:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs membres du comité, je vous remercie de nous donner de nouveau l'occasion de discuter avec vous du mandat de CBC/Radio-Canada.
Au cours des neuf derniers mois, nous avons suivi de près vos délibérations sur notre mandat. Nous sommes très intéressés à entendre les divers points de vue qui vous ont été présentés, de même que vos réflexions sur les attentes des Canadiens à l'égard de leur radiodiffuseur public national.
Lorsque nous sommes venus vous rencontrer en mars dernier, nous vous avons parlé de quelques-uns de nos récents succès en matière de programmation et de productivité. Nous avons également évoqué les bouleversements survenus dans le secteur de la radiodiffusion et le besoin d'une nouvelle approche, soit une revue systématique et régulière qui prendrait la forme d'un contrat entre le radiodiffuseur public et les citoyens qu'il sert.
Cette nouvelle orientation est capitale pour que CBC/Radio-Canada puisse continuer d'offrir des services de valeur aux Canadiens. Les radiodiffuseurs publics d'autres pays se sont déjà engagés dans cette voie. À la suite d'un examen de leur mandat, qui comprenait une vaste consultation publique, les radiodiffuseurs publics d'Irlande, de Hong Kong, de l'Afrique du Sud et, bien sûr, de la BBC de Grande-Bretagne, ont conclu des ententes semblables. Je vous invite à les interroger sur leur expérience.
[Traduction]
Il est important de souligner que le contrat que nous proposons doit continuer de protéger l’indépendance inscrite actuellement dans la Loi sur la radiodiffusion. La microgestion de la programmation — incluant des exigences particulières quant aux lieux de production et aux producteurs — engendrerait un cauchemar bureaucratique qui étoufferait la créativité et la flexibilité, et qui détruirait les assises mêmes de la radiodiffusion publique.
Un contrat, une fois un consensus établi sur les attentes face au radiodiffuseur, rendrait le radiodiffuseur public responsable de prendre les décisions nécessaires pour satisfaire à ces exigences. En ce qui concerne CBC/Radio-Canada, un nouveau contrat, qui serait révisé à des intervalles réguliers déterminés, préciserait ce à quoi les Canadiens pourraient s’attendre de leur radiodiffuseur public national en contrepartie de la volonté clairement exprimée par le gouvernement d’accorder en permanence à la Société le financement stable dont elle a besoin. Ce contrat devrait s’inscrire dans un processus pérenne d’examen de notre mandat à intervalles réguliers, opportuns et prévisibles.
D’autres personnes sont également venues vous faire part de leur soutien énergique à cette proposition. J’espère que vous la cautionnerez dans votre rapport. Je ne saurais trop insister sur l’importance, selon moi, de profiter de l’occasion qui se présente à vous pour recommander cette nouvelle approche.
L’actuelle Loi sur la radiodiffusion date de plus de 15 ans. Le secteur de la radiodiffusion a connu d’incessantes transformations pendant toutes ces années, y compris depuis notre présence ici le printemps dernier. Il est mis à mal par la concentration de la propriété et par l’évolution des habitudes d’écoute télévisuelle, lesquelles donnent une nouvelle couleur au mot « radiodiffusion ». Évidemment, les Canadiens regardent toujours la télévision et écoutent encore la radio, mais ils regardent plus que jamais leurs émissions préférées sur leurs ordinateurs portatifs, leurs terminaux mobiles de poche, leurs téléphones cellulaires et leurs baladeurs à disque dur.
Voilà pourquoi nous aussi avons bien changé depuis 15 ans. Nous ne pouvons plus nous percevoir comme un télédiffuseur, un radiodiffuseur ou une entreprise Internet. À vrai dire, nous sommes devenus une entreprise de contenus. Nous devons faire des émissions qui, dès leur conception, sont destinées à être diffusées sur toutes les plateformes. D’ailleurs, nous le faisons déjà. Cette orientation est maintenant profondément ancrée dans tous nos services.
Bref, nous sommes des programmateurs. Notre première responsabilité est de faire en sorte que les Canadiens aient accès à un contenu distinctif, créé par eux, pour eux, et à leur image, au moment qui leur convient et sur la plateforme de leur choix. Dans un tel contexte, il est impératif d’élargir notre offre de services.
Notre mission consiste à offrir aux Canadiens des services qui leur en donnent pour leur argent. Des émissions qui enrichissent la vie démocratique et culturelle de la population. Des émissions qui sont le reflet de l’incroyable diversité de ce pays et qui renforcent la cohésion de ses habitants, en insistant sur leurs points communs. Par ailleurs, notre programmation devrait également atteindre des objectifs de politique publique. J’entends par cela que nous devons proposer un éventail d’émissions distinctives, intelligentes, divertissantes et innovatrices.
Ces dernières années, nous avons reconnu l’atout unique que représente notre programmation canadienne distinctive dans un marché engorgé. Nous sommes revenus à nos racines pour élaborer ensuite un contenu canadien exceptionnel qui forme la trame de nos dramatiques, de nos émissions de divertissement ou encore de nos émissions pour enfants.
Vous avez certainement entendu parler du succès remporté par des émissions comme Little Mosque on the Prairie. Cette émission attire près de un million de téléspectateurs chaque semaine au Canada, sans compter ceux des 57 autres pays dans le monde où elle est diffusée, incluant Gaza et Israël.
Ou comme Les Bougon— une émission qui, par son audace, a fait peur aux radiodiffuseurs privés, mais qui a séduit en moyenne 1,2 million de personnes chaque semaine à la Télévision de Radio-Canada.
Et n’oublions pas Afghanada, une série exceptionnelle présentée sur CBC Radio, qui a su captiver un auditoire fidèle dans tout le pays.
Quand on compare nos réalisations et nos ressources, on voit bien que notre programmation en donne vraiment aux contribuables pour leur argent. À l’évidence, tout attrayantes qu’elles soient, nos émissions doivent aussi trouver leur public. La taille de l’auditoire n’est pas l’unique facteur de réussite, mais il reste qu’un radiodiffuseur public doit avoir un public. Si notre auditoire à la télévision ou à la radio est trop restreint, nous n’avons aucune raison d’être.
