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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 036 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 mai 2021

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Tout d'abord, je tiens à souligner qu'à Ottawa, nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 avril 2021, le Comité poursuit son étude du maintien de l'ordre dans les réserves des Premières Nations.
    Pour assurer le bon déroulement de la réunion, je vais passer en revue quelques-unes de nos pratiques exemplaires.
    Je rappelle aux participants qu'ils peuvent s'exprimer et écouter les délibérations dans la langue officielle de leur choix. En cliquant sur l'icône du globe au bas de votre écran, vous pouvez sélectionner le parquet, l'anglais ou le français. Pendant que vous apportez votre témoignage ou que vous répondez à des questions, vous pouvez passer d'une langue à l'autre sans avoir à cliquer de nouveau sur ce bouton. Quand vous avez la parole, assurez-vous que votre caméra est allumée et parlez lentement et clairement. Quand vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
    Conformément à la motion adoptée le 9 mars 2021, je dois informer le Comité qu'à 8 heures, Robert Louie, Michael Anderson, Leroy Denny et Doris Bill n'avaient pas effectué les essais techniques préliminaires.
    Pendant un peu moins de deux heures, nous accueillons par vidéoconférence les témoins suivants: Robert Louie, président, Conseil consultatif des terres des Premières Nations; cheffe Heidi Cook et Andrew Beynon, directeur, Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations; chef Leroy Denny, Première Nation d'Eskasoni; cheffe Doris Bill, Première Nation Kwanlin Dün; chef Garrison Settee et Michael Anderson, conseiller en matière de services de police et de sécurité publique, Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc.
    On me dit que chef Louie et cheffe Cook comparaissent conjointement et qu'ils se partageront les six minutes de temps de parole accordées pour les déclarations préliminaires. En conséquence, nous commencerons par leur donner la parole, puis nous entendrons le reste de nos témoins.
    Chef Louie, vous avez la parole pendant six minutes.
     Bonjour, monsieur le président, bonjour, honorables membres du Comité.
    Je m'appelle Robert Louie, et je suis président du Conseil consultatif des terres des Premières Nations. Mon collègue est Andrew Beynon, et il travaille au Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations. Il fera également un exposé.
    Nous représentons les Premières Nations qui sont autonomes et qui adoptent des lois en vertu de codes fonciers. Certaines de nos premières nations exercent des pouvoirs législatifs depuis le début du millénaire, c'est-à-dire le 1er janvier 2000.
    L'application du code foncier et la reconnaissance de cette application par les tribunaux, la GRC et les autorités policières nous posent un sérieux problème. L'élaboration de lois et l'autodétermination n'ont pas de sens si les lois ne sont pas appliquées. À l'heure actuelle, il y a une lacune à cet égard, et nous demandons instamment au Comité de recommander que le gouvernement fédéral prenne immédiatement des mesures pour résoudre ces problèmes d'application de la loi.
    Le message le plus important que nous voulons adresser au Comité, c'est la nécessité de résoudre la crise de l'application des lois des Premières Nations maintenant, pendant l'année en cours — non pas l'année prochaine ou des années plus tard, mais dès maintenant.
    Le Comité a entendu parler de la complexité de cette tâche, de ses risques, du financement et des ressources requises, des considérations fédérales-provinciales et de la nécessité de créer des partenariats. Désormais, l'accent doit être mis sur les réponses plutôt que sur les questions. Nous exhortons le Comité à tirer la sonnette d'alarme en soulignant l'ampleur des dommages causés par l'incapacité à faire respecter les lois des Premières Nations.
    Les Premières Nations subissent des préjudices parce que des intrusions, des actes de violence familiale, des déversements illégaux, des violations des restrictions liées à la COVID-19 et d'autres infractions se produisent en ce moment même, et aucune application claire de la loi n'a été mise en place. La cheffe Rempel de la Première Nation K'ómoks a mentionné au Comité des difficultés qu'elle a rencontrées dans sa lutte contre les intrus. D'autres Premières Nations signataires du code foncier ont été forcées de faire face à des problèmes similaires d'intrusion, liés notamment à de présumés trafiquants de drogue, des motards, des campements de sans-abri et des roulottes habitées sans raccordement adéquat à l'eau courante ou aux égouts. De nombreuses Premières Nations dotées d'un code foncier ont dû faire face à des problèmes de déversements illégaux et à la difficulté d'assurer la surveillance de certaines entreprises néfastes pour l'environnement qui sont établies dans des réserves. L'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières Nations comprend depuis des décennies des dispositions relatives aux biens matrimoniaux et immobiliers, mais il y a des lacunes importantes et risquées dans le système d'application qui est censé protéger les conjoints et les enfants.
    Les Premières Nations régies par le code foncier ont tenté de contrôler la pandémie de COVID-19 sur leurs terres, en vain. Les fonctionnaires fédéraux et la GRC leur ont donc suggéré d'avoir recours aux anciens règlements administratifs coloniaux établis aux termes de la Loi sur les Indiens plutôt qu'à l'autorité du code foncier. Les fonctionnaires fédéraux ne semblent pas comprendre que de nombreuses Premières Nations considèrent la Loi sur les Indiens comme une insulte. Les Premières Nations qui appliquent le code foncier ont dépassé la phase des règlements administratifs de la Loi sur les Indiens. Les lois liées au code foncier sont adoptées par la Première Nation, ce qui n'est pas le cas des règlements administratifs relevant de la compétence et de la législation de la Loi sur les Indiens.
    La crise de l'application des lois des Premières Nations a des conséquences pour tous les Canadiens. Le nettoyage des dommages environnementaux est beaucoup plus coûteux que la prévention. De plus, la violence familiale a des coûts sociaux qui vont bien au-delà de ceux assumés par les familles en question. Enfin, les communautés bien réglementées contribuent à la prospérité économique.
    Nous demandons instamment au Comité de réclamer un rapport fédéral plus sérieux et plus ciblé. Le Comité a entendu cinq organismes fédéraux. Qui, au sein de la fonction publique fédérale, joue le rôle principal dans la résolution de la crise de l'application des lois des Premières Nations? Au sein de la bureaucratie, tous peuvent être accusés d'inaction. Des questions telles que les suivantes sont posées: quelle est la source de l'autorité des agents de police? Qu'en est-il du risque en matière de responsabilité? Trop souvent, la bureaucratie s'est immobilisée devant les questions sans se diriger vers les réponses.
    Nous recommandons qu'un conseiller fédéral spécial soit nommé pour aider à diriger la bureaucratie et pour faire rapport au Comité dans les six prochains mois. Les lignes directrices que le Canada a élaborées pour encadrer l'application des règlements administratifs liés à la COVID-19 et établis aux termes de la Loi sur les Indiens ne tenaient pas compte de l'accord-cadre et de l'autonomie gouvernementale. À notre avis, cela a accidentellement envoyé un message pernicieux selon lequel seule la Loi coloniale sur les Indiens fonctionne.
    Nous exhortons le Comité à demander des solutions fédérales-provinciales. Nous cherchons à poursuivre les auteurs d'infractions devant les tribunaux provinciaux. Le Comité devrait demander à des experts fédéraux de donner, dans les six prochains mois, leur avis sur ce qu'il est nécessaire de faire pour débloquer la coopération provinciale. Les discussions fédérales-provinciales soulèveront inévitablement des questions de financement, mais cela ne devrait pas retarder la recherche d'une solution.
    Le financement que le gouvernement fédéral accorde aux Premières Nations régies par le code foncier a augmenté au fil des ans, mais il n'est toujours pas suffisant pour soutenir un système d'application de la loi adéquat et comparable à celui des autres gouvernements du Canada. Le financement de l'application des lois liées au code foncier devrait être examiné et accru. Les Premières Nations régies par le code foncier comprennent les préoccupations fédérales et provinciales en matière de ressources et de financement. Nous voulons également trouver un système efficace et peu coûteux, et nous travaillerons avec acharnement pour y arriver.
(1115)
    En conclusion, plusieurs Premières Nations régies par le code foncier cherchent à mettre en oeuvre des projets pilotes qui, nous l'espérons, seront couronnés de succès dans un avenir rapproché. Les membres du Comité aimeraient peut-être s'inscrire à l'adresse www.indigenousenforcement.com afin de participer à la discussion de demain, c'est-à-dire du 26 mai, qui portera sur un projet pilote mené par les Premières Nations de Muskoday et de Whitecap en Saskatchewan.
    Honorables membres du Comité, je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que le Comité voudra bien me poser.
    Merci.
    Merci beaucoup, chef.
    Cheffe Cook, alliez-vous ajouter quelque chose à l'exposé du chef Louie?
    Bonjour. Je vous présente mes excuses. Il y a eu un malentendu lié au fuseau horaire.
    Je vous remercie de l'invitation...
    Je suis désolé, cheffe; je ne crois pas que nous soyons en mesure de vous entendre clairement.
     Monsieur le greffier, éprouvons-nous des difficultés d'ordre technique à communiquer avec la cheffe Cook?
    Je vais demander à certaines personnes de prendre contact avec elle pour qu'elles s'assurent que l'appareil est configuré, mais nous ne pourrons pas aller de l'avant compte tenu de la qualité actuelle du son.
    Cheffe Cook, on va s'occuper de vous, mais en attendant, nous allons donner la parole au chef Leroy Denny pendant six minutes.
    Chef, veuillez prendre la parole pendant six minutes.
    Bonjour. J'ai le plaisir de me joindre à vous depuis la collectivité de la Première Nation d'Eskasoni. Le temps est ensoleillé ici, dans le magnifique territoire d'Unama'ki, situé sur la côte Est du Canada. Eskasoni est la plus grande collectivité mi'kmaq, étant donné qu'elle compte près de 4 700 personnes.
    Je m'appelle Leroy Denny, et je suis chef de la communauté d'Eskasoni. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité au sujet de la motion visant à étudier l'application de la loi dans les réserves des Premières Nations.
