:
Merci. Bonjour. Je me présente : Irene Tsepnopoulos-Elhaimer. Je présente le Rape Crisis Centre du WAVAW — Les femmes contre la violence à l'égard des femmes. Je vous remercie tous de cette occasion de participer à vos délibérations. Nous sommes très heureuses d'avoir été invitées aux Communes pour vous faire part de certaines des connaissances que nous avons acquises au cours des 25 dernières années grâce à notre travail contre la violence, au Women Against Violence Against Women Rape Crisis Centre de Vancouver.
Nous ne sommes pas ici pour participer à un débat sur la censure. Lorsqu'il faut censurer une production à cause de la violence, il y a déjà un seuil qui a été franchi. Au lieu de songer à la censure et aux boycotts pour faire changer la société, il faut examiner la source des images de violence et non les médias de diffusion.
Il est difficile de savoir si la violence dans les médias suscite la violence ou si elle est une représentation des valeurs et de la violence très réelle de notre société. Il est aussi très difficile déceler les messages transmis par la représentation d'actes de violence, car leur contexte de diffusion en modifie l'impact. Il n'est pas acquis non plus que la diminution de la représentation d'actes de violence puisse agir sur les causes réelles profondes de la violence.
Nous savons qu'un dialogue ouvert peut changer les attitudes et les esprits, et on peut recourir aux médias avec une grande efficacité pour provoquer ce dialogue s'il existe pour cela une volonté et un soutien. Il nous faut plus de messages qui transmettent une image positive de la femme en possession de ses moyens et des relations que nous entretenons, et des messages qui suscitent des questions et un dialogue sur ce que notre société continue d'accepter comme comportements acceptables. Bien des gens peuvent juger innocents et même souhaitables beaucoup de stéréotypes sexuels très insidieux qui peuvent mener à la violence. Il ne manque pas de place dans le monde de la publicité pour des productions qui tranchent avec la violence ordinaire, mais ceux qui pourraient créer et diffuser ces messages concurrencent les budgets des grandes sociétés qui paient des annonces séduisantes et sexistes pour vendre n'importe quoi, et ils doivent satisfaire à des normes de publicité, dans le cas de notre diffuseur public, la SRC, qui plus strictes et contraignantes pour la publicité engagée que pour la publicité des produits.
Il faut se souvenir que nous avons cet échange au moment où le Canada et les États-Unis mènent des guerres et tuent des humains. Nous comprenons très bien le climat dans lequel les Canadiens vivent et la réalité de la violence envers les femmes au Canada.
Qu'est-ce que la violence envers les femmes? Elle se définit comme tout acte qui entraîne ou risque d'entraîner un préjudice ou des souffrances sur les plans physique, sexuel ou psychologique — y compris la menace de tels actes — ainsi que la contrainte ou la privation arbitraire de la liberté, dans la vie publique ou la vie privée.
Pourquoi y a-t-il de la violence contre les femmes? On peut l'attribuer à un certain nombre de facteurs socioculturels, dont une histoire d'inégalité du pouvoir entre hommes et femmes, une socialisation différente pour les garçons et les filles, un accès moindre pour les femmes aux secteurs politique, économique et juridique de la société, une symbolisation inégale du corps des femmes et de celui des hommes et le recours à la violence pour régler les différends interpersonnels.
Voici un portrait de la violence au Canada. En 2002, 69 femmes ont été tuées par leur mari ou compagnon ou leur ancien mari ou compagnon : une à deux femmes par semaine. Au moins un million d'enfants ont été témoins d'actes de violence commis par leur père ou une figure paternelle contre leur mère. Dans 52 p. 100 des cas, la mère craignait pour sa vie et dans 61 p. 100 des cas, elle a subi des blessures corporelles. Les enfants témoins de violence contre leur mère montrent souvent des symptômes du syndrome de stress post-traumatique, et leurs aptitudes sociales et résultats scolaires en souffrent. La moitié des Canadiennes ont subi au moins un incident de violence sexuelle ou physique.
En 2002, 27 100 agressions sexuelles ont été signalées à la police. C'est environ 10 p. 100 des agressions sexuelles commises en une année. Une femme sur six est agressée pendant la grossesse. Du 1er avril 2003 au 31 mars 2004, plus de 95 000 femmes et enfants ont été admis dans 473 refuges aux quatre coins du Canada. Au Canada, 40 p. 100 des femmes ont été agressées sexuellement. Les femmes autochtones de 25 à 44 ans risquent cinq fois plus que les femmes non autochtones du même âge de mourir à cause de la violence, et plus de 500 d'entre elles sont disparues ou ont été tuées au cours de 30 dernières années.