[Français]
Monsieur le président, j'aimerais attirer votre attention sur la diversité de la programmation de radiodiffuseurs publics comme la BBC. Ces chaînes présentent des émissions grand public parallèlement à des émissions plus élitistes. Si nous n'avons aucune raison d'être, pourquoi les Canadiens devraient-ils continuer à investir dans la radiodiffusion publique?
La taille de l'auditoire a aussi un impact sur nos revenus publicitaires, qui constituent maintenant environ la moitié de nos budgets de télévision. La réduction de notre auditoire entraîne une diminution de nos revenus ainsi que des ressources nécessaires à la production des émissions canadiennes. Par contre, l'augmentation de notre auditoire fait monter nos revenus. Si nos revenus augmentent, ce ne sont pas les actionnaires qui réalisent des bénéfices: ce sont nos services qui disposent de plus de ressources à réinvestir dans le développement des émissions.
L'important, c'est d'offrir des émissions de genres variés, à la fois populaires et enrichissantes. N'oublions pas qu'une émission populaire peut aussi être enrichissante, comme en témoigne des émissions comme Little Mosque on the Prairie ou Les Bougon. Ces émissions véhiculent des messages sociaux essentiels sous le couvert de l'humour.
[Traduction]
L’accès à notre programmation est un facteur capital. Nous devons être attentifs à l’évolution des moyens de diffusion du contenu. C’est ainsi que nous avons recours à des technologies novatrices pour rejoindre de nouveaux auditoires. Nous sommes aujourd’hui l’un des principaux fournisseurs de nouvelles et d’autres contenus sur des appareils sans fil. L’ensemble du continent nord-américain peut capter nos émissions au moyen de la radio par satellite. Une nouvelle génération de jeunes Canadiens préfère nos services de baladodiffusion et télécharge plus de un million de fichiers par mois. Nous avons fait la preuve qu’une programmation intelligente peut conquérir un auditoire plus jeune.
D’autres personnes ont déjà fait valoir au comité qu’il est indispensable que CBC/Radio-Canada soit présente en force dans les nouveaux médias et sur les plateformes émergentes. Nous exploitons mieux nos points forts. Et nous restructurons notre organisation en conséquence. Bon nombre de nos journalistes font maintenant des reportages en français et en anglais, à la radio, à la télévision et sur Internet. Cette façon de procéder nous permet d’affecter plus de ressources à la présentation d’un plus large éventail d’histoires.
Nous voulons rejoindre les huit millions de francophones et d’anglophones au Canada qui contribuent au financement des services de CBC/Radio-Canada sans pour autant recevoir le service local de la Radio de CBC/Radio-Canada. Le gouvernement nous a demandé de lui soumettre un plan de services de radio publique locaux (des nouvelles locales, des sujets d’intérêt local) à 15 des collectivités qui enregistrent la croissance la plus rapide dans l’ensemble du pays, mais qui sont privées, aujourd’hui, de services de radiodiffusion publique locaux. Nous lui avons remis un plan chiffré — 25 millions de dollars pour les dépenses en immobilisations et 25 millions de dollars par an pour les frais d’exploitation —, parce que nous n’avons tout simplement pas les moyens financiers d’aller de l’avant sans réduire nos services ailleurs. Nous avons déposé ce plan auprès du comité en mai 2007. J’espère que vous y souscrirez.
Par une présence accrue sur les ondes locales de la radio, nous offrirons de meilleurs services aux Canadiens sur une plateforme. Pour maintenir notre pertinence aux yeux des Canadiens, nous devons proposer notre contenu sur toutes les plateformes, des chaînes de télévision généralistes aux chaînes spécialisées qui s’adressent à des auditoires particuliers.
Les habitudes d’écoute télévisuelle ont radicalement changé au cours des dernières années. La télévision généraliste conserve une place importante dans le paysage télévisuel, mais la télévision spécialisée attire de plus en plus de Canadiens, francophones comme anglophones. Cette saison, 54 p. 100 des Canadiens anglophones regardent (toute la journée) des chaînes spécialisées, contre 38 p. 100 chez les francophones. La plupart d’entre eux souhaitent regarder un genre d’émission particulier — sport, nouvelles, culture savante, émissions pour enfants, etc. À l’évidence, le radiodiffuseur public doit accéder aux désirs des téléspectateurs canadiens.
Nous restructurons notre organisation en conséquence. Dans cette optique, nous augmentons notre position dans ARTV et The Documentary Channel. Nous sommes en train de modifier la dénomination de CBC Country Canada et la combinaison des genres d’émissions qui y sont présentés afin d’en faire une chaîne spécialisée, vouée notamment à la diffusion des arts. Nous devons poursuivre l’établissement de chaînes spécialisées, comme une chaîne pour les enfants — peut-être en partenariat avec un autre radiodiffuseur public —, une chaîne centrée sur la performance sportive d'élite.
[Français]
Nous devons aussi poursuivre l'établissement d'une chaîne spécialisée consacrée à l'expression spécifique de la diversité du territoire, des nouvelles cultures, opinions et des régions. Nous devons envisager la radiodiffusion publique de l'avenir comme une panoplie complète de services. En effet, les Canadiens nous ont clairement signifié par leur comportement que c'est ce qu'ils voulaient.
[Traduction]
De par notre mandat, nous devons être au service de tous les Canadiens. La radiodiffusion publique n’est pas un créneau. Le jour où elle le deviendra, elle cessera d’être pertinente aux yeux des gens qui y investissent, et elle dépérira.
