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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 011 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 5 décembre 2013

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Nous remercions les témoins d’être ici. L’un d’eux sera un peu en retard, mais nous en avons déjà un avec nous.
     Nous poursuivons notre étude de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne.
    Nous accueillons d’abord, de la Canadian Canola Growers Association, Jan Dyer, directrice des relations gouvernementales.
     Bienvenue Jan.
    Nous entendrons aussi M. John Curtis, agrégé supérieur de l’Institut C.D. Howe, de Toronto, et de l’International Centre for Trade and Sustainable Development, qui témoignera à titre personnel. Il a été retardé quelque peu.
     Nous commencerons par votre témoignage, Jan, et j’espère qu’il arrivera avant que nous passions à la période de questions. Nous avons hâte d’entendre votre témoignage.
    Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les membres du comité. Je suis très heureuse d’être ici ce matin. Merci de m’avoir invitée aujourd’hui pour parler de l’Accord économique et commercial global avec l’UE.
     La Canadian Canola Growers Association représente 43 000 producteurs de canola et est dirigée par un conseil d’administration agricole qui représente toutes les provinces allant de l’Ontario jusqu’à la Colombie-Britannique. J’ai le très grand plaisir de vous parler en leur nom ce matin.
    Le canola apporte une contribution économique et agronomique très importante aux exploitations de canola qui s’étendent partout au pays. La culture du canola est un exemple de réussite exemplaire pour le Canada. Elle est passée du stade de production marginale au début des années 1980 et est devenue la première culture commerciale au pays l’an dernier, puisqu’elle a rapporté 19,3 milliards de dollars à l’économie canadienne. Si vous avez nos notes pour une allocution, vous verrez « plus de 16 millions de tonnes ». Mais Statistique Canada a publié hier les plus récentes estimations de la production, qui se situe maintenant à près de 18 millions de tonnes cette année. La production dépasse ainsi les objectifs de l’industrie, qui voulait la porter à 15 millions de tonnes d’ici 2015. Le canola est le produit agricole de valeur la plus élevée, cette culture ayant représenté environ des recettes monétaires agricoles de près de 8,2 milliards de dollars l’année dernière.
    Les cultivateurs de canola comptent très fortement sur les marchés internationaux. Nous y exportons plus de 85 % des graines et des produits du canola chaque année. Par conséquent, la réussite actuelle et future du canola dépend directement de notre capacité d’exporter et d’être concurrentiels sur les marchés mondiaux.
    L’AECG représente des perspectives considérables pour les cultivateurs de canola. Il est très impressionnant d’avoir un accès accru à un marché aussi important. L’économie de l’UE s’élève à 17 billions de dollars. Elle représente un sixième du commerce mondial de biens et compte 500 millions de consommateurs ayant les moyens financiers d’acheter nos produits. Pour le canola canadien, cet accord offre des débouchés à venir et exprime l’engagement de surmonter certains des obstacles qui entravent l’accès du canola aux marchés. C’est probablement l’un de nos plus grands espoirs pour cet accord.
    Une fois que l’accord aura été ratifié, il entraînera la suppression immédiate des tarifs douaniers sur l’huile de canola, ce qui pourrait faire augmenter les exportations de notre huile vers l’Europe d’environ 90 millions de dollars par an, année après année. Nos exportations doubleraient donc par rapport au niveau actuel. Cet accès créera une nouvelle demande en graines de canola pour les cultivateurs et contribuera à l’accroissement des capacités de trituration du Canada.
    À long terme, l’AECG constituera un moyen plus officiel de se pencher sur les problèmes de barrières non tarifaires imposées depuis longtemps par l’UE aux cultivateurs canadiens, notamment les règlements ayant trait au canola génétiquement modifié. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de mettre en place une politique de réglementation transparente et scientifiquement fondée, et l’AECG constitue une occasion de faire progresser l’accès des produits transgéniques de façon appréciable.
    Afin de nourrir une population mondiale grandissante tout en s’assurant que la culture du canola reste rentable et contribue à l’économie du Canada, les cultivateurs doivent continuer d’adopter de nouvelles technologies innovantes. Ces technologies regroupent de nouvelles caractéristiques transgéniques qui permettent d’accroître la production et d’apporter des avantages agronomiques. En 2012, le Canada occupait le quatrième rang mondial de terres consacrées aux cultures transgéniques, 97,5 % du canola canadien étant produit à partir de variétés génétiquement modifiées. Les producteurs de canola ont rapidement adopté les nouvelles technologies, étant donné qu’elles offrent des avantages économiques réels à leur exploitation. Le canola transgénique permet d’obtenir des rendements accrus, une lutte plus efficace contre les mauvaises herbes, une moindre dépendance à l’égard des intrants agricoles, comme les pesticides, le carburant. Il donne plus de possibilités aux producteurs d’adopter des pratiques de travail réduit ou sans travail du sol, qui ont des retombées positives sur l’environnement.
    Quant à l’approbation de nouveaux caractères génétiques du canola, nous sommes particulièrement encouragés du fait que le Canada a été en mesure d’utiliser les négociations relatives à l’AECG pour obtenir une lettre en parallèle qui engage l’UE à assurer le traitement efficace des demandes liées au canola et leur progression rapide dans le processus d’approbation européen, qui peut être très long. L’accélération du processus permettra aux producteurs de profiter des innovations, ce qui nous rendra plus concurrentiels.
(0850)
    Afin de tirer pleinement parti de cet accord et d’exporter de manière concurrentielle, il sera également nécessaire d’améliorer le processus canadien de réglementation applicable à l’exportation du canola. Nous sommes satisfaits des changements récemment apportés à la Commission canadienne des grains, mais des efforts additionnels sont requis pour que nous puissions rester compétitifs et profiter pleinement de cet accord de libre-échange.
    Merci de m’avoir donné l’occasion de m’adresser au comité aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions un peu plus tard.
    Merci beaucoup. C’est effectivement un formidable produit des Prairies, cela ne fait aucun doute.
    Je remercie maintenant M. John Curtis d’être ici. Il est agrégé principal de l’Institut C.D. Howe, de Toronto. Je suis ravi que vous ayez pu venir. Nous vous cédons maintenant la parole, avant de poser nos questions.
    Je suis ravi d’être ici, monsieur le président. Vous m’avez présenté comme si je venais de Toronto, mais en réalité, je viens de Vancouver et je suis en exil permanent à Ottawa. Je réussis toujours à attirer des gens à l’Ouest de Winnipeg quand je suis très clair. Je ne devrais évidemment pas dire cela devant M. O’Connor, puisque c’est un gars du coin, mais j’attire encore du monde à l’Ouest de Winnipeg, disons. Je mentionne également que je suis diplômé de la fonction publique fédérale, puisque j’ai travaillé pendant 35 ans dans divers ministères. Je continue à suivre l’actualité commerciale et financière à l’échelle internationale et j’enseigne aussi dans le cadre d’un projet de retraite permanente, si je peux employer ces termes.
    Je suis ravi de pouvoir vous présenter quelques points de vue sur ce qui constitue actuellement un accord politique annoncé le 18 octobre, entre le premier ministre et le président de la Commission européenne, M. Barroso. Les négociations multilatérales prendront des mois. Je le sais par expérience, puisque j’ai fait partie des équipes de négociations de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, de l’ALENA et de l’Uruguay Round.
    Il faudra des mois avant de mettre la dernière main à l’accord technique et aux documents juridiques, voire de résoudre quelques derniers problèmes entre l’Union européenne et nous. Ce n’est donc pas encore dans le sac, sauf pour l’aspect politique, qui est très important. Mais cela signifie qu’il est impossible de se lancer dans une évaluation détaillée, parce que nous ne possédons pas tous les détails. Ce que nous avons — et je suis convaincu que tous les membres l’auront lue — c’est évidemment la déclaration publiée par le cabinet du premier ministre, ainsi que le document publié peu de temps après, et les connaissances que nous avons acquises grâce aux médias.
    Un point sur lequel j’aimerais insister et qui reflète peut-être le fait que je viens d’une des provinces du Canada… Je dois toujours rappeler à mes collègues fédéraux, comme je l’ai fait tout au long de ma carrière, que le Canada est formé du gouvernement fédéral, mais aussi de dix provinces et de trois territoires. D’ailleurs, je pense qu’un résultat important de cet accord est le fait qu’en moins de 24 heures, du 18 au 19 octobre, tous les premiers ministres provinciaux et les trois dirigeants des territoires ont appuyé l’accord de principe.
    Certains d’entre eux ont déclaré, avec raison, que selon les secteurs ou les intérêts particuliers de la province ou du territoire en question, certains aspects les préoccupaient et ils voulaient en discuter avec le gouvernement fédéral ou chez eux. Mais il s’agit ici d’un accord fédéral-provincial-territorial, qui me semble presque sans précédent, dans l’histoire commerciale du Canada. Je crois que c’est très important et que c’est tout à l’honneur du gouvernement actuel d’avoir fait participer les fonctionnaires provinciaux et territoriaux tout au long du processus.
    Air Canada et les divers autres transporteurs aériens qui servent l’Est et l’Ouest du Canada ont dû faire des affaires en or en transportant les fonctionnaires qui ont multiplié les allers-retours à Bruxelles. Les négociateurs m’ont raconté que c’était parfois compliqué, mais ils étaient tous là et c’est une intéressante expérience canadienne, si je peux employer ces termes. Nous verrons si elle peut se répéter.
     J’ajoute que ce n’est pas encore le cas, jusqu’ici, dans les négociations du Partenariat transpacifique qui sont en cours. Des fonctionnaires des échelons inférieurs ont participé jusqu’à un certain point, mais ce que j’ai observé dans mes rapports avec plusieurs gouvernements provinciaux, c’est qu’ils ne connaissent pas beaucoup cet autre accord mégarégional, comme l’est aussi l’AECG, en cours de négociation. Je pense que le gouvernement devra en tenir compte à l’avenir.
    Ce n’est qu’une petite parenthèse, mais je pense que c’est important, monsieur le président, en partie parce que, dans les négociations en cours au sujet du Partenariat transpacifique, les États-Unis s’investissent à fond pour la première fois depuis 20 ans. On a tendance à l’oublier. Pour le meilleur ou pour le pire, les États-Unis sont le moteur du Partenariat transpacifique, mais ils négocient sur tous les fronts et c’est ce qui rend ces négociations importantes. Il y a des répercussions même sur l’accord avec l’Europe.
(0855)
    En règle générale, du point de vue stratégique et du point de vue pratique, je souligne que, chaque fois que des règlements intérieurs ou des relations internationales changent — et, finalement, les accords bilatéraux ainsi que les accords sur l’investissement constituent des modifications aux règlements — il y a toujours des gagnants et des perdants. C’est vrai de n’importe quelle modification réglementaire, qu’elle porte sur les télécommunications, l’agriculture ou le commerce international. C’est important pour les gouvernements et pour tous ceux d’entre nous qui touchons à la politique publique, peu importe dans quel domaine. Nous devons nous assurer que les gagnants ultimes peuvent indemniser les perdants. En gros, on peut faire valoir que les gagnants, qui sont généralement les consommateurs, ont tendance à l’emporter sur les intérêts des producteurs, qui sont parfois pénalisés, gravement dans certains cas.
     Je crois qu’il incombe à tous les gouvernements et aussi à nous tous qui avons affaire à la politique publique, d’accommoder les perdants et de reconnaître que certains perdent au change, comme cela arrive lors d’un changement technologique. On ne voit plus grand monde se déplacer avec un cheval et une carriole. Lorsque l’automobile est arrivée, il y a eu des perdants. À mesure que la technologie progresse, il y a toujours des perdants dans notre société. Mais les gagnants devraient être en mesure d’indemniser les perdants.
     J’ajouterais que c’est naturel dans le commerce. C’est naturel dans une famille, dans une communauté, dans une région, dans une province, dans un pays, et d’un pays à l’autre. C’est naturel dans le commerce. Cela ne veut pas dire que c’est tout à fait bien, mais c’est l’état naturel des choses. Je pars toujours de cette prémisse. Il faut équilibrer les intérêts. Il faut encourager les biens et les services, les personnes et les investissements dans la technologie à traverser les frontières. C’est une chose naturelle, qui finit par profiter à tout le monde avec le temps.
    Dans ce contexte, je dirais que, dans l’ensemble, l’AECG est une bonne chose. Il ne fait aucun doute que c’est bon pour le Canada. C’est un accord bilatéral de nouvelle génération qui resserrera la coopération entre le Canada et l’Union européenne dans de nombreux domaines de la réglementation intérieure et internationale. Les règlements ne seront pas nécessairement identiques, mais ils seront alignés de plus près. Il y aura moins de différences entre nous. D’après ce que j’ai lu, il fait des percées dans des domaines comme la reconnaissance des services professionnels, l’architecture, le droit, le génie et de nombreux autres. Il accroîtra aussi la coopération en matière d’entrée temporaire, de mouvement de la main-d’oeuvre qualifiée, y compris les pdg. Il commence à effleurer d’autres aspects du commerce. Il touchera, par exemple, à la manière de régir le commerce électronique, qui joue un rôle si grand dans l’économie actuelle. La jeune génération peut trouver inconcevable que les accords bilatéraux ne portent pas sur l’Internet, qu’ils ne portent pas sur le commerce électronique. Mais c’est la réalité. Cet accord commence à aborder ces questions et à ouvrir de nouveaux domaines de réglementation et d’harmonisation, ou tout au moins à aligner les règlements dans ces domaines.
