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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 043 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 juin 2021

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

     Mesdames et messieurs, je vois qu'il y a quorum. Je déclare donc la séance ouverte.
    Nous commencerons par reconnaître qu'à Ottawa, nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 avril 2021, le Comité se réunit pour étudier la traite des Autochtones à des fins sexuelles.
    Pour que la réunion se déroule comme il faut, les participants peuvent parler et écouter dans la langue officielle de leur choix. Au bas de votre écran — c'est important —, vous verrez un globe. En cliquant dessus, vous pouvez choisir « Anglais » ou « Français ». Toutefois, lorsque vous parlez, vous n'avez pas à changer de langue. Si vous êtes parfaitement bilingue, je vous en félicite, mais il faut sélectionner la langue de la personne qui parle sur le globe. Veuillez vous exprimer lentement et clairement. Votre micro doit demeurer en sourdine, sauf quand vous devez parler.
    Aujourd'hui, pendant deux heures, nous accueillons plusieurs témoins experts. Nous accueillons Coralee McGuire‑Cyrette, directrice générale, Association des femmes autochtones de l'Ontario. À titre personnel, nous accueillons Courtney Sky, chercheuse associée à l'Institut Yellowhead, et Cherry Smiley, candidate au doctorat à l'Université Concordia. Nous attendons également Chris Stark, auteure et chercheuse.
    Mesdames les témoins, nous commençons habituellement par vos exposés d'environ six minutes, suivis de séries de questions.
    Madame McGuire‑Cyrette, voulez-vous commencer, s'il vous plaît?
    Bienvenue au Comité. Allez‑y, s'il vous plaît. Vous avez six minutes.
    Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je m'appelle Coralee McGuire‑Cyrette. Je suis la directrice générale de l'Association des femmes autochtones de l'Ontario.
    Cette année marque le 50e anniversaire de l'Association des femmes autochtones de l'Ontario, ce qui en fait la plus ancienne et la plus importante organisation de femmes autochtones au Canada. En se donnant pour mandat de lutter contre la violence faite aux femmes autochtones, notre association travaille sur des questions de sécurité clés comme la traite des personnes, les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et le bien-être des enfants.
    Avant de commencer, je tiens à souligner le courage, la sagesse et le leadership de toutes les survivantes dans ce dossier. Nous travaillons avec elles depuis des années et nos recommandations se fondent sur leur vécu, car elles s'y connaissent mieux que personne. Leur voix s'unit à celles d'autres personnes averties pour nous rappeler que la maternité est la profession la plus ancienne qui soit, et c'est ce que nous devons réaffirmer dans notre travail.
    Mon exposé s'articule autour de trois points clés. Je n'aurai pas le temps aujourd'hui de les examiner en profondeur, mais il est impératif de les garder à l'esprit pendant que nous poursuivons.
     Premièrement, en 2019, les Nations unies ont publié des lignes directrices sur la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants. Elles affirment qu'une personne de moins de 18 ans ne peut jamais consentir à quelque forme que ce soit de vente, d'exploitation sexuelle ou d'agression sexuelle, et que tout consentement présumé d'un enfant à des actes d'exploitation ou d'agression sexuelle devrait être considéré comme nul et non avenu. De plus, l'article 35 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant stipule que le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que les enfants ne soient pas enlevés, vendus ou victimes de traite. Notre association préconise le respect des deux principes sans exception.
    Deuxièmement, les répercussions de la colonisation ont érodé le tissu social de collectivités autochtones qui étaient fortes et autonomes. Le traumatisme autochtone, conjugué à des éléments plus récents, a favorisé des conditions de violence normalisée à l'égard des femmes et des filles autochtones. On a reconnu un lien direct entre les taux de violence auxquels les femmes autochtones continuent d'être confrontées aujourd'hui et les politiques paternalistes issues de la colonisation. Cette discrimination systémique n'a pas été adéquatement abordée au Canada, ce qui rend les femmes et les filles autochtones plus vulnérables, y compris à la traite des personnes.
    L'article 18 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones affirme que « Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l'intermédiaire de représentants qu'ils ont eux-mêmes choisis [...] , ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions... ». Forte de ce principe, l'Association des femmes autochtones de l'Ontario affirme qu'il est fondamental que les femmes autochtones puissent participer à un large éventail d'efforts de leadership à l'appui de nos collectivités, et de diriger les mesures de prévention et les interventions en réponse aux problèmes auxquels nous sommes confrontées.
    Troisièmement, la COVID‑19 est venue aggraver les inégalités qui existaient déjà. En raison de notre sexe et de notre race, les femmes et les filles autochtones, nous subissons beaucoup plus que personne les conséquences de la pandémie, car nous sommes plus à risque d'être ciblées pour la traite des personnes. Aussi la situation de celles qui y sont déjà ne fera que s'aggraver. La pandémie a fait ressortir que les solutions à la traite des personnes doivent faire partie d'un plan de rétablissement équitable.
    En 2017, nous avons consulté plus de 3 360 membres de la collectivité et fournisseurs de services, dont 250 survivantes autochtones de la traite des personnes. Les récits entendus ont mené à la création d'une stratégie, intitulée « Journey to Safe Spaces », pour s'attaquer au problème.
    Les survivantes nous ont appris en quoi consistent les soins adaptés au traumatisme et les systèmes qu'il y a lieu de changer. Leurs intentions étaient claires. Elles voulaient protéger les autres femmes et filles autochtones contre la traite des personnes. Nous avons aussi appris qu'il y a souvent des échecs systémiques qui exposent les femmes et les enfants autochtones à des risques. La relation entre la protection de l'enfance et la traite des personnes est complexe. Dans nos échanges avec les survivantes, nous avons entendu de nombreuses histoires. Dans certains cas, aucun fournisseur de services n'a reconnu qu'il y avait de mauvais traitements, et les femmes ont été victimes d'une exploitation atroce pendant leur enfance. Dans d'autres, l'exploitation sexuelle a commencé après l'intervention des services de protection de l'enfance.
    Les enfants doivent être protégés contre l'exploitation, un point c'est tout. Il faut que les systèmes travaillent ensemble pour garantir leur protection et leur sécurité.
    Notre rapport contient des recommandations claires proposant des changements. Tous les changements doivent se fonder sur le fait que les femmes autochtones ont des droits. Les recommandations des survivantes ont servi de fondement à notre programme « Courage for change », qui est le seul programme intensif de gestion de cas et de soutien à long terme. Notre programme a aidé 176 femmes et filles autochtones à sortir en toute sécurité d'une situation de traite de 2017 à 2019. L'an dernier, en 2020, le nombre de femmes qui ont pu sortir a augmenté de 37 %.
    Avant de conclure, je vais souligner cinq recommandations essentielles, dont bon nombre se trouvent dans le document de l'Association des femmes autochtones de l'Ontario intitulé « Reconciliation with Indigenous Women ». Dans ce rapport, nous recommandons des mesures très précises et ciblées pour mettre fin à la traite des personnes tout en appuyant les survivantes. Le Plan d'action national pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ne tient pas suffisamment compte des recommandations de notre rapport.
    Premièrement, il faut mettre en place des mécanismes de collaboration pour permettre la collecte de données provinciales et nationales sur la traite des femmes autochtones tout en protégeant la vie privée des survivantes qui ont accès aux services grâce aux données recueillies dans le cadre de la réforme juridique.
     Deuxièmement, il faut mettre en œuvre des programmes et des services durables qui répondent aux besoins précis des victimes de la traite des personnes, y compris un soutien global et des services 24 heures sur 24 dans les villes de tout le pays.
(1110)
     Troisièmement, il faut créer des services spécialisés qui tiennent compte du traumatisme que la comparution devant les tribunaux suppose pour les survivantes. Lorsqu'il y a des chefs d'accusation contre un trafiquant, la sécurité des survivantes doit être prioritaire tout au long du processus judiciaire.
    Quatrièmement, le gouvernement fédéral doit effacer les casiers judiciaires des survivantes de toute infraction criminelle liée à la prostitution et accorder une remise de la dette pour les prêts étudiants.
    Cinquièmement, il faut de toute urgence des fonds supplémentaires pour lutter contre la traite des personnes, bien au‑delà des fonds exclusivement prévus pour les activités de sensibilisation. Cela comprend les services complets de sortie de la traite des personnes, comme les services de santé mentale et de lutte contre les dépendances, le logement, les services spécialisés de guérison à long terme et les services de soutien.
    Pour conclure, j'encourage le Comité à examiner notre rapport intitulé « Reconciliation with Indigenous Women » et notre stratégie « Journey to Safe Spaces » dans leur intégralité, car ils fournissent une feuille de route pour protéger les femmes et les filles autochtones de la traite des personnes et pour leur offrir le soutien nécessaire pour rebâtir leur vie.
    Meegwetch.
    Madame McGuire‑Cyrette, merci beaucoup de votre exposé.
    Nous passons maintenant à Mme Skye, de l'Institut Yellowhead.
    Allez‑y, vous avez six minutes.
(1115)
     Bonjour, mesdames et messieurs. Merci beaucoup de m'avoir invitée.
    Je m'appelle Courtney Skye. Je suis chercheuse associée à l'Institut Yellowhead, et je suis membre du clan de la tortue mohawk des Six Nations du territoire de la rivière Grand.
     Je tiens à saluer le territoire algonquin, où se trouvent bon nombre d'entre vous, et je vous souhaite la bienvenue virtuellement sur le territoire des Haudenosaunee, la patrie de mes ancêtres et de nos alliés.
    Je partage les propos de Cora McGuire qui a reconnu les familles, les femmes et les personnes qui ont été victimes d'exploitation sexuelle et qui sont la raison pour laquelle nous nous retrouvons ici aujourd'hui.
    Mes recherches portent sur l'élimination de la violence et l'intersection entre l'élimination de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones et le leadership et la gouvernance. Je m'intéresse particulièrement à la recherche sur la gouvernance des Haudenosaunee et la revitalisation des systèmes de gouvernance traditionnels inhérents aux lois et aux pratiques autochtones. Cela comprend l'examen des approches suivies dans d'autres pays.
     Mon travail dans le domaine de la traite des personnes remonte à l'époque où j'étais analyste des politiques à la fonction publique de l'Ontario, où j'ai travaillé à la réforme du bien-être des enfants en travaillant avec des organisations de femmes autochtones partout en Ontario et au Canada, puis à l'échelle internationale avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui examine les réponses multijuridictionnelles et les cadres politiques qui s'attaquent à toutes les formes de traite des personnes. Je m'intéresse surtout aux questions intergouvernementales qui aboutissent souvent à des modifications législatives et aux changements de politique nécessaires pour mettre fin aux multiples formes de traite.
    À mon avis, il importe de se rappeler qu'il y a tout un éventail de facteurs. Pendant que nous sommes ici pour parler de l'exploitation sexuelle et de la traite des personnes, il y a de nombreux facteurs qui sont souvent confondus ou mal interprétés, qu'il s'agisse de contester la légitimité du travail du sexe ou de discuter des diverses formes de traite à des fins de travail forcé, d'adoption ou autres que connaissent les Autochtones en plus des multiples obstacles auxquels ils sont confrontés.
    Je suis heureuse de me retrouver devant le Comité pour discuter de ces questions. S'il y a des sujets ou des domaines particuliers qui pourraient être utiles à votre étude, je suis là et j'ai hâte d'en parler.
     Tout en gardant à l'esprit certains problèmes soulevés par Cora McGuire, ainsi que le manque de cadres qu'il aurait fondamentalement fallu mettre en œuvre pour protéger les droits de la personne et s'attaquer à la raison pour laquelle les femmes autochtones sont plus vulnérables que d'autres aux diverses formes de violence, j'estime qu'il faut nous tourner vers les communautés autochtones elles-mêmes, examiner leurs cadres des droits de la personne et leurs propres lois et compétences inhérentes. Il faut les revitaliser pour régler certains problèmes sous-jacents touchant le groupe de population qui nous occupe aujourd'hui.
    Merci beaucoup de m'avoir invitée.
    C'est un plaisir de vous accueillir.
    Je vous rappelle qu'il faut approcher un peu le micro quand nous passerons aux questions et réponses.
     Je vous ai bien entendu. C'était un excellent exposé. Je vous en remercie.
    Nous allons passer à notre candidate de Concordia, Cherry Smiley.
    Madame Smiley, vous avez six minutes.
     Je vous remercie de m'avoir invitée à parler de ce sujet et je vous remercie d'étudier cette question si difficile.
    Je m'appelle Cherry Smiley. Je suis de la nation Nlaka'pamux en Colombie-Britannique et de la nation Navajo dans le Sud-Ouest des États-Unis. Je suis actuellement candidate au doctorat à l'Université Concordia, où mes travaux de recherche visent à mettre fin à la violence des hommes envers les femmes et les filles autochtones au Canada, ainsi qu'à la prostitution. Je suis la fondatrice de Women's Studies Online, une plateforme éducative décolonisante pour la recherche, l'éducation et l'action.
    Dans le cadre de mon projet de doctorat, j'ai fait du travail sur le terrain au Canada et en Nouvelle-Zélande au sujet de la prostitution. Avant de commencer le programme de doctorat, j'ai travaillé dans un centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle et une maison de transition pour femmes battues et leurs enfants.
    Bien sûr, il y a beaucoup à dire. Je sais que mes amies ici présentes aujourd'hui et les autres qui ont pris la parole devant le Comité ont donné un bon aperçu de la situation désastreuse des femmes et des filles autochtones au Canada en ce qui a trait à l'exploitation sexuelle.
    Je vais aborder deux sujets aujourd'hui. Je commencerai par parler de la différence entre la traite des personnes à des fins sexuelles, la prostitution et le travail du sexe. Je me pencherai ensuite sur des questions liées à la recherche sur le trafic sexuel. Je formulerai enfin quelques recommandations en guise de conclusion.
    Le langage est important. Cette question est controversée et politique. Le terme « travail du sexe » veut dire que certaines femmes sont obligées de fournir des « services sexuels » aux hommes pour de l'argent. Ce n'est pas un terme que j'utilise et j'espère que les autres évitent de l'utiliser aussi.
    Janine Benedet a décrit la différence entre la prostitution et la traite à des fins sexuelles comme suit: la traite à des fins sexuelles implique toujours une tierce partie — un trafiquant, un proxénète ou un propriétaire de bordel — alors que la prostitution peut impliquer une tierce partie, mais pas nécessairement.
    La prostitution et le trafic sexuel ont plus de similitudes que de différences. Les répercussions sur les femmes qui sont achetées et vendues sont les mêmes. Les hommes qui achètent les services sexuels de ces femmes et ces filles sont les mêmes. Ça leur est bien égal de savoir comment elles en sont arrivées là.
    Ensuite, les chercheurs dans le domaine du travail du sexe essaient de faire une distinction entre le travail sexuel par choix et le trafic sexuel forcé. Ce n'est pas une façon réaliste ou utile d'examiner la question et cela finit par nuire aux victimes.
