La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, la FCE, est le porte-parole national des enseignants du Canada en matière d'éducation et de questions connexes. Nos membres sont des organismes d'enseignants de chaque province et territoire représentant 220 000 enseignants partout au pays. Nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de présenter ce mémoire au Comité permanent du patrimoine canadien au moment de ses délibérations sur le .
Après les parents, qui comprennent mieux que quiconque l'impact sur les enfants de la violence dans les médias, les enseignants sont souvent témoins des répercussions physiques et psychologiques de ce type de violence.
Si vous le permettez, nous vous parlerons de ce que nous savons et de ce que nous croyons être nécessaire. Nous ne vous parlerons pas uniquement de la violence à la télévision, mais aussi de nos inquiétudes au sujet de l'intimidation et de la violence véhiculées par les médias de divertissement et de communication qui touchent ou peuvent toucher directement nos écoles, nos élèves et nos enseignants.
Ce que nous savons. Le 19 novembre 2003, nous avons publié les résultats d'une étude nationale capitale, « Place aux jeunes dans les médias », menée auprès de 5 756 élèves de la 3e à la 10e année — soit des jeunes de 8 à 15 ans. Cette étude a été réalisée grâce à une subvention du gouvernement du Canada par l'intermédiaire du Centre de la prévention criminelle du ministère de la Justice.
Voici quelques résultats de cette étude: 48 p. 100 des enfants de 8 à 15 ans ont leur propre téléviseur — et c'était en 2003 — et 35 p. 100, leur propre magnétoscope; 75 p. 100 des enfants de la 7e à la 10e année regardent à la maison des films réservés aux adultes; 25 p. 100 des enfants en 7e année ont personnellement loué une vidéo réservée aux adultes; 60 p. 100 des garçons de la 3e à la 6e année jouent à des jeux vidéo et sur ordinateur presque chaque jour.
Un des jeux vidéo qu'affectionnent particulièrement les garçons, tant anglophones que francophones, de la 3e à la 6e année est le Grand Theft Auto, un jeu d'action violent pour jeunes adultes, avec meurtres, matraquages et prostitution à la clé. Environ 30 p. 100 des enfants de la 3e à la 6e année disent qu'il n'arrive jamais qu'un adulte leur indique quelles émission ils peuvent regarder; ce pourcentage grimpe à 50 p. 100 en 6e année, et à 60 p. 100 en 8e année.
En ce qui concerne les jeux, le pourcentage des parents qui interviennent dans les choix de jeux des enfants de la 3e et de la 4e année ne dépasse jamais 50 p. 100; 75 p. 100 des adultes ne disent jamais à un enfant quels jeux vidéo ou sur ordinateur il peut ou ne peut pas jouer, au niveau de la 7e année.
Enfin, 51 p. 100 des enfants de la 7e à la 10e année ont indiqué qu'ils avaient été témoins de scènes où l'on imitait des actes de violence d'un film ou d'une émission de télévision, notamment des cascades, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'on se comportait de manière agressive envers une autre personne.
Parmi les constatations les plus importantes, l'étude « Place aux jeunes dans les médias » montre que là où les parents surveillent les émissions que leurs enfants et adolescents regardent à la télévision et lorsqu'ils discutent avec eux de la violence, du racisme et du sexisme dans les médias, ces jeunes sont plus susceptibles d'être sensibilisés aux effets néfastes de la violence dans les médias. Malheureusement, beaucoup d'enfants sont livrés à eux-mêmes.
Suite à cette étude, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, avec des partenaires comme le Réseau Éducation-Médias, l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, la Canadian Home and School Federation, a publié un bulletin de conseils pour les parents et un guide d'activités pour les enseignants et les élèves.
À partir des données plus récentes des enseignants, nous constatons ceci: dans le sondage national des enseignants de la FCE mené en 2005, 78 p. 100 des enseignants ont signalé qu'ils avaient vu un élève se livrer à des voies de fait sur un autre ou l'intimider, et 75 p. 100 des enseignants ont signalé qu'ils avaient vu un élève en injurier un autre.
