CIIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent du commerce international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 13 février 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Nous poursuivons notre étude de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne.
Nous allons entendre aujourd'hui le témoignage de John Jung, chef de la direction de Canada's Technology Triangle inc. Nous accueillons également Robert Lewis-Manning et Debbie Murray, de l'Association des armateurs canadiens. Merci de votre présence.
Monsieur Jung, la parole est à vous. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. La parole ira ensuite à M. Lewis-Manning, puis nous passerons aux questions.
Allez-y, je vous prie.
Mesdames et messieurs, je suis très fier et honoré d'être ici aujourd'hui. Merci beaucoup.
Le Triangle Technologique du Canada est constitué des villes de Kitchener, Waterloo et Cambridge et des comtés environnants. Cette collectivité unique compte actuellement 550 000 habitants, et sa population passera à 750 000 habitants d'ici moins de 20 ans, et probablement à un million avant 2050. Elle est soutenue par des secteurs très solides et par une économie diversifiée: fabrication spécialisée, technologies de l’information, alimentation, finance, éducation, et j'en passe.
Notre mandat consiste à attirer les investissements directs étrangers et à aider nos entreprises exportatrices à faire des progrès à l’étranger. Parallèlement, nous souhaitons que le gouvernement du Canada nous aide à créer des emplois et des possibilités de croissance pour nos entreprises en veillant à ce qu'elles aient un accès adéquat aux marchés afin d’être compétitives et prospères à l’échelle mondiale.
Notre région s’intéresse donc de près à l’AECG entre le Canada et l’Union européenne que le premier ministre a annoncé le 18 octobre. À notre connaissance, l’AECG sera le plus grand et le plus important accord de libre-échange bilatéral depuis l’Accord de libre-échange nord-américain.
En fait, compte tenu de l’ALENA, le Canada est le mieux placé de tous les pays, car, en plus des pays signataires de cet accord, il pourra commercer avec les 28 États membres de l’UE. Si on fait le calcul, cela représente environ 900 millions de consommateurs en Europe et en Amérique du Nord. C'est beaucoup de clients éventuels. Nous sommes tous au courant des avantages que nous a apportés l’ALENA. Les États-Unis sont notre plus grand partenaire commercial, et le Canada et l’UE ont une longue histoire de coopération économique.
Formée de 28 États membres comptant plus de 500 millions d’habitants et affichant un PIB de 17 billions de dollars, l’Union européenne est considérée comme le plus grand marché unifié au monde. Elle se classe au deuxième rang des partenaires commerciaux du Canada et au même rang relativement aux investissements directs étrangers — les IDE — réalisés au pays.
Pour sa part, le Canada occupe la troisième place des partenaires commerciaux de l’UE et la quatrième place pour ce qui est des IDE. Nous savons que l’AECG touchera 98 % des partenariats économiques bilatéraux entre le Canada et l’UE, y compris toutes sortes d'accords globaux en matière de commerce, de propriété intellectuelle, de ressources humaines, d'activités infranationales, d'approvisionnement gouvernemental, etc.
Compte tenu de tous ces secteurs touchés, nous prévoyons qu'environ 9 000 lignes tarifaires feront l'objet de négociations au cours des deux prochaines années. Cela représente beaucoup de travail. Comme nous l'avons dit dans notre rapport, nous croyons que l'AECG sera très avantageux pour nous. C’est pourquoi nos membres de la région de Waterloo s’y intéressent.
Notre région est un chef de file dans le domaine de la recherche et de l’innovation, et elle contribue à la fabrication de produits de pointe tels que des automobiles, des appareils médicaux et scientifiques et des instruments de précision. Il est notamment question d'entreprises comme BlackBerry, dont un représentant témoignera tout à l'heure.
L’industrie automobile canadienne — je pense à Toyota et à d'autres fabricants à Cambridge — dépend grandement du commerce. Voilà pourquoi nous aimerions que l'AECG élargisse l’accès de nos secteurs automobile et manufacturier au marché européen, qu'il accroisse nos possibilités d’exportation en Europe, qu'il élimine les tarifs douaniers et qu'il assouplisse les règles d’origine afin que les fabricants d'équipement d'origine et de pièces puissent en tirer profit.
L’AECG devrait donc éliminer la plupart des tarifs douaniers européens visant, entre autres, les produits de fabrication de pointe et les appareils médicaux — qui comptent parmi les produits phares de notre collectivité. La fabrication de pointe et les secteurs connexes emploient plus de 22 % des travailleurs de notre région. Cela représente 56 000 travailleurs. Il s'agit d'un apport assez considérable à l'échelle nationale, compte tenu de la taille de notre collectivité. Ce secteur emploie quelque 400 000 Canadiens et a injecté plus de 42 milliards de dollars dans le PIB canadien en 2012. Il revêt donc une importance cruciale pour notre région et pour le Canada en général.
Bien entendu, nous ne connaissons pas encore les détails de l’AECG, et Dieu sait comme ils sont importants, surtout pour certains secteurs de la transformation alimentaire et de l’agriculture. Nous voulons avoir plus d'information. Par exemple, la question du fromage a été soulevée dans toutes les réunions auxquelles j'ai participé. Nous aimerions avoir un peu plus de renseignements sur la façon dont cette question sera gérée. D’après ce que nous avons pu comprendre, une fois que l’AECG entrera en vigueur, près de 94 % des tarifs douaniers de l’UE applicables au secteur agricole seront abolis, et l’AECG éliminera immédiatement les tarifs douaniers existants de l’UE sur les aliments transformés et les boissons.
L'accord devrait donc rendre les produits alimentaires et les boissons de notre région et du reste du Canada encore plus concurrentiels en Europe, ce qui pourrait se traduire par une augmentation des ventes et un accès élargi au marché de toute l’UE.
Comme vous le savez, la région de Waterloo est connue pour sa collaboration unique en matière d'innovation et pour son écosystème technologique. Elle compte environ 30 000 travailleurs des technologies de l'information et des communications — les TIC — dans les secteurs du développement logiciel et des services, des médias numériques, du Web, de la microélectronique, etc. Les exportations canadiennes de produits des TIC vers l'UE peuvent être frappées de tarifs douaniers allant de 1 % à 14 % dans certains cas. À notre connaissance, il est attendu que ces tarifs seront éliminés. Il s'agit d'une occasion formidable pour nos entreprises de haute technologie — il y en a presque un millier dans notre région — et notre importante communauté de jeunes entreprises. Une telle mesure aidera les travailleurs de l’innovation et du savoir de la région de Waterloo et de presque partout ailleurs au Canada.
Enfin, la région de Waterloo possède un solide secteur des services, par exemple des services de gestion —y compris du patrimoine —, d’architecture et d'ingénierie ainsi que des services techniques. Il s'agit également d'une formidable occasion pour l'ensemble du pays, étant donné que ce secteur compte pour 70 % du PIB national et emploie 13,6 millions de Canadiens qui exportent dans les pays de l’UE des services d’une valeur totale de 14,5 milliards de dollars par année. Étant donné que les barrières à l’admission, à la citoyenneté, à la propriété et à l’investissement sont aussi des barrières à l’exportation des services, il sera très important de les éliminer afin que notre secteur des services puisse continuer de grandir au Canada.
Par ailleurs, Canada's Technology Triangle collabore avec des alliances panrégionales et pancanadiennes. L'une d'entre elles, appelée Canada en tête — ou CET —, travaille en étroite collaboration avec Investir au Canada et représente 12 des plus grandes villes canadiennes, y compris la région de Waterloo. CET s'affaire à attirer les investissements directs étrangers dans nos collectivités. Les accords commerciaux réussis comme l’AECG Canada-UE fourniront aux investisseurs européens et canadiens une certitude, une transparence et une protection accrues pour leurs investissements bilatéraux, des éléments qui sont très importants pour favoriser la prospérité à long terme et la création d’emplois.
Et bien entendu, en tant que consommateurs, nous aimerions tous voir une nouvelle voiture BMW toute rutilante dans notre entrée.
Récemment, lors d'une activité internationale dans la région de Waterloo à laquelle ont participé nos ambassadeurs locaux, j’ai recommandé ce qui suit: notre collectivité devrait profiter des deux prochaines années, d’ici à ce que l’AECG soit achevé et ratifié, pour se familiariser avec les possibilités que représente cet accord et déterminer comment elle peut s’organiser, elle et ses secteurs, pour tirer pleinement parti de son potentiel.
Bientôt, notre région adoptera sa première stratégie de développement économique. D'ailleurs, une des principales composantes de cette stratégie consistera à tirer profit de l'accord. Cela nous donnera également l'occasion d'examiner certains aspects négatifs de l'accord. Nous suggérons à toutes les communautés canadiennes de faire de même afin de bénéficier des retombées de cette possibilité extraordinaire.
En novembre, en compagnie de Jayson Myers des Manufacturiers et Exportateurs du Canada ainsi que de représentants d'investir au Canada et de CET, je suis allé promouvoir l’AECG Canada-UE à Madrid, à Amsterdam et à Milan. J’ai pris la parole dans deux de ces villes pour aborder des sujets semblables concernant la région de Waterloo.
Enfin, nous avons rencontré l'ambassadeur de l'UE tout récemment — hier, en fait, à l'occasion d'un dîner à Toronto. Elle nous a rappelé que l'UE est le plus grand bloc commercial de la planète, le plus grand marché totalement intégré et un environnement très concurrentiel. Reprenant les mots de Frank Sinatra, elle a dit que si on peut réussir dans l'UE, on peut réussir n'importe où. Le message s'adresse clairement aux produits canadiens. Selon nous, quand il y a un défi à relever et que les occasions sont là, nos produits peuvent percer n'importe quel marché.
En conclusion, CTT espère que vous mènerez l’accord à bonne fin. Nous vous souhaitons bonne chance et nous espérons que vous accomplirez cela pour tous les Canadiens.
Monsieur le président, merci de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
Nous sommes ici pour vous parler de certaines de nos préoccupations initiales concernant cet accord et de ses répercussions potentielles sur le transport maritime intérieur à courte distance. À notre avis, l’AECG est bénéfique pour le Canada, mais certains des aspects de sa mise en oeuvre risquent d'entraîner des conséquences négatives involontaires sur notre partie du secteur maritime et, par conséquent, sur la résilience de la chaîne d'approvisionnement canadienne.
Notre principale préoccupation a trait aux services d'apport maritimes relativement aux navires européens et aux répercussions que cela pourrait avoir sur le transport maritime intérieur à courte distance au Canada. Nous demandons au comité de soutenir notre industrie afin de s'assurer que le contexte opérationnel du transport intérieur canadien demeurera prévisible. Nous voulons tous un contexte commercial très solide, et notre industrie dispose d'une capacité canadienne unique qui pourrait être involontairement minée, tout dépendant des conditions et surtout des détails de la mise en œuvre de l'accord commercial. Pour que vous compreniez bien notre inquiétude, je vais parler brièvement de notre industrie, puis je reviendrai sur la question des services d'apport maritimes.
Notre association ne date pas d'hier: elle a été créée en 1903. Elle représente des entreprises qui exploitent et possèdent des navires canadiens, qui emploient des marins canadiens, qui paient des impôts au Canada et qui exercent leurs activités dans les voies navigables uniques et exigeantes du Canada — c'est-à-dire les Grands Lacs, la voie navigable du Saint-Laurent, le fleuve Saint-Laurent, l'Est canadien et l'Arctique — qui font partie de la grande industrie du transport maritime à courte distance. Ses retombées économiques dans cette région se chiffrent à 35 milliards de dollars par année. Nous représentons la majeure partie de la flotte intérieure canadienne en activité dans la région, mais nous avons aussi communiqué avec des entreprises qui ne font pas partie de notre association afin de discuter du message que nous vous livrons aujourd'hui.
Nous exploitons 86 bâtiments; il s'agit surtout de vraquiers, de navires à auto-déchargement, de navires de charge généraux et de transporteurs de vrac liquide. Assurément, pour la plupart des communautés arctiques, nos navires sont le seul moyen d'obtenir toutes sortes de biens et d'articles abordables et fiables nécessaires pour leur survie, qu'il soit question de nourriture, de carburant ou même de maisons. L'an dernier, notre flotte a transporté 50 millions de tonnes de fret, y compris du minerai de fer, du charbon, du grain, du granulat et des marchandises générales. Plus de 70 % des déplacements dans les Grands Lacs entre les États-Unis et le Canada ont été effectués par notre flotte, ce qui montre que la demande est forte de la part des expéditeurs canadiens et américains.