    Les chercheurs ont adopté une théorie très anti-femme et anti-féministe de la traite des personnes à des fins sexuelles qui définit de façon étroite une fausse victime parfaite. C'est une femme qui, par exemple, ne parle pas la langue ou qui est enfermée et enchaînée au lit. Il ne fait aucun doute que des femmes sont exploitées sexuellement de la sorte. J'en ai rencontré quelques-unes. De la même façon que le patriarcat a construit un faux récit de la victime de viol qui se défend parfaitement contre son violeur, ou de la femme battue qui réagit parfaitement en ne retournant jamais auprès de son mari violent, peu de femmes, s'il en est, correspondraient à la définition d'une victime parfaite de la traite des personnes à des fins sexuelles.
    Cela signifie‑t‑il que les femmes n'ont pas été victimes de traite à des fins sexuelles? Non, ce n'est pas le cas. Cela signifie, en fait, qu'il y a un manque de compréhension profond — et je dirais, délibéré — de la violence des hommes envers les femmes et un manque de recherche féministe sur la question.
    Nous avons déjà vu ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande. Le manque de compréhension de la violence de genre a entraîné la décriminalisation des hommes qui font du proxénétisme et qui achètent des femmes. En retour, cela signifie que les femmes qui ne se considèrent pas comme des victimes de la traite des personnes et qui n'acceptent pas l'aide qu'elles reçoivent ne sont pas des victimes de la traite des personnes.
     La traite n'existe pas en Nouvelle-Zélande, selon le New Zealand Prostitutes Collective. C'est un mensonge éhonté. La traite des personnes à des fins sexuelles y existe bel et bien, seulement les policiers ont moins de moyens d'enquêter sur les cas soupçonnés de traite. Les cas de traite à des fins sexuelles sont reclassés dans la catégorie de la violence familiale, par exemple, pour renforcer les fausses affirmations selon lesquelles la décriminalisation des hommes qui font du proxénétisme et achètent des actes sexuels aide les femmes qui sont dans le métier. Les femmes et les filles qui se prostituent et qui ont été victimes de traite sexuelle n'ont pas accès à des services de soutien. Il n'y a pas de services en Nouvelle-Zélande pour les aider à s'en sortir. Les services offerts aux femmes qui ont été agressées par des hommes ne sont pas équipés pour travailler avec des femmes qui ont été victimes de traite à des fins sexuelles ou de prostitution, parce que la prostitution n'est pas comprise comme une forme de violence masculine. Ce n'est qu'un métier parmi d'autres.
    Je conclurai en disant qu'il y a un lien entre le trafic sexuel et la prostitution. Tout comme Diane Redsky, une de mes recommandations, c'est de maintenir et d'améliorer la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation.
(1120)
     L'achat de services sexuels doit demeurer illégal et les femmes ne doivent pas être punies pour leur prostitution. Abroger la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation équivaudrait à dire que notre pays trouve acceptable d'acheter les services sexuels de certains groupes de prostituées, mais pas si elles sont victimes de la traite, et c'est tout à fait inacceptable.
    Nous avons aussi besoin d'un revenu de subsistance garanti. Nous avons vu la rapidité avec laquelle le gouvernement a reconnu les répercussions économiques de la pandémie sur les Canadiens et a agi en conséquence. Un revenu de subsistance garanti tient compte des répercussions économiques du patriarcat sur les femmes au Canada et agit en conséquence. Les femmes doivent avoir d'autres choix que celui de devoir tailler des pipes à 10 dollars.
    La troisième recommandation que je formulerais, c'est que, bien que les services adaptés à la culture soient essentiels, il est d'autant plus essentiel que les organisations autochtones et autres aient une vision féministe des répercussions de la colonisation sur les femmes et les filles autochtones. Les féministes ont créé tout un ensemble de connaissances sur la violence de genre, et c'est là que nous devons commencer.
    Le féminisme est la seule théorie, la seule pratique et le seul mouvement sociopolitique qui privilégie toujours les femmes et les filles, et nous devons nous y intéresser pour comprendre ce que signifie le trafic du sexe sous une optique féministe. Sans cette compréhension, il est trop facile d'en vouloir aux femmes et aux filles et de les couvrir de honte pour leur prostitution et trop facile de laisser les hommes s'en tirer à bon compte pour leur comportement intolérable.
    Sans ces principes féministes, même les services culturellement pertinents ne seront pas très utiles aux femmes et aux filles victimes de la traite à des fins sexuelles. Comme mon amie Fay Blaney l'a mentionné l'autre jour, nous avons besoin d'un financement de base pour les organisations de femmes autochtones autonomes afin de pouvoir faire ce travail et le faire plus facilement qu'à l'heure actuelle — avec des budgets limités ou, dans mon cas et dans celui de beaucoup d'autres femmes, sans budget du tout.
    Enfin, le patriarcat et ce que Adrienne Rich et Carole Pateman appellent le « droit sexuel masculin » sont les grands maux qui expliquent l'existence du trafic du sexe et de la prostitution. Les programmes de prévention ne doivent pas être uniquement destinés aux filles et aux femmes. Ils doivent également s'adresser aux garçons et aux hommes pour les empêcher de sexualiser et d'exploiter les femmes et les filles et de se sentir en droit de le faire au départ.
    La traite à des fins sexuelles et la prostitution sont des problèmes d'inégalité sexospécifique. Les hommes sont les acheteurs, et les femmes et les filles les vendeuses d'actes sexuels, du moins en grande majorité. Il nous faut donc aborder la question sous une optique féministe.
    Mes dernières recommandations sont que l'on cesse de regarder de la pornographie et pourquoi pas, que l'on propose aux députés et fonctionnaires qu'ils s'engagent à ne pas payer pour des actes sexuels commis par des femmes ou des filles, qu'elles soient victimes de la traite ou non. Il est raisonnable d'exiger du leadership canadien que toutes les femmes soient traitées avec respect.
    Merci.
(1125)
    Merci beaucoup.
    Monsieur le greffier, je ne vois pas encore Chris Stark sur le réseau. Si nous pouvons établir la connexion, nous nous en occuperons à ce moment‑là, mais pour l'instant, nous allons passer à une série de questions.
    Je remercie les témoins de leurs excellents témoignages.
    Le premier tour sera de six minutes pour M. Viersen, M. Powlowski, Mme Bérubé et Mme Rachel Blaney.
    Monsieur Viersen, vous avez six minutes.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui. J'apprécie vraiment votre témoignage.
    Madame Smiley, nous pourrions peut-être parler un peu plus de la situation en Nouvelle-Zélande. C'est vraiment intéressant. La situation est semblable à celle du Canada sur le plan légal. Je me demande comment leurs changements législatifs ont touché les collectivités aborigènes.
    Je sais que les Maoris représentent un pourcentage de la population néo-zélandaise à peu près équivalent à celui des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada. La corrélation est assez semblable, mis à part le fait que la Nouvelle-Zélande est un pays insulaire et qu'il n'est pas juste à côté des États-Unis.
    Je me demande si vous pouvez nous expliquer un peu comment les lois ont changé et quels ont été les effets sur la population aborigène.
     Volontiers.
    J'ai passé près de quatre mois en Nouvelle-Zélande à faire des recherches sur la prostitution et sur les changements législatifs qui y ont été apportés. Le pays a tout décriminalisé, la prostitution des femmes, mais aussi les proxénètes, les hommes qui vendent des femmes et les acheteurs de services sexuels.
    Ce que j'ai surtout remarqué en Nouvelle-Zélande, c'est que le travail du sexe fonctionne pour les hommes qui veulent exploiter les femmes, mais pas pour les femmes. J'ai rencontré des femmes qui avaient essayé en vain de quitter la prostitution à cinq, six ou sept reprises. Elles n'ont pas réussi parce qu'il n'y avait pas de services prêts à reconnaître le traumatisme de se retrouver dans cette situation jour après jour. Elles sont pénétrées par qui sait combien d'hommes par jour. C'est leur boulot et elles doivent le faire, veut, veut pas.
    Il ne fait aucun doute que les femmes maories n'ont pas profité des lois de décriminalisation qui existent là‑bas. Il est manifeste que de plus en plus d'enfants, de jeunes filles maories commencent à faire le trottoir à un âge toujours plus précoce.
     Mais les choses vont bouger, car une femme maorie et son alliée sont en train de contester la loi sur la prostitution sous prétexte qu'on n'a pas consulté les femmes aborigènes avant sa mise en œuvre — ce qui n'a effectivement pas été fait.
    En Nouvelle-Zélande, les choses sont couvertes... Il y a tellement de gens là‑bas qui ont peur de dire quoi que ce soit. Ils avaient peur de me parler. Ils avaient peur que les gens découvrent qu'ils critiquaient la prostitution, ou qu'ils avaient des questions ou des doutes. C'était incroyablement difficile. Il y a le gouvernement, les organismes sans but lucratif, des organisations de femmes. Tout le monde s'étant plus ou moins entendu pour dire que le travail du sexe est un travail, il y a des conséquences pour les femmes qui ont des doutes à ce sujet.
    Ce que nous entendons en Nouvelle-Zélande est extrêmement positif, mais la réalité est toute autre.
    Je m'adresse maintenant à Mme McGuire-Cyrette. La ligne d'urgence nationale pour les victimes de la traite des personnes existe depuis quelques années.
    Avez-vous de l'expérience dans ce domaine et avez-vous atteint les objectifs énoncés?
(1130)
    Je ne sais pas grand-chose au sujet de la ligne d'urgence. Je sais qu'elle commence à recueillir des données.
    En fait, tout dépend si c'est une femme, une fille ou un enfant victime de la traite qui a besoin de services. C'est là que réside l'écart, partout au Canada. Il n'y a pas de services spécialisés au Canada.
    L'Association des femmes autochtones de l'Ontario a lancé un des premiers programmes complets pour s'en sortir à Thunder Bay. Lorsque nous avons commencé à faire le travail, nous avons reconnu, en Ontario, qu'il y a un triangle de traite des enfants, des jeunes et des femmes autochtones, de Thunder Bay à Toronto en passant par Ottawa. C'est le triangle, et on ne parle là que d'une seule province.
    Les femmes des autres provinces nous appellent tout le temps, et il n'y a pas de services spécialisés sur le terrain pour les aider. Personne ne vient en aide aux jeunes. Le fait que les enfants et les jeunes s'attendent à être en sécurité est un échec systémique dans nos collectivités et dans notre société.
    Je fais écho aux affirmations de mes collègues leaders ici présents. La violence faite aux femmes et aux enfants autochtones est devenue tellement normalisée que nous devons en discuter. Nous devons vraiment nous assurer que cela demeure illégal, un point c'est tout.
    La plupart des victimes de la traite ont moins de 18 ans. Celles qui sont plus âgées ont aussi besoin d'aide, peu importe où elles se trouvent dans le spectre. Il n'y a pas de ligne de démarcation entre la prostitution et la traite. Chaque jour, il y a une différence, mais l'essentiel, c'est que nous avons besoin de services de soutien. Il faut changer cela ici, au Canada, et il n'y a rien sur le terrain.
     Merci beaucoup.
    Cela nous amène à l'heure.
    Monsieur Powlowski, vous avez six minutes. Allez‑y.
    Je vais adresser mes questions à ma concitoyenne thunderbayaine ou est‑ce thunderbayoise? Nous ne savons même pas comment nous appeler, contrairement aux Hamiltoniens ou Torontois.
    Madame McGuire-Cyrette, vous avez décrit la trajectoire de la traite des personnes à des fins sexuelles: Thunder Bay, Toronto, Ottawa. Cela m'amène à penser tout de suite aux gangs. Dans quelle mesure est‑ce lié aux gangs? Je sais que nous avons beaucoup de gangs à Thunder Bay: des gangs autochtones, des gangs de Toronto et des gangs d'Ottawa. Dans quelle mesure ce problème s'articule‑t‑il autour des gangs?
    Pas autant que vous le pensez. Il s'agit plutôt de dire que la violence ne connaît pas de frontières. Les activités du crime organisé n'ont pas de politiques à suivre ou de processus bureaucratiques à modifier pour changer de tactiques. Ces gens sont très organisés. Ils lisent les nouvelles. Je ne doute pas que certains membres du crime organisé regardent nos témoignages d'aujourd'hui pour trouver de nouvelles stratégies.
    Il y a certainement un aspect lié au crime organisé. S'agissant des femmes et des filles autochtones, l'histoire de la colonisation y est pour quelque chose. Elles se retrouvent à devoir négocier leur sécurité pour faire respecter leur droit à subvenir à leurs besoins fondamentaux. Il y a vraiment une oppression généralisée. Nous devons voir comment nous pouvons mettre fin à la sexualisation de nos enfants et de nos jeunes. Où sont les programmes de lutte contre la violence sexuelle dans toutes nos collectivités?
    Si vous regardez une carte de l'Ontario, vous verrez qu'il y a des prédateurs sexuels dans toute la province. Le mouvement #MoiAussi s'est en fait arrêté dans les communautés autochtones, parce qu'il n'est pas sécuritaire de divulguer des incidents, voire simplement de parler de violence sexuelle. C'est l'une des causes profondes de la traite, d'après ce que nous avons constaté chez les femmes avec lesquelles nous travaillons.
    Vous dites que c'est le crime organisé, mais pas nécessairement les gangs.
    C'est tout. Si les taux de traite sont si élevés, c'est parce qu'il y a tellement d'éléments différents. C'est le crime organisé. Ce sont les gangs. Ce sont les familles. Ce sont les collectivités. La violence faite aux femmes autochtones touche tous les membres de la société. Il y a l'inconnu qui interpelle un enfant seul dans la rue ou dans le métro ou encore celui qui cible les jeunes en ligne. Ce n'est pas normal et il faut cesser de banaliser ce genre de choses. En définitive, on reconnaît trois grands facteurs: organisation, crime et société.
(1135)
    Dans quelle mesure ce problème concerne‑t‑il aussi les stupéfiants et le fait d'y rendre les gens dépendants, et donc financièrement responsables envers quelqu'un d'autre?
    Cela fait partie du contrôle. Ce sont des cadeaux assortis de chaînes invisibles. L'un des aspects du contrôle réside dans la toxicomanie. Ici, en ville, on ne peut que très rarement accéder librement à des services de santé mentale et de toxicomanie. C'est en fait encore une lacune à l'échelle du pays. Le manque d'accès instantané et sans obstacle aux services dont elles ont besoin, y compris en matière de toxicomanie, fait en sorte qu'il est très difficile pour nous de les aider à quitter le milieu.
    Le cadeau, c'est donner de la drogue à quelqu'un pour le rendre dépendant, et quand il ne pourra plus payer, l'obliger à faire ce qu'on lui demande en guise de remboursement. Est‑ce ainsi que cela fonctionne?
    En partie, oui. Il y a aussi le fait qu'ici, dans le Nord, il n'y a pas de transport. Il faut étudier cette pénurie. Des femmes de collectivités isolées se font conduire pour se rendre chez le médecin en ville et finissent par devenir des victimes de traite. Voilà une autre pièce du casse-tête.
    C'est un sujet très déprimant, mais j'ai trouvé intéressant que vous ayez parlé d'une remise de dette pour les prêts étudiants, ce qui laisse certainement entendre qu'au moins certaines personnes se retirent de ce genre de « travail » et s'instruisent. Pouvez-vous nous parler de gens qui ont réussi à faire la transition vers une vie meilleure?
     Oui. Avant la pandémie, nous avons commencé à accompagner la police de Thunder Bay. Ce sont des survivantes qui nous l'avaient suggéré, car elles pensaient que nous devions établir une relation avec tous les services pour pouvoir régler ce problème de façon globale. Lors d'une patrouille, nous avons pu établir un lien avec deux fillettes qui commençaient à peine à faire le trottoir, et nous avons réussi à les en sortir à temps. Elles sont saines et sauves.
    Nous savons qu'en ce qui concerne le temps de rétablissement, le temps de guérison, plus nous pouvons aider les femmes à adopter des stratégies de sortie sur le tôt, moins il leur faudra attendre pour pouvoir reprendre leur vie en main. C'est ce qui manque ici. Nous avons besoin de ces programmes et services spécialisés, comme Mme Smiley l'a dit, qui n'existent pas. La prestation de services réguliers aux victimes ne suffit pas pour faire ce travail. Ils ne fonctionnent pas. Nous avons besoin de programmes et de services spécialisés.