Dans son sondage de 2006 sur les questions d'intérêt national en éducation, la FCE a demandé à des gens ce qu'ils considéraient comme des problèmes sérieux dans les écoles communautaires. L'intimidation et la violence arrivaient à égalité au premier rang; 76 p. 100 ont indiqué qu'il s'agissait d'un problème « très sérieux ou quelque peu sérieux », et 44 p. 100 le considéraient comme « très sérieux ».
En novembre 2007, un communiqué sur le sondage le plus exhaustif jamais mené auprès des enseignants au Canada, « School Teachers in Canada: Context, Profile, and Work », fournit les renseignements suivants.
En réponse à la question « Dans quelle mesure les facteurs suivants vous empêchent-ils de remplir vos fonctions, quand vous pensez à divers problèmes scolaires? », la réponse qui a obtenu le deuxième pourcentage en importance, soit 51 p. 100, était l'intimidation entre élèves.
Maintenant, nous en venons à la plus récente forme de menace et de violence potentielle véhiculée par un moyen de communication qui, d'après nous, est un élément majeur de toute cette problématique: la cyberintimidation.
La cyberintimidation consiste à utiliser les technologies de l'information et des communications — courriel, téléphone cellulaire, téléavertisseur, messagerie textuelle et instantanée, sites Web, etc. — comme support pour des comportements délibérément répétés et hostiles qui visent à faire du mal à autrui. Cette définition est de Bill Belsey, enseignant et fondateur de bullying.org.
Pour sa part, Cathy Wing, du Réseau Éducation-Médias, la qualifie de « cyber-culture de cruauté ».
Ce problème est étroitement lié à la violence télévisuelle; les mêmes hypothèses quant au contexte et aux résultats favorisent une certaine ambivalence face à la violence dans notre vie quotidienne.
À son assemblée générale annuelle de juillet 2007, à Toronto, la FCE a été mandatée pour se pencher sur ce nouveau phénomène qui prend de l'ampleur et pour déterminer ce que nous en savons.
Une étude approfondie menée de 2003 à 2005 par le Réseau Éducation-Médias auprès de 5 200 enfants de la 4e à la 11e année et intitulée « Les jeunes Canadiens dans un monde branché » nous révèle que 94 p. 100 de ces élèves utilisent Internet à la maison; 86 p. 100 ont leur propre adresse de courriel; 89 p. 100 des élèves de 4e année jouent à des jeux en ligne; 34 p. 100 des élèves de la 7e à la 11e année ont signalé qu'ils avaient été victimes d'intimidation et 2 p. 100, qu'ils en avaient beaucoup souffert; 59 p. 100 ont indiqué qu'ils prenaient une autre identité en ligne, et 17 p. 100 d'entre eux ont dit qu'ils faisaient semblant d'être quelqu'un d'autre parce qu'ils pouvaient « agir méchamment envers les autres sans s'attirer d'ennuis ».
La dernière étude sur ce sujet — les premières constatations ont été rendues publiques en février 2008 — menée auprès de 2 000 élèves de Toronto, des 6e, 7e, 10e et 11e années, par Mme Faye Mishna, professeure agrégée de la faculté de travail social de l'Université de Toronto, révèle que: 21 p. 100 des élèves ont dit avoir été victimes de cyberintimidation; 35 p. 100 ont dit avoir intimidé d'autres personnes sur Internet; 46 p. 100 ont un ordinateur dans leur chambre à coucher; 33 p. 100 ont donné un mot de passe à un ami; 28 p. 100 ont été témoins de la cyberintimidation d'une autre personne; 67 p. 100 des parents ne contrôlent pas l'utilisation d'Internet.
En dernier lieu, les résultats du dernier sondage mené par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants en février 2008 sur les questions d'intérêt national en éducation révèlent que 85 p. 100 des personnes sondées connaissent le terme « cyberintimidation »; 34 p. 100 ont indiqué qu'elles étaient conscientes que des élèves de leur école en étaient victimes; 91 p. 100 croient que les parents devraient se renseigner et s'occuper de surveiller ce que fait leur enfant sur Internet et avec les dispositifs de communication électronique; 71 p. 100 croient que l'adoption d'une loi permettant de mieux protéger les élèves et enseignants contre la cyberintimidation serait un moyen quelque peu ou très efficace pour prévenir ce phénomène; 56 p. 100 croient qu'il serait quelque peu ou très efficace de tenir les fournisseurs d'accès Internet et de téléphone mobile responsables de l'utilisation de leurs services à des fins de cyberintimidation; et 70 p. 100 croient que les conseils scolaires devraient tenir les élèves responsables de leurs actes de cyberintimidation même si ces actes sont commis à l'extérieur de l'école.
