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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 019 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 février 2021

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, nous avons le quorum. J'ouvre donc la séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
    Nous allons commencer en reconnaissant qu'ici à Ottawa, nous nous rencontrerions sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. Moi-même, je suis sur le territoire historique des Premières Nations Anishinabe, Haudenosaunee et Chonnonton, ou Neutres.
    Je vois que Mme Zann est maintenant branchée.
    Voulez-vous faire un petit test de son?
    Merci.
    

Soit jaloux en voyant la rose qui s'effeuille;
Elle sourit et dit à celui qui l'accueille
Déchirant le cordon de ma ceinture, enfin,
Je répands mes trésors d'amour sur le jardin!

    Merci, madame Zann.
    Monsieur le président, nous pouvons continuer.
    Merci beaucoup, madame Zann.
    Conformément au paragraphe 108(2), du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la sécurité alimentaire dans les collectivités du Nord.
    Les membres du Comité savent déjà, et nous en avons informé nos invités, que nous pouvons écouter et parler dans la langue officielle de notre choix. Pour assurer le bon déroulement de la réunion, veuillez utiliser le bouton qui permet de choisir la langue en bas, au centre de votre écran. Assurez-vous que votre caméra est toujours allumée et parlez lentement en énonçant. Votre microphone doit être éteint lorsque vous ne parlez pas.
    Si des problèmes d'interprétation surviennent pour des raisons techniques... Tous nos témoins devraient avoir soumis le texte de leur déclaration. Il est déjà arrivé, même aux membres du Comité, que le son disparaisse complètement. Les services d'interprétation sont essentiels pour que la réunion se poursuive et conserve son caractère officiel.
    Chaque témoin fera une déclaration de six minutes.
    Nous allons commencer par Randy Jones, maire de Gros-Mécatina, au Québec.
    Monsieur Jones, vous avez six minutes. Allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie tous de m'avoir invité. Les collectivités isolées, que ce soit Kegaska ou Blanc-Sablon, n'ont pas souvent l'occasion de parler devant un groupe aussi distingué afin de faire savoir qu'elles occupent le territoire et que leur situation est très difficile, notamment à cause de la pandémie.
    Les problèmes sont multiples. Nous sommes isolés. De plus, nous devons nous isoler et par-dessus le marché, nous avons un couvre-feu. Pire encore, l'hiver nous a oubliés. La glace n'est pas bonne. Nous profitons de l'hiver pour voyager entre les collectivités. C'est la période pendant laquelle nos gens peuvent rendre visite à leurs proches, mais la glace n'est pas encore assez solide. Les sentiers ont été aménagés, mais ne sont pas encore praticables. Certaines personnes sont passées à travers de la glace.
    Nous nous sommes battus pour obtenir des aliments frais au titre du programme Nutrition Nord Canada. Si vous avez la possibilité de revoir le programme, je vous demande de l'adapter davantage aux réalités de notre région. J'ai envoyé une invitation hier à tous les maires de la région, et chacun d'entre eux a répondu, ainsi que les gérants des magasins. Tout le monde est essentiellement d'accord.
    Pendant l'été, l'automne et normalement jusqu'à la première semaine de février, nous avons un bateau qui sillonne la côte, la Bella Desgagné, mais il est tombé en panne et ne peut plus nous approvisionner. Les Innus de Unamen Shipu de La Romaine doivent même noliser des avions afin de faire venir des couches, du lait et des aliments pour les bébés. Ces articles n'étaient pas pris en charge par le programme Nutrition Nord Canada à l'époque. Ils le sont maintenant.
    Nous sommes les municipalités les plus dévitalisées du Québec. Notre population est vieillissante. Il y a quelques semaines, nous avons appris que les Innus de Pakua Shipu, nos voisins, et de Unamen Shipu avaient retenu les services d'une nutritionniste qui a organisé la nourriture réceptionnée, afin d'être sûre que les gens mangeaient correctement et qu'au moins certains repas étaient constitués d'aliments sains.
    J'en ai parlé avec les autres maires, et nous nous posons la question suivante: est-ce possible, au moyen de Nutrition Nord Canada, de faire la même chose pour nos aînés? Ils ont un revenu fixe qui serait déjà largement insuffisant ailleurs, et le coût de la vie est beaucoup plus élevé chez nous. Le magasin nous dit que nous devrions demander de l'aide au gouvernement, parce que les aînés achètent peu de fruits et légumes... À titre d'exemple, l'été, un panier de fraises coûte environ 3 $. La semaine dernière, il se vendait à 11,98 $. Hier, des fruits et légumes ont été réceptionnés, et le panier de framboises se vendait à 10,29 $.
(1105)
    Il faut que cela cesse.
    Cela coûte cher, occuper un territoire en isolement comme nous le faisons. Notre industrie principale est la pêche, mais les villages sont éloignés les uns des autres. Ce n'est qu'en hiver que nous pouvons nous déplacer. Cette année, avec le changement climatique, ce n'est même pas possible. Nous n'avons aucune grande industrie qui contribue aux problèmes du changement climatique, et pourtant nous sommes les premiers à en subir les conséquences.
    J'ignore combien de minutes il me reste. Je devine que j'ai dépassé mes six minutes, mais ce que je voulais vous dire, c'est que si possible, il faut remanier Nutrition Nord Canada afin d'en enlever certaines lourdeurs bureaucratiques.
    De plus, les magasins demandent... Il faut commander d'une poignée d'entreprises, mais seulement un magasin par collectivité peut le faire. Ce n'est pas juste. C'est...
(1110)
    Monsieur Jones, je suis désolé de vous interrompre. Nous devons respecter l'horaire, et il se peut que tous vos points reviennent plus tard pendant la série de questions. Nous devons nous assurer que tous nos invités puissent faire leur déclaration et ensuite répondre aux questions. Je suis sûr que nous y reviendrons, et si ce n'est pas le cas, nous en reparlerons plus tard. Merci.
    Au tour maintenant de Marie Rochette, directrice de la Santé publique de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik.
    Allez-y madame, vous avez six minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'avoir invitée dans le cadre de cette étude sur la sécurité alimentaire dans les collectivités du Nord.
    M. Adamie Delisle Alaku, l'un des vice-présidents de la Société Makivik, a eu l'occasion de vous présenter, en décembre dernier, quelques données sur la belle région du Nunavik et sur les défis engendrés par l'éloignement. Je ne répéterai pas l'information qu'il vous a transmise lors de cette présentation.
    J'aimerais vous parler du rapport Parnasimautik, qui a été tiré d'une vaste consultation menée auprès des Inuits du Nunavik en 2013. Il faisait état des préoccupations croissantes à l'égard de l'insécurité alimentaire qui affecte une proportion alarmante de la population, à l'égard aussi du déclin de certaines espèces animales et du changement climatique. Dans le rapport, on soulignait le rôle central des ressources du territoire dans l'alimentation, le mode de vie et l'économie de la région, de même que la réaffirmation du besoin de protéger le territoire et les ressources pour assurer la sécurité alimentaire.