    Je suis né, et j'ai grandi ici, à Eskasoni, au sein de ma communauté. Mon grand-père était également chef de ma communauté. De plus, mon parrain était un vétéran du Vietnam et chef de police d'Eskasoni pendant de nombreuses années. Il était l'une des personnes qui ont joué un rôle essentiel dans la création d'un service de police, c'est-à-dire la police tribale d'Unama'ki, dont je vais vous parler.
    Je suis ici pour parler des pratiques policières actuelles et de l'application de la loi dans les collectivités des Premières Nations.
    Il est indéniable que les effets du colonialisme continuent de se répercuter dans toutes les collectivités autochtones des quatre coins du pays. Les coûts du maintien de l'ordre dans les réserves demeurent une source de conflit qui doit être réglée. La position du Canada, qui consiste à considérer le maintien de l'ordre dans les réserves comme une responsabilité qu'elle partage avec les provinces, a créé une confusion en matière de compétences qui se traduit par des services de police inefficaces et manquant de ressources, et ce sont les membres de nos communautés qui en souffrent en fin de compte. Dans les années 1970, un programme des gendarmes spéciaux a été mis en place dans les collectivités des Premières Nations de la Nouvelle-Écosse, un programme qui était sous-financé et qui manquait de ressources. Depuis, en raison de ces problèmes, les Mi'kmaq exercent des pressions pour obtenir le contrôle des services de police dans leurs collectivités.
    En réponse à la Commission royale sur les peuples autochtones et à l'enquête sur l'affaire Donald Marshall, la police tribale d'Unama'ki a été créée en 1994, dans le cadre de la politique fédérale de maintien de l'ordre dans les réserves des Premières Nations, afin d'assurer le maintien de l'ordre dans les cinq collectivités mi'kmaq du Cap-Breton, à savoir Eskasoni, Membertou, Potlotek, Wh'koqma'q et Wagmatcook. Dans le passé, j'ai été employé comme gardien de prison, et aussi comme répartiteur à temps partiel. C'est l'un des premiers emplois que j'ai occupés quand j'étais très jeune.
    L'obtention du contrôle de nos services de police était un élément clé pour atteindre l'autodétermination et renforcer le contrôle de l'application de la loi dans nos collectivités. C'était une façon décolonisée d'offrir des services de police. Une méthodologie culturelle était utilisée et mise en œuvre dans les pratiques de la police communautaire afin de résoudre les problèmes, de favoriser la guérison de la communauté et de gagner sa confiance, en utilisant notre langue. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, ce programme essentiel a cessé d'être financé, et la GRC a créé les Services de police communautaires, autochtones et interculturels pour servir les collectivités des Premières Nations.
    À l'heure actuelle, la GRC sert notre collectivité. Je salue les efforts qu'elle déploie pour assurer le maintien de l'ordre dans notre collectivité, car il y a des policiers mi'kmaq dans ses rangs. Mon propre frère a été à la fois au service de la police d'Unama'ki et de la GRC afin d'assurer le maintien de l'ordre dans notre collectivité, et il a pris sa retraite il y a quelques mois.
    Cependant, en tant que dirigeant et membre de la communauté, je ne peux m'empêcher de constater les injustices auxquelles nous continuons de faire face, non seulement en ce qui concerne notre cheminement vers l'autodétermination, mais aussi en ce qui a trait à notre santé et notre sécurité dans les réserves.
    Lorsque la pandémie mondiale a frappé l'année dernière, une directive a été donnée selon laquelle les services de police responsables des collectivités autochtones et le système judiciaire aideraient les collectivités autochtones à faire respecter leurs règlements administratifs liés à la COVID, c'est-à-dire les mesures de confinement que nous avons mis en œuvre. Cependant, ce n'est pas ce qui est arrivé en réalité. Ce qui s'est passé, c'est qu'ils n'ont pas respecté nos règlements administratifs. Nous avions nos propres couvre-feux, nos propres mesures de confinement, et ils n'ont pas été respectés. Nous avions imposé nos propres restrictions, et les services de police nous ont posé des problèmes. J'ai fini par appeler mon député, et le plus haut cabinet, pour m'assurer que nos règlements administratifs seraient respectés, mais la situation a été très difficile pour nous, en ce qui concerne notre sécurité et le respect de nos mesures de confinement pour empêcher la COVID-19 d'entrer dans nos collectivités.
    Ce problème entrave également notre capacité à faire respecter les lois adoptées dans les réserves. Ces règlements administratifs ne sont pas respectés par les autorités policières actuelles, ce qui rend difficile le cheminement vers l'autodétermination de nos communautés. La situation était très difficile.
    Avant de terminer l'exposé que je donne au Comité aujourd'hui, j'aimerais aborder la question de la santé et de la sécurité dans les réserves par rapport aux services de police. En raison de mon expérience personnelle, je peux témoigner du problème auquel nous faisons face à cet égard.
(1120)
    À la fin février, le 28 février, l'un de mes directeurs, le PDG de Crane Cove Seafoods, a été atteint par balle. C'est mon voisin, mon cousin propre, il fait partie de ma famille. Il a été attaqué juste à côté de chez moi. Encore aujourd'hui, nous ne connaissons pas l'identité du tireur.
    La première personne qu'il a appelée, c'est moi, parce que j'étais juste à côté, un peu plus loin sur la rue. Il m'a appelé, et j'ai composé le 911. J'entendais sa détresse au téléphone. Il venait d'être atteint par balle, deux fois plutôt qu'une.
    Les membres de ma famille et moi avons tous entendu les tirs. J'ai passé au moins quatre minutes en ligne avec le 911. Une fois là-bas, la personne à l'autre bout du fil m'a dit de ne pas entrer, mais mon cousin était en détresse, donc je devais entrer. Déjà 10 minutes s'étaient écoulées, et nous attentions toujours les policiers et les ambulanciers. Je devais y aller. Dieu sait que je ne savais pas si le tireur était toujours là, mais je devais sacrifier ma propre vie pour sauver mon cousin.
    Vingt minutes plus tard, il était installé dans mon véhicule, et je l'ai conduit jusqu'au poste ambulancier. Les policiers n'étaient toujours pas arrivés. Je ne sais toujours pas pourquoi aujourd'hui. Je souffre toujours d'un traumatisme. J'ai vu beaucoup de sang. Heureusement, il a survécu. Il est en train de se rétablir.
    Au bout de 30 minutes — j'ai compté les minutes qui se sont écoulées quand j'ai fait ma déclaration —, la police est finalement arrivée chez lui pour commencer son enquête. Les policiers ont bâclé le travail.
    Sa vie dépendait des policiers et des ambulanciers. Sa vie dépendait de moi. C'est moi qui suis arrivé le premier sur les lieux. Je l'ai conduit jusqu'à l'ambulance. Cela n'aurait pas dû se passer comme cela. Ce ne sont pas de simples citoyens qui devraient sauver la vie des leurs sur la ligne de front. Ce sont les policiers. Nous devrions pouvoir nous fier aux policiers et leur faire confiance. C'est ce que nos accords prévoient. Ce n'est pas moi qui devrait le faire, mais eux. J'ai toujours beaucoup de questions sur tout cela, et ce n'est pas fini.
    Je m'arrêterai là.
(1125)
    Merci, chef. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
    Je donnerai maintenant la parole à la cheffe Doris Bill de la Première Nation Kwanlin Dün.
    Allez-y.
    Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette conversation importante. J'espère que vous vous portez bien.
    Je m'appelle Doris Bill et je suis cheffe de la Première Nation Kwanlin Dün. Nous sommes une Première Nation urbaine autogouvernée. Notre territoire traditionnel englobe la ville de Whitehorse, au Yukon, et les environs.
    Nous avons établi notre propre gouvernement et nos accords définitifs il y a 16 ans, en 2005. Ces traités modernes nous confèrent le pouvoir de gérer nos propres terres, d'adopter des lois et de prendre nos propres décisions dans l'intérêt de nos citoyens, dans une perspective d'autodétermination.
    Je suis ici, aujourd'hui, pour vous présenter le parcours de notre Première Nation pour créer une approche collaborative, axée sur la communauté, afin d'assurer le maintien de l'ordre, de faire respecter les lois et règlements et d'offrir des services à la communauté sur notre territoire traditionnel.
    Beaucoup d'Autochtones et de communautés autochtones ont une relation compliquée avec la GRC, au Canada. Ce n'est pas différent pour nous. L'histoire est telle qu'il est difficile pour nous de lui faire confiance. Il faut parfois rappeler que la police a son rôle à jouer dans les traumatismes associés aux pensionnats, à la rafle des années 1960 et à la relocalisation forcée de nos peuples. Ces événements sont toujours bien vifs dans la mémoire des nôtres, et les traumatismes se transmettent de génération en génération.
    Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons espérer un avenir meilleur, dans lequel nous pourrons travailler ensemble, au bénéfice de tous.
    Je n'appuie pas les appels récents au définancement des services de police. Ici, chez nous, je suis certaine que les services de police pourraient faire bon usage de ressources supplémentaires. La hausse de la demande et le manque de ressources ont toutes sortes de répercussions, particulièrement sur la priorisation des appels et le temps d'intervention. Les citoyens disent qu'il faut parfois plus d'une heure avant que les policiers n'arrivent quand on les appelle, et il arrive même qu'ils ne se présentent pas du tout.
    Pour vous donner une idée de mon bagage, en tant qu'ancienne journaliste, j'ai une bonne idée de la criminalité dans la région. Cependant, la réalité m'a vraiment frappée de plein fouet quand deux meurtres ont été commis dans notre communauté après mon élection, en 2014. Ces tragédies ont profondément ébranlé notre communauté et ont été des catalyseurs de changement.
    Le premier pas vers la guérison consiste à admettre qu'il y a un problème. Pour notre part, nous avons choisi d'écouter, d'apprendre les uns des autres, puis de passer à l'action en fonction de ce que nous avions entendu. Nous avons appris, au fil des discussions, qu'il y avait beaucoup d'entrées par effraction et d'autres crimes dans notre région. Nous avons constaté que les crimes les plus violents étaient commis par des gens ne faisant pas partie de la communauté. Nous avons entendu des mères monoparentales nous dire qu'elles dormaient avec un bâton de baseball à côté de leur lit, nous avons entendu des aînés nous dire qu'ils ne se sentaient pas assez en sécurité pour aller prendre une marche, nous avons entendu des citoyens s'inquiéter de la contrebande et de la vente de drogue et nous avons entendu des parents nous demander de les rassurer, parce qu'ils avaient peur que leurs enfants ne soient pas en sécurité quand ils jouent dans le voisinage.