On estime à un milliard de dollars le coût de la violence envers les femmes en Colombie-Britannique : services de police, incarcération, soins de santé, refuges, centres pour les victimes d'agression sexuelle, heures de travail perdues, services aux enfants et instances judiciaires. Au Canada, le montant dépasserait les 4 milliards de dollars par année.
Kofi Annan, ancien secrétaire général de l'ONU, a dit :
La violence à l'égard des femmes constitue probablement la violation de droits humains la plus honteuse. Elle est probablement la plus pratiquée. Elle ne connaît pas de frontières géographiques, culturelles ni économiques. Aussi longtemps que durera cet état de fait, nous ne pourrons pas revendiquer d'avoir fait des avancées réelles en matière d'égalité, de développement et de paix
La violence contre les femmes est le baromètre de la condition féminine dans notre monde et même dans notre pays. Certes, le Canada a pris des mesures formelles pour assurer l'égalité, mais il est clair que, dans les faits, l'égalité n'a pas été atteinte.
Le comité et tous les ordres de gouvernement devraient avant tout chercher comment modifier les attitudes sociales et les structures d'oppression fondées sur le pouvoir qui perpétuent la violence. Nous avons plutôt vu tous les ordres de gouvernement consacrer l'inégalité des femmes, des personnes de couleur et des pauvres.
Je reprends les propos de Zara Suleman, juriste qui milite pour l'égalité des femmes et l'équité entre les sexes :
Au Canada, nous tenons le discours de l'égalité. Nous avons signé des conventions, des déclarations et des traités qui favorisent l'égalité. Nous avons la Charte canadienne des droits et libertés, conçue pour protéger et consacrer les droits à l'égalité. Nos dirigeants parlent librement et avec fierté de l'égalité d'une façon qui donne au monde l'assurance que nous avons trouvé la solution.
Comme le dit et le souligne le site Web des Affaires étrangères, nous sommes les chefs de file mondiaux en matière d'égalité entre les sexes.
Au Canada, nous disons une chose et en faisons une autre. L'an dernier, 12 de 16 bureaux régionaux de Condition féminine Canada ont été fermés, dont celui de Vancouver. Le terme « égalité » a été supprimé dans l'énoncé du mandat pour les subventions de Condition féminine Canada. À Vancouver, nous avons les moyens d'inviter le monde entier pour les Jeux olympiques et construire dans des délais très contraignants des installations coûteuses, mais, dans le Downtown Eastside de Vancouver, les plus pauvres et les plus vulnérables de nos quartiers restent sans logements. Les gouvernements fédéral et provincial et la municipalité les négligent.
En Colombie-Britannique, il y a eu des coupes sombres dans le financement de l'aide juridique pour les pauvres, pour l'immigration, dans les services juridiques pour la famille, services auxquels ont recours surtout des femmes, des personnes handicapées, des pauvres et des travailleurs, des gens de couleurs et des Autochtones.
En 2005 et en 2006, Stephen Harper s'est engagé à appuyer les droits fondamentaux des femmes par des mesures concrètes pour honorer les engagements du Canada, mesures recommandées par le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. L'une de ces recommandations disait qu'il fallait fournir des ressources pour les causes types concernant l'égalité à tous les niveaux. Or, en septembre 2006, le gouvernement Harper a annoncé qu'il éliminerait tous les fonds du Programme de contestation judiciaire au Canada, dont le mandat était de fournir des ressources pour des causes types concernant les droits à l'égalité.
Sans le Programme de contestation judiciaire, des causes importantes qui ont permis de faire valoir les droits à l'égalité des femmes et portaient sur la discrimination sexuelle, la parité salariale et une foule d'autres questions de droits de la personne n'auraient jamais pu être présentées.
Au Canada, les femmes gagnent toujours moins d'argent que les hommes. Si les femmes étaient égales, nous ne serions pas là en train de discuter de la violence dans la vie ou à la télévision, ni, certainement, à discuter de ce projet de loi.
Il ne sert à rien de contrôler les images de violence à la télévision si, dans la vraie vie, on n'élimine pas le problème de l'inégalité des femmes et des groupes marginalisés.
Comme je l'ai déjà dit, il nous faut plus de messages pour rompre l'emprise de la « violence ordinaire », et c'est pourquoi le WAVAW lance une campagne de sensibilisation sur le Web visant les jeunes pour mettre fin à la violence envers les femmes en démasquant les mythes et les stéréotypes sexuels.