    Ces préoccupations et ces aspirations ne sont pas nouvelles. Elles font l'objet d'efforts soutenus de la part des organisations locales et régionales depuis plusieurs décennies. Malgré cela, l'insécurité alimentaire demeure très élevée dans la région.
    Je vous présente ici des données préliminaires de l'enquête Quanuilirpitaa de 2017. Ce sont des données préliminaires, parce que le rapport définitif devrait être diffusé à l'été 2021.
    L'enquête a repris une question qui avait été posée en 2004, lors de l'enquête précédente. On a demandé aux participants s'ils avaient connu, au cours du mois précédant l'enquête, un moment où il n'y avait pas eu suffisamment à manger à la maison. Près de 34 % des Inuits ont déclaré que cette situation s'était produite en 2017. Par comparaison, le pourcentage était de 24 % en 2004. La situation ne semble donc pas s'être améliorée au fil du temps.
    Pour approfondir le sujet, en 2017, on a utilisé une échelle comportant différentes questions pour tenter de mieux définir la proportion de Nunavimiut considérés en situation d'insécurité alimentaire. Si l'on inclut ceux qui auraient vécu une situation d'insécurité alimentaire dite légère, plus des trois quarts des Nunavimiut ont mentionné l'avoir vécue au cours de l'année précédente. Ce qui est inquiétant, c'est que cette proportion est plus importante chez les jeunes. Elle est rapportée par 87 % des 16 à 19 ans. Elle est encore plus élevée chez les femmes enceintes, soit chez 89 % d'entre elles.
    La Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik offre depuis plusieurs années un soutien aux organismes pour favoriser la création d'initiatives contribuant à la sécurité alimentaire, à la santé et au bien-être. Il peut s'agir d'un soutien professionnel, d'un financement, de formations, d'occasions de réseautage, de ressources de type boîte à outils ou de recettes, par exemple. D'ailleurs, parmi les initiatives en place, il y a des activités de cuisine communautaire qui utilisent à la fois la nourriture traditionnelle et les aliments du marché. Il y a des activités pour amener les gens à faire des choix alimentaires plus sains, comme des activités en magasin et des activités nutritionnelles dans les maisons de la famille.
    Les personnes qui ont du mal à obtenir des aliments bénéficient d'une assistance alimentaire, comme des paniers alimentaires et la distribution de repas. Il existe aussi des activités de jardinage et des projets de serre qui sont menés actuellement dans quatre communautés du Nunavik. Il y a par ailleurs un intérêt croissant pour ce type de projets.
    Il y a également des ressources ou des projets régionaux qui ne sont pas uniquement portés par la Régie régionale, mais aussi par plusieurs partenaires, comme le programme de coupons alimentaires pour les femmes enceintes et les programmes de repas et de collation dans les écoles. L'aide alimentaire d'urgence a été offerte aux personnes qui sont actuellement en quarantaine ou en isolement en raison de la pandémie de COVID-19. Il y a également le programme de soutien aux chasseurs, de même que les congélateurs communautaires que l'on retrouve dans chacune des communautés.
    Pour aller encore plus loin dans ces initiatives, une politique sur la sécurité alimentaire est en cours d'élaboration. Un groupe de travail régional a été créé en 2015 à l'initiative de la société Makivik, du gouvernement régional Kativik et de la Régie régionale.
(1115)
    Ce groupe s'est associé à diverses organisations régionales au Nunavik. L'objectif du groupe de travail est de trouver des solutions à court, moyen et long terme afin d'améliorer l'accès et la disponibilité des aliments nutritifs. Quatre sessions d'engagement ont eu lieu en 2017 et en 2018. Plus de 150 personnes provenant de toutes les communautés du Nunavik y ont pris part. Les thématiques suivantes ont été abordées: l'accès à l'alimentation traditionnelle, la promotion de la saine alimentation, l'accès à des aliments nutritifs en provenance du marché et leur disponibilité, ainsi que la production et la transformation locales.
    À partir de là, les thèmes suivants, qui sont prioritaires pour la politique, ont été formulés: améliorer l'accès à la nourriture traditionnelle; améliorer l'accès, la qualité et la disponibilité d'aliments du marché nutritifs; soutenir le développement des connaissances et des compétences; et promouvoir le partenariat, l'engagement et la prise de décisions communautaires.
    La prochaine étape consiste à mettre au point cette politique. Je dois avouer que la pandémie de COVID-19 a malheureusement mis un frein à cette initiative. Nous espérons pouvoir relancer les travaux sous peu. Il faudra ensuite préparer un plan d'action sur cinq ans et obtenir l'engagement de l'ensemble des acteurs, que ce soit au niveau local, régional, provincial ou fédéral.
    Je dirai en conclusion que la vision, qui est soutenue par la politique et les acteurs qui y contribuent, est celle d'un système alimentaire comprenant à la fois des aliments traditionnels et des aliments non traditionnels. Il sera enraciné dans la terre, les ressources locales, la culture et les valeurs inuites.
    Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Merci, madame Rochette.
    Au tour maintenant de Kirstin Beardsley, cheffe des services du réseau de Banques alimentaires Canada.
    Madame Beardsley, vous avez six minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de m'avoir donné la possibilité de vous parler aujourd'hui.
    Je vais vous parler de l'expérience actuelle de Banques alimentaires Canada.
    Comme vous le savez, l'insécurité alimentaire existe dans chaque collectivité du pays. Avant la pandémie, les banques alimentaires du Canada enregistraient plus d'un million de visites chaque mois, et nous prévoyons que ce chiffre grossira au cours des prochains mois et années.
    Comme vous le savez, l'insécurité alimentaire est encore plus répandue dans les collectivités du Nord. Les statistiques sont effarantes. Ainsi, 57 % des ménages du Nunavut connaissent l'insécurité alimentaire.
    Ces statistiques, qui indiquent une crise d’insécurité alimentaire, sont associées à une crise de la pauvreté dans le Nord. L'insécurité alimentaire est un symptôme de la pauvreté et de faibles revenus dans chaque coin du pays, mais dans le Nord, le prix élevé de la nourriture, ainsi que les défis logistiques qui créent des conditions d'accès limité, viennent concourir à l'insécurité alimentaire.
    Les banques alimentaires ne sont pas la solution à l'insécurité alimentaire au Canada, mais puisqu'il faut du temps pour modifier les politiques et les programmes du gouvernement, les banques alimentaires et d'autres groupes communautaires se manifestent pour offrir un soutien essentiel. Cela dit, les banques alimentaires du Nord connaissent des défis supplémentaires, comme un manque de ressources et d'infrastructures et un personnel insuffisant, auxquels s'ajoute le défi d'accès à la nourriture.
    Pendant la pandémie, et grâce au gouvernement du Canada et d'autres donateurs nationaux, Banques alimentaires Canada a pu soutenir de nombreuses collectivités du Nord en leur fournissant de la nourriture et des fonds pour répondre à leurs besoins. Ainsi, des millions de dollars et plus de 500 millions de livres de protéines saines surgelées ont été distribués dans plus de 90 collectivités du Nord.