    Pour le résumer, l’accord s’attaque à certains droits de douane de l’Union européenne dont nous essayons de nous débarrasser depuis 50 ans — dans les secteurs des pêches, des produits forestiers, des produits de l’automobile et de l’aluminium. Je me souviens des négociations sur l’aluminium dans l’Uruguay Round, le cycle multilatéral. Les Européens ne voulaient pas bouger d’un poil dans ce domaine. Les droits de douane seront éliminés lorsque l’AECG entrera en vigueur.
(0900)
    J’ai lu, et vous l’avez peut-être lu vous aussi, que la plupart des producteurs canadiens estiment qu’il y aura une hausse d’au moins 1 milliard de dollars des exportations de porc et de boeuf avec le temps, et que les marchés publics s’ouvriront des deux côtés, ce qui inquiète des municipalités et des administrations locales. Mais cela signifie aussi qu’en tant que contribuables et consommateurs, nous en profiterons tous, tout comme les clients de l’Union européenne.
    Nous ouvrons partiellement notre marché aux fromages de spécialité européens et nous semblons avoir accepté ou être en train d’accepter la demande de l’Union européenne concernant les brevets pharmaceutiques — je crois comprendre que votre comité en a déjà discuté jusqu’à un certain point — et les indications géographiques, pour lesquelles les Européens avaient une liste assez longue de biens correspondant essentiellement à des marques de commerce.
    Enfin, je dirais que les dispositions relatives à l’État investisseur me troublent, non seulement dans cet accord, mais en général. Je ne suis pas convaincu qu les gouvernements canadiens précédents ont eu raison d’aller dans cette direction dans l’ALENA, et ces dispositions figureront aussi dans l’accord européen. D’autres en savent davantage que moi sur cette question, mais je suis un peu mal à l’aise. Je sais pourquoi nous l’avons fait au départ: nous ne faisions pas confiance aux Mexicains quand nous avons signé l’ALENA. Mais c’était un très gros morceau à lâcher et je ne suis pas convaincu que les intérêts nationaux du Canada sont servis par ces dispositions. Nous pourrons peut-être en discuter, ou vous voudrez en discuter avec d’autres.
    Enfin, je dirais aussi que cet accord est en réalité le premier que conclut l’UE avec un pays du G7, ce qui constitue un précédent. Il aidera les Européens — et nous aussi j’espère — au début et pendant la poursuite des négociations entre l’Europe et les États-Unis. Les enjeux sont grands pour nous, des deux côtés de l’Atlantique. Dans l’ensemble, je dirais donc au comité que c’est bon pour le Canada.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous passerons maintenant à la période de questions et commencerons avec M. Davies.
    Vous avez la parole, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins. Bienvenue au Comité du commerce international.
    Monsieur Curtis, je commencerai par vous. La relation entre la création d’emplois et les accords commerciaux m’intéresse. Certains prétendent que l’AECG créera quelque 80 000 emplois canadiens. Jusqu’ici, nous n’avons pas encore trouvé un témoin capable de nous dire combien d’emplois seront créés, ni où ni quand. Peut-être parce que les négociations ne sont pas assez avancées. Nous sommes dans un monde de gros chiffres, lorsque des chiffres sont avancés.
    Je suis curieux. D’après votre expérience, les accords commerciaux créent-ils des emplois?
(0905)
    La réponse courte est non, pas nécessairement.
    Si les accords commerciaux — et je le dis en ma qualité d’économiste professionnel — accroissent la productivité et la compétitivité, il peut en découler des pertes d’emplois, à court terme tout au moins. À mesure que la productivité d’une économie augmente, l’économie a besoin de moins de main-d’oeuvre, autrement dit d’emplois, à court terme. S’il y a effectivement plus d’échanges commerciaux au bout du compte, plus d’importations et d’exportations, parce qu’il y a aussi des emplois reliés aux importations, par l’entremise de la distribution et des services, les emplois pourraient augmenter. Avec le temps, c’est probablement vrai, à mesure qu’une économie grandit et que ses partenaires commerciaux grandissent. Mais je ne pourrais pas démontrer — et je ne voudrais pas que vous pensiez — qu’il existe une corrélation automatique entre des accords commerciaux et l’emploi. Cela défie tout simplement la science économique.
    Après, on analyse les chiffres, et je dis cela parce que j’ai fourni un grand nombre de ces chiffres. Ils sont extrêmement provisoires et constituent tout au plus des indicateurs de la possibilité de hausses à long terme de l’emploi.
    En ce qui concerne la qualité des emplois, en supposant que l’AECG ou d’autres accords bilatéraux créent des emplois, avons-nous l’assurance que nous créerons de bons emplois à valeur ajoutée et bien rémunérés dans ce pays, plutôt que des emplois peu rémunérés? Y a-t-il une corrélation nécessaire entre les accords commerciaux et la qualité des emplois créés, s’il y a effectivement création d’emplois?
    Monsieur le président, je pense qu’à mesure que l’économie change et grandit, en particulier en se tournant de plus en plus vers les services et le savoir, les emplois sont mieux rémunérés et exigent des compétences accrues avec le temps.
    Dans une certaine mesure, cet accord est surtout un accord sur les services. C’est possible, si, dans l’ensemble, dans le secteur des services, toute la réglementation intérieure est favorable — pas à cause seulement de l’accord commercial, mais aussi des arrangements fiscaux, des infrastructures, des lois sur le travail; donc, d’un ensemble complet. Dans le secteur manufacturier, c’est moins certain, à moins qu’il s’agisse de fabrication très avancée et, jusqu’à un certain point, le Canada réussit assez bien dans ce secteur. La progression est lente, mais elle existe. Pour certains des secteurs que j’appelle la fabrication traditionnelle — et même pour les ressources, à mesure que les agriculteurs deviennent moins nombreux — ces emplois disparaîtront avec le temps.
    Je vous ai donné une longue réponse pour expliquer « non, pas nécessairement ». Si le commerce électronique et si les services sont forts et si la R-D est assez forte dans les secteurs de la technologie de pointe, ces emplois augmenteront avec le temps.
    Le Canada accuse un déficit commercial important par rapport à l’Europe depuis 13 ans. Le déficit se situe en moyenne à 19 milliards de dollars par année. C’est notre plus important déficit commercial au monde, après la Chine. Et je ne parle pas de l’aspect qualitatif de ce déficit.
     J’ai examiné nos 10 principales exportations en Europe, et nos principales importations. Quand je compare les 10 principales exportations vers l’UE, ce que le Canada envoie là-bas, ce sont surtout des matières premières ou à peine transformées. Nous expédions de l’or, des diamants, du minerai de fer, de l’uranium, des produits pétroliers, du blé, du charbon et des combustibles solides. Huit des dix principales exportations de l’UE au Canada sont des médicaments, des véhicules moteurs, des pièces de turboréacteurs et des turbines, des pièces aéronautiques, des vins, des préparations biologiques, des pièces de machinerie et des instruments médicaux. Il me semble que nous avons non seulement un déficit commercial, mais aussi un problème qualitatif, parce que la valeur ajoutée de nos exportations est très faible par rapport aux importations.
    Est-ce que l’AECG nous aidera à combler le déficit et à changer les types de biens que nous produisons?
    Avec votre permission, je ferai deux ou trois commentaires. Vous avez décrit ce qui correspond à la situation quand on examine les données de Statistique Canada ou d’Eurostat. Cela ne fait aucun doute.
    Je ferai quelques observations.
    Premièrement, pour de nombreuses ressources — l’agriculture et certains secteurs dont vous avez parlé — les services font partie du lot. C’est ce que nous appelons l’intégration des services et des biens. De fait, dans le monde actuel... c’est pour cette raison que j’ai évoqué le commerce électronique. De plus en plus, on ne peut pas séparer les deux. On se sert des moyens de transport pour déplacer du pétrole, par exemple, avec parfois des conséquences désastreuses, comme nous le savons tous. Mais il faut des services — services juridiques, services architecturaux, services de génie. C’est la clé, ce n’est pas blanc ou noir, on n’envoie plus simplement une pierre ou un billot. Il y a toutes sortes de services connexes.
    Deuxièmement, dans bien des cas, le consommateur canadien... c’est pour cela que j’insiste sur ce fait, et je m’inclus dans les consommateurs canadiens… Je suis ravi que mon ophtalmologiste puisse utiliser une technologie de pointe allemande pour trouver un glaucome ou autre chose. Dans une certaine mesure, nous en profitons. Nous faisons des percées. Dans certains créneaux de l’aéronautique, nous nous en tirons assez bien. Quand on va à Bruxelles, on voyage dans un train fabriqué par Bombardier.
    À en juger par les statistiques globales, vous avez raison. Mais avec le temps, à mesure que l’économie change et se déplace vers la fabrication très avancée, comme vous l’appelez, vers une plus grande valeur ajoutée, et que nous commençons à évaluer la valeur ajoutée, je pense que vous décrivez une situation statique et que n’est probablement pas utile quand on regarde vers l’avenir, parce que les services, la technologie et les biens sont tous reliés entre eux. Ce n’est pas aussi catastrophique que vous le dites.
    Troisièmement, monsieur le président, dans notre compte courant, que vous avez mentionné, le solde de la balance des paiements au titre des services est nettement plus positif dans l’ensemble et par rapport à l’Europe est nettement plus positif que la balance commerciale — les services commerciaux, pas tous les services. Le tourisme va mal, les transports aussi, et certains services vont très mal. Mais pour les services commerciaux — assurance, finances, génie, architecture — nous avons un excédent au Canada. On ne s’en rend pas compte.
(0910)
    Merci beaucoup.
    Monsieur O’Toole, vous avez la parole, pendant sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais remercier les deux témoins. Nous menons cette étude depuis quelques semaines maintenant. C’est important d’entendre les points de vue.
    J’ai quelques questions pour Mme Dyer, pour commencer. Ce que l’AECG a d’emballant pour le secteur agricole, c’est que les droits de douane moyens sur les produits agricoles exportés dans l’UE se situent autour de 13 et 14 %. Dans le cas des huiles, dont le canola, les taux des droits varient de 3 à 10 %.
    Nos exportations de canola et de produits du canola ont été impressionnantes ces dernières années. De nouveaux marchés s’ouvrent partout, y compris en Asie. Que fait l’industrie pour se préparer au cours des prochaines années afin de profiter de l’AECG? Les 43 000 producteurs dont vous avez parlé ont évidemment développé un marché à l’exportation très perfectionné et une excellente chaîne d’approvisionnement au Canada. Prenez-vous des mesures particulières pour vous préparer à saisir les débouchés que créera l’AECG?
    Les débouchés de l’AECG sont un peu différents que sur certains de nos autres marchés. L’industrie du canola a un plan d’accès aux marchés très détaillé, depuis un certain temps déjà. Nous avons donc des objectifs d’accès pour certains des marchés des aliments à valeur élevée comme la Chine, la Corée, le Japon et des marchés où nous nous efforçons actuellement d’être plus actifs. Le marché de l’UE est un peu différent. Nous ne vendons pas de produits du canola pour l’alimentation en Europe. L’Europe a…
    Les biocarburants.
    Oui, elle a une très grande superficie pour cultiver des aliments et elle cultive beaucoup de colza. Nos marchés sont ceux du tourteau et du biodiesel. Pour le biodiesel, le canola est supérieur à tous les autres produits concurrents. On réduit les émissions de gaz à effet de serre d’environ 90 % par rapport au diesel conventionnel en utilisant de l’huile de canola. Nous pensons que c’est un marché très prometteur dans l’UE et qu’il y a une très forte demande pour ce produit dans l’Union européenne. C’est bon pour nous.
    Aussi, le tourteau de canola est très prisé dans les rations laitières. Il est très productif. On obtient un litre de lait de plus par vache par jour quand on fait manger du tourteau de canola aux vaches laitières. Nous nous concentrons actuellement sur ces marchés très prometteurs.
    Ce sont des questions de ce genre qui se retrouvent dans le plan d’accès aux marchés depuis un certain temps déjà. La stratégie est un peu différente en Europe, mais il y a un plan très important et l’industrie du canola est très proactive, très énergique pour exporter ses produits sur ces marchés.
    Je dirai que nous examinerons très attentivement le dialogue entre le Canada et l’UE sur la biotechnologie, parce qu’il est très important pour nous d’obtenir rapidement des autorisations d’exporter sur les marchés qui nous intéressent. Nous possédons une technologie améliorée, qui peut accroître notre compétitivité. Si nous ne pouvons pas faire homologuer ces produits sur d’autres marchés, nous ne pouvons pas les exporter, parce qu’ils ne sont pas acceptés, pas approuvés.
(0915)
    C’était ma prochaine question, vous me devancez.