    Ensemble, sous la direction de la communauté, nous avons élaboré un plan détaillé pour assurer la sécurité dans la communauté; nous avons établi un groupe de travail mixte composé de partenaires comme la GRC, les services des règlements administratifs, le SCAN, Public Safety and Investigations, le Service correctionnel du Canada, puis avons conçu un programme novateur de formation des agents de sécurité communautaire, que nous avons lancé en 2016. C'est ce programme que je souhaite vous présenter aujourd'hui.
    Ce programme se fonde sur l'idée que la présence soutenue d'agents de sécurité issus de la communauté elle-même améliorerait grandement la sécurité, la santé et le bien-être des citoyens. Par conséquent, nos quatre agents de sécurité à temps plein et nos deux agents sur appel sur le territoire sont des citoyens de la communauté ou des personnes qui y sont fortement liées.
    Les agents de sécurité communautaire participent à la médiation en cas de conflit, ils offrent un transport sûr vers des endroits sûrs et orientent les citoyens vers divers services, comme ceux de la GRC, les programmes d'aide à la famille et à l'enfance et les services juridiques, au besoin.
(1130)
    Ils patrouillent nos rues. Ils sont visibles et ils sont connus. Ils ne remplacent pas les agents de la GRC ni aucun autre service communautaire. Nous comprenons la valeur et la nécessité du maintien de l'ordre, des services des règlements administratifs et des autres services gouvernementaux d'organismes partenaires, mais les agents de sécurité communautaire contribuent à faire la liaison entre nos citoyens et les services nécessaires, ils aident nos citoyens à obtenir de meilleurs résultats lors de leurs interactions avec ces services. En fait, c'est la force de nos partenariats qui rend ce programme possible et fructueux. L'appui que nous recevons du gouvernement du Yukon, du Canada et de la GRC est essentiel, et nous voyons que cela fonctionne. La Première Nation de Kwanlin Dün est fière de ce programme et du fait que les citoyens et les aînés se sentent plus en sécurité grâce aux patrouilles de ces agents. La GRC reçoit moins d'appels, de sorte qu'elle peut se concentrer sur les choses qui comptent vraiment.
    Nous demeurons déterminés à bâtir des services axés sur la communauté et adaptés à la culture pour nos citoyens.
    Par ailleurs, nous avons franchi un autre pas important l'été dernier, avec la signature d'une lettre historique dans laquelle nous avons mis par écrit nos attentes à l'égard de la GRC. Cette démarche ouvre la porte à des relations positives et coopératives; nous y définissons les priorités, les buts et les stratégies en matière de maintien de l'ordre qui répondent aux besoins de la nation Kwanlin Dün. Je ne vous dirai pas que le processus a été facile, mais il a été extrêmement enrichissant pour la communauté au complet. Il s'agit par-dessus tout de choisir notre voie pour établir des partenariats forts qui nous donneront accès aux services de maintien de l'ordre dont nous savons avoir besoin.
    Je pense que nous nous entendons pour dire qu'ensemble, nous pouvons changer les choses.
    Shä`w níthän, gùnálchîsh, mähsi'cho. Merci. Je suis prête à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, cheffe Bill.
    Nous entendrons maintenant le grand chef Settee et Michael Anderson, qui présenteront leur exposé ensemble.
    Chef Garrison Settee, vous avez six minutes. À vous la parole.
    Au nom des 26 Premières Nations membres de MKO qui relèvent de notre administration et des plus de 73 000 personnes qui les composent, je suis heureux d'avoir l'occasion de faire part au Comité des points de vue de MKO sur le maintien de l'ordre dans les réserves des Premières Nations.
    Je me référerai un peu aux documents d'appui que MKO a fait parvenir au Comité.
    Avec l'aide de Mike Anderson, je vous présenterai sept éléments que MKO souhaite porter à votre attention.
    Premièrement, les règlements administratifs pris en vertu du paragraphe 81(1) et de l'article 85.1 de la Loi sur les Indiens sont des règlements fédéraux aux termes de l'article 2 de la Loi d'interprétation, de l'alinéa 2a) de la Loi sur les textes réglementaires et de l'alinéa 7l) du Règlement sur les textes réglementaires. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique l'a confirmé au paragraphe 12 de la décision qu'elle a rendue en 1987 dans l'affaire R. c. Jimmy.
    Deuxièmement, et c'est encore plus fondamental, le Canada a manqué à son devoir de faire appliquer ces lois valides au Canada. Les règlements administratifs pris par les Premières Nations en vertu du paragraphe 81(1) et de l'article 85.1 de la Loi sur les Indiens ne sont pas mis en application par les autorités policières et n'ont pas fait l'objet de poursuites au Manitoba depuis 25 ans. C'est un quart de siècle.
    Les fonctionnaires qui ont témoigné devant le Comité lui ont rappelé le protocole relatif à l'exécution des règlements administratifs pris en vertu des articles 81 et 85.1 de la Loi sur les Indiens ainsi qu'aux poursuites intentées sur la base de ces règlements. Ce protocole confirme que les règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens ne sont pas mis en application au Manitoba. Si l'on fait abstraction des 11 accords protocolaires conclus très récemment, c'est la même chose partout ailleurs au Canada.
    Les communautés des Premières Nations vivant en région éloignée, qui reçoivent des visites périodiques de patrouilles de la GRC, sont particulièrement en crise en raison de la contrebande et de la vente de drogue hors de contrôle sur leur territoire à cause de la non-application des règlements administratifs pris en vertu de l'article 85.1.
    De même, les membres des communautés ne voient pas les services policiers faire respecter les mesures d'urgence liées à la COVID, aucune accusation n'est portée, aucun constat d'infraction n'est remis. Il n'y a pas de mesures de dissuasion, de sorte qu'il est difficile d'assurer le respect des règles.
     Troisièmement, nous réalisons enfin des avancées importantes après des mois de campagne concertée menée conjointement par le Conseil consultatif des terres des Premières Nations, le Centre des ressources sur la gestion des terres des Premières Nations et le Centre juridique d'intérêt public du Manitoba.
    MKO a collaboré avec le Service des poursuites pénales du Canada et le commandant de la Division D de la GRC à l'élaboration d'un protocole applicable aux 26 Premières Nations sur notre territoire et à la conception d'outils connexes de mise en œuvre. Ce protocole ne s'applique toutefois qu'à la mise en application des règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens et aux poursuites intentées sur la base de ces règlements en réponse à la pandémie de COVID-19; il ne se veut pas un correctif à long terme pour remédier au problème de mise en application et de poursuites.
    Le ministère de la Justice du Manitoba s'est engagé tout récemment à suivre l'une des recommandations de MKO visant à revoir son programme de formation des agents de sécurité des Premières Nations 2021-2022. Il modifiera donc son programme afin de reconnaître que les agents de sécurité des Premières Nations ont des pouvoirs d'agents de la paix lorsqu'ils font appliquer les règlements administratifs pris en vertu du paragraphe 81(1) et de l'article 85.1 de la Loi sur les Indiens. Ces modifications aux ententes régissant les fonctions des agents de la paix des Premières Nations sont importantes pour bien définir leurs pouvoirs dans la mise en application des règlements administratifs liés à la COVID-19 auxquels ce protocole s'applique.
    M. Anderson prendra maintenant le relais.
(1135)
    Quatrièmement, bien qu'il y ait des progrès en matière de reconnaissance, de respect, d'application des règlements administratifs des bandes et de poursuites, les autorités policières ne font pas appliquer les lois découlant de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, et les procureurs de la Couronne n'intentent pas de poursuites en conséquence depuis 20 ans, soit depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-49 en 1999.
    Pour ce qui est de l'application des lois d'urgence des codes fonciers, la GRC affirme reconnaître les pouvoirs des Premières Nations en vertu de la LGTPN mais ne pas être certaine que les codes fonciers adoptés sous le régime de la LGTPN leur confèrent le pouvoir juridique d'adopter des lois liées à la COVID-19. Je vous renvoie à la page 13 de nos documents.
    Les fonctionnaires de SAC affirment pour leur part comprendre la frustration ressentie par les Premières Nations qui ont pris la responsabilité de ces aspects fondamentaux de leur gouvernance par l'adoption d'un code foncier et qui sont maintenant forcées de s'en remettre aux autorités prévues dans la Loi sur les Indiens. Je vous renvoie au cahier de documentation de MKO, page 16.
    Le Service des poursuites pénales du Canada a pour position que son rôle, tel qu'il est décrit dans la Loi sur le directeur des poursuites pénales, ne s'applique pas aux codes fonciers adoptés sous le régime de la LGTPN ni aux lois autochtones adoptées en vertu de la LGTPN.
    Cinquièmement, il y a une incertitude nocive qui entoure la nomination d'agents de sécurité des Premières Nations et le fait de leur conférer des pouvoirs d'agents de la paix. Pour résumer, il faut être agent de la paix pour pouvoir arrêter quelqu'un, faire des perquisitions, des saisies et des détentions et il faut disposer de ces quatre pouvoirs pour pouvoir faire appliquer les règlements administratifs adoptés par des Premières Nations en vertu du paragraphe 81(1) et de l'article 85.1 de la Loi sur les Indiens.
    Sixièmement, le SPPC et la GRC ne reconnaissent pas la validité des règlements administratifs adoptés sous le régime de la Loi sur les Indiens après le 15 décembre 2014. Le Parlement a révoqué le pouvoir du ministre d'abroger ou d'approuver des règlements administratifs adoptés en vertu de la Loi sur les Indiens à compter du 15 décembre 2014, soit après l'entrée en vigueur du projet de loi C-428. Cependant, comme des représentants du SPPC l'ont dit au Comité, à l'instar de MKO, le SPPC ne reconnaîtra pas la validité des règlements administratifs adoptés à partir du 16 décembre 2014, à moins qu'ils n'aient fait l'objet d'une révision par « un ministère fédéral approprié ».