Dans notre projet SuperPower, nous reconnaissons que le médium de la télévision n'est pas le seul mode de diffusion influent par lequel nous pouvons aborder les problèmes de la violence, notamment auprès des jeunes. Lorsque les jeunes sont engagés et sensibilisés, ils deviennent des agents de changement social. Ils deviennent des agents actifs en modifiant les paradigmes, ce qui peut contribuer à mettre un terme à la violence. Cela commence à se voir chez les jeunes des groupes multiculturels et autochtones qui collaborent au projet dans le village de Kitimat.
Nous souhaitons des programmes semblables à la télévision pour appuyer une stratégie intégrée qui vise à éliminer la violence dans la vraie vie.
Je m'appelle Cathy Wing, et je suis codirectrice exécutive du Réseau Éducation-Médias.
C'est un grand plaisir de comparaître pour présenter un mémoire au Comité permanent du patrimoine canadien pendant son étude du projet de loi .
Les motifs qui ont inspiré ce projet de loi visant à protéger la santé et le bien-être des enfants sont dignes d'éloge, et c'est un plaisir de pouvoir illustrer le rôle essentiel que joue l'éducation aux médias pour favoriser le sain développement des enfants et donner aux Canadiens, adultes et enfants, les moyens de gérer efficacement les problèmes de contenu des médias.
La violence dans les médias est une question dont les éducateurs, les radiodiffuseurs, les parents et les universitaires discutent depuis des années au Canada. Pendant tout ce long débat, l'éducation aux médias et le développement de l'esprit critique chez les jeunes ont toujours été reconnus comme des éléments clés de toute stratégie efficace.
L'avis publié par le CRTC en 1996 au sujet de la violence à la télévision disait que, même si les codes de l'industrie, les systèmes de classification et la technologie avaient un rôle à jouer, les programmes de sensibilisation et d'éducation au sens critique constituaient l'essentiel de la solution.
Notre organisation est née après une table ronde du CRTC sur la violence à la télévision, en 1995. Elle a été créée au départ sous les auspices de l'Office national du film du Canada. Depuis, notre organisation nationale d'éducation bilingue et sans but lucratif s'est fermement établie aux niveaux national et international comme un centre de premier plan en éducation aux médias. Dès le départ, nous avons eu la chance d'obtenir un soutien durable des industries médiatiques et du gouvernement du Canada sous la forme de contributions financières et d'une participation à notre conseil d'administration.
Nous nous efforçons de faire en sorte que les enfants et les jeunes au Canada aient les compétences et les outils d'un esprit critique et une attitude active face aux médias.
Au Canada, on reconnaît de plus en plus l'importance de l'éducation aux médias chez les jeunes. C'est maintenant un élément du programme d'études dans toutes les provinces et tous les territoires, et nos ressources et programmes sont utilisés dans l'ensemble du Canada par les conseils scolaires, les facultés de l'éducation, les bibliothèques et les organisations communautaires.
De nos jours, les jeunes passent plus de temps au contact des médias qu'à l'école — télévision, musique sur le iPod, navigation sur Internet —, et ils absorbent ainsi une grande partie de leurs connaissances sur le monde, eux-mêmes et les autres. Et cet apprentissage non structuré se fait généralement sans réflexion critique ni conseils.
Voilà pourquoi il est essentiel de faire acquérir aux jeunes des aptitudes à la réflexion critique si on veut qu'ils soient des utilisateurs réfléchis et engagés de tous les médias. La personne avertie a la réflexion critique nécessaire pour interpréter et évaluer le contenu des médias et comprendre leurs ramifications culturelles, politiques, commerciales et sociales.
L'une des premières leçons, en éducation aux médias, est que les productions médiatiques ne sont pas la réalité, mais des créations délibérées et l'aboutissement d'une série de choix. L'éducation aux médias incite les jeunes à considérer le rôle de la violence dans les médias. Est-elle essentielle à l'histoire racontée dans le film? Est-elle là seulement pour ajouter au drame ou à l'excitation? Quelles sont les différences entre la violence dans le monde réel et la violence dans les médias. Montre-t-on que la violence a des conséquences réalistes ou est-ce qu'on banalise les traumatismes psychologiques et physiques de la violence dans la vie réelle? Comment s'en sert-on pour vendre les films à des auditoires internationaux? Quel est le rôle de la violence dans les émissions d'information? Quels sont les effets sur la société? Comment des facteurs comme l'âge, le sexe, la race, la religion et le bagage culturel influencent-ils notre interprétation de la violence dans les médias?