[Français]

     Madame Bérubé, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je poserai ma question à Mme McGuire‑Cyrette.
    Je poursuis dans le même ordre d'idées que mon collègue M. Powlowski. Vous avez parlé de la colonisation, de la discrimination systémique et du soutien aux communautés.
     Selon vos recherches, que pouvons-nous faire pour soutenir davantage les communautés pour ce qui est de la traite des personnes?

[Traduction]

    Nous avons besoin de tout, des politiques aux programmes. Nous devons veiller à ce que ces activités demeurent illégales. Nous devons protéger les femmes et les enfants dans notre société. Nous devons dire, comme société, comme dirigeants, comme pays et comme collectivité, que cette violence n'est pas acceptable. Nous avons donc besoin de volonté politique et de volonté locale. Il faut que nos collectivités se demandent comment elles comptent veiller à la sécurité des femmes autochtones qui y habitent.

[Français]

    Vous avez aussi parlé des conséquences de la COVID‑19. Pourriez-vous nous parler davantage de ces conséquences?

[Traduction]

    Oui, pendant la pandémie de COVID‑19, tous les foyers n'étaient pas sécuritaires. Encore fallait‑il en avoir un au départ. Pendant cette période, le degré de violence a augmenté contre les femmes et les filles autochtones, tout comme la violence liée à l'exploitation des enfants et des jeunes. Le niveau d'intervention en matière de sécurité communautaire au Canada était insuffisant. Il n'y a pas de plan de sécurité global pour les femmes et les filles autochtones au Canada. C'est vraiment ce que nous avons pu observer lors de la pandémie, par exemple, que le trafic de drogue avait augmenté parmi les femmes autochtones. Il y a également eu des surdoses et des décès du fait que les gens n'avaient pas accès aux types de drogues qu'ils consommaient habituellement.
    Qui en a souffert? Ce sont les femmes et les enfants, ceux qui sont actuellement exploités, ainsi que ceux qui sont recrutés, surtout en ligne. En ce qui concerne l'exploitation des enfants en ligne, tout le monde est en ligne pendant cette pandémie. Nous envisageons d'étendre l'accès à Internet haut débit à nos communautés autochtones. Nous devons donc établir des protocoles de sécurité pour nous assurer que nos enfants seront protégés, notamment par les cyberservices.
(1140)

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme Smiley, de l'Université Concordia.
    Vous faites présentement un doctorat sur la violence faite aux femmes et vous êtes fondatrice d'une plateforme. Pourriez-vous nous en parler davantage?

[Traduction]