    Le SPPC, Services aux Autochtones Canada et la GRC ont tous indiqué au Comité et à MKO qu'ils n'examineraient pas les règlements administratifs pris après le 15 décembre 2014. Par conséquent, aucun ministère fédéral ne révisera les règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens après le 15 décembre 2014. Cela signifie que le protocole ne s'appliquera à aucun règlement administratif pris après l'entrée en vigueur du projet de loi C-428, pas même aux règlements administratifs en matière de santé et de sécurité ni aux ordres sanitaires donnés pour lutter contre la pandémie de COVID-19. L'acceptation par le SPPC de la proposition de MKO d'effectuer un examen externe des règlements administratifs de concert avec le Centre juridique d'intérêt public du Manitoba semble être la principale, sinon la seule option pour que ce protocole s'applique aux lois d'urgence adoptées par les Premières Nations pour lutter contre la COVID-19 dans la région de MKO.
    Septièmement, les failles mises en lumière par la pandémie de COVID-19, y compris celles qui ont récemment été portées à l'attention du Comité, nous révèlent que le cadre législatif, la fonction publique fédérale et les autorités policières ne peuvent pas ou ne veulent pas permettre aux Premières Nations d'exercer leur autodétermination ni les pouvoirs législatifs que le Parlement leur a attribués par le projet de loi C-428 et la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations.
    Le grand chef Settee a une conclusion à vous présenter.
(1140)
    En fait, nous en sommes déjà à sept minutes et demie. Nous nous arrêterons là; j'espère que vous aurez l'occasion de faire valoir vos autres éléments en réponse aux questions. Il est extrêmement important que les membres du Comité puissent réagir aux déclarations.
    Monsieur le greffier, où en est la cheffe Cook sur le plan technique?
    Je crois bien que cela va mieux. Nous demanderons à la cheffe Cook de se présenter et de nous dire d'où elle témoigne. Les interprètes pourront ensuite me dire si nous pouvons entendre son témoignage.
    Bonjour. Je suis la cheffe Heidi Cook. Je me trouve sur le territoire de la Misipawistik Cree Nation, visée par le Traité no 5.
     Est-ce que c'est bon?
    Je l'espère bien, cheffe Cook. J'attends une réponse, qui devrait me parvenir dans un instant.
    Je vois un signe d'approbation.
    Oui. Nous pouvons y aller, monsieur le président.
    Cheffe Cook, merci beaucoup. Je m'excuse de tous ces problèmes techniques, nous voulons entendre votre témoignage.
    Vous avez six minutes. Allez-y.
    Au nom de la Misipawistik Cree Nation, je vous remercie, monsieur le président, de l'invitation à comparaître. Comme je l'ai mentionné, nous sommes signataires du Traité no 5.
    J'aimerais vous parler de ce que nous vivons durant la pandémie de COVID-19 et des difficultés que nous éprouvons à appliquer notre code foncier.
    Dès le début de la pandémie, notre nation a régulièrement mis en place des mesures supérieures aux ordonnances de santé publique provinciales. Nous avons notamment fermé nos établissements munis de terminaux de loterie vidéo, mis en place un point de contrôle sur l'autoroute, imposé l'isolement obligatoire des personnes effectuant des déplacements non essentiels au-delà des limites de la ville et nous avons rendu obligatoire l'installation de distributeurs de désinfectant et le port du masque dans nos entreprises.
    Au point de contrôle sur l'autoroute 6, nous avons effectué la surveillance des déplacements non essentiels dans le nord du Manitoba. Au début, nous avons profité du fait que les gens avaient l'impression que ce point de contrôle avait été mis en place dans le cadre des mesures de restriction relatives aux déplacements dans le nord de la province. En réalité, notre agent de la sécurité n'avait pas le pouvoir de donner des contraventions à qui que ce soit sur l'autoroute provinciale. Lorsque les gens s'arrêtaient dans la réserve pour faire le plein d'essence ou faire une pause, il faisait des mises en garde à leur intention, mais, à un moment donné, il est devenu très difficile de maintenir ce point de contrôle. Les gens se sont rendu compte que c'était la bande qui avait mis en place ce point de contrôle et non la province. Nous avons commencé à recevoir davantage de plaintes en matière de conduite dangereuse et les insultes racistes envers nos travailleurs ont augmenté. Nous avons dû éliminer ce point de contrôle.
    Nous avons adopté notre première ordonnance de santé publique le 20 octobre 2020 et notre loi sur les mesures d'urgence liées à la COVID le 5 novembre 2020. Les ordonnances de santé publique que nous avons adoptées en vertu de cette loi visaient le contrôle des déplacements non essentiels, l'isolement obligatoire et l'imposition de limites pour les rassemblements et l'occupation dans les lieux publics et privés dans la réserve. Nous avons été confrontés à une première vague en octobre et en novembre 2020. Nous avons enregistré quatre cas. Durant la deuxième vague, qui a commencé en janvier 2021 et qui s'est prolongée jusqu'en février 2021, nous avions besoin d'aide pour faire respecter certaines ordonnances de santé publique. Nous n'avons pas obtenu cette aide. Les gens ont commencé à se rendre compte que la GRC ne ferait rien pour aider, alors ils avaient beaucoup moins de scrupules à contrevenir aux ordonnances de santé publique.
    Nous aurions pu obtenir l'aide de la GRC pour avoir recours à la cellule de dégrisement et à des lois qu'elle aurait pu faire respecter ainsi que pour empêcher les gens, qui, dans certains cas, avaient contracté la COVID, d'aller d'un domicile à un autre à la recherche d'une fête ou d'un lit. Nous aurions bénéficié de la présence de certains agents de la GRC sur nos routes et au point de contrôle simplement pour nous aider à faire respecter le couvre-feu et les mesures de confinement.
    L'absence de soutien de la part de la GRC a mené à des situations aberrantes, comme celle où une de nos infirmières s'est rendue à un domicile pour effectuer le traçage des contacts et s'est trouvée à interrompre une dispute familiale durant laquelle une femme était en train de se faire battre. La GRC n'est pas intervenue. Elle a affirmé qu'il s'agissait d'une affaire liée à la santé publique et elle a donc refusé d'intervenir. Notre agent de la sécurité était présent. La GRC est intervenue seulement lorsqu'elle a reçu un deuxième appel provenant d'une personne, qui, je présume, n'était pas impliquée dans cette situation.
    Les membres de notre équipe d'intervention d'urgence liée à la pandémie, de notre équipe de soins de santé et de notre équipe chargée de l'application des mesures ont affirmé qu'ils se sentaient abandonnés. Nous avions du mal à contrôler la propagation. Durant la deuxième vague, le nombre de cas a atteint 155 et nous avons tracé près de 300 contacts. Nous en avons tous subi personnellement les conséquences. Je crois que nous souffrons tous de stress post-traumatique en raison de la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés.
    Depuis que notre loi sur les mesures d'urgence est venue à échéance, nous n'avons adopté aucune autre loi. À quoi bon adopter une loi si elle ne peut pas être appliquée? C'est pourquoi nous n'avons adopté aucune autre loi depuis.
(1145)
    Nous sommes maintenant au début de la troisième vague. Cette fois-ci, c'est le variant britannique qui est en cause. Le nombre de cas va peut-être dépasser celui de la deuxième vague. Nous avons déjà des cas dans notre école et nos garderies, et nous procédons actuellement au traçage des contacts. Si nous faisons mieux cette fois-ci, j'estime que ce sera en raison de nos efforts à l'égard de la vaccination, et non pas nécessairement grâce à l'application de nos lois.
    Je vais m'arrêter là. Je vous remercie beaucoup de m'avoir écoutée.
    Je vous remercie beaucoup, cheffe Cook, et je remercie tous nos témoins.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Durant le premier tour de six minutes, la parole sera à Gary Vidal, Jaime Battiste, Sylvie Bérubé et Rachel Blaney.
    Monsieur Vidal, vous disposez de six minutes.
    Je tiens à remercier tous les témoins aujourd'hui pour leurs excellents témoignages, qui nous seront utiles lorsque nous formulerons nos recommandations, qui vont figurer dans notre rapport sur la présente étude.
    Je vais m'adresser d'abord à la cheffe Bill.
    Cheffe Bill, je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais j'ai eu le privilège de participer à la réunion du comité de la sécurité publique lors de laquelle vous avez comparu l'été dernier. Je me souviens très précisément d'une partie de votre témoignage. J'aimerais revenir un peu sur la discussion que nous avons eue en juillet dernier et sur certains des commentaires que vous avez formulés aujourd'hui.
    Premièrement, vous avez parlé l'été dernier de votre plan de sécurité communautaire et précisément du programme des agents de sécurité communautaire. Encore une fois aujourd'hui, vous en avez parlé en termes très élogieux. Vous avez été élue en 2014. Vous avez cerné un problème. Vous avez écouté les gens et vous avez agi. Vous avez établi des partenariats assez importants, semble-t-il. L'un des résultats est le programme des agents de sécurité communautaire, auquel travaillent depuis 2016 quatre personnes à temps plein et deux personnes à temps partiel.
    J'aimerais que nous en disiez davantage. Il semble que c'est peut-être une véritable solution au problème. J'ai vécu la même chose en tant que maire d'une petite ville. Je sais que la première nation qui se trouve à côté de ma communauté s'est engagée dans cette voie également. Il semble possible d'élaborer des solutions majeures. Pourriez-vous en dire un peu plus long sur votre cheminement entre 2014 et 2016 et sur la façon dont vous vous y êtes pris pour mettre en place le programme des agents de sécurité communautaire?
(1150)
    Je vous remercie pour la question.
    Nous avons élaboré ce programme à la suite de plusieurs meurtres dans notre communauté. Ces événements ont plongé notre collectivité dans une crise, et nous avons alors constaté et compris que nous avions besoin d'en faire bien davantage. Comme je l'ai expliqué, les gens ne se sentaient pas en sécurité. Tous les problèmes sont remontés à la surface à cette époque, des problèmes qui existaient depuis longtemps, mais qu'on ne voyait pas.