Nos membres font ce qu'on appelle du transport maritime à courte distance, soit le transport du fret d'un port canadien à un autre, la plupart du temps dans les voies navigables intérieures et les eaux côtières. Il s'agit généralement de courts trajets calculés en heures et en jours plutôt qu'en semaines et en mois, comme c'est le cas pour le transport international. Notre flotte est unique et conçue pour les eaux canadiennes, et nous exerçons des activités ici seulement. Le niveau de formation et d'expérience de nos marins est exceptionnel. Notre flotte est exclusivement canadienne, et l'industrie et le gouvernement l'ont bâtie ensemble au moyen de politiques et d'investissements judicieux.
De nombreux pays cherchent à se doter d'une flotte commerciale stable et souveraine pour s'assurer d'avoir un mode de transport fiable, ce qui est essentiel pour assurer la croissance économique et la sûreté du réseau de transport global. Il faut du temps pour accroître et renouveler cette capacité — sur le plan tant du capital humain que des infrastructures et des processus —, et si on la perdait, elle ne serait pas remplacée: cela exposerait éventuellement les expéditeurs canadiens et américains aux pressions fluctuantes des marchés étrangers, ce qui déboucherait sur l'augmentation du nombre de camions sur les routes et la surutilisation du réseau ferroviaire.
Les entreprises que nous représentons investissent massivement dans les technologies et le développement de la capacité et constituent une solution de transport durable et écologique. L'efficience énergétique des navires canadiens utilisés dans le cadre des échanges commerciaux intérieurs est supérieure de 24 % à celle des trains, et de plus de 500 % à celle des camions. Quand le gouvernement a diminué de 25 % les droits d'importation visant la construction de nouveaux navires, nos membres ont réagi en investissant plus de 700 millions de dollars pour acquérir des bâtiments de classe mondiale. Il s'agit de navires écologiques et efficients conçus tout spécialement pour naviguer dans nos eaux canadiennes uniques. En effet, comme notre industrie fait partie de la grande chaîne d'approvisionnement qui relie le coeur économique de l'Amérique du Nord avec le reste du monde, nous nous sommes dit que le moment serait bien choisi pour investir dans notre capacité afin de poursuivre notre croissance.
Pour développer nos affaires, notre flotte et nos effectifs, nous nous sommes fondés sur la prévisibilité du marché. À l'heure actuelle, en vertu du régime côtier canadien, seuls les navires canadiens dûment enregistrés peuvent transporter des marchandises d'un port intérieur à un autre, sauf si aucun navire canadien n'est disponible à un prix raisonnable. Ce régime a relativement bien fonctionné jusqu'ici, permettant de dispenser aux besoins des services aux expéditeurs tout en assurant la croissance de l'industrie maritime canadienne. Le gouvernement a travaillé en partenariat avec nous pour veiller à la fiabilité et à la sûreté du transport et des infrastructures.
Je vais maintenant aborder la question des services d'apport maritimes en général. Comme je l'ai dit, notre inquiétude est surtout liée aux éventuels services d'apport maritimes.
Bien que notre industrie ne comprenne pas encore tous les aspects de la question, des représentants de Transports Canada nous ont signalé que les services d'apport maritimes sont inclus dans l'accord. Même si nous voyons d'un bon oeil l'accroissement des échanges commerciaux et de notre rôle dans la chaîne d'approvisionnement, cette décision risque de modifier considérablement les marchés et de rendre notre industrie très imprévisible, tant pour les expéditeurs — c'est-à-dire nos clients — que pour les propriétaires de navires.
Comme nous sommes une flotte entièrement canadienne qui ne peut commercer que sur le marché du transport maritime à courte distance, nous croyons être bien plus sensibles aux changements que les flottes internationales qui peuvent chercher à s'établir ailleurs sur les marchés mondiaux. Nous avons eu bien du mal à communiquer ce message à notre gouvernement, et nous craignons qu'il n'ait pas tout à fait compris. C'est vraiment une question complexe.
Vous vous demandez peut-être pourquoi nous ne devrions pas encourager la présence de navires dont le propriétaire et l'équipage sont étrangers sur le marché du transport intérieur du fret.
Premièrement, il n'y a aucune garantie que ces navires continueront à être exploités en eaux canadiennes à long terme. L'actuel ralentissement économique observé dans l'industrie mondiale du transport encourage les armateurs étrangers à chercher des débouchés commerciaux uniques, par exemple les services d'apport maritimes canadiens. La flotte canadienne de transport maritime à courte distance ne peut faire de même. Par conséquent, quand le commerce mondial connaîtra une embellie, à peu près rien ne garantit que les exploitants de navires étrangers continueront à dispenser des services d'apport maritimes — il est possible qu'ils se mettent plutôt à chercher des occasions plus lucratives ailleurs dans le monde. Une situation aussi imprévisible, encouragée par l'accord, pourrait avoir des conséquences néfastes sur la capacité intérieure.
Deuxièmement, les marins étrangers n'ont pas nécessairement la vaste expérience et la formation approfondie nécessaires pour naviguer dans certains des écosystèmes les plus fragiles du monde: les eaux canadiennes. Naviguer dans les eaux côtières et intérieures, souvent dans des conditions météorologiques difficiles, est extrêmement exigeant, et il faut connaître à fond non seulement l'art de la navigation et les manoeuvres à effectuer, mais aussi la myriade de règlements visant à protéger nos eaux et nos côtes.
Troisièmement, notre mode de transport est le plus écologique et le plus sécuritaire qui soit. Un seul navire possède la même capacité que 301 wagons ou que 963 camions, et il s'agit donc du mode de transport qui émet le moins de gaz à effet de serre. De même, sur le plan de la sécurité, l'industrie maritime canadienne affiche un bilan exemplaire, car le gouvernement et l'industrie ont tous deux investi de façon durable et à long terme dans la formation, la réglementation et d'innovation.
En conclusion, nous sommes fermement convaincus que le gouvernement devrait réfléchir à ce qui pourrait éventuellement advenir s'il permettait aux navires étrangers d'exercer librement des activités commerciales sur notre marché intérieur. La réussite économique du Canada repose sur la prévisibilité et la sécurité du transport maritime, et cela va continuer à jouer un rôle crucial dans la chaîne d'approvisionnement au Canada et à l'étranger.
L'accord pourrait être une manne pour notre industrie, et nous espérons qu'il respectera notre rôle dans la chaîne d'approvisionnement canadienne et mondiale. Certes, nous aimerions que notre gouvernement utilise l'accord et d'autres politiques comme mécanismes qui favoriseront la croissance de l'industrie canadienne du transport maritime à courte distance.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir permis de livrer ce témoignage.
Je remercie les deux témoins pour leurs exposés.
Nous allons maintenant passer aux questions. M. Davies va commencer.
Monsieur Davies, c'est à vous. Vous avez sept minutes.
Merci à tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui. Je vous souhaite la bienvenue parmi nous.
Monsieur Lewis-Manning, ma première question s'adresse à vous. J'ai une copie d'un courriel de Transports Canada daté du 6 janvier. Je vais en lire un extrait. Voici ce qui est indiqué au sujet de l'AECG:
... discussions ont eu lieu à propos de...
... services d'apport maritimes concernant les marchandises conteneurisées transportées entre les ports d'Halifax et de Montréal par des navires enregistrés auprès de l'Union européenne. Un service d'apport maritime est défini comme le transport de fret d'origine étrangère/à destination de l'étranger d'un port canadien vers un autre port canadien avant son exportation à l'étranger ou après son importation de l'étranger par voie maritime.
Si je comprends bien, à l'heure actuelle, la Loi sur le cabotage et les exigences du Registre canadien d’immatriculation des bâtiments interdisent à un navire non enregistré au Canada de transporter des marchandises d'un port canadien à un autre. C'est juste?
Merci pour votre question.
Vous avez partiellement raison. En réalité, à l'intérieur d'un régime côtier, il est possible de présenter une demande de permis de fret temporaire. Je crois que le problème éventuel tient surtout à la façon dont le régime serait mis en oeuvre si on le modifiait. Ce n'est pas impossible, mais il y a un processus à suivre pour le faire.
Vous pourriez peut-être nous fournir une estimation très approximative. Quel pourcentage de ce travail est actuellement réalisé par des navires et des marins enregistrés au Canada ?
Si, par exemple, on prend les déplacements du port d'Halifax vers le port de Montréal, le pourcentage est plutôt faible. Je suppose qu'il est de moins de 10 %.
Oui. D'ailleurs, nos membres ne font pas ce trajet à l'heure actuelle, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne le feront pas dans l'avenir.
Vous parlez des trajets qui relient un port canadien à un autre? Le pourcentage serait supérieur à 95 %. Il est plutôt élevé.
Si je vous ai bien compris, vous craignez que les déplacements interportuaires à l'intérieur du pays qui sont actuellement effectués par des navires et des marins canadiens — soit 95 % des déplacements intérieurs au total — soient éventuellement effectués par des navires et des marins européens? C'est ce qui vous inquiète?
C'est difficile à quantifier.
Nous employons aux alentours de 3 000 à 5 000 marins professionnels et travailleurs de soutien, alors un certain nombre de ces emplois seraient touchés. Je ne m'attendrais pas à ce que… Si on s'en tenait seulement à ce type de service — un aspect très limité —, le chiffre serait très petit. Je pense que le potentiel de croissance est là et que c'est surtout le fait de comprendre les mécanismes de mise en œuvre d'un tel service d'apport qui est préoccupant pour nous. Nous craignons que les répercussions possibles de la mise en œuvre de l'accord ne soient pas suffisamment comprises.
Si je comprends bien la note, il est seulement question du transport du fret entre les ports d'Halifax et de Montréal. Êtes-vous d'accord avec moi?
J'ai les mêmes renseignements que vous, alors oui, je suis d'accord. Mais je ne sais pas s'il y a autre chose qui…
Dites-vous qu'à l'heure actuelle, les navires et les équipages canadiens effectuent seulement 5 % de ce travail?
C'est bien mon estimation. D'ailleurs, bien qu'aucun membre de notre association ne le fasse à l'heure actuelle, je sais que certaines entreprises enregistrées au Canada dispensent des services d'apport dans les Maritimes.
J'ai une dernière question pour vous avant de passer à M. Jung.
La note porte également sur le repositionnement des conteneurs vides entre les ports canadiens. Êtes-vous également préoccupés par la possibilité que les navires et les équipages européens aient accès à ce travail?
Pas nos membres en particulier, mais l'industrie maritime en général craint que ce type de service ait un impact sur d'autres modèles d'affaires. Ce n'est pas tellement des revenus découlant de ces activités qu'il est question; c'est plutôt de la logistique relative à la planification des déplacements futurs, aspect particulièrement complexe du transport de conteneurs.
Globalement, même si vous perdiez des emplois à cause de cela, vous attendez-vous à ce que l'AECG crée par ailleurs du travail et des débouchés commerciaux pour vos membres? Je dirais que ce qui m'intéresse, c'est l'effet global de l'accord.
À ce stade, nous ne voyons pas de débouchés évidents, car une grande partie de notre travail consiste à faire sortir des marchandises de l'Amérique du Nord. Elles sont envoyées dans un port canadien, puis elles sont transportées ailleurs dans le monde par de nombreux navires étrangers. Nous les acheminons jusqu'aux côtes.
D'accord, merci.
Monsieur Jung, le secteur des hautes technologies est très solide en Europe. J'aimerais savoir si vous avez analysé l'impact sur votre secteur de l'accroissement de la concurrence des entreprises européennes en sol canadien.
En fait, pour examiner la situation ici, nous la comparons à celle de la localité d'Eindhoven, en Hollande, que le magazine Forbes considère comme la collectivité innovatrice par excellence dans le monde. Des représentants nous ont rendu visite et estiment que nous bénéficions d'un environnement très compétitif au Canada. Ils songent à nouer des partenariats. La concurrence est une chose, mais la collaboration et les partenariats font aussi partie de l'équation.
La mobilité de la main-d'œuvre est abordée dans l'AECG. Est-ce que cela influera sur votre opinion à l'égard des travailleurs spécialisés?
J'espère que je pourrai poser une dernière question, car je vais probablement manquer de temps.
Je suis tout à fait d'accord avec vous pour ce qui est d'attendre d'avoir plus de renseignements. C'est le point de vue de notre parti. Nous pourrions appuyer un accord, mais nous devons voir les détails. Il est question d'un accord global de 40 chapitres, alors cela nous semble être une simple question de bon sens.
La question est peut-être injuste, mais le gouvernement a laissé entendre que l'AECG pourrait créer 80 000 emplois. Je pose donc la question suivante aux représentants de toutes les industries et de tous les secteurs: avez-vous une idée du nombre d'emplois que l'AECG créera dans votre secteur?
