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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci au comité de me recevoir. J'ai produit un court mémoire que je n'ai malheureusement pas eu le temps de traduire, compte tenu du court délai qu'on a eu pour la séance d'aujourd'hui.
Chers amis, au mois de novembre 1992, une jeune fille de 13 ans du nom de Virginie Larivière, qui vient de perdre sa soeur dans un crime crapuleux, dépose auprès du premier ministre Brian Mulroney une pétition signée par plus de 1,5 million de Canadiens qui réclament une loi visant à réduire la violence à la télévision. À l'époque, la jeune fille avait suscité un véritable débat public sur le rôle du gouvernement, des télédiffuseurs et des parents face à la violence omniprésente au petit écran.
La réponse des télédiffuseurs et du CRTC ne s'était pas fait attendre. Quelques mois plus tard, soit en 1993, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, entérinait le Code d'application volontaire concernant la violence à la télévision élaboré par l'Association canadienne des radiodiffuseurs.
En souscrivant à ce code, les télédiffuseurs privés canadiens endossent publiquement les principes suivants: que les émissions contenant des scènes de violence gratuite ne soient pas diffusées; que les jeunes enfants ne soient pas exposés à des émissions qui ne leur conviennent pas; et que les téléspectateurs soient informés du contenu des émissions qu'ils choisissent de regarder.
En juin 1993, le Comité permanent des communications et de la culture de la Chambre des communes concluait qu'il fallait laisser une chance à l'approche d'autoréglementation. Cependant, le comité convenait que si cette dernière achoppait, il faudrait songer à légiférer.
Quinze ans plus tard, où en sommes-nous? Selon une analyse réalisée par le Centre d'études sur les médias de l'Université Laval en décembre 2004, les actes de violence physique à la télévision ont augmenté de 286 p. 100 en 10 ans, 81 p. 100 des actes de violence font partie du contenu d'émissions qui débutent avant 21 heures et 29 p. 100 des actes de violence dans les films sont de nature psychologique.
Certes, on peut jouer avec les chiffres, mais une évidence demeure: la violence au petit écran est présente au point d'influencer les comportements de nos jeunes. Force est de constater que l'approche volontaire des télédiffuseurs ne semble pas avoir donné les résultats espérés, près de 15 ans après l'adoption du code d'application volontaire.
D'ailleurs, le Québec a encore en mémoire le rapport d'enquête de la coroner Me Catherine Rudel-Tessier concernant le décès d'un garçon âgé de 11 ans survenu le 31 décembre 2005.
Dans son rapport d'enquête, la coroner Rudel-Tessier rappelle l'histoire du jeune Simon. Simon est un garçon en santé, plein de vie et un peu casse-cou. Dans la soirée du 30 décembre 2005, vers 19 heures, Simon et son père décident de regarder le film The Patriot diffusé sur une chaîne de télévision.
Tel que décrit dans le rapport de la coroner, une visite imprévue change cependant les plans de Simon et de son père. L'enfant commence à regarder seul le film, et son père lui promet de venir le rejoindre. Vers 20 h 10, le garçon est retrouvé pendu au plafond devant les images du film The Patriot, classé « 13 ans et plus avec violence » au Canada.
Selon Mme Rudel-Tessier, rien ne permet de défendre l'hypothèse du suicide. Selon la coroner, il est plus que probable que l'enfant ait voulu reproduire une scène du film diffusée à 19 h 34 où le fils aîné du héros est amené par des soldats pour être pendu à un arbre. Selon la coroner, le jeune Simon a peut-être aussi été impressionné par une autre scène diffusée à 20 h 1.
Finalement, la coroner Catherine Rudel-Tessier se questionne à savoir si ce film aurait dû être diffusé à 19 heures.
D'ailleurs, le code volontaire n'a pas empêché la diffusion à 20 heures, sur un grand réseau, du film Sur les traces de l'ennemi le 16 août 2006, classé « 18 ans et plus avec violence et contenant un langage vulgaire ». Le code d'application volontaire n'a pas non plus empêché la diffusion du film Un pied dans la tombe le 12 septembre 2007 à 20 heures, classé « 14 ans et plus et comportant des scènes de violence et un langage vulgaire ».