     Oui, j'ai presque terminé mon doctorat, j'espère que ce sera fait d'ici deux ou trois mois. Quant à la plateforme que j'ai fondée, c'était à cause de mon expérience à l'université et comme travailleuse de première ligne contre la violence, féministe depuis plus de 15 ans, et parce que je me suis aperçue que dans les universités, il y a plus d'endroits pour parler de toutes sortes de théories et d'exercices intellectuels, mais moins d'endroits pour parler des conditions réelles de la vie des femmes.
    J'ai créé cette plateforme comme moyen d'enseigner la théorie féministe radicale afin que nous puissions apprendre de toutes les connaissances que nous avons créées et que nous puissions nous en inspirer. Nous pouvons la rejeter ou décider qu'elle est excellente. Nous pouvons décider que nous aimons telle partie et pas telle autre, mais nous pouvons en fait apprendre cette théorie avant de la rejeter comme étant non pertinente.
    Je pense qu'il y a beaucoup de très bons éléments sur lesquels nous pouvons nous appuyer, en plus de faire de la recherche sur les enjeux de la violence des hommes contre les femmes et les filles autochtones et de nous assurer que cette recherche porte précisément sur cela. Bien sûr, il y a d'autres types de violence, mais celui‑ci est incroyablement...
     À l'échelle mondiale, c'est partout. C'est systémique, mais il y a aussi des antécédents particuliers pour les femmes autochtones au Canada, d'où les solutions particulières que nous devons examiner. Il s'agit surtout de continuer à nous concentrer sur ce type de violence et d'avancer à partir de là.
    Merci, madame Smiley.
    Votre chat fait vraiment décontract. Il a l'air tellement heureux derrière vous.
    Oui, il est adorable.
    Nous allons maintenant passer à Rachel Blaney.
    Madame Blaney, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins d'aujourd'hui.
    Madame Skye, j'aimerais vous poser ma première question. Vous en avez parlé dans votre introduction, mais pourriez-vous préciser ce qui rend les femmes et les filles autochtones plus vulnérables à la violence? Quelles sont les répercussions de ces interventions sur elles et sur les collectivités qui les entourent?
    Je vous remercie de la question.
    Il est vraiment important de souligner le besoin précis de s'attaquer aux causes profondes de la violence et de la violence coloniale que vivent les femmes autochtones. Si vous regardez certains rapports comme celui sur les homicides produit par Statistique Canada, et que vous comparez le nombre de femmes autochtones et non autochtones recensées dans le cadre de cette étude, on constate, depuis 1980, une diminution du nombre global de femmes qui ont été tuées, alors que le taux de violence envers les femmes autochtones est demeuré constant au cours de ces années, de sorte que les femmes autochtones représentent une proportion grandissante des victimes.
    Ce type d'analyse ou d'information démontre vraiment que les femmes autochtones sont victimes de mauvais traitements attribuables à diverses causes et que malgré leurs principes féministes, les interventions typiques n'ont pas vraiment atteint ces populations. Elles ne les ont pas soutenues comme il se doit et n'ont pas développé le genre d'accès aux services et aux soutiens dont les femmes autochtones ont besoin.
    Bien entendu, il y a des questions sous-jacentes liées aux droits de la personne. Je comprends qu'il faut une intervention spéciale du gouvernement, surtout, pour tenir compte de toutes les différentes populations qui sont touchées et de toutes les différentes réalités des gens, afin d'élaborer des réponses stratégiques solides qui tiennent compte de la nécessité d'adopter des mesures spéciales dans certaines circonstances, comme le dit la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il ne faut cependant pas oublier qu'il y a une vaste expérience en la matière et qu'il s'agit d'aborder la question. Toute loi d'application générale ou nationale doit tenir compte de nombreuses expériences différentes et les respecter.
(1145)
     Je suppose que d'autres témoins nous ont dit qu'il y a des défis. Comme vous venez de le dire, les services ne parviennent pas tout à fait à ces collectivités, alors quel est l'obstacle? Je me demande si vous pourriez également parler des problèmes qui existent entre les provinces et les territoires en ce qui concerne les questions intergouvernementales et la façon dont ces soutiens pourraient être fragmentés pour une personne victime de traite.
    Oui, il y a de véritables problèmes de service, mais aussi des problèmes d'ordre légal compte tenu de la structure juridique canadienne, les lois étant différentes selon le lieu où on habite. Il y a une injustice inhérente dans l'expérience des Canadiens lorsqu'il y a des cadres et des recours juridiques qui diffèrent d'une province à l'autre et d'une ville à l'autre. C'est un produit du colonialisme. Il s'agit d'une mosaïque de services et d'accès aux services, de zones de desserte et d'autres choses de ce genre, ce qui crée des lacunes. De plus, il y a des réactions disproportionnées ou inappropriées à l'égard des personnes qui déménagent ou qui ont simplement besoin de services réguliers et d'un niveau de service de base de la part de leur gouvernement.
    Ce qui se passe, c'est que certaines villes, certains endroits, ont plus de soutien que d'autres et moins de lacunes que d'autres régions du pays. C'est la raison pour laquelle j'étais si intéressée à obtenir des réponses ou des connaissances stratégiques d'autres parties du monde, car il y a des questions de compétence et des questions frontalières qui ont une incidence sur les programmes, les lois et les services au Canada.
    À mon avis, lorsque nous parlons de cadres nationaux ou fédéraux, nous devrions tenir compte du fait qu'il y a des causes profondes auxquelles il faut s'attaquer. Si nous sommes préoccupés par les vulnérabilités qui entraînent l'exploitation, nous devrions envisager des choses comme le revenu de base garanti, les services de santé de base, un régime national de soins dentaires, l'accès à l'éducation et à des choses qui faciliteront systématiquement l'accès aux soutiens, de sorte que les femmes ne seront pas dans une situation où elles n'auraient qu'une seule option: celle de se soumettre à l'exploitation, si cela préoccupe le Comité.
    Nous avons aussi besoin d'un cadre très solide en matière de droits de la personne qui respecte les lois et la jurisprudence relatives au droit de vendre des services sexuels.
    C'est une question tellement complexe, et j'ai apprécié ce que vous avez dit au sujet des droits fondamentaux de la personne, mais j'ai l'impression que beaucoup de Canadiens ne comprennent pas ce que les gens veulent dire en affirmant que les peuples autochtones doivent bénéficier des droits fondamentaux de la personne.
    Qu'est‑ce que cela signifie pour vous, madame Skye?
    Depuis un an, j'appuie le Conseil des chefs de la Confédération des Haudenosaunee, qui est la structure de gouvernance inaliénable du peuple haudenosaunee. Nous réfléchissons à nos lois, à nos récits sur la création et aux aspects qui nous distinguent, et nous examinons de quelle façon nos lois encadrent les structures de gouvernance.
    Le gouvernement fédéral nous a promis une relation de nation à nation, mais il a presque totalement fait fi de notre structure de gouvernance traditionnelle depuis l'époque où il commencé a élaboré des lois et des politiques.
    Nous cherchons à savoir comment appliquer les droits de la personne. Pour nous, cela veut dire vivre sous nos propres lois, en vertu des compétences qui sont les nôtres et selon nos propres pratiques culturelles. Sans ce genre de respect pour ce que les nations autochtones apportent au concert des nations, nous ne réglerons pas les problèmes de gouvernance, les structures et les problèmes systémiques qui sont source de vulnérabilité, de désunion et d'un manque de cohésion sociale dans les communautés autochtones.
    Certaines questions d'ordre philosophique, très générales, s'invitent dans le quotidien des gens quand des femmes autochtones sont privées de leurs droits fondamentaux et de leur dignité humaine. C'est particulièrement vrai dans mon cas, parce que je viens d'une culture matriarcale où nos mères de clan, qui sont les intendantes de notre territoire, se voient continuellement refuser la possibilité de jouir de nos lois et de notre système de gouvernance.
    Voilà le genre de droits de la personne dont nous parlons ici. Fondamentalement, nous n'avons pas réussi à faire inscrire ce type de véritable relation de nation à nation dans les politiques et les lois, et, tant que nous n'y serons pas parvenus, nous continuerons de voir des communautés autochtones qui n'ont pas la capacité de participer librement à notre société moderne, ou qui sont privées de cette possibilité.
(1150)
     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à une série de questions de cinq minutes. Nous avons M. Melillo, M. Battiste, Mme Bérubé, Mme Blaney, M. Schmale et Adam van Koeverden.
    Monsieur Eric Melillo, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui qui nous ont déjà donné beaucoup de matière à réflexion. Je sais à quel point tout le monde a fait preuve d'honnêteté et d'ouverture à propos de cette question aussi importante et délicate, et je devrais plutôt parler d'enjeux.
    Je vais commencer par vous, madame McGuire-Cyrette. Dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné le plan d'action pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Je représente la circonscription de Kenora, juste à côté de Thunder Bay, et je vais vous poser une question qui est malheureusement très personnelle pour beaucoup de gens de ma circonscription. Je n'ai pas les chiffres exacts sous les yeux, mais j'ai déjà dit à la Chambre et ailleurs que la moitié environ des cas recensés au cours des huit dernières années se trouvaient dans la seule région de Kenora. C'est une question très importante pour beaucoup de gens de ma circonscription.
    Si je ne m'abuse, vous avez dit qu'à votre avis, le plan d'action ne semblait pas donner suite à certaines recommandations clés. Je sais que vous avez été pressée par le temps et que vous n'avez pas été en mesure d'entrer dans les détails, alors si vous le pouvez maintenant, j'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
    Oui, tout à fait. Merci.
    Nous voulions que le plan d'action national traite de la sécurité des femmes autochtones. C'est vraiment ce dont nous parlons ici. Les investissements dans la sécurité des femmes autochtones au Canada sont très limités, voire inexistants.
    Quand on songe au lien entre la traite des personnes et les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, les données indiquent qu'il est très probable qu'un fort pourcentage des cas de personnes disparues soient des affaires de traite de personnes. Il y a des recoupements entre les enfants et les jeunes disparus et la protection de l'enfance, entre les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et la traite des personnes.
    Nous attendions de l'enquête nationale et du plan d'action national les données dont Courtney Skye a parlé, je crois... Il y a les rapports sur les homicides. D'après les rapports des coroners, par exemple, d'après leurs analyses et leurs recommandations, la moitié des cas étaient des cas de violence domestique. Ce qu'il est vraiment important de souligner, c'est que ces décès auraient pu être évités grâce à des services, à des programmes et à des plans de sécurité.
    Or, nous aimerions vraiment savoir comment telle femme est morte et aux mains de qui? Nous aimerions connaître cette partie des événements afin de pouvoir réclamer des politiques plus fortes pour que cela ne se reproduise pas. Il en va de même pour la traite des femmes et des filles autochtones dont les causes profondes remontent à la colonisation. Ici, au Canada, nous avons vendu des enfants autochtones. La vente d'Autochtones appartient à l'histoire de la colonisation, et elle s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui dans ce que nous appelons maintenant la traite des personnes.
    Cela fait partie du problème que nous examinons. Il y a deux grands éléments qui nécessitent un degré élevé de guérison. La guérison propre aux femmes autochtones est nécessaire parce que, comme Mme Smiley l'a dit, nous parlons de questions propres aux Autochtones. Si nous nous concentrons sur tout le monde, nous ne nous concentrons sur personne. S'agissant de questions qui touchent à la sécurité, comme la traite des personnes et les femmes disparues et assassinées, il faut savoir que l'expérience des femmes autochtones à cet égard est très unique et, par conséquent, que nous avons besoin de solutions uniques.
(1155)
    Merci beaucoup.
    Je vais revenir sur un sujet semblable. Dans vos échanges avec M. Powlowski, vous avez parlé des lacunes dans les transports dans le Nord. Nombre de communautés de ma circonscription sont éloignées et dépendent de Thunder Bay, de Sioux Lookout ou de Winnipeg. De nombreux Autochtones — de nombreuses femmes autochtones surtout et bien sûr — doivent partir pour recevoir des soins médicaux de base, pour trouver un emploi, pour aller à l'école et pour faire un certain nombre de choses. Évidemment, cela les rend plus vulnérables.
     Je ne sais pas combien de temps vous aurez pour répondre, mais j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet également.
     Oui. Merci.
    L'enquête nationale, les survivants, la route des larmes, Barbara Kentner — ici, à Thunder Bay —, nous enseignent qu'il n'est pas sécuritaire pour une femme autochtone de marcher seule. La sécurité fait défaut. Dans le cas des problèmes associés au transport et au réseau de Greyhound... Il n'existe pas de système de transport sécuritaire au Canada. Nous devons déterminer comment nous allons nous y prendre pour assurer la sécurité dans les transports. C'est un problème concret auquel nous pouvons nous attaquer. Dans le cas du district de Kenora, quel est le moyen de transport sécuritaire pour se rendre à des rendez-vous médicaux, par exemple, dans des grands centres, et pour en revenir? Il n'y en a pas et il est encore moins possible d'envisager de traverser le Canada.
    Il est tout simplement inacceptable de devoir faire de l'autostop ou d'être victime de traite pour se rendre à un rendez-vous médical. L'accès aux services de base est un droit de la personne. Nous avons besoin d'infrastructures. Le transport sécuritaire permettra de lutter contre la violence faite aux femmes autochtones.
    Merci beaucoup de votre réponse.
    Monsieur Battiste, vous avez cinq minutes.
    Je remercie les témoins de leur témoignage.
    Je viens de la réserve d'Eskasoni, une communauté micmaque d'environ 5 000 personnes.
    Loin de moi l'idée de généraliser parce qu'il existe effectivement des différences, mais nos dirigeants autochtones constatent actuellement qu'un grand nombre de traumatismes intergénérationnels font surface dans nos communautés à cause des pensionnats. Ces traumatismes sont souvent à l'origine de situations regrettables dans les foyers autochtones et il n'est pas rare que des membres des foyers touchés s'enfuient de chez eux. On considère très souvent que la toxicomanie est la principale cause de l'exploitation sexuelle.
    Je sais qu'il y a plus que cela, mais la toxicomanie n'est-elle pas trop souvent invoquée comme motif d'exploitation sexuelle? Parlez-moi un peu de la façon dont un revenu minimum garanti pourrait éloigner les gens de la drogue.
    Par ailleurs — parce que je sais que je n'aurai peut-être droit qu'à une seule question — pouvez-vous me dire quelles organisations autonomes de femmes il faut financer? Devrions-nous financer les organisations nationales de femmes? S'agirait‑il de financer les centres francophones ou de soutien en milieu rural? Là où j'habite, nous avons le Jane Paul Indigenous Women's Resource Centre, qui est établi en milieu urbain. Quelle serait la façon la plus efficace d'utiliser l'argent — les 2,2 milliards de dollars — consacré aux femmes autochtones disparues et assassinées?
    J'aimerais d'abord entendre Mme Smiley, puis Mme Skye, si vous le permettez.
(1200)
    Voilà un point important que vous soulevez au sujet des liens entre la toxicomanie et l'exploitation sexuelle. Beaucoup de femmes sont humiliées et blâmées dans ces deux cas de figure. La toxicomanie peut être un mécanisme d'adaptation. La toxicomane aura éventuellement commencé à fumer du crack à 10 ans, parce que c'était normal et qu'elle a grandi dans cette réalité. Quant au trafic de drogue, c'est le genre de chose qui arrive, c'est étroitement lié à l'exploitation sexuelle et il est vrai que certaines femmes se tournent vers la prostitution parce qu'elles sont prisonnières d'un cycle de dépendance. Il est également vrai — et je pense que Mme McGuire-Cyrette en a parlé plus tôt — que les proxénètes les droguent pour les apaiser, puis pour les rendre dépendantes à l'héroïne ou à d'autres drogues dures afin de mieux les contrôler et de faire en sorte qu'elles continuent de se prostituer.
    Les femmes sont blâmées et humiliées parce qu'elles se prostituent et elles sont blâmées et humiliées parce qu'elles sont toxicomanes. Il est là le lien.
    Du côté des services, il est certain que les services de réduction des méfaits ont leur place. Cependant, s'il est maintenant possible d'aller dans un centre d'injection supervisée et de pouvoir se piquer en 10 minutes, il faut attendre deux ou trois semaines pour être admis en désintoxication. Il est, je crois, extrêmement important que ces services soient disponibles pour que les gens aient ce dont ils ont besoin quand ils en ont besoin, et il faut des services réservés aux femmes. Nous avons entendu beaucoup de récits de femmes ciblées par des hommes durant leur séjour dans des centres de désintoxication ou de rétablissement, qui sont ensuite exploitées à des fins sexuelles à leur sortie.
    Pour ce qui est des organismes à financer, je suis convaincue que les organisations autonomes de femmes sont très importantes. Il est certes intéressant de faire partie d'une organisation plus grosse, essentiellement dominée par les hommes, mais les femmes y sont encore contrôlées d'une certaine façon. Elles ont moins la possibilité, par exemple, de parler d'enjeux comme #MeToo, comme le disait Cora McGuire-Cyrette.
    Il est vraiment important que ces organisations soient autonomes. On pourrait le faire à l'échelle nationale, régionale et provinciale. Je pense que beaucoup de femmes vraiment extraordinaires font un travail remarquable. Plus nous en compterons et plus nous pourrons avoir de discussions et pourrons trouver de solutions mieux adaptées.
    Merci.
    Monsieur Battiste, votre temps est écoulé, mais je sais que vous avez droit à une autre question, alors peut-être que Mme McGuire-Cyrette pourra vous répondre plus tard.
    Pour respecter l'ordre des questions, nous allons maintenant donner la parole à Mme Bérubé pour deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme McGuire‑Cyrette.
    Vous avez parlé plus tôt des relations en matière de protection de l'enfance. Savez-vous si des mesures ont été prises au sein des agences de protection de l'enfance pour resserrer les exigences afin d'éviter que les enfants autochtones pris en charge ne soient recrutés par l'industrie du sexe?

