine.
    Merci.
(1125)

[Français]

    Merci, monsieur Benedict, de votre exposé très informatif.
    Je donne la parole à Mme Durante, du Comité Canada-Tibet.
    Bonjour. Je vais aussi faire ma présentation en anglais.
    Le président: Certainement.
    Mme Luisa Durante: Mais je voulais au moins vous saluer en français.

[Traduction]

    Je remercie les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne d'avoir invité le Comité Canada-Tibet à exposer son point de vue et à présenter des recommandations concernant le dialogue bilatéral du Canada avec la Chine sur les droits de la personne. Le Comité Canada-Tibet est une organisation non gouvernementale qui se préoccupe des violations constantes des droits de la personne et de l'absence de libertés démocratiques au Tibet. Le CCT préconise une approche non violente.
    Le Comité Canada-Tibet estime que le dialogue bilatéral du Canada avec la Chine ne peut plus se poursuivre sous sa forme actuelle. Ce dialogue doit prendre en compte le Tibet comme un enjeu distinct et important.
    Depuis l'attribution des Jeux olympiques de 2008 à la Chine, la situation des droits humains des Tibétains ne s'est pas améliorée. Tout récemment encore, à la fin septembre, 70 réfugiés tibétains, femmes, enfants et hommes non armés, dont la majorité était des mineurs de moins de 18 ans, se dirigeaient vers le Népal par des chemins de montagne lorsque les forces de sécurité chinoise ont fait feu sur eux. Un réfugié tibétain est mort, un autre a été blessé, 14 d'entre eux ont été incarcérés, 41 ont réussi à atteindre le Népal et nous ignorons ce qu'il est advenu de 27 de ces réfugiés tibétains. Les autorités chinoises prétendent que les forces de sécurité n'ont fait que se défendre.
    À mesure que l'on s'approche de la tenue des Jeux olympiques, la Chine limite sévèrement la liberté de presse. Au début novembre, un moine tibétain qui avait déclaré devant un groupe d'étudiants que les Tibétains ne jouissaient d'aucune liberté d'expression, a été condamné à quatre ans de prison et accusé de nuire gravement à la société. Selon les informations chinoises officielles, ce moine a été reconnu coupable d'incitation à l'insurrection contre l'État.
    On assiste à une augmentation exceptionnelle des activités dans la région de la part d'investisseurs étrangers particulièrement intéressés à exploiter le secteur minier tibétain. Comme nous le savons tous, la voie ferrée Golmud–Lhassa a été achevée en juillet 2006. Des entreprises canadiennes ont joué un rôle de premier plan dans la construction de cette voie ferrée qui menace le peuple tibétain de génocide culturel.
    Le Comité Canada-Tibet souhaite présenter les recommandations qui suivent.
    Premièrement, nous devons, dans nos relations bilatérales, considérer le Tibet comme un enjeu distinct. Il est nécessaire de définir une politique précise et publique sur le Tibet. Nous souhaitons que le gouvernement canadien élabore une politique sur le Tibet qui porterait sur les droits de la personne, y compris les droits linguistiques, les droits culturels du peuple tibétain et les libertés religieuses; ainsi que sur les investissements des sociétés dans la région. Le point central de cette politique devrait être les négociations entre Sa Sainteté le Dalaï-Lama et Beijing au sujet de l'avenir du Tibet.
    Le Comité Canada-Tibet existe depuis 1987. Nous avons une excellente connaissance des relations entre le Tibet et la Chine. Le CCT doit être informé et participer directement à toutes les réunions et discussions portant sur le Tibet. Il doit notamment être consulté au sujet des missions commerciales se rendant au Tibet ainsi que relativement aux visites d'ambassadeurs canadiens et aux voyages d'étude des sociétés d'exploitation minière, etc. Par le passé, le Comité Canada-Tibet n'a malheureusement pas toujours été informé des visites faites par les représentants officiels canadiens dans certaines régions du Tibet. Nous souhaitons être associés et informés relativement à toutes les expéditions sur le territoire tibétain, qu'il s'agisse de la Région autonome du Tibet ou du plateau tibétain.
    Par ailleurs, nous souhaitons également que toutes les politiques concernant le Tibet s'appliquent à toutes les régions tibétaines situées en République populaire de Chine, soit la Région autonome du Tibet ainsi que les autres préfectures et comtés autonomes des provinces de Qinghai, Sichuan, Yunnan et Gansu.
    Par le passé, les Tibétains n'ont pas été invités à participer au dialogue, ce qui a limité leur capacité à confronter la réalité et à chercher des solutions possibles avec le gouvernement chinois. Le dialogue doit permettre la participation des Tibétains, tant ceux de la Région autonome du Tibet que ceux du plateau tibétain.
    Il faudrait établir une présence consulaire dans la Région autonome du Tibet et confier expressément le dossier des droits humains des Tibétains à un ministre de l'ambassade à Beijing qui serait chargé de soulever ces questions en permanence. En créant une présence consulaire sur le plateau tibétain et en demandant aux missions diplomatiques d'accorder la priorité aux enjeux tibétains et aux problèmes des droits humains, le Canada serait en mesure d'améliorer sa capacité de surveillance locale et de manifester un intérêt soutenu pour le bien-être des Tibétains et des autres populations vulnérables.
    Le Comité Canada-Tibet demande aussi instamment au gouvernement de réaffirmer la position antérieure à 1998, selon laquelle le Canada devrait éviter, quelle que soit la politique envisagée par la Chine, d'entériner explicitement la souveraineté chinoise sur la région, tant qu'une solution négociée n'aura pas été atteinte et de souligner plutôt que le droit international garantit le respect des droits des Tibétains, même à l'intérieur des limites de l'État. Il faudrait revenir aux énoncés des politiques antérieures à 1998 relativement aux revendications territoriales chinoises, sur lesquelles le gouvernement d'alors n'avait pas pris position. L'année 1998 est importante, puisque c'est à ce moment-là que le processus de dialogue a commencé et que l'on a assisté à un changement dans la perception du Tibet dans ces dialogues bilatéraux.
(1130)
    Les dialogues devraient être intégrés à l'approche globale du gouvernement du Canada. Dans ses activités de promotion du commerce, sa politique sur les investissements et dans l'aide au développement, par exemple, le Canada devrait, dans ses relations avec la Chine, mettre l'accent sur les principes énoncés au cours des dialogues sur les droits de la personne. On sait par exemple que trois entreprises canadiennes, Bombardier, Nortel et Power Corporation ont participé à la construction de la voie ferrée Golmud–Lhassa qui relie Beijing à Lhassa, la capitale du Tibet, voie ferrée controversée qui menace directement le mode de vie tibétain et sa survie. Aujourd'hui, huit compagnies minières canadiennes sont intéressées à exploiter des gisements au Tibet. La politique de commerce et d'investissement devrait renforcer les objectifs en matière de droits humains. Le gouvernement devrait refuser tout appui financier aux sociétés canadiennes souhaitant entreprendre des activités au Tibet dès lors qu'elles se rendent complices, directement ou indirectement, de violations des droits humains.
    Le Canada doit accorder un appui ferme aux efforts du Dalaï-Lama en vue de conclure une solution négociée avec le gouvernement chinois relativement au statut du Tibet. Tout récemment, en Inde, un militant tibétain s'est immolé par le feu lors de la visite du président chinois Hu Jintao. Cela révèle une certaine impatience de la part des Tibétains qui recherchent une solution pacifique à la situation au Tibet. L'approche modérée offre à la Chine une occasion historique de négocier avec le Tibet et de trouver une solution non violente au conflit.
    Le Canada devrait encourager l'assistance au développement durable sur le plan environnemental et approprié sur le plan culturel, ainsi que les initiatives de la société civile favorables aux Tibétains qui vivent au Tibet. Un peu plus tard cette semaine, nous vous ferons parvenir une politique pour le Tibet élaborée par le Comité Canada-Tibet à l'intention de l'Agence canadienne de développement international. Elle contient une série de recommandations sur la façon d'améliorer les projets de l'ACDI au Tibet et d'appuyer au maximum la promotion des droits linguistiques, culturels et religieux du peuple tibétain.
    J'aimerais signaler également que le CCT a élaboré une politique pour le Tibet en Chine à l'intention des Affaires étrangères. Cette politique contient une série de recommandations, notamment celles que j'ai présentées aujourd'hui. Ce document contient également d'autres informations sur des mesures concrètes que le gouvernement canadien peut prendre afin d'adopter une politique canadienne sur le Tibet.
    Enfin et surtout, il est important de mentionner que Sa Sainteté le Dalaï-Lama est venu cinq fois au Canada. Chaque fois, sa visite a soulevé la critique du gouvernement chinois qui a formulé des menaces gratuites, affirmant que le Canada souffrirait des conséquences, en particulier sur le plan commercial. Comme nous l'avons vu, rien de tel ne s'est produit. Malgré les visites de Sa Sainteté, le commerce entre le Canada et la Chine est toujours florissant. Nous estimons qu'il est important de placer les droits humains au coeur même du dialogue bilatéral, que le Tibet joue également un rôle central dans les dialogues et qu'il soit reconnu comme l'État distinct qu'il est de droit.
    Il convient d'intégrer les recommandations que je viens de présenter au coeur d'un nouveau dialogue révisé qui assure la promotion des intérêts du peuple tibétain et s'appuie sur les notions de transparence, d'obligation de rendre compte et de participation. De telles mesures pourront contribuer à la survie du peuple tibétain.
    Merci.
(1135)
    Merci beaucoup madame Durante. Avons-nous des exemplaires du document dont vous avez parlé?
    Non.
    Pourriez-vous en faire parvenir un au greffier pour que nous puissions le faire traduire et distribuer? Merci.
    Monsieur Elliott, c'est à votre tour.
    Merci de me donner l'occasion de m'adresser aujourd'hui au sous-comité, au nom du Réseau juridique canadien VIH-sida.
    Nous sommes une des plus grandes organisations mondiales à se donner pour mission d'étudier les enjeux que soulève le VIH sur le plan juridique et sur le plan des droits humains. Notre mission nous amène à effectuer des recherches et des analyses de politiques ainsi qu'à offrir une aide technique à diverses organisations qui se consacrent au droit relatif au sida et aux droits de la personne. Depuis quelque temps, nous collaborons en Chine avec une des grandes ONG qui s'intéressent au VIH et aux droits de la personne, l'Institut Aizhixing.