Notre secteur des TI compte 30 000 travailleurs à l'heure actuelle, et nous croyons que ce chiffre augmentera, car la concurrence et des partenariats se développeront d'un côté comme de l'autre. Je pense que la question fondamentale, c'est de déterminer comment maintenir en poste les travailleurs si nous voulons qu'ils restent dans une collectivité donnée. Toutes celles que je représente sont touchées par ce problème. Je n'ai pas de solution à proposer. Je sais par contre que c'est l'une des principales préoccupations. D'ailleurs, tout récemment, le président de l'Université de Waterloo en a fait un des points cruciaux de son programme.
Je n'ai pas de réponse concrète à vous donner.
Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui. C'est bien de vous voir deux jours de suite, monsieur Jung, même si nous n'avons pas eu l'occasion de discuter hier, à l'occasion du dîner avec les ambassadeurs de l'UE et des pays membres.
J'avais une question à vous poser à la suite de ce vous avez dit. Vous vous rappelez peut-être qu'au dîner à Toronto, Jason Langrish, un des conférenciers, avait dit que, pour un grand nombre de joueurs mondiaux de premier plan européens et canadiens, un des grands avantages de l'AECG était la notion de « centre d'excellence ». Croyez-vous que les investissements directs étrangers réalisés au Canada seront bénéfiques pour nos collectivités qui retirent déjà des avantages du genre grâce aux grappes, comme c'est le cas dans la région de Kitchener-Waterloo?
Absolument. Je pense que nous avons l'occasion de mettre en valeur l'expertise de nos collectivités à l'échelle mondiale. Nous savons que, si nous les présentons comme des centres d'excellence — comme c'est le cas du centre d'accélération Communitech Hub à Waterloo —, les gens iront travailler là-bas. Ils voudront y jouer un rôle. De même, je sais que les gens veulent travailler dans des endroits comme Eindhoven, dont je viens de parler.
Sur le plan stratégique, nous devons trouver comment travailler ensemble. Grâce à l'élimination des tarifs et des obstacles, je pense que les secteurs privé et public et le milieu universitaire — on appelle ça une « triple hélice » — obtiendront de meilleurs résultats.
Une partie de la migration de la main-d'œuvre attendue dans le cadre de cette initiative peut également contribuer à mobiliser des travailleurs compétents en fonction des types de projets. Je crois que cela représentera une source de motivation supplémentaire et permettra à certains projets d'atteindre un autre niveau.
Je viens moi-même de l'Ontario, tout comme M. Holder, mon collègue. Certes, nous sommes bien au courant de la vitalité de votre secteur et de votre collectivité ainsi que du travail accompli par votre organisation.
Pourriez-vous nommer d'autres communautés ou centres d'excellence du pays qui pourraient bénéficier d'un avantage additionnel découlant des investissements réalisés par des joueurs mondiaux semblables à votre entreprise?
Absolument, quelques exemples me viennent spontanément à l'esprit. J'ai parlé de Canada en tête — CET —, association de villes canadiennes qui travaille avec Investir au Canada. Elle possède un site Web indiquant toutes les villes canadiennes participantes. Douze villes ont immédiatement accepté de participer à l'initiative.
Ottawa, Toronto et Waterloo ont le corridor technologique de l'Ontario, et il y a des centres d'excellence dans chacune de ces villes. Dans l'ensemble du Canada — et c'est justement ce que j'expliquais à mon collègue —, plus de 20 villes sont reconnues mondialement comme des collectivités intelligentes. On trouve ces grappes de Vancouver jusqu'à la côte Est.
Dans des villes telles que Fredericton, Moncton et Saint John au Nouveau-Brunswick, et même dans une région nordique comme le Nunavut — bref, dans tous les coins du Canada —, il y a des occasions à saisir, pourvu qu'on possède les connaissances nécessaires. Nous savons que les occasions sont là.
Si nous pouvions bénéficier d'un libre-échange et d'une libre circulation accrus, nous pourrions même surpasser nos attentes les plus optimistes à l'heure actuelle.
Merci.
J'ai quelques questions pour M. Lewis-Manning.
Tout d'abord, je suis certes bien au fait du professionnalisme et de l'excellence opérationnelle d'un grand nombre de vos membres en raison de mon service dans la Marine et de mes interactions avec des travailleurs du transport maritime.
Vous avez dit que votre organisation a été fondée en 1903. Combien d'armateurs regroupe-t-elle? Je veux connaître le nombre d'entreprises de transport maritime; pas des navires de soutien, des remorqueurs ou des autres choses du genre.
Cinq entreprises, vous dites.
Assurément, je pense que certains membres du comité connaissent bien la Société maritime CSL — surtout ici à Ottawa — et Algoma Central, de grandes entreprises qui affichent un bilan impressionnant en matière d'excellence opérationnelle et qui jouissent du soutien très solide de gens d'affaires canadiens de premier plan. N'est-il pas juste de dire que leurs antécédents et leur expérience sur nos lacs et nos chenaux, que l'avantage géographique dont jouit un exploitant canadien… Croyez-vous vraiment que des concurrents européens pourraient perturber l'industrie autant que le laisse entendre mon collègue, M. Davies?
Je dirais qu'une telle concurrence ne serait pas nécessairement perturbatrice. Le fait que cette notion soit incluse dans l'accord n'est pas le point déterminant; c'est plutôt le détail de sa mise en œuvre.
Il est important d'examiner d'autres modèles, d'autres situations où des pays ont dû composer avec des changements semblables. Je pense que nous surveillons de près le modèle australien pour en tirer des leçons. Il est possible d'apporter de tels changements sans qu'ils soient perturbateurs; tout dépend de la mise en œuvre, pour être franc.
Je ne veux pas vous donner l'impression que le ciel est en train de nous tomber sur la tête. Ce n'est pas le cas.
En ce qui concerne tout particulièrement le transport à courte distance et les services d'apport que vous avez décrits, quels sont les chenaux où il pourrait y avoir une concurrence accrue, selon vous? Je suis certain qu'il ne serait pas rentable pour de nombreux exploitants européens d'essayer de vous livrer concurrence au Canada sur le plan du transport à courte distance. Y a-t-il un ou deux trajets en particulier que vous allez surveiller de près?
À la lumière de mes connaissances concernant l'industrie, je dirais que le coût et la complexité du transport maritime sur les Grands Lacs, par exemple, sont considérables. C'est pour cette raison que des entreprises comme celles que vous avez décrites ont du succès: les politiques, des cadres réglementaires et les investissements sont là pour leur permettre de mener ce genre d'activités commerciales.
Les régions à l'extérieur des Grands Lacs sont probablement celles auxquelles nous consacrons le plus d'attention relativement à l'accord, car elles offrent peut-être plus de débouchés. En fait, la concurrence peut aussi exister dans le régime actuel, alors il est difficile de dire si…
Nous pouvons nous demander si la côte Est, par exemple, présente un intérêt commercial susceptible d'attirer des investissements de l'UE. En réalité, les éventuelles conséquences négatives à long terme…
À vrai dire, une telle concurrence là-bas ne poserait pas de problème. Ce qui nous inquiète, c'est la possibilité qu'au fil du temps, on néglige de faire une grande partie des investissements nécessaires pour maintenir la capacité dans ces eaux lorsque les concurrents étrangers ne seront plus là.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
J'ai deux ou trois questions rapides pour vous, monsieur Jung.
Vous êtes une entreprise spécialisée dans la technologie, mais dans votre mémoire, vous dites:
Bien entendu, nous ne connaissons pas encore les détails de l’AECG. Certains secteurs, surtout ceux du secteur de la transformation alimentaire et de l’agriculture, voudront en savoir plus avant de se prononcer.
Pourquoi est-ce important pour votre industrie?
Vous comprenez mal la raison d'être de notre organisation.
M. Massimo Pacetti: C'est pour cela que je vous pose la question.
M. John Jung: Canada's Technology Triangle Inc. est un partenariat public-privé composé des municipalités, des collèges et universités ainsi que des entreprises privées de la région de Waterloo. Nous ne sommes pas une entreprise spécialisée dans la technologie. Nous sommes un PPP assez semblable à Investir Ottawa, que vous connaissez bien ici.
Nous sommes intéressés par tous les types d'industries. Nous réfléchissons à la diversité de la collectivité et nous essayons d'attirer des entreprises de partout dans le monde pour enrichir tous les secteurs de notre industrie. Par exemple, la transformation alimentaire est tout aussi importante pour nous que nos entreprises de TIC établies là-bas.
Quels domaines de la transformation alimentaire et de l’agriculture vous préoccupent particulièrement?
Nous n'avons pas encore tenu de séances de discussion à ce stade. Pour l'instant, nous voudrions seulement avoir plus de renseignements.
Comme je l'ai dit, nous établirons notre première stratégie de développement économique régional au cours de la prochaine année. Nous avons engagé un employé chargé de la mettre en œuvre dans la région. Je pense que l'AECG sera pris en compte dans la stratégie.
Est-ce que tout cela vise à accroître les exportations de marchandises, à acquérir la capacité nécessaire pour le faire, à augmenter la production de biens? Ou alors...
D'accord, merci.
J'ai une autre question. Vous avez dit qu'il existe des barrières à l’admission, et vous avez mentionné en particulier celle de la citoyenneté. À l'heure actuelle, est-ce que cet aspect représente un obstacle à l'utilisation de travailleurs étrangers ou à l'envoi de travailleurs d'ici dans d'autres pays?
À l'entrée. Quand j'étais en Inde, en Chine et dans d'autres pays du genre, certaines entreprises…
Ce problème ne touche pas seulement la région de Waterloo. J'ai déjà été à la tête de la Greater Toronto Marketing Alliance, et il a été mentionné à un certain nombre d'occasions par des entreprises qui ont des filiales étrangères et qui souhaitent y envoyer certains de leurs employés en renfort.
D'accord, merci.
Monsieur Lewis-Manning, quel est le corridor canadien le plus achalandé, si je puis dire? Pour le réseau ferroviaire, il s'agit du corridor Québec-Windsor. Quel en serait l'équivalent pour le secteur du transport maritime canadien?
Le plus achalandé — ou, du moins, celui qui affiche le plus grand volume de fret — serait celui qui relie Duluth-Superior et Québec. Il s'agit d'un corridor important, mais de nouveaux corridors très prometteurs se développent à l'extérieur des Grands Lacs. Je pense aux navires qui partent de Sept-Îles, par exemple, ou à certains projets de mise en valeur des ressources prévus dans l'Arctique et sur la côte Est.
Je crois savoir que les grands navires de charge ne pourront pas franchir Halifax pour se rendre dans les Grands Lacs. C'est juste?
Oui, puisque — de par leur taille — les plus grands navires panamax ne pourront pas passer par la voie navigable du Saint-Laurent.
Vous ne pensez pas que l'AECG augmentera le volume de vos activités et permettra à vos entreprises de croître?
Le potentiel est là. Pour l'instant, nous n'avons pas toute l'information. Je pense que ce qui nous paraît le plus important, c'est de pouvoir maintenir notre capacité et nos effectifs. Nous faisons beaucoup d'investissements à cet égard pour continuer à exercer nos activités de façon sécuritaire.
Je ne suis pas sûr de vous comprendre. Pourquoi votre capacité serait-elle menacée? En ce qui a trait à vos effectifs, craignez-vous de devoir augmenter le salaire des travailleurs?
Non, la question n'est pas là. Il s'agit surtout d'avoir accès aux échanges commerciaux qui assurent la pérennité de l'industrie. Des pertes éventuelles dans certains petits marchés auraient des répercussions.
Je ne vois pas pourquoi il y aurait des pertes. Si vous faites du fret intérieur, votre volume n'est-il pas voué à augmenter? Je ne vois pas pourquoi il diminuerait.
Pas nécessairement. Ce qui nous préoccupe, ce sont les aspects de la mise en œuvre que nous ignorons, ce sont ces détails concrets.
En vérité, un armateur européen pourrait présenter une demande de permis de cabotage en ce moment même. Rien ne l'empêche de le faire.
J'aimerais remercier les témoins de leur présence. J'ai trouvé vos exposés très enrichissants. C'était intéressant.
Je vais m'adresser d'abord à M. Jung, puis à M. Lewis-Manning.
Vous parlez de Canada’s Technology Triangle. Il y a pas mal de discussions à la Chambre des communes, et habituellement, c'est moi qui l'anime. Je sais que vous représentez la région de Kitchener-Waterloo et de Cambridge. Combien de maires dirigent ces trois villes?
Parfait.
Tant mieux pour vous. Je voulais faire inscrire cela au compte rendu, car, en fait, London est la 10e ville en importance au Canada. C'est parfois une source de confusion, car il arrive que Kitchener et Waterloo s'unissent pour se doter d'un avantage concurrentiel, comme vous l'avez fait avec le triangle. En fait, si vous ajoutiez London à votre triangle technologique, je crois qu'il pourrait devenir le meilleur trapézoïde ou rectangle de tous. Ce serait peut-être un carré.
Je suis de London, en Ontario, monsieur, alors j'ai une bonne idée de la situation de votre région.