Nous ne pouvons pas nier l'évidence. Il est clair que pour les adolescents, Internet est devenu un lieu de rencontre virtuel. Aux États-Unis, par exemple, d'après MCT Business News, en mai 2007, plus de 70 p. 100 des filles de 15 à 17 ans utilisent des sites de réseautage social comme MySpace et Facebook.
Nos enfants sont en train d'adopter les nouvelles technologies des communications et de s'y adapter. Toutefois, ces nouvelles possibilités s'accompagnent de certaines nouvelles réalités négatives. La cyberintimidation combine les effets psychologiques dévastateurs de l'intimidation verbale et sociale, mais son impact peut avoir des répercussions encore plus profondes parce que l'enfant ainsi victimisé ignore bien souvent qui le harcèle et que bon nombre d'autres personnes peuvent, à son insu, être témoins de son intimidation ou y participer.
Par conséquent, nous sommes ici aujourd'hui pour vous entretenir non seulement de la violence à la télévision, mais aussi des menaces, de l'intimidation ou de la violence véhiculées par tous les moyens de communication, notamment de la cyberintimidation. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Il se peut que le projet de loi soit, ou ne soit pas, un outil efficace pour résoudre ce problème, mais il faut faire quelque chose. La FCE s'attaque au problème de la violence médiatique et en particulier à la cyberintimidation, sur deux fronts: en saisissant les occasions qui se présentent pour sensibiliser le public, les parents, les enfants, les enseignants, les conseils scolaires et le gouvernement; en cherchant comment le cadre de réglementation peut mieux contribuer à protéger tout le monde des conséquences néfastes de la violence et de l'utilisation inappropriée de la technologie des communications.
En appliquant cette stratégie au présent débat, nous vous recommandons deux choses: sensibiliser et protéger. La sensibilisation suppose de financer d'autres recherches sur l'intimidation et la violence véhiculées par quelque moyen que ce soit, et de développer des ressources et des outils pour aider les élèves, les enseignants et les parents à répondre de manière appropriée aux menaces et à la violence véhiculées par les médias, qu'elles soient perçues ou réelles. La protection — la deuxième chose que nous recommandons — suppose de fournir aux organismes de réglementation fédéraux des mécanismes de classification et de surveillance plus appropriés, compte tenu de la création de jeux vidéo encore plus violents et répréhensibles, de modifier le Code criminel de manière à ce que la loi tienne mieux compte des potentialités des technologies émergentes, et de développer un cadre de collaboration juridique, national et international, afin de s'attaquer au problème du stockage de documents choquants, illégaux et inappropriés à l'extérieur de notre pays et de la transmission de ces documents, c'est-à-dire les fournisseurs de services Internet.
Je vous remercie.
:
Bonjour. Je vous remercie beaucoup de l'invitation à comparaître aujourd'hui.
[Traduction]
Je m'appelle Shari Graydon et je représente Media Action - Action média. Nous sommes une organisation nationale sans but lucratif qui tente de sensibiliser la population à l'impact social des médias et à encourager l'industrie à être plus responsable. Vous trouverez dans mon mémoire plus d'information sur mon expertise en tant que productrice, éducatrice et auteure de livres sur les médias.
J'aimerais dire tout d'abord que je suis ravie d'être ici et que je suis contente de l'attention que ce projet de loi attire sur la violence dans les médias. Je partage les préoccupations qu'il soulève et les inquiétudes exprimées par la FCE. En fait, je prépare en ce moment un nouveau livre qui traite expressément de la différence entre la violence que nous consommons sous forme de divertissement et la violence qui nous entoure dans la société, et la distinction que les jeunes, en particulier, font entre les deux.