Le programme d'éducation aux médias enseigne aussi aux élèves qu'ils peuvent se faire entendre et qu'ils ont un rôle à jouer comme consommateurs actifs des produits médiatiques, qu'ils peuvent s'adresser aux industries du divertissement et exprimer leur opinion par les mécanismes en place au Canada pour aborder les problèmes de contenu des médias.
Il commence à se faire des recherches sur l'éducation aux médias comme stratégie de promotion de la santé. Plusieurs études en font ressortir l'utilité comme moyen d'atténuer les influences négatives que les médias peuvent avoir sur le bien-être physique et mental des enfants et des jeunes. Ainsi, des recherches ont montré qu'une éducation aux médias intégrée au programme d'études ordinaire peut aider à réduire les effets nocifs que la violence à la télévision peut avoir sur les très jeunes téléspectateurs.
Selon une étude américaine, les élèves de troisième et de quatrième année qui ont reçu un cours d'éducation aux médias ont réduit la période consacrée à la télévision, aux jeux vidéo et, d'après leurs camarades, ont diminué leur recours à l'agression verbale et physique.
Une autre étude sur un programme d'éducation aux médias d'un an a montré que les élèves des petites classes regardaient moins d'émissions violentes à la télévision et s'identifiaient moins, après l'intervention, aux personnages agressifs.
D'autres études ont conclu que l'éducation aux médias peut aider les jeunes à haut risque à acquérir la capacité de prendre des décisions plus responsables. L'évaluation d'un programme d'intervention en éducation aux médias appliqué par le système de justice pour les jeunes du Massachusetts a montré que le fait d'apprendre à déconstruire les messages médiatiques aidait les jeunes contrevenants à faire une réflexion critique sur les conséquences des comportements à risque et à élaborer des stratégies pour résister à ces impulsions.
Il est plus important que jamais de soutenir le développement sain des enfants et des jeunes par l'éducation aux médias, car les jeunes adoptent Internet comme moyen principal de divertissement, d'information et de communication.
Le contexte médiatique a beaucoup changé depuis que des initiatives ont été prises dans le secteur canadien de la radiodiffusion pour lutter contre la violence à la télévision. La convergence des plates-formes médiatiques et les techniques de communication sans fil font que les systèmes d'évaluation et de classification, les lois et les codes et lignes directrices de l'industrie ne suffisent plus à protéger les enfants, d'autant plus que les enfants utilisent de plus en plus Internet pour avoir accès à des jeux vidéo, regarder la télévision et des films et écouter de la musique.
Notre organisation est née en même temps que le World Wide Web et nous avons grandi avec Internet. Nous avons vu son potentiel se concrétiser et observé les risques et préoccupations liés à son utilisation. Dès le début, il était clair qu'Internet allait susciter de nouvelles difficultés pour beaucoup de problèmes des médias dont nous nous occupons, notamment la violence.
En 2005, nous avons fait un sondage auprès de plus de 5 200 élèves canadiens sur leur utilisation d'Internet. Le tiers des sites favoris des jeunes avaient un contenu violent et 34 p. 100 des garçons de 9e année disaient être allés exprès sur un site de violence sanglante. De nouvelles recherches effectuées par des organisations de lutte contre le racisme montrent que le contenu violent et haineux augmente dans les environnements Web interactifs comme les sites de réseautage social et les sites de vidéos produites par les utilisateurs.
Dans ce nouveau paysage médiatique où les jeunes franchissent les limites géographiques et réglementaires pour accéder à du contenu, la responsabilité de protéger les enfants devient celle des ménages, des écoles et des collectivités. Il est certain que la violence dans les médias est et demeurera un domaine préoccupant pour les Canadiens, comme en témoigne le projet de loi que propose le député de . Tandis que se poursuit dans les institutions publiques le débat sur la violence dans les médias, Réseau-Éducation-Médias exhorte tous les Canadiens à appuyer la pratique de l'éducation aux médias comme réponse principale aux problèmes préoccupants de contenu des médias.
Merci.
Je remercie les deux groupes de comparaître pour nous faire profiter de leur expérience et de leur savoir. Ma première question s'adresse au WAVAW. Je présume qu'Irene ou Dalya pourraient y répondre.