Je comprends aussi votre intérêt pour l'agri-industrie commerciale, car ma ville — malgré les récentes nouvelles accablantes au sujet de Kellogg — est chef de file dans l'agri-industrie commerciale. Je sais que votre région compte de grandes organisations, alors je respecte votre intérêt à cet égard.
Je sais que mon collègue vous a interrogé au sujet de votre intérêt pour le fromage. Je tiens à vous rassurer sur cette question. Actuellement, au Canada, 4 % du fromage — si on parle des quotas actuels — provient de l'étranger, ou, à tout le moins, d'Europe. Cette proportion gagnera encore 4 % de l'Europe, alors elle sera de 8 %. Il est intéressant de noter que l'accès est libre dans l'autre sens et que tout le fromage canadien — si nous décidions de ne pas en manger — pourrait être expédié en Europe, si nous le voulions. Sincèrement, force est de reconnaître qu'il s'agit d'une mesure de préservation efficace et solide de l'industrie fromagère. Je tenais à vous rassurer à ce sujet.
Vous avez parlé de votre organisation, de sa grande taille et de ce qu'elle signifie, pas seulement pour votre région, mais à l'échelle du Canada. Le comité a entre autres parlé du fait que nous avons de grandes entreprises qui savent comment mettre un produit sur le marché international ou qui ont l'habitude de le faire. Mais le font-elles vraiment bien? C'est une question qui se pose. L'essentiel de nos échanges, comme vous l'avez fait valoir à juste titre dans votre déclaration, se font avec les États-Unis, car c'est l'axe nord-sud logique... En effet, quelque 75 % de nos exportations sont destinées aux États-Unis. Il est toutefois intéressant de noter que le volume de nos échanges avec les États-Unis a augmenté, mais qu'ils représentent une proportion plus faible de nos échanges totaux, et c'est très bien. Cela signifie que nous commerçons davantage avec les États-Unis, mais que nous dépendons moins d'eux pour assurer la stabilité d'ensemble de nos échanges.
Ce qui est pour moi une préoccupation, et je crois que les membres du comité la partagent, c'est notre façon de transmettre aux petites et moyennes entreprises l'information concernant les débouchés qui s'offrent à elles. Nous aurons des délégués commerciaux et des chambres de commerce qui tenteront de faire leur part, mais, à votre avis, quel sera votre rôle — dans votre région — pour ce qui est de sensibiliser les PME aux débouchés sur les marchés de l'Union européenne? Avez-vous réfléchi à cela?
Certainement, et, comme je l'ai mentionné, nous avons déjà tenu une réunion avec ce que nous appelons nos ambassadeurs — nos ambassadeurs locaux —, qui sont pour la plupart des PME.
Nous avons une cible en Allemagne; il y a d'autres régions d'Europe avec lesquelles nous collaborons. Avec ce comité, cette structure d'ambassadeurs... Nous croyons que l'AECG entre le Canada et l'UE est d'une telle importance que nous devons élaborer une stratégie relative à notre collaboration dans ce contexte. Nous venons de terminer une stratégie pour les produits alimentaires, une stratégie clé en main pour le secteur alimentaire, par exemple. L'accord cadre parfaitement avec cette stratégie de deux ou trois ans que nous voulons appliquer.
Soit dit en passant — petite parenthèse —, nous venons d'accueillir London comme 12e ville dans CET, alors nous la voyons comme un partenaire. Une fois que tout le monde aura pris note de l'existence du Canada, nous pourrons tous faire concurrence selon nos mérites, mais nous devons aller à l'étranger, accompagnés de nos PME, pour conquérir ces marchés.
Je dois clarifier quelque chose pour le compte rendu, car j'entends marmonner dans la salle...
Des voix: Oh, oh!
M. Ed Holder: En fait, nous sommes la 10e ville en importance au Canada, mais n'oubliez pas, chers collègues, que Kitchener, Waterloo et Cambridge sont présentées comme une unité. Pour répéter ce qu'a dit notre invité lors de son témoignage, il y a trois villes et trois maires, et elles étaient en avance sur nous, alors, je voulais juste soulever ce point.
Oui. La semaine dernière, on m'a dit qu'en fait, London était la 11e ville en importance au Canada, alors je crois seulement...
Des voix: Oh, oh!
M. Don Davies: Je ne voulais pas induire le comité en erreur.
Monsieur le président, simplement parce que mon ami vient d'une très grosse ville, il veut dénigrer de grandes villes comme London, en Ontario, et j'en suis très déçu.
Monsieur Jung, je dirais que, à mon avis, votre organisation est d'autant plus forte depuis que London en fait partie.
Monsieur Lewis-Manning, tout d'abord, je souhaite vous remercier de votre service. Nous vous sommes sincèrement reconnaissants de vos années comme capitaine de frégate de NCSM Vancouver et de votre engagement à l'endroit du Canada. En notre nom collectif, je tiens à vous exprimer notre gratitude pour ce que vous avez fait et vous rendre l'expression de notre profond respect.
J'ai une question pour vous. L'information que vous avez présentée était intéressante, selon moi. Je croyais initialement que le seul enjeu au chapitre de la gestion de l'offre était le fromage, mais j'ai presque eu l'impression, à la lumière de votre témoignage, que nous parlons — en quelque sorte — des navires canadiens comme un enjeu se rattachant à la gestion de l'offre. Je sais que vous ne voudriez pas en parler en ces termes, car je suppose que cela nous amènerait vraiment à demander si vous pouvez imaginer l'industrie du transport... Parlons du contexte canadien, où se situent vos relations; y a-t-il des possibilités de croissance découlant de l'AECG?
Nous aimerions le croire. Nous aimerions avoir plus d'information au sujet de l'accord afin de pouvoir nous faire une opinion éclairée à ce chapitre.
C'était intéressant. Il s'agit de la première entente sur laquelle j'ai travaillé lorsque je me suis joint au comité, il y a plus de cinq ans. Le plus grand défi que nous avons dû surmonter touchait la Norvège, qui ne fait pas partie de l'Union européenne pour ce qui est de ces questions. Nous avons traversé une très longue période de délibération avant qu'elle puisse faire concurrence au Canada.
Savez-vous combien de temps elle a duré, juste comme ça?
Elle a duré 17 ans. Nous avons fait cela, car nous voulions nous assurer de permettre à l'industrie canadienne de la construction navale de croître et de prospérer et d'avoir la possibilité de faire entrer des compétiteurs et de s'y adapter. Les constructeurs de navire ont réagi de façon très favorable à cet accord, car nous essayons de tenir compte des réalités touchant la Norvège, qui, aussi puissante soit-elle...
Le président: Très brièvement.
M. Ed Holder: Nous voulions une concurrence équitable.
Avez-vous confiance en la qualité de la construction navale au Canada, et croyez-vous que nous pouvons soutenir la concurrence de ce pays?
La réponse rapide, c'est que je ne représente pas les constructeurs de navires, mais mon impression par rapport à l'industrie canadienne de la construction navale est qu'elle acquiert l'expertise et la crédibilité nécessaires à long terme, ce qui sera une bonne chose pour le Canada.
Merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui.
Comme je viens de la ville de Montréal, je comprends assurément l'importance de nos secteurs de l'innovation. J'imagine que les grands citadins sont de ce côté-ci.
Des voix: Oh, oh!
Mme Laurin Liu: Vu nos quatre universités et nos 200 centres de recherche, certes, l'innovation est très importante pour ma région.
Pour les secteurs de TI que vous représentez, quels tarifs sont actuellement en vigueur dans l'Union européenne?
Vous en apprendrez probablement plus à ce sujet de nos collègues de BlackBerry, qui aborderont ces tarifs plus en détail. Je n'ai pas étudié les tarifs proprement dits, mais je crois comprendre qu'ils posent problème. Je préfère ne pas entrer dans les détails, car je n'ai pas ces renseignements.
Nous allons assurément interroger vos collègues à ce sujet.
Vous avez mentionné que l'AECG entraînerait probablement une croissance de l'emploi, mais vous avez ajouté qu'il y aurait des problèmes ou des difficultés au chapitre du maintien en poste. Pourriez-vous préciser?
Oui. Nous avons mené une étude et élaboré une stratégie sur la meilleure façon de conserver le talent dans la collectivité. Parfois, c'est une tâche très difficile pour une petite localité. Une étude menée aux États-Unis a révélé que la priorité était le logement abordable, des moyens de transport adéquats et, comme on disait, les choses à faire. C'est un défi pour les petites localités.
L'une des choses qu'on fait dans ma région, c'est d'améliorer les transports. On construit un SLR. Les universités sont regroupées dans un coin de notre région, mais beaucoup de divertissements et d'autres choses ne sont pas accessibles aux étudiants. Ils n'ont pas vraiment une idée de ce que la localité peut leur offrir dans d'autres secteurs. Finalement, les diplômés tendent à vouloir s'éloigner de la grappe technologique pour essayer de s'établir dans d'autres régions, mais ils reviennent lorsqu'ils ont une famille. Notre région a la réputation de savoir les amener à revenir pour élever leur famille. On a cette impression de maturité dans certains des milieux technologiques qui existent.
Soit dit en passant, nous avons une fantastique communauté de petites entreprises. Nous voulons attirer le capital de risque et de nombreux autres éléments qui aident à faire rester les jeunes entreprises ici. Sans cela, bien entendu, il y a du maraudage.
J'ai eu l'occasion de visiter Communitech. Il s'agit assurément d'un incubateur prometteur. J'ai hâte de voir ce qu'on va accomplir dans l'avenir.
En ce qui concerne la mobilité de la main-d'œuvre, quels secteurs profiteraient le plus de l'amélioration de la mobilité de la main-d'œuvre prévue par l'AECG?
Évidemment, la communauté technologique dans l'ensemble en profiterait.
Nous croyons aussi que nous pouvons croître dans des secteurs de fabrication de pointe ciblés, dont la technologie propre et les activités connexes et les centres de traitement informatique. Il y a des débouchés pour certaines des entreprises axées sur le mode de vie. Nous avons aussi un secteur de services financiers très vigoureux que nous voulons continuer de faire croître. Il y a aussi ce que nous appelons la technologie et les opérations. Ce volet est un nouveau secteur que nous voulons mettre en valeur. Nous croyons pouvoir nous y intégrer en allant chercher de l'expertise en Europe. Il y a aussi d'autres secteurs, comme le secteur grandissant de l'aérospatiale, etc.
Merci, monsieur le président. Vous avez dit trois minutes?
Le président: Oui.
M. Randy Hoback: D'accord, c'est plutôt rapide, alors.
Monsieur Jung, je suis curieux. Votre situation est unique, car vous pouvez attirer des investisseurs étrangers des quatre coins du monde. Vous avez non seulement l'ALENA, mais aussi des accords commerciaux comme celui entre le Canada et le Pérou, celui entre le Canada et le Chili, avec la Colombie et d'autres accords commerciaux bilatéraux. Bien sûr, l'AECG entrera en jeu, puis — on l'espère— l'accord commercial avec la Corée.
Quelle est pour vous l'incidence de cela lorsque vous sollicitez des investissements étrangers et que vous tentez de définir votre région comme l'endroit par excellence?
Je crois que vous avez partiellement répondu à la question.
Nous avons une collectivité fantastique et une histoire fantastique. Nous avons des entreprises fantastiques. Nous avons déjà des gens extraordinaires. Les gens viennent à nous pour le talent. On vient à nous pour établir des partenariats. Lorsque nous allons à l'étranger, cela fait partie de nos atouts, de notre coffre à outils. Nous allons à nombre de ces endroits. J'irai prochainement en Chine, au Japon et à Taïwan. J'irai au Brésil le mois prochain. L'idée, c'est que, même si nous n'avons pas beaucoup de ressources, nous savons que nous devons être sur le terrain.
Vous avez maintenant dans votre coffre un outil appelé AECG, qui rendra cette tâche d'autant plus...
Eh bien, c'est ce que je disais plus tôt. Nous avons une occasion, probablement unique en son genre, parce que, maintenant, nous avons les États-Unis et l'autre partie à l'ALENA, le Mexique, bien sûr. Nous avons l'AECG. Nous avons tous ces autres accords. Nous avons un coffre à outils fantastique.
Ce que nous devons pouvoir faire, toutefois, c'est de créer de grands champions. Nous devons avoir les ressources pour le faire. Des organisations comme la nôtre n'ont pas de telles ressources, alors nous travaillons en collaboration très étroite avec Investir au Canada et d'autres organisations, et nous profitons de ce qu'elles peuvent faire pour nous. Nous faisons la même chose avec les acteurs du marché final de chacune des provinces ainsi qu'avec les délégués commerciaux et les ambassadeurs, directement dans les pays où nous allons.