Je pense sincèrement qu'il est temps d'agir.
Je vous rappelle qu'en 1993, le Comité permanent des communications et de la culture de la Chambre des communes, qu'on appelle maintenant le Comité du patrimoine canadien, concluait qu'il fallait laisser une chance à l'approche d'autoréglementation. Cependant, le comité convenait que si cette dernière achoppait, il faudrait songer à légiférer. C'est l'esprit du projet de loi .
Le projet de loi étudié aujourd'hui a pour objet d'obliger le CRTC à se doter de règlements pour limiter la diffusion de la violence à la télévision, de forcer le CRTC à vérifier lui-même la conformité des titulaires de licences de radiodiffusion à l'égard de leurs obligations en matière de violence et de sanctionner les contrevenants, en plus de tenir des audiences tous les cinq ans afin d'évaluer les résultats de cette approche.
En terminant, plus de 15 ans après l'adoption d'une approche volontaire, il est clairement temps d'adopter une approche réglementaire. Nos enseignants et nos enseignantes qui travaillent au quotidien avec nos enfants le souhaitent et nos enfants le méritent.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je remercie le comité de nous avoir invités à faire part de nos observations à l'égard du projet de loi .
Selon ce que nous comprenons, le projet de loi a pour objectif principal de contribuer à régler le problème de la violence dans la société en réduisant la présence de la violence dans la programmation offerte au public, notamment celle destinée aux enfants.
[Traduction]
Par « régler », nous supposons que le projet de loi entend par là que l'on ne devrait pas célébrer la violence, ni la présenter trop crûment. Par « réduire », nous supposons que le projet de loi entend par là que la diffusion des scènes de violence les plus explicites et les moins appropriées devraient être limitées aux heures où les enfants sont le moins susceptibles de regarder la télévision.
Compte tenu de cette interprétation des principaux termes, à notre avis, les objectifs de ce projet de loi sont des plus louables. Nous poursuivons les mêmes objectifs.
[Français]
Cependant, il est important de se rappeler que le CRTC n'édicte pas le contenu de la programmation, mais voit à s'assurer que celle-ci est conforme aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. De manière plus particulière, la loi stipule que la programmation devrait être de haute qualité, respecter l'égalité des droits et refléter les valeurs canadiennes.
Dans le cadre de ces objectifs à atteindre, la loi enjoint aussi le CRTC à respecter la liberté d'expression, telle que garantie par la Charte canadienne des droits et libertés.
[Traduction]
Actuellement, le système qui est en place pour traiter de ces enjeux est fondé sur la collaboration et il repose énormément sur l'autoréglementation de l'industrie conformément à un code obligatoire concernant la violence. Ce code, élaboré par l'Association canadienne des radiodiffuseurs, a été approuvé par le CRTC. De plus, le conseil possède le pouvoir de se poser comme arbitre ultime, le cas échéant.
Aujourd'hui, je me concentrerai sur l'application des normes relatives à la violence dans la programmation. Aussi, j'aimerais vous exposer quelque peu le processus et le fonctionnement du système lorsqu'une plainte est déposée.
Tout d'abord, le CRTC oblige tous les radiodiffuseurs à adhérer à un code concernant la violence afin d'obtenir une licence. Toutefois, cette obligation est levée si le radiodiffuseur est membre en règle du Conseil canadien des normes de radiotélévision, le CCNR, car il est alors lié par le Code de l'ACR.
La partie plaignante peut s'adresser aux radiodiffuseurs ou au CRTC. Si la plainte concerne un radiodiffuseur privé et membre en règle du CCNR, la plainte peut être acheminée directement au CCNR, ou le conseil s'en chargera lui-même.
Le CCNR est un organisme indépendant mis sur pied par l'Association canadienne des radiodiffuseurs et approuvé par le CRTC. Si la plainte est déposée auprès du CCNR, celui-ci devra déterminer s'il y a eu violation au Code concernant la violence de l'ACR.