    Ces efforts n'auraient pas été possibles sans l'engagement et le soutien des membres des collectivités locales qui ont organisé les expéditions de nourriture. J'aimerais souligner à quel point ces gens sont des héros, car ils se sont assurés que la nourriture s'est rendue aux gens qui en avaient besoin. Ils ont aidé à entreposer la nourriture, l'entreposage étant un problème dans le Nord, notamment pour les aliments surgelés. Ils ont établi un système de distribution, ont trouvé des partenaires supplémentaires afin de rejoindre d'autres collectivités dans le besoin, et ont fait savoir aux membres des collectivités que la nourriture était disponible.
    De plus, les partenariats avec d'autres acteurs, comme l'Arctic Co-operatives Limited et Nolinor Aviation, étaient d'une importance critique.
    Ces partenariats pourraient nous aider à comprendre comment il faudra travailler ensemble à l'avenir pour assurer la livraison de la nourriture.
    Je voulais également vous donner deux exemples de la façon dont nous avons distribué les fonds.
    La Première Nation de Chipewyan Prairie a demandé des fonds, non pas pour acheter de la nourriture, mais pour aider la collectivité à débroussailler un sentier abandonné, afin de pouvoir se rendre à un lac qui grouille de poissons dont pourraient se nourrir les habitants. Ce projet à fort impact fournira un aliment sain traditionnel pendant des années à venir, et créera des emplois à court terme pour les ouvriers qui débroussailleront le sentier.
    À Iqaluit, la banque alimentaire a demandé qu'une partie des fonds soit réservée à des bons d'essence pour les chasseurs, car partir à la chasse coûte très cher. Les chasseurs doivent ensuite partager leur butin. Après une seule excursion, plus de 100 familles de la collectivité ont reçu de la viande.
    Nous proposons qu'à l'avenir, tout soutien soit axé sur les besoins des collectivités locales et soit suffisamment souple pour offrir des solutions qui ne reposent pas toujours sur la nourriture expédiée depuis le Sud, comme les projets qui fournissent un meilleur accès aux aliments traditionnels.
    Banques alimentaires Canada continuera de renforcer les relations que nous avons tissées avant et pendant la pandémie et d'offrir un soutien aux collectivités à long terme. Cependant, comme je l'ai dit plus tôt, les solutions à long terme ne sont pas les banques alimentaires, qui ne peuvent lutter contre les causes de l'insécurité alimentaire dans le Nord.
    Nous prônons une approche à volets multiples. Il faut soutenir les collectivités maintenant et à long terme au moyen de politiques, en augmentant les taux d'assistance sociale, afin que les gens aient un revenu minimum plus élevé et puissent toucher plus d'argent s'ils n'arrivent pas à travailler ou à trouver un emploi, et en investissant dans le développement de l'économie du Nord, afin que les collectivités puissent profiter d'emplois mieux rémunérés et d'occasions intéressantes. Il faudra revoir Nutrition Nord Canada dans le cadre des travaux du groupe de travail Couronne- Inuits et créer un programme fédéral qui parvient enfin à réduire le coût de la nourriture dans les collectivités du Nord, car il est clair que l'approche actuelle ne fonctionne pas, et investir davantage dans les solutions locales pour la nourriture, comme celles que j'ai décrites précédemment, en améliorant l'accès aux programmes axés sur les aliments traditionnels, pour que les collectivités locales puissent continuer à subvenir à leurs besoins.
(1120)
    En conclusion, la nourriture à elle seule ne suffira pas à régler le problème de l'insécurité alimentaire dans le Nord. Le gouvernement fédéral doit s'attaquer aux causes systématiques de la pauvreté et du revenu faible dans le Nord, tout en travaillant pour réduire le coût des aliments et en améliorer l'accès. Une fois que tous ces problèmes auront été réglés, nous pourrons réaliser notre vision d'un Canada où personne n'a faim.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Mesdames et messieurs, nous allons maintenant poser nos questions. Ces excellents témoignages susciteront sans doute des questions intéressantes.
    La première série de questions sera de six minutes. J'ai M. Vidal, suivi de M. Powlowski, Mme Bérubé et Mme Blaney.
    Monsieur Vidal, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous nos témoins de leurs excellents propos aujourd'hui. Vous nous aidez énormément dans notre étude sur l'insécurité alimentaire.
    Je vais commencer par M. Jones. Moi-même, qui suis ancien maire, j'ai reconnu votre passion et votre amour pour vos gens. C'était évident dans votre témoignage. Comme vous, je viens d'une collectivité isolée du Nord. Je dois reconnaître, cependant, qu'elle n'est pas aussi éloignée et inaccessible que la vôtre.
    À la fin de votre déclaration, lorsque le président a dû vous arrêter, vous parliez des obstacles à la participation au programme Nutrition Nord Canada. Vous alliez proposer des solutions, ou peut-être décrire certains des obstacles.
    Voulez-vous prendre une minute ou deux pour terminer vos observations?
(1125)
    La plupart des magasins situés dans nos collectivités m'ont parlé du problème de la bureaucratie et de la paperasse qu'il faut remplir afin de participer au programme Nutrition Nord Canada. C'est un nouveau problème pour nous, puisque nous avons obtenu Internet à haute vitesse il y a deux mois. Les gens n'ont pas suffisamment d'argent pour acheter de la nourriture maintenant.
    La pandémie nous a frappés de plein fouet, comme je l'ai dit plus tôt. La plupart de nos ouvriers vont à Toronto et travaillent sur les autoroutes. Or, ce n'était pas possible l'année dernière. Nous n'avions aucun fonds pour embaucher ces gens et le chômage et la pauvreté commencent à s'installer. Les gens n'ont pas de quoi se nourrir et ne peuvent rien faire.
    Si nous pouvions assouplir les critères de Nutrition Nord Canada, afin que davantage d'habitants locaux puissent se procurer certains articles et accéder aux fournisseurs... Nous faisions affaire avec un magasin situé dans l'Est de la province à Blanc-Sablon, mais nous avons dû y renoncer, car aux termes de Nutrition Nord Canada, c'était interdit. On pourrait peut-être se pencher là-dessus.
    Merci, cela nous est très utile.
    J'aimerais maintenant m'adresser à Mme Beardsley. Madame Beardsley, j'ai 11 questions à vous poser dans les trois minutes qu'il me reste. J'essaierai d'être bref.
    J'appuie bon nombre de vos commentaires. Nous avons une banque alimentaire formidable dans ma collectivité.
    Vous avez évoqué la possibilité d'offrir des lignes directrices afin de créer des partenariats qui vous ont bien servi. J'ai consulté votre site Web et vous y décrivez des partenariats avec des sociétés privées. Vous avez laissé entendre que certaines lignes directrices pourraient en assurer le succès.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
    Bien sûr. Nous n'aurions pas pu livrer la quantité de nourriture dans les collectivités du Nord sans l'appui, bien évidemment, des collectivités, mais également de nos partenaires du secteur privé. Nolinor Aviation a fait don d'un vol vers Iqaluit, ce qui est énorme. Nous avons pu livrer 26 palettes d'aliments frais et sains dans cette collectivité au début de la pandémie. Arctic Co-operatives Limited nous aide à trouver de l'espace dans les congélateurs dans les collectivités.
    Il faudra établir des partenariats avec les organismes caritatifs, les groupes communautaires, les membres des collectivités, ainsi que le secteur privé, afin d'assurer l'accès à la nourriture. Nous avons beaucoup appris en trouvant les meilleures solutions pendant la pandémie.