Vous avez beaucoup parlé de la nécessité de changer les attitudes sociales face au déséquilibre de pouvoir qui crée la violence dans la société en dépit de nos lois. Avez-vous pu faire des recherches, ou pensez-vous qu'on en a fait, sur l'impact de la quantité croissante de « sexe » gratuit et l'utilisation de très jeunes filles prépubères pour vendre des produits dans les médias? Cela a-t-il fait une différence dans la violence contre les femmes, contre des femmes de plus en plus jeunes? Avez-vous fait cette recherche? Est-elle nécessaire? Quelles sont les conséquences, selon vous, du manque d'argent pour la recherche, à cause de l'élimination des services de recherche de Condition féminine Canada?
Voilà pour vous. Et je voudrais aussi poser une question à Cathy, si vous le voulez bien, Cathy.
Vous avez dit, ce qui est très important, que l'utilisation d'Internet... Il est peut-être inutile de parler de la violence à la télévision si nous ne tenons pas compte des autres plates-formes, car elles peuvent être utilisées autant que la télévision. Vous dites que, si nous donnions de l'information et proposions une sensibilisation aux médias, une éducation aux médias chez les jeunes, cela les aiderait à déconstruire la violence qu'ils voient à la télévision. Comment faudrait-il s'y prendre? Cela veut-il dire que, s'ils peuvent déconstruire, peu importe ce qu'ils regardent, ils peuvent de toute façon filtrer, comprendre, mettre les choses en perspective?
Un autre élément se rattache à cette question. Nous parlons de la fiction à la télévision, au cinéma, etc., mais les informations nous montrent de la violence contre les femmes et les jeunes, surtout en zone de guerre, et il devient de plus en plus difficile pour les jeunes de distinguer fiction et réalité.
Je serais heureuse que vous puissiez répondre à ces deux questions. Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'avoir accepté de comparaître
Nous étudions aujourd'hui le projet de loi , qui vise à faire diminuer la violence à la télévision. Il y a évidemment un lien avec la question de la censure, par exemple. Par ailleurs, nous vivons aussi dans une démocratie libérale où le principe fondamental veut que les citoyens puissent faire ce qu'ils veulent, s'exprimer comme ils le veulent, pourvu que cela ne nuise pas aux autres, au moins d'une façon inacceptable pour l'ensemble de la société.
La liberté d'expression existe donc au Canada. Cela dit, cette liberté est limitée par les lois sur la diffamation, elle ne doit pas risquer de causer un préjudice à autrui, etc. Il existe une abondante jurisprudence concernant les livres et les films. Au fil des ans, l'interprétation de la Cour suprême a évolué, passant du respect de la norme sociale en matière de décence et de moralité publique au critère du préjudice: on décide de ce qui est acceptable ou non en fonction du préjudice qui peut être causé à autrui. Ma question porte sur ce critère du préjudice.
Dans le projet de loi, c'est la télévision qui est en cause. La télévision est diffusée par satellite ou par câble. Ce n'est pas comme les livres et les films. Les livres et les films sont du domaine privé, et le câble et les satellites relèvent du domaine public, mais je crois qu'il existe des parallèles entre la jurisprudence établie par les décisions de la Cour suprême sur les livres et les films, et ce qui se passe à la télévision.
Les témoins pourraient-ils dire au comité si des études empiriques ont été entreprises qui établiraient des liens indéniables entre la violence à la télévision et le préjudice causé à des membres de la société?
Par votre entremise, monsieur le président, je demande si nous pourrions entendre d'abord la réponse de Mme Wing.
Merci. Vos témoignages ont été très éclairants.
Dans cette discussion, il me semble, nous cherchons à savoir quel est le meilleur moyen d'arriver à un objectif que nous appuyons tous : interdire ou être plus proactif en recourant à l'information et à la sensibilisation aux médias, etc.? Par exemple, y a-t-il quelqu'un ici qui sait quels sont les moyens existants d'interdiction, quelles sont les restrictions et comment on les connaît? Avez-vous jamais déposé une plainte? Quelqu'un est-il au courant des limites et des interdictions imposées? Je voudrais savoir si quelqu'un y a déjà eu recours. Ou connaissez-vous quelqu'un qui y a eu recours?
Il faut donc faire connaître les interdictions existantes. Voilà où je veux en venir. Il faut qu'on sache qu'il y en ce moment des signes de tête dont il sera difficile de rendre compte dans la transcription. Vous pourrez répondre de vive voix dans une seconde.