Pour le CRTC, ce code constitue une norme importante et ses dispositions fournissent un cadre qui est utilisé par l'ensemble de l'industrie. Entre autres choses, il interdit la présentation de scènes de violence gratuite. Il rend obligatoire la diffusion d'une mise en garde aux téléspectateurs dans le cas d'émissions dont le contenu est violent. Ces messages sont présentés oralement et précisent la nature du contenu; il oblige les radiodiffuseurs à afficher une cote qui indique aux parents les groupes d'âge approprié pour regarder les émissions; il établit une heure critique, soit 21 heures, heure avant laquelle les émissions contenant des scènes de violence destinées à un auditoire adulte ne doivent pas être présentées; enfin, il précise les restrictions sur la présence de la violence dans les émissions pour enfants.
Un radiodiffuseur reconnu coupable d'avoir enfreint le code doit reconnaître cette infraction avec un message en ondes et prouver au CCNR qu'il s'est exécuté. Si de telles infractions se sont produites à plus de trois occasions, le radiodiffuseur devra faire la preuve, à l'intérieur d'une période de 30 jours, qu'il devrait demeurer membre en règle du CCNR.
Si la plainte concerne un radiodiffuseur public comme la Société Radio-Canada, un radiodiffuseur éducatif ou tout autre radiodiffuseur qui n'est pas membre du CCNR, c'est le CRTC qui reçoit alors la plainte. Il étudie aussi toute plainte formulée par un plaignant qui ne serait pas satisfait de la décision du CCNR.
Si le CRTC conclut qu'on a contrevenu au code, il rendra une décision publique et celle-ci sera inscrite au dossier du titulaire de la licence. Ces décisions peuvent être prises en compte au moment du renouvellement de la licence du radiodiffuseur.
Je vous ai entretenu du processus d'application des normes tel que nous le connaissons en ce moment, afin que vous puissiez comprendre notre réaction au projet de loi dont vous êtes saisi.
Les articles 1 et 2 du projet de loi ne nous posent aucun problème. Cependant, nous avons des réserves concernant l'article 3 qui viendrait ajouter deux nouvelles dispositions, les paragraphes 10.1 et 10.2, à la Loi sur la radiodiffusion. Cet ajout obligerait le conseil à réglementer les scènes de violence à la télévision, notamment celles qui figurent dans les émissions pour enfants. Il nous obligerait aussi à surveiller la conformité et à sanctionner la non-conformité aux dispositions de la loi.
Tout cela est contraire à notre conception de la réglementation. L'une de nos priorités essentielles consiste à ne recourir à la réglementation en tant qu'outil d'intervention que lorsqu'elle est indispensable. Cela signifie que nous réglementons seulement s'il n'existe aucun moyen efficace d'atteindre l'objectif visé. Et lorsque nous réglementons, nous entendons le faire de manière plus intelligente et moins lourde.
[Français]
Le système actuel repose sur l'autoréglementation de l'industrie et l'adhésion aux codes obligatoires, et il est soutenu par le CRTC en tant qu'arbitre ultime. À notre avis, il constitue un moyen efficace de parvenir aux objectifs visés. En conséquence, nous ne pouvons pas appuyer les dispositions du projet de loi C-327 qui prévoient une approche prescriptive en matière de réglementation en lieu et place d'une autoréglementation de l'industrie renforcée par les conditions auxquelles sont soumis les titulaires d'une licence.
Cela dit, nous appuyons les objectifs du projet de loi en ce qui a trait à l'application efficace de nos politiques à l'égard des normes relatives au contenu. Depuis un bon moment, nous croyons que l'éventail des punitions en réaction aux infractions est incomplet.
[Traduction]
Nos pouvoirs d'application seraient renforcés et auraient plus d'impact si nous avions le pouvoir d'imposer des sanctions administratives pécuniaires, ou SAP. En d'autres termes, le conseil devrait avoir la possibilité d'imposer une amende à un radiodiffuseur qui commet une infraction. Le montant des amendes serait proportionnel à l'infraction commise, et il serait suffisamment élevé pour faire mal et pour avoir un effet dissuasif.