    Merci beaucoup.
    J'ai encore une autre question.
    Vers la fin de votre déclaration, vous avez parlé de certains programmes qui fonctionnent mal. Vous avez notamment évoqué Nutrition Nord Canada. J'ai beaucoup aimé le fait que vous avez proposé de nombreuses solutions pendant votre déclaration. Vous ne vous en êtes pas seulement tenue à des critiques. C'est très positif.
    Il me reste une minute environ. Voulez-vous proposer des améliorations ou des solutions qui pourraient rendre le programme plus efficace?
    Certainement. Merci.
    Je ne suis pas une experte du programme Nutrition Nord, mais je peux vous dire que nous avons déjà demandé que ce programme soit étendu aux organismes caritatifs et communautaires. Nous engageons les mêmes coûts pour que les différentes communautés puissent recevoir des denrées alimentaires, mais nous n'avons pas droit aux mêmes subventions. Ce serait donc une suggestion.
    Dans une perspective plus générale, comme le programme est en place depuis un certain nombre d'années déjà et que les prix des aliments stagnent, plutôt que de baisser, je crois que le moment est venu d'en faire une révision complète.
    Merci.
    Monsieur le président, je pense être presque arrivé au bout de mon temps. Je vais renoncer à utiliser ce qui me reste, plutôt que de tenter de glisser une dernière question.
    Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci, monsieur Vidal.
    Nous allons maintenant passer à M. Powlowski.
    Vous avez six minutes.
(1130)
    Merci. Je vais adresser mes questions à M. Jones.
    Je trouve que vous vivez dans une région vraiment fascinante. Lorsque je pratiquais la médecine, je me spécialisais dans les visites dans ces endroits qui ne sont que de petits points sur la carte. De quelle localité êtes-vous exactement?
    J'habite à La Tabatière. Je suis originaire de Harrington Harbour, mais ma mère était télégraphiste et nous avons déménagé à Tabatière lorsque j'avais six ans. Nous disons Tabatière, mais c'est en fait La Tabatière.
    D'accord, je suis en train de regarder la carte.
    Est-ce que la population est composée à la fois d'Inuits et de colons blancs, comme au Labrador? Quelles sont les origines des gens?
    J'ai pour ma part le statut d'Indien. Je suis un Malécite de Cacouna. Mon arrière-grand-mère était malécite. Sinon, il y a des Blancs avec des noms comme Jones, Gallichon et Morency. Il y a beaucoup de noms francophones, mais les collectivités sont anglophones à 90 %. Nous sommes une majorité au sein d'une minorité, et la majorité est minoritaire ici. Nous avons quelques localités francophones. Tout cela complique grandement les choses.
    Nous travaillons en étroite collaboration avec nos amis innus. Nous avons deux communautés innues, soit celle des Montagnais de Pakua Shipi et celle de La Romaine.
    Est-ce que toutes ces communautés vivaient au départ de la pêche?
    Cela m'amène à vous poser d'autres questions. Est-ce que vous faites encore beaucoup de pêche? Vous nourrissez-vous des produits de votre pêche?
    Certainement.
    L'industrie principale sur notre littoral... Nous avons 16 localités, de Kegaska jusqu'à Blanc-Sablon. C'est un territoire qui est plus vaste que la plupart des pays d'Europe. La pêche est l'industrie principale. Il y a quelques années — une dizaine, je dirais —, l'usine de transformation de notre localité a dû fermer ses portes et nous avons perdu 75 emplois. Perdre 75 emplois ici, c'est comme en perdre 10 000 à Montréal. Ce fut vraiment un coup dur, et nous essayons encore de nous en remettre.
    J'ai trouvé intéressants les commentaires de Mme Beardsley, mais j'aimerais bien que nous puissions compter sur des banques alimentaires semblables. Je n'en avais jamais entendu parler auparavant. Ma femme et moi partageons de la nourriture avec les gens que nous savons dans le besoin. Il serait merveilleux que nous puissions avoir accès à un service de la sorte.
    Pour acheter du poisson, il faut en avoir les moyens. Avec la hausse du prix du poisson, du crabe, du homard et de tout le reste, la seule façon de pouvoir en manger, c'est de braconner.
    Je comprends donc que les pêcheurs vendent surtout leur poisson pour qu'il soit expédié vers d'autres parties du Canada ou aux États-Unis, mais pas pour le marché local.
    Oui, c’est principalement pour les marchés des États-Unis, de la Chine et du Japon.
    Il y a un jeune d’ici qui a ouvert une poissonnerie. L’été dernier, il y a eu la toute première expédition de homards vivants de la Côte-Nord du Québec vers la Chine, ce qui est tout un accomplissement.
    Les prix ont tellement grimpé qu’il n’est plus possible pour les gens d’ici d’acheter du crabe et du homard. La morue est chose du passé. Nous pouvons avoir un peu de turbot, mais c’est seulement grâce à quelques pêcheurs qui nous en laissent au passage. Ils le vendent surtout à Terre-Neuve.
    Je regarde la carte de votre région, et je vois toutes ces petites localités éparpillées le long du littoral. Vous avez dit être incapables d’utiliser les routes de glace, mais pouvez-vous nous indiquer s’il y a des villages à l’intérieur des terres? Je pensais que toute la nourriture vous arrivait par bateau. Est-ce bien le cas?
    Non, elle arrive par avion. Cette année, ils ont commencé dès la deuxième semaine de janvier à la transporter par avion. Nous avons seulement une piste d’atterrissage — pas un véritable aéroport — et il y a eu un accident il y a quelques années. Le gars de Transports Canada m’a dit que la piste d’atterrissage de La Tabatière est comme celle d’un porte-avions. Il m’a dit que c’était l’une des trois plus dangereuses dans l’est du Canada. Je lui ai demandé le rang exact, et il m’a répondu que c’était à moi de décider.
    Nous avons failli perdre 18 femmes qui se rendaient à l’hôpital de Blanc-Sablon pour une mammographie. Mon épouse était du voyage. C’était une question de centimètres... N’eût été la grande habileté du pilote, nous aurions perdu 18 femmes de notre petite localité, ce qui aurait été vraiment catastrophique, c’est le moins que l’on puisse dire.
(1135)
    Est-ce qu’il me reste du temps?
    Malheureusement pas. C’est une histoire fascinante. J’espère que nous pourrons y revenir.
    Madame Bérubé, vous avez six minutes.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis très heureuse que les témoins soient avec nous aujourd'hui.
    Madame Rochette, vous avez abordé l'alimentation traditionnelle au cours de votre présentation.
    Pourquoi cet aspect est-il si important en ce qui a trait à la sécurité alimentaire?
    L'alimentation traditionnelle désigne tous les aliments issus de la chasse, de la pêche et de la cueillette, que ce soit la cueillette de petits fruits, de produits de la mer ou de plantes.
    On reconnaît maintenant que, de façon générale, la valeur nutritive des aliments traditionnels surpasse celle des aliments offerts sur le marché. D'une part, plusieurs études ont démontré que la teneur en protéines et en fer dans ces produits fait en sorte que ceux qui les consomment, notamment les femmes enceintes, risquent beaucoup moins de souffrir d'anémie, un problème important dans le Nord.
    D'autre part, il a aussi été démontré que les bons gras et notamment certains oméga 3 offraient une protection contre les maladies cardiovasculaires. On découvre également de plus en plus de produits qui semblent avoir des effets protecteurs sur la santé.