Nous couvrons le monde. Vous seriez étonné du peu d'argent dont disposent des organisations comme la nôtre à l'échelle du Canada. Nous sommes vos intervenants de première ligne. Nous stimulons le commerce interentreprises. Nous ne disposons pas d'une armée de représentants gouvernementaux, de maires et d'AREI. Nous avons des gens de divers horizons, des universités au secteur privé.
Eh bien, on peut dire cela. Lorsque j'ai pris connaissance de l'occasion de venir vous parler, je tenais à vous faire savoir que nous étions très heureux de cela. Il y a parfois des choses qui entrent en conflit dans n'importe quelle collectivité, mais nous croyons qu'il s'agit d'une occasion fantastique. De fait, nous voulons miser sur l'accord pour les deux prochaines années afin d'élaborer des stratégies qui pourront nous profiter.
Merci beaucoup.
Merci à tous nos témoins d'être venus aujourd'hui.
Nous allons maintenant suspendre les travaux pour nous préparer à accueillir les prochains témoins.
Je demanderais aux membres de reprendre leur place. Nos témoins sont ici, alors nous aimerions commencer la séance.
Nous accueillons Marc-André Gagnon, qui témoigne à titre personnel. Merci d'être des nôtres. Nous entendrons aussi Morgan Elliott, de BlackBerry. Merci d'être venu.
Avant de commencer, j'aimerais demander le consentement du comité. M. Gagnon a préparé une présentation PowerPoint pour son exposé. Le document est à moitié en anglais et à moitié en français, mais il n'y a pas deux versions complètes dans les deux langues. Nous avons besoin d'un consentement unanime pour pouvoir le distribuer. Il serait traduit et redistribué par la suite.
Est-ce que tout le monde est d'accord?
Des voix: Oui.
Le président: Très bien. Nous allons le faire distribuer.
Commençons par M. Elliott. La parole est à vous.
Je resterai relativement bref dans ma déclaration afin de vous laisser plus de temps pour les questions. Ainsi, ce sera peut-être un peu plus productif.
Merci beaucoup de l'invitation. Je suis ravi de parler de ce que nous envisageons comme retombées économiques de l'AECG — l'accord à l'étude aujourd'hui — combiné à d'autres accords de libre-échange qui ont déjà été négociés. Les autres négociations commerciales en cours entre le Canada et l'Inde, le Canada et le Japon, le Canada et la Corée du Sud représentent réellement certains des meilleurs débouchés qui permettront aux entreprises canadiennes de faire concurrence sur des marchés non seulement libres, mais aussi équitables.
En tant que titulaire d'une maîtrise européenne en administration publique, j'ai vraiment été impressionné par l'habileté avec laquelle le gouvernement canadien et les négociateurs commerciaux ont réussi à conclure un accord commercial très ambitieux. Les membres de l'UE ont mis 45 ans à s'entendre, et, en seulement quelques années, le gouvernement canadien a pu négocier ce que je considère comme un accord qui apporte une libéralisation encore plus grande.
Le monde européen des affaires peut être assez intimidant. Nous nous sommes heurtés à des obstacles réglementaires assez complexes. Il existe de nombreuses procédures de certification des produits et des essais ainsi que d'autres barrières qui ralentissent notre mise en marché et nuisent à notre compétitivité, alors, selon l'analyse de BlackBerry, l'AECG élimine assurément la majorité des barrières tarifaires et — surtout — non tarifaires au commerce et à l'investissement.
Au premier abord, il semble aussi faciliter l'admission temporaire de nos employés qui doivent travailler à l'étranger afin d'offrir aux clients du soutien, des services et une formation concernant nos produits.
Selon nous, l'utilisation dans l'accord d'une liste d'exclusions à l'égard de la mobilité des services et de la main-d'œuvre et le fait que le statut de nation la plus favorisée du Canada sera protégé advenant la conclusion d'accords plus avantageux avec d'autres pays vont, au bout du compte, faciliter les activités commerciales de l'industrie de la technologie et accroître sa capacité, comme je l'ai dit plus tôt, d'être compétitive dans un marché qui est non seulement libre, mais aussi équitable, surtout lorsqu'on pense à ces barrières commerciales non tarifaires.
Nous sommes actifs dans plus de 100 pays, alors nous connaissons très bien les types de stratagèmes — c'est le meilleur mot qui me vient à l'esprit — qu'adoptent d'autres pays pour protéger leurs marchés ou arracher des concessions aux joueurs qui veulent mener des activités chez eux.
Nous comprenons qu'il s'agit toujours d'un accord de principe et qu'il y a encore du travail à faire. Nous encourageons le gouvernement à parachever l'entente et soutenons ses efforts en ce sens.
Comme je l'ai dit, ce qui revêtira pour nous un intérêt particulier, c'est la réglementation touchant les voyages d'affaires, la certification des produits et, surtout, l'établissement d'une procédure de règlement des différends rapide et efficace.
Je vais résumer très brièvement et faire valoir que, toutes proportions gardées, la taille du Canada limite son influence économique et politique sur la scène mondiale, alors nous devons travailler de façon plus intelligente que les autres pays. Toutefois, cette taille modeste représente également un avantage concurrentiel, car elle nous permet d'être plus souple et à l'écoute des changements sur la scène socioéconomique mondiale. Nous dépendons vraiment — à l'instar de toutes les entreprises de technologie — d'une innovation constante, mais nous dépendons aussi des politiques publiques modernes, habilitantes et compétitives de nos gouvernements. Dans le cas présent, nous croyons que l'AECG représente une politique judicieuse adéquate et moderne et permettra aux entreprises canadiennes de faire concurrence efficacement dans un marché libre.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous allons passer à M. Gagnon, de l'Université Carleton, qui est là à titre personnel. Il est professeur adjoint à l'École d'administration et de politiques publiques.
La parole est à vous, monsieur.
[Français]
Merci beaucoup pour l'invitation. Je suis désolé pour la présentation PowerPoint. Comme j'ai été averti très tard, je l'ai préparée à la dernière minute.
Je vais vous parler de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et de ses répercussions sur les coûts des médicaments brevetés. Je vais essayer de démontrer qu'ici, malheureusement, il s'agit d'un cas assez clair de ce qu'on peut appeler de l'aide sociale aux entreprises parasites.
Le graphique des dépenses totales par habitant en médicaments prescrits pour 2011 ou la dernière année disponible démontre qu'au Canada, on paie beaucoup plus cher que dans la très vaste majorité des pays de l'OCDE, sauf les États-Unis. On pourrait penser que c'est parce qu'au Canada, on a un meilleur accès aux médicaments et que, en conséquence, les gens en consomment davantage. Or, ce n'est pas du tout le cas. L'ensemble des pays européens a un régime universel d'assurance-médicaments, sous une forme ou sous une autre, et y a un meilleur accès. Au Canada, 10 % de la population n'achète pas de médicaments prescrits, et ce, pour des raisons financières.
Regardons maintenant les prix pratiqués. En fait, il faut comprendre que le panier de pays avec lesquels on compare normalement le Canada inclut les quatre pays où le prix des médicaments brevetés est le plus cher au monde, soit les États-Unis, l'Allemagne, la Suisse et la Suède. Je voudrais quand même attirer votre attention sur un autre fait. Au Canada, on paie les médicaments brevetés de 25 à 30 % plus cher que dans d'autres pays davantage comparables, comme la France et le Royaume-Uni.
On a cette manière de gonfler un peu le coût des médicaments. En même temps, c'était la logique du départ. En 1987, lorsque les conservateurs ont modifié la Loi sur les brevets en faveur des compagnies de médicaments brevetés, ils l'ont fait de la bonne manière, c'est-à-dire en affirmant qu'ils allaient mettre en place une loi plus favorable et une manière de fixer les prix des médicaments brevetés qui allait favoriser l'industrie. En échange de cet accord de privilèges, ils exigeaient d'avoir des retombées économiques et industrielles. On peut mesurer l'intensité de la recherche-développement par le ratio des dépenses de la R-D par rapport aux ventes. Ainsi, le gouvernement a exigé 10 % de R-D par rapport aux ventes au Canada.
Cela a très bien fonctionné pendant quelques années, mais vers la fin des années 1990, le système s'est effondré. Le ratio de R-D par rapport aux ventes s'est effondré au Canada, et au lieu de pénaliser l'industrie de ne pas avoir respecté son accord de 1987, le gouvernement a mis en place une série de mesures pour tenter d'aider davantage l'industrie. On a augmenté les crédits d'impôt et on a donné des subventions directes, particulièrement en Ontario et au Québec. Il y a eu la règle des 15 ans. On a mis en place une série de mesures qui favorisaient davantage l'industrie afin de réduire le déclin.
Malgré tout, le déclin a été assez certain. Au Québec, on a perdu la moitié des membres de la Rx&D, soit l'industrie du médicament breveté. On a perdu 50 % des emplois dans les 10 dernières années. Dans le reste du Canada, c'est 18 %, ce qui est un peu moins grave.
Pour ce qui est de l'intensité de la recherche-développement par rapport aux ventes, le Canada est presque à la queue, derrière Chypre, la Croatie et la Roumanie, notamment. On est donc très loin de vivre une expérience réussie en la matière.
Selon l'industrie, le problème tient du fait que le régime de propriété intellectuelle au Canada n'est pas concurrentiel. À son avis, il faudrait modifier le régime. Elle suggère d'utiliser l'accord de libre-échange avec l'Europe pour mettre en place les clauses qui permettront d'accroître la protection des médicaments brevetés.
Grosso modo, l'industrie souhaite que le gouvernement augmente ses revenus, et en retour, elle s'engagerait à dépenser davantage en recherche-développement. Toutefois, aucune condition n'est imposée. La logique de l'industrie est de dire que si elle a plus de revenus, elle aura plus d'argent à investir.
De 2000 à 2012, la courbe des revenus de l'industrie des médicaments brevetés au Canada affiche une forte croissance. Or les dépenses en recherche-développement stagnent ou même déclinent. Selon moi, la logique voulant que plus on aura de revenus, plus on investira, relève de la pensée magique.
D'ailleurs, dans son dernier rapport annuel publié en octobre dernier, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés disait clairement qu'il fallait arrêter de croire que le gonflement des prix des médicaments allait entraîner, comme par magie, plus d'investissements. Cette logique ne tient pas; il n'y a pas de causalité.
Concernant les médicaments brevetés, l'accord de libre-échange avec l'Europe partait du principe selon lequel être plus généreux avec l'industrie entraîne plus de retombées. Il y avait trois demandes: le rétablissement de la durée des brevets, la prolongation de l'exclusivité des données et un droit d'appel en vertu du système de liaison de brevets issu du règlement concernant les avis de conformité, en ce qui touche les médicaments génériques et les médicaments brevetés. La prolongation de l'exclusivité des données a été mise de côté, la durée des brevets a été rétablie à deux ans, alors que l'Europe demandait cinq ans, et le droit d'appel a été mis en place.
De mon côté, j'ai examiné, en collaboration avec Joel Lexchin, ce que signifiaient ces demandes. Nous avons tenu compte des médicaments de 2010, soit l'échantillon qui était disponible.
Tout d'abord, nous nous sommes demandé combien de temps supplémentaire il aurait fallu pour l'entrée sur le marché de la version générique de ces médicaments, si l'accord de libre-échange avait été en place en 2010. En gros, nous avons estimé que pour les médicaments de 2010, si cette clause avait été en place, le délai de l'entrée des médicaments génériques sur le marché aurait augmenté d'un à deux ans. Cette variation d'un à deux ans tient du fait qu'il faut déterminer si l'exclusivité des données devrait s'appliquer aux médicaments non novateurs. C'était l'une des demandes, or l'entente de principe présentée par le gouvernement n'est pas claire sur cette question. C'est la raison pour laquelle le délai supplémentaire pour l'entrée des médicaments génériques sur le marché varie d'un à deux ans.
À partir de cet échantillon, nous avons estimé que si les clauses avaient été en place en 2010, l'augmentation des coûts des médicaments brevetés au Canada aurait été de l'ordre de 6,2 à 12,9 %. Évidemment, les clauses de l'AECG n'auront pas de répercussions avant 2023 environ, mais cela donne une idée approximative de l'ampleur de l'augmentation du coût des médicaments brevetés.
Quelles sont les retombées pour le secteur pharmaceutique canadien? Cette fois-ci, aucune condition n'a été imposée à l'industrie. Il n'y a aucune demande claire exigeant des retombées industrielles. Je ne crois pas à la pensée magique. À mon avis, il n'y aura aucune répercussion sur l'accroissement de l'investissement, comme c'est le cas depuis toujours, ou à tout le moins depuis les 15 dernières années. Au Canada, l'augmentation des revenus de l'industrie n'a pas conduit à une augmentation des investissements dans ce secteur.