Monsieur le président, nous avons mis sur pied ces dernières années un service de radiodiffusion fort et efficace. De plus en plus de Canadiens ont montré leur préférence — et parfois, en nombre record — pour nos services de radio et de télévision français et anglais. Un contrat avec les Canadiens permettra d’établir des relations encore plus fructueuses avec nos actionnaires et mettra CBC/Radio-Canada bien en selle pour poursuivre sa route : alerte, disposée à courir des risques et l’œil rivé sur son objectif principal, l’enrichissement de la vie démocratique et culturelle des citoyens de ce pays.
J’espère que vous présenterez des solutions d’avenir dans votre rapport et que vous tracerez le chemin à suivre pour façonner la radiodiffusion publique du futur. En concluant votre examen du mandat de CBC/Radio-Canada par de solides recommandations prospectives, vous nous donnerez les outils nécessaires pour concrétiser votre vision.
[Français]
Je vais terminer ma présentation sur une note plus personnelle.
Je me suis présenté devant le comité à plusieurs reprises pendant mon mandat. J'ai toujours apprécié les discussions que nous avons tenues, sans parler de l'intérêt constant qu'ont manifesté les membres du comité à l'endroit de CBC/Radio-Canada. Je sais que mon successeur, M. Hubert Lacroix, espère vous rencontrer bientôt. Je suis convaincu qu'il aura autant de plaisir à travailler avec vous que j'en ai eu.
Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord remercier M. Rabinovitch, M. Lafrance et M. Stursberg d'être venus nous rencontrer.
Ma première question s'adresse à M. Lafrance et à M. Stursberg.
Relativement à Radio-Canada et à CBC, je voudrais savoir si, selon vous, les sections française et anglaise sont différentes en soi, si elles doivent être traitées différemment, avec des habitudes d'écoute différentes. Donc, si les enjeux ne sont pas les mêmes, à la rigueur, le soutien ne serait pas le même non plus.
J'ai une autre question à poser à M. Rabinovitch sur un sujet qui m'a beaucoup interpellée.
Des gens de Radio-Canada International m'ont contactée par l'intermédiaire du courriel et du téléphone. Ils m'ont rapporté des propos qui m'ont un petit peu intriguée, pour ne pas dire inquiétée. Ils semble ressortir de cette rencontre que le mandat de Radio-Canada International, depuis un certain temps — ce n'est pas nouveau, mais cela se serait accentué sous votre direction —, aurait changé et que les fonds et les ressources alloués à Radio-Canada International ne seraient pas suffisants. On parle de 15 millions de dollars en 1997. Ce 15 millions de dollars, qui était normalement attribué à Radio-Canada International, est maintenant dans le budget global de la société et n'irait pas totalement à Radio-Canada International.
Donc, ma question est la suivante. De ce fameux 15 millions de dollars, combien d'argent va réellement à Radio-Canada International? Pourquoi ce comité pense-t-il que le mandat a changé et qu'ils n'ont plus cette vocation de donner l'information à l'international, par exemple au point de vue des bulletins de nouvelles? Ces gens disent qu'il y a eu une réduction des bulletins de nouvelles et qu'il y aurait aussi eu des sections, comme la section ukrainienne par exemple, qui diffusaient chaque jour et qui se sont retrouvées réduites au samedi et au dimanche; que des programmes ont été retirés des ondes courtes pour être mis sur un système de câble. La conséquence, c'est qu'on ne les recevait qu'à Kiev.
C'est la question que je vous pose, monsieur Rabinovitch.
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Je vais d'abord répondre à la question concernant RCI, puis je répondrai à la question qui a trait aux marchés francophone et anglophone.
Le mandat de fond de RCI n'a absolument pas changé. Toutefois, vous aurez remarqué que depuis quelques années, on a travaillé beaucoup à l'intégration de nos ressources radio, télé, web dans une logique que suivent à peu près tous les médias du monde, de toute façon, et qui consiste à tenter d'avoir une approche multi-plateformes. Il en va de même pour Radio Canada International, c'est-à-dire que les services de Radio Canada International sont beaucoup plus près maintenant des services de Radio-Canada, ce qui permet, par exemple, à Radio Canada International de compter sur le service des communications, le service des finances ou celui des immeubles de Radio-Canada, ce qui m'apparaît de la saine gestion.
Donc, le budget de Radio Canada International peut sembler plus petit parce que certains montants sont maintenant aux communications, aux finances, aux immeubles ou ailleurs. Donc, grosso modo, cela ne change rien aux sommes d'argent investies dans Radio-Canada.
Toutefois, il y a une chose qui a été changée à Radio Canada International — et à mon avis, on l'a changée pour s'adapter à la réalité —, c'est qu'aujourd'hui, Radio Canada International produit aussi des émissions vers le Canada destinées aux nouveaux immigrants. En fait, on s'est aperçu que puisqu'on avait des sections russes, arabophones, portugaises, espagnoles, c'était peut-être une grande perte d'énergie que de ne les diffuser qu'à l'étranger alors qu'on connait le taux d'immigration au Canada. Alors, on fabrique maintenant des émissions d'accueil, en différentes langues, pour les immigrants, ce qui me semble être logique pour Radio Canada International.
Globalement, je pense que ce sont toutes de bonnes nouvelles pour Radio Canada International, qui a aujourd'hui un rôle beaucoup mieux ancré dans le siècle qu'auparavant. Alors, à mon avis, ce sont de bonnes nouvelles.
En ce qui a trait aux marchés francophone et anglophone, beaucoup de faits reconnaissent que les marchés sont différents. Cela dit, toutes ces réponses sont bonnes parce que les questions que Richard et moi avons à affronter sont les mêmes. Par exemple, sur la multiplication des plateformes, sur les enjeux de droit, ce sont les mêmes questions.
Il arrive que les réponses ne soient pas les mêmes, parce que le marché francophone se distingue d'abord par le marché québécois, où il y a une très forte attirance des Québécois pour leur propre télévision, et ensuite par l'importance que représente pour nous tout le marché des francophones hors Québec, qui est une logique de diffusion totalement différente. Cela n'existe pas en anglais.