    Nous avons élaboré ce programme après des mois de discussion avec nos citoyens. Le programme a été véritablement mis en oeuvre lorsque des personnes ont commencé à surveiller la communauté et que les gens ont dit se sentir en sécurité. C'est à ce moment-là que le programme a véritablement commencé à fonctionner. Les discussions que nous avons eues avec nos citoyens ont réellement servi à orienter le programme.
    Outre le programme des agents de sécurité communautaire, nous nous sommes concentrés sur les infrastructures. Nous avons amélioré la visibilité dans les sentiers afin d'accroître la sécurité. Nous avons amélioré également l'éclairage dans nos immeubles ainsi que les infrastructures dans notre collectivité, qui avaient été négligées pendant très longtemps.
    Nous nous sommes employés à bâtir des relations et des partenariats qui nous ont réellement aidés à nous attaquer à certains des problèmes dans notre communauté. Notre relation avec la GRC n'était pas bonne, et nous nous sommes rendu compte que cela devait changer. Aujourd'hui, je peux vous dire qu'un agent de la GRC, qui a travaillé dans notre communauté il y a de nombreuses années, avant la mise en place du programme des agents de sécurité communautaire, et il a affirmé que le changement est incroyable. Les gens circulent dans notre communauté maintenant et disent qu'ils ressentent la différence. Ils ne font pas que la voir; ils la ressentent.
    Beaucoup de choses positives en sont ressorties. Nous avons effectué récemment une évaluation, qui a fourni la preuve que le programme a engendré des économies d'argent, à la fois au chapitre des appels de service et du côté de la réglementation. Nous continuons de travailler sur ce programme pour l'améliorer et pour améliorer les relations que nous avons établies.
    Il s'agit d'un programme qui est adapté à la communauté. Chaque communauté est différente. Le programme peut être un peu différent dans d'autres communautés, mais je peux vous dire que des Premières Nations d'un peu partout au pays ont communiqué avec nous au sujet du programme. J'espère que nous pourrons les aider. Nous sommes une petite nation comparativement à certaines des autres nations qui sont représentées ici aujourd'hui.
    Merci. En participant à notre réunion et en nous faisant part de votre expérience, vous pouvez aider bien d'autres communautés, alors je vous encourage à continuer de parler de votre expérience.
    Le président va me faire signe très bientôt que mon temps est écoulé, alors je vais vous poser une question très rapide.
    Nous discutons beaucoup des problèmes de compétences lorsque nous parlons de bâtir des relations et de trouver des solutions. Vous semblez avoir trouvé une façon de régler certains de ces problèmes grâce aux partenariats que vous avez établis avec le territoire et le gouvernement fédéral et à votre propre Première Nation autonome. Pouvez-vous nous parler rapidement des principales choses que vous avez apprises lorsqu'il s'agit de résoudre les problèmes de compétences et de bâtir des partenariats avec les nombreux partenaires dont vous avez parlé?
    Il faut d'abord créer des partenariats et faire une place à ce programme.
    Par exemple, notre territoire traditionnel couvre l'ensemble de la ville, alors nous avons discuté avec la ville de Whitehorse. Nous avons mis sur pied une tribune intergouvernementale, qui nous permet de nous réunir de façon officielle avec des représentants de la ville de Whitehorse. Nous discutons également avec le gouvernement du Yukon. Nous avons des conversations et nous réglons les problèmes que nous avons. En raison de la réussite de ce programme ici, à Whitehorse, la grande ville de Whitehorse nous a demandé d'étendre notre programme dans la ville, et je...
(1155)
    Nous allons devoir nous arrêter là, cheffe Bill.
    D'accord.
    Je suis désolé.
    La cheffe Doris Bill: Il n'y a pas de problème.
    Le président: Il y a beaucoup d'autres questions à venir, qui porteront peut-être sur le même sujet.
    Monsieur Battiste, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais m'adresser d'abord au chef Denny.
    Je vous remercie pour votre présence et pour votre témoignage. Comme vous l'avez mentionné, le service de police tribal d'Unama'ki a été en service de 1994 à 2000. Il a été mis sur pied à la suite d'une recommandation découlant de la commission d'enquête sur l'affaire Donald Marshall Jr, qui s'est penchée sur le racisme au sein du système de justice.
    Pouvez-vous nous dire à quels chapitres, selon vous, le service de police tribal a connu des réussites et à quelles difficultés il a été confronté. Depuis les 20 dernières années, le maintien de l'ordre est assuré par la GRC, alors pouvez-vous nous dire, à votre avis, de quelle façon la surveillance policière a changé dans la réserve depuis que c'est la GRC qui s'en occupe. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez observé durant cette période?
    Lorsque j'étais un employé au sein du service de police tribal d'Unama'ki, que j'étais un gardien de prison — j'étais alors un très jeune homme — et également lorsque j'étais répartiteur, j'ai vu de mes propres yeux des aspects positifs.
    Au sein du service de police tribal d'Unama'ki, la majorité des agents étaient des Micmacs. Avant la mise sur pied du service de police tribal, plus de 10 agents parlant le micmac ont été envoyés à la division Dépôt de Regina pour suivre une formation donnée par la GRC. Lorsqu'ils sont revenus à Unama'ki, ils ont assuré une surveillance policière dans les cinq collectivités micmaques. Le service de police était largement sous-financé et il était confronté à un manque de ressources. Toutefois, les agents parlant le micmac pouvaient jouer un grand rôle dans le maintien de l'ordre au sein de la communauté, ce qui est l'un des aspects positifs.
    Nous avons autochtonisé et décolonialisé notre service de police à l'époque, mais le manque de financement et le fait de devoir assurer la surveillance policière dans cinq bandes pendant des années ont mené nos agents à l'épuisement. Nos agents étaient exténués. Nous avons fini par établir un partenariat avec la police provinciale à cette époque. Le financement n'a pas augmenté; il n'a fait que diminuer sans cesse. Alors, nous avons dû nous tourner vers la GRC.
    Depuis, aucun nouvel agent micmac n'a été recruté. Ce recrutement a cessé. Tous les agents parlant le micmac qui travaillaient à Unama'ki et qui se sont joints à la GRC commencent à prendre leur retraite. L'un d'eux est mon frère, Walter.
    Auparavant, les agents micmacs jouaient un grand rôle parce qu'ils pouvaient s'exprimer en langue micmaque, qu'ils étaient présents et qu'ils rendaient visite aux aînés, tout en répondant aux appels et en se rendant sur les lieux d'incidents importants. Ils faisaient tout cela. Ils visitaient les aînés et ils étaient présents lors d'événements communautaires. Ce n'est plus le cas maintenant. Nous ne connaissons pas les agents.
    Je réclame la présence d'agents parlant le micmac et d'agents autochtones partout au pays. Je veux des agents autochtones dans ma communauté. Cela importe peu qu'ils soient micmacs ou d'une autre nation, mais il est vraiment difficile d'en trouver.
    De nombreux jeunes micmacs ont tenté de devenir policiers, mais leur demande n'est pas acceptée ou ils échouent. J'ignore pourquoi leurs demandes ne sont pas acceptées alors que ces 10 agents micmacs, en plus de deux autres, ont réussi à devenir policiers.
    À l'heure actuelle, nous sommes aux prises avec beaucoup de problèmes. Nos jeunes micmacs ne sont pas acceptés dans des programmes de formation de policier. La plupart de nos agents micmacs sont maintenant à la retraite. Il n'y aura plus d'agents parlant le micmac, ce qui, à mon avis, constitue un gros problème. Nous avons besoin d'un plus grand nombre d'agents autochtones, particulièrement d'agents qui parlent leur langue. C'est l'élément le plus important et le plus essentiel afin de pouvoir autochtoniser la surveillance policière. Je souhaite vraiment voir de nouveau des agents autochtones dans nos collectivités.
    Nous sommes les seuls à bien connaître notre peuple. Nous savons exactement comment désamorcer des situations et comment notre peuple... Nous sommes confrontés à des problèmes de gestion de la colère et à des problèmes de langue. J'ai pu observer comment nos agents autochtones désamorcent des situations sans avoir recours à la violence — sans utiliser des armes, des pistolets Taser, du gaz poivré ou d'autres choses du genre — et simplement en parlant notre langue. Dans un sens, nous comprenions les gens, nous connaissions leurs origines et leurs familles. Lorsque nous traitions avec eux, nous savions de quel milieu ils provenaient. C'est un aspect très important.
    Nos agents autochtones méritent d'être respectés et d'obtenir de l'aide, et nous devons trouver différentes façons de leur permettre de réussir le programme. C'est ce que nous devons faire.
    À l'heure actuelle, la GRC a une mentalité de colonisateur. C'est pourquoi nos agents micmacs ne sont pas embauchés. C'est parce qu'ils ne répondent pas aux exigences de la GRC. Il faut que notre idéologie autochtone soit respectée. Je pense que c'est l'approche que nous devons adopter.
    Merci.
(1200)
    Chef Denny, je crois qu'il me reste du temps pour seulement une petite question.
    Vous avez mis en place d'importantes mesures pour protéger votre communauté durant la première vague de COVID. Dans quelle mesure la GRC vous a-t-elle aidés à appliquer certaines des lois que vous avez élaborées pour protéger votre collectivité durant la première vague de COVID? Pouvez-vous nous donner une idée de ce que la GRC vous a dit?
    Nous avons mis en place nos propres mesures de confinement. La GRC nous a dit qu'elle ne voulait pas intervenir. Elle nous a dit à maintes reprises que nous portions atteinte aux droits parce que nous avions mis en place un couvre-feu et des mesures de confinement en raison du nombre élevé de cas. Nous avons imposé des mesures de confinement en ayant recours à nos règlements relatifs à la santé et à la sécurité. La GRC n'a pas travaillé avec nous.