[Traduction]

     Cela est dû à une lacune actuelle dans la politique en matière de protection de l'enfance qui consiste habituellement à enquêter sur les parents et sur la mère en particulier. C'est donc une politique discriminatoire. Je ne pourrai pas trop vous parler aujourd'hui du fait que l'on ouvre systématiquement un dossier sur la mère, peu importe qui a maltraité l'enfant. Cependant, ici, en Ontario, nous avons récemment adopté une nouvelle loi qui vise à encadrer ces restrictions et à permettre d'inculper les auteurs de violences en vertu de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille.
    De telles dispositions sont importantes parce que la loi en place permet de protéger les victimes et d'inculper facilement les auteurs, après quoi le système de protection de l'enfance prend le relais. Ainsi, vous n'avez pas à vous fier à des enfants pour témoigner ni à passer devant un tribunal pour prouver qu'ils ont été victimes de violence.
    Nous avons ici l'occasion de nous pencher sur ce à quoi doit ressembler la réforme de la protection de l'enfance, et l'élément manquant dont on ne parle jamais vraiment, ce sont les mères, les parents et les pères, ainsi que le rôle qu'ils jouent. Nous parlons toujours de la compétence en matière de garde d'enfant, mais la vraie compétence, ce sont les parents qui l'ont en partant. Selon les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, nous devons commencer à réparer les torts causés.
    Le fait de mettre sur pied des programmes d'éducation parentale pour aider les parents à s'occuper de leurs enfants constitue un véritable élément de prévention, mais il ne fait aucun doute qu'au sein des systèmes, nous devons examiner où les services de la protection de l'enfance ont un rôle à jouer et une responsabilité à assumer. Mais il ne s'agit pas que de cela, car Il faut que les systèmes travaillent ensemble. Il faut que la police, les services d'aide à l'enfance et les services sociaux travaillent de concert pour assurer la sécurité de l'enfant.
(1205)
    Merci beaucoup.
    Madame Rachel Blaney, vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je reviens à vous, madame Skye. Dans votre exposé, vous avez parlé de l'importance des systèmes de gouvernance, et vous venez de nous donner une excellente réponse sur les droits de la personne et les liens avec d'autres aspects.
    Pourriez-vous nous parler des systèmes de gouvernance et de leur incidence sur la traite des personnes? Vous avez aussi parlé du trafic des enfants adoptés. Je me demande si vous ne pourriez pas nous parler des systèmes de gouvernance, de leur affaiblissement et de leur lien avec la traite des personnes de nos jours.
    C'est vraiment important parce que je pense que le Canada a vraiment manqué à son devoir et qu'il n'a pas adopté de politiques solides sur les nombreuses formes différentes de traite des personnes. Il est souvent arrivé que d'autres pays aient dû adopter des politiques en réaction au fait que le Canada n'avait pas de lois solides en matière de services, parce que des Canadiennes ont été retrouvées ailleurs dans le monde. Les organisations internationales ont commencé à avoir des politiques ou des programmes un peu plus élaborés.
    Madame Skye, pourriez-vous relever votre micro?
    Oui, merci.
    Il y a lieu de ne pas l'oublier et c'est la raison pour laquelle je me suis engagée auprès de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, c'est parce qu'on y examine les nombreuses formes de traite de personnes, qu'il s'agisse de personnes traversant les frontières à des fins terroristes ou d'enfants qui sont victimes de traite à des fins d'adoption. On pourrait assimiler le système de protection de l'enfance tel qu'il existe au Canada — un système en vertu duquel des enfants autochtones ont été adoptés par des familles non autochtones et arrachés à leurs communautés, car c'était la seule façon pour eux d'être placés dans ce que l'on considérait comme une famille appropriée — comme une forme de traite. Et puis, la traite des personnes et la traite des enfants ont eu des répercussions sur le Canada. Plus précisément, le Canada a administré pendant longtemps un programme appelé « home children », dans le cadre duquel des enfants ont été amenés d'Europe au Canada pour peupler le pays, et plus particulièrement les provinces de l'Ouest afin de renforcer la population canadienne, la population de colons. En fait, environ 12 % des Canadiens sont des descendants de personnes issues de ce programme.
    Nous devons réfléchir à ce que représentent ces éléments contextuels historiques, mais aussi à la façon dont leur héritage continue de donner forme aux politiques en place aujourd'hui, parce qu'il existe un lien direct entre les politiques et les lois élaborées par le Canada entre les années 1800 et les années 1920, qui étaient fondamentalement racistes et discriminatoires à l'égard des peuples autochtones, et l'héritage de l'Acte pour encourager la civilisation graduelle.
(1210)
     Merci beaucoup.
    M. Schmale. Êtes-vous prêts pour vos cinq minutes? Allez‑y, s'il vous plaît.
    Certainement. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'aujourd'hui. C'est une étude difficile et nous apprécions votre contribution.
    Je veux revenir plus en détail sur un thème dont vous avez parlé tout à l'heure. Je vais adresser ma première série de questions à Mme Skye et à Mme Smiley, si vous me le permettez. Je vais vous laisser décider qui va commencer.
    Une grande partie du débat que vous avez toutes les deux mentionné concernait le revenu minimum universel ou le revenu minimum garanti, ou peu importe l'appellation qu'on lui donne. À ma connaissance, l'Iran est le seul pays au monde à avoir un tel programme qui est alimenté par des subventions et par les subsides de la vente de pétrole et de gaz.
    L'une d'entre vous a‑t‑elle envisagé d'autres solutions possibles, comme l'activité économique et des possibilités dans les communautés, à la place de paiements directs?
    Je peux commencer par cela.
    Il est inapproprié de dire que le développement économique mène à la libération. Ce n'est pas le cas. Ce qui a le plus d'effet sur la mobilisation autour des changements durables ou systémiques, et dans l'instauration de tels changements pour les femmes et pour les gens en général, c'est la mobilisation sur le plan politique. Il est là le catalyseur du changement social, surtout dans les communautés autochtones.
    Faire de petits investissements, par exemple pour « enseigner aux gens à pêcher », ne règle en fait aucun des problèmes systémiques qui sont à l'origine de multiples obstacles empêchant les gens de travailler ou d'être autonomes. Nous parlons de grands changements systémiques et de la nécessité de faire place aux femmes, à la prise de décisions et à la gouvernance par les femmes, ainsi qu'au leadership des femmes. C'est cela qui permet un changement social durable et qui est garant de sécurité sociale. C'est ce qui permet de faire avancer les choses.
    Cela ne peut pas se limiter aux seuls investissements socioéconomiques. Il faut aller beaucoup plus loin. Sinon, il faudra se contenter de résoudre les petits problèmes à l'échelon de la famille ou d'un nombre limité de personnes qu'il sera possible d'inscrire à un programme offrant un petit nombre de services ou ne pouvant compter que sur un seul travailleur écartelé entre une multitude de clients.
    Sans des changements systémiques de grande envergure, nous ne serons pas en mesure de répondre aux besoins de la multitude, et c'est ce que nous essayons de faire ici. Nous essayons de donner suite à la nécessité d'aider et de soutenir tout le monde, raison pour laquelle il est vraiment important d'instaurer le revenu minimum garanti, par exemple, d'avoir un filet de sécurité. Nous sommes un pays très riche qui croit en la valeur de chaque personne. Chaque personne est précieuse et chaque personne a droit à la dignité, peu importe sa situation.
    Est‑ce que cela n'assurerait pas un maximum de chance pour tous? Cela ne serait‑il pas utile?
    On ne peut pas se contenter de voir les choses à partir d'aujourd'hui, car il faut les replacer dans leur contexte historique.
    Je vais vous donner un autre exemple qui concerne mon territoire. Notre nation a déjà eu des fonds — des investissements et des fonds indiens en fiducie — qui figurent dans le rapport de Yellowhead intitulé « Cash Back ». Notre communauté disposait d'environ 12 millions de dollars en 1840. Le gouvernement fédéral a réinvesti ces fonds dans une fiducie en notre nom. Les fiduciaires nommés par la Couronne ont dilapidé quelque 40 % de ce fonds en fiducie.
    Au début des années 1900, la quasi-totalité de ce fonds avait été dépensée dans des projets comme la construction d'Osgoode Hall, de l'hôtel de ville de Toronto ou de ponts et d'infrastructures divers. Cet argent n'est pas retourné dans notre communauté pour y être investi et assurer notre prospérité. Il a été exploité par la Couronne.
    De nombreuses générations d'Autochtones, qui n'ont pas été en mesure de contrôler leurs ressources financières, sont maintenant dans un état de pauvreté chronique parce que le Canada a utilisé notre argent pour bâtir des infrastructures qui servent la population des colons et qui ne profitent pas à la population autochtone.
    Il y a maintenant des gens qui vivent dans la pauvreté, qui n'ont pas pu participer à l'économie et qui n'ont jamais pu obtenir la prospérité économique qu'aurait dû produire toute la richesse générée au cours des dernières années, à l'ère industrielle. C'est pourquoi nous devons aller de l'avant et y réfléchir.
(1215)
    Je comprends. Le problème, c'est le gouvernement. Je crois que cette attitude selon laquelle Ottawa a toujours raison cause beaucoup de problèmes de ce genre. Je le comprends.
    Ce que je dis, c'est que si nous créons des possibilités pour tous et donnons à tous la capacité de gravir les échelons, peu importe où ils se trouvent et d'où ils viennent, nous constituerons une base qui permettra à tous de progresser. C'est un peu la cause de la pauvreté — le fait que, pour certaines de ces communautés, ce soit « Ottawa qui a toujours raison » —, mais nous voulons faire en sorte qu'il y ait des chances égales pour tous et que ces possibilités existent.
     Cela vous amène au terme du temps qui vous était alloué, mais peut-être pourrez-vous revenir là‑dessus, parce que nous aurons d'autres occasions de le faire.
    Monsieur Adam van Koeverden, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens vraiment à remercier nos témoins aujourd'hui de leurs témoignages extraordinaires, mais aussi de leur travail, de leurs recherches, des extraordinaires services rendus à la communauté et de leurs fabuleux efforts de défense des droits. Oui, extraordinaires.
    J'avais une question au sujet des données désagrégées, mais avant d'en arriver à cela, je me dois de souligner ou du moins d'aborder certains des commentaires fallacieux concernant le revenu minimum universel que mon honorable collègue vient de faire valoir. L'Iran n'est pas le seul pays au monde à avoir un revenu minimum universel. Des pays comme l'Espagne, la France et le Brésil en ont un, tout comme l'Alaska. Le fonds permanent de l'Alaska a permis d'éradiquer presque entièrement l'extrême pauvreté qui régnait dans cet État, et des déclinaisons du revenu minimum universel se sont révélées extrêmement efficaces partout dans le monde pour faire exactement ce que nos témoins ont souligné aujourd'hui. Au nom du Comité, je m'excuse de cette déclaration trompeuse, car ce n'est pas du tout vrai.
    Ma question va porter sur les données désagrégées et du fait que le Caucus des parlementaires noirs s'est engagé à recueillir plus de données désagrégées. Cela n'a peut-être pas grand-chose à voir avec nos affaires autochtones et du Nord, mais je pense que c'est lié à notre capacité de prendre des décisions. Nous ne pouvons pas vraiment changer ce que nous ne mesurons pas.
    Je veux maintenant savoir si l'un ou l'autre des témoins — peut-être Mme Skye, parce que je crois que c'est elle qui en a parlé en premier — pourrait dire au Comité ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas en ce qui concerne la collecte de données désagrégées, de données précises, et nous donner des conseils sur la façon dont notre gouvernement et d'autres gouvernements au Canada pourraient améliorer la collecte et l'utilisation de ces données pour régler certains de ces problèmes très délicats.
    S'il y a une chose en laquelle je crois, c'est qu'il faut élaborer des politiques solides à partir de données fiables. Il est essentiel de connaître les populations avec lesquelles vous travaillez. J'abonde dans le même sens que certains de mes collègues. Dans mon travail auprès des femmes autochtones et des personnes ayant été victimes de violence, j'ai constaté que toutes veulent avoir l'assurance que nous allons mettre fin à la violence et que les femmes seront effectivement plus en sécurité. Toutefois, si nous n'avons pas les données pour le prouver, nous ne respecterons pas l'engagement que les femmes et les communautés veulent et attendent de leurs dirigeants. Nous devons pouvoir le prouver.
    Je pense qu'il est vraiment important d'examiner et de remettre en question la façon dont les données sont recueillies et rapportées, parce que, surtout avec le travail de l'enquête nationale, nous avons constaté qu'il existe une myriade de lacunes sur le plan de l'information. Cela étant, nous ne sommes pas en mesure de savoir si une personne est Inuite, si elle est Métisse, si ses données ont été recueillies ou non, si sa nationalité a été correctement consignée, si l'identité des Autochtones pouvant passer pour des Blancs ou au contraire pour des Noirs fait ou non l'objet d'une évaluation appropriée; et si des tentatives ont été faites pour corriger tout défaut d'information au sujet de l'identité des gens, surtout pour des choses comme la transmission du statut d'Indien par le père seulement.