[Traduction]

    Je suis désolé, mais nous allons devoir nous arrêter un moment.
    Monsieur le greffier, y a-t-il un problème technique avec certains microphones?
    Je n’en suis pas certain. Je ne vois aucun microphone ouvert alors qu’il ne devrait pas l’être.
    L’interprète avait un problème.
    Je vais vous accorder 30 secondes de plus, mesdames Rochette et Bérubé. Nous vous écoutons.

[Français]

    En ce qui concerne les préférences alimentaires, lors de l'enquête de 2017, nous avons demandé aux gens ce qu'ils préféraient manger. Quatre-vingt-seize pour cent de la population a déclaré préférer manger soit uniquement des aliments traditionnels — particulièrement les personnes âgées — ou encore un mélange d'aliments traditionnels et d'aliments du marché. Cela a beaucoup d'importance pour les Inuits, ici.
    De plus, leur lien à la terre représente une part considérable de leur vie. On documente de plus en plus le fait que les activités traditionnelles liées à la chasse, à la pêche et à la cueillette sont des déterminants importants de la santé des Inuits. La transmission des connaissances culturelles et l'utilisation de la terre sont essentielles et sont manifestement associées à une meilleure santé physique, sociale et mentale des Nunavimiut.
    Non seulement cela contribue à la bonne santé des Nunavimiut ainsi qu'au rapport à leur identité, mais cela a également le potentiel de participer à l'économie des communautés.
    Y a-t-il encore des problèmes quant à l'alimentation traditionnelle dans les communautés du Nunavik ainsi qu'ailleurs au Québec et au Canada? Est-ce que certains de ces problèmes se résorbent?
(1140)
    Prenons l'exemple du caribou migrateur. Nous savons que les populations et les troupeaux de caribous sont en déclin. Dans certaines communautés, le caribou est donc de plus en plus difficile à chasser et les gens doivent s'éloigner de plus en plus des communautés pour avoir accès aux territoires de chasse.
    Les changements climatiques sont aussi une très importante préoccupation pour les Inuits. Au fil des ans, ils ont pu constater à quel point ces changements modifiaient la flore et la faune. Les changements climatiques nuisent aussi à l'accès aux territoires de chasse et de pêche. On l'a dit plus tôt: il y a moins de glace, elle se forme plus tardivement et cela met en péril les déplacements des chasseurs lorsqu'ils veulent s'adonner à ces activités.
    Vous avez aussi parlé des travaux portant sur la politique de sécurité alimentaire au Nunavik.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette politique en cours d'élaboration?
    Je mentionnais plus tôt que l'un des objectifs était d'améliorer l'accès aux aliments traditionnels. Il s'agit d'améliorer, pour chaque individu, l'accès à de l'équipement de chasse et à de l'essence, par exemple, pour permettre les déplacements, mais également de voir cela comme un secteur socioéconomique viable qui permettrait de créer des emplois. Les Inuits souhaitent pouvoir participer à la gestion intégrée de la faune pour s'assurer que les générations futures auront accès à ces aliments.
    Il y a aussi l'accès à des aliments du marché de qualité et nutritifs. Cela peut être réalisé notamment en améliorant l'efficacité de la chaîne des transports et en augmentant le pouvoir d'achat des familles. Cet aspect est assez central lorsque l'on parle d'accès à des aliments nutritifs. En outre, plusieurs communautés veulent produire des aliments localement. J'ai parlé plus tôt de projets de serres, mais il pourrait y avoir aussi de l'élevage de petits animaux. Il y a également le renforcement des initiatives de soutien alimentaire qui sont en place.
    Pour ce qui est du développement des compétences, il faut maintenir celles-ci et s'assurer que les possibilités d'apprentissage, les activités traditionnelles de pêche, de chasse et de cueillette, continuent d'être accessibles pour les jeunes. Il faut poursuivre l'éducation alimentaire pour amener les Nunavimiut à faire des choix sains pour ce qui est de leur alimentation. Il s'agit également de travailler au développement des compétences des entrepreneurs locaux du secteur alimentaire pour former des chefs de file en matière d'alimentation au Nunavik. Enfin, le dernier élément concerne l'engagement des Nunavimiut.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Blaney pour les six prochaines minutes.
    À vous la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier tous nos invités pour leur participation à notre séance d’aujourd’hui. Vos témoignages ont été extrêmement instructifs.
    Ma première question est pour vous, monsieur Jones. Un grand merci d’être des nôtres aujourd’hui. Vous avez beaucoup parlé du programme Nutrition Nord et de la nécessité de le rendre mieux adaptable aux besoins des gens de votre région. Vous avez aussi fait grandement état de la situation des aînés, des jeunes mères et des femmes enceintes, entre autres. Ne croyez-vous pas que le gouvernement fédéral pourrait songer à modifier le programme Nutrition Nord afin d’en faire davantage un programme social qui profiterait à tous les membres de votre communauté, plutôt que de simplement verser des subventions aux magasins d’alimentation. Je ne sais pas si vous pouvez nous dire ce que vous en pensez.
    Comme le préavis pour cette séance était très court, je n’ai pas eu l’occasion de mener toutes les consultations nécessaires. Nous luttons actuellement pour la survie de nos gens. Ce ne sont pas seulement des caprices. Nous luttons pour notre survie, et je crois que Nutrition Nord peut aider les communautés isolées. Nous sommes au total environ 5 000 personnes qui vivons dans 15 localités, y compris plus d’un millier d’Innus qui sont adéquatement pris en charge.
    Il nous faut prendre le temps d’analyser la situation. Selon moi, les responsables du programme Nutrition Nord devraient procéder à cette analyse et parler aux gens des communautés qui en bénéficient pour voir quelles améliorations pourraient être apportées. Il ne s’agit pas d’éliminer le programme, mais bien de l’améliorer.
(1145)
    Merci pour cette réponse.
    Vous avez aussi parlé des répercussions des changements climatiques et du fait que vous n’aviez pas l’impression d’avoir un véritable hiver .
    Pourriez-vous nous en dire plus long au sujet des effets des changements climatiques et du manque de glace sur la sécurité alimentaire?
    C’est l’un des éléments qui nous rend les choses particulièrement difficiles cette année. Il y a le village de Harrington Harbour qui est installé sur une île. Il y a trois jours encore, les habitants étaient coincés sur leur île et ne pouvaient pas se rendre sur la terre ferme. Ils se chauffent au bois et peuvent compter environ une année sur deux sur un pont de glace qui se rend jusqu’à l’île et permet d’acheminer le bois [Difficultés techniques]. J'ai vu un gars qui transportait du bois et qui a perdu son cométique — c'est le nom qu'on donne au traîneau. Il a fait demi-tour pour le récupérer et il est passé à travers la glace. C'est horrible.
    Pas plus tard qu’hier soir, j’ai reçu un appel. Mon gendre était quelque part entre ici et Saint-Augustin. Il a obtenu le contrat pour jalonner la piste, et il y a rencontré deux femmes innues qui arrivaient de La Romaine. Il ne savait pas par où elles étaient passées pour arriver où elles étaient rendues, parce que la piste n’est pas jalonnée et qu’il y a une baie de 11 kilomètres de large à traverser pour atteindre Saint-Augustin. Elles étaient engagées depuis un bon moment dans ce passage lorsque leur motoneige est tombée en panne. Il a dû les amener au camp et leur permettre d’utiliser le téléphone cellulaire pour que quelqu’un vienne les récupérer.