J'imagine que vous êtes déjà au courant des nombreuses recherches effectuées par des pairs sur l'impact de la violence dans les médias. On en tire essentiellement trois conclusions: bien que de nombreux facteurs influencent la manière dont les gens réagissent à la violence dans les médias, en général, l'exposition à cette violence contribue à accroître la peur, à augmenter les comportements violents et à amoindrir la sensibilisation à la souffrance des autres. Cela est vrai évidemment non seulement pour la violence à la télévision, mais pour la violence dans tous les médias. Voilà pour la mauvaise nouvelle.
La bonne nouvelle — et je suis certaine que les diffuseurs vous l'ont dit — est que le code relatif à la violence à la télévision, au Canada, est très progressiste. Malheureusement, la façon dont le code est administré est problématique et ce, pour au moins trois raisons.
Bien que je respecte les efforts du Conseil canadien des normes de la radiotélévision, qui administre le code — et j'ai travaillé avec Ron Cohen et ses collègues —, le processus actuel est fondé sur les plaintes. Autrement dit, ce sont les consommateurs qui ont la responsabilité de savoir que le code existe, de savoir ce qui se trouve dans le code et de porter plainte à ce sujet, et c'est ainsi que le code actuel est appliqué. C'est ainsi que l'on fait respecter le code, et évidemment, puisqu'il est axé sur les plaintes, son application vient après coup, après que le matériel inapproprié a été diffusé. Troisièmement, à mon avis, la façon dont le code en matière de violence est actuellement administré ne dissuade aucunement les diffuseurs à diffuser du matériel qui va à l'encontre de leur propre code.
En théorie, les diffuseurs peuvent perdre leur licence s'ils n'adhèrent pas au code relatif à la violence. Dans la pratique, ce n'est jamais arrivé. Ça ne s'est jamais produit, et je dirais que ça ne se produira jamais. Une seule fois en 20 ans, une station a failli perdre sa licence; c'était le processus impliquant la station de radio CHOI, de Québec, qui a mis cinq ans à aboutir. Par ailleurs, la nature même de l'humour choquant de Howard Stern était fondamentalement en contradiction avec le code. Il a fallu six ans pour que ce processus aboutisse et pour que Howard Stern soit retiré des ondes canadiennes. Il existe donc des codes pour interdire la diffusion d'un matériel offensant pour les Canadiens, mais dans la pratique, les choses se font après coup et le processus n'est pas, selon moi, très efficace.
En effet, lorsque le Conseil canadien des normes de la radiotélévision s'est entretenu avec vous l'an dernier, il a reconnu qu'il avait confirmé 72 p. 100 des plaintes des téléspectateurs au cours des huit ou neuf dernières années. Quelles ont été les sanctions prises à l'encontre des diffuseurs qui ne respectaient pas le code? Ils ont dû écrire une lettre au plaignant — la personne qui en savait assez pour déposer une plainte — et ils ont dû diffuser deux messages d'excuses pour avoir enfreint le code. Ce n'est pas un moyen de dissuasion très percutant.
Sans doute on vous a dit également que le CCNR reçoit moins de plaintes sur la violence dans les médias aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Or, cela ne prouve pas que la programmation est plus responsable ou qu'elle renferme moins de violence; cette diminution s'explique plus probablement par le fait que la hausse de la violence dans d'autres médias a mené à une plus grande tolérance de ce qui aurait été inacceptable il y a 10 ans.
Deuxièmement, il y a moins de débats publics sur la violence dans les médias aujourd'hui qu'il y en avait il y a 10 ans, et ce, pour un certain nombre de raisons.
Troisièmement, les Canadiens connaissent donc moins le processus à suivre pour déposer une plainte. Très peu de gens connaissent l'existence du Conseil canadien des normes de la radiotélévision, encore moins l'existence du code en matière de violence de l'ACR, et encore moins ce que l'on trouve dans ce code.
Enfin, le processus de dépôt d'une plainte se produit après coup. Il prend des mois et il n'entraîne aucune sanction significative.
Quand au projet de loi proposé, bien que je sois ravie de l'attention qu'il attire sur la question, je pense malheureusement qu'il ne sera pas efficace. Le CRTC n'a pas les outils nécessaires pour entreprendre la surveillance qu'exige le projet de loi. Je ne crois pas que l'on ait prévu de lui accorder les fonds nécessaires à cette fin. En outre, le code en matière de violence est censé empêcher la diffusion de matériel offensant, et non pas de l'étudier après coup.