    Dans une nation comme la mienne qui est matriarcale, nous disons que la carte de statut dit une chose, mais que notre vraie identité est différente parce que la façon dont le gouvernement fédéral administre le statut d'Indien est complètement patriarcale et qu'elle n'inclut pas les descendants matrilinéaires. Je suis inscrite sous mon grand-père paternel, par opposition à ma grand-mère maternelle, contrairement à ce que veut ma culture.
    Il y a aussi la question de savoir si nous faisons le travail pour respecter les gens et leur genre, et si nous faisons le travail pour identifier les personnes trans et leur genre véritable, ce qui est noyé sous de nombreuses formes. Nous avons contesté cela à l'égard de certaines données de Statistique Canada et des données déclarées par la police sur les victimes. Ces services n'ont pas la confirmation que l'identité de genre d'une personne a été saisie avec exactitude et que les femmes trans ont été évaluées et comptabilisées avec exactitude.
    Il faut s'attaquer à tous ces problèmes, mais il faut d'abord énoncer des attentes uniformes, surtout en ce qui concerne la façon dont la police déclare les données, ainsi que des normes et des règlements sur la façon dont elle évalue et oriente la façon de recueillir ces données.
(1220)
    Merci, madame Skye.
    Qui voudrait me parler brièvement de la question du revenu minimum universel?
     Je comprends ce que vous dites au sujet du succès de ce programme dans d'autres pays. Je sais qu'il y a eu des études et des expériences sur le revenu minimum universel au Manitoba. Il y en a eu récemment aux États-Unis.
    S'agissant de la maximisation des possibilités économiques, cela me rappelle les propos d'un homme qui parlait de la prostitution, du fait que les femmes autochtones devraient maximiser leurs possibilités économiques en vendant leur corps. C'est à cela qu'on en arrive si l'on dit que tout le monde devrait pouvoir faire le plus d'argent possible. Si nous examinons la question sous un angle très étroit, cela ne reflète tout simplement pas notre réalité.
    D'une façon ou d'une autre, ce sont les femmes qui finissent par en payer le prix, de sorte que le revenu minimum universel est vraiment un moyen de remédier à cette inégalité. Et puis, le revenu minimum universel serait un moyen d'atténuer l'écart salarial entre les hommes et les femmes qui existe encore.
    Merci beaucoup.
    Il est bientôt 13 heures et je tiens à dire à nos témoins d'aujourd'hui à quel point je suis fier que le Comité ait travaillé fort sur les questions qui sont soulevées au nom des personnes touchées par ces enjeux. Il est payant que les membres du Comité posent des questions et que les témoins donnent des réponses.
    Je mets les députés en garde contre toute velléité d'échanges entre les membres du Comité, car nous ne devons pas oublier que nous sommes là pour écouter attentivement les témoignages de gens venus à notre rencontre, et pour recueillir leurs réponses, avant de passer aux recommandations.
    Cela étant posé, c'est maintenant au tour de M. Viersen, pour une intervention de cinq minutes.
    Monsieur Viersen, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre avertissement que je comprends.
    Je vais revenir à Mme Smiley.
    Je vous remercie de votre témoignage, madame. Vous avez notamment parlé de la défense de notre projet de loi actuel sur la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation ou LPCPVE. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Il est absolument nécessaire que nous conservions cette loi. Nous pouvons la conserver et essayer de l'améliorer. Bien sûr, il y a beaucoup de place à l'amélioration, mais le message fondamental que le projet de loi envoie, c'est qu'il n'est pas acceptable que des hommes achètent des services sexuels de femmes.
    Je suis respectueusement en désaccord avec mon amie Courtney. Il n'y a pas plus de droit de vendre du sexe que d'en acheter. Ce n'est pas un droit humain fondamental.
    Si nous éliminons ce projet de loi sur la LPPCE, nous ouvrirons la porte aux trafiquants, aux proxénètes et aux propriétaires de bordel. Ils viendront s'établir chez nous. Si vous ne ciblez pas la demande d'actes sexuels rémunérés, vous n'obtiendrez pas de grands résultats, parce qu'il y aura toujours des femmes dans les situations que l'on connaît, qui seront assez pauvres et désespérées et qui n'auront que très peu de choix pour s'en sortir. On parle souvent d'aller à la rencontre des femmes là où elles sont, ce qui est fantastique, mais nous devons aller les rencontrer là où elles sont effectivement et ne pas les laisser là. C'est la deuxième partie.
    Le projet de loi sur la LPCPVE est extrêmement important pour transmettre ce message. Une femme peut toujours dire qu'elle aime tailler des pipes, mais à part cela, nul homme n'a le droit de s'attendre à avoir des relations sexuelles avec une femme ou une fille sur demande. Il n'en a pas le droit simplement parce qu'il a la capacité financière de payer cet acte.
    Il est vraiment important de commencer par là. Nous pouvons aller de l'avant et travailler avec les femmes, bien sûr, là où elles en sont. C'est aussi pourquoi il est si important d'avoir une compréhension féministe du phénomène. Si nous prenons le cas des femmes battues, par exemple, il arrive souvent que les femmes quittent leur partenaire pour revenir, puis qu'elles le quittent encore et reviennent ensuite. Je pense à ces femmes qui aboutissent à l'hôpital la gorge tranchée par leur mari et qui disent: « Je ne veux pas qu'il ait des ennuis. Il m'aime vraiment. »
    Comment comprendre ce genre de sentiments insensés? Si nous avons une compréhension féministe de la violence masculine et de ses répercussions sur les femmes, tant sur le plan matériel que sur le plan psychologique dans les messages que nous recevons jour après jour, il est très important d'examiner la cause profonde du mal. La cause fondamentale de la traite des personnes à des fins sexuelles est la demande des hommes pour des actes sexuels rémunérés. Nous devons donc commencer par là et nous assurer de cibler cet aspect, parce que les hommes s'en fichent. Ils se fichent que les femmes soient victimes de la traite ou non, que ce soient des mineures ou pas, qu'elles aiment ou pas ce qu'elles font. Ce n'est pas leur problème, il faut donc vraiment commencer par là.
(1225)
     Je sais que la victime moyenne de la traite des personnes rapporte environ 320 000 $ par année. Il y a beaucoup d'argent dans le monde de la traite des personnes à des fins sexuelles. Comment expurger l'argent du système? Comment mettre fin à cette demande? C'est la grande question.
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    C'est une grande question. Je pense qu'il y a beaucoup d'éléments variables, mais nous ne pouvons absolument pas légaliser et avaliser cette industrie. Nous n'expurgerons pas l'industrie de sa dimension mercantile si nous décidons de légaliser la prostitution et de la décriminaliser complètement en permettant des bordels partout, comme en Nouvelle-Zélande. Le crime organisé est très présent dans cette industrie, et c'est maintenant un peu plus facile pour lui. Les proxénètes ont les coudées plus franches. Ce sont des hommes d'affaires. Ce ne sont plus de simples maquereaux. Ce sont des propriétaires de bordel. Ils sont membres d'associations de gens d'affaires comme d'autres entreprises. Il est devenu beaucoup plus facile pour eux de fonctionner et de déplacer cet argent.
    Le projet de loi sur la LPCPVE était fondé sur...
    Je suis désolé, monsieur Viersen. Nous en sommes à cinq minutes.
    Il y aura d'autres occasions à venir. C'est une conversation tellement importante, et j'aimerais que nous puissions continuer longtemps, mais nous allons suivre notre ordre du jour.
    Monsieur Jaime Battiste, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    J'entends clairement dire que la décriminalisation de la prostitution ne fait pas partie de la solution. Que pensez-vous de la décriminalisation des infractions liées aux drogues et du fait de traiter la toxicomanie comme un problème de santé et non comme un problème criminel? Qu'en pensez-vous? Pouvez-vous me dire si cela fait partie de la solution?
    N'importe qui peut intervenir, s'il vous plaît.
    Je suis tout à fait d'accord pour décriminaliser et traiter la toxicomanie comme un problème de santé. C'est absolument nécessaire. Je pense aussi que si nous comprenons que les gens sont exploités parce qu'ils sont vulnérables de nos systèmes et nos structures, alors nous devons nous tourner vers ces systèmes et ces structures et comprendre ce qui les rend vulnérables. Pour en revenir au mémoire de l'ONWA sur le besoin de logements, la nécessité d'une stabilité économique et la nécessité d'avoir un bon accès aux services de soins de santé, surtout pour s'attaquer aux problèmes de drogue, tout cela doit être prioritaire. Nous parlons d'un changement systémique.
    Je comprends ce que vous dites au sujet de la nécessité de répondre aux besoins des toxicomanes avec dignité et respect, de leur accorder la priorité et de les considérer comme des personnes qui représentent une valeur dans nos communautés, peu importe qu'elles consomment ou pas, et qu'elles choisissent de consommer ou pas différents types de drogues qui créent une plus grande dépendance.
    Quelqu'un d'autre veut‑il intervenir? Sinon, j'ai une autre question.
    À propos de consommation de drogues et de la toxicomanie, nous préconisons souvent de reprendre le modèle nordique de politique sur la prostitution. Celui‑ci comporte trois volets. On décriminalise ceux qui se prostituent et on criminalise les clients de services sexuels et les proxénètes. On mène des campagnes de sensibilisation publiques, et puis on offre de solides services sociaux pour soutenir les gens et les collectivités.
    Nous pourrions aussi, d'une certaine façon, appliquer cela aux drogues. Vous avez une population qui souffre de toutes sortes de maux. Il y a toutes sortes de problèmes qui rendent certaines personnes plus vulnérables à la dépendance. Il y a aussi les trafiquants de drogue qui exploitent cette vulnérabilité à des fins lucratives.
    Je crois vraiment que les gens ne devraient pas être criminalisés du tout pour la consommation de drogue. Je ne pense pas que ce soit un crime. Je pense que c'est une réponse à nos conditions de vie et aux oppressions auxquelles nous sommes confrontés. Il y a une différence, encore une fois, entre les toxicomanes actifs et ceux qui exploitent et profitent des vulnérabilités de ces personnes.
(1230)
    D'accord.
    Enfin, nous avons prévu 2,2 milliards de dollars dans le plan d'action national pour mettre fin au racisme systémique et à la violence faite aux femmes. Quelles organisations devons-nous financer pour aider les femmes qui sont actuellement vulnérables? Rapidement, dites-moi ce que serait la façon la plus efficace d'utiliser cet argent?
     Je peux répondre si cela vous convient.
    Nous ne devons pas nous limiter aux organisations autochtones nationales. Je sais que cela a déjà été dit, mais je veux en parler. Nous devons faire en sorte que l'argent aboutisse dans les communautés qui sont en mesure de faire le meilleur travail. La majorité des organisations autochtones autonomes ne sont liées à aucune organisation autochtone nationale. Les organisations qui ont le mandat de faire un travail axé sur les femmes autochtones doivent appliquer une approche équilibrée.
    Quel est le mandat de chaque organisme? Quelles sont leurs priorités? On assiste à des dérives de mission. Nous devons envisager de financer les organisations qui font le travail, en grande partie sans financement et sans bénéficier d'une reconnaissance, depuis des générations. C'est de là que doit venir cette approche globale. Jusqu'à maintenant, les organismes autonomes de femmes autochtones n'ont pas reçu de financement, et ils doivent être inclus dans ce modèle de financement.
    Je veux juste savoir si je vous ai bien entendue. Répondez-moi simplement par un signe du pouce vers le haut ou vers le bas. Je vous vois à l'écran. Voulez-vous dire que nous devons financer les organisations locales et régionales et non les organisations nationales? Ai‑je bien entendu?
    Je pense que vous devez financer les deux groupes. Vous ne pouvez pas financer un seul modèle parce que vous oubliez alors un large éventail d'organisations autochtones urbaines qui font déjà ce travail, sans toutefois être rattachées au réseau national.
    Je vous remercie beaucoup.
    Chers collègues, mesdames les témoins, nous essayons d'établir la connexion avec Mme Chris Stark. Si nous réussissons, nous terminerons cette ronde de questions. Nous entendrons ensuite le témoignage de Mme Stark et nous verrons combien il nous reste de temps.
    D'ici là, vous avez la parole, madame Bérubé. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Plus tôt, nous avons parlé des programmes et des services qu'on peut offrir aux enfants qui ont été pris en charge après avoir subi de l'exploitation, après avoir été victimes de traite.
    Pourriez-vous nous dire quels soins et quels services devraient être fournis à ces enfants qui ont été perturbés?