[Français]

    Le Réseau juridique fait partie de la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine pour une raison particulière. Dans ce pays, comme au Canada et ailleurs dans le monde, des violations des droits humains alimentent l'épidémie du VIH-sida et en résultent à la fois.
    Par exemple, le VIH affecte de façon disproportionnée des personnes qui sont déjà marginalisées dans l'ensemble de la société par la stigmatisation, la discrimination et la criminalisation injuste, notamment les personnes qui utilisent des drogues, les travailleuses et travailleurs du sexe, les hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes et les travailleurs migrants.

[Traduction]

    Les personnes atteintes par le VIH-sida en Chine, en particulier celles qui ont contracté le VIH dans les années 1990, dans le cadre du programme massif de collecte de sang parrainé par le gouvernement, ont été incarcérées illégalement et harcelées par la police pour avoir affirmé leurs droits à recevoir un traitement et des soins, ainsi que le droit de recevoir de l'aide pour leurs enfants dont beaucoup sont désormais orphelins.
    Nous avons vu que des militants ont été persécutés à plusieurs reprises pour avoir tenté de faire reconnaître les droits des victimes du VIH et du sida ainsi que le droit à des services de prévention du VIH pour les populations les plus vulnérables que je viens de mentionner: les travailleurs du sexe, les hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes, les migrants et les toxicomanes.
    L'utilisation même que la Chine a fait d'une subvention reçue du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme — dont le Canada est un important donateur, il faut le noter — a contribué à marginaliser des ONG communautaires légitimes représentatives de groupes de personnes porteuses du VIH et de segments de la population exposés au VIH.
    C'est pour ces raisons notamment que le dialogue bilatéral du Canada avec la Chine sur les droits de la personne a porté en 2004 sur le VIH et c'est pourquoi notre organisation a accepté de prendre part à ce dialogue en Chine cette année-là. C'est justement à l'occasion de ce dialogue que nous avons pu rencontrer des personnes porteuses du VIH à Beijing et des responsables chinois travaillant dans la lutte contre le VIH et qui se sont montrés intéressés à promouvoir les droits de la personne. Une telle ouverture est relativement récente en Chine.
    Malgré notre participation à ce dialogue, nous demeurons extrêmement préoccupés par certains aspects et nous partageons les inquiétudes que d'autres membres de la coalition ont soulevées au sujet du processus de dialogue. À notre avis, le dialogue demeure imparfait et nous applaudissons, comme d'autres membres de la coalition dont vous avez entendu les témoignages, la décision du gouvernement d'examiner ce dialogue et nous accueillons favorablement les recommandations que M. Charles Burton a présentées dans son rapport.
    Pour être vraiment efficaces dans notre réaction au VIH, nous devons respecter les droits de la personne. Ce principe s'applique absolument à la Chine qui continue d'être le théâtre de graves violations des droits humains dont sont victimes des personnes atteintes du VIH. Si elle souhaite être efficace, la Chine doit placer les droits humains au centre de sa lutte au VIH et elle doit le faire dans un esprit de transparence et permettre la participation significative des communautés touchées par le VIH et le sida.
    Pour que le dialogue puisse contribuer d'une certaine manière à une réaction à l'épidémie du sida en Chine qui soit respectueuse des droits de la personne, il faut mettre en place un certain nombre d'éléments permettant d'améliorer ce dialogue. À ce titre, nous appuyons entièrement les recommandations que vous a présentées la coalition.
    Tout d'abord, le dialogue sur les droits humains doit mobiliser des fonctionnaires de plus haut niveau, tant du côté canadien que du côté chinois. Nous suggérons que ces responsabilités soient confiées au moins à un directeur adjoint du ministère des Affaires étrangères.
    Nous tenons également à souligner un point soulevé par d'autres témoins. Le débat sur les droits humains doit se situer au coeur même des échanges entre le Canada et la Chine et ne pas être une question accessoire par rapport à d'autres enjeux politiques.
    Nous suggérons également que le rapport sur ce dialogue mette à contribution votre sous-comité, plutôt que de demeurer une activité interne du ministère des Affaires étrangères.
    Il est extrêmement important que le dialogue fasse largement appel aux organisations de la société civile, en particulier celles qui n'entretiennent pas de lien de dépendance avec le gouvernement. L'émergence d'un secteur non gouvernemental en Chine est relativement récente, mais on y trouve maintenant des ONG indépendantes qui soulèvent les questions des droits humains dans la lutte contre le VIH. Il faut que ces ONG puissent faire entendre leur voix dans les échanges, si nous voulons que la lutte contre le sida respecte les droits humains.
    Enfin, il faut que le Canada appuie les défenseurs des droits humains en Chine de manière beaucoup plus ferme, visible et active.
(1140)

[Français]

    Depuis deux ans, la Chine s'efforce de convaincre la communauté internationale qu'elle réagit au VIH-sida par des programmes qui reflètent des pratiques exemplaires internationalement reconnues. Au Congrès international sur le sida qui a eu lieu à Toronto au mois d'août, les autorités chinoises ont profité de chaque occasion pour vanter leurs soi-disant services complets en matière de VIH-sida pour les personnes qui utilisent des drogues et leurs programmes de soins et de traitements gratuits pour les personnes vivant avec le VIH-sida.
    Pourtant, les ONG continuent de documenter en Chine des abus à l'endroit de personnes vivant avec le VIH, de leurs enfants et familles ainsi que d'horribles violations des droits humains des personnes qui utilisent des drogues dans les camps de réhabilitation forcée.