Il y a deux logiques, c'est-à-dire que comme logique d'entreprise sur les grandes questions d'intendance, sur la gestion des finances, sur la veille technologique, on a intérêt à le faire ensemble parce qu'on est une seule entreprise et qu'on a les mêmes questions. Cependant, après cela, il faut adapter nos réponses aux différents marchés parce que sinon, on obtiendra les mauvaises réponses.
Richard, voulez-vous ajouter autre chose?
Je crois qu'il est important d'essayer de produire des émissions dans différentes régions. Nous essayons d'atteindre cet objectif, notamment en ce qui concerne notre programmation des nouvelles et des actualités en anglais et en français. Parallèlement, il faut reconnaître que, comme c'est le cas pour tous les pays, le Canada semble avoir deux importants centres de production. Je crois que c'est Sylvain qui a informé notre conseil l'autre jour que 95 p. 100 des membres de l'Union des artistes vivent à Montréal.
Nous essayons de produire des émissions à Moncton et ailleurs, mais il faut parfois déplacer l'éventail des compétences de Montréal à Moncton, ce qui nous amène à faire, par exemple, des coproductions. À cela s'ajoute un autre problème: à mesure que les gens perfectionnent leurs compétences, nous ne pouvons pas leur donner tout le travail qu'ils veulent. Ils doivent être disponibles pour travailler avec d'autres producteurs indépendants; ils ont donc tendance à migrer vers Montréal et Toronto. C'est un pôle d'attraction inévitable. Nous ne disons pas que c'est bien ou mal. Notre position, c'est que nous voulons produire des émissions dans différents centres.
C'est pourquoi nous déployons des efforts à l'heure actuelle pour rebâtir nos installations à Vancouver. Il s'agit de la deuxième ville anglophone en importance pour CBC/Radio-Canada et, en fait, à l'échelle du pays. Nous y reconstruisons nos installations. Nous investissons beaucoup d'argent pour pouvoir y produire des émissions.
Ce que je disais dans le texte, c'est qu'il ne sert à rien, du moins en ce qui me concerne, d'imposer un pourcentage x d'émissions à produire dans une telle région et un pourcentage y dans telle autre, ou d'exiger qu'un tel type de programme soit réalisé ici et tel autre là-bas. C'est exactement ce qui s'est passé en 1999 avec la décision du CRTC, qui s'est également révélée impossible à exécuter.
Nous avons aussi une préoccupation — avec laquelle il faut vivre et travailler: la possibilité de ne pas être admissible à certaines subventions à moins que l'émission soit produite à 150 kilomètres de Moncton ou de Toronto. Ce critère ne tient pas compte du lieu de résidence des réalisateurs ni du lieu où ils veulent travailler. Notre travail consiste à les encourager à se rendre à différents endroits pour produire leurs émissions.
Dans un cas comme l'émission Little Mosque on the Prairie, une grande partie du tournage a été réalisée en Saskatchewan, d'après ce que j'ai cru comprendre, mais vous avez absolument raison de dire que l'émission a été principalement tournée à Toronto ou à Hamilton car, en fait, ces gens vivent là-bas et c'est là où ils veulent travailler. Par conséquent, nous essayons toujours de trouver un juste milieu.
Nous faisons un bien meilleur travail avec la radio locale, mais nous pouvons faire beaucoup mieux. N'oubliez pas que nous nous percevons comme une radiodiffuseur qui offre une combinaison de services et qui essaie de faire différentes choses. La force de CBC/Radio-Canada réside dans sa programmation locale. Tout repose sur la programmation locale. C'est pourquoi nous estimons qu'il y a huit millions de Canadiens qui sont privés d'un service. Dans une ville comme Hamilton — je suis désolé, mais je veux terminer mon idée — l'émission radiophonique locale de CBC/Radio-Canada provient de Toronto. À Toronto, Andy Barrie occupe le premier rang; à Hamilton, il arrive au septième rang. C'est logique; son émission est essentiellement axée sur Toronto, mais c'est son travail. Nous aimerions avoir une station à Hamilton.
Je veux d'abord rappeler aux députés que le budget de services votés, qui est le budget essentiel de la CBC/Radio-Canada, n'a pas été augmenté depuis 1974. La dernière fois que ce budget a été augmenté était en 1974. En outre, en 1995, nous avons subi des compressions de 400 millions de dollars; c'était notre contribution à la lutte contre le déficit que voulait mener le gouvernement de l'époque. Des compressions ont été faites partout, dans l'enseignement postsecondaire, dans la médecine. Notre budget a été réduit de 400 millions de dollars. Certaines de ces coupures ont été, sinon annulées... Les fonds ont été retournés aux organisations au bout d'un certain temps. Ce ne fut pas notre cas. Notre budget n'a pas été augmenté.
Je dois ajouter que nous recevons de l'argent pour l'inflation salariale, nous recevons ce que le gouvernement décide de nous verser. Autrement dit, nous recevons les montants qu'il a négociés avec les syndicats. Si nous demandons plus d'argent, ça devient notre problème. À ma connaissance, nous n'avons jamais demandé moins d'argent.
Le résultat a été que, au plan des dépenses en immobilisations, notre budget d'investissement a été réduit d'environ 30 p. 100 et n'a pas été augmenté, donc ce que je n'ai pas dit plus tôt à M. Scott, c'est que si nous devons passer à la télévision numérique, la diffusion de programmes haute définition, nous allons rencontrer d'énormes problèmes. Nous n'avons tout simplement pas les moyens financiers. Nous allons devoir le faire très lentement car nos actifs sont en train de se liquider. En 1979-1980, le gouvernement nous a accordé une subvention spéciale appelée le Plan accéléré de rayonnement. Les tours ont plus de 35 ans aujourd'hui et commencent à s'écrouler. Nous ne disposons pas de fonds pour les remplacer. Nous avons des problèmes fondamentaux au niveau du budget d'investissement.