Deuxièmement, y a-t-il une question de développement en cause? C'est surtout le WAVAW qui dit qu'il y a un enjeu plus vaste. C'est donc une chose de dire si la télévision incite le jeune à aller commettre un acte flagrant, immédiat, physique ou peut-être verbal, mais c'en est une autre... généralement, c'est le contexte dans lequel les jeunes grandissent. La meilleure stratégie est peut-être de s'occuper des questions de développement, de socialisation, et alors, les restrictions risquent même de paralyser le développement. Si nous disons que nous refusons que les jeunes soient exposés à « ça », et s'il y sont exposés tout à coup... ils n'auront aucun discernement, aucun esprit critique puisque personne ne leur en aura jamais parlé. Selon moi, ce sont des questions légitimes sur la façon de résoudre ce problème.
:
Merci, monsieur le président. Merci beaucoup à tous.
Je m'appelle Ronald Cohen, et je suis le président national du Conseil canadien des normes de la radiotélévision. John MacNab m'accompagne. Il est directeur général du CCNR.
[Français]
Je remercie le comité de nous avoir invités à exprimer notre point de vue sur le projet de loi. Nous vous sommes également reconnaissants de nous avoir accordé la chance de parler vers la fin de ces délibérations. Cela nous permettra de réagir aux enjeux soulevés lors de la comparution d'autres témoins. Bien entendu, nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions supplémentaires que vous aurez sans doute à nous poser.
[Traduction]
Commençons par énoncer très clairement notre position : nous ne croyons pas que le projet de loi C-327 soit nécessaire ni même moyennement utile pour régler le problème de la violence à la télévision.
Nous avons remis à la greffière du comité un mémoire qui propose un tour d'horizon. J'espère qu'il vous sera utile. Je vais simplement essayer, dans mon intervention, d'éclaircir les points soulevés par les témoins et les membres du comité.
Le premier point, c'est la nature et l'ampleur du problème de l'exposition des enfants à la violence dans les médias. Le contenu violent est-il un problème qui s'aggrave ou qui s'atténue? La réponse? Il s'atténue. Et la meilleure preuve, comme Cathy Wing l'a dit il y a un instant, c'est le nombre de plaintes soumises au CCNR et au CRTC. Entre 2000 et la fin de février 2008, le nombre de plaintes au sujet de la violence à la télévision a diminué de 22 p. 100. Les chiffres cités par M. Bigras ne sont pas récents et ils ne conviennent pas ici. Ils ne tiennent pas compte de la période postérieure à 2002 et on ne sait pas non plus ce sur quoi ils portent ni ce qu'ils représentent.
Il est essentiel de reconnaître qu'il ne faut pas mettre toutes les manifestations de la violence sur le même pied. L'étude initiale de MM. De Guise et Paquette, sur la période de 1993 à 1998, ne faisait aucune distinction entre la violence acceptable et celle qui ne l'est pas. Mardi dernier, M. Bigras s'est reporté avec beaucoup de respect à une sommité en la matière, M. George Gerbner, mais ce qu'il ne vous a pas dit, c'est que l'étude de Laval n'a pas suivi les méthodes de M. Gerbner.
Les auteurs de l'étude de Laval ont dit ceci :
[Français]
Contrairement à Gerbner, qui considère les séquences de violence, nous avons décidé de compter les actes violents, de sorte que dans cette étude chaque geste, chaque action et chaque événement distincts sont considérés comme des actes de violence séparés.
[Traduction]
Voilà ce qu'ils disent. Ils soulignent que les chiffres dont ils font état sont exagérés. Ils ne font pas de distinctions non plus entre notre objectif commun de protection des enfants, d'une part, et, d'autre part, la violence qui peut ne pas faire problème ou ne pas être déplacée du tout. En somme, il n'y a rien qui prouve que, en 2008, il y ait un problème qui justifie quelque intervention que de soit du Parlement.
Deuxième, le système en place fonctionne bien.
[Français]
Lorsque M. Scott faisait remarquer, mardi, qu'il savait que M. Bigras est d'avis que le système actuel fait défaut, il a ajouté qu'il n'avait pas compris l'explication donnée par M. Bigras quant aux raisons pour lesquelles il pense que le système fait défaut.
[Traduction]
Les membres du comité n'auront pas raté non plus la réponse à la question posée par M. Abbott au sujet de l'absence de plaintes portant sur des émissions pour enfants par suite de la décision du CCNR sur Mighty Morphin' Power Rangers.