[Traduction]

    Au mois de juin de cette année, j'ai eu la chance de me rendre à Beijing pendant une semaine pour rencontrer des ONG qui se consacrent au sida et aux droits humains. Au cours de cette semaine, j'ai côtoyé des intervenants de première ligne et on nous a rapporté à plusieurs reprises des cas de personnes détenues ou battues par la police pour s'être tout simplement réunies paisiblement pour protester contre l'absence d'accès à des traitements médicaux, notamment l'accès aux soins gratuits que garantit censément la politique officielle du gouvernement chinois. On nous a également rapporté de nombreux cas de discrimination systémique, en particulier par les services d'emploi et de santé, à l'endroit de personnes atteintes du VIH, ainsi que de l'hépatite B et C, sans parler de la détention des travailleurs du sexe dans des camps de travail.
    Vendredi dernier, nous avons appris avec consternation qu'un de nos collègues de l'Institut Aizhixing, un des plus célèbres militants de la lutte contre le sida en Chine, le Dr Wan Yanhai, était une fois de plus détenu par la police de Beijing. Il y a quatre ans, le Dr Wan Yanhai avait été retenu par la police, à la veille de son départ pour le Canada où il devait recevoir un prix international attribué par notre organisation et par Human Rights Watch pour son travail de promotion des droits humains dans la lutte contre le sida. À l'époque, il avait été détenu pendant trois semaines et n'avait été libéré qu'après un mouvement mondial de protestation. Cette fois, bien entendu, nous étions très inquiets de savoir qu'il avait été interpellé par la police dans les bureaux de l'Institut Aizhixing et emmené pour interrogatoire. Par bonheur, il a été libéré et est retourné au bureau lundi, mais seulement après avoir été contraint d'annuler une conférence qui devait se pencher sur la sécurité des produits sanguins et la possibilité de compenser les personnes qui ont été infectées dans les années 1990 dans le cadre des collectes de sang organisées par le gouvernement.
    Nous avons appris cependant qu'au moins quatre militants qui devaient participer à cette conférence sont malheureusement toujours en détention, selon nos informations, notamment M. Kong Delin, un des militants les plus en vue de la défense des hémophiles en Chine. Trois autres personnes dont nous ignorons l'identité pour le moment demeurent en détention.
    Nous espérons qu'un jour le Canada et la Chine prendront, dans le cadre de leur dialogue bilatéral sur les droits de la personne, des mesures efficaces afin de faire respecter les droits humains des personnes atteintes du VIH et exposées au VIH et nous accueillerons de manière positive les actions que votre sous-comité fera pour nous rapprocher de ce but.
    Merci.
    Merci, monsieur Elliott pour ce témoignage convaincant.
    Nous allons maintenant ouvrir la période des questions et donner la parole à M. Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mickey Spiegel, mais j'invite également les autres témoins à répondre s'ils le désirent.
    Je tiens tout d'abord à dire combien j'apprécie le travail de Human Rights Watch. Je bénéficie de votre excellent travail depuis de nombreuses années. Il y a cinq ans environ, lorsque j'ai ébauché la grille de 12 critères qualifiant les violations des droits humains, je me suis largement inspiré des excellents renseignements que j'ai reçus de Human Rights Watch.
    Je tiens à préciser que je partage vos critiques et vos recommandations relativement au dialogue du Canada avec la Chine sur les droits de la personne. J'aimerais maintenant vous inviter à approfondir vos remarques concernant la politique étrangère en matière de droits humains que pourrait appliquer le Canada à la Chine dans son ensemble. Autrement dit, je profite de votre présence ici afin de tirer parti de votre expertise et je vous invite à nous parler de certaines références et de certains aspects auxquels vous avez déjà fait allusion, en l'occurrence le rapport entre les cercles privés de la diplomatie et la défense des intérêts publics, les liens entre le commerce et les droits humains, ainsi que les modes et moyens d'engagement.
    Par exemple, le premier ministre Harper a récemment été critiqué — injustement à mon avis — par certaines personnes qui lui reprochaient d'avoir mis en danger nos liens commerciaux et financiers avec la Chine en soulevant des questions de droits humains, ou plutôt même un seul cas particulier. Alors voici ma question. Avez-vous des principes ou des lignes directrices dont vous souhaiteriez nous faire part au sujet de la politique étrangère canadienne en matière de droits humains que l'on pourrait appliquer dans le cadre du dialogue du Canada avec la Chine?
(1145)
    Je ne sais pas si nous avons des principes et des lignes directrices qui s'appliquent spécifiquement au Canada, mais nous en avons qui s'appliquent expressément aux droits humains de manière générale.
    En passant, le site Web du Globe and Mail a publié un article du directeur pour l'Asie de Human Rights Watch pendant la valse-hésitation des autorités chinoises au sujet de la rencontre avec Hu Jintao qui nous a laissés dans l'incertitude sur le type de réunion à laquelle ont pouvait s'attendre, ignorant même si elle aurait lieu. Bien entendu, nous soulignons dans cet article — dont des copies ont été distribuées ou sont disponibles sur le site Web — que le Canada avait tout à fait raison de ne pas négliger les droits humains au profit du commerce avec la Chine et des investissements dans ce pays. Nous sommes convaincus que cela n'est pas nécessaire.
    La semaine dernière, certains témoignages que vous ont présentés d'autres membres de la coalition canadienne ont mentionné que la Chine avait souvent menacé de prendre des mesures de représailles mais que ces menaces ont rarement été appliquées. L'incident en question remonte à plusieurs années et concernait le Danemark que la Chine avait menacé de toutes sortes de représailles — interruption du commerce et des relations diplomatiques, etc. Il n'y a rien eu de tout cela.
    Nous sommes également convaincus que, dans le cas qui nous préoccupe, si le premier ministre Harper n'avait pas donné fermement son point de vue et imposé ses conditions, il n'aurait pas... Rien ne s'est passé. La rencontre a peut-être été écourtée, mais elle a quand même eu lieu, il est parvenu à faire passer son message et probablement avec plus de vigueur, en raison de toute la publicité qui a entouré l'événement.
    Bien entendu, nous pensons que le commerce et les investissements sont importants pour les deux pays. Nous sommes bien d'accord là-dessus. Ce sont deux éléments importants et complémentaires. Mais je pense que le Canada doit se rendre compte que le commerce et les investissements sont aussi importants pour la Chine que pour le Canada. Cela va dans les deux sens.
    J'aurais peut-être dû le préciser au début, mais Human Rights Watch n'a jamais préconisé l'isolement de la Chine — absolument jamais. Nous avons toujours pensé que la notion d'engagement était extrêmement cruciale. La Chine est un pays important et elle continuera à exercer un rôle important dans le monde. C'est un fait incontournable. Les pays doivent en tenir compte, mais c'est un aspect qui doit influencer tous les enjeux et les droits humains représentent, bien entendu, un enjeu important.
    Nous pensons également que cet engagement devrait intervenir à tous les niveaux — public, privé, de concert avec les ONG, sans les ONG, avec toutes les assurances diplomatiques, par les voies diplomatiques qui régissent les relations entre les pays. L'engagement devrait s'exercer également au niveau des ministres et du premier ministre. Dans le cas du Canada, des comités comme le vôtre devraient exercer une fonction de surveillance et constamment interpeller et stimuler les intervenants.
    Je collabore depuis très longtemps avec Human Rights Watch. Nous avons remarqué assez rapidement que le gouvernement chinois ne comprenait pas au début que si l'administration émettait une opinion, le congrès allait naturellement se ranger à son avis. Les Chinois ont compris, mais ils continuent à tenter de monter l'un contre l'autre. Je pense que c'est important de le signaler. En tant que comité des relations internationales, vous avez votre mot à dire au sujet du processus, vous devez stimuler le processus et exiger des comptes rendus. Vous devez vous engager dans ce processus du début jusqu'à la fin, afin qu'il ne soit pas totalement laissé à la discrétion de l'administration. Je pense que c'est très important.
    L'autre élément important est, bien entendu, que la Chine prend de plus en plus d'envergure sur le plan diplomatique aux Nations Unies, notamment au Conseil des droits de l'homme, dont le Canada est membre. Human Rights Watch commence à s'intéresser à ces interactions et à leur incidence sur les droits humains. Voilà un autre élément auquel vous devez prêter attention puisque le Canada est membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.
(1150)
    De manière générale, vous devez prêter attention à un certain nombre de questions importantes: la situation au Soudan et comment la Chine a modifié sa politique. Le rôle qu'elle a joué — parfois pour protéger d'autres pays, parfois tout simplement en raison de sa politique de non-ingérence dans les affaires des autres pays, etc. — a empêché d'autres pays, dans un certain sens, de s'attaquer directement à la situation au Darfour. Voilà un problème d'actualité.
    Par ailleurs, il est extrêmement urgent de s'intéresser à l'appui que la Chine accorde à la Birmanie. La Chine fournit à la Birmanie des armes, un soutien financier, etc. Un tel appui a une incidence sur les droits humains. Autrement dit, le sort de la population birmane est influencé par cette aide de la Chine.
    Voilà ce qui est important; j'espère que vous me comprenez bien. C'est la même chose au Soudan, en Birmanie, en Ouzbékistan et certainement en Corée du Nord. Dans tous ces pays, la question des droits humains se pose de manière urgente — c'est le cas par exemple des réfugiés qui franchissent la frontière entre la Corée du Nord et la Chine, etc.
    Je vais m'arrêter ici, car je pense que j'ai probablement dépassé mon temps de parole.
    Vous aurez encore l'occasion de vous exprimer, madame Spiegel, mais nous avons dépassé...
    J'espère avoir répondu à la question.
    Je regrette, mais le tour de table qui devait prendre sept minutes, a duré huit minutes et demie.
    J'ai très bien compris.
    Tant mieux; c'était clair pour tous. Merci.
    Donc, c'est Mme St-Hilaire.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci à vous tous.
    Je vais poursuivre dans la veine de mon collègue. Vous nous apprenez des choses très intéressantes ce matin. Vous suggérez aux membres du sous-comité de maintenir la pression sur le gouvernement chinois. Je voudrais vous amener un peu plus loin. On ne nie pas que le fait de maintenir la pression pourrait être intéressant, mais je ne suis pas certaine que cela pourrait avoir des effets concrets.
    Vous avez fait allusion à la belle et grande déclaration de M. Harper. S'il veut être crédible au niveau international, il doit continuer en ce sens. Cela devrait-il aller jusqu'au boycott des Jeux olympiques par l'équipe canadienne? J'aimerais vous entendre tous à cet égard.
    Également, certains d'entre vous nous ont dit qu'on devait cesser complètement le dialogue avec la Chine. D'autres nous ont dit qu'on devait le modifier. Entre autres, monsieur Elliott, vous avez dit que ce n'était pas judicieux. Vous semblez penser qu'on doit impliquer davantage les ONG. Enfin, il y a d'autres témoins qui nous ont dit qu'il fallait que les choses soit faites de gouvernement à gouvernement pour qu'elles aient un impact.
     Pouvez-vous clarifier vos propos? Il faudrait que ce soit clair pour les membres du sous-comité. Est-ce qu'on maintient le dialogue bilatéral avec la Chine? Si oui, de quelle façon? On impliquerait bien sûr le Tibet.
(1155)
    Je veux dire aux témoins qu'on leur a posé plusieurs questions, mais que chaque député ne dispose que de sept minutes en tout. Donc, je vous serais reconnaissant de donner des réponses brèves.