    De fait, parce que vous envisagez l’UE simplement pour le tourteau et les produits destinés aux marchés du biodiesel, les barrières non tarifaires sur lesquelles il faudra se pencher et les conseils réglementaires qui seront établis dans le cadre de cet accord... Vous avez mentionné que, pour nourrir la planète, il faut être productif, et que la biotechnologie jouera un rôle crucial dans ce domaine. Comment votre industrie utilisera-t-elle ces conseils pour tenter de provoquer une mobilisation? Vous avez mentionné une approche fondée sur la science. Je sais que c’est un aspect sur lequel votre industrie et l’industrie nord-américaine, l’agro-industrie, en fait, travaillent avec l’Europe. À votre avis, comment ces types de discussions sur les barrières non tarifaires aideront-elles votre industrie à long terme?
    Les discussions proprement dites, de gouvernement à gouvernement, nous ont amenés jusque-là, avec l’UE tout au moins. Il est très prometteur de voir qu’ils sont disposés à signer une lettre parallèle, à accepter de coopérer et de mieux dialoguer, et à s’engager à accélérer leur processus réglementaire. Cela nous encourage beaucoup.
    C’est l’une des principales choses sur lesquelles nous devons insister. Je dirais que le gouvernement canadien a grandement appuyé l’industrie par sa manière de s’associer à nous. Nous travaillons à de nombreux accords conjoints. Il y a de nombreux problèmes techniques d’accès aux marchés que nous ne pourrions tout simplement pas régler sans les négociateurs canadiens. La coopération a été excellente pour consulter l’industrie, défendre la position de l’industrie, demander les changements nécessaires dans l’UE et d’autres pays également.
    Merci.
    J’aimerais essayer de poser rapidement une question à M. Curtis.
    J’ai trouvé curieuse votre réponse au sujet des emplois. Il me semble bien que toute analyse d’un grand accord comme l’ALENA révélerait un énorme gain net d’emplois. Mais en ce qui concerne la diversification de nos relations commerciales, depuis deux générations, le Canada ne s’est pas diversifié, parce que nous pouvions vendre aux États-Unis presque tous nos biens et services, ou 70 % ou plus parfois.
    Si les États-Unis persistent dans cette phase de croissance léthargique ou lente, comme c’est possible, puisque certains économistes prévoient une croissance de 2 % ou moins au cours des prochaines années, dans la perspective du maintien des emplois qui existent actuellement grâce au commerce nord-sud, que pensez-vous de l’importance de la diversification, en particulier vers un marché aussi imposant que l’UE, mais aussi au moyen d’accords bilatéraux avec d’autres pays, afin de nous protéger en cas de déclin du principal partenaire commercial?
    Si je peux intervenir brièvement, je n’ai pas dit qu’il n’y aurait pas d’emplois. À long terme, il y a des emplois, mais il y a une incidence à court terme, en particulier si c’est en faveur de la productivité et de la compétitivité, et la croissance à très court terme ne sera pas aussi forte qu’on le souhaiterait. À long terme, en règle générale, si l’économie devient plus productive et plus concurrentielle, alors les emplois augmentent. Nous l’avons constaté avec l’ALENA, mais ce n’était pas uniquement à cause de l’accord bilatéral. C’est l’investissement qui accompagne le commerce qui favorise la croissance de l’emploi avec le temps. Alors, j’étais plutôt prudent avec M. Davies, pour dire que ce n’est pas seulement un accord bilatéral à court terme. En réalité, il faut regarder tout le tableau à long terme. À mesure que l’économie grandit, que les partenaires commerciaux grandissent, il y a évidemment plus d’activité économique, y compris des emplois. Il est important de se diversifier.
    Mais je ne fais pas partie des économistes qui pensent que l’histoire économique des États-Unis est terminée. Les liquidités énormes qui restent à ne rien faire dans le secteur privé, l’esprit d’innovation de cette économie, l’esprit d’entreprise de cette économie, tout cela me fait penser que c’est la croissance aux États-Unis au cours des trois ou quatre prochaines années qui fera l’envie du monde entier, pas la croissance de l’Europe ou de l’Asie. L’Asie continue de progresser…
(0920)
    Je dois vous interrompre, parce que le temps est écoulé.
    Monsieur Eyking, cinq minutes...
    Merci, monsieur le président. Cinq minutes?
    Quatre minutes et je compte...
    Bien, je dirais d’abord que c’est formidable de revenir au comité. J’étais ici en 2000. C’était mon premier comité. Nous avons étudié les accords commerciaux qui existent maintenant avec l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale. L’Europe est donc sur notre liste ici. Je siège au comité de l’agriculture, et nous étudions aussi l’accord européen.
     Je reviens tout juste d’une tournée dans l’Ouest, où j’ai rencontré de nombreux agriculteurs. Ils sont évidemment très heureux de leurs récoltes — c’est une campagne record — mais plutôt choqués par les chemins de fer. Beaucoup d’entre eux disent que la potasse et le pétrole sont les priorités des sociétés ferroviaires. Ils disent aussi que la disparition du guichet de vente unique qui coordonnait une grande partie du transport des grains se fait sentir. Je ne veux pas que les conservateurs commencent à s’énerver, mais c’est ce que de nombreux agriculteurs m’ont dit.
    Ma première question est: que peut faire le gouvernement pour que les chemins de fer fassent leur travail et que nos grains arrivent à temps en Europe? À l’heure actuelle, nous entendons dire que de nombreux navires attendent d’être chargés à Vancouver. Ils ne sont pas chargés à temps. Ces grains iront en Europe, alors que pouvons-nous faire pour que les chemins de fer soient utilisés plus efficacement et que les produits agricoles deviennent au moins aussi prioritaires que les autres produits?
    Bien, plusieurs choses, je pense. Il y a déjà eu quelques modifications avec l’adoption de la Loi sur les services équitables de transport ferroviaire en juillet dernier. Cela nous donne une assurance dans les accords sur les services. Nous avons surveillé la situation de très près. Nous avons l’impression que cette année, c’est un problème de capacité. Nous mettons vraiment à l’épreuve la capacité du système cette année. Ce que nous avons constaté, c’est une hausse de la demande de wagons de chemin de fer, mais aussi une hausse des services ferroviaires. Il y a un arriéré, mais le système de transport semble être en train de l’éliminer. À court terme, il s’agit d’amener ces énormes récoltes sur le marché et, lorsque nous avons surveillé la situation ces derniers mois, nous avons constaté que le nombre de wagons affectés aux grains était beaucoup plus élevé que l’an dernier. Mais nous avons eu des récoltes records, les silos sont pleins à ras bord et les installations de stockage débordent. Cela mettra à l’épreuve le modèle des accords sur les services cette année, c’est certain. C’est un peu comme une inondation qui ne revient que tous les 100 ans. Mais ce que nous devons faire à l’avenir... Il y a quelques engagements que le gouvernement…
    … Je ne veux pas vous interrompre, mais ils ne me donneront qu’un tour ici et j’aimerais poser une question à M. Curtis, alors...
    Bien, quelques aspects restent en suspens. Il reste encore à effectuer l’examen de la chaîne d’approvisionnement des produits de base, tout comme l’examen de l’industrie des grains qui a été promise au même moment.
    Monsieur Curtis, nous revenons tout juste de Washington. Toute la question du charbon a semé la panique dans notre industrie du boeuf. Pas seulement nous, mais aussi les Mexicains, parce que ces accords sont formidables, mais ils rendent l’industrie très intégrée. Quand un partenaire décide tout à coup de tirer sur la goupille, tout le monde s’agite. Avec l’OMC — parce que ce sont les seuls qui peuvent être utiles dans ces cas — pensez-vous que l’OMC doit être remaniée ou changée, ou qu’il faut un bâton plus long ou un mécanisme plus rapide?
(0925)
    La réponse courte est oui, mais il faut un consensus politique mondial. Ce n’a pas été le cas depuis une décennie, comme tout le monde le sait, y compris pour les ministres lorsqu’ils ont rencontré le président à la réunion ministérielle de l’OMC à Bali, en Indonésie, qui n’a pas donné grand-chose. Il n’y a pas vraiment de volonté politique de faire avancer l’OMC, pour vous donner une réponse très courte.
    Le commerce international repose souvent davantage sur les comportements que sur les lois. C’est une déclaration d’économiste, pas d’avocat. Avec les Américains parfois, tant dans les marchés de défense que dans l’exemple que vous avez donné en agriculture, le commis au bas de la hiérarchie peut faire des choses très étranges, y compris ce que vous venez de décrire. Dans une certaine mesure, c’est un comportement. Si vous êtes l’autre partie, vous devez leur répéter sans cesse qu’ils doivent jouer le jeu selon les règles, comme vous les avez comprises et comme ils demandent aux autres de le jouer. C’est pour cette raison que je ne m’inquiète pas si les Chinois dépassent les Américains de temps en temps. Cela ne leur fait pas de tort de goûter à leur propre médecine.
    Pour en revenir à la diversification, c’est pour cela que nous avons besoin d’alliés, en plus des États-Unis. Les États-Unis sont les premiers pour nous, mais nous devons travailler avec d’autres pour continuer d’exercer des pressions sur eux à tous les échelons de leur gouvernement et sur le secteur privé pour qu’ils comprennent qu’ils ont tout intérêt à se comporter correctement.
    D’accord. Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Holder, sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais remercier nos invités d’être venus ici ce matin.
    J’apprends à aimer le canola de plus en plus tous les jours.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Ed Holder: Nous obtenons certainement une foule de renseignements en provenance de diverses sources, madame Dyer, alors j’apprécie votre témoignage.
    Monsieur Curtis, votre témoignage d’aujourd’hui est très intéressant. Certains aspects sont très généraux. Vos projections semblent un peu conservatrices — sans jeu de mots — et peut-être que là où il y a de la vie, il y a de l’espoir.
    Mais ma question…
    Je vous interromps pour dire que je suis du centre radical.
    Parfait. Alors, bienvenue dans ce groupe.
    Vous avez déclaré dans votre témoignage, monsieur Curtis, que finalement, selon vous, cet accord est une bonne chose. Pourquoi dites-vous cela? Je vous prierais de répondre avec concision, même si la question est vaste.
    Je dirais que c’est une bonne chose à plusieurs égards. C’est une bonne chose parce que cela veut dire que nous, les Canadiens, pouvons conclure un accord bilatéral majeur. Il y en a eu quelques petits, sous les gouvernements précédents et sous le gouvernement actuel, mais il n’y a pas eu d’accord bilatéral majeur depuis 1995, l’OMC et l’ALENA.
    Cela nous donne une crédibilité à l’échelle internationale et au sein de l’Europe. J’ai passé beaucoup de temps en Europe. La plupart des Européens étaient plutôt surpris de constater qu’il n’y avait aucune négociation commerciale en cours, mais tout à coup, ils se rendent compte de ce qui s’est passé.
    Donc, c’est important de ce point de vue très général. C’est important également parce qu’il aide l’Europe et les États-Unis à traiter l’un avec l’autre. Nous devons surveiller nos préférences aux États-Unis, mais il est extrêmement important que la croissance économique redémarre des deux côtés de l’Atlantique et dans le Pacifique. Cela ne peut arriver avec le temps que si l’on rend les régimes commerciaux plus prévisibles et plus stables, pour que les situations évoquées par M. Eyking ne deviennent pas la norme, que ce ne soit pas la loi de la jungle et qu’il y ait plutôt une certaine stabilité.
    Dans un système fondé sur les règles, évidemment.
    M. John Curtis: Évidemment.
    M. Ed Holder: Vous avez parlé du Canada et des États-Unis. C’est évidemment un grand premier ministre, Brian Mulroney, qui a négocié l’accord entre le Canada et les États-Unis. C’est assez intéressant; en 1988, les exportations canadiennes aux États-Unis — pour dire la vérité, j’ai les statistiques devant moi — dépassaient un peu plus de 81 milliards de dollars. C’était la valeur de nos échanges commerciaux avec les États-Unis. En 2012, nos exportations se sont chiffrées à 324 milliards de dollars, ce n’est pas rien.
    Comme disait toujours ma mère du Cap-Breton, c’est difficile de savoir quel temps il fera demain, mais c’est facile de savoir quel temps il a fait hier. Quand je regarde cette croissance depuis 25 ans et que je vois ce que cela représente pour le Canada, je dois vous poser cette question... qui n’est pas hors sujet, parce qu’elle va dans le sens de l’AECG. Croyez-vous que notre accord avec les États-Unis et celui avec le Mexique, dans le cadre de l’ALENA, ont finalement été une bonne chose pour le Canada?
(0930)
    Oui, dans l’ensemble, c’était bon pour le Canada.
    Ce qui est difficile, et c’est difficile quand on est petit, comme nous le sommes, en règle générale, c’est que le vrai problème, ce n’est pas le commerce — et les chiffres que vous donnez sont tout à fait exacts — non, le vrai problème, c’est de savoir où ira l’investissement avec le temps. Jusqu’à un certain point, le gouvernement de l’heure — et cela inclut M. Mulroney et son gouvernement, ainsi que les gouvernements ultérieurs — sous-estime l’importance de la taille quand il est question d’investissement.
    L’investissement dépend de qui l’on connaît, du climat de confiance là où l’on veut investir, de qui possède le savoir, qui possède l’innovation et qui a l’esprit d’entreprise. Dans le contexte de l’ALENA, nous avons constaté, et les Mexicains aussi, que, dans l’ensemble, la plupart des investissements sont allés aux États-Unis depuis 15 à 20 ans. C’est là que le bât blesse.