La programmation est, à mon sens, le facteur le plus important et ce qui nous manque, c'est l'argent qui nous permettrait de prendre des risques. Nous n'avons pas les moyens financiers qui nous permettraient d'échouer. Quand on prend un risque, on peut réussir ou échouer. La série La petite mosquée dans la prairie présentait un gros risque. Cette émission aurait pu être un échec total. Qu'aurions-nous fait alors? Des échecs, nous en avons connus et nous avons dû les diffuser car nous n'avions rien d'autre à programmer à leur place. Les Bougon a connu un succès incroyable. Je souhaiterais qu'on fasse beaucoup plus de séries de ce genre, mais, en tant que programmeur, on sait que certaines émissions ne connaîtront pas de succès. Et nous ne pouvons pas nous permettre un échec.
Je suis désolé.
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Bien sûr. Il y a quelque temps que nous y travaillons. Nous avons intégré différents types de services. Il n'y a pas si longtemps de cela, nous avons intégré tous les services de soutien, les communications, les ressources humaines et les finances. Nous visons l'intégration des nouvelles pour une grande partie de nos opérations régionales. Pour les services en français, je crois que les nouvelles ont été entièrement intégrées depuis deux ans. C'était donc une étape logique dans la voie que nous suivons.
Concrètement cela veut dire plusieurs choses. D'abord, je ne pense pas que l'on fera des changements au service de radio en anglais. Je pense vraiment que ce service a beaucoup de succès ces derniers temps. Quand j'ai commencé à la télévision, je disais que si le service de télévision en anglais pouvait être aussi intelligent, avoir un succès équivalent à celui du service radiophonique anglais et s'il serait tout autant apprécié du public canadien, alors je serais ravi.
Cela nous permettrait de faire plusieurs choses. Pour revenir au point soulevé par Bob plus tôt concernant les différentes plates-formes émergentes, qu'elles soient mobiles, similaires à celles de Google, Internet ou d'un tout autre type, notre réorientation nous permettra d'exploiter intelligemment ces différentes plates-formes.
Nous pourrions aussi élaborer des offres conçues dès le début pour toutes les différentes plates-formes. Nous avons commencé à le faire à Vancouver depuis quelque temps. Nous nous sommes posés la question: à quoi va ressembler le journal télévisé du XXIe siècle, surtout au niveau local?
Nous nous sommes dit qu'il aura au moins deux caractéristiques très importantes. L'une est que les Canadiens puissent voir le journal où qu'ils se trouvent et quel que soit le type d'appareils qu'ils utilisent. Nous avons donc conclu qu'il faudra une offre utilisable sur plusieurs plates-formes. Elle fonctionnera à la radio, la télévision, sur les appareils mobiles, sur Internet, etc., ainsi nous pourrons offrir aux Canadiens les nouvelles sur le support de leur choix. L'offre sera donc conçue à partir de ces critères.
La deuxième chose que nous nous sommes dite — encore une fois, pour utiliser une métaphore — était que nous devrions percevoir moins le journal télévisé comme étant un modèle de diffusion conventionnel. On n'en est plus à donner les nouvelles, il s'agit d'autre chose. Nous engageons un dialogue avec les Canadiens sur ce qui fait les nouvelles. C'est une prise de position.
Nous voulons offrir un téléjournal beaucoup plus réseauté et interactif par l'entremise duquel les Canadiens pourront non seulement donner leur point de vue sur ce qui est important dans les nouvelles, mais ils pourront aussi commenter les nouvelles que nous présentons et discuter entre eux de la manière de présenter les nouvelles. Et même plus, ils pourront nous envoyer par téléchargement des articles et des histoires qui constituent des nouvelles. Donc, on pourrait dire que nous n'utilisons plus le modèle de diffusion pour donner des nouvelles, mais un modèle de réseau social.
J'ai travaillé sur ce plan à Vancouver. Vous comprendrez que la mise en oeuvre de ce plan nécessite l'intégration de tous les services, une série commune de priorités éditoriales. Ainsi que Robert le disait plus tôt, les journalistes vont à la recherche de nouvelles, pas seulement pour la télévision et la radio, mais pour Internet et aussi pour les appareils portables.
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Je parlerai d'abord du mandat, et ensuite, de l'argent.
Le mandat de Radio-Canada ne change pas, mais comme le mandat de tous les médias, il évolue. Prenons l'environnement des grands médias internationaux. Quand on agit, par exemple, en Afrique francophone ou ailleurs dans le monde et que Radio Canada International diffuse, il fait face à de grands diffuseurs internationaux comme la BBC, Voice of America ou Radio France Internationale, qui ont beaucoup plus de moyens et qui sont capables d'offrir des services d'information complets et bien dirigés. RCI est beaucoup plus petit et doit se distinguer de ses concurrents.
Toujours dans la logique des valeurs démocratiques et culturelles qu'on veut défendre, on se dit que RCI doit être un outil qui diffuse à l'étranger les valeurs démocratiques et culturelles des Canadiens. Cela se diffuse-t-il seulement par des bulletins de nouvelles ou cela se diffuse-t-il aussi par des émissions culturelles, plus générales, plus sociales, à propos du Canada? Cette question de programmation est intéressante.
Il y a eu une évolution, c'est vrai. Le mandat n'a pas changé, mais il a été adapté: si on veut vraiment véhiculer des valeurs démocratiques et culturelles, ce n'est pas que par des bulletins de nouvelles qu'on peut le faire. Les bulletins de nouvelles produits par CBC en anglais ou par Radio-Canada en français sont généralement de bons bulletins de nouvelles qui couvrent, grosso modo, ce qui se passe au Canada.
Il y a peut-être eu un déplacement vers des émissions où le contenu touche davantage la culture et la société ou l'information, mais cela me semble être simplement une adaptation de la personnalité de RCI à la réalité actuelle des diffuseurs internationaux.