[Traduction]

    Qui veut commencer?
    Monsieur Benedict, allez-y.

[Français]

    Vous avez parlé de maintenir la pression. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce qu'on maintienne la pression sur le gouvernement chinois.
    Dans le contexte du dialogue bilatéral, nous recommandons que la session qui doit avoir lieu maintenant soit reportée pour permettre à ce sous-comité et à la société canadienne d'entamer un débat.
     Nous pensons qu'il serait important d'établir des paramètres pour ce genre de dialogue. Je pense que ce serait utile dans le cas de la Chine, mais aussi dans le cas de plusieurs autres pays, dont certains ont été mentionnés, comme la Birmanie, par exemple. Cela permettrait de refaire une évaluation et d'avoir une politique plus générale sur le respect des droits humains.
    Nous ne recommandons pas de cesser complètement le dialogue, mais de remettre à plus tard la session qui doit avoir lieu pour qu'il y ait un débat plus important au Canada, qui inclurait les organisations de la société civile.
    Pour répondre à la question de M. Cotler tout à l'heure, je dirai que beaucoup d'organisations ont une série de recommandations concrètes à faire sur la façon dont le dialogue devrait avoir lieu et sur ses paramètres. Je suis un peu limité dans le temps pour y répondre.
    Nous ne préconisons pas un boycottage des Jeux olympiques à Pékin en 2008, entre autres parce qu'il n'y a pas vraiment eu à ce sujet un débat impliquant le mouvement syndical, ni au Canada ni sur le plan international. Il s'agit plutôt pour nous de faire campagne pour faire respecter certaines normes fondamentales de santé et de sécurité au travail, car des problèmes graves existent en relation avec les préparatifs pour les Jeux olympiques. Nous voyons plutôt cela comme une campagne de pression.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Elliott.

[Français]

    Merci de votre question. Notre position est que le dialogue doit être suspendu jusqu'à ce qu'on y apporte des changements très fondamentaux.
    Je veux souligner spécifiquement un point que j'ai mentionné tout à l'heure, soit la participation des ONG, de la société civile. Pendant des années, le dialogue n'a pas eu beaucoup d'effet, parce que c'est un dialogue de sourds. Souvent, les autorités n'ont pas l'information nécessaire. Leurs renseignements au sujet de la situation sur le terrain ne sont pas très récents ni adéquats. En outre, les autorités en Chine n'ont peut-être pas beaucoup d'intérêt à défendre les droits humains.
    C'est donc vraiment la société civile qui va donner une valeur très importante au processus. Si elle fait partie du processus, il y aura plus de chances que cela ait un effet sur la protection des droits humains.
    Nous pensons que l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, devrait aussi appuyer les efforts pour défendre les droits humains en Chine, surtout en ce qui touche sa stratégie sur le VIH-sida.
    J'ai mentionné le Aizhixing Health Education Institute à Pékin, avec lequel nous avons travaillé, mais il y a d'autres ONG qui font du travail à l'égard des droits humains. Si nous voulons que les ONG fassent partie du processus d'une manière significative, il faut qu'elles aient des ressources pour faire leur travail, pour documenter les violations des droits humains et pour participer au dialogue.
    C'est donc la raison pour laquelle nous avons suggéré que l'ACDI soutienne les efforts en matière de droits humains reliés au VIH-sida en Chine. Je pense que cela pourrait être un exemple pour d'autres pays qui donnent des fonds à la Chine pour son développement. Cela leur ferait comprendre qu'il faut mettre l'accent sur les droits humains.
(1200)
    Merci.