    Nous sommes les premiers à ressentir les effets des changements climatiques. Nous sommes en plein golfe du Saint-Laurent, et il faut voir comment les choses se passent ici. Nous avons vécu la même situation avec les pêches. Lorsque le poisson a commencé à se faire rare, nous avons été les premiers à sonner l’alarme pour indiquer qu’il y avait un problème. On a bien dû se rendre compte que nous avions raison.
    Les changements climatiques nous frappent de plein fouet, et il est impossible de vous décrire toute l’ampleur de leurs répercussions sur les gens d’ici. L’hiver est une saison très occupée. Les gens coupent leur bois, vont pêcher sur la glace, chassent le lièvre, etc. Rien de tout cela n’est désormais possible.
    C’est d’ailleurs pourquoi ce programme est si important pour offrir des aliments nutritifs à nos gens, et tout particulièrement à nos aînés, de telle sorte que nous n’ayons pas à nous inquiéter. Nos aînés sont notre actif le plus précieux et nous voulons nous assurer qu’ils sortent indemnes de cette pandémie. Nous voulons qu’ils aient accès à des aliments nutritifs.
    Merci beaucoup.
    Il me reste un peu de temps et j’ai une dernière question pour Mme Beardsley. Vous avez souligné que Banques alimentaires Canada investit dans l’exploitation des ressources alimentaires locales. J’aimerais savoir combien d’argent est versé à cette fin. Pouvez-vous nous indiquer ce montant et y a-t-il d’autres précisions que vous souhaiteriez apporter?
    Oui, je peux certes vous obtenir ce renseignement. Je n'ai pas les chiffres exacts en main, mais je peux vous dire que le montant de notre subvention pour les communautés rurales et nordiques était établi en fonction des besoins locaux, plutôt que suivant une formule prédéterminée. Bon nombre des demandes visaient l'achat de denrées alimentaires, car il s'agit du besoin essentiel à combler dans l'immédiat, mais il y en avait certaines — comme celles que j'ai mentionnées — qui portaient plus précisément sur l'accès à des aliments traditionnels et locaux. Ce sont des visées que nous comptons bien appuyer dorénavant. Nous préparons d'ailleurs un autre programme de subvention pour les communautés.
    Je pourrai vous transmettre ces chiffres.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à un nouveau tour de questions en commençant par M. Schmale qui sera suivi de M. van Koeverden, de Mme Bérubé, de Mme Blaney encore une fois, de M. Viersen et de M. Battiste.
    Monsieur Schmale, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour à nos témoins. Un grand merci pour votre excellente contribution à notre étude. Je suis ravi que nous puissions mieux connaître votre apport précieux aux différentes communautés dans vos rôles respectifs.
    Je vais d'abord m'adresser à M. le maire. J'ai raté une partie de votre intervention, mais vous parliez au départ des obstacles qui compliquent l'accès à certains de ces programmes. Je crois que vous faisiez référence au programme Nutrition Nord. Vous avez parlé de la bureaucratie qui rend l'accès à certains programmes plus difficile.
    Pouvez-vous me confirmer dans un premier temps que c'est bel et bien de ce programme que vous parliez? Pouvez-vous aussi m'en dire plus long sur les obstacles bureaucratiques auxquels vous êtes confrontés?
(1150)
    Ce sont les indications que j'ai pu obtenir de certains propriétaires de magasins d'alimentation qui m'ont fait part de leurs problèmes avec le programme Nutrition Nord. C'est un excellent programme, mais certains changements doivent être apportés.
    Compte tenu de l'éloignement et de toute la paperasserie à remplir, certains fournisseurs renoncent à conserver leur permis pour vendre à Nutrition Nord. À l'extrémité est de la province, il y a deux municipalités, Bonne-Espérance et Blanc-Sablon, qui sont reliées par la route et qui achètent habituellement des denrées livrées par traversier depuis Terre-Neuve. Il y a un fournisseur à Blanc-Sablon, mais étant donné la bureaucratie et toutes les formalités administratives à remplir, on y renonce carrément. C'est trop compliqué.
    Je ne sais pas si vous pouvez comprendre, mais notre communauté est à 90 % anglophone, et tout doit se faire principalement en français avec l'ensemble des fournisseurs, ce qui est tout simplement impossible pour certains. Nous sommes quelques-uns à parler le français, mais pour ceux qui ne maîtrisent pas cette langue, c'est problématique. Ce n'est pas un choix que nous avons fait; on pourrait dire que c'est une erreur géographique. Ce n'est que lorsque nous avons pu quitter la région et visiter les grands centres que nous avons su que le reste de la province est francophone.
    Quelles seraient vos recommandations à notre comité pour que les correctifs nécessaires soient apportés? J'ai quelques autres questions, mais nous pouvons peut-être commencer avec celle-ci.
    Je pense qu'il serait particulièrement utile que les responsables puissent rencontrer quelques-uns des propriétaires de magasins et des dirigeants locaux. Je suis également préfet de notre municipalité régionale de comté dont relèvent les cinq maires. Je pense qu'il serait vraiment profitable qu'on nous laisse le temps d'indiquer exactement quels sont nos besoins.
    D'accord, parfait.
    Peut-être puis-je terminer brièvement avec une question à propos de la route 138. Je ne sais pas si vous pourriez nous en dire plus long à ce sujet et nous indiquer comment d'autres intervenants et vous-même — d'après ce que je puis déduire de l'article que j'ai sous les yeux — en êtes venus à croire que cette route pourrait grandement contribuer à atténuer le problème de l'insécurité alimentaire.
    Cela ne fait aucun doute. J'ai consacré les 20 dernières années de ma vie à la route 138. C'est la seule solution. Il faut penser aux tarifs aériens... Il est plus coûteux de faire le voyage de ma localité jusqu'à Tête-à-la-Baleine, à 30 kilomètres d'ici, que de faire le trajet de Montréal vers la France. Ce ne sont pas des blagues; c'est la triste réalité. D'ici à Sept-Îles, il en coûte 1 200 $ pour un aller simple, 2 400 $ pour un aller-retour. Nous ne sommes pas fortunés à ce point. C'est hors de prix pour les gens de nos localités. Les seules personnes que l'on voit voyager par avion sont celles qui viennent travailler à l'hôpital ou pour les grandes entreprises.
    Pour revenir à la route 138, le ministre fédéral a annoncé cet automne, juste avant Noël, des investissements de 185 millions de dollars du gouvernement fédéral et de 232 millions de dollars du gouvernement provincial. Ils sont censés entreprendre la construction cette année. Cela ne permettra pas de terminer la route, mais seulement d'en faire une partie. Si cela pouvait se concrétiser et s'il était possible de relier certains de nos villages aux municipalités où il y a des aéroports de plus grande taille, on pourrait envisager un service assuré par des aéronefs plus grands pour la livraison de fruits et de légumes frais. Il suffirait alors de les récupérer à l'aéroport. C'est à peine 50 kilomètres par camion. Ce n'est pas très loin, mais dans l'état actuel des choses, c'est extrêmement coûteux.
(1155)
    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Jones.
    Nous devons passer tout de suite à M. van Koeverden pour une période de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui participent à notre séance d’aujourd’hui. Il est vraiment important que vous puissiez ainsi nous présenter vos points de vue sur la situation au bénéfice du Comité et de tous ceux qui s’intéressent à l’enjeu primordial de l’insécurité alimentaire.
    Monsieur Jones, je voulais que vous sachiez que, tout en vous écoutant, j’ai cherché Harrington Harbour sur Google. C’est le genre d’endroit que je voudrais absolument visiter un de ces jours. C’est vraiment magnifique. Je sais que la vie là-bas peut être très difficile, mais c’est un site absolument merveilleux. J’aimerais beaucoup pouvoir m’y rendre.