    C’est intéressant parce que l’entente que nous venons de conclure avec l’UE représente un marché — et Mme Dyer a fait cette observation elle aussi — de 500 millions de personnes, 800 millions entre les deux blocs commerciaux les plus riches de la planète, et une activité économique de quelque 17 billions de dollars dans l’UE.
    Être lié à ces deux grands marchés, pour le bien du Canada, un accès préférentiel aux deux économies les plus avancées de la planète, qu’est-ce que cela augure pour le Canada à l’avenir?
    En avez-vous une idée? Êtes-vous optimiste ou pessimiste?
    Je suis optimiste.
    Pourriez-vous répondre à une question pour laquelle je cherche éperdument une réponse?
     Monsieur le président, c’est très important pour moi. Tout le monde parle, comme vous l’avez dit, d’un accord bilatéral de la nouvelle génération. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?
    Le commerce électronique, principalement, et les services, et des efforts pour aligner la réglementation des services, dans tous les domaines. La plupart de nos économies sont désormais des économies de services. L’agriculture et la fabrication sont évidemment importantes, mais la croissance à long terme se concentrera surtout dans le secteur des services. Avec cet accord, il va sans dire. C’est la nouvelle génération, cela et le commerce électronique, et le savoir, la recherche et le développement de nouveaux produits. Parce que nous devons rester à la hauteur non seulement des Européens et des Américains, mais aussi des Chinois et des Japonais. Les Chinois gravissent très rapidement l’échelle de la technologie.
    Jusqu’à quel point était-ce important que le Canada fasse participer les provinces et les territoires? Vous avez déclaré que c’était sans précédent. Jusqu’à quel point était-ce crucial pour le bien du Canada, à l’avenir?
    Monsieur le président, les sujets qui font l’objet de négociations mais qui sont clairement dans les nouveaux secteurs, les services par exemple, relèvent surtout des compétences des provinces. À cause de la façon dont nous sommes organisés dans ce pays, elles doivent dire leur mot.
    Madame Dyer, nous avons entendu M. Everson lors de notre dernière réunion, au sujet du canola. En ce qui concerne l’agriculture, et je pense à tous les volets de l’agriculture, le boeuf, le porc, tous les grains, les légumineuses et le canola, ils seront tous de grands gagnants. J’inclurais aussi les produits laitiers, à cause de la possibilité d’aller sur le marché américain.
    Quelle est la prochaine étape? Comment en tirer un avantage? Cela va dans le sens de la question de M. O’Toole, que ferez-vous à partir de maintenant, du point de vue de l’augmentation de la capacité, pour pouvoir satisfaire le marché européen?
    Deux ou trois choses, qui recoupent jusqu’à un certain point ce que vient de dire M. Curtis. L’agriculture moderne, et sans aucun doute le canola, est de plus en plus présente dans ce que j’appelle la recherche-développement et l’innovation. J’entends par là tout le passage des OGM vers la technologie présente dans l’industrie du canola.
    Nous avons la capacité d’accroître nos rendements. Nous les avons accrus de 30 à 40 % depuis un an, par rapport à l’année précédente, en grande partie grâce à la technologie. C’est une technologie environnementale nettement meilleure. C’est beaucoup plus rentable. C’est très avancé technologiquement. C’est vraiment ce qui nous importe.
    Merci beaucoup.
    Nous passerons maintenant à Mme Hughes. Vous avez la parole.
    Il n’y a pas beaucoup de temps pour répondre à ces questions, alors j’adresserai les miennes à vous, madame Dyer. Mademoiselle ou madame?
    Madame.
    Merci.
    Je ne vais pas faire de longs préambules. Je vais poser les questions directement, afin d’essayer d’obtenir quelques réponses. S’il n’y a pas assez de temps, vous pourriez peut-être répondre par écrit.
(0935)
    Certainement.
    À propos des OGM, voici mes questions: Quels problèmes reste-t-il à résoudre au sujet de la traçabilité? Vous avez parlé de la technologie. Comment ces problèmes seront-ils réglés, selon vous? Faudrait-il les résoudre avant la mise en oeuvre complète de l’AECG?
    C’est une très grosse question. Je pourrai vous répondre plus longuement par écrit, si vous le voulez. Tout ce que je dirai pour l’instant, c’est qu’à mon avis, le débat sur la technologie des OGM durera pendant encore très longtemps. Il faudra se fonder sur la science. Il faudra beaucoup de communication. Il faudra un dialogue.
    De nombreuses initiatives sont en cours pour régler ce que nous appelons le problème de la faible présence, autrement dit ce qui arrive lorsqu’il y a des caractères génétiques approuvés ou non approuvés dans nos expéditions de canola et quelle attitude adopter face aux divers seuils de tolérance dans des pays qui ont des normes différentes concernant ce qu’ils acceptent dans les produits.
    En Europe, ce n’est pas vraiment un problème pour le tourteau, parce qu’il est surtout destiné à l’alimentation des animaux, ni pour l’huile, parce que le marché est surtout celui du diesel. En réalité, cela dépend du marché.
    C’est une discussion à long terme, qui porte sur de multiples aspects, mais je crois que c’est un dialogue à long terme qui durera très longtemps, à mesure que cette technologie tracera son chemin pour entrer sur le marché.
    D’après ce que vous venez de dire, vous ne pensez donc pas que ces questions seront réglées avant l’entrée en vigueur de l’AECG.
    Ce que je constate, c’est que le canola est cultivé même dans le Nord de l’Ontario, même dans ma circonscription d’Algoma—Manitoulin—Kapuskasing.
    Brian Masse n’a pas pu venir. Il siège habituellement à ce comité. Je le remplace aujourd’hui. Il m’a demandé de vous poser les questions suivantes.
     Les témoins précédents, du Canola Council of Canada, ont déclaré que lorsque l’AECG entrera en vigueur, les exportations de canola canadien pourraient doubler et atteindre 90 millions de dollars par année. Pouvez-vous estimer la hausse totale des emplois canadiens reliée directement à l’augmentation des exportations canadiennes de canola dans l’UE? Quelle est la nature de ces emplois? Se trouvent-ils dans les cultures commerciales ou dans les activités de transformation comme les usines de trituration? Pensez-vous, par exemple qu’il y aura des hausses dans le secteur de la transformation, comme l’usine d’ADM à Windsor?
    D’abord, je n’ai pas les chiffres sur l’emploi. Nous pensons surtout à la qualité et à la stabilité des emplois qui découleront de la hausse à long terme du commerce. La plupart des emplois dans l’industrie du canola se trouvent à tous les maillons de la chaîne de valeur. Il y a beaucoup d’emplois agricoles, c’est certain, mais il y en a aussi beaucoup dans l’industrie des semences, qui constitue en quelque sorte l’industrie des intrants. C’est là que s’effectue la production végétale transgénique. Ce sont des emplois de qualité, des emplois scientifiques. Ils sont très stables.
    Une augmentation de la stabilité et la qualité des emplois représente un avantage à long terme. Ce n’est pas un avantage à court terme. La signature d’un accord ne fait pas augmenter les emplois du jour au lendemain. C’est une question d’offre et de demande, au fil du temps, à mesure que la technologie augmente.
    Voici ma dernière question. Dans quelle mesure les infrastructures actuelles au Canada, autrement dit, les ports, et les chemins de fer, dont nous avons entendu parler il y a un moment, pourront-elles répondre à la hausse projetée des exportations de canola dans l’UE après la signature de l’AECG?
    Bien, je pense que nous y avons déjà fait allusion. Chaque fois qu’on signe un nouvel accord commercial, il y a une foule de mesures à prendre chez soi pour se préparer à cet accord. Les infrastructures et les institutions sont deux éléments qui doivent aller de pair pour pouvoir profiter de ces accords.
    Nous l’avons vu avec l’ALENA et nous le verrons à nouveau ici. Des changements sont en cours à la Commission des grains, par exemple. La Commission des grains se finance désormais presque entièrement grâce aux inspections des exportations. Cela impose un très lourd fardeau à nos exportateurs.
    Dans le cas des chemins de fer, il y a encore des examens à effectuer. Il y a un engagement envers un examen de la chaîne d’approvisionnement des produits de base et un examen de l’industrie des grains. Ces examens doivent se faire, parce que nous devons savoir comment l’infrastructure doit se modifier.
(0940)
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Hughes.
    Vous n’avez pas eu le bonheur de venir à Halifax avec le comité. Nous avons vu la capacité du port de Halifax, et franchement, elle pourrait tripler par rapport à maintenant. Le CN peut lui aussi accroître sa capacité, tout comme le transport aérien et routier. Avec la capacité et l’AECG, nous sommes très bien placés.
    Monsieur Shory, vous avez cinq minutes.
    Très bien. Merci.
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Des voix: Oh, oh!
    Ce n’était pas subjectif. Ce sont les faits que nous avons vus là-bas.
    Merci, monsieur le président, et mes remerciements aux témoins également.
    C’est très intéressant de vous entendre, monsieur Curtis. Vous avez affirmé que l’AECG éliminera certains droits de douane dont nous essayons de nous débarrasser depuis 50 ans. C’est une observation très encourageante, en plus de vos autres observations.
     Madame Dyer, vous avez mentionné que la ratification de l’accord entraînera l’élimination immédiate des droits de douane sur l’huile de canola, ce qui pourrait porter nos exportations d’huile jusqu’à 90 millions de dollars par an, année après année. Vous avez ensuite parlé de la croissance de la population et affirmé que les agriculteurs doivent continuer d’adopter de nouvelles technologies innovantes. Est-ce que ces technologies innovantes créent des emplois bien rémunérés?
    Oui, la qualité des emplois que nous verrons grâce à cet accord sera beaucoup plus stable. Il y aura des hausses dans le secteur primaire, mais il y aura aussi des hausses de l’investissement. Si nous éliminons certaines de ces barrières non tarifaires dans l’accord sur la biotechnologie, alors nous verrons des emplois dans le secteur des semences. Il s’agit surtout de progrès scientifiques. Il s’agit d’améliorer les emplois et la science pour produire des cultures de meilleure qualité pour tous les marchés.
     Sur le marché des aliments, nous aurons une huile beaucoup plus saine. Sur le marché des biocarburants, nous pourrons réduire les gaz à effet de serre beaucoup plus que nous le pourrions avec des carburants conventionnels ou certains produits concurrents comme l’huile de palmiste. Il n’y aura peut-être pas une augmentation gigantesque immédiatement, mais avec le temps, ces emplois seront beaucoup plus fondés sur la science et ce seront des emplois de meilleure qualité. Il y aura des hausses de l’emploi dans toutes les industries en amont et en aval. Il y aura de nouveaux emplois dans la manutention, dans le transport et dans tous les services connexes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hiebert.
    Madame Dyer, dans votre exposé de ce matin, vous avez évoqué des problèmes de barrières non tarifaires imposées depuis longtemps, en particulier à propos des OGM. Vous avez affirmé qu’il ne faut pas sous-estimer l’importance de mettre en place une politique de réglementation transparente et scientifiquement fondée. Laissez-vous entendre par là que la réglementation des OGM n’est peut-être pas fondée sur la science? Pouvez-vous expliquer l’incidence de la réglementation des OGM comme barrière non tarifaire?
    Dans l’Union européenne, le processus réglementaire est extrêmement lent. Même lorsque l’Autorité européenne de sécurité des aliments donne une opinion positive sur un caractère particulier que nous essayons de faire approuver dans l’UE, il faut parfois encore deux ou trois autres années avant que les pays l’adoptent et qu’il devienne un caractère approuvé. Même après que l’autorité scientifique de l’Union européenne a déclaré qu’un caractère génétique est sans danger et peut être approuvé, il faut encore beaucoup de temps avant que l’Union européenne l’approuve.
    Il y a diverses raisons à cela. Leur processus réglementaire est très lent; ils ont de nombreux pays membres. Les pays membres interviennent parfois en invoquant ce qu’ils appellent le principe de précaution, soit un mécanisme qui leur permet de ralentir le processus d’approbation s’ils apportent d’autres données. En outre, il y a 28 États membres, qui ont tous des régimes différents. C’est pour cette raison que le dialogue avec l’UE sur cet aspect et l’obtention de cette lettre parallèle sont si importants. Les Européens se sont engagés à s’efforcer davantage d’accélérer leur processus. Le processus d’approbation fonctionne assez bien pour la sécurité des aliments. C’est ce qui s’ajoute par-dessus qui provoque de longs délais, sans parler de l’incertitude.
(0945)
    Merci beaucoup.
    Nous voici arrivés à la fin, pour ce groupe de témoins. Nous voulons remercier M. Curtis et Mme Dyer, d’être venus. Vos exposés ont été fort intéressants et les questions, pertinentes. Nous ferons maintenant une pause avant d’entendre les prochains témoins.

    La séance est ouverte à nouveau. Nous entendrons maintenant deux autres exposés. Il y en aura un de l’Institut international du développement durable, représenté par M. Howard Mann, conseiller principal, droit international, et un autre de M Mike Darch, président de Consider Canada City Alliance, qui est accompagné de Bruce Lazenby.
    Merci d’être ici. Nous commencerons par M. Darch. Vous avez la parole.