Ici, on étend les privilèges offerts à l'industrie en augmentant l'exclusivité de marché, mais on n'a rien en contrepartie. D'après moi, c'est ce qui définit la notion d'aide sociale aux entreprises parasites. Que faire alors?
Premièrement, il faut s'assurer de ne pas étendre l'exclusivité des données aux médicaments non novateurs. Si c'était le cas, on créerait une mesure incitative pour ces médicaments, d'une part, et les coûts seraient beaucoup plus élevés, d'autre part.
Deuxièmement, il faut abroger le système de liaison de brevets. Je crois que le NPD, en 2003 ou en 2004, avait déposé un projet de loi d'initiative parlementaire en ce sens. À l'époque, c'était peut-être un peu prématuré. Mais maintenant que le droit d'appel est accordé, le système de liaison de brevets devient beaucoup plus coûteux et présente très peu d'avantages. Je pense qu'il est temps de reconsidérer cela sérieusement.
Rappelez-vous qu'en 2012, l'Italie a essayé de mettre en place un système de liaison de brevets comme celui en vigueur au Canada. L'Europe a alors dit à l'Italie qu'elle n'avait pas le droit de faire ça, parce que ça retarderait beaucoup trop l'entrée des médicaments génériques sur le marché. En même temps, l'Europe demandait au Canada non pas d'abroger son système de liaison de brevets, mais de le renforcer par la mise en place d'un droit d'appel. Imitons simplement l'Europe et abrogeons le système, comme elle l'a fait.
Ensuite, que faire? Voici une idée toute simple: si nous voulons nous comparer à l'Europe, comparons-nous à l'Europe. Les prix de ses médicaments brevetés sont de 20 à 25 % inférieurs à ceux au Canada. Aucune raison n'explique que le Canada ne bénéficie pas des mêmes prix que ceux en France ou au Royaume-Uni, par exemple.
Par ailleurs, si nous voulons encourager l'investissement de l'industrie au pays, c'est bien, mais faisons-le par d'autres moyens, non pas en gonflant artificiellement les prix, ce qui coûte cher et n'a aucune répercussion sur l'investissement.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions et réponses.
Nous commençons avec M. Morin. La parole est à vous.
[Français]
Merci de votre présentation, monsieur Gagnon.
Une chose m'a frappé dès le départ: les dépenses en médicaments prescrits sont à peu près les mêmes au Canada et au Royaume-Uni, alors que le Royaume-Uni compte deux fois plus d'habitants que le Canada. J'ai lu votre article et il semble y avoir une mauvaise perception des conditions du cadre légal au Canada. C'est comme si c'était pratiquement un milieu hostile à l'industrie pharmaceutique. J'aimerais que vous nous parliez de cette perception qui diffère des études qui prouvent que notre système d'approbation n'est pas si lent et inefficace.
En effet, la comparaison avec le Royaume-Uni est intéressante. N'oubliez pas que le Royaume-Uni a un régime public universel d'assurance-médicaments. Au pays de Galles, en Irlande du Nord ou en Écosse, le patient n'a pas à débourser de copaiement. Tout le monde a un accès à peu près complet à ce régime. Il n'y a aucun problème d'accès aux médicaments pour des raisons financières. Il y a donc une plus grande consommation, en effet.
Cependant, le Royaume-Uni représente 2,5 % du marché mondial du médicament, alors que, comme vous le dites, il compte à peu près le double de la population du Canada. Le Canada, dont la population est la moitié de celle du Royaume-Uni, représente 2,6 % du marché mondial du médicament. Ensuite, on prétend que le Canada ne fait pas sa part pour aider l'industrie. Il faut faire attention. Le Canada fait beaucoup plus sa part que des pays comme le Royaume-Uni, la France ou la plupart des pays européens qui, en plus, ont un régime public universel d'assurance-médicaments qui assure un bien meilleur accès aux médicaments.
En ce qui a trait à l'hostilité du régime canadien, c'est évidemment le rôle de l'industrie de prétendre que c'est le cas pour tâcher d'obtenir plus de privilèges. Toutefois, il faut y regarder de près: au Canada, on paie beaucoup plus cher qu'ailleurs.
Pour ce qui est des remboursements, il y a la question du rétablissement de la durée des brevets. Le délai réglementaire pour faire approuver un médicament peut parfois être de plusieurs mois. On prolonge donc la durée des brevets d'autant de mois, afin de compenser le délai réglementaire qu'il a fallu respecter pour faire approuver le médicament. Comme argument logique, on a évoqué le fait que le Canada prenait beaucoup plus de temps pour faire approuver le produit, donc qu'on était plus lent et moins efficace. Eh bien non, on n'est pas moins efficace qu'en Europe.
Une étude a été publiée par Norton Rose, mais il a été prouvé qu'elle avait utilisé des données qui n'avaient ni queue ni tête. L'Institut Fraser, pour sa part, publie des études dont la méthodologie me semble des plus problématiques.
Selon les différentes études faites sur le délai réglementaire nécessaire, le Canada ne prend pas plus de temps que les autres. C'est une idée toute simple. Aux États-Unis, par exemple, lorsqu'on refuse un dossier, on le renvoie à l'industrie, et le temps pris par l'industrie pour retravailler le dossier et pour le soumettre de nouveau ne fait pas partie du temps réglementaire nécessaire pour faire approuver le médicament, alors que c'est le cas au Canada. Évidemment, si on compare des pommes et des oranges, on dira qu'il faut plus de temps au Canada. Or, il faut comprendre que les États-Unis n'incluent pas le temps pris par l'industrie pour soumettre de nouveau sa demande.
Par ailleurs, le marché américain est beaucoup plus vaste que le marché canadien. Par conséquent, il est clair que l'industrie va se dépêcher de soumettre de nouveau sa demande pour le marché américain, alors qu'elle sera moins pressée de le faire pour le marché canadien.
Il faut donc faire attention. Selon moi, la question du long délai réglementaire pour l'approbation n'est pas un problème au Canada.
[Traduction]
[Français]
Dans l'un de vos articles, vous parlez de ce que pourrait représenter une augmentation du coût des médicaments. On parle notamment de 32,3 % pour les gouvernements provinciaux, d'un autre pourcentage pour le fédéral, de 29 % pour les compagnies privées d'assurances et de 32,9 % pour les patients.
Pouvez-vous me donner des explications à ce sujet? J'ai l'impression que ce sont les gouvernements qui vont assumer les coûts supplémentaires auxquels nous allons devoir faire face et que, au bout du compte, c'est la même personne qui va payer.
Il faut faire attention, ici. Je crois que cette étude a été faite dans l'hypothèse où on mettrait en oeuvre l'ensemble des demandes de l'Europe quant à l'accroissement du régime de propriété intellectuelle au Canada.
Normalement, la santé est de compétence provinciale, tout comme les régimes publics d'assurance-médicaments. Par conséquent, ce sont d'abord et avant tout les provinces qui vont devoir faire face à une augmentation de coûts. Cependant, en déposant une entente de principe relative à l'accord de libre-échange, le gouvernement fédéral s'est engagé à offrir une compensation aux provinces, compte tenu de l'augmentation des coûts subis en raison des clauses de l'AECG. De cette façon, ce n'est plus un obstacle pour les provinces.
Je suis un contribuable à la fois québécois et canadien. Ça demeure de l'argent qui va sortir de ma poche d'une façon ou d'une autre. Je suis très conservateur en matière fiscale. Si on sort de l'argent de ma poche, je veux que ça me soit profitable. Or ce n'est pas le cas. Il faut comprendre que 60 % des Canadiens sont assurés par des régimes privés, mais certains, dont les plus vulnérables, ne sont pas assurés du tout. Ceux-là vont non seulement subir une augmentation du coût de leurs médicaments en raison des clauses de l'AECG, mais ne recevront en plus aucune compensation. Selon moi, cette situation est très problématique.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Monsieur Cannan et monsieur Hiebert, je crois que vous partagez le temps qui vous est accordé.
Allez-y.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
Monsieur Gagnon, je tiens à vous rassurer: c'est une bonne chose d'être conservateur sur le plan financier. Il n'y a rien de mal à cela. Nous sommes de votre côté sur ce point.
Je vous remercie d'être là aujourd'hui.
Je représente la circonscription de Kelowna—Lake Country, qui compte une diversité d'entreprises de recherche et de développement qui travaillent en collaboration avec nos établissements d'enseignement postsecondaires. Par conséquent, la technologie et l'innovation sont un facteur important.
Ma première question s'adresse à M. Elliott, de BlackBerry. Pouvez-vous décrire certaines des embûches et les obstacles que BlackBerry a rencontrés au fil des ans en tentant de pénétrer le marché de l'Union européenne et dans divers pays de l'UE?
Bien sûr. Je ne vais pas nommer de pays, parce que nous faisons encore des affaires là-bas, mais nous avons été confrontés à toutes sortes d'obstacles, de l'arrestation de nos directeurs généraux dans différents pays à l'exigence de se présenter au poste de police toutes les 12 heures pour y être interrogés, en passant par les visites des responsables de l'application des lois fiscales. Contrairement à ce que fait l'ARC ici, dans certains pays, les représentants de ces organisations sont armés, ce qui envoie un message très fort.
Au sein de l'Union européenne, dans une moindre mesure, on croit à la primauté du droit. Par conséquent, les procédures sont un peu plus modernes. Évidemment, un des obstacles auxquels nous avons été confrontés dans certains pays concernait le manque de sécurité des BlackBerry, ce qui est plutôt amusant, parce que, dans d'autres pays, on nous disait le contraire.
Il y a toutes sortes de questions, d'analyses en vue d'obtenir des accréditations et de multiples processus qui n'enfreignent pas la lettre des accords et des processus, mais qui en violent très certainement l'esprit.
Peut-on dire sans se tromper que vous appuyez l'établissement de conditions équitables fondées sur les règles que...
Absolument. Nous ne sommes pas une puissance militaire ni la principale force économique de la planète. Nous n'avons pas non plus une grande population. Par conséquent, pour revenir sur ce que j'ai dit, nous devons travailler de façon plus intelligente, et ces accords commerciaux fondés sur des règles nous permettent vraiment de compétitionner avec de plus gros que nous.
Excellent.
J'ai une brève question pour M. Gagnon avant de céder la parole à mon collègue, M. Hiebert.
Monsieur Gagnon, durant votre témoignage, vous avez dit avoir l'impression qu'il n'y avait pas de corrélation entre la recherche et le développement et l'innovation. J'aimerais savoir si vous êtes favorable au fait de récompenser la recherche et le développement et à l'exclusion des brevets pour favoriser l'innovation.
Je n'ai pas dit qu'il n'y avait aucun lien entre la recherche et le développement et l'innovation. J'ai dit qu'il n'y a pas de lien entre l'augmentation des coûts des médicaments et le niveau des investissements de l'industrie pharmaceutique au Canada.
Bien sûr, gardons à l'esprit que, essentiellement, le système de brevets ne fait que récompenser l'innovation pour que les intervenants de l'industrie aient plus de raisons d'investir dans l'innovation. C'est tout à fait logique. Cependant, si le Canada décide de payer davantage pour ses médicaments, les entreprises étrangères ne vont pas commencer à investir au Canada simplement parce qu'elles obtiennent plus d'argent pour la marchandise qu'elles y vendent. Elles vont continuer à vendre les mêmes médicaments peu importe si elles investissent au Canada ou non: leur décision d'investir n'est pas fondée du tout sur les prix que le Canada est prêt à payer pour les médicaments.
Selon moi, c'est un aspect important. Un grave problème actuellement, lorsqu'on examine la structure du système de brevets, c'est que 80 % des nouveaux médicaments qui font croître le marché ne constituent pas une amélioration thérapeutique comparativement aux médicaments déjà sur le marché. Le problème, c'est que si nous offrons d'importants incitatifs ou que nous organisons le système de brevets de façon à protéger les nouveaux médicaments qui ne fournissent pas de telles améliorations thérapeutiques, nous poussons l'industrie à se concentrer sur les médicaments d'imitation parce qu'il est plus risqué d'investir dans des médicaments réellement novateurs. En fait, on donne la même protection et les mêmes incitatifs financiers à ceux qui investissent dans des médicaments d'imitation et à ceux qui ne contribuent pas à l'amélioration thérapeutique.
Selon moi, en effet, les mesures incitatives en place dans le cadre du système de brevets sont problématiques. Cependant, en ce qui concerne le système de brevets canadien ou les investissements accrus au pays, sachez seulement que vous pouvez accroître le prix des médicaments brevetés autant que vous voulez: il n'y a pas de lien de causalité avec l'augmentation des investissements au Canada.
Nous avons rencontré des représentants de la Société Alzheimer et, je crois, des représentants d'une association pour des maladies rares et d'autres personnes qui appuient l'AECG. Je crois qu'il y a vraiment de bonnes raisons d'appuyer l'innovation.
