Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de me présenter devant vous ce matin pour échanger sur mes nouvelles fonctions à titre de président-directeur général de CBC/Radio-Canada.
Dans quelques semaines, j'assumerai un rôle des plus fascinants, celui de diriger l'une des plus importantes institutions culturelles au Canada. Ce sera pour moi un grand honneur d'occuper ce poste, et sachez tout de suite que je suis bien conscient des responsabilités qui en découlent et que je suis prêt à les assumer.
La radio et la télévision et, de plus en plus, l'Internet sont aujourd'hui les principaux véhicules de la culture dans notre société et sûrement les meilleurs outils que nous avons à notre disposition pour joindre tous les Canadiens. De ces outils, Radio-Canada est sans doute le plus efficace pour propager et promouvoir la culture canadienne.
Les Canadiens sont constamment bombardés d'influences culturelles provenant d'autres pays. Ils doivent donc pouvoir compter sur un radiodiffuseur public indépendant et solide qui reflète leur réalité et leur identité.
[Traduction]
Comme vous pouvez le constater à la lecture de mon curriculum vitae que vous avez devant vous, j'en suis sûr, j'ai pratiqué le droit des affaires pendant de nombreuses années. J'ai eu la chance de côtoyer et de conseiller certaines personnalités les plus en vue du monde des affaires, des dirigeants de multinationales canadiennes, dont les activités s'étendent bien au-delà de l'Amérique du Nord.
J'ai également eu le privilège de siéger à titre d'administrateur au conseil d'administration de plusieurs sociétés ouvertes. Depuis ma première expérience avec CircoCraft en 1984, j'ai occupé diverses fonctions au sein des conseils d'administration de dix sociétés ouvertes. J'ai aussi dirigé et géré une grande société de portefeuille privée, dont les placements couvraient de nombreux secteurs. Au sein de Télémédia, je supervisais les activités de 14 entreprises différentes dans les domaines de la radio, de l'édition, de la publicité intérieure, de l'immobilier, des microplaquettes semi-conductrices et des services sans fil.
J'ai donc aidé des entreprises, privées et publiques, à se tailler une place dans leur environnement en évolution rapide, et à affronter la concurrence. J'ai pu dégager des tendances, évaluer les menaces et les défis, et aider les dirigeants d'entreprises à écarter ces menaces et même à en tirer parti souvent. J'ai également mis sur pied et dirigé des équipes de grand talent.
Toutes ces compétences et tous ces atouts, je les mets maintenant au service de notre radiodiffuseur public.
[Français]
Mais, monsieur le président, mon travail ne consistera pas à créer des émissions. Comme vous le savez, Sylvain Lafrance et Richard Stursberg dirigent des équipes très talentueuses qui s'occupent présentement de la programmation à CBC/Radio-Canada.
Mon rôle sera plutôt de gérer la société et de lui donner une orientation stratégique. Je devrai créer un environnement qui permettra à nos employés de mettre à profit leur créativité. Je devrai comprendre le secteur des médias et en cerner les nouvelles tendances, bien comprendre les habitudes d'utilisation des médias par les Canadiens ainsi que les modes de financement des émissions. Je devrai également bâtir des alliances stratégiques et trouver de nouvelles sources de revenu. Si je réussis à faire tout cela, la société aura alors les moyens et l'élan dont elle a besoin pour continuer de créer des émissions pertinentes et passionnantes.
Comme la plupart des Canadiens, j'ai grandi avec CBC/Radio-Canada. Tous les jours, je suis revenu de l'école pour m'installer devant Bobino et Bobinette. J'avais ensuite droit à quelques minutes de La Boite à Surprise avant que ma mère ne m'envoie dans ma chambre faire mes devoirs.
J'ai également suivi religieusement le hockey. Ce sont des voix, ce sont des commentateurs comme Danny Gallivan, Dick Irvin et René Lecavalier qui m'ont fait découvrir et aimer ce sport. Puis, en grandissant, The National, Le Téléjournal et Le Point sont devenus mes repères en matière d'information.
[Traduction]
Ensuite, Ross Porter m'a initié au jazz et je suis devenu un amateur de ce genre de musique.
[Français]
Plus tard, lorsque j'ai travaillé pour Radio-Canada en commentant les matchs de basket-ball lors de trois jeux olympiques et que j'ai collaboré chaque semaine à l'émission Hebdo Sports à la radio française, j'ai pu constater la passion qui anime tous les gens de Radio-Canada.
[Traduction]
Tous les membres de l'équipe, de l'employé qui monte les décors, au technicien de studio ou au réalisateur et présentateur, tous visaient toujours l'excellence, c'est-à-dire créer la meilleure émission qui soit, à chaque fois. C'est une attitude que j'admire.