(0950)
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je m’appelle Michael Darch et je suis président de Consider Canada City Alliance.
    Je suis heureux de vous présenter aujourd’hui quelques observations, au nom de 11 des plus grandes agences de développement économique du Canada, sur les avantages économiques qui, à notre avis, découleront de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne. Je suis accompagné aujourd’hui du président et chef de la direction d’Invest Ottawa, M. Bruce Lazenby. Invest Ottawa est l’une de nos organisations membres, et Bruce est membre du conseil d’administration.
    Consider Canada est une nouvelle organisation qui représente 11 des plus grandes organisations de développement économique au Canada, et qui en comptera 14 en janvier prochain. Nos membres actuels représentent Halifax, Québec, Montréal, Ottawa, Toronto, la région de Waterloo, Winnipeg, Saskatoon, Calgary, Edmonton et Vancouver. Nous collaborons les uns avec les autres, de même qu’avec le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement et d’autres partenaires, afin d’améliorer la capacité à attirer des investissements directs étrangers au Canada. Nous croyons fermement qu’une approche intégrée à tous les niveaux de gouvernement permet de renforcer la capacité d’un pays à attirer et à conserver l’investissement étranger.
    L’importance croissante des villes dans les flux économiques mondiaux est bien illustrée ici au Canada. Nos membres représentent environ 54 % de la population du Canada et 56 % de sa base de travail. Mais au cours des cinq dernières années, nous avons représenté 72 % de la croissance du PIB du Canada et 90 % de la croissance de l’emploi au Canada.
    La signature de l’accord de principe de l’AECG n’aurait pas pu mieux tomber pour nous. La crise financière aux États-Unis illustre une fois de plus notre dépendance à l’égard de ce pays. Il a toujours été difficile pour nous d’attirer les investissements de l’Europe. Premièrement, en raison des lois sur le travail dans de nombreux pays européens, les entreprises ne peuvent pas congédier des gens sans encourir une pénalité financière, indépendamment de la capacité de ces gens à effectuer le travail demandé dans un nouveau poste ou un poste révisé. Cet obstacle a été supprimé, car la crise financière en Europe a fait en sorte qu’il était devenu nécessaire de revoir ces pénalités pour assurer la survie des entreprises.
    Deuxièmement, étant donné que notre voisin du Sud est la puissance économique mondiale dominante, l’expansion en Amérique du Nord signifiait pour les entreprises européennes de s’installer aux États-Unis. Bien que les États-Unis s’apprêtent à se sortir de leur crise financière, la reprise du pays demeure un processus inégal et qui comporte peu de ces éléments fondamentaux solides qu’on retrouve au Canada. Pour la première fois depuis des décennies, toutes les conditions sont présentes pour nous sortir de la lumière aveuglante que dégagent les États-Unis et pour que nous puissions relever la concurrence, sur un pied de plus grande égalité, en ce qui a trait aux investissements européens.
    Qu’est-ce que cela a à voir avec l’AECG? Examinons d’abord l’Europe. Nous sommes rentrés samedi dernier d’une mission d’investissement de cinq jours en Europe, où nous nous sommes arrêtés à Madrid, à Amsterdam et à Milan. En quelques mots, je dirais qu’il y a peu de potentiel de croissance en Europe. Les entreprises qui cherchent à croître doivent aller ailleurs pour faire des affaires. Par ailleurs, les facteurs culturels, politiques et économiques augmentent le risque dans de nombreuses régions du monde, dont l’Asie, le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Cela laisse l’Amérique du Nord. Comme je l’ai déjà dit, dans le passé, les entreprises européennes ont toujours été intéressées par les États-Unis. L’association Manufacturiers et Exportateurs du Canada a déterminé qu’il y aurait, au cours des 10 prochaines années, des investissements d’une valeur de 800 milliards de dollars dans les secteurs de l’énergie, des mines et des infrastructures municipales au Canada. De nombreux projets sont déjà en cours. Pendant ce temps, notre voisin américain lutte pour se sortir entièrement de son ralentissement économique, et son système politique semble travailler dur pour veiller à ce qu’il ne s’en sorte jamais. Alors que l’Europe se tourne vers l’extérieur pour trouver des lieux de croissance future, les États-Unis continuent à regarder vers l’intérieur.
    L’AECG nous place résolument dans le groupe qui ouvre la voie à une croissance durable au sein de la nouvelle réalité mondiale. L’accord se tourne vers l’extérieur pour y trouver une collaboration internationale afin d’établir des points forts dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Il répond aux défis de la mobilité de la main-d’oeuvre qui permet aux entreprises de pénétrer de nouveaux marchés. Il reconnaît que la richesse nationale et la force des villes sont de plus en plus construites sur les services et, notamment, les services à forte valeur ajoutée.
(0955)
    Les investissements sont effectués en fonction de fondamentaux solides, tant commerciaux que financiers, et pas sur des schémas d'intéressement à court terme comme ceux auxquels souscrivent de nombreux États américains.
    Beaucoup diront que les bénéfices annoncés sont pure conjecture et ont peu de chance d'être atteints. Comme je l'ai dit, nous revenons tout juste d'Europe où nous avons vu des exemples concrets en matière de bénéfices. Nous avons besoin de capitaux pour exploiter pleinement le potentiel de la croissance de notre infrastructure et de notre innovation. Nous avons tenu plus de 300 réunions entre entreprises dans les trois villes, et ces entreprises apportaient des investissements.
    J'ai apporté notre graphique de Milan, qui montre qu'il y a eu des réunions dans toutes les villes, et que celles de Toronto et Calgary ont été très réussies.
    Les entreprises ne cherchent pas à créer des emplois en Europe. Certains travailleurs européens pourraient venir ici pour être formés, mais le sujet était l'emploi au Canada. Il ne s'agit pas seulement d'emplois dans les champs pétroliers et les mines. Plusieurs entreprises souhaitent implanter leur bureau d'études au Canada et ouvrir des filiales ici.
    Il n'est pas seulement question de l'AECG. Il s'agit aussi de notre ouverture d'esprit et d'autres changements de politique qui facilitent les affaires. Par exemple, nos lois sur l'immigration favorisent la venue des meilleurs éléments, des personnes les plus brillantes et d'entrepreneurs. Tous nos membres ont été discrètement contactés par des individus ayant achevé, ou presque achevé le processus d'obtention du statut de résident permanent au Canada. Ils cherchent à créer ou faire croître des entreprises ici et, ajouterais-je, à Kelowna.
    L’Europe passe au travers de changements économiques profonds parce qu'elle y est forcée. la solidité de nos fondamentaux économiques nous permet de gérer le changement. Quand les négociations seront terminées et que l'accord en sera à la phase d'approbation, le Canada pourra gérer ce processus de façon à en maximiser les retombées économiques pour le Canada. L’Europe et les États-Unis voient leurs économies changer, poussées inéluctablement par les nouvelles réalités globales.
    Le Canada a toujours été une nation commerçante et notre prospérité économique dépend de notre capacité à trouver notre place dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Avec l'AECG et l'ALENA, nous sommes à l'articulation du plus grand bloc commercial et d'investissement au monde, avec 950 millions de consommateurs avertis et un PIB combiné de plus de 36 billions de dollars. En conjonction avec des politiques d'immigration, des politiques financières et des politiques d'éducation qui prolongent notre ouverture sur le monde, cela nous aidera à maintenir une économie durable et à préserver la prospérité que nous connaissons depuis plus de soixante ans.
    Nous devrions applaudir le premier ministre et les ministres, notamment M. Ed Fast, ainsi que tous ceux qui ont rendu cet accord possible. Nous n'avons jamais eu une telle combinaison d'outils et de circonstances économiques pour promouvoir les investissements étrangers au Canada. La semaine dernière, nos membres ont franchi une première étape, ce ne sera pas la dernière.
     L’organisation Consider Canada City Alliance se réjouit à l'avance de l'aboutissement des négociation de l'AECG et de sa ratification. Cet accord renforcera notre capacité à attirer des investissements directs étrangers, à créer des emplois et de la prospérité au Canada et à diversifier notre économie. L'AECG est un grand accord, un accord historique.
    Merci, j'attends vos questions.
    Merci.
    Avant de passer aux questions, nous allons écouter M. Mann. Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, merci aux membres du comité, pour cette invitation à venir m'exprimer aujourd'hui. L'AECG constitue, à l'évidence, une initiative majeure dans le domaine du commerce et de l'investissement, et il aura des répercussions majeures pour tous les paliers de gouvernement au Canada ainsi que pour la population canadienne.
    Je ne veux parler aujourd'hui que du volet investissement. Non pas que les autres volets ne soient pas importants, mais simplement parce mon expertise porte sur les enjeux liés à l'investissement et non pas sur les autres enjeux. Malheureusement les textes officiels n'ont pas encore été publiés par le gouvernement canadien et par la Commission européenne, et nous n'avons que les résumés. Cependant, comme je l'ai indiqué dans le courrier par lequel j'ai accepté de témoigner ici, je vais faire de mon mieux en partant des résumés, mais aussi en utilisant un texte qui a été divulgué à la suite de fuites et qui circule depuis l'hiver dernier.
    Bien sûr, monsieur le président, cela serait beaucoup mieux si nous pouvions tous mener un débat transparent et pleinement informé fondé sur le projet de texte complet, plutôt que de compter sur des fuites et sur des résumés sélectionnés par chaque gouvernement — les résumés sont en réalité différents, selon les intérêts de chaque gouvernement. Les détails ont leur importance, et ils sont largement absents des résumés. Nous sommes impatients de tenir un débat pleinement informé quand le véritable texte sera disponible. En attendant, je dois vous informer, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, qu'un de ces textes ayant fait l'objet d'une fuite a commencé à circuler en Europe la semaine dernière et qu'il a abouti dans ma boîte de courriel lundi. Il concerne les négociations sur les investissements qui ont eu lieu à la mi-novembre et le texte qui s'en est suivi. Je vais également parler de ce texte. Je ferai des propositions écrites la semaine prochaine, monsieur le président, relativement à six aspects techniques qui étayent la conclusion que je soumettrai. Je vais dévoiler cette conclusion tout de suite, car je suis certain que je manquerai de temps à la fin.
    La conclusion est que, à mon avis, le volet sur l'investissement, si le cap actuel est maintenu, va tout simplement conférer aux investisseurs étrangers désireux d'investir au Canada le statut le plus favorable jamais consenti par le gouvernement canadien dans un traité international. La conséquence de cet accroissement des droits des investisseurs, couplé avec un mécanisme très robuste de règlement des différends entre investisseurs et États, prévu par le traité, laissera le champ libre à davantage d'investisseurs — les investisseurs européens — pour remettre en cause plus de mesures gouvernementales fondées sur des niveaux de droits des entreprises plus élevés, y compris en ce qui a trait à la santé humaine et aux mesures environnementales, tant au niveau fédéral que provincial.
    J'évoque les investisseurs étrangers parce que ce n'est pas limité aux investisseurs européens. Tous les investisseurs bénéficiant d'un traité d'investissement pourront profiter de cet ensemble de droits à cause de la clause de la nation la plus favorisée qui existe dans tous les autres traités. On se trouverait donc, d'un seul coup, à hausser les droits pour tout le monde.
    Concernant les questions techniques, je commencerai par la clause de la nation la plus favorisée, qui dans cette proposition d'accord est totalement ouverte et rétroactive. Je vais m'expliquer. Dans le cadre d'une loi sur l'investissement, la clause de la nation la plus favorisée permet à un investisseur qui investit au Canada d'avoir le même niveau de droits que l'investisseur ayant le plus haut niveau de droits au Canada, qu'il soit Canadien ou étranger. Voilà ce que signifie la clause de la nation la plus favorisée.
    La proposition de texte actuelle est pleinement ouverte de sorte que les dispositions de traités d'investissement antérieurs signés par le Canada peuvent être adoptées par des investisseurs étrangers dans le cadre de ce traité, si, en cas de différends, ces dispositions sont plus favorables. Le texte actuel de l'AECG contient de nombreuses dispositions rédigées en termes soigneusement pesés. Dans la plupart des cas, elles visent à limiter la portée potentielle de l'interprétation des droits des investisseurs et donc à aider à protéger l'espace réglementaire du gouvernement, soit le droit à réglementer.
    Cependant, la clause NPF permet aux investisseurs de remonter dans le temps et d'aller rechercher dans les traités qui n'ont pas été rédigés avec le même niveau d'attention et le même objectif d'équilibre entre le droit à réglementer et le droit des investisseurs.
    Il faut noter, monsieur le président, que cette possibilité d'aller puiser dans les textes plus anciens a été exclue par les termes employés dans le modèle LAIPVP canadien de 2004 qui a permis d'éviter que les dispositions de la NPF ne s'appliquent pas de façon rétroactive, afin justement d'empêcher la remise en question du langage plus moderne — plus à la page — utilisé dans le modèle LAIPVP, dans les obligations de fond du gouvernement. En réalité, le projet de texte actuel renverse le modèle LAIPVP de 2004 sur cette question fondamentale.
    Deuxièmement, sur le fond, nous avons affaire à un domaine dans lequel la rédaction attentive ne réduit pas les droits des investisseurs. Elle les augmente, potentiellement de manière assez radicale.