[Traduction]

    Avec la permission du comité, je vais poser les premières questions du parti ministériel, étant donné que mes collègues ont été retardés par d'autres obligations.
    Monsieur Elliott, vous avez mentionné la terrible tragédie, le scandale — on pourrait même dire le crime — dont la Chine a été le théâtre dans les années 1990 en raison de ses activités de collecte de sang. Je viens de terminer un livre qui parlait entre autres de ces terribles crimes. Avons-nous une idée du nombre de personnes qui ont été infectées par le VIH ou qui sont mortes à la suite de cette grossière négligence et incompétence?
    C'est difficile d'obtenir des chiffres exacts, mais on estime que des dizaines, voire des milliers de personnes ont été infectées. Certains membres du comité savent sans doute que ces programmes gouvernementaux de collecte et de vente de sang se sont sans doute avérés le moyen le plus efficace de propager massivement et rapidement le VIH dans toute la population, puisque ces dons de sang mobilisaient dans certains cas des villages entiers. Après extraction du plasma, le sang collecté était mélangé puis réinjecté aux donneurs afin de prévenir l'anémie, pour permettre des collectes plus fréquentes auprès des donneurs. On voit en effet que l'on ne pouvait imaginer un moyen plus sûr de répandre le VIH.
    C'est précisément parce qu'ils ont cherché à faire la lumière sur ce qui s'était passé — et dans certains cas, certains fonctionnaires du gouvernement ont vraiment participé à ces programmes, souvent au niveau local — que certains défenseurs des droits humains ont été, comme je l'ai indiqué plus tôt, détenus et harcelés par la police.
    Les victimes se comptent par dizaines ou centaines de milliers...
    Je crois que les villages qui ont été presque systématiquement infectés ont ensuite été mis en quarantaine et sont devenus des collectivités isolées et désespérées où les gens étaient privés de tous soins médicaux. Est-ce que cela correspond à vos observations?
    On nous rapporte en effet que des personnes infectées n'ont pu recevoir les soins qu'elles réclamaient et dans certains cas ont même été soumises à la brutalité policière pour avoir demandé des soins. Je ne peux pas préciser l'ampleur de la situation, mais je sais que nous avons reçu de nombreux comptes rendus à cet effet. Comme vous le savez, il est parfois difficile d'obtenir des informations. Mes collègues de Human Rights Watch auront peut-être plus de précisions à donner à ce sujet, puisqu'ils ont documenté ce type de situation en Chine.
    Il n'y a pas vraiment grand-chose à ajouter à ce que vous avez dit, sinon qu'il existe une excellente série d'articles publiés par Elisabeth Rosenthal, journaliste au New York Times. C'est elle qui a attiré l'attention du monde sur cette affaire et ses comptes rendus valent la peine d'être lus. Si vous voulez vous renseignez sur la question, cela vaut la peine de consulter les archives du journal.
    Par contre, une chose que nous avons voulu dénoncer, c'est le rôle des responsables qui ont participé à ces premiers programmes et qui n'ont même pas été...
(1205)
    Un d'entre eux a obtenu une promotion au Politburo — je crois qu'il a été nommé gouverneur de la province où cela s'est passé.
    Oui, je vois que vous êtes au courant. C'est donc une question grave et d'actualité, puisqu'il faut soigner les personnes malades et aussi les enfants qui ont été infectés, pas nécessairement pour avoir reçu du sang.
    J'aimerais poser une question connexe à l'ensemble des témoins, mais peut-être plus précisément à M. Elliott. Dans certains pays, l'absence de soins, la discrimination contre les malades infectés par le VIH est parfois reliée à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et sur l'opprobre qui entoure cette maladie. Est-ce la même chose en Chine? Je sais que la discrimination contre les homosexuels et lesbiennes existait du temps de Mao. Est-ce que c'est toujours le cas? Avez-vous des preuves de ce type de discrimination?
    Absolument, et comme je l'ai mentionné dans mes remarques, plusieurs groupes ont été particulièrement stigmatisés et harcelés tandis que leurs activités ont, dans certains cas, été criminalisées. C'est le cas des militants pour les droits des homosexuels, des travailleurs du sexe et des toxicomanes. On assiste actuellement à l'émergence de la communauté homosexuelle en Chine, communauté qui a, bien entendu, toujours existé, mais qui commence maintenant à s'imposer dans la société civile — surtout évidemment dans les grands centres urbains — et on peut dire par exemple qu'en Chine la liberté d'expression est considérablement brimée dans certains cas, notamment au cours des discussions concernant les droits des homosexuels. On peut dire certainement que les activités de prévention du VIH dans les milieux homosexuels en Chine rencontrent parfois de la résistance de la part de la police, souvent à l'échelon local.
    On constate une certaine absence de cohérence — il y en a beaucoup en Chine — puisque l'on assiste, au gouvernement central, à certains progrès, dans le sens que les autorités offrent une certaine protection contre la discrimination aux personnes qui sont infectées par le VIH, mais pas nécessairement une protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Ils n'en sont pas encore là! En revanche, les directives du gouvernement national ne sont pas nécessairement toujours garantes de ce qui se passe à l'échelon local. Évidemment, les représentants des administrations locales, surtout ceux qui ont un lien avec les programmes de sang contaminé, se sentent directement visés par les personnes qui prennent la défense des droits des homosexuels et qui réclament l'accès au traitement pour les personnes infectées dans le cadre des programmes de collecte de sang ou d'une autre manière. Les autorités n'hésitent donc pas à réprimer les protestations.
    Merci.
    Madame Durante, vous avez proposé l'idée intéressante d'établir une présence consulaire canadienne au Tibet. Est-ce que d'autres États démocratiques ont créé un précédent de ce type?
    Je n'en ai pas connaissance dans la Région autonome du Tibet ni dans le plateau tibétain. Mais c'est encore plus difficile d'établir une présence consulaire véritable dans le plateau tibétain, alors que la RAT est plus ou moins surveillée. Les conditions sont plus ou moins favorables à l'implantation d'une présence consulaire.
    Je vais maintenant poser une question précise à M. Benedict et je passerai ensuite à une question qui s'adressera de manière générale à tous nos témoins, pour être certain de ne pas prendre trop de temps. Je me dois de respecter moi-même la règle que je tente d'appliquer aux autres.
    Monsieur Benedict, est-ce que le CTC ou un autre organisme observe les pratiques de travail qu'appliquent les entreprises canadiennes ou gérées par des Canadiens, ou les entrepreneurs canadiens en République populaire de Chine? J'ai lu, par exemple, que les paysans se sont soulevés à plusieurs endroits contre l'expropriation de terres pour la construction entre autres de centrales au charbon. Étant donné qu'une entreprise canadienne compte parmi les principaux constructeurs de centrales au charbon en Chine, je me suis demandé si vous ou d'autres ONG pouvez nous aider à vérifier dans quelle mesure les entreprises canadiennes ont une incidence directe ou indirecte sur la violation des droits fondamentaux.
    Ma question plus générale qui s'adresse à tous, porte sur l'engagement avec le MAECI. J'ai détecté une pointe de cynisme dans les consultations permanentes que mène le MAECI avec des ONG sur cette question. J'ai en main une note d'information du ministère des Affaires étrangères. Prenant acte du rapport de M. Burton, le MAECI a décidé de consulter les ONG afin de rendre le dialogue plus efficace. Pensez-vous que ces consultations ont produit des résultats concrets?
    Voilà mes deux questions. La première s'adresse à M. Benedict et la deuxième à tous.
(1210)
    Si vous le permettez, je vais répondre brièvement aux deux questions.
    Le Congrès du travail du Canada, en collaboration avec d'autres ONG canadiennes, fait de son mieux pour surveiller les activités des sociétés canadiennes en Chine. Il y a aussi d'autres organisations syndicales internationales qui exercent une certaine surveillance dans leur secteur particulier. Par exemple, il y a une organisation syndicale internationale qui joue un rôle de surveillance dans le secteur minier. Il y en a une autre dans le secteur de la métallurgie. Plusieurs de ces organisations sectorielles internationales de fédérations de syndicats disposent de comités qui surveillent et examinent les politiques sur la Chine et suivent de près les activités des multinationales. Je pourrais avec plaisir vous fournir des informations à ce sujet.
    Quant à l'autre point, vous avez tout à fait raison d'y voir du cynisme. En toute justice, il faut dire que le personnel de la division des droits de la personnes des Affaires étrangères a finalement cédé à nos pressions et accepté d'examiner le dialogue, puis demandé à M. Burton de présenter un rapport sur la situation. C'est une bonne chose et une bonne étape de franchie.
    Quant à savoir s'il s'agit de consultations, la réponse est non. La coalition devra maintenant continuer à se pencher sur la question, non seulement avec les Affaires étrangères, mais avec d'autres organismes, afin de surveiller l'application du rapport et étudier comment on pourrait adopter une meilleure forme de dialogue.
    Qui d'autre veut répondre?
    Je pense que tout a été dit.
    Madame Durante.
    Quelques commentaires seulement. Le premier porte sur les sociétés canadiennes qui exercent des activités commerciales en Chine. Le Comité Canada-Tibet a effectué des recherches afin de suivre et surveiller les entreprises canadiennes qui exercent dans les territoires tibétains, notamment les sociétés canadiennes qui ont construit le chemin de fer et les compagnies minières canadiennes qui espèrent s'installer au Tibet ou qui y sont déjà.