[Français]

    Ma première question s'adressera à Mme Rochette. Je suis désolé si mon français n'est pas excellent.
    Madame Rochette, ma question concerne l'interaction entre

[Traduction]

     le programme pour une occupation plus active du territoire, le pendant provincial du programme fédéral,

[Français]

et la Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs.
    Ces programmes fonctionnent-ils bien ensemble?
    Si ce n'est pas le cas, que pourrions-nous faire pour améliorer cet aspect?
    Tout d'abord, je vous remercie de la question.
    J'espère que ma connexion Internet est suffisamment bonne pour que vous puissiez m'entendre, car je suis actuellement à Kuujjuaq.
    Mon organisme n'est pas responsable de ce programme. C'est davantage l'Administration régionale Kativik qui est responsable des programmes de subvention pour les chasseurs et les pêcheurs au Nunavik. Je ne suis donc pas en mesure de vous répondre précisément sur cet élément.

[Traduction]

    J’ai une autre question pour vous.
    Je m’interroge au sujet des interactions entre la Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs et les différents programmes de financement pour les chasseurs, les cueilleurs, les pêcheurs et les fournisseurs d’aliments traditionnels. Je sais que cette subvention est l’une des mesures d’aide accessibles, mais je veux m’assurer que le programme fédéral est bien coordonné avec les programmes régionaux et provinciaux, et j’aimerais bien que vous puissiez nous en dire plus long à ce sujet.
    J’ai jeté un coup d’œil au site de la Direction de la santé publique du Nunavik. Vous avez vous-même parlé de l’importance de ces programmes pour la santé mentale et la vitalité des gens, en insistant sur la nécessité de leur permettre d’occuper véritablement leur territoire. Avez-vous des recommandations à nous faire quant à la façon d’améliorer ces programmes et leur coordination?