(1000)
    La clause de traitement juste et équitable sera, à mon sens, la plus ouverte qui ait jamais été conclue. L'expérience que nous avons aujourd'hui, avec plus de 600 arbitrages entre investisseurs et États dans le cadre de traités d'investissement montre que la disposition de traitement juste et équitable est la plus souvent invoquée, avec succès, par les investisseurs dans le processus entre investisseurs et États. C'est donc une disposition très importante. Elle compte beaucoup.
    Le texte actuel est organisé en ce que je nommerais, pour l'instant, trois catégories.
    La première est une liste de facteurs qui constitueraient une violation du traitement juste et équitable par un État, par un gouvernement. C'est très bien. La liste reflète généralement les enjeux que la plupart des analystes associeraient au concept de traitement juste et équitable dans le droit international. La plupart approuveraient cette liste, elle est précise et limitée. À mon avis c'est bien rédigé.
    La deuxième catégorie se trouve quelques paragraphes plus bas et elle traite d'un concept très précis qu'on appelle les attentes légitimes de l'investisseur. Là encore, il en a largement été fait mention dans des cas et des analyses passées, ici le concept est précisément défini et limité. C'est encore une fois bien rédigé.
     C'est la troisième catégorie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, qui me préoccupe. Celle-ci est conçue pour venir s'ajouter aux deux précédentes. Les termes sont très précis: « en complément de ». Cette troisième catégorie fait référence à ce que le droit coutumier établit comme étant une violation du traitement juste et équitable, autre que ce qui est mentionné dans les deux premières boîtes. Mais cela n'en fixe pas la portée. Cela n'établit aucun seuil relatif au degré de conduite répréhensible du gouvernement, qu'il soit significatif, sérieux ou flagrant, et le droit international emploie ces trois critères, ainsi que d'autres pour le critère de comportement, mais il ne précise pas lequel doit être utilisé ici. Il ne définit pas de critères pour déterminer si une proposition, si une conduite répréhensible supposée entre effectivement dans le champ du droit coutumier international ou pas.
    Le problème c'est que tous ces aspects ont été pris en compte pour les cas existants et qu'ils ont tous abouti à des conclusions très différentes, souvent contradictoires et irréconciliables. Il existe donc une grande diversité d'interprétations très ouvertes et très fermées, et ce traité ne fait rien pour établir des paramètres ni pour définir des critères, cela dans un contexte dans lequel nous avons deux boîtes qui, d'ordinaire, auraient été perçues comme constituant les limites de ce que signifie « traitement juste et équitable ». Mais à cela vient s'ajouter cette autre catégorie qui reste très imprécise. C'est une source potentielle de problèmes sérieux.
    Le traité invite surtout les investisseurs étrangers à identifier ce qu'ils veulent trouver dans cette troisième catégorie, cette nouvelle catégorie vide, et invite les tribunaux à décider ce qui devrait s'y trouver sans aucune orientation de la part des rédacteurs. On laisse ainsi le champ libre aux avocats.
    Le troisième point technique concerne la possible inclusion d'une clause parapluie, qui se trouve toujours sur la table. Je ne fais que la mentionner, je ne vais pas entrer dans le détail, car le temps va manquer. C'est une question technique secondaire.
    Je voudrais rapidement souligner la question des exceptions au traitement national qui font normalement partie de tout traité. Cela n'a rien de nouveau ni d'exceptionnel — 25 % du texte de l'ALENA est constitué d'exceptions au traitement national des NPF — sauf que, dans ce cas précis, pour qu'une exception s'applique, les provinces doivent préciser les mesures provinciales non conformes à inclure dans un avenant. Les accords précédents ont établi toutes les mesures non existantes et non conformes. Ce changement signifie que les provinces devront avoir la liste de toutes les mesures qu'elles veulent voir exclure du champ de l'accord, au moment de la mise en œuvre de celui-ci. Cela constitue un lourd fardeau pour les provinces qui devront examiner chacune de leurs lois pour vérifier avec précision celles qui ne se conforment pas au texte, et pour les mettre dans un avenant.
    Le problème, c'est que si les provinces font une erreur, ce sera irréversible. Ce sera terminé. Une fois que l'avenant est adopté, la liste est close, point final. C'est un très lourd fardeau pour les provinces à cause de ce changement.
(1005)
    Le cinquième enjeu, pour mémoire, concerne l'usage d'une clause d'exception générale comme celle qui figure dans l'article XX du GATT. Je le note, mais je n'en parlerai pas sauf s'il y a des questions à ce sujet.
    Le dernier point, monsieur le président, c'est la clause sur le droit à réguler, qui est décrite à la fois ici et en Europe comme un exemple du caractère équilibré du texte. Dans ce cas, la clause sur le droit à réguler ou à réglementer est pensée pour être le préambule de l'accord tout entier, d'après ce que j'ai compris, et cela ne fait pas partie des fuites, mais le résumé technique émanant du gouvernement canadien nous dit qu'il y a un accord sur les termes pour réaffirmer le droit des parties à réglementer, mais d'une façon cohérente avec cet accord.
    Ces éléments proviennent en réalité de l'article 1114(1) de l'ALENA. C'est là qu'ils ont été utilisés pour la première fois et cela signifie, en ce qui concerne la loi, que cet accord prévaut sur les droits des gouvernements à réglementer, et que tout exercice de ce droit, tant au niveau provincial que fédéral, doit se conformer à l'accord. Donc, contrairement à ce qui est souvent insinué quand on parle d'une disposition sur le droit de réglementer, cela place en réalité l'obligation de conformité avec le traité au-dessus du droit de réglementer. Cela ne fait absolument aucun doute sur le plan légal, comme nous l'avons vu dans l'histoire de l'ALENA.
    Voilà très rapidement mes conclusions, monsieur le président. Du point de vue de la loi, d'après les résumés et le texte existant, la version actuelle de l'AECG donnera aux investisseurs qui souhaitent investir au Canada plus de droits internationaux qu'ils n'en ont jamais eu, et cela de façon informée et délibérée; cela conduira inévitablement à une hausse du nombre d’arbitrages contre le Canada, tant pour les mesures fédérales que provinciales, et cela aura pour résultat une augmentation des pressions contre la régulation dans des secteurs clés comme l'environnement, la santé, les mesures anti-tabac et ainsi de suite.
    Merci, monsieur le président.
(1010)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Davies, vous avez la parole.
    Merci monsieur le président.
    Je remercie les témoins, bienvenue au Comité du commerce.
    Monsieur Mann, je voudrais vous adresser mes questions, si vous le permettez. Une des grandes inquiétudes des Canadiens, si je peux résumer, c'est qu'ils veulent savoir si l'AECG permettrait à des compagnies étrangères de poursuivre les gouvernements canadiens pour avoir adopté une loi — je vais prendre quelques exemples — qui protège l'environnement. Par exemple, imaginons que le Québec décide d'adopter un moratoire sur la fracturation hydraulique dans la province. Je sais que cela fait déjà l'objet d'une poursuite judiciaire. Est-ce que l'AECG le permettrait?
    Oui.
    Est-ce que cela permettrait à ces compagnies étrangères de poursuivre le gouvernement canadien pour avoir adopté une loi, disons de protection des consommateurs? Imaginons que nous voulions faire passer des lois concernant les emballages de tabac comme l'a fait l'Australie. Est-ce que l'AECG leur permettrait de nous poursuivre dans ce cas?
    Oui.
    Est-ce que cela permettrait à des entreprises européennes de poursuivre les gouvernements canadiens si nous décidions de créer un programme public d'assurance-médicaments?
    Je ne suis pas sûr que cela serait dans ce programme, alors je ne veux pas spéculer sur une telle disposition ouverte.
    D'accord. De manière plus générale, à la lecture des chapitres auxquels vous avez eu accès jusqu'ici concernant les investissements, pensez-vous que l'AECG va trop loin en donnant aux entreprises le droit de contester des décisions prises démocratiquement par nos gouvernements?
    Oui je le pense. Permettez-moi d'entrer dans le détail, d'être un peu plus précis. Le fait que cet accord permettrait aux investisseurs européens ou autres d'utiliser ce texte à cause des dispositions NPF pour initier des arbitrages ne signifie pas qu'ils gagneraient, alors il nous faut être prudents sur ce point.
    Ce qui m'inquiète, c'est que cet accord, parce qu'il permet, par le truchement de la clause NPF appliquée rétroactivement, de choisir les dispositions les plus avantageuses pour les investisseurs, balaie toutes les leçons apprises et annule la rédaction plus moderne qui a été adoptée à cause de cela, mais aussi à cause de la rédaction des dispositions de traitement juste et équitable, qui prend ces deux domaines qui, d'après nous en relèvent, et dit: « en outre, il y a cette catégorie non définie, et vous, les investisseurs et les tribunaux, allez-y, essayez de la remplir ». Voilà ce qui me préoccupe le plus.
    Vous avez raison de dire que nous ignorons si quelqu'un gagnera ou non, mais j'ai compris que, si les gouvernements craignent que leurs décisions soient contestées, il risque d'y avoir un effet paralysant sur leurs capacités. Deuxièmement, même si vous ne gagnez pas à la fin, si vous devez faire face à des poursuites judiciaires multiples pour des montants de plusieurs milliards de dollars, cela coûte très cher au contribuable.
    Voilà les deux questions qui se posent. Que l'on gagne, que l'on perde ou qu'il y ait match nul, cela va coûter des millions et des millions aux contribuables, voire plus, pour défendre ces causes. N'est-ce pas là un sujet légitime d'inquiétude?
(1015)
    Il y a deux choses à cet égard.
    La première c'est l'effet paralysant. De mon point de vue, c'est très palpable. C'est un fait accompli en Nouvelle-Zélande dans la lutte contre le tabagisme. Les Néo-Zélandais voulaient adopter exactement la même loi qu'en Australie et le ministre de la santé de Nouvelle-Zélande a dit tout de go, officiellement, que son pays ne le ferait pas tant qu'on ne connaîtrait pas l'issue des procès entrepris contre l'Australie et l’Uruguay par Phillip Morris. Cet effet paralysant existe bel et bien.
    J'ai vu ce que ça donnait au Canada quand j'étais avocat au gouvernement, et aussi après avoir quitté le gouvernement. Cela existe, même au Canada. À cause des incertitudes, il devient très compliqué de prévoir précisément quel type de mesure constituera ou non une violation d'un accord, et dans quelles circonstances. Cette incertitude est un problème. On peut y arriver si les choses sont claires, mais encore une fois c'est la disposition NPF qui permet la rétroactivité. Cette inconnue de la troisième catégorie concernant le traitement juste et équitable enlève toute certitude, toute clarté et toute prévisibilité. C'est un gros problème.
    Concernant les coûts, cette version de l'AECG est censée inclure une disposition qui prévoit que les investisseurs paieront les frais des gouvernements s'ils perdent un arbitrage, donc cela réglera le second problème.
    À savoir pourquoi l'accord contient une disposition concernant la relation entre États et investisseurs au départ, une disposition qui remonte au chapitre 11 de l'ALENA, du temps où nous avions des inquiétudes à l'égard du système judiciaire mexicain. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit de l'Europe, de démocraties modernes fondées sur l'état de droit. À ce que je sache, c'est le Canada qui a proposé d'inclure cette disposition. Les Européens n'en voulaient pas. Ils n'ont jamais signé un accord contenant des dispositions semblables.
    Pourquoi permettons-nous aux investisseurs d'accéder à un groupe chargé de régler les différends entre investisseurs et États au lieu de les obliger à recourir aux tribunaux nationaux, comme tout autre investisseur doit faire? À quoi cela répond-il?
    Je ne puis parler au nom du gouvernement dans ce cas concret et je n'essaierai même pas de le faire. En principe, l'accès au règlement de différends entre investisseurs et États et les dispositions connexes sont censés attirer davantage d'investissements. C'est du moins la théorie.
    Mais les données empiriques démontrent qu'il n'en est rien. Il n'y a aucun rapport entre les accords d'investissement ou le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États et le fait d'attirer davantage d'investissements. Malheureusement pour mes collègues ici présents, le chapitre sur l'investissement ne va rien faire pour les aider à obtenir le genre d'investissements dont ils parlent. Voilà ce qu'il en est dans la pratique.
    À ce que je sache, c'est le gouvernement canadien qui a insisté pour faire inclure cette disposition. Le rapport original sur l'évaluation des répercussions sur la viabilité du commerce entre l'Union européenne et le Canada, qui avait été financé par la Commission européenne, déconseillait en fait l'inclusion du mécanisme de règlement de différends investisseurs-États, et c'est le gouvernement canadien qui a continué à insister là-dessus.
    À mon avis, cela n'attire pas davantage d'investissement — c'est un fait empirique. Nos tribunaux sont parfaitement capables de s'occuper des différends ici même. Des gouvernements européens ont conclu des accords prévoyant des mécanismes de règlement de différends investisseurs-États avec divers pays des quatre coins du globe. Je crois que les accords bilatéraux européens avec d'autres gouvernements se chiffrent à quelque 1 500, mais ils n'y étaient pas favorables au départ. Je ne vois pas l'intérêt de cela; je vois des risques. Et si j'ai une certitude, c'est bien que les seuls qui en profiteront, ce sont les avocats qui s'occupent d'arbitrage et siègent aux tribunaux comme médiateurs.