J'ai donc une meilleure idée, qui permettrait de réduire la violence indue à la télévision canadienne en appliquant plus efficacement le code actuel relatif à la violence. C'est très simple: il suffit de suivre le même principe que pour le code sur la publicité destinée aux enfants. Permettez-moi de m'expliquer.
Le code relatif à la publicité destinée aux enfants et le processus qui l'accompagne ne s'appliquent pas au Québec, qui a eu la clairvoyance, il y a 30 ans, d'interdire la publicité destinée aux enfants. Toutefois, le Canada anglais n'a pas eu cette sagesse et cette vision. Lorsqu'un annonceur du Canada anglais souhaite diffuser un message publicitaire qui s'adresse à des enfants de moins de 13 ans, il doit le soumettre au préalable aux Normes canadiennes de la publicité. L'annonceur paie des frais pour ce service qui lui est fourni. Les gens des Normes canadiennes de la publicité examinent la publicité. Ils l'évaluent en fonction du code. Ils s'assurent qu'il respecte le code avant de l'approuver. Ce n'est que lorsqu'il a été approuvé que le message publicitaire peut être diffusé sur les ondes canadiennes.
Si nous voulons vraiment empêcher la violence indue, la violence gratuite — celle que le propre code des diffuseurs définit comme étant inappropriée — si nous voulons empêcher sa diffusion, nous devons exiger que les diffuseurs soumettent leur matériel au préalable. Le matériel devrait être examiné et approuvé à l'avance par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, qui déciderait s'il est conforme au code et, le cas échéant, qui l'autoriserait et permettrait sa diffusion. Cette façon de faire empêcherait, à l'avance, la diffusion de matériel inapproprié. Et le fardeau reviendrait aux diffuseurs eux-mêmes, et non sur les consommateurs qui, comme je l'ai mentionné, ne sont habituellement pas au courant du processus.
Enfin, j'encourage le comité à recommander que tous les producteurs du secteur des médias contribuent à un fonds pour soutenir des programmes et des ressources pour l'éducation sur les médias. Je me fais l'écho de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et de l'autre témoin que vous allez entendre après nous.
Comme j'ai écrit deux livres sur les médias à l'intention des jeunes, je passe beaucoup de temps dans les écoles à m'entretenir avec des élèves et des enseignants, et il est clair pour moi que...
Dans notre démocratie, nous considérons la capacité de lire et d'écrire comme une habileté essentielle. Or, les jeunes absorbent beaucoup plus d'information à partir des médias audiovisuels que de l'écrit. Si nous ne leur donnons pas les outils nécessaires pour savoir « lire » les médias, pour interroger, remettre en question et résister aux messages des autres formes de médias qui sont contraires à leurs intérêts, nous renonçons à cette responsabilité au profit des producteurs des médias eux-mêmes. Et vous savez tous, de par votre propre expérience dans ce domaine, que les leçons et les apprentissages que nous proposent les médias commerciaux n'ont pas reçu l'approbation des parents, ni celle des ministères.
Merci beaucoup.
Les témoignages sont clairs. Si vous me permettez de résumer ce que nous avons entendu — du moins, ce que j'ai entendu, non seulement de nos témoins d'aujourd'hui, que je tiens d'ailleurs à remercier, mais aussi des témoins des séances précédentes —, je dirais que la plupart sont favorables à l'objet du projet de loi, mais personne n'approuve le projet de loi en tant que tel, et certains sont même en désaccord. Monsieur le président, à moins que nous n'entendions des témoins qui appuient de façon catégorique la mesure législative, je conclus que c'est là où nous en sommes, et que le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'est pas la direction que je veux emprunter.
Mon collègue a demandé si les témoins... On semblait favorable aux sanctions administratives pécuniaires dont a parlé le CRTC. Nous avons demandé au CRTC de nous faire part de ses propositions et j'espère que nous les recevrons avant la pause. Nous nous pencherons là-dessus. Selon la nature de ses propositions, cela pourrait être quelque chose que nous pourrions ajouter au projet de loi. Je suis disposé à le faire.