    Nous collaborons aussi avec d'autres groupes du monde entier qui soutiennent le Tibet et qui exercent ce type de surveillance. Par conséquent, nous serions mis au courant des éventuelles violations des droits humains ou des conséquences de certaines activités sur le plan des droits humains sur le territoire du Tibet lui-même.
    Au sujet du MAECI et des consultations, le CCT est intervenu de bien des façons, pas nécessairement auprès du MAECI... Le Tibet n'a pas nécessairement été au coeur de certains de ces dialogues bilatéraux. Je l'ai dit dans certaines recommandations que j'ai présentées. Les droits des minorités ont été examinés au cours de ces dialogues, mais pas toujours. Le Tibet est considéré comme une minorité ethnique en République populaire de Chine. Le CCT souhaiterait que le MAECI considère véritablement le Tibet comme une entité distincte dans le cadre du dialogue bilatéral et souligne bien ce statut dans le cadre du dialogue lui-même.
    Je dois vous interrompre.
    Monsieur Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Ce débat fait surgir toute une foule de questions et de pensées mais, je dirai pour commencer qu'il semble se dégager un consensus en faveur de la suspension du dialogue. On exige la participation des ONG, des syndicats et d'autres organismes. Je pense également que le processus du groupe de Berne a été évoqué.
    Tout d'abord, pensez-vous que cela serait possible au Canada? Pensez-vous que notre comité pourrait y participer?
    Deuxièmement, vous êtes peut-être au courant qu'à la dernière réunion, j'ai proposé que le dialogue fasse directement rapport à notre comité, afin que nous puissions en garantir la transparence.
    L'autre question que j'aimerais vous poser est la suivante: Pensez-vous qu'il serait utile d'envoyer une délégation parlementaire pour enquêter en Chine ou au Tibet?
    Je vais maintenant passer à un sujet que l'on n'a pas encore abordé aujourd'hui. Je viens de prendre connaissance d'un reportage de BBC News qui rapportait que les cas d'infections au VIH-sida ont augmenté de 30 p. 100. Selon les journalistes, on dénombre en Chine 10 millions de travailleuses du sexe qui exercent dans des maisons de prostitution.
    Le Canada s'est toujours présenté comme un défenseur des droits humains des homosexuels et lesbiennes, mais je ressens ces temps-ci une sorte de malaise et ma question nous invite donc plutôt à réfléchir au contexte canadien. En effet, si nous voulons porter un regard critique sur le contexte chinois, nous devons commencer par faire notre propre critique et constater comment nous traitons nos propres travailleurs du sexe qui, dans les faits, sont criminalisés.
    J'aimerais également souligner qu'il faudrait mettre à la disposition des toxicomanes des endroits où les injections pourraient se faire dans des conditions plus sûres, un peu partout au pays, ainsi que dans nos prisons, puisque la population carcérale est concernée également.
    Voilà, je lance ces questions pêle-mêle et j'attends les commentaires de ceux qui voudront bien y répondre.
(1215)
    Madame Spiegel.
    Tout d'abord, le Canada participe au processus de Berne. Je ne sais pas quel est son degré d'intervention en Chine; le Canada participe. Mais oui, ils en font partie et ce serait réellement une bonne chose que votre comité exerce un rôle de surveillance et de compte rendu, comme vous l'avez mentionné.
    Pour ce qui est d'envoyer une délégation parlementaire en Chine, vous pouvez y aller si vous pensez que cela peut vous apporter quelque chose. En revanche, ce serait une autre histoire que d'espérer pouvoir faire des progrès sur le plan des droits humains. Tout dépend de votre formation et de votre préparation. Avant d'y aller, il faudra vous préparer et écouter les comptes rendus des gens qui ont des choses à vous dire. Vous devrez savoir aller chercher les informations dont vous avez besoin et apprendre à les interpréter. Je pense que c'est très important.
    Vous avez abordé un autre sujet qu'il sera intéressant de prendre en considération. Vous avez parlé des travailleurs du sexe et de la situation au Canada. Il y en a probablement dans tous les pays du monde. Voilà une question qui se prêterait bien à un dialogue — il faudrait instaurer ce genre de dialogue et d'échange d'informations pour réfléchir aux problèmes auxquels nous sommes confrontés et sur les façons d'y remédier — il faudrait ouvrir le dialogue de manière à échanger des points de vue sur les différentes possibilités d'intervention. J'ai assisté à un tel échange dans le cadre d'un colloque associé aux dialogues; les participants se sont penchés sur la question et il s'est avéré beaucoup plus facile d'examiner les problèmes existants en Chine. Je pense donc qu'avec cette question, vous abordez une dimension beaucoup plus grande.
    Est-ce que je peux revenir un instant à la question des boycotts?
    Je conseille tout bonnement de les oublier. C'est fini, c'est terminé. Le problème est énorme; il va le devenir. Il est beaucoup plus important actuellement de se rendre compte que toute l'attention du monde sera braquée sur le gouvernement chinois et sur la Chine en général en 2008 et de se servir de cette mobilisation pour mettre l'accent sur les droits humains et d'autres questions que vous souhaiterez aborder — notamment les affaires du travail dont j'aimerais vous parler plus tard.
    Allez-y, monsieur Benedict.
    Très brièvement, nous estimons, ainsi que je l'ai mentionné, que le dialogue devrait relever de votre comité et lui faire rapport. Selon moi, c'est la raison pour laquelle nous élisons des parlementaires que nous chargeons de nous représenter et d'examiner pour nous les différents aspects de ces questions. Parlons justement, par exemple, de la réunion actuelle du groupe de Berne. Est-ce que quelqu'un vous fait le compte rendu des débats?
    Je m'intéresse d'assez près aux questions des droits humains en Chine et pourtant, c'est la première fois que j'en entends parler aujourd'hui.
    C'est un besoin tout à fait légitime. Il me semble que les parlementaires des pays membres du groupe de Berne devraient se parler, car j'ai l'impression que la réflexion qui se fait ici se tient probablement aussi au Parlement australien, au Congrès américain et dans un certain nombre d'autres pays et c'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons tenté de mettre en place un débat réunissant les différents syndicats des pays appartenant au groupe de Berne.
    Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que toutes ces activités nécessitent un certain appui. Il me semble que c'est là qu'intervient l'Agence canadienne de développement international. Nous avons évoqué l'approche du gouvernement dans son ensemble et nous nous sommes limités à une toute petite partie.
    Je suppose que l'ACDI comparaîtra devant votre comité afin d'exposer le travail qu'elle fait en ce moment et qu'elle prévoit entreprendre au cours des prochaines années. Je pense qu'il faudrait soumettre quelques-unes de ces questions aux représentants de l'ACDI.
    En passant, nous avons mis sur pied un petit projet, qui n'est pas financé par l'ACDI, mais par le Congrès du travail du Canada, en association avec les travailleurs de la province de Guangdong. À un moment donné, j'aimerais vous parler de ce magnifique petit projet qui se penche sur les droits des travailleurs en Chine.
(1220)
    Monsieur Elliott, allez-y, brièvement s'il vous plaît.
    Merci.
    Il y a trois points que j'aimerais aborder brièvement. Premièrement, j'aimerais signaler, aux fins du compte rendu, que nous avons apprécié les interventions des fonctionnaires des Affaires étrangères de la division des droits de la personne. Ils sont intervenus en particulier dans le cas des militants de la lutte contre le sida qui ont été détenus par le passé, en particulier le Dr Wan Yanhai dont j'ai parlé plus tôt.
    Le problème, c'est, d'après moi, que le dialogue est limité structurellement et c'est pourquoi nous avons présenté ce type de recommandations. Nous ne voulons pas nécessairement dire que les Affaires étrangères n'ont pas fait leur travail, mais plutôt que nous souhaitons ouvrir le débat et faire participer les parlementaires.
    Deuxièmement, je voulais ajouter un complément à la question posée par M. Marston. Je pense qu'il est absolument indispensable que le Canada ait la crédibilité nécessaire lorsqu'il entame un dialogue avec la Chine au sujet des droits humains. Chez nous, il nous paraît extrêmement important de ne pas reculer sur nos engagements vis-à-vis des droits des homosexuels, de ne pas reculer sur notre décision d'offrir des mesures innovatrices et même établies et éprouvées de réduction des risques pour lutter contre la propagation du VIH parmi les toxicomanes. C'est pourquoi, nous avons par exemple créé un site d'injection sécuritaire à Vancouver et nous avons besoin d'en implanter d'autres à certains endroits du pays.
    La criminalisation des travailleurs du sexe en vertu de la loi canadienne est certainement une question qui mérite réflexion. Je crois qu'un sous-comité parlementaire s'intéresse à la question et présentera son rapport le mois prochain. Je crois que les parlementaires ont compris que tant que ces populations seront criminalisées, elles seront exposées à des risques plus élevés de violation des droits humains et il sera plus difficile de lutter contre la propagation du VIH.
    Heureusement, la détention des travailleurs du sexe dans des camps dits de rééducation n'existe pas au Canada — et nous espérons que cela n'existera jamais — cependant, nous avons encore du travail à faire pour mieux protéger les droits humains des travailleurs du sexe au Canada. Je pense qu'en prenant des mesures en ce sens, nous pourrons prouver que nous agissons de bonne foi lorsque nous nous adresserons aux Chinois pour leur faire part de nos inquiétudes en matière de droits humains, des droits que nous nous efforçons de protéger au Canada. Tel est selon nous le lien entre le VIH, problème de santé publique, et les droits humains.
    Désolé, nous manquons de temps. Nous y reviendrons au prochain tour.