    Merci beaucoup.
    Nous passerons maintenant à M. Cannan pour sept minutes.
    Merci monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Évidemment, monsieur Darch, vous avez attiré mon attention quand vous avez fait allusion à Kelowna. J'ai eu le privilège de passer neuf ans dans cette ville comme conseiller municipal et le mois prochain, cela fera huit ans que je suis député de Kelowna — Lake Country.
    Vous avez parlé de travailler avec les municipalités d'un bout à l'autre du Canada. J'ai été président de notre association régionale, j'ai siégé au gouvernement local et j'ai passé deux ans à la Union of British Columbia Municipalities. Vous avez parlé de soutenir les gouvernements locaux, et M. Fast a également passé neuf ans à Abbotsford comme conseiller municipal, alors il comprend l'importance de travailler avec nos gouvernements locaux.
    Avez-vous travaillé avec la Fédération canadienne des municipalités et ce nouvel organisme à but non lucratif a-t-il eu des rapports avec elle également?
    Lors de notre toute dernière mission, il y avait avec nous un représentant de la Fédération canadienne des municipalités, mais je tiens à faire la distinction et préciser que nous représentons les services de développement économique et que la plupart d'entre eux sont sans liens de dépendance et sans but lucratif. L'absence de liens de dépendance ne veut pas dire que nous ne travaillons pas en étroite collaboration avec les municipalités ou les maires eux-mêmes. Notre relation avec la Fédération canadienne des municipalités ressemble davantage à celle d'organisations soeurs participant à une même activité dans l'intérêt des villes.
(1020)
    Vous travaillez donc avec la Chambre de commerce de Kelowna et d'autres?
    L'initiative Consider Canada a été conçue pour se concentrer exclusivement sur les investissements directs étrangers. Nous ne voulions pas marcher dans les plates-bandes d'autres organismes qui se trouvent déjà dans d'autres régions. Comme Mike l'a si bien dit, il s'agit d'une organisation soeur avec son propre point de mire.
    Quel genre d'affaires...? Je m'intéresse aux affaires propres à Kelowna, ainsi que partout au Canada. Pouvez-vous nommer certaines des organisations concrètes... et des intérêts concrets qui ont été manifestés lors de votre dernière visite?
    Je commencerai par répondre à votre question sur Kelowna, et ensuite je m'occuperai de celle qui est d'ordre plus général. Malheureusement, Vancouver n'a pas pu assister alors je représentais la ville. Voilà comment j'ai su à propos de Kelowna.
    À Amsterdam, j'ai rencontré un couple, des professionnels qui venaient de recevoir leur statut de résidents permanents au Canada. Ils ont l'intention de déménager dans la région de Kelowna pour acheter une maison de retraite ou investir dans ce domaine. Ils s'intéressent concrètement aux maladies psycho-gériatriques, alors ils cherchaient des maisons de retraite ou des maisons de repos se spécialisant dans le domaine. Voilà un investissement concret qui les intéressait.
    Nous nous occupons davantage d'aspects concrets que de généralités. Si vous vous penchez sur certaines des industries qui communiquent avec nous, vous trouverez certainement de nombreuses entreprises de génie et de construction qui s'intéressent concrètement aux activités qui se déroulent dans les champs pétroliers, les installations de gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique, le secteur minier, etc. Il y a également un grand nombre d'entreprises dans le domaine de la recherche et du développement. Le système canadien du crédit d'impôt au titre de la recherche-développement est infiniment meilleur que le système européen. Ces entreprises envisageaient de déménager leurs activités ici.
    Bruce peut certainement témoigner des avantages qui sont offerts ici puisque Ericsson a récemment annoncé l'expansion majeure de ses installations à Kanata ainsi qu'à Montréal.
    Ainsi, les entreprises intéressées appartiennent à toute une diversité de secteurs. Certaines se sont intéressées à Halifax ou à Vancouver, à cause de l'activité relativement faible dans le domaine maritime en Europe. Elles se sont penchées sur nos programmes de reconstruction de navires qui se déroulent sur nos deux côtes.
    Merci.
    J'ai ici un article que le Vancouver Sun vient de publier le mois dernier sur les avantages de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne pour les entreprises de la Colombie-Britannique et toute une série de secteurs. L'Union européenne se situe déjà au deuxième rang des investisseurs étrangers au Canada. L'article affirme que la province offre d'excellentes occasions dans tous les secteurs, qu'il s'agisse de transport, de logistique, du tourisme, de l'énergie, de la foresterie, de l'industrie minière ou de fruits de mer.
    Compte tenu du concept et de l'intérêt constaté, en plus de cette nouvelle stabilité à laquelle nous avons fait allusion, on peut parler de prévisibilité et d'un système d'échange encadré par des règles. Croyez-vous que cela va servir à stimuler l'investissement étranger au Canada compte tenu des remarques que M. Mann vient de faire?
    Comme M. Mann l'a fait constater, il y a beaucoup de détails dans l'accord qui n'ont pas encore été discutés. En ce qui me concerne, il y a beaucoup de détails dont je n'ai pas vraiment pris connaissance et je ne suis donc pas en mesure de faire des commentaires.
    Quant au fait d'être une économie stable qui grouille d'activité et ouvre ses portes à l'immigration, j'estime que le Canada a beaucoup à offrir en ce moment.
    Bruce peut en attester du point de vue d'Ottawa. Je peux affirmer, quant à moi, que l'opinion des 11 membres est unanime. Le Canada est depuis toujours un excellent endroit où investir. Le commentaire qui m'a été fait par certains grands investisseurs à Amsterdam c'est que nous sommes beaucoup trop modestes. Il me semble que nous sommes en train de nous doter d'une série d'outils qui nous permettront peut-être de nous secouer un peu de cette modestie pour chercher à attirer ces investissements étrangers avec un sérieux regain d'énergie.
(1025)
    Il est vrai que nous sommes des Canadiens humbles, mais nous sommes également des Canadiens fiers. Nous avons beaucoup à offrir.
    D'après les impressions que vous avez recueillies lors de votre dernier voyage, peut-on affirmer que de plus grands investissements étrangers directs de l'Union européenne en Colombie-Britannique et au Canada stimuleront la croissance économique et la création d'emplois chez nous?
    Je répondrais dans l'affirmative, mais je vais laisser la question à Bruce, qui représente Ottawa.
    Allez-y.
    J'estime que c'est à cela que l'on s'attend, absolument. Nous devons comprendre également que le Canada est un tout petit pays selon l'optique européenne et je crois que l'un des aspects attirants, comme Mike l'a si bien dit, c'est que nous avons cette occasion historique d'être les premiers à faire pour ainsi dire le trait d'union entre le marché nord-américain et européen.
    Nous avons souvent dit que le Canada est un excellent relais, un lieu tout désigné pour se préparer pour le marché du reste de l'Amérique du Nord, et j'estime qu'un accord de ce genre viendrait consolider cette idée.
    Permettez-moi une précision, cependant, nous avons une entreprise... Le Canada a récemment été voté comme le pays le mieux réputé du monde lors d'une étude effectuée sur 140 pays. Ainsi, les produits fabriqués au Canada sont de valeur supérieure et il y a des entreprises qui envisagent d'avoir une présence ici, de fabriquer ces produits conformément aux normes canadiennes pour ensuite les vendre dans le monde entier. Nous croyons que cela va être important.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Brison, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci à nos témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    Monsieur Mann, les dispositions investisseur-État qui se fondent sur le principe du traitement national ne sont pas inusitées; elles constituent en fait un élément assez important dans tout accord de libre-échange. Elles font partie intégrante des principes de tous les accords de l'OMC, et le traitement national veut dire simplement que toute loi ou tout règlement doit accorder aux entreprises étrangères un traitement identique à celui accordé aux entreprises nationales, n'est-ce pas?
    Eh bien, pour être précis, l'expression exacte est un traitement qui ne soit pas moins favorable. Ainsi le traitement n'a pas besoin d'être identique, mais ses effets nets ne doivent pas être moins favorables.
    Pour prendre un exemple, si nous avons une loi environnementale au Canada, disons, celle d'une province qui a interdit la fracturation hydraulique, est-ce que cette loi s'appliquerait de la même manière à une entreprise étrangère et à une entreprise nationale?
    Présumément, oui, à condition d'être rédigée dans ces termes.
    Avec tous mes respects, vous avez répondu catégoriquement aux questions antérieures, alors je cherche...
    Vous posez une question précise sur une disposition donnée...
    La question sur la fracturation hydraulique l'était, mais avant cela vous avez parlé catégoriquement.
    Oui. Si la disposition est rédigée de manière à s'appliquer à toutes les entreprises, votre affirmation serait correcte.
    Alors les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux doivent rédiger leurs lois et règlements de manière non discriminatoire?
    C'est cela.
    Estimez-vous que la fracturation effectuée par quelqu'un d'autre, disons une entreprise étrangère, comporte moins de danger pour l'environnement que si elle est effectuée par une entreprise nationale?
    Je ne le pense pas.
    D'accord. Dans ce cas, pourquoi dites-vous que nous ne pouvons pas appliquer des protections environnementales en raison du traitement national?
    Je ne faisais pas concrètement allusion à la question du traitement national dans ce cas-là. Il y a d'autres disciplines dans l'accord également, particulièrement celle du traitement juste et équitable, et comme l'ampleur de ce qui est en train d'être rédigé est inconnue, le degré de risque devient plus élevé.
    Vous avez dit que vous estimez que cela peut compromettre notre capacité d'appliquer des mesures de protection de l'environnement et de la santé humaine. Pensez-vous qu'il y a un delta entre les normes et règlements européens en matière d'environnement et de santé et ceux du Canada?
    Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire par delta ici.
    Un écart.
    Je présume qu'il y a des variations, mais je n'en connais pas l'importance.
    Pensez-vous que les Européens sont moins rigoureux pour ce qui est de la protection de l'environnement et de la santé humaine, pour reprendre votre expression?
(1030)
    Non, je ne le pense pas.
    D'accord.
    Pour revenir sur la question de la fracturation hydraulique qui a été soulevée plus tôt, la fracturation est une activité très répandue au Canada depuis les années 1960, mais elle est interdite en Allemagne, ainsi qu'en France. Alors, si delta il y a, ne faudrait-il pas en déduire que l'Europe, que les Européens sont en avance sur nous pour les normes sanitaires et les questions touchant l'environnement, les OGM, etc.? Alors pourquoi y a-t-il un risque à diluer nos protections environnementales au Canada quand nous sommes en fait en train de conclure des accords avec un groupe de pays qui ont peut-être des normes plus élevées et plus rigoureuses à ce chapitre?
    Parce que ce ne sont pas les gouvernements qui ont recours aux procédures d'arbitrage. Seuls les investisseurs ont le droit de le faire et comme ils ont le droit de le faire, s'ils estiment que la modification d'une loi peut avoir des répercussions économiques pour eux, et s'ils estiment en quelque sorte que l'accord d'investissement les protège contre un tel changement, quel que soit le degré de protection environnementale de leur propre pays — ce facteur n'est tout simplement pas pertinent — ils peuvent alors entamer l'arbitrage. Les entreprises européennes, si je puis dire, ont enclenché plus de la moitié de la totalité des arbitrages sur les investissements de l'heure, alors elles ne sont pas étrangères au mécanisme et elles n'hésitent pas à l'adopter.
    Nous, nos entreprises, nous sommes tout aussi capables d'amorcer ces procédures et d'obtenir une représentation juridique pour lutter contre elles.
    Conviendrez-vous peut-être qu'au Canada il nous faut augmenter nos ressources au ministère de la Justice, qu'il nous faut veiller à cela en tant que gouvernement, et qu'en termes de nos ressources investies, peut-être que d'autres pays sont en train d'investir davantage pour composer avec ou lutter contre ce genre de mécanisme?
    Non, je ne suis pas d'accord. Nous sommes très bien dotés et comptons sur des avocats extrêmement compétents au ministère de la Justice...
    Je ne mets pas leur compétence en doute.
    Nous sommes très bien dotés. Je crois que nous aurions tout avantage à consacrer notre temps et notre énergie à être plus prudents à l'heure de rédiger le genre de dispositions auxquelles j'ai fait allusion.
    Je regrette, monsieur Brison, votre temps s'est écoulé. Nous allons passer à M. Shory.
    Vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci monsieur le président et merci à nos témoins également.
    Je commencerai par M. Mann. J'ai pris connaissance d'un article écrit par votre organisme récemment et je cite:
Le Canada et l'Union européenne ont convenu de limiter la portée du terme « investisseur » en excluant de la définition les entreprises qui n'ont pas d'activités commerciales importantes dans leur soi-disant pays d'origine. Cette disposition règle la question du « magasinage de traités » et leur usage indu par des pseudo-investisseurs, et c'est donc une mesure favorablement accueillie.
    Ma question est de savoir si à votre avis, par le fait de limiter la définition d'« investisseur » à ceux qui ont de véritables intérêts commerciaux au Canada, la mesure veillera à ce que les avantages financiers de l'AECG bénéficient davantage l'économie canadienne que cela n'aurait été le cas autrement?