Par ailleurs, j'aimerais que nous convoquions d'autres témoins. Si c'est ce que nous voulons faire, j'ai une suggestion sérieuse à vous présenter.
Nous avons fait comparaître des enseignants. Nous avons recueilli des témoignages, directement ou indirectement, de parents et de grands-parents, et certains d'entre nous sont parents et même grands-parents. Madame Noble, quand vous avez demandé qui serait mieux placé que les parents dans cette situation, avec tout le respect que je vous dois, je vous répondrais sans hésiter les grands-parents.
Le groupe visé par le projet de loi est le seul que nous n'ayons pas entendu. Pour être plus précis, monsieur le président, serait-il utile de former un groupe d'enfants appartenant au groupe d'âge dont il est ici question? Je parle bien sûr de ceux qui passent plus de 30 heures par semaine devant leur téléviseur et leur ordinateur. J'en connais certains qui sont rivés à leur ordinateur, qui fait également office de télévision et de téléphone. Ils font tellement de choses que je n'arriverai possiblement jamais à faire. C'est visiblement une autre génération. Il serait peut-être utile d'entendre ce qu'ils pensent de tout cela, étant donné que ce sont eux qui sont visés par le projet de loi. De toute évidence, d'après ce que nous ont dit aujourd'hui les représentants de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, plus de la moitié des parents n'accordent pas d'attention à ce que leurs enfants font et regardent.
J'espère que ce n'est pas une suggestion que mes collègues prendront à la légère.
Oh, je vois que cela suscite quelques réactions. Allez-y.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à vous trois d'être ici aujourd'hui. Je dois vous féliciter de ce que vous faites pour sensibiliser nos enfants et ainsi mieux les protéger contre la violence.
J'aimerais vous faire part de l'une des réserves que j'ai eues, moi aussi, concernant ce projet de loi. Quand cette mesure législative a été déposée pour la première fois à la Chambre, je me suis dit qu'il était impossible de voter contre puisqu'elle visait à réduire la violence véhiculée par la télévision à laquelle nos enfants sont exposés. Quand j'ai examiné le projet de loi—et je pense que vous trois l'avez fait également—, j'ai constaté qu'on ne s'attaquait pas uniquement à la violence destinée aux enfants, mais plutôt qu'on conférait un vaste pouvoir réglementaire permettant de censurer toute la violence à la télévision; ce n'est peut-être pas nécessairement de cette façon qu'on l'exercerait, mais c'est ainsi que le projet de loi est rédigé.
Si je ne me trompe pas, Mme Graydon a relevé une autre grande difficulté, soit que cette mesure législative ne sera pas efficace.
Nous vivons dans un univers de PVR et de programmation. Nos enfants regardent de la violence sur Internet. En plus, compte tenu du réseau de 500 chaînes, les enfants sur la côte ouest peuvent regarder une émission de 23 heures sans qu'il n'y ait aucune restriction.
Je pense qu'il faut miser sur l'initiation aux médias. Il faut aussi faire participer les parents. Les statistiques que vous nous avez fournies concernant le manque de supervision parentale sont troublantes. Dans notre famille, nous nous sommes fait un point d'honneur de superviser ce que regardent nos enfants.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du projet de loi en soi, si vous l'avez examiné évidemment, de sa portée, de son manque de clarté et de l'énorme pouvoir qui est conféré à l'organisme de réglementation lui permettant d'enrayer toute la violence à la télévision, pas seulement celle aux heures de grande écoute des enfants?
:
Bonjour, monsieur le président. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
Comme vous le savez, je ne représente aucune association en particulier. J'interviens aujourd'hui à titre de citoyen canadien et père de trois enfants — malgré la couleur de mes cheveux, je ne suis pas encore grand-père — qui s'intéresse de près à la question de la violence à la télévision depuis plus de 15 ans, sous divers rapports.