[Français]

    Je donne la parole à Mme Boucher.
    Bonjour. Je vous remercie d'être présents. C'est la première fois que j'ai la chance de participer à ce comité, et je trouve cela très intéressant.
    Étant donné que je ne connais pas tout ce dont vous avez parlé auparavant, j'aimerais avoir votre avis sur les éléments qui devraient faire partie d'une politique canadienne visant à améliorer les droits de la personne en Chine. Une telle politique devrait-elle s'inscrire dans une stratégie plus vaste de promotion du développement de la démocratie en Chine?

[Traduction]

    Est-ce que je dois répondre?

[Français]

    Il s'agit d'une question importante qui couvre beaucoup de terrain. Je pense qu'il y a des éléments clés. On parle de la stratégie gouvernementale et des différents éléments qui en développent différentes parties. J'ai mentionné qu'il y avait en ce moment des tables rondes sur la responsabilité sociale des compagnies. Nous manquons malheureusement parfois de cohérence, même parmi nos propres groupes dans la société civile. Par exemple, ils ne sont pas ici avec nous, devant votre comité. À la suite de ces tables rondes, ils vont faire des recommandations au premier ministre. Comment relie-t-on ces choses? C'est toujours un défi.
    Toutefois, il y a des choses qui sont simples, claires, nettes et précises pour nous. Il s'agit d'avoir non seulement des textes de loi mais aussi une mise en application pratique de ces lois. S'assurer que c'est le cas exige un suivi important et constant. Les principes de transparence et de respect des valeurs canadiennes doivent être à la base de toute politique canadienne. Nous sommes entièrement en faveur de cela.
    Les droits n'existent pas dans le vide; ils existent dans la pratique et dans la vie de tous les jours. Au Congrès du travail, nous pensons que parler de droits sans parler de développement est inutile, tant pour les travailleuses et les travailleurs en Chine que pour les travailleuses et les travailleurs au Canada. Il s'agit donc de voir comment on doit combiner les deux pour servir un développement durable basé sur les principes fondamentaux des valeurs canadiennes.
(1225)

[Traduction]

    Monsieur Elliott.
    J'aimerais souligner un commentaire que j'ai fait un peu plus tôt. Si nous considérons que cette question relève uniquement du dialogue de politique étrangère, nous passons complètement à côté. Je pense que les remarques de M. Benedict sont très pertinentes à ce titre. C'est pourquoi nous insistons sur le fait que pour pouvoir soulever la question des droits de la personne, nous devons soutenir la société civile chinoise.
    À ce titre, l'ACDI joue un rôle important. L'ACDI a commencé à financer des travaux sur le VIH en lien avec les droits humains, ce qui permet de bâtir en Chine une société civile qui s'intéresse à ces questions cruciales. Je ne peux pas parler des autres aspects de la société civile étant donné que je ne les connais pas bien. Cependant, il me semble que c'est un élément indispensable pour aborder ces questions de droits humains dans un dialogue de politique étrangère. C'est seulement en appuyant le développement de la société civile que l'on peut encourager l'émergence d'une avenue démocratique vers le développement en Chine.

[Français]