    Je ne crois pas que la définition plus précise d'investisseur dans ce cas contribue tellement à modifier les avantages financiers. Il existe encore bien des moyens de contourner cela. Oui, la disposition a été favorablement accueillie pour ce qui est des détails techniques du mécanisme investisseur-État, j'en conviens. Mais je ne pense pas que cela aura beaucoup d'effet en termes de modifier l'équation financière ou du rôle que devra jouer le chapitre sur l'investissement à l'heure d'établir les coûts et avantages de l'équation financière.
    Merci.
    Monsieur Darch, je ne peux pas croire que vous ayez eu 300 réunions d'affaires. Je ne sais pas combien de jours ou de semaines vous y avez passé, vous et votre organisation, votre délégation. C'est beaucoup.
    Dans votre déclaration, vous avez également parlé de l'enthousiasme des investisseurs à l'idée d'investir au Canada et de créer des emplois, je pense. Vous avez ensuite parlé de certaines mesures et des raisons pour lesquelles ils cherchent à investir au Canada. Vous avez parlé de l'immigration et d'autres choses encore.
    J'estime que l'une des raisons serait aussi des taux d'imposition moins élevés, le régime des impôts des sociétés que ce gouvernement a introduit au Canada. Je suppose que cet aspect vous a échappé. Mais je tiens à vous poser la question suivante. Pendant que vous étiez là-bas, quel type de travail avez-vous fait pour préparer le terrain lors de ces réunions pour les entreprises canadiennes désireuses de se faire une place dans le marché lucratif de l'Union européenne?
(1035)
    Nous avons travaillé de près avec le bureau Investir au Canada du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi qu'avec trois missions en Europe: les ambassades à Madrid, à La Haye, à Rome respectivement, ainsi qu'au consulat à Milan.
    Nous avons eu beaucoup de contacts avec tous. Nous avons présenté les avantages ou les profils de nos diverses villes et des types d'entreprises que nous cherchons. Ils avaient leurs propres processus d'examen préliminaire, leurs propres bases de données. Ils utilisaient des générateurs de prospects dans quelques villes. Alors je pense qu'en termes de travail préparatoire, il y a beaucoup qui a été fait pour ces réunions.
    En plus des réunions, il y a eu un colloque sur le Canada et ses avantages comme lieu d'investissement dans chacune des trois villes. Le volume de travail accompli a été exceptionnel.
    Nous poursuivons ce travail en communiquant avec les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus. De nombreuses entreprises que nous avons rencontrées ont l'intention de visiter le Canada et en termes de développement économique, il est manifeste que l'un des aspects les plus importants à l'heure de vendre le Canada et de vendre une de ses régions consiste à persuader les gens de venir visiter les lieux. Tous les pays affirment qu'ils sont le meilleur endroit au monde avec les meilleures occasions, alors que nous, nous le sommes réellement.
    Ces entreprises ont donc été nombreuses à s'engager. Nos organismes, dont Investir Ottawa, ont promis d'y donner suite. Nos missions à l'étranger se sont engagées elles aussi, alors je pense que nous avons fait énormément de travail pour préparer le terrain pour les activités futures.
    Merci.
    Un autre domaine qui me tient à coeur est celui de la reconnaissance des titres de compétence obtenus à l'étranger. J'ai lu un communiqué de presse en novembre dernier où vous parliez de projets d'infrastructure. Le communiqué faisait valoir que:
Pour pouvoir mener à bien ces projets d'envergure, les villes canadiennes ont besoin de l'aide d'entreprises européennes de génie, d'architecture, de fabrication d'outils de pointe, de sociétés financières et de compagnies de transport.
    Ainsi, vous prévoyez avoir beaucoup de coopération parmi les professionnels des deux marchés. Ce comité a entendu des témoignages sur la reconnaissance des titres de compétence étrangers et la capacité des professionnels et gens de métier spécialisés à travailler des deux côtés de l'Atlantique.
    La question a-t-elle surgi lors d'un de vos entretiens avec les Européens? Partagez-vous les inquiétudes de notre gouvernement à l'égard de la nécessité de simplifier le processus de reconnaissance des compétences par les organismes d'accréditation?
    Étant ingénieur, j'affirmerais que le besoin est décidément très présent. Je sais que certaines provinces, et aussi le gouvernement fédéral, ont entrepris des initiatives majeures dans ce domaine.
    Je crois que toute la question des titres de compétence étrangers est extrêmement importante. Tout le monde songe aux étrangers qui viennent s'installer au Canada. Mais nous sommes une compagnie d'exportation et nous exportons de nombreux services de génie et d'architecture, et cela fonctionne dans les deux sens.
    Je crois que l'accréditation des titres de compétence étrangers est extrêmement importante et c'est un aspect sur lequel il faut travailler. Vous m'avez demandé si la question a surgi lors de nos entretiens. Eh bien, oui.
    Merci.
    Lors de votre déclaration, vous avez également affirmé que l'Europe est en train de subir une véritable transformation économique.
    J'aimerais que vous vous étendiez un peu à ce sujet.
    Répondez rapidement.
    Quand j'ai discuté de l'Europe avec nos délégués commerciaux principaux dans chacune de nos missions, j'ai déduit que la plupart des activités s'étaient tournées vers l'intérieur historiquement. Autrement dit, la plupart de leur production en termes de PIB est attribuable à des activités qui se déroulent soit directement dans le pays d'origine, soit au sein de l'Union européenne.
    Compte tenu de l'état des choses dans l'Union européenne en ce moment, compte tenu de l'état des choses dans des pays tels l'Espagne et l'Italie, les Européens se tournent désormais beaucoup plus vers l'extérieur. Il y a donc beaucoup plus d'activité, car ils se tournent vers l'étranger en quête de partenaires, d'occasions d'affaires, etc.
(1040)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Davies.
    Nous avons encore deux personnes qui désirent poser des questions. Nous allons répartir le temps et il en restera un peu pour une question que je poserai à la toute fin.
    Allez-y, monsieur Davies.
    Merci.
    Monsieur Mann, je suis heureux que vous ayez clarifié les questions de M. Brison. Nous ne parlons pas seulement des dispositions visant la nation la plus favorisée qui nous exigent de traiter les investisseurs européens au même titre que les investisseurs canadiens. Nous parlons également de sources indépendantes de droits en vertu des dispositions visant un traitement juste et équitable.
    J'ai un bout du texte ici devant moi. Une des choses qui y sont dites, c'est que la violation du principe de traitement juste et équitable peut également surgir de tout autre traitement accordé à des investissements ou à des investisseurs couverts, ce qui est contraire à l'obligation d'accorder un traitement juste et équitable reconnue dans la pratique générale des États comme étant le droit.
    Cela me donne l'impression que nous sommes en train de nous accorder sur quelque chose d'indéfini, quelque chose de futur, d'au-delà de notre contrôle.
    Qui détermine les obligations pour que la pratique générale des pays soit acceptée comme étant le droit? À qui dois-je m'adresser pour savoir qui prend ces décisions?
    C'est justement le paragraphe qui m'inquiète le plus. Il se prête à toutes sortes d'interprétations alors que ce genre de condition est rédigée de manière plus moderne partout dans le monde, c'est-à-dire de manière plus concrète et raffinée.
    La norme dont il est question est une norme ouverte du droit international coutumier. Pour être précis et parler comme les avocats, elle provient de l'article 38 du Statut de la Cour internationale de justice.
    Mais en interprétant un langage analogue dans d'autres traités au cours de plus de 600 arbitrages portant sur les investissements, nous avons constaté que les normes relatives au droit coutumier international et au traitement juste et équitable varient énormément. Les normes visant la preuve varient énormément elles aussi. Même au sein de l'ALENA, il y a eu deux causes qui ont surgi en un intervalle de huit mois — Glamis Gold et Merrill & Ring — qui ont adopté des approches diamétralement opposées en vertu du même traité. Il n'y a donc pas de définition.
    Vous permettez que je vous interrompe, car mon temps est très limité?
    Il s'agit de droit commun qu'il appartient d'élaborer aux tribunaux administratifs eux-mêmes. Ce sont eux qui doivent déterminer ce qu'est la pratique générale des États acceptée comme étant le droit. Et ma question est la suivante. Y a-t-il des exemples d'investisseurs qui ont eu recours au système judiciaire national, obtenu une décision négative de la plus haute instance judiciaire du pays — dans le cas du Canada, la Cour suprême du Canada — et puis obtenu que cette décision soit annulée par un tribunal investisseur-État?
    Oui, il y en a. Concrètement, il y a un cas en Inde où l'organisation administrative est semblable à la nôtre en termes de séparation des pouvoirs, le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif, etc. Il y a une cause contre l'Inde qui a fait exactement cela: une décision de la Cour suprême en faveur du gouvernement et une décision d'arbitrage qui a examiné, annulé et à toutes fins pratiques renversé la décision de la Cour suprême.
    Bien, monsieur Hiebert.
    Monsieur Mann, les gens craignent souvent que les entreprises étrangères qui viennent s'installer au pays ne viennent menacer les entreprises canadiennes ou les règlements du gouvernement canadien. Mais les entreprises canadiennes n'ont-elles donc pas des droits réciproques dans ces pays en plus de bénéficier des mêmes protections que les gens qui ont ces craintes au Canada...? N'avons-nous pas les mêmes droits dans ces pays étrangers?
    Oui, mais cela n'arrange pas les choses pour moi. Il me semble que la norme que nous voulons établir n'est pas une norme qui se contente d'amplifier et d'augmenter continuellement les droits des entreprises, qu'il s'agisse d'entreprises étrangères au Canada ou d'entreprises canadiennes à l'étranger. Il me semble que la norme que nous devrions instituer ou nous efforcer d'instituer est une norme équilibrée, équitable qui reflète adéquatement le droit permanent de réglementer tous les investisseurs et qui ne prévoit pas, disons, des niveaux excessifs de protection pour les investisseurs seulement parce que les investisseurs canadiens les obtiennent également à l'étranger.
    Mais je n'ai pas été convaincu que les gouvernements canadien, provinciaux ou territoriaux seraient empêchés de réglementer cela à l'avenir, dans les termes que vous avez suggérés. Il y a des limites mais il n'y a rien pour empêcher les gouvernements d'établir des normes environnementales ou des droits des travailleurs, et ainsi de suite.
    Pouvez-vous parler un peu plus longuement de cela?
    Il est vrai que rien n'interdit ou n'empêche les gouvernements de prendre de nouvelles mesures sur le plan juridique. Le problème réside dans le fait que plus les droits des investisseurs prennent de l'ampleur, plus les gouvernements risquent de devoir payer des dommages-intérêts, y compris le gouvernement fédéral canadien, puisque le Canada est signataire du traité, advenant qu'une mesure provinciale est déterminée contraire à l'AECG.
    Alors je crois que c'est le facteur du risque, et cela nous ramène à la question de savoir si les gouvernements s'en préoccupent. Eh bien oui, ils le font. Les gouvernements se penchent-ils soigneusement sur les coûts et avantages ou les risques éventuels? Oui, ils le font. Les gouvernements s'abstiennent-ils de réglementer en raison des risques possibles? Et la réponse à cela est une fois de plus oui, ils le font.
    Alors voilà où se trouve le facteur; voilà où se trouve le problème. Il n'y a aucune barrière absolue mais l'équation du risque change, l'analyse coûts-avantages change et plus le niveau des droits des entreprises est élevé, plus le gouvernement a des risques et plus il est difficile de faire l'équilibre entre la réglementation et les risques éventuels.
(1045)
    Très bien. Notre temps s'est écoulé.
    J'ai juste une question rapide à poser à M. Darch. Pour ce qui est du montant de l'argent que le secteur privé compte investir en Europe, avez-vous un chiffre à nous donner?
    Nous n'avons pas de chiffres, mais je dois reconnaître que quand je suis allé en Europe, j'étais parti sur l'idée que leur économie fonctionnait au ralenti et que les problèmes étaient de taille.
    Or, j'ai trouvé que les choses étaient assez différentes. Il y a beaucoup d'argent. Il y a beaucoup d'argent à investir. Je crois qu'il y a beaucoup d'occasions d'affaires là-bas. Je sais qu'Ottawa a relevé des occasions. Hier, j'ai parlé à notre président, Bruce Graham, de Calgary Economic Development, et l'organisme est en train de modifier son impression de l'Europe. Selon son optique, on estime qu'il y a beaucoup d'argent là-bas que les gens cherchent à investir. L'Europe n'est pas le meilleur endroit où investir pour l'heure. Dans la plupart des autres pays qui sont en train d'être envisagés, tels ceux de l'Asie et de l'Afrique, le risque est considérablement plus élevé. Justement à cause des raisons que certaines personnes ont mentionnées — la stabilité du Canada, notre faible taux d'imposition, etc. —, je crois que nous sommes en excellente position en ce moment même pour tirer parti de nos conditions ainsi que de l'argent qui est prêt à être investi.
    Merci beaucoup.
    Merci tous deux de vos témoignages.
    J'aimerais ajouter, monsieur le président, si vous le permettez, que nous n'attendons pas deux ans. Ce qui se passe maintenant, c'est que nous sommes en train d'amorcer le processus. Nous faisons des investissements maintenant conformément aux règlements existants.
    Parfait.
    Merci beaucoup. Notre temps est écoulé.
    La séance est levée.
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