Y a-t-il moins de diffusion qu'avant? Il est certain que les moyens techniques de diffusion des grandes radios internationales ont beaucoup changé et que les ondes courtes, par exemple, ont beaucoup moins d'effet aujourd'hui que le Web et que les rediffusions sur FM, dans certains marchés, ou ailleurs.
Radio Canada International est aujourd'hui, à mon avis, une entreprise multimédia. Si vous allez sur le site de RCI, vous trouverez beaucoup de vidéo et d'audio. RCI est devenu une cellule de production un peu spécialiste des questions de migrations et d'immigration dans le monde, parce que le Canada est un pays important et doit être un exemple dans le monde pour ces questions. Cela me semble un rôle important.
Le coeur du mandat de RCI n'a pas changé.
En ce qui concerne les finances, RCI dispose d'environ 15 millions de dollars. Que l'argent des communications soit donné par une équipe de communications, que ce soit écrit Radio-Canada International sur le bordereau de chèque ou que le chèque soit fait par une équipe de communications et qu'il y soit écrit Radio-Canada, honnêtement, cela ne change pas grand-chose. Je pense qu'il est plus efficace d'utiliser une grande équipe spécialisée en communications ou une grande équipe de finances et d'intégrer RCI à nos structures, comme on le fait dans l'ensemble de nos opérations à Radio-Canada, principalement depuis l'arrivée de Robert. Cela me semble être simplement de l'efficacité de gestion ordinaire et du gros bon sens.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous trois d'être revenus au comité.
Monsieur Rabinovitch, merci pour vos nombreuses années de service chez notre radiodiffuseur public. Je suppose que ce n'est pas la dernière fois que vous comparaissez devant le comité. Un ancien président de CBC/Radio-Canada a comparu devant nous durant cet examen du mandat. Un jour, ce sera aussi peut-être votre tour.
J' ai remarqué que, dans votre allocution, vous avez fait plusieurs audacieuses déclarations qui m'ont, très honnêtement, encouragé. Vous n'êtes pas sur le déclin. Vous avez clairement décrit les problèmes financiers auxquels se heurte CBC/Radio-Canada. Vous avez aussi souligné ce qui est, à votre avis, le minimum requis pour répondre aux besoins du radiodiffuseur public.
Je peux aussi vous assurer que nous allons entendre le témoignage d'organisations comme la BBC, PBS et peut-être le radiodiffuseur public australien, nous ne sommes donc pas près de terminer.
À propos de vos déclarations audacieuses, ce qui m'a intrigué c'est que vous avez dit clairement que vous ne pouvez pas réussir si le public n'écoute pas ou ne regarde pas vos programmes. Vous l'avez même mis en caractère gras: « ... mais il reste qu'un radiodiffuseur public doit avoir un public. » C'est tout à fait vrai. Nous voulons qu'un large auditoire regarde les programmes que nous diffusons. Nous ne pouvons pas être élitistes. Nous devons nous concentrer sur le public qui paye pour le radiodiffuseur public.
Vous vous êtes aussi exprimé vigoureusement sur la microgestion. M. Siksay avait soulevé ce point et je crois que M. Scarpaleggia aussi. Sans entrer dans les détails de ce qui a été discuté à huis clos, je pense qu'il est juste de dire que nous avons parlé de la microgestion, bien que je crois que le consensus est qu'il ne faut pas en parler; nous pouvons en avoir une définition différente.
Ma question porte sur un problème qui peut être microgéré au détriment de CBC/Radio-Canada. Il s'agit de toute la question de la programmation canadienne. Combien y en aura-t-il? Quand sera-t-elle diffusée? Croyez-vous que le comité ou le gouvernement ont un rôle à jouer pour fournir des directives sur la façon de diffuser la programmation canadienne, en tenant compte des exigences que vous a imposées le CRTC dans le cadre de votre demande de licence?
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Laissez-moi d'abord réagir à la partie initiale de votre déclaration, à savoir que vous ne pouvez avoir un radiodiffuseur public sans un public.
Ce message ressort très clairement si vous parlez aux télévisions de France ou à la BBC, que vous ne pouvez être un organisme élitiste. Vous devez avoir une diversité de programmation. C'est pourquoi j'essaie de dire qu'un radiodiffuseur public doit avoir une diversité de programmation pour attirer le public et, ce faisant, lui montrer et lui offrir des émissions différentes et différents genres d'émission.
Je le crois fermement. Si vous regardez la BBC, cette dernière a un concept appelé « ancrage » dans lequel une émission très sérieuse est placée entre deux émissions très populaires. C'est pour cette raison qu'on appelle cela ancrage. Mais sans l'émission initiale, EastEnders ou quelque chose de semblable, vous ne pouvez capturer l'auditoire pour faire le reste.
Il s'agit d'un concept extrêmement important. À vrai dire, je n'aimerais pas que CBC/Radio-Canada devienne PBS Nord, qui a une part d'auditoire de 1,5 p.100 et qui, en bout de ligne, a perdu le respect de l'ensemble de la population pour ce qui est du financement dont la station a besoin. La station n'arrive plus à vivre de ses campagnes de souscription. Elle ne vit pas du financement gouvernemental.
Maintenant, pour répondre à votre question, il est vraiment important de commencer à définir ce qu'est la microgestion et ce qu'elle n'est pas. Je pense que lorsque vous nous dites de présenter davantage de comédies et d'émissions de variétés, cela ressemble beaucoup à de la microgestion. Nous dire d'être un service pancanadien avec « certaines des meilleures émissions dans le monde », ce n'est pas de la microgestion. C'est simplement renforcer ce que devrait être le mandat d'un radiodiffuseur public au Canada.
Comme vous le savez, nous pensons que le trou le plus important se trouve au niveau des spectacles et des dramatiques du côté anglophone, et je pense qu'il est parfaitement légitime que le comité soit en accord ou en désaccord avec cette question en tant que concept, sans franchir la ligne de la microgestion. Je serais très préoccupé si vous nous disiez que nous devions avoir six heures et demie et que nous ferions mieux de sacrifier notre vendredi soir pour avoir des comédies. Eh bien, nous aurons des comédies — je pense que nous excellons dans ce genre — mais arrivera peut-être un jour où ce ne sera pas le bon genre d'émission à présenter quel que soit le moment, et je serais un peu préoccupé si nous devions descendre d'un autre cran.