[Traduction]

    Est‑ce à moi que vous vous adressez? D'accord, je peux intervenir.
    Nous devons adopter une approche holistique qui englobe la famille et les parents et qui leur permet de guérir ensemble, surtout quand les enfants ont été victimes d'exploitation sexuelle. C'est là que la culture joue un rôle, ainsi qu'une approche à double vision, ce qui signifie que nous combinons les services et les pratiques classiques et la culture autochtone. Nous devons nous assurer que l'enfant reçoit tout ce dont il a besoin— pas seulement pour l'enfant, mais pour toute la famille.
    Si nous ne traitons pas le traumatisme durant l'enfance, il persistera jusqu'à l'âge adulte et risque de conduire à des problèmes de santé mentale et des dépendances. Il est nécessaire d'adopter cette approche holistique de guérison de la cellule familiale après cette épreuve. Nous devons mettre en place des modèles de traitement de jour afin que la famille ne soit pas obligée d'abandonner les enfants pour se prévaloir de services de traitement des dépendances. Nous devons soigner la famille dans son ensemble.
(1235)

[Français]

    Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est des enfants qui disparaissent et sont victimes de la traite des personnes? Y en a-t-il eu davantage au cours des dernières années, ou depuis la pandémie? Avez-vous des statistiques là-dessus?

[Traduction]