Actuellement, le conseil détient de tels pouvoirs en matière de SAP pour assurer le respect de la Loi sur les télécommunications. Nous sommes convaincus qu'ils sont tout aussi nécessaires dans le secteur de la radiodiffusion. En ce moment, les seules sanctions que nous pouvons imposer sont soit assez légères, soit excessivement lourdes. Du côté des sanctions légères, nous avons le message diffusé en ondes à la demande du CCNR ou à la suite d'une décision publique du CRTC découlant d'une plainte. Du côté des sanctions lourdes, nous pouvons réduire la durée de la licence du radiodiffuseur lorsque vient le moment de la renouveler, voire même lui refuser ce renouvellement. Ce sont là des outils qui ne font pas dans la dentelle. Nous avons besoin de mesures intermédiaires, comme les sanctions administratives pécuniaires dont j'ai parlé.
Si tel est le choix du comité, notre personnel juridique pourrait préparer une ébauche des amendements à apporter au projet de loi pour remplacer les paragraphes 10.1 et 10.2 par un régime de sanctions pécuniaires.
Nous notons qu'aux termes du projet de loi, le conseil doit procéder au bout de cinq ans à un examen des nouveaux règlements. Si le projet de loi est adopté avec les amendements que nous proposons, nous ne verrons aucun inconvénient à procéder à un tel examen.
Je vous remercie de m'avoir permis d'exprimer notre point de vue, et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
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Tout d'abord, l'article 32 comporte les dispositions habituelles que l'on trouve dans la plupart des lois concernant les infractions criminelles; il précise que quiconque contrevient à cette loi est coupable d'une infraction criminelle et devra comparaître en justice. Auparavant, il faudra prouver l'infraction en respectant les règles de preuve en matière criminelle, c'est-à-dire prouver au-delà de tout doute raisonnable. La procédure pénale est assez lourde. Elle fait peser toute la solennité du droit pénal sur celui qui commet un acte criminel.
Ce n'est pas ce dont nous voulons parler ici. En réalité, nous parlons de ce qu'on appelle une sanction administrative pécuniaire. Dans le langage ordinaire, on appelle ça une amende. Les faits doivent être prouvés selon les règles de poursuite au civil, c'est-à-dire selon la prépondérance des probabilités, et non pas hors de tout doute raisonnable. Par ailleurs, on peut intervenir très rapidement, dès que l'infraction est constatée, alors même que l'émission est encore diffusée.
La procédure pénale est... Tout d'abord, elle est disproportionnée. Deuxièmement, avant qu'on puisse... la diffusion de l'émission risque d'avoir cessé et il n'y aura plus de raison d'intervenir. En outre, il est très difficile de prouver qu'un télédiffuseur a sciemment et délibérément enfreint le code, que son action est une atteinte explicite au code.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, nous avons actuellement un pouvoir d'humiliation. Le CCNR dénonce l'infraction, qui doit être reconnue par son auteur. Nous faisons la même chose, et nous l'annonçons publiquement. En outre, nous disposons quasiment d'une bombe nucléaire, à savoir le retrait de la licence. Mais il n'y a rien dans l'intervalle, et ce que nous proposons pour ce genre d'infraction, qui peut être plus ou moins grave, c'est la possibilité d'imposer une sanction proportionnelle à la faute.
Quant à votre deuxième question, si le projet de loi n'est pas amendé, nous avons effectivement besoin du pouvoir d'imposer des sanctions administratives pécuniaires, non seulement pour les questions de violence, mais également sur tous les autres sujets qui relèvent de notre réglementation. Et nous espérons être investis un jour de ce pouvoir. Le problème a été soulevé spécifiquement dans ce projet de loi, et dans la mesure où la violence est une source de préoccupation, j'ai jugé bon de vous faire part de notre requête.