    Nos pauvres gardiens de sécurité devaient faire respecter les mesures, et ils ont subi beaucoup de stress. On s'en prenait à eux, et la GRC n'a rien fait. Elle ne voulait pas faire la même chose... Comme le chef l'a mentionné plus tôt, la GRC n'a joué aucun rôle. Elle a affirmé qu'elle ne pouvait pas mettre en application ces règlements parce qu'ils portaient atteinte aux droits des gens. Elle ne voulait pas intervenir.
    J'ai envoyé des courriels à l'agent le plus haut placé et même au ministre pour leur expliquer que la GRC devait travailler avec nos gardiens de sécurité pour protéger notre peuple durant cette pandémie mortelle. Nous tentions de protéger notre peuple, et la GRC ne nous aidait aucunement.
    Lorsque la COVID a frappé notre communauté, vu le nombre élevé de problèmes de santé au sein de notre collectivité, de nombreuses personnes ont été touchées, comme cela a été le cas dans bien d'autres Premières Nations au pays qui ont été frappées par la COVID. Il y a eu de nombreux décès. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles je suis encore mécontent à propos de la façon...
    Nous allons devoir nous arrêter ici. Les sept minutes sont écoulées.
    Nous passons à Mme Bérubé.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis sur le territoire cri et anishinabe d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou au Québec.
    Ma question s'adresse au chef Louie, du Conseil consultatif des terres des Premières Nations.
    Dans votre mémoire, vous écrivez qu'en ce qui concerne le maintien de l'ordre, de nombreuses communautés des Premières Nations ayant un code foncier se sont heurtées au refus des forces policières lorsqu'elles ont demandé de l'aide.
    Pourriez-vous donner au Comité des exemples concrets de ce genre de situation et expliquer plus en détail les conséquences de ces refus pour les communautés des Premières Nations?

[Traduction]

    Merci beaucoup à l'honorable membre du Comité.
    Nous avons effectivement des exemples en ce sens. Le plus probant est sans doute celui de la cheffe Heidi Cook. Vous avez pu entendre ce qu'elle disait au sujet du code foncier dont on ne pouvait pas assurer l'application dans sa communauté. C'est vraiment l'étincelle à l'origine de cette controverse de la non-reconnaissance de nos lois par la GRC. On parle ici d'un problème grave.
    Il y a aussi eu la situation des K'ómoks. C'était il y a quelques années. Un intrus indésirable s'est retrouvé sur le territoire de la communauté. Celle-ci avait des lois en la matière et voulait évincer l'individu. Elle a fait appel au détachement local de la GRC pour l'aider à procéder à cette éviction. La GRC a refusé. La communauté a porté l'affaire devant le tribunal et a éprouvé certaines difficultés avec la poursuite. En fin de compte, la communauté a dû intenter une poursuite privée contre l'intrus.
    La communauté a finalement eu gain de cause, mais le processus judiciaire lui a coûté très cher, soit quelque 178 000 $. C'est beaucoup trop dispendieux pour que l'on puisse se permettre d'aller de l'avant avec des démarches semblables, même s'il faut savoir que les coûts engagés étaient en grande partie attribuables au temps pris par le tribunal pour s'assurer de bien comprendre le sens du code foncier avec toutes ses ramifications historiques.
    Je crois que le coût des poursuites privées de la sorte pourra à l'avenir être réduit considérablement, mais cet exemple montre bien ce qu'il est nécessaire de faire. Il faut que les intervenants du système judiciaire soient mieux formés et davantage sensibilisés à ces enjeux. Il faudra que la GRC comprenne que ce sont des lois fédérales qui ont été adoptées. Ces lois sont équivalentes à celles qui sont promulguées par le gouvernement fédéral. Elles ont préséance et doivent être reconnues.
    Voilà donc deux expériences très concrètes que nous avons vécues.
(1205)

[Français]

     J'ai une autre question à vous poser.
    Quels sont les avantages, pour les Premières Nations, de disposer de leur propre corps policier lorsque vient le temps de maintenir l'ordre ou de faire appliquer les règlements adoptés par la communauté?

[Traduction]

    Je crois qu'il serait vraiment avantageux de mettre en place un système en vertu duquel la communauté pourrait compter sur ses propres services de police. Cependant, comme vous l'ont indiqué les chefs qui témoignent devant vous, c'est la question des coûts très élevés qui est problématique.
    J'ai été chef de ma communauté pendant plus de 24 ans. Pendant mon mandat, nous avons envisagé la possibilité de créer notre propre corps policier. Nous avons presque décidé d'aller de l'avant à un certain moment, mais nous nous sommes heurtés au problème des coûts et de la gestion efficace d'un tel service. Après avoir examiné toutes les exigences associées à l'établissement d'une force policière, nous avons convenu que le prix à payer était tout simplement trop élevé.
    Si nous nous retrouvions aujourd'hui dans la même situation, nous irions de l'avant en constituant un service de police. C'est ce que nous ferions. Il y a toutes sortes d'enjeux liés à la formation, et tout cela entraîne des coûts. Il y a toute la problématique du port d'armes et des autorisations à obtenir à cet effet auprès des instances policières et judiciaires. Je vous dirais cependant avec le recul que, si nous avions pu compter sur le financement suffisant et la volonté de la population, nous aurions créé notre propre corps policier. Je conviens qu'il est très avantageux à long terme que des membres de la communauté aient un rôle à jouer dans le maintien de l'ordre. Je crois que les gens adoptent alors une attitude davantage axée sur la prévention, plutôt que sur la crainte des interventions policières et des sanctions.
    Cela dit, nous entretenons ici de bonnes relations. Ces rapports dépendent en grande partie de la façon dont les forces policières interagissent avec les communautés. La relation ainsi établie est cruciale. Ce n'est jamais chose facile. Le maintien de ces relations s'inscrit toujours dans une démarche plus globale. Avec de meilleures relations, vous bénéficiez de services améliorés et d'une protection plus efficace de la communauté.
    Pour notre part, j'estime que nous devons nous donner un système établi sur de meilleures bases, non seulement du point de vue judiciaire, mais aussi pour ce qui est des pouvoirs et des attributions des agents chargés du maintien de l'ordre de telle sorte qu'ils puissent s'acquitter efficacement de leur mandat et que chacun sache à quoi s'en tenir quant à ce qu'il leur est possible de faire ou non.
(1210)
    Je vous prie de m'excuser, mais je crois que j'ai eu des problèmes avec ma connexion Internet.
    Le temps est maintenant écoulé et nous devons passer à Mme Blaney.
    Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président. Il y a aussi des choses étranges qui se sont passées avec mon Internet, si bien que c'est peut-être un problème avec le système.
    Ma première question est pour M. Louie.
    J'ai trouvé votre exposé des plus intéressant. Vous avez parlé d'une véritable crise du maintien de l'ordre. Vous êtes notamment préoccupé du fait que l'on semble laisser entendre que les dispositions coloniales sur la Loi sur les Indiens sont les seules à être pertinentes. Il va de soi que l'on s'en prend ainsi à votre autodétermination, aux droits et titres autochtones, et à tout le reste.
    Vous avez dit que vous aviez besoin de réponses et surtout pas de nouvelles questions qui s'ajoutent en précisant que certains projets pilotes intéressants étaient en cours. Je ne sais pas si vous pourriez nous en dire davantage sur des mesures prometteuses susceptibles d'inspirer les recommandations que nous allons formuler dans notre rapport.
    Merci beaucoup pour cette question, madame Blaney.
    Il y a effectivement des choses positives qui se passent. Selon moi, l'élément positif réside dans la volonté des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral de nous écouter et de travailler avec nous à la recherche de solutions. Nous avons entrepris cette démarche avec MKO au Manitoba. Le procureur général et les responsables des différents ministères jouent un rôle actif dans ce dossier.
    Nous avons aussi un projet pilote en cours en Saskatchewan avec les Premières Nations de Muskoday et de Whitecap. En collaboration avec le bureau du procureur général de la Saskatchewan, on cherche des moyens d'assurer une meilleure application des lois. Nous espérons que ces échanges inciteront la province à reconnaître le code foncier des Premières Nations de même que la nécessité d'une collaboration et d'un soutien suffisants pour l'application conjointe des lois en vigueur.
    Si nous y parvenons en Saskatchewan, nous pourrons le faire aussi au Manitoba, en Alberta, en Colombie-Britannique et partout au pays. D'après moi, c'est ce que nous devons viser. Ces discussions se poursuivent actuellement. Il faut espérer que le travail de votre comité et les recommandations qui en découleront feront avancer les choses. Nous espérons en outre que vous recommanderez une action immédiate. Nous n'avons pas les moyens d'attendre. Les lois en question sont déjà en vigueur. Nous formons un gouvernement. Ce fait a été reconnu. Nous disposons des pouvoirs et des attributions d'un gouvernement, mais nos lois ne sont pas reconnues et appliquées. Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps.
    Nous avons des problèmes matrimoniaux à régler. Nous avons des cas d'intrusion illicite. Il y a des enjeux liés à la pollution et aux contaminants ainsi qu'à toutes sortes de questions d'une importance telle qu'il faut en traiter sans plus tarder. Mieux cette réalité sera comprise, plus il y aura collaboration en la matière et plus ce comité sera en mesure de faire comprendre aux différentes provinces — et à tous leurs ministères — que c'est un enjeu primordial, plus rapidement nous allons pouvoir trouver des solutions.
    Je vous remercie beaucoup pour votre question et pour le travail accompli par votre comité.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant me tourner du côté de la cheffe Cook. Des témoins nous ont fait valoir la grande importance de l'autodétermination, mais l'impossibilité de faire respecter vos lois entrave votre évolution en ce sens et complique considérablement la tâche à vos têtes dirigeantes. Je pense d'ailleurs que vous nous en avez parlé fort éloquemment.
    Vous nous avez dit que vous êtes en pleine troisième vague, et je suis vraiment désolée des répercussions pour votre communauté et du stress important que cela entraîne pour vos dirigeants et tous vos travailleurs.