Monsieur Hiebert.
J'ai besoin d'une réponse courte, monsieur Gagnon. Pourquoi les Canadiens paient-ils 20 %, 25 % ou 30 % de plus que les Européens?
C'est pour différentes raisons.
Une des raisons, c'est que nous n'avons pas la capacité institutionnelle de maintenir le coût des médicaments. Selon moi, c'est principalement parce que nous n'avons pas un système d'assurance-médicaments universel, ce dont bénéficient les pays européens. C'est un élément important.
En 1987, nous avons décidé de contrôler le prix des médicaments brevetés en créant un panier réunissant les sept pays qui réalisaient le plus d'activités de recherche et de développement comparativement aux ventes, et en définissant les prix plafonds en fonction du prix médian de ces pays. C'est le système qui était en place en 1987. Il était encadré par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMB. Dans ce panier, il y a les quatre pays où le prix des médicaments brevetés est le plus cher au monde, alors nous établissons les prix plafonds en fonction des prix payés dans ces quatre pays les plus dispendieux de la planète.
Absolument. Si nous élargissons le panier à, disons, 13 pays aux fins de comparaison... Le CEPMB a réalisé une bonne étude à ce sujet. C'était en 2007, je crois. Si nous incluions d'autres pays comme l'Australie et les Pays-Bas, au bout du compte, nous pourrions fixer les prix en fonction de ce nouveau panier de 13 pays plutôt que de l'actuel panier en comptant seulement sept, et nous pourrions faire des économies d'environ 15 % si je me rappelle bien.
Son rôle est seulement d'appliquer les lois en place. Le conseil n'est pas là pour changer les lois. C'est au gouvernement de le faire sur le plan politique.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Monsieur Gagnon, il me semble qu'il y a ici deux questions différentes, mais qu'on les confond. J'aimerais qu'on clarifie un peu ce que vous avez dit dans votre présentation.
Les prix des médicaments sont plus élevés au Canada qu'en Europe. Toutefois, l'investissement dans la recherche-développement est également en cause. Les prix des médicaments sont liés à des facteurs dont vous venez de parler, mais l'investissement dans la recherche-développement est lié à d'autres facteurs. Toutefois, dans votre présentation, vous avez établi une corrélation entre les deux.
En vertu de l'entente de libre-échange avec l'Europe, est-ce qu'il s'agit de deux choses distinctes ou est-ce qu'on doit plutôt les considérer ensemble?
Cette question est importante. Selon moi, ce sont deux choses complètement différentes. Le déclin de l'investissement industriel dans le secteur pharmaceutique au Canada est dû en grande partie aux économies émergentes. Dans le secteur des médicaments, les pays développés vont connaître une croissance annuelle de l'ordre de 1 à 2 % au cours des prochaines années, alors que pour les pays émergents, la croissance s'exprime plutôt en nombres à deux chiffres. On parle dans leur cas de 14 ou 15 %. Il est clair que, grosso modo, nous négocions nos investissements industriels comme des jetons dans une partie de poker. On offre tels ou tels investissements et on demande ce qu'on va nous donner en retour.
En ce moment, quoi que fasse le Canada, il n'est plus un marché stratégique pour l'industrie. Il est clair que les investissements vont se concentrer sur les marchés émergents.
Or on justifie l'inclusion de ces clauses dans l'accord de libre-échange en disant que c'est le régime de propriété intellectuelle canadien qui constitue le problème. Selon l'industrie, les revenus sont insuffisants au Canada, et s'ils étaient plus importants, elle investirait davantage.
C'est statique. Les revenus augmentent un peu, mais l'investissement en recherche-développement demeure égal ou inférieur.
Tout à fait. De là l'importance de comparer le discours de l'industrie, qui promet davantage de retombées si on augmente ses revenus, avec les chiffres réels, qui démontrent que ce n'est pas du tout ce qui se produit.
J'essaie de comprendre le lien entre l'entente de libre-échange et ça. Vous demandez qu'on négocie de meilleurs prix pour les médicaments, mais la recherche-développement va tout de même se faire en Europe, non?
À mon avis, si on veut attirer de l'investissement en recherche, il ne faut pas s'y prendre en gonflant les prix.
Pour justifier l'inclusion dans l'accord de libre-échange de clauses prévoyant les réformes du régime de propriété intellectuelle en matière de médicaments, on a dit que leur mise en vigueur rendrait le Canada plus concurrentiel et lui permettrait d'obtenir la part du lion sur le plan des investissements en recherche-développement. Or je tiens à préciser qu'on a inclus ces clauses en n'imposant pas de conditions. Ce faisant, on n'aura pas les retombées qu'on aimerait obtenir.
Merci.
[Traduction]
Monsieur Elliott, nous nous sommes déjà rencontrés, et je vous avais posé quelques questions sur mon BlackBerry. J'aime bien mon BB7, mais je crois que je vais passer à Z30. Merci pour cela.
J'ai une question rapide pour vous. Vous dites que le Canada a besoin d'un meilleur mécanisme de règlement des différends dans le cadre de l'accord de libre-échange avec l'Europe. Qu'envisagez-vous exactement? Quel est votre problème actuellement? Et qu'aimeriez-vous voir dans l'accord?
Pour commencer, je tiens à vous remercier. Je sais que vous et certains de vos collègues avez participé aux projets pilotes sur le nouveau BB10. J'apprécie beaucoup vos efforts et je suis heureux de voir que vous procédez déjà à la mise à niveau. J'encourage tout le monde à passer au nouveau modèle.
Il ne faut pas nécessairement améliorer le mécanisme de règlement des différends, mais il faut l'accélérer. De façon stratégique, un pays peut mettre en place un obstacle commercial non lié aux tarifs douaniers en sachant qu'il faudra deux ou trois ans pour réaliser le processus de règlement des différends. Évidemment, dans le milieu de la technologie, où les produits sont renouvelés après un maximum de 18 mois, mais habituellement en 6 à 12 mois, deux ou trois ans, c'est vraiment trop long.
Aimeriez-vous qu'une disposition à cet effet soit incluse dans l'accord concernant un processus de règlement plus rapide?
Comment procéderiez-vous compte tenu du fait qu'il y a d'autres secteurs qui ne pourraient probablement pas tous s'y conformer?
Ce serait excellent s'il y avait des exceptions pour le domaine des technologies. Je sais que d'autres ne seraient peut-être pas d'accord, mais il faudrait bénéficier d'un délai court et rapide pour régler les différends.
Je tiens à remercier nos invités d'être là aujourd'hui et de nous faire part de leurs points de vue et de la situation dans leurs secteurs respectifs. Il s'agit de deux secteurs très différents.
Monsieur Elliott, j'aimerais commencer par vous. Suis-je en retard avec mon BlackBerry Bold? Est-ce que je devrais envisager une mise à niveau?
Je suis un dinosaure en ce qui concerne les nouvelles technologies. La raison pour laquelle je n'ai pas échoué à l'examen, c'est que je ne l'ai pas fait. Je vais y aller une étape à la fois, je suppose.
Félicitations. Nous connaissons tous la situation de BlackBerry et son histoire, tout près de là où j'habite, à London, en Ontario, et à Waterloo. C'est toute une aventure en peu de temps: la domination de l'entreprise, puis certains défis, et enfin sa résurrection. C'est un processus captivant. Je vous félicite, vous et vos collègues, pour ce que vous avez fait.
J'ai réfléchi. Je vous ai entendu parler du fait que nous compétitionnons avec des plus gros que nous. Parfois, je crois que les gens oublient que le Canada compte environ 34 millions d'habitants, plus ou moins une personne ou deux dont on ne sait pas vraiment si elles vivent à London. Il y a 500 millions de citoyens en Europe; c'est une population beaucoup plus importante. On n'a qu'à penser à ce que nous avons fait dans le cadre du libre-échange nord-américain. On parle d'un marché de 900 millions de personnes. Vous parlez de se battre contre plus gros que soi. Ce sera le cas lorsque nous aurons conclu des accords de libre-échange avec les deux plus importants groupes de consommateurs de la planète actuellement, qui sont aussi les plus avertis.
Comme je viens de le dire, parfois les gens oublient ce que nous essayons de faire en concluant un accord avec l'Union européenne, l'AECG. Nous essayons de mettre en place un accord qui sera favorable aux consommateurs et aux entreprises et qui entraînera une réduction des coûts. Ce que j'ai particulièrement de la difficulté à comprendre, c'est l'hésitation. Il va y avoir des petits problèmes que nous éliminerons comme c'est le cas dans tout accord. Je suis assez frustré, je dois l'admettre, lorsque des gens disent des choses très négatives au sujet des possibilités que l'accord offre au Canada. Nous sommes une nation axée sur les échanges, ça fait partie de notre histoire.
Cela m'amène à poser ma première question. Où serait BlackBerry sans exportations?
Bien plus, j'en suis sûr. Je sais que nous pouvons dire la même chose de bon nombre d'entreprises.
Vous avez mentionné l'utilisation d'une liste d'exclusion, et vous dites que c'est une bonne approche. Pouvez-vous en dire davantage à ce sujet? Pouvez-vous répondre brièvement? Pourquoi croyez-vous qu'une liste d'exclusion est bonne pour le Canada et pour votre entreprise?
Encore une fois, c'est une façon de protéger le statut de nation la plus favorisée du Canada. C'est impossible pour un organisme de réglementation, un législateur ou un tribunal de prévoir où ira la technologie, où l'industrie se dirige, ce qui arrivera avec le fromage. La capacité de dire que, à part si vous avez quelque chose d'inscrit précisément sur une liste dès le départ, le reste a carte blanche, que ça passe, cela accélère de beaucoup tout accord en ce qui concerne les différends futurs et la protection du Canada à long terme.
Vous avez aussi formulé un commentaire durant votre témoignage que j'ai trouvé intéressant. Vous disiez que tous les accords futurs que négociera l'Union européenne avec d'autres pays bénéficieront au Canada. Ça vient s'ajouter au point que vous venez de présenter, n'est-ce pas?
Absolument.
Si je limite mes commentaires au secteur des technologies, nous sommes très bons en ce qui concerne les logiciels, le matériel et la fabrication.
Vous savez, un grand nombre d'entreprises en démarrage ont accès aux marchés étrangers. Elles ne connaissent pas toutes les règles commerciales et n'ont pas l'expertise pour s'y retrouver. Lorsque les marchés sont ouverts, cela leur permet de se concentrer sur ce qu'elles font de mieux, soit offrir de la valeur ajoutée à leurs actionnaires, embaucher plus d'employés, embaucher moins de négociateurs commerciaux ou de courtiers pour s'y retrouver dans le labyrinthe procédural et comprendre les myriades de règles de certains pays.
Vous avez indiqué durant votre témoignage que votre entreprise fait des affaires actuellement avec plus d'une centaine de pays. Afin de comprendre les diverses règles et divers règlements en place dans ces divers pays, avez-vous, par exemple, bénéficié du soutien des délégués commerciaux canadiens?
Absolument. En fait, j'ai eu l'occasion de parler au ministre Fast ce matin. Dès que nous en avons l'occasion, nous louangeons les délégués commerciaux en place dans le monde entier. Ils jouent un rôle essentiel en intervenant au nom de BlackBerry dans différents pays. Ils nous ont ouvert des portes. C'est absolument, sans contredit, le meilleur investissement pour BlackBerry, de l'impôt que nous payons. Ils ont joué un rôle crucial. Je ne dirai jamais assez à quel point ils ont été essentiels à notre réussite internationale.
J'apprécie vos commentaires et je vous souhaite du succès à l'avenir.
Monsieur Gagnon, merci pour votre témoignage aussi. Vous avez formulé des commentaires intéressants et, comme je l'ai déjà dit, d'un point de vue très différent des représentants de BlackBerry.
J'ai consulté vos antécédents. C'est très impressionnant. Il y a votre étude sur l'assurance-médicaments et l'industrie pharmaceutique. C'est évidemment une passion de longue date pour vous.
J'essaie d'avoir votre impression personnelle. Du point de vue des politiques sociales, croyez-vous que les médicaments devraient être accessibles à tous les Canadiens sans frais?
En ce qui concerne les politiques sociales, c'est la tendance au Royaume-Uni. Selon moi, lorsqu'il est question de médicaments, le fait de considérer les médicaments sur ordonnance comme une marchandise qu'il faut soumettre à l'offre et à la demande, surtout compte tenu des contraintes financières des différentes personnes, est une très mauvaise politique. Surtout si nous avons un système fondé sur le recours à des assureurs privés... ceux-ci, en fait, créent un lien entre le travailleur et son employeur, ce qui n'est pas mauvais en soi, mais ce n'est pas très bon pour la mobilité de la main-d'oeuvre. Il est important de favoriser la mobilité de la main-d'oeuvre en offrant une couverture à tous afin qu'ils puissent aller travailler là où bon leur semble, à l'endroit qui leur convient le mieux. Oui, je crois que c'est la meilleure politique.