    Je veux ajouter un petit mot pour souligner que si on parle d'une politique étrangère bénéfique, il faut également parler de développement économique bénéfique. Les deux vont ensemble. On parle d'avoir une politique sur le commerce international. Nous ne sommes pas contre le développement économique au Tibet, mais nous voulons que ce soit vraiment bénéfique pour les Tibétains. Des mesures devront être mises en place pour assurer que le peuple tibétain reçoive des bénéfices de ce genre de projet. Cela devrait être une partie intégrante de la politique étrangère du Canada en ce qui concerne la Chine et le Tibet.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Silva, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    La doctrine de l'engagement et de l'isolement qu'applique le Canada s'inspire en quelque sorte d'un paradigme de guerre froide. Comment isoler un pays qui étend ses tentacules dans à peu près tous les pays du monde?
    Bien entendu, la Chine exerce une influence de plus en plus prononcée sur tous les fronts internationaux. Ce qui inquiète le plus, c'est son incroyable comportement au Darfour, dont il a été question un peu plus tôt. La Chine exerce son influence en Birmanie, en Corée du Nord et au Soudan. Et la liste continue.
    Je l'ai déjà mentionné en comité et je pense que le Congrès du travail du Canada aimerait se pencher sur cette question. La Chine commence également à exporter ses effroyables pratiques de travail dans d'autres pays comme l'Angola. Par exemple, les Chinois ont entrepris d'immenses projets de construction d'aéroports et de routes qui ne font pas appel à la population locale — qui a pourtant terriblement besoin de travail. Ils amènent leurs propres travailleurs esclaves de Chine, les installent dans des camps et les font travailler par quarts 24 heures sur 24. On ne sait absolument pas s'ils sont payés ou non. Tout ce qu'on sait, c'est qu'ils vont construire ces routes et ces aéroports pour avoir du pétrole à bon marché.
    Ces projets massifs de construction aboutissent à une situation intolérable d'exploitation des travailleurs dans de nombreux pays du monde, en particulier dans les pays du tiers monde ou les pays en développement.
    Au Canada, le concept d'engagement est un peu stupide et ne vaut même pas la peine qu'on en parle. Nous savons qu'il est impossible d'isoler la Chine. C'est totalement ridicule.
    Passons à autre chose et franchissons une autre étape. Selon moi, l'étape à franchir consiste à s'ouvrir à la société civile, comme certains témoins l'ont mentionné, je crois. Cela signifie essentiellement dialoguer avec la société civile, aussi restreinte soit-elle en Chine, et cela signifie utiliser les outils que nous avons, par exemple l'ACDI — et l'ACDI peut également contribuer à promouvoir cette société civile. Cela signifie également travailler de concert avec les ONG du Canada et du monde entier.
    Enfin, je pense que nous devons aussi nous associer aux nations qui partagent les mêmes vues que nous afin de proposer une stratégie cohérente avec celles de nos partenaires européens et américains en vue de parvenir collectivement à soulever les questions qui posent problème en Chine. Bien entendu, les Chinois sont passés maîtres dans l'art de faire passer toute réprobation du régime pour une condamnation de leur société.
    Tous ceux d'entre nous qui avons quelques connaissances historiques savons très bien que la Chine est une civilisation extraordinaire et millénaire. C'est une civilisation très riche et très avancée. Nous reconnaissons sa contribution à l'humanité. Là n'est pas la question. Dans le contexte de cette civilisation historique, le régime communiste n'est qu'un simple hoquet de l'histoire du peuple chinois.
    La Chine s'empresse d'affirmer que nous attaquons le peuple chinois chaque fois que nous émettons une critique. C'est totalement faux, alors que le régime commet des violations graves qui, elles, sont bien réelles.
    Il est regrettable que nous soyons critiqués chaque fois que nous soulevons la question des violations des droits humains. Récemment, le premier ministre a été critiqué pour avoir soulevé cette question en Chine. S'il ne l'avait pas fait, quand aurions-nous eu l'occasion de soulever à nouveau cette question? Je pense que la plupart d'entre nous le reconnaissent. Je ne défends pas le gouvernement, mais je pense qu'il est utile de soulever de telles questions dans les tribunes internationales, parce que si on ne le fait pas, c'est une occasion manquée.
    Je ne propose aucune solution sur la meilleure façon de traiter avec cette superpuissance géante qu'est la Chine, ni sur la façon de traiter de manière constructive les violations des droits humains, mais je pense que nous devons tous oeuvrer dans la même direction. Je ne pense pas qu'il y ait d'autre solution.
    Nous pouvons peut-être cesser de nous demander si nous devons nous ouvrir à la Chine ou au contraire l'isoler. En effet, si l'engagement est possible, l'isolement est impossible. Nous ferions aussi bien d'oublier cette notion.
    J'aimerais maintenant entendre les réactions de notre groupe de témoins à mes commentaires.
(1230)
    Voilà une utilisation très habile du temps par un député d'expérience qui a utilisé tout le temps qui lui était imparti. Techniquement, tout le temps est écoulé, mais nous allons vous permettre de répondre, puisque M. Silva a soulevé des points extrêmement pertinents.
    Personne à mon avis ne parlait d'isoler la Chine, mais elle fait désormais partie des organismes mondiaux et je pense que c'est une donnée extrêmement importante. Les Chinois sont membres de l'ONU et de l'OMC. Ils doivent être soumis aux mêmes règles sur le plan des droits humains. Ils doivent respecter les mêmes règles, les mêmes lois internationales et les mêmes lois humanitaires que tous les autres pays.
    Il y a un autre point dont il n'a pas été question et je regrette de ne pas l'avoir soulevé un peu plus tôt. Il s'agit du système juridique dans son ensemble et des divers moyens de faire avancer certains de ces objectifs.
    Par exemple, il faudrait aider la Chine à ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, civils et politiques et à modifier par conséquent ses lois afin de respecter les normes internationales. Voilà le genre de choses que l'on pourrait faire avant de s'attaquer aux différentes questions dont nous avons traité aujourd'hui.
    Merci.
    Je tiens à préciser très brièvement, parce que le Congrès n'a pas exactement la réputation d'appuyer ou d'encenser le gouvernement, mais lorsque...
    On dit que les critiques sont plus crédibles lorsqu'elles font place à l'occasion à quelques gestes d'approbation.
    C'est vrai. Nous sommes tout à fait convaincus qu'il fallait soulever le cas de M. Celil et qu'il fallait le faire de manière ferme. Il n'y a aucun doute là-dessus.
    Ce qui nous préoccupe, c'est qu'il s'agit d'une politique en matière de droits humains décidée — je dirais — à la volée. Mais vous avez soulevé un point très intéressant concernant la Chine et ses agissements dans les autres régions du monde. Cependant, après avoir construit des stades dans d'innombrables pays d'Afrique, la Chine commence à subir un contre-coup. Récemment, en Zambie, l'ingérence des autorités chinoises dans les élections zambiennes a provoqué une vague de ressentiment. Par conséquent, c'est une question fondamentale qui commence à provoquer des réactions. À l'Organisation internationale du travail, cette réaction s'est traduite l'an dernier par l'incapacité de la Fédération des syndicats chinois à se faire élire à l'organe directeur de l'OIT, ce qui a été perçu comme un recul important.
    J'aimerais faire quelques commentaires brefs.
    Une des tactiques du Comité Canada-Tibet consiste à exercer des pressions constantes sur la Chine avant les Jeux olympiques. Nous n'appelons au boycott des Jeux olympiques, mais nous demandons d'utiliser tous les moyens possibles au niveau international avant et après les Jeux pour faire pression sur la Chine afin qu'elle améliore son comportement en matière de droits humains. Par ailleurs, il ne faut pas aller très loin. Dans le cas du Tibet, il faut se pencher sur les conditions de travail, ainsi que sur le traitement réservé aux Tibétains de manière générale dans le cadre des projets — subventions, investissements du Canada, etc. Par conséquent, il ne faut pas aller très loin pour se rendre compte des violations des droits humains dans certaines situations qui ont pour cadre ce qu'il est convenu d'appeler les « territoires chinois ».
    Par ailleurs, on peut également utiliser les instruments de l'ONU. Le Canada a signé plusieurs instruments de l'ONU qui peuvent nous servir à exercer des pressions sur la Chine afin de faire appliquer les lois internationales sur les droits humains. C'est très important. Je pense que ce sont des outils que nous pouvons utiliser plus à notre avantage, étant donné qu'ils relèvent du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies — des outils dont nous devrions nous prévaloir pour faire pression sur la Chine afin qu'elle prenne des mesures plus concrètes pour améliorer les droits humains en général.
(1235)
    Nous devons passer à d'autres affaires. Est-ce qu'il y a d'autres questions urgentes?
    Je remercie tous les témoins pour les exposés réfléchis, précis et je dirais même visionnaires qu'ils nous ont présentés aujourd'hui. Ils nous seront utiles dans nos délibérations avant la rédaction d'un rapport. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant deux minutes, le temps que nos témoins et invités quittent la salle, puis nous passerons à une réunion à huis clos pour examiner des questions relatives aux travaux du sous-comité.
    [La réunion se poursuit à huis clos.]