M. Bigras n'a pas pu ou n'a pas voulu non plus donner un seul exemple d'émission pour enfants qui ferait problème depuis la décision rendue par le CCNR en 1994. C'est parce qu'il n'y en a aucun.
Troisièmement, on a beaucoup tenté de justifier le en disant que le code concernant la violence était facultatif. Je signale aux membres du comité que tout ce qu'il y a de facultatif dans ce code, c'est son titre. Comme le président du CRTC l'a dit mardi, le code est obligatoire : c'est une condition de délivrance du permis pour tous les télédiffuseurs. Il n'y a pas plus contraignant.
De plus, M. Bigras a dit que l'arbitrage est assuré par les pairs, dans l'industrie. Il n'y a rien de plus faux. Les comités décideurs comprennent tous au moins 50 p. 100 de membres du public, dont d'anciens commissaires du CRTC, d'anciens députés et ministres un ancien premier ministre provincial, un ancien lieutenant-gouverneur, des professeurs de communication, l'ancien dirigeant de l'Institut Vanier de la famille, le dirigeant du Centre de recherche-action sur les relations raciales de Montréal, l'ancien dirigeant de Évaluation-médias et beaucoup d'autres Canadiens hautement crédibles et engagés qui se consacrent au service du bien public.
Quatrièmement, on a beaucoup dit que le code était une création des radiodiffuseurs privés. Je ne vais pas m'attarder à l'idée que, puisque les radiodiffuseurs ont participé à sa création, ils ne l'ont fait que pour servir leurs propres intérêts. L'idée même est scandaleuse.
Vous confirmerez tous facilement, d'après ce que vous avez vu dans vos circonscriptions, que les radiodiffuseurs locaux consacrent beaucoup de temps, d'énergie, de ressources et d'avantages promotionnels aux téléthons et à d'autres initiatives locales. Quand ça va bien, quand ça va mal, lorsqu'il y a des tempêtes de verglas, des incendies, des inondations, les radiodiffuseurs sont là pour servir le bien public.
Laissons cela. Il ne faut pas oublier un seul instant que, comme le président du CRTC l'a signalé mardi, la commission a approuvé la moindre virgule du code concernant la violence avant de l'approuver. Ayant participé au processus, en 1993, je peux vous dire pour la petite histoire que le libellé est passé d'un côté à l'autre bien des fois avant qu'on ait donné satisfaction au CRTC sur toute la ligne.
Il y a également eu de vastes consultations auprès des groupes intéressés. Pendant l'élaboration du code, de nombreux représentants du public ont été invités à faire connaître leur point de vue. Leur liste est annexée au mémoire du CCNR que la greffière vous a distribué.
Parmi les organisations publiques, notons entre autres Évaluation-médias, le Owl Centre for Children's Film and Television, l'Alliance for Children and Television, l'Association nationale des téléspectateurs et des téléspectatrices, le Groupe de recherche sur les jeunes et les médias pour la coalition contre la violence dans les émissions pour enfants, le Conseil du statut de la femme, Canadians Concerned About Violence in Entertainment et l'Animal Alliance of Canada.
Cinquièmement, M. Bigras est insatisfait du système actuel, qui repose sur la présentation de plaintes. Il propose un système de contrôle dont il ne précise pas la description. Il me paraîtrait aller de soi que M. Bigras ait été étonné, voire scandalisé d'apprendre que le CRTC et le CCNR fonctionnent à partir de plaintes provenant du public. Le président du CRTC l'a confirmé sans équivoque mardi. Il est normal qu'il en soit de même pour deux raisons.
La première est que les Canadiens ont la censure en horreur. Lorsque M. Abbott a demandé à M. Bigras si, en proposant le projet, il ne songeait pas à la censure, son interlocuteur n'a ménagé aucun effort pour éviter cette accusation, et on le comprend. Il a admis qu'il n'était pas en faveur de la censure, mais c'est pourtant l'effet du projet de loi , au fond. C'est exactement ce qu'est un système de contrôle non fondé sur les plaintes du public : de la censure, ni plus ni moins.
Deuxièmement, il y a une question de coûts. Je ne vais pas entrer dans les détails. Dans mon... Cela ne se trouve pas dans mon exposé verbal, mais vous pouvez...
Comme M. von Finckenstein l'a dit, tout système coûterait très cher et supposerait une ingérence. Je dois ajouter que le système actuel est payé par les radiodiffuseurs privés. Ce n'est pas une mauvaise affaire. Ce n'est pas le grand public qui paie.