    Vous avez décidé de ne pas adopter de lois ni émettre d'ordonnances en matière de santé publique parce que vous n'aviez absolument aucune façon d'en assurer le respect. Je me demande dans quelle mesure cela entrave le travail de vos dirigeants. Pouvez-vous me dire aussi quelles sont les incidences dans la communauté lorsque les gens savent que les comportements inappropriés n'auront pas de conséquences?
(1215)
    Je crois que l'absence de conséquences est l'aspect le plus problématique. Nous nous fondons sur notre expérience de la deuxième vague pour essayer d'influer sur les comportements actuels. Tous ensemble, nous avons vécu un confinement et subi une éclosion. Je présume que nous espérons simplement que la plupart des gens vont se comporter en conséquence.
    Il est très difficile de gérer les demandes de ceux qui voudraient que nous décrétions un confinement et que nous prenions les mesures que l'on sait efficaces. La gestion de ces mesures a été difficile à un point tel que je ne suis pas certaine que nous puissions répéter l'exercice. Compte tenu de toutes les difficultés que nous a causées la deuxième vague, je ne sais pas combien de gens sont disposés à revivre une telle expérience, maintenant que l'on sait tout ce que cela exige.
    Vous nous avez dit qu'il était impossible pour la GRC de faire appliquer ces règles et que vous aviez cherché des façons d'adapter les règles en question en fonction des attributions de la GRC pour le maintien de l'ordre. Je me pose des questions sur ce mode de gouvernance qui m'apparaît un peu étrange.
    Nous avions en fait besoin d'aide, et on nous a dit qu'il était impossible de faire appliquer aussi bien les ordonnances de santé publique émises par la bande que notre code foncier. Il y avait toutefois les ordonnances des autorités provinciales de la santé publique qui étaient en vigueur, et le simple fait de patrouiller en véhicule, plutôt que de rester assis au poste toute la journée, aurait pu contribuer à créer la perception qu'une certaine surveillance était exercée sans que la GRC ait véritablement à intervenir.
    C'est le genre de demandes que nous avons formulées, mais ils n'ont pas été aussi coopératifs que nous aurions pu le croire. Cela a eu un impact sur la propagation de la COVID-19 dans la communauté. Elle s'est répandue beaucoup plus rapidement qu'elle aurait dû. Si nous avions...
    Je suis désolé de devoir vous interrompre, mais je dois m'assurer que chaque membre du Comité peut poser ses questions. Nous avons nettement dépassé les six minutes prévues.
    Nous amorçons maintenant un second tour où chaque député aura droit à cinq minutes. Le premier à prendre la parole sera M. Melillo.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux d'abord m'adresser au grand chef Settee.
    Si j'ai bien compris, vous aviez une conclusion que vous souhaitiez nous présenter, mais il vous a été impossible de le faire. Je veux seulement vous donner l'occasion de nous soumettre maintenant ce commentaire, si cela vous convient.
    Merci beaucoup. C'est grandement apprécié.
    Je voulais seulement conclure en vous indiquant à quel point la pandémie avait mis en lumière différentes lacunes et barrières de même que le besoin urgent d'assurer le maintien de l'ordre. Ce fut aussi pour nous l'occasion de bien comprendre la nécessité de modifier les cadres législatifs du gouvernement fédéral, des provinces et des Premières Nations dans le but de reconnaître et de renforcer la capacité des Premières Nations. Il faut que ce soit des policiers, des officiers judiciaires et des avocats des Premières Nations qui prennent en charge l'adoption et l'application de nos règlements et de nos lois ainsi que les poursuites et les décisions juridiques qui en découlent.
    C'est ce que je souhaitais dire en guise de conclusion.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Maintenant que je vous ai mis sur la sellette, je vais en profiter pour vous poser une question.
    Si je comprends bien le point de vue de votre organisation — et corrigez-moi si j'ai tort —, le problème viendrait notamment du fait que les agents de sécurité communautaire des Premières Nations ne sont pas considérés comme des agents de la paix lorsque vient le temps de faire appliquer les règlements adoptés par les différentes bandes. Je ne sais pas si vous pourriez nous fournir de plus amples détails à ce sujet et nous parler des répercussions de ce cadre d'intervention, si je puis m'exprimer ainsi, sur le travail des agents de sécurité communautaire au quotidien.
    Merci beaucoup pour la question.
    Pourrais-je demander à Mike Anderson, qui a travaillé sur ce dossier, d'y répondre?
    Certainement.
    Les agents de sécurité communautaire que nous avons aujourd'hui étaient au départ des agents de police des bandes dans le cadre d'un ancien programme de Sécurité publique Canada mis en oeuvre aux environs de 1965. Pendant toute cette période, ils ont donc offert à titre de premiers répondants — et parfois de seuls répondants — des services de sécurité publique, tout particulièrement dans nos communautés éloignées.
     Dans les années qui ont précédé l'abrogation de la Loi sur la sûreté du Manitoba le 1er juin 2012, ils disposaient des pouvoirs et des attributions d'un agent de la paix pour s'acquitter de leurs fonctions. Avec l'entrée en vigueur au Manitoba de la Loi sur les services de police le 1er juin 2012, leurs pouvoirs d'agent de la paix ont été limités aux seules lois provinciales prescrites, et même pas à la totalité d'entre elles, si bien qu'ils n'avaient pas l'autorité bien définie d'agir à titre d'agents de la paix pour faire appliquer les règlements adoptés par une bande, ce qui est devenu très problématique.
    Un peu comme c'est le cas pour le code foncier, les agents de la GRC faisaient valoir que les agents de sécurité communautaire des Premières Nations n'avaient pas le pouvoir d'assurer l'application des règlements adoptés par leur bande. Plus tard, l'accord de mise en oeuvre —  pas la loi elle-même, mais l'accord de mise en oeuvre — a été modifié pour reconnaître de tels pouvoirs d'agent de la paix seulement pour l'application d'un règlement pris en vertu de l'alinéa 81(1)c) qui visent l'observation de la loi et le maintien de l'ordre. C'est bien sûr l'alinéa 81(1)a) qui porte notamment sur la prévention des maladies infectieuses.
    Le grand chef Settee a fait valoir avec fermeté au ministre Friesen que les agents chargés de faire appliquer nos règlements devaient clairement disposer des pouvoirs d'un agent de la paix pour pouvoir accomplir pleinement leur travail en faisant respecter la gamme complète des règlements adoptés en vertu des pouvoirs prévus tout particulièrement au paragraphe 81(1) et à l'article 85.1.
    Le gouvernement du Manitoba vient tout juste, il y a moins de deux semaines en fait, d'accepter de modifier l'accord de mise en oeuvre de telle sorte qu'il soit établi clairement que les agents de sécurité communautaire disposent du pouvoir d'un agent de la paix pour l'application de tous les règlements d'une bande. C'est ce que nous avions réclamé en indiquant que c'était nécessaire. C'est d'ailleurs aujourd'hui même que le tout sera annoncé officiellement par les autorités manitobaines à l'occasion d'une conférence de presse qui se tiendra après la séance du Comité. Il sera dès lors bien établi que les agents de sécurité communautaire disposent des pleins pouvoirs pour assurer l'application des règlements de la bande, et ce, pour la première fois depuis la dissolution du Programme des agents de police des bandes en 2015.
    En fait, comme je l'ai indiqué dans mes observations préliminaires, il faut détenir les pouvoirs d'un agent de la paix pour arrêter et fouiller un individu, le mettre en détention et saisir des biens, et l'article 103 de la Loi sur les Indiens indique que seul un agent de la paix peut saisir des marchandises reliées à une infraction à un règlement administratif pris en vertu des paragraphes 81(1) et 85.1(1), ce qui comprend le règlement sur les boissons alcoolisées. Ainsi, la Loi sur les Indiens exige qu'un agent de sécurité communautaire des Premières Nations soit un agent de la paix pour qu'il puisse saisir de l'alcool.
    Nous voulions harmoniser toutes ces dispositions de telle sorte que les fonctions effectivement accomplies par ces agents soient protégées.
    Je tiens aussi à souligner que l'ancien commandant de la Division D, Bill Robinson, a indiqué que nos agents de police de bande jouaient à l'époque le rôle de premiers répondants en l'absence de la GRC, si bien qu'ils devaient remplir des fonctions de policier lors des absences souvent prolongées de la GRC qui faisait uniquement des patrouilles périodiques, parfois mensuelles, dans quelques-unes de nos communautés. Comme nos agents de police sont là le reste du temps, il est essentiel qu'ils disposent des pouvoirs suffisants pour accomplir leur travail et assurer le maintien de l'ordre.
(1220)
    Merci. Je suis étonné de voir que nos recommandations sont déjà mises en oeuvre alors même que nous n'avons pas terminé notre étude.
    J'ajouterais seulement, monsieur le président, que cette avancée est attribuable à l'insistance du grand chef Settee et à ses liens personnels avec le ministre de la Justice du Manitoba, Cameron Friesen. Nous avons pu collaborer très étroitement avec ces gens-là dans le cadre d'un dialogue ouvert et franc. Je suis heureux de pouvoir vous dire qu'ils ont très bien saisi le message du grand chef.
    Merci beaucoup.
    Madame Damoff, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux d'abord souligner que je vous parle depuis le territoire traditionnel de la bande des Mississaugas de Credit dans ma circonscription d'Oakville Nord—Burlington.
    Chef Louie, si je ne m'abuse, le projet pilote dont vous parliez porte sur les lois de protection de l'environnement, et nous n'avons encore rien entendu à ce sujet. Je ne sais pas si vous pourriez nous en dire plus long à propos de ce projet pilote.
(1225)
    Merci beaucoup, madame Damoff.
    Si vous n'y voyez pas d'objection, j'aimerais demander à mon collègue Andrew Beynon de vous répondre, car il a beaucoup travaillé sur ce projet.
    Oui. C'est correct.
    Je vous remercie.
     Je remercie les membres du Comité, et je vous remercie de la question.