[Français]

    D'une part, il y a les programmes de subvention qui soutiennent directement les chasseurs et qui visent à ramener les produits de la chasse et de la pêche dans les communautés, où ils pourront être mis en commun et rendus disponibles au moyen de congélateurs communautaires. Ce volet est davantage géré par l'Administration régionale Kativik, comme je le mentionnais tantôt.
    D'autre part, il y a le programme de retour à la terre. C'est celui-là que gère la Régie régionale de la Santé et des Services sociaux du Nunavik. Il ne vise pas nécessairement à ce que les gens aillent à la chasse ou à la pêche, mais à ce qu'ils aillent sur le territoire, que ce soit pour pêcher ou chasser, effectivement, ou tout simplement pour camper et apprendre à vivre dans la nature.
    Ces deux programmes peuvent être vus conjointement, mais l'objectif principal du programme de retour à la terre est de permettre aux aînés et aux jeunes de se rendre sur le territoire, d'y avoir accès. Autrement, sans avoir accès à des motoneiges ou à des véhicules tout-terrain, il est difficile pour eux de pratiquer ces activités.
    Je dirais donc que les deux programmes sont complémentaires, mais qu'ils ne poursuivent pas tout à fait les mêmes objectifs. L'un s'inscrit davantage dans une perspective de soutien à la sécurité alimentaire, tandis que l'autre vise davantage à permettre l'acquisition des connaissances et l'accès au territoire dans une perspective d'amélioration de la santé mentale.
(1200)

[Traduction]

    Merci.
    Merci, monsieur van Koeverden.
    Nous en sommes exactement à l’heure prévue pour la fin de la séance.
    Je vais permettre à Mmes Bérubé et Blaney de poser leurs questions, ce qui équivaudra à une prolongation de cinq minutes au total. Nous aurons ensuite d’importantes discussions à tenir à huis clos.
    À vous la parole, madame Bérubé. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Jones, les aliments sont-ils tous accessibles tout au long de l'année, peu importe la saison? Les prix de certains aliments changent-ils selon la période de l'année?
    Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, pendant l'été, un petit panier de fraises coûte 2,50 $ ou 3,00 $, mais, présentement, il coûte 12 $. C'est la même chose pour le lait et pour beaucoup d'aliments. Les prix varient pour la plupart des aliments, mais pas pour tous.
    Dernièrement, les prix ont augmenté partout, de sorte que les aînés ont de la difficulté à s'approvisionner en produits qui sont bons pour la santé. Une dame m'a appelé ce matin pour me dire que, ce qui lui fait le plus de peine, c'est de voir que des aînés ne peuvent pas acheter des fruits et des légumes frais.
    Madame Bérubé, c'est certainement un problème.

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

    Monsieur Jones, vous avez dit tantôt qu'il n'y a qu'un seul marchand qui offre les aliments s'inscrivant dans le programme Nutrition Nord Canada. Pouvez-vous nous en parler brièvement?
    Nutrition Nord Canada offre un choix limité en magasin, comparativement à ce qui arrive par bateau en été. La plupart du temps, il y a juste un magasin inscrit dans ce programme. On en trouve un à Baie-Comeau, à l'ouest de la province. Il y a un autre magasin à Blanc-Sablon, mais ce n'est pas tout le monde qui peut s'y approvisionner. Ce magasin n'a pas le permis nécessaire pour s'approvisionner auprès de Nutrition Nord Canada.
    Je crois qu'à cet égard, on peut faire mieux...

[Traduction]

    Nous devons nous arrêter là.
    Je suis vraiment désolé de vous interrompre, monsieur Jones. Nous avons dépassé le temps imparti.
    Nous passons à Mme Blaney pour sa période deux minutes et demie.
    À vous la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser une seule question à deux de nos témoins.
    Mesdames Beardsley et Rochette, vous avez parlé toutes les deux dans vos déclarations du manque d’infrastructures pour le stockage des aliments et des problèmes que cela vous cause dans votre travail.
    Peut-être pourrais-je m’adresser d’abord à vous, madame Beardsley. Auriez-vous des recommandations à faire à notre comité à ce sujet?
(1205)
    Il est vraiment difficile de trouver des endroits dans les communautés où l’on peut emmagasiner des aliments, et surtout des aliments frais congelés. Je pense qu’il faut reconnaître qu’il y a des coûts à engager à cette fin. La chaîne du froid est dispendieuse; elle exige des investissements et des précautions particulières.
    J’ai pu constater dans de nombreux endroits l’utilité de ces congélateurs communautaires dont parle Mme Rochette. Dans les localités de plus grande taille, il faut une infrastructure permanente et du soutien à longueur d’année, c’est-à-dire des gens sur place pour en assurer l’entretien. On ne peut pas simplement installer un congélateur pour la communauté et repartir. Il faut des gens sur place pour en faire l’entretien, ce qui exige un investissement pour bénéficier d’une telle infrastructure.
    C’est l’une des principales difficultés à surmonter pour rendre les denrées alimentaires accessibles partout dans le Nord.
    Merci.
    Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez ajouter, madame Rochette?

[Français]

     J'ajouterais qu'au Nunavik, le problème est davantage lié au transport qu'à l'espace d'entreposage, particulièrement pour les communautés situées à l'extrême nord de la région. Je parle ici de communautés comme Akulivik et Ivujivik, qui sont vraiment à la limite du territoire couvert par le transport aérien. Particulièrement lorsque les températures sont très froides, acheminer de la laitue dans ces régions est pour ainsi dire peine perdue. Préserver ces aliments, essentiellement pendant le transport, et s'assurer que leur qualité est assez bonne à leur arrivée est un défi.

[Traduction]

    Merci beaucoup. J’ai terminé.
    Merci beaucoup.
    Nous avons eu droit aujourd’hui à des témoignages vraiment exceptionnels. Je suis désolé d’avoir dû vous interrompre en raison de nos contraintes de temps. Nous sommes tous impressionnés et nous ferons certes bon usage de votre contribution lorsque viendra le temps de formuler nos recommandations.
     Un grand merci à vous trois.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pour une période de cinq minutes, le temps que chacun puisse revenir pour la portion à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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