J'ai remis à la greffière un bref résumé du rôle que j'ai joué dans le dossier de la violence à la télévision. Je crois comprendre qu'il vous a été distribué. Comme vous pouvez le constater, j'ai participé à la plupart des initiatives majeures réalisées dans le domaine de la violence à la télévision depuis le début des années 90. Je ne fais plus partie de l'industrie de la radiodiffusion, mais je continue d'en suivre l'évolution en tant que vétéran du milieu, car j'étais là quand les codes ont été élaborés, quand le système de classification a été créé, quand les programmes d'éducation médiatique ont vu le jour.
Bien que j'ai une opinion sur le projet de loi dont vous êtes saisi, je vois mon rôle aujourd'hui principalement comme celui de personne-ressource. J'essaierai de vous fournir des précisions et des éclaircissements sur la façon dont l'industrie de la radiodiffusion, l'organisme de réglementation et le gouvernement composent depuis toujours avec ce dossier. Ma déclaration liminaire sera donc brève, car je préfère consacrer le temps limité dont je dispose à vos questions.
J'ai suivi les récentes délibérations du comité et j'ai constaté qu'il y a une certaine confusion entourant le code des radiodiffuseurs sur la violence à la télévision. Pourquoi dit-on de ce code qu'il est d'application volontaire alors qu'il s'agit, en fait, d'une condition de licence? Il faut retourner dans le passé pour trouver la réponse à cette question, car le code en vigueur aujourd'hui succède au code d'autoréglementation sur la violence qui a d'abord vu le jour en 1987 sous le nom de code d'application volontaire concernant la violence à la télévision — il a fait l'objet de mises à jour en 1993, mais le titre est resté le même. Par ailleurs, ce n'est que lorsqu'il a approuvé le texte que le CRTC a indiqué dans l'avis public que l'adhésion au code de l'industrie ferait partie des conditions imposées lors du renouvellement des licences et de la délivrance de nouvelles licences. Le code n'a jamais été renommé.
Lors d'une de vos réunions, la semaine dernière, un membre du comité a posé une question au sujet d'une déclaration attribuée à Keith Spicer, président du CRTC dans les années 1990, concernant l'approche 10-10-80, où les codes et les normes de l'industrie représentent 10 p. 100 de la solution, la technologie, soit les systèmes de classification et la puce antiviolence, un autre 10 p. 100, et les programmes de sensibilisation du public et d'éducation médiatique, les 80 p. 100 restants.
J'étais là, en octobre 1995, quand M. Spicer a fait cette déclaration. C'était lors de l'ouverture des audiences nationales, à Hull, à la suite de la tenue des consultations publiques régionales sur la violence à la télévision. Il était d'avis que toute stratégie visant à protéger les enfants contre les effets préjudiciables de la violence devait reposer sur trois piliers: une démarche axée sur la collaboration et la coopération et où les radiodiffuseurs, les câblodistributeurs et les producteurs assument leur part de responsabilité; le contrôle exercé par les parents sur les émissions que visionnent leurs enfants et l'usage de technologies comme la puce antiviolence, qui fonctionne de pair avec le système de classification; la sensibilisation soutenue du public et l'éducation médiatique, élément central de toute intervention efficace contre la violence à la télévision.
Vous avez rencontré, la semaine dernière, Cathy Wing, du Réseau Éducation-Médias, qui s'est engagée à examiner plus à fond certaines questions soulevées lors de la discussion. Il est vrai que des recherches plus poussées nous aideraient grandement à approfondir nos connaissances sur le sujet. Toutefois, je crois que le comité devrait aller encore plus loin.
L'éducation médiatique a été clairement identifiée par un prédécesseur du comité et le CRTC comme étant la principale composante de la stratégie à volets multiples dont s'est doté le Canada pour lutter contre la violence à la télévision. Le comité devrait encourager le gouvernement du Canada à fournir un financement de base stable et à long terme à cet organisme de renommée internationale qui a fait beaucoup pour les Canadiens, avec des ressources limitées. Vous avez entendu les accolades qu'a reçues le Réseau Éducation-Médias des témoins antérieurs.
Les codes et les outils sont déjà en place et fonctionnent bien, à mon avis. Le volet éducation médiatique de la stratégie doit bénéficier d'un plus grand soutien, un soutien qui ne se limite pas uniquement au financement de projets.