Lorsqu'on m'a proposé ce poste, j'ai eu l'occasion de rencontrer certains des hauts dirigeants de CBC/Radio-Canada, ainsi que le président du conseil d'administration, et j'ai encore une fois pu constater cette grande passion pour l'excellence que j'avais remarquée dans les studios. Cette même passion pour l'excellence ne s'est pas démentie au cours des dernières semaines, au fil des rencontres que j'ai eues avec des employés de la Société. Je voulais écouter leurs points de vue et leurs idées pour relever les défis qui nous attendent. J'ai l'intention de poursuivre ce dialogue avec les employés, les interlocuteurs et les dirigeants de tout le pays, afin de mieux comprendre la perception qu'ils ont de CBC/Radio-Canada et d'accomplir mon mandat en poursuivant sur cette lancée, avec le maximum d'efficacité.
Votre engagement envers la culture canadienne n'est pas un secret pour moi. Je sais que vous portez un intérêt constant à CBC/Radio-Canada, et c'est ce qui vous pousse notamment à évaluer son mandat actuel. Votre rapport, que j'attends avec impatience, viendra davantage étoffer et définir mon mandat. J'espère sincèrement pouvoir vous rencontrer fréquemment afin d'avoir votre avis sur le travail que nous accomplirons.
Je suis conscient du fait que CBC/Radio-Canada est avant tout une organisation axée sur la créativité, qui doit prendre des risques et évoluer constamment. En tant que telle, elle a un rôle spécial à jouer dans ce pays. Mais, comme toute grande société qui se respecte, elle doit également s'occuper de ses employés, équilibrer ses budgets, financer sa programmation et offrir aux Canadiens des services qui leur en donnent pour leur argent.
Dans l'exercice de mes fonctions, j'aurai toujours à me poser des questions difficiles comme celles-ci: Est-ce que cela entre dans le cadre de notre mandat? Quelles sont nos forces? Que pouvons-nous faire mieux? Est-ce que les Canadiens nous regardent, nous écoutent et utilisent nos services? Si oui, pourquoi? Et si non,aussi pourquoi? Et enfin, donnons-nous de la valeur à CBC/Radio-Canada?
[Français]
J'estime donc que pour que CBC/Radio-Canada puisse remplir son mandat, elle doit pouvoir profiter à la fois d'une grande créativité et s'appuyer sur une saine gestion; l'une ne peut survivre sans l'autre.
Comme moi, vous savez que le secteur de la radiodiffusion est actuellement le théâtre de profondes transformations. Pour réussir dans ce contexte, CBC/Radio-Canada doit continuer à faire preuve de créativité et à déployer des stratégies audacieuses.
En ajoutant mes compétences au talent de l'équipe de direction dont s'est entouré Robert Rabinovitch et grâce au dévouement de tous les employés de la société, nous pourrons aider le radiodiffuseur public à prospérer dans son nouvel environnement.
[Traduction]
Monsieur le président, après cette introduction, je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Nous allons commencer par la question qui se rapporte aux défis de CBC et ensuite je parlerai des techniques de gestion ou de mes expériences antérieures qui pourraient m'être utiles.
Il y a quelques minutes, je crois que la première question que l'on m'a posée portait sur les risques présents actuellement dans l'environnement où évolue Radio-Canada. Je pense que j'y reviendrai, car ils sont très très importants.
Radio-Canada fait face à des regroupements dans le secteur de la radiodiffusion. À l'heure actuelle, cinq ou six sociétés regroupées, soit cinq ou six familles, détruisent, non, je veux dire détiennent... Désolé, quel lapsus!
Des voix: Oh, oh!
M. Hubert T. Lacroix: On me le resservira peut-être un jour!
Des voix: Oh, oh!
M. Hubert T. Lacroix: Ces familles détiennent un monopole dans le secteur des médias et de la radiodiffusion. C'est un fait. Elles sont puissantes actuellement et ont des marques de commerce et des services qui ne se limitent absolument pas à un seul aspect de ce qu'elles font.
[Français]
Il s'agit ici du principe de convergence.
[Traduction]
Évidemment, maintenant tout le monde a compris et tout le monde le fait, y compris Radio-Canada. Cependant, notre société n'a pas les moyens financiers pour lutter quotidiennement contre ces entreprises, aussi elle doit d'user de stratégies. Le mandat de Radio-Canada tel que prévu par la loi est très important. Notre société doit offrir toute une gamme de services à un large éventail de personnes dans les diverses régions du pays et sur différentes plates-formes. C'est tout un défi. L'environnement où nous évoluons est également ouvert à un public différent. Nous en avons parlé il y a quelques minutes. Là aussi, c'est en train de changer.
À mon avis, ce sont là les défis importants. J'y reviendrai et j'en reparlerai, car ce sont des choses importantes que je garde en tête en ce moment.
Quant aux techniques de gestion, je crois vraiment aux équipes. J'apporte mes compétences à une équipe solide. Robert Rabinovitch l'a très bien fait. Actuellement, les membres de cette équipe sont tous excellents dans leurs différentes positions de jeu. Excusez-moi d'utiliser ce cliché, mais je suis un sportif et j'ai été influencé par le sport. Je serai entouré d'une très bonne équipe de gestion. Je vais collaborer avec cette équipe et puisque j'ai toujours travaillé en équipe, que j'ai toujours fait un travail d'entraîneur, je pense que cela tombe bien.
:
Merci beaucoup. Bienvenue.