Mais certainement un contenu proprement canadien, pour renforcer quelques-uns des principes enchâssés dans la loi — et qui étaient déjà dans la loi de 1968. Pourtant, à l'époque on diffusait surtout des émissions américaines aux heures de grande écoute. Je pense que mes prédécesseurs et moi nous sommes orientés vers une programmation beaucoup plus canadienne aux heures de grande écoute. Mais encore une fois, nous devons financer cela d'une manière ou d'une autre, et nous devons attirer cet auditoire, parce que sans auditoire... C'est pourquoi avoir un grand succès comme Little Mosque, qui va chercher un auditoire d'un million de personnes, est un coup de circuit pour nous. Cela démontre qu'on peut le faire et que nous pouvons attirer les gens et, pour être franc, que vous pouvez également utiliser l'humour pour transmettre un message très important
Alors, je dois compter — en pesant bien mes mots — sur la maturité des membres du comité pour décider où se situe la ligne en ce qui a trait à la microgestion.
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Il n'y a pas de bonne réponse. Tout dépend de nos convictions concernant ce qu'il faudrait faire et la manière de s'y prendre.
Il est très simpliste de prétendre que, parce que le premier ministre nomme le président-directeur général, il y a ingérence politique. En fait, c'est une nomination analogue à celle des juges de la Cour suprême. Il n'y a pas de différence avec la nomination d'un juge à la Cour fédérale. Ils sont nommés par le ministre de la Justice ou par le premier ministre. Cela ne signifie pas pour autant que le système de justice est corrompu. En fait, les faits indiquent tout le contraire, et je dirais que c'est le cas également de la SRC. À mon avis, soutenir une pareille affirmation représente tout simplement une diversion.
Je peux vous affirmer qu'en huit années de mandat, je n'ai jamais vu même un soupçon d'ingérence de la part d'un ministre ou du premier ministre, et je crois pouvoir affirmer la même chose au sujet de mes prédécesseurs. Ils n'ont pas eu à faire face à de l'intervention ou à de l'ingérence. Le gouvernement n'aime peut-être pas certaines de nos programmations. Il se peut qu'il soit peut-être préoccupé, en règle générale surtout quand a lieu un plébiscite ou autre chose de cette nature, mais il sait être très discret et consciencieux. Selon moi, il y va de la maturité du régime gouvernemental de respecter le rôle du diffuseur public et son indépendance.
Rappelez-vous que ma nomination — mon mandat achève — est ce que nous appelons, au sein du gouvernement, « à titre inamovible », tout comme celle du juge. Ce n'est pas une nomination « à titre amovible ». On ne peut pas me mettre à la porte, sauf par l'adoption d'une motion mixte de la Chambre et du Sénat. C'est conçu délibérément pour faire en sorte que le diffuseur est indépendant lorsqu'il y a un changement de régime parce que nous représentons une source tellement importante de nouvelles au pays.
On pourrait contester les raisons pour lesquelles le pdg est nommé par le conseil d'administration, mais l'argument qu'on a fait valoir au sujet de l'intervention et de l'ingérence ne tient tout simplement pas la route si l'on se fie aux faits des cinquante dernières années. Il n'est tout simplement pas valable. Les conseils d'administration ont eu tendance à être mixtes, en toute équité, en toute candeur, et ils ont eu tendance à être beaucoup plus sectaires ou politiques que le pdg. Le pdg, qui qu'il soit, a eu tendance à porter le chapeau tout comme un juge. C'est là un emploi unique. C'est un emploi merveilleux. C'est un emploi difficile qui, chaque jour, vous rappelle le caractère unique de votre fonction, soit de protéger l'indépendance du radiodiffuseur public, parce que vous savez à quel point sa situation est précaire et fragile.
Les conseils d'administration sont une tout autre paire de manches. Les mandats des membres du conseil d'administration sont très courts. Les nominations peuvent être et sont un cadeau fait par un ministre ou par un gouvernement. Parfois, les conseils d'administration sont excellents. D'autres fois, ils ne sont pas aussi bons. Ils ont tendance à être, sauf votre respect, très sectaires et, contrairement à ceux de la BBC, qui est le modèle dont on s'inspire et dans le cadre duquel le conseil d'administration nomme le pdg, mais ne nomme pas son président —, le président du conseil est nommé par le gouvernement... Si vous vous arrêtez à la qualité des personnes nommées au conseil d'administration, ce sont les personnes les plus haut placées de la société britannique. La qualité des personnes nommées à ce conseil est très distincte, et si elles devaient donner des ordres, la situation pourrait être très différente de la nôtre, où la tradition est différente.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je me permets de féliciter notre nouveau président. Je vous souhaite franc succès dans ce nouveau mandat.
Bob et moi nous connaissons depuis bien des années. En fait, j'ai fait partie pour la première fois du comité en 1997 et j'en ai été membre pendant quatre ans probablement. Je peux affirmer avec assurance que vous avez fait de l'excellent travail.
Comme vous l'avez dit, le poste est en réalité non sectaire et vous êtes une excellente illustration d'un pdg non sectaire. Je sais qu'au fil des ans, vous avez pris le temps de vous entretenir avec tout un chacun, avec les différents caucus, et que vous avez fait de votre poste un poste non sectaire. Je tiens donc à vous remercier d'avoir rendu ce service au pays.
J'ai toujours été un chaud partisan de la SRC, parce qu'elle représente une espèce de ciment qui fait du pays un tout, tout simplement en raison de sa grande étendue. Pour ce qui est de l'avenir, je crois qu'elle a probablement un rôle encore plus grand à jouer que dans le passé. Je suis conscient des défis, comme vous les appelez, des différents modes médiatiques actuels, mais il faut assurer une présence dans chacun d'entre eux.