    Oui, il existe des statistiques qui indiquent une augmentation de la demande à cet égard. C'est vraiment ce que nous examinons. Il faut réduire cette demande. En Ontario, nous avons enfin commencé à mettre en place des stratégies de lutte contre la traite de personnes afin de sévir contre cette pratique. Nous devons mettre ces lois en œuvre.
    Nos statistiques ont clairement démontré... Cette année, je crois qu'il y a eu une augmentation de 37 % du nombre de femmes qui en sont sorties depuis 2020. La demande ne cesse d'augmenter, surtout en ce qui concerne l'accès à Internet, les applications de services sexuels, la pornographie. Tout cela ne fait qu'augmenter. Nous avons tendance à être réactifs face à ces problèmes. Nous devons être plus proactifs. Nous devons commencer à fermer... Les services de police doivent vraiment être équipés pour lutter contre la cyberexploitation des enfants afin de la prévenir.
    Nous devons adopter une approche holistique et systémique pour venir à bout de ce problème.
    Je vous remercie.
    Madame Blaney, nous vous écoutons.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Skye, j'ai vraiment du mal à comprendre cette différence dont ont parlé plusieurs témoins ces derniers jours. Certains nous ont dit qu'il existe une différence entre le travail du sexe et la traite des personnes.
    Si on ajoute à cela le passé colonial du Canada et ses répercussions sur les peuples autochtones, que devons-nous faire pour favoriser une intervention équilibrée? Nous entendons les deux versions. Comment ces deux facettes se rejoignent-elles, ou comment travaillez-vous simultanément avec ces deux approches?
    Je pense que c'est un point très important. C'est un gros défi, parce qu'il y a des personnes différentes qui ont chacune leur propre expérience et il y a aussi plusieurs groupes et organisations de défense des droits qui cherchent à trouver la meilleure façon d'aider les femmes.
    Il est important de reconnaître cela, compte tenu de la dichotomie émergente entre les types de services auxquels les gens souhaitent avoir accès. On constate une stigmatisation croissante à l'égard de certaines organisations de femmes et certains réseaux de soutien qui ne sont pas nécessairement accessibles aux travailleuses du sexe qui souhaitent que leur travail fasse l'objet d'une surveillance et d'une réglementation.
    Si nous regardons les approches stratégiques et la réglementation susceptibles d'être utilisées à l'égard d'endroits ou d'entreprises soupçonnés de se livrer à des activités de traite ou d'exploitation — qu'il s'agisse de salon de massage, de clubs de strip-tease ou d'autres endroits légaux assujettis aux règlements municipaux partout au Canada —, nous voulons qu'ils fassent l'objet d'une réglementation rigoureuse, nous voulons que les travailleuses du sexe soient considérées comme des travailleuses et nous voulons nous assurer que leurs droits soient respectés et que ces femmes aient accès aux services de soutien offerts à l'ensemble des travailleurs, sans être stigmatisées. Il devrait y avoir des façons de mettre en place et d'offrir des services sans obstacle et, si nous sommes vraiment intéressés à soutenir les femmes qui vivent cette expérience, nous devons leur offrir les autres soutiens et services dont elles ont besoin, tout en évitant aux autres femmes qui s'engagent dans le travail du sexe d'être en danger.
    Nous voulons un revenu de base, des services accessibles et une augmentation du nombre de refuges à la grandeur du pays. Actuellement, plus de 600 Premières Nations n'ont pas accès à un refuge pour femmes et leurs communautés n'en comptent aucun. Ce ne sont là que quelques-unes des solutions qu'il faut mettre en balance avec le jugement moral qui fait surface chaque fois que nous discutons de ce sujet.
(1240)
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur le greffier, avant de poursuivre, avons-nous réussi à joindre notre autre témoin?
    Oui, elle est en contact avec notre service de TI. Nous essayons de nous connecter avec elle. Cela pourrait prendre quelques minutes, je vous suggère de poursuivre la ronde de questions.
    Très bien.
    Monsieur Viersen, c'est à vous. Vous avez cinq minutes.
    Je vais céder mon temps de parole à M. Vidal.
    Monsieur Vidal, nous vous écoutons.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Mardi dernier, nous avons entendu le grand chef Settee du Manitoba. Il a parlé de certains écarts de pourcentage entre le Nord et le Sud du Manitoba.
    Je représente une circonscription située dans la moitié nord de la Saskatchewan qui compte de nombreuses communautés rurales isolées.
    Je m'adresse à vous trois. Je suis curieux de voir si vous confirmerez ce que le grand chef nous a dit au sujet des pourcentages qui sont beaucoup plus élevés chez les personnes des communautés nordiques ou éloignées que dans les collectivités du Sud. Êtes-vous d'accord avec cela?
    Je ne connais pas les chiffres exacts. De plus, je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure façon d'examiner la situation. Je pense que les gens des communautés éloignées se heurtent à des obstacles particuliers, différents de ceux des résidants des centres urbains.
    En ce qui concerne les pourcentages, cela dépend. Nous devons nous demander si les gens sont capables de signaler les cas ou non. Cela va avoir une incidence sur les pourcentages. Je ne sais pas si c'est pire ou mieux dans un endroit qu'à un autre, mais je ne crois pas que ce soit la meilleure façon d'examiner la situation. Je pense que c'est un problème. De toute évidence, beaucoup de cas ne sont pas signalés, et certaines femmes ne diront jamais ce qu'elles ont subi.
    Je pense qu'il faut davantage se concentrer sur les obstacles particuliers auxquels se heurtent les communautés éloignées au lieu d'essayer de quantifier pour savoir où la situation est pire ou meilleure.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais je veux vous expliquer où je veux en venir. Je vais laisser les autres témoins intervenir.
    La raison pour laquelle je me concentre davantage sur les communautés nordiques et éloignées... c'est parce que le grand chef a également parlé des points d'intervention critique, autrement dit de la possibilité d'intervenir à des moments opportuns, en tant que mesure préventive. C'est en gros ce que j'essayais de dire.
    Est‑ce que l'une ou l'autre souhaite revenir sur cette idée des points d'intervention critique et des leçons que nous pourrions en tirer pour mettre en place un programme de prévention à long terme, sans nécessairement parler de pourcentage? Je n'avais pas l'intention de faire des comparaisons. Je voulais parler plutôt de ces points d'intervention.
    Je suis d'accord. C'est une très bonne question.
    Nous constatons qu'il y a certainement des réalités nordiques distinctes qui nécessitent des interventions différentes. Je suis d'accord. Nous voyons et entendons dire que l'exploitation sexuelle cible de très jeunes enfants et nous ne faisons rien contre cela dans nos communautés.
    La violence sexuelle est un comportement appris de la colonisation. Quand nous voyons les taux élevés de suicide et quand nous voyons que les victimes d'agression sexuelle ne se sentent pas en sécurité de dénoncer, de peur d'être accusées de l'avoir cherché, comment pouvons-nous nous attaquer à la violence sexuelle dans nos communautés des Premières Nations? Nous devons commencer là. Pour éradiquer la cause profonde du problème et intervenir tôt, nous avons besoin de services pour les enfants qui sont agressés très jeunes à la maison, dans ces communautés. C'est une facette du problème. Nous constatons une énorme lacune. Plus tard dans leur vie, les personnes qui ont été sexualisées durant leur enfance risquent d'être victimes de traite.
    Permettez-moi de revenir là‑dessus parce que vous m'avez amené sur un autre chemin au sujet duquel je voulais vous poser des questions. Vous dites que de très jeunes enfants sont exploités. Le projet de loi C‑92 vise à permettre aux communautés des Premières Nations de prendre en charge leurs propres services à l'enfance et à la famille. Je ne vous apprends rien, j'en suis certain.
    Pouvez-vous nous dire quel avantage cela représente pour les enfants de pouvoir être pris en charge par leur propre communauté et de recevoir une éducation adaptée à leur culture et quelle en seront les répercussions à long terme? Quel avantage cette mesure apporte‑t‑elle en matière de prévention à long terme?
(1245)
    Oui, ce projet de loi ne va malheureusement pas assez loin, parce qu'il ne tient pas compte des parents et des mères. Je le répète, les programmes les plus réussis que nous avons vus sont ceux où nous sommes en mesure d'aider la maman à être une bonne mère, le papa à être un bon père et la grand-maman à être une grand-mère. Tant que nous ne ferons pas participer les parents à cette discussion, nous n'avancerons pas.
    Il n'y a pas eu de guérison du tout. Tant que nous continuons à penser que les services de protection de l'enfance sont la seule option, nous n'apportons pas le changement qui s'impose. Il y a encore un gros travail de guérison à faire et nous devons faire participer les parents au processus. Nous devons les aider dans leur cheminement vers la guérison. Nous devons les soutenir. Nous devons vraiment revoir nos approches actuelles.
    Je vous remercie.
    Monsieur Battiste, vous avez cinq minutes.
    Merci à toutes pour vos témoignages.
    Une partie du travail du Comité consiste à faire des recommandations au gouvernement pour trouver une solution à ce problème. Quelles sont les mesures de soutien actuellement offertes aux femmes qui tentent de se sortir de la traite de personnes ou de l'exploitation sexuelle? Que fait‑on pour aider ces femmes à faire la transition? Quels sont les programmes qui donnent de bons résultats? Avez-vous des idées à recommander au Comité quant à ce que nous pouvons faire? Quelles sont les grandes priorités?
    Je peux répondre, si vous le permettez.
    Nous avons mis en place l'un des premiers projets pilotes. Le nôtre s'appelle « Courage for Change ». Nous l'avons d'abord lancé localement, à Thunder Bay. Nous l'avons ensuite étendu à toute la province afin d'obtenir les soutiens offerts sur le terrain pour les survivantes de la traite de personnes.
    C'est l'une des choses essentielles qui manquent. Notre programme se démarque des autres parce qu'il a été mis au point par des survivantes qui ont participé à notre rapport de mobilisation. Elles nous ont dit qu'elles avaient besoin d'un soutien sur le terrain. Nous avons fait de nombreuses campagnes d'éducation et de sensibilisation sur cette question. Nous devons poser des actions concrètes. Notre service de soins spécialisés axés sur les traumatismes a été essentiel et a permis à plus de 200 femmes de se sortir de cette spirale en toute sécurité. Depuis que nous avons étendu notre programme à toute la province, nous avons pu être sur place pour aider les femmes de toute la province à faire la transition de manière sécuritaire. Nous savons que la violence n'a pas de frontière et se produit partout.
    Est‑ce qu'une autre d'entre vous souhaite intervenir?
    J'ai regardé votre séance de mardi, et je sais qu'il se fait de l'excellent travail au Manitoba, à l'échelle de la province, dans le cadre de différents programmes. Il existe une mosaïque de programmes partout au pays, mais nous avons besoin d'une approche plus large et plus holistique.
    Ce qui pose un énorme problème, selon moi, c'est que le financement est en grande partie axé sur des projets. Pour une femme ou une fille, le chemin vers la guérison peut durer toute la vie. Ce n'est pas comme si elle participait à un programme et qu'au bout d'un an elle allait bien, qu'elle était rétablie et qu'elle pouvait reprendre sa vie. Il se peut que ce soit le cas, mais il se peut aussi que ce ne le soit pas. D'une certaine façon, nous imposons des délais quasi bureaucratiques aux femmes pour faire leur guérison. Nous devons vraiment nous pencher sur ce problème.
    Comme l'a dit ma collègue, Mme McGuire-Cyrette, il faut mettre en place des mesures de soutien sur le terrain, des soutiens d'urgence. Par la suite, il faut penser au logement, qui est très important, pour avoir une base à partir de laquelle travailler. Il y a aussi l'emploi et l'éducation. Je sais qu'il a été question, mardi, de stages pour les femmes victimes d'exploitation sexuelle.
    Ce sont là ces mesures qui doivent être prises, tout en tenant compte du choc émotionnel permanent que vivent ces femmes. Ce choc peut se manifester six mois plus tard, 10 ans plus tard. Je connais des femmes qui, 10 ans après en être sorties, se sont suicidées à cause de ce traumatisme. Il ne disparaît pas comme par magie. La meilleure chose à faire, c'est d'investir dans les femmes et les filles autochtones.
(1250)
    Madame Skye, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Si nous parlons de fournir des services aux jeunes, il est important de ne pas les offrir par le biais des organismes de protection de l'enfance.
    Je vous signale que les services à l'enfance et à la famille de Peel, en Ontario, sont un centre d'excellence en matière de lutte contre la traite de personnes. Par ailleurs, le service de police régional de Peel a indiqué qu'au cours de l'année suivant l'adoption de la loi ontarienne sur la traite des personnes, toutes les jeunes victimes de traite avaient été des clientes des services à l'enfance et à la famille de Peel. Il y a une grave lacune dans les services de protection de l'enfance, dans leur incapacité à soutenir les enfants; si nous leur demandons ensuite de s'occuper de jeunes qui n'ont pas été capables d'avoir accès à ces services [Difficultés techniques].
    Il existe des organismes communautaires en dehors du réseau des services de protection de l'enfance qui sont sans doute mieux placés pour offrir des services aux jeunes et qui jouissent de plus de crédibilité au sein de la communauté.
    Je vous remercie.
    Chers membres du Comité et mesdames les témoins, je vous annonce que Mme Stark est profondément désolée pour les problèmes techniques qui l'empêchent de se connecter. Le problème est apparemment causé par des travaux d'excavation et son service Internet n'est pas disponible. Elle tenait vraiment à être des nôtres aujourd'hui.
    Comme nous n'aurons pas le temps de faire un autre tour de questions, je demande à chacune d'entre vous de nous dire quelles mesures vous souhaitez voir mises en place. Je vous demande d'être brèves, car il est bientôt 13 heures.
    Par vos témoignages, vous ne nous avez pas seulement informés, vous nous avez enrichis. Tous mes collègues du Comité sont vraiment touchés par le travail, les efforts et l'énergie que vous déployez pour régler ces nombreux problèmes complexes et personnels, comme vous le faites. Nous espérons pouvoir répondre à vos attentes dans le rapport que nous rédigerons avec notre personnel et nos analystes.
    J'invite Mme McGuire-Cyrette, Mme Skye et Mme Smiley à conclure leur témoignage en nous disant ce qu'elles attendent de nous.
    Madame McGuire-Cyrette, voulez-vous commencer?
    Oui, je vous remercie.
    Il est absolument nécessaire d'investir dans la sécurité des femmes, en particulier des femmes autochtones. Nous avons clairement besoin de les protéger, mais aussi de les aider à guérir. Ce sont des approches qui fonctionnent. Mme Skye vous a dit que la violence à l'égard des femmes non autochtones avait diminué, cela est le résultat direct de l'investissement qui a été fait dans la sécurité et la guérison des femmes non autochtones.
    Nous demandons la même chose. Nous avons vraiment besoin de mesures concrètes, et celles‑ci doivent venir de la communauté et des paliers supérieurs, afin que nous puissions aborder le problème ensemble. Nous avons formulé des recommandations clés que vous pourrez intégrer à votre rapport. Ce pourrait être le premier pas vers la solution de ce problème.
    Je tiens à vous remercier d'avoir accepté de nous écouter aujourd'hui. Nous sommes très heureuses de vous aider, et nous espérons poursuivre cette discussion. Nous vous recommandons de lire les rapports que nous avons produits afin de mieux comprendre ce que nous avons appris ici en Ontario.
    Meegwetch.
    Merci beaucoup.
    Courtney Skye, pouvez-vous nous faire part de vos dernières observations?.
    Oui, je vous remercie. Je tiens également à remercier les membres du Comité d'avoir organisé cette réunion aujourd'hui et de m'avoir invitée à y participer.
    Je pense qu'il est très important... Je sais que le gouvernement fédéral s'est engagé à bonifier le plan d'action national présenté il y a quelques semaines en réponse au rapport d'enquête. Ce devrait être une priorité absolue. Le plan d'action national comporte d'énormes lacunes. En effet, il est difficile d'y trouver une mesure de référence afin que nous sachions si nous avons une incidence sur les programmes et les services mis en place à l'intention des femmes autochtones, notamment pour les victimes d'exploitation sexuelle ou de traite.
    Je pense qu'il est nécessaire de faire une analyse plus approfondie des mesures mises de l'avant parce qu'elles ne vont pas assez loin et ne corrigent pas les échecs du Canada à participer pleinement aux mécanismes internationaux liés aux droits de la personne. Je pense qu'il y a un grand potentiel et qu'il y a beaucoup de travail à faire à cet égard, mais je pense également qu'il est important de se rappeler que les femmes autochtones [Difficultés techniques] avancements accomplis dans le meilleur intérêt de nos communautés et des générations futures.
    Je vous remercie, et bonne journée.
(1255)
    Merci.
    Madame Smiley, nous vous écoutons.
    Je vous remercie de m'avoir invitée et d'avoir entrepris cette étude.
    Je vais faire écho aux propos de Mme McGuire-Cyrette concernant la nécessité d'investir dans les femmes autochtones et les organisations qui les soutiennent. Il est extrêmement important que les femmes aient un espace où elles peuvent entreprendre leur guérison, apprendre les unes des autres, discuter ensemble, tout cela à leur propre manière.
    Je pense aussi qu'en plus de cet espace de guérison, vous avons besoin d'espace politique, c'est‑à‑dire que nous devons jouer un rôle politique et participer à ces discussions; nous devons pouvoir faire cela entre nous afin de pouvoir défendre les intérêts des femmes autochtones, pas seulement pour nous-mêmes, mais pour les autres aussi. Je suis certaine que les autres témoins en ont fait l'expérience également. C'est ce que souhaitent les femmes que nous rencontrons et avec lesquelles nous travaillons. Elles veulent aider d'autres femmes.
    Nous devons avoir des espaces pour guérir, c'est très important, mais nous devons aussi offrir aux femmes autochtones des espaces politiques où elles peuvent avoir des débats et exprimer leurs désaccords, et le faire à leur manière. C'est vraiment important que nous ayons un espace exclusivement réservé aux femmes autochtones, où nous pouvons commencer et poursuivre une analyse politique en nous appuyant sur nos expériences communes et différentes. Ces espaces sont de plus en plus érodés. Je pense que si nous avions ces endroits, qui vont bien au‑delà des services sociaux, même si ces derniers sont nécessaires, bien entendu, mais nous avons besoin d'autres services. Nous devons pouvoir imaginer un monde meilleur pour nous-mêmes et pour nos sœurs. Ensuite, nous serons en mesure de concrétiser cette vision.
    Je pense que tout le Canada en sera gagnant. Si vous nous offrez ces possibilités, nous allons les saisir.
    Merci beaucoup. Vous nous avez toutes trois beaucoup impressionnés. Je sais que nous allons revoir nos notes et que nos analystes nous donneront de la documentation à lire, mais vos interventions nous ont profondément touchés. Soyez assurées que nous ne sommes pas prêts d'oublier cette rencontre. Je vous remercie sincèrement pour ces deux heures inoubliables.
    Monsieur Viersen, je vois que vous avez levé la main.
    Oui, je veux seulement m'assurer que notre réunion de mardi prochain tient toujours. Il a été question qu'elle n'ait pas lieu. J'espère que ce n'est pas le cas et que nous nous réunirons mardi prochain.
    Mon autre question est pour le greffier. Sommes-nous en mesure de déposer le rapport? Je sais qu'il y a deux dates — une en juillet et l'autre en août — où nous pouvons le faire. Pouvons-nous déposer le rapport à l'une ou l'autre de ces dates?
    Si vous voulez parler d'un dépôt indirect, ou « back door » comme on l'appelle en anglais, ou d'un dépôt en été, je crois que c'est possible. Je vais vous le confirmer par courriel.
    Très bien.
    Nous nous reverrons mardi prochain.
    Monsieur Viersen, voulez-vous proposer la levée de la séance?
    Je propose que la séance soit levée, monsieur le président.
    Est‑ce que tout le monde est d'accord?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Merci à tous. La séance est levée.
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