Ce n'est pas facile de faire face à tout un groupe de gens que vous posent continuellement des questions.
Je voulais revenir à certains points que vous avez mentionnés dans votre allocution. Vous avez affirmé que votre travail ne consistait pas à intervenir dans la programmation, mais à gérer et diriger. Il est évident que vous considérez que votre travail ne consiste pas simplement à gérer, mais plutôt à diriger. Et pour diriger, vous devez bien avoir une vision. Par conséquent je voulais vous demander de nous exposer cette vision.
On nous a dit que CBC/Radio-Canada faisait face à d'énormes défis. Un d'entre eux est l'infrastructure et la modernisation des émetteurs radio afin qu'ils aient une plus grande portée dans les régions. Et le deuxième défi, celui de la régionalisation, est directement lié à l'infrastructure. Comment CBC/Radio-Canada représente-t-elle efficacement les régions? Cela nous ramène à votre deuxième point concernant le financement. Toutes ces questions sont interdépendantes — la capacité d'offrir un service régional, la portée des émissions, la capacité à faire face aux problèmes d'infrastructure découlant des techniques numériques et des émetteurs, etc. Tous ces aspects nécessitent un financement.
Vous avez parlé d'alliances et une alliance en entraîne une autre. Quand on fait une alliance, on s'expose à changer. Pensez-vous que ces alliances risquent de menacer CBC/Radio-Canada dans son autonomie, son mandat, etc.? Pensez-vous qu'un renforcement des activités commerciales de CBC/Radio-Canada en vue de lui permettre d'augmenter ses revenus, contribuerait à dévaluer ou renforcer son mandat? Voilà une question que vous devrez vous poser au moment où vous chercherez des alliances et du financement.
Enfin, comment entrevoyez-vous la régionalisation, compte tenu de la structure financière actuelle? Vous avez parlé du multiculturalisme, mais vous affirmez ne pas vouloir vous immiscer dans la programmation. Comment envisagez-vous d'affirmer la pertinence de CBC/Radio-Canada à l'égard du caractère multiculturel de notre pays sans vouloir intervenir au niveau de la programmation?
Je sais que je vous ai posé trois questions dans tout cela.
Merci.
:
En fait, j'aurais à poser deux questions convergentes — on peut faire un jeu de mots. Il y a un budget global pour la société d'État. La CBC a sa part et Radio-Canada a la sienne. J'ai constaté que Radio-Canada avait moins d'argent que la CBC et que, paradoxalement, la CBC était moins écoutée que Radio-Canada parce que, qu'on le veuille ou non, elle est en langue anglaise, et les gens hors Québec ont plus tendance à regarder les émissions américaines que celles de la CBC, forcément.
Pensez-vous qu'on devrait plutôt établir les budgets en fonction des cotes d'écoute? Puisque Radio-Canada est plus écoutée, elle devrait avoir plus d'argent pour faire plus de choses, d'une part.
D'autre part, comme vous le savez, le gouvernement du Canada a reconnu que le Québec formait une nation. Vous savez aussi sûrement qu'au Québec, on ne parle pas de multiculturalisme, mais plutôt d'interculturalisme. On ne parle pas de bilinguisme, mais plutôt de français et du fait français.
Envisagez-vous, par exemple, de tenir compte de cette particularité du Québec, et ce, même si Radio-Canada n'est pas écoutée seulement au Québec mais aussi par les francophones hors Québec?
Pensez-vous qu'il est important que la société, du côté français, puisse refléter ce que le Canada vient de reconnaître, c'est-à-dire que le Québec forme une nation et que son peuple est différent de celui du Canada?
:
Merci beaucoup. Les questions étaient excellentes et m'ont permis de comprendre les préoccupations de tous.
Et merci à vous, monsieur Lacroix, pour vos excellentes réponses. Vous vous êtes exprimé de façon franche et ouverte avec nous aujourd'hui.
J'aimerais ajouter un petit détail avant que nous fassions une brève pause, puisque nous devons présenter une motion.
Lorsque notre comité était à Yellowknife, nous avons tenu une réunion publique locale à l'assemblée législative et nous avons entendu les diverses délégations et autres témoins inscrits au Feuilleton — je pense que la réunion a duré deux heures et demie ou presque trois heures — par la suite, j'ai donné la parole aux autres personnes qui se trouvaient dans la salle ce soir-là. Dans le fond, un homme qui n'avait pas participé au débat jusque-là se leva...
Si j'évoque ce détail maintenant, c'est que dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit : « Puis, en grandissant,The National, Le téléjournal, et Le point sont devenus mes références en matière d'information. Ensuite, Ross Porter m'a initié au jazz. »
Cet homme assis en arrière a dit qu'il n'aimait pas l'émission de deux heures consacrée au jazz.
Quant à moi, je dois dire que j'aime beaucoup la palette variée de musique qu'offre CBC et je pense que c'est extraordinaire pour ceux qui aiment le jazz. Mais je voulais citer le commentaire de cet intervenant pour souligner que la seule chose qu'il n'aimait pas à CBC, c'était les deux heures de jazz.