Votre initiative visant à rétablir les stations radiophoniques communautaires représente presque un retour dans le futur. À une certaine époque, effectivement, vous aviez des stations dans les petites localités, de même que des stations de télévision. Je sais que beaucoup d'entre elles ont été fermées.
Je représente la deuxième circonscription rurale au Canada. Je sais que de nombreux Canadiens y utilisent les services de la SRC. Ils ont deux problèmes. Primo, ils adorent la radio, parce qu'elle leur permet vraiment de suivre ce qui se passe. Dans ma circonscription, des électeurs n'ont pas en réalité de service radiophonique régional. Ils doivent suivre l'actualité de la Saskatchewan et syntoniser de petites stations FM.
Toutefois, ils ont une autre source de préoccupation — peut-être date-t-elle —, soit la diffusion sur les ondes d'émissions télévisées. Peut-être est-ce une chose du passé. Vous pouvez peut-être répondre à la question que voici: la diffusion sur les ondes d'émissions de télévision est-elle chose du passé?
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Merci beaucoup pour vos commentaires. Ils sont très appréciés.
J'aimerais toutefois faire une petite correction: Je ne crois pas que nous ayons fermé de stations radiophoniques ces derniers temps, mais nous avons mis fin à certaines émissions de télévision. Il y a eu un changement démographique majeur au pays. Vous vivez dans un des secteurs de croissance; les autres ont atteint une certaine stabilité, et ce sont dans ces secteurs que nous desservons le moins de gens, à l'exception de certaines régions de l'Ontario.
Pour ce qui est de la diffusion par ondes hertziennes, à l'heure actuelle, 90 p. 100 des gens reçoivent leur programmation télévisuelle par satellite ou par câble, et un jour, nous utiliserons la télévision par protocole Internet. Quand je dis « un jour », ce n'est pas tout à fait vrai, puisque cela existe déjà, mais ce n'est pas assez au point pour être compétitif. Mais bref, 90 p. 100 des gens reçoivent leurs émissions télévisées de cette façon.
Ce qui est aussi intéressant, monsieur Mark, c'est qu'étant donné que le nombre d'antennes satellites a augmenté au cours des dernières années, les 10 p. 100 restants ne vivent pas nécessairement dans des régions rurales. Ce sont des gens qui décident tout simplement de ne pas avoir le câble. Ils vivent à Toronto ou à Montréal. En fait, à Montréal, le nombre de gens qui reçoivent leur service par la voie des ondes est assez élevé. C'est leur choix.
Nous avons mis en place le programme de rayonnement accéléré, financé par le gouvernement, pour étendre l'accès aux services à toutes les communautés de 500 habitants et plus, parce que c'était le principal moyen de recevoir le signal télévisuel. Toutefois, cela a changé du tout au tout, à un point tel que je me demande si nous ne sommes pas prisonniers d'une technologie dépassée dont nous n'avons plus besoin.
Nous avons vécu une situation très drôle que je ne devrais peut-être pas vous raconter. Vous savez, ces tours prennent de l'âge, et une tour s'est effondrée. Cela a pris une semaine avant que quelqu'un ne s'en rende compte. Autrement dit, personne n'écoutait Radio-Canada. Les gens l'écoutaient peut-être, mais au moyen de leur satellite. Il coûterait moins cher d'offrir le service satellite à tous ceux qui ne l'ont pas dans les régions éloignées — c'est-à-dire leur donner l'antenne — que de renouveler ces installations.
Encore une fois, je ne fais que dire là où le gouvernement devrait investir. Je lui recommanderais d'opter pour la télédiffusion numérique en direct, particulièrement dans certaines grandes villes, mais de la limiter. Nous en visons 42; nous pourrons peut-être nous en tirer avec 20, parce que chaque cent que je peux économiser, je peux l'investir dans la programmation, et c'est ce que nous cherchons réellement à faire.
Lorsqu'il s'agit des productions que nous avons nous-mêmes créées, il n'y a aucun problème. Nous contrôlons tous les droits depuis le début. Là où la question des droits se complique, c'est lorsque nous travaillons avec d'autres, particulièrement des producteurs indépendants.
Voici la position que nous avons adoptée au départ vis-à-vis des producteurs indépendants: nous leur avons dit que personne ne savait comment tout cela allait fonctionner. Comme ces plateformes sont toutes nouvelles, nous ignorions les coûts d'exploitation et les bénéfices que nous pouvions en tirer. Toutefois, ce que nous savions, c'est que nous devions suivre les Canadiens si nous voulions que nos émissions demeurent populaires auprès du public.
Nous avions proposé aux producteurs d'établir ce genre de partenariat. Nous leur avions dit que nous étions heureux de diffuser, que ce soit sur la plateforme télévisuelle ou d'autres — mobile, Internet, etc. — et que nous allions procéder comme s'il s'agissait d'une vente de programmes. Nous leur avons proposé de partager les profits réalisés au-delà des coûts associés à la distribution.
Jusqu'à présent, les producteurs nous ont dit qu'ils ne savaient pas trop quoi en penser. Pourquoi alors ne pas faire quelque chose de différent? Les producteurs qui sont certains peuvent accepter; ceux qui ne le sont pas pourraient diviser les négociations en deux plateformes: une concernant les droits de télévision, et ensuite, lorsque celles-ci seront conclues, une autre en ce qui a trait aux droits dérivés.
Pour être très honnête, ce n'est pas une façon très efficace de procéder. Si vous créez quelque chose qui, au départ, est destiné à être diffusé sur toutes les différentes plateformes, ce sera très difficile de séparer les négociations sans complications.
Je pense que ce qui est très important — et aussi très difficile —, c'est de trouver des modèles qui permettront aux deux parties d'en profiter le plus équitablement possible, en reconnaissant qu'il s'agit d'une toute nouvelle avenue que nous devrons explorer ensemble.