Si vous ne croyez pas que les Canadiens devraient payer leurs médicaments, cela soulève toute une série de questions dans mon esprit. L'une d'elles, c'est d'où viendra ce coût?
C'est intéressant, des fabricants de médicaments d'origine ont témoigné devant le comité, c'est-à-dire des membres de la Rx&D, ainsi que des fabricants de médicaments génériques. En fait, les principales compagnies ont témoigné. Les deux groupes d'intervenants estimaient pouvoir vivre avec l'accord.
Cela m'amène à demander ceci: c'est peut-être lié à votre première réponse, et c'est peut-être évident, mais selon vous, les Canadiens paient-ils trop pour les médicaments génériques?
Absolument.
Il y a eu, par exemple, je ne me rappelle pas quel... C'est un médicament produit par Apotex. Le coût du médicament est à peu près 10 fois plus élevé au Canada qu'en Nouvelle-Zélande, et c'est aussi Apotex qui le vend en Nouvelle-Zélande.
La façon dont nous établissons les prix des médicaments génériques est un processus politique alors qu'elle devrait être fondée sur le prix des médicaments d'origine pendant qu'il y a de la concurrence sur le marché. C'est un peu illogique. Nous payons beaucoup trop pour des médicaments génériques aussi.
Je peux très bien comprendre que le secteur générique et le secteur des médicaments d'origine peuvent vivre avec l'accord. Les producteurs de médicaments génériques s'attendaient à ce que l'accord leur soit beaucoup plus défavorable en ce qui concerne la concurrence avec les médicaments d'origine. Au bout du compte, ce n'était pas si mal. Pour ce qui est du secteur des médicaments d'origine, je comprends tout à fait pourquoi il peut aussi bien vivre avec l'accord lui aussi, parce que, essentiellement, il gagnera plus d'argent sans avoir rien à donner de plus.
Pour ce qui est des citoyens canadiens, je crois que c'est essentiellement un mauvais accord. Je crois que, au bout du compte, cela augmentera les coûts sans être avantageux pour les citoyens canadiens.
J'aimerais comprendre certaines choses élémentaires.
Croyez-vous que l'AECG, une fois qu'il sera appliqué, retardera l'introduction des médicaments génériques dans le marché canadien? L'accord aura-t-il cet impact?
Oui, absolument.
Oui, nous renforçons le régime de propriété intellectuelle pour les médicaments d'origine. Le régime fera augmenter les coûts que nous payons pour nos médicaments afin de favoriser l'innovation. Alors oui, absolument, c'est de cette nature.
Avez-vous une estimation ou une idée approximative du temps qu'il faudra pour que les dispositions de l'AECG...? Nous savons qu'il y a le droit d'appel, et quel est l'autre?
La disposition sur le rétablissement de la durée des brevets. Avez-vous une estimation du délai moyen avant l'introduction des médicaments génériques dans le marché?
Essentiellement, nous estimons qu'il faudra de un à deux ans, mais nous nous appuyons sur un échantillon de médicaments dont le brevet est arrivé à échéance en 2010. Est-ce que ce sera la même chose en 2023?Je ne sais pas. Ce sera un échantillonnage de médicaments différent. Pour vous donner une idée, actuellement, c'est ce que cela signifierait.
Il y a une chose qui, selon moi, est très importante lorsque nous parlons du coût des médicaments ou d'autres choses de ce genre, c'est que la question n'est pas d'économiser un peu d'argent; pour moi, c'est également une question d'accès. Lorsqu'il y a de nouvelles avancées en matière de traitements contre le cancer, par exemple, c'est merveilleux. Cependant, si nous payons 25 % de plus que les pays européens, peut-être que ceux-ci pourront accepter de rembourser le médicament et que le Canada ne pourra pas le faire. Nous ne pourrons pas offrir le même accès au même traitement parce qu'il coûte tout simplement trop cher au Canada.
J'ai un problème avec de nombreux groupes de défense des patients qui disent, par exemple, que l'AECG est une bonne chose, que c'est mieux pour l'innovation. Bon nombre de ces groupes obtiennent du financement de l'industrie elle-même. Si on veut avoir un meilleur accès à un nouveau traitement, il faut réduire le prix des médicaments. Il faut avoir le meilleur rapport qualité-prix. Tant et aussi longtemps que nous n'obtiendrons pas le meilleur rapport qualité-prix, il y aura assurément une évaluation permanente des technologies de la santé pour garantir que tout n'est pas remboursé à n'importe quel prix.
Selon vous, quels sont, par année, les coûts engendrés par le retard de l'entrée des médicaments génériques sur le marché canadien pour l'industrie pharmaceutique canadienne...?
Nous parlons d'une augmentation. Ce qui n'est pas clair dans les principes de l'accord qui ont été divulgués, c'est que nous ne savons pas exactement si cette protection s'étendra également aux médicaments non novateurs. Le cas échéant, le coût sera plus important, mais nous parlons de 6 à 12 %, plus ou moins.
En dollars, nous parlons, aujourd'hui, de 800 millions à 1,6 milliard de dollars. En 2023, ce sera différent.
Certaines personnes en faveur de l'AECG affirment que les prix des médicaments sont inférieurs en Europe même s'il y a des dispositions au chapitre des droits de propriété intellectuelle plus strictes et pour de plus longues périodes. Elles disent que si nous renforçons nos dispositions en matière de propriété intellectuelle qui s'appliquent aux médicaments pharmaceutiques au Canada, il n'y aura par conséquent pas de lien avec le coût. Qu'en pensez-vous?
Lorsque nous parlons d'un régime de propriété intellectuelle lié aux médicaments de marque, nous devons examiner la période d'exclusivité commerciale, donc, oui, en ce qui a trait à la protection des brevets, à l'exclusivité, et ainsi de suite, mais également le prix que nous payons durant la période d'exclusivité commerciale.
L'idée —ou selon la sagesse populaire —, c'est que, en Europe, il y a une protection plus longue et des prix plus bas. Ce n'est qu'une protection plus longue. Il n'y a pas de système de liaison des brevets en Europe. Nous en avons un au Canada.
Ce que cela signifie, c'est que, pour tous les médicaments vedettes, ce système de liaison des brevets est utilisé en vue d'entraîner des retards plus importants. Nous parlons habituellement de retards supplémentaires d'environ un an, un an et demi.
Au bout du compte, si on ne pense qu'aux médicaments vedettes, ils bénéficient de la même exclusivité commerciale, que ce soit en Europe ou au Canada.
Il s'agit d'un débat très intéressant, et mon ami de BlackBerry, simplement pour que vous le sachiez, je me range du côté de mon équipe. Je voulais juste le souligner. Si je ne parlais pas du député Peter Braid, Harold Albrecht m'en voudrait énormément. Je voulais m'assurer qu'ils acceptaient ce que nous faisons.
Ce qui est vraiment intéressant dans votre présentation PowerPoint, c'est que, lorsque vous en avez parlé, on a pu voir le déclin du secteur de base. Lorsque je regarde ce qui est inscrit sur votre diapositive, ici, monsieur, il est question d'une perte d'emplois de quelque 50 % au Québec seulement, de 2003 à 2012. Cela me montre bien ce qui se passe actuellement dans le secteur, et je vois que ce que nous faisons au Canada n'est pas aussi attrayant que dans d'autres régions du monde, parce qu'il y a bel et bien de la recherche et du développement dans le secteur pharmaceutique, mais cela se fait simplement ailleurs. Il y a manifestement quelque chose qui a un effet dissuasif au Canada, ou disons plutôt qu'il y a un meilleur incitatif ailleurs, alors les entreprises en tiennent compte.
Ensuite, j'examine le ratio de R-D par rapport aux ventes en 2011, puis celui du Canada, et il est de 5,6 %, et, en Suisse, il est de 126,2 %. Cela m'amène à me poser d'importantes questions au sujet de deux ou trois choses.
Tout d'abord, les ratios de R-D par rapport aux ventes par pays, est-ce la bonne façon d'examiner la situation? Les ventes relatives à la recherche et au développement en fonction des ventes totales d'une entreprise seraient une chose sur laquelle je me serais penché lorsque je travaillais à Flexi-Coil et à Case New Holland. C'est une chose qui pique ma curiosité.
L'autre chose qui me préoccupe, c'est que vous parlez du fait que vous voulez que les prix soient uniformisés et, essentiellement, que les médicaments soient gratuits pour tout le monde. Dans un monde imaginaire, c'est peut-être possible, mais la réalité est... à tout le moins, je crois que si quelqu'un dépense des milliards de dollars pour mettre au point un nouveau médicament qui sauvera la vie de mon enfant ou assume tout ce risque pour se rendre compte qu'il ne fonctionne pas, il doit pouvoir récolter le fruit de son travail et en tirer profit. Comment pouvons-nous arriver à cela? Y a-t-il une façon équitable de le faire de sorte que nous puissions encore être témoins de cette innovation, ici, au Canada?
C'est notre objectif. Nous voulons que cette innovation ait lieu ici, au Canada. Nous voulons voir nos jeunes travailler au sein d'entreprises de haute technologie puisqu'elles offrent d'excellents emplois, qui sont bons pour eux. Ce n'est pas tout, nous voulons que les bienfaits des nouveaux médicaments soient observables ici, au Canada. Nous ne voulons pas produire d'effet dissuasif. C'est ce qui me préoccupe lorsque vous dites que nous faisons simplement fi des recherches et que nous privilégions les politiques favorisant les médicaments à faible coût. Qu'en pensez-vous?
Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. En ce qui a trait au ratio de R-D par rapport aux ventes, c'est la norme qui est utilisée pour mesurer l'intensité de la recherche et du développement dans différents pays. Vous avez tout à fait raison. Nous pourrions examiner d'autres ratios, mais, habituellement, c'est celui-ci qui est utilisé en guise de norme.
Non, non. C'est celle qu'utilise le CEPMB, mais c'est également ce qui est utilisé dans d'autres pays.
En ce qui concerne les médicaments gratuits, mon Dieu, si vous êtes conservateur sur le plan financier, ça doit vous sembler tout à fait absurde. Nous avons un régime d'assurance-maladie au Canada. Nous sommes le seul pays au monde à avoir un régime d'assurance-maladie qui exclut les médicaments sur ordonnance, comme si les médicaments sur ordonnance étaient un service de soins de santé qui ne faisait pas partie du régime d'assurance-maladie, comme s'il ne s'agissait pas d'un service de soins de santé, comme si c'était une marchandise qui devrait être réglementée d'une façon différente.
Je crois que cela explique les coûts. Je pense au coût non seulement du service du médecin, mais plutôt du service du médicament à ce moment-là.
Le fait que nous ayons un régime d'assurance-maladie qui exclut l'assurance-médicaments est une anomalie dans ce monde.
Nous avons actuellement une alliance pancanadienne pour l'achat des médicaments. Nous concluons des EIP, des ententes relatives à l'inscription des produits. Le prix officiel de vente des médicaments est bien plus élevé que le prix que nous payons véritablement, selon les EIP. Les EIP sont ce que les régimes d'assurance-médicaments publics peuvent se permettre en fait de négociations, mais il y a aussi les gens qui ont une assurance privée ou ceux qui n'en ont pas du tout. Dans le cadre du système que nous avons au Canada, les responsables des régimes doivent encore payer des prix gonflés de façon artificielle et n'ont aucune capacité de négociation.
Le fait que nous demandions aux gens de payer... Si on a un médicament, on peut négocier, par exemple, relativement au médicament en particulier, disons un rabais de 75 %. La participation aux coûts est de 32 % si on fait partie du régime public. Donc, au bout du compte, on paye de sa poche quelque chose à un prix plus élevé que le prix réel du médicament payé par le régime d'assurance-médicaments.
Merci beaucoup.
Notre temps est écoulé. Nous pourrions tourner et retourner longtemps le problème et probablement ne pas le régler.
Il y a quelque chose de très important lié au fait de récolter ses fruits, oui, absolument, mais, comme je l'ai dit, nous avons actuellement un système qui est axé sur la création de mesures incitatives pour des médicaments qui n'apportent aucune amélioration thérapeutique en comparaison de ce qui existe déjà.
Très bien.
Je veux remercier les personnes qui sont venues témoigner. C'était une table ronde très intéressante.
Je voudrais simplement informer le comité que, le 27, nous sommes priés d'aller à la Chambre, puisque nous accueillons un conférencier invité, alors nous allons probablement suspendre nos travaux.
Je vous souhaite une excellente pause, et nous allons revenir par la suite.
Merci. La séance est levée.
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