Monsieur le président, la dernière étude sur la violence à la télévision remonte à 1993, année où le Comité permanent des communications et de la culture a déposé un rapport intitulé « La violence à la télévision: dégradation du tissu social ». Ce rapport, qui a été présenté à l'issue de longues consultations — auxquelles j'ai participé — formulait une série de recommandations sur la façon dont le CRTC pouvait, en vertu de ses pouvoirs de réglementation, amener les radiodiffuseurs à élaborer des mesures visant à protéger les enfants contre les effets néfastes de la violence à la télévision. Aucun changement à la Loi sur la radiodiffusion n'était proposé. D'ailleurs, aucune suggestion en ce sens n'avait été faite lors des audiences menées par le CRTC. À mon avis, cette approche était valable à l'époque, et l'est toujours aujourd'hui.
Notre système, qui existe depuis plus de 15 ans, est solide, compte parmi les plus rigoureux au monde et fonctionne bien. Il s'appuie sur des règlements et un mécanisme de réglementation efficaces. Il propose une approche équilibrée, son objectif premier étant de protéger à la fois les enfants et la liberté d'expression. Il réduit au minimum l'intervention gouvernementale directe ou la réglementation du contenu des émissions, un champ de mines que presque tout le monde veut éviter. Et, à l'instar de nombreux autres pays, il fait de l'éducation une pièce maîtresse de la stratégie.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais revenir sur ce qu'a dit M. Bélanger. Lors de la tenue des audiences nationales, à Hull, le président Spicer a noté la présence d'un groupe d'enfants, à l'arrière de la salle. Ils étaient accompagnés d'un professeur et participaient à une sortie éducative dont le but était de voir comment fonctionnait une commission gouvernementale. Keith a eu la même idée que vous. À la consternation des fonctionnaires et des organisateurs de la rencontre, il a mis un terme aux discussions avec les témoins et a demandé aux enfants de s'avancer. Ce fut toute une expérience. Les enfants ne s'attendaient pas à cela. Aucun exposé n'a été présenté. Le commissaire leur a tout simplement demandé ce qu'ils pensaient du sujet. Le comité devrait faire la même chose. Donc, je trouve votre suggestion valable.
Monsieur le président, j'ai terminé. Je répondrai volontiers à vos questions.
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J'aimerais vous poser quelques questions d'ordre général.
D'abord, en tant que parents, nous voulons être en mesure de nous asseoir à l'occasion avec nos enfants et regarder la télévision avec eux pendant quelques heures, tout en sachant que nous n'aurons pas à changer de poste soudainement ou que les enfants ne seront pas exposés à des scènes de violence qui risquent de les effrayer. Donc, nous nous disons, « Il y a certaines chaînes que je vais éviter de syntoniser, mais je vais regarder CTV ou CBC entre telle et telle heure, car je sais qu'il n'y aura pas de problèmes. »
Donc, à mon avis, en tant que parents, nous savons que si nous pouvons avoir accès à ces postes à certains moments de la journée, nous n'avons pas lieu de nous inquiéter, car nous pouvons utiliser la puce antiviolence ou reprogrammer la boîte pour bloquer certaines chaînes, par exemple. Je fais allusion ici aux jeunes enfants.
Ensuite, il y a, bien sûr, la question de l'âge des enfants. À un moment donné, il est très difficile de contrôler les émissions qu'ils visionnent. C'est là, je suppose, que l'éducation médiatique entre en jeu.
Sur ce point, et je parle de la violence dans les médias, j'ai l'impression que nous ne faisons que colmater une brèche. Il existe un nombre incroyable d'émissions. Un adolescent peut saisir le message pendant un certain temps, sauf que nous avons ensuite l'impression que le message se perd en raison de l'omniprésence de contenus discutables. À votre avis, est-ce que les programmes d'éducation médiatique sont efficaces? Produisent-ils des résultats? Avons-nous été en mesure de mesurer ceux-ci?
Autre point: est-ce que ces programmes sont offerts de manière générale dans toutes les provinces et dans toutes les écoles? À quelle fréquence: une heure par mois? Une heure par année? Est-ce que ce sont des programmes intensifs? J'en doute. Les enfants apprennent beaucoup de sujets à l'école, et participent aussi à beaucoup d'activités.