Sixièmement, le système est-il assez sévère? Pas le moindre doute. Et c'est grâce au CCNR seul. Les Power Rangers ont quitté les ondes canadiennes, tout comme Howard Stern, Laura Schlessinger, Stéphane Gendron et le Doc Mailloux. Dans les émissions pour enfants, aucune émission d'une violence excessive n'a jamais remplacé les Power Rangers depuis 14 ans.
[Français]
M. Bigras a également laissé entendre que le système américain était supérieur.
[Traduction]
En réalité, c'est une curieuse conclusion, étant donné que les Américains n'ont pas de code, puisque la FCC ne s'occupe pas de la violence à la télévision et qu'il n'existe rien de comparable au CCNR pour s'occuper de ce problème.
Je conclus. Le comité permanent doit se demander si on a besoin d'un système de réglementation au lieu d'un système d'autoréglementation, d'une modification législative ou d'un règlement gouvernemental au lieu d'un code de l'industrie. S'il y avait un problème que le système actuel ne peut pas résoudre, il est certain que nous en aurions besoin, mais il n'y a pas l'ombre d'un élément de preuve que le système actuel ne marche pas.
Grâce aux radiodiffuseurs privés et au CRTC, les Canadiens ont les meilleures protections codifiées au monde pour les émissions destinées aux enfants. Et grâce au CCNR, ces normes sont appliquées rigoureusement.
Merci également des quelques minutes de plus que vous m'avez accordées, monsieur le président. Ce sera un plaisir de répondre à vos questions.
Ce qu'il y a au coeur de ce débat, c'est la question de savoir où la censure commence et où s'arrête la liberté d'expression. Le projet de loi présente un problème très difficile, puisqu'on ne sait pas où tracer la démarcation. Je me préoccupe toutefois d'une chose que le CRTC nous a dite à la dernière séance et que vous dites également. Je vais donc reposer la question dans l'espoir d'obtenir une réponse.
Si le nombre de plaintes est le seul critère que vous utilisez pour décider s'il y a trop de violence, il se peut, comme M. Scarpaleggia l'a dit, que le public se soit habitué à la violence au point de ne pas la remarquer. Il est possible que les gens aient l'impression de ne pas obtenir la réponse souhaitée et arrêtent de porter plainte. Je ne sais pas. Il se peut que ce soit pour ces raisons, mais peut-être pas non plus. Bonté divine, il doit bien y avoir d'autres indicateurs que nous pourrions utiliser, ou qu'un organisme d'autoréglementation comme le vôtre pourrait utiliser pour dire si la violence est acceptable ou non, ou si le problème s'aggrave. Nous pourrions songer aux définitions du Code criminel.
Y a-t-il un autre moyen autre que simplement... À mon avis, les plaintes sont un indicateur qui laisse tellement à désirer. Il est au mieux très nébuleux. Je me demande s'il n'y aurait pas autre chose qui ne risque pas de tourner à la censure, mais un moyen d'observer, un moyen d'obtenir les données, l'information que nous voulons. Auriez-vous autre chose à proposer? Je me demande vraiment quels seraient les autres indicateurs possibles pour assurer l'autoréglementation et la rendre efficace.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'avoir accepté de comparaître.
Je dirai d'abord que nous sommes également opposés au projet de loi, mais je partage certaines des préoccupations exprimées par les autres membres du comité.
Je ne pense pas qu'on puisse sérieusement prétendre que, parce que le nombre des plaintes a diminué, on peut nécessairement conclure qu'il n'y a pas eu de préjudice pour la santé des enfants au cours des huit dernières années. Je le signale parce que le cadre politique du CRTC en la matière, comme vous le dites dans votre mémoire, n'est pas axé sur un enjeu moral, mais sur le critère de nocivité, autrement dit, la nocivité pour la santé des enfants. Quand nous parlons de la violence à la télévision, il faut faire un lien entre les deux: la violence à la télévision et ses effets, négatifs ou non, sur la santé des enfants. Je ne crois pas qu'on puisse nécessairement déduire de la diminution du nombre de plaintes qu'il n'y a pas eu d'effets négatifs sur la santé des enfants pendant cette période.
J'ajouterais également que, selon moi, les auditoires télévisuels ont également diminué, ces dernières années, ce qui peut expliquer en partie la diminution du nombre de plaintes. Les gens se tournent de plus en plus vers Internet et d'autres divertissements.
C'est une simple réflexion. Je n'ai pas de question à poser, monsieur le président.