    Le projet pilote que les Premières Nations des Dakota de Whitecap et de Muskoday dirigent en Saskatchewan est vraiment très intéressant. Comme le chef Louie l'a souligné, nous tiendrons demain notre conversation nationale en ligne — et enregistrée — à laquelle les députés, le public, les fonctionnaires fédéraux, les représentants des Premières Nations, les fonctionnaires provinciaux et tout le monde peuvent assister. Au cours de cette rencontre, des personnes directement concernées parleront de ce qu'elles réalisent actuellement. Je ne veux pas trop en révéler, mais, cela étant dit, je pourrais formuler deux observations.
    D'abord, il s'effectue beaucoup de travail semblable à celui des agents de sécurité des Premières Nations dans le cadre de ce projet pilote. En Saskatchewan, ces agents, appelés agents de sécurité communautaire, tentent de déterminer vers certitude l'étendue de leurs pouvoirs d'appliquer les lois des Premières Nations des Dakota de Whitecap et de Muskoday et de travailler en partenariat avec les autorités provinciales.
    En ce qui concerne les questions environnementales, je sais que des préoccupations ont été exprimées, notamment par la Première Nation des Dakota de Whitecap, qui vit très près de Saskatoon, au sujet des questions environnementales qui touchent la communauté. Cette Première Nation a été directement confrontée au fait que des individus qui entreprennent des activités sur les terres provoquent des contaminations importantes sur la réserve.
     Malheureusement, au moins une situation s'est avérée très difficile à contrôler et les dommages environnementaux, plutôt que d'être prévenus, ont eu lieu sur les terres. Ce qui s'appelait à l'époque le ministère des Affaires indiennes a promis de s'occuper du nettoyage des dommages toxiques survenus sur la réserve. On n'a pas réussi à appliquer la loi sur les terres et à contrôler et à prévenir les dommages environnementaux. Nous pourrions demander à la Première Nation des Dakota de Whitecap d'assurer le suivi auprès de vous si vous le souhaitez.
    Oui. J'allais vous le demander, en fait. Comme votre réunion a lieu demain, la Première Nation pourrait peut-être remettre quelque chose au greffier pour que nous l'incluions au rapport.
    En effet.
    Cheffe Bill, je suis ravie de vous revoir.
    De toute évidence, votre programme d'agents de sécurité communautaire constitue un modèle pour le pays. Comme mon collègue Gary Vidal l'a souligné, vous avez comparu devant le comité de la sécurité publique, et je sais que vous accomplissez un excellent travail.
    Je pense que nous avons tous été horrifiés quand le chef Denny a indiqué qu'il avait attendu pendant 20 ou 30 minutes que la police arrive pour aider un être cher et qu'il avait finalement été obligé d'intervenir lui-même.
    Cheffe Bill, je suppose que vos agents de sécurité communautaire ne répondraient pas au genre de fusillade qu'il a décrite. Vous feriez encore appel à la GRC. Où se situe la différence entre ce qu'il a vécu dans sa communauté et ce que vous vivez à Kwanlin Dün?
    Eh bien, les agents de sécurité communautaire n'ont pas de pouvoir d'exécution de la loi...
    Nous vous entendons difficilement, cheffe Bill.
    Je suis désolée. Voilà qui est mieux. Je buvais du café.
    Les agents de sécurité communautaire n'ont pas de pouvoir d'exécution de la loi. Quand nous avons sondé nos citoyens récemment, ils ne voulaient pas qu'ils aient ce pouvoir. C'est intéressant. Je pense qu'autrement, la confiance s'émousserait.
    Connaissez-vous les mêmes problèmes que ceux que le chef Denny a décrits?
    Oui. Dans notre cas, puisque nous vivons dans la ville de Whitehorse où nous formons une petite communauté, la GRC intervient très rapidement lors d'incidents de ce genre. Les agents de sécurité communautaire travaillent toutefois aux côtés de la GRC.
    Par exemple, si un meurtre ou quelque chose de cette nature survient, la GRC mettra l'accent sur ce qu'elle doit faire et les agents de sécurité communautaire s'occuperont de la communauté, notamment en veillant à ce que les gens ne s'approchent pas, en bouclant le périmètre et en assurant la sécurité dans les parages.
    Du soutien au chapitre de la santé mentale sera probablement aussi offert aux familles.
    Oui, et ils s'assurent... Quand la GRC intervient, il y a souvent une rupture entre les services, entre la communauté et la GRC. Par exemple, si une femme est agressée sexuellement, les agents de sécurité communautaire veilleront à ce qu'elle reçoive les services dont elle a besoin, dans le respect de sa culture.
    La confiance entre la GRC et les agents de sécurité communautaire s'est vraiment améliorée. Les agents de la GRC étaient très sceptiques au début, mais ils voient maintenant les avantages de la collaboration et sont dithyrambiques quand nous parlons de ces services...
(1230)
     Je vous remercie, cheffe. Nous avons considérablement dépassé le temps accordé.
    D'accord.
    Nous accorderons la parole à Mme Bérubé pour deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma question s'adresse au chef Louie, encore une fois.
    Dans votre mémoire, vous proposez de désigner le procureur général fédéral comme ministre responsable de l'engagement du gouvernement fédéral à régler la question de l'application des lois. Quels changements concrets cette mesure entraînerait-elle?

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup, honorable députée.
    Nous pensons que les changements seraient plus immédiats, plus urgents si le procureur général s'impliquait directement. Il s'agit du ministre possédant peut-être la désignation la plus hautement reconnue, et je pense qu'il susciterait beaucoup plus d'attention immédiate, particulièrement quand des procureurs généraux des provinces sont concernés et à mesure que l'affaire progresse.
    Nous considérons que cette désignation confère en soi beaucoup plus de crédibilité et d'urgence à la situation. C'est ce que nous espérons accomplir en faisant intervenir le procureur général directement à cet égard.

[Français]

     Parmi les recommandations formulées dans votre mémoire, pouvez-vous me dire lesquelles sont une priorité absolue?

[Traduction]

    Nous avons plusieurs recommandations, que nous jugeons toutes également importantes.
    Il importe que la stratégie du Canada en matière de justice autochtone comprenne un engagement à faire de l'exécution de la loi une priorité à court terme. Il importe aussi de désigner le procureur général fédéral à titre de ministre principalement responsable de l'engagement du gouvernement fédéral. Il est également crucial d'exiger que les divers ministères et organismes prennent fermement les choses en main sur le plan bureaucratique et nomment des représentants ministériels ou des bureaucrates de niveau supérieur ayant de la crédibilité à cet égard. Le gouvernement du Canada doit porter une attention particulière aux lois sur les biens immobiliers matrimoniaux pour protéger les femmes et les enfants. C'est très important.
    Il est absolument essentiel de tenir compte du legs laissé par la Loi sur les Indiens, de comprendre que la réglementation et l'exécution de la loi sont terriblement inadéquates et de soutenir d'application des lois environnementales des Premières Nations avec des stratégies globales au chapitre des questions de gestion de l'environnement. Il se produit énormément de contaminations. La situation est fort préoccupante et requiert une attention immédiate...
    Nous devrions arrêter là. Je suis désolé. Nous devons accorder la parole à Mme Blaney pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
     Cheffe Bill, vous avez indiqué que vous disposiez de quatre agents de sécurité communautaire à temps plein et de deux autres sur appel. Je n'ai que quelques questions.
    Ces agents patrouillent-ils 24 heures par jour? Comment gèrent-ils la collaboration avec la GRC? Vous avez indiqué qu'ils comblent une rupture précise entre la GRC et les besoins de la communauté. Vous en avez brièvement parlé, mais comment gèrent-ils la collaboration? Quelle sorte de mécanismes ont-ils pour faire en sorte que cette relation, qui semble fortement empreinte de collaboration, fonctionne?
    Initialement, nous avons reçu de la GRC des statistiques en temps réel sur les règlements, que nous avons attentivement analysées. Nous avons ainsi déterminé où se trouvaient les heures de pointe au sein de la communauté et établi l'horaire des agents de sécurité communautaire en conséquence. Nous révisons ces horaires à l'occasion.
    Pour ce qui est de la GRC et de sa relation avec les agents de sécurité communautaire, nous avons dû trouver un moyen de bâtir cette relation. La meilleure façon d'y parvenir, c'est simplement de travailler avec la GRC. Nous étions là dès qu'il se passait quelque chose. Je pense que les agents de la GRC ont observé nos agents de sécurité communautaire et, alors qu'ils gravitaient autour d'eux quand des incidents graves se produisaient, ils ont réellement compris qu'il y avait quelque chose là.
    Nous n'avons pas d'entente officielle ou quoi que ce soit avec la GRC. Nous tenons toutefois des rencontres officielles avec elle. Conformément à la lettre d'attente, nous la rencontrons une fois par mois. Nous organisons aussi diverses réunions dans le cadre du groupe de travail interorganismes. C'est ainsi que nous résolvons les problèmes qui se présentent.
    Nous avons vu la relation s'épanouir avec les agents de sécurité communautaire. C'est absolument merveilleux. La GRC fait maintenant appel à eux quand des problèmes surviennent et qu'elle a besoin de l'aide de nos citoyens, comme lorsqu'elle recherche quelqu'un ou quelque chose comme cela.
(1235)
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Schmale, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    La conversation est formidable aujourd'hui. Il y a tellement de contenu.
    Peut-être m'adresserai-je à nos amis du Conseil consultatif des terres des Premières Nations. Nous avons parlé de la Loi sur les Indiens et des défis qui se posent parfois au chapitre de la sécurité et de la vie sur les réserves. Nous pourrions peut-être en parler un peu plus. Si cette loi était abrogée, qu'est-ce qui pourrait la remplacer — dans la mesure où quelque chose le peut — ou que faudrait-il mettre en place pour assurer une transition harmonieuse?
    Monsieur Beynon, est-ce une question à laquelle vous voudriez répondre en premier?
    Eh bien, je pourrais peut-être apporter quelques éclaircissements à ce sujet.
    Je commencerais toutefois par dire que le Code foncier contribue à favoriser et à appuyer la sécurité au sein de la communauté. En contrant les intrusions et en réglant les situations problématiques sur les réserves, on peut renforcer la sécurité globale au sein de la communauté. En l'absence de systèmes de maintien de l'ordre et d'interventions policières et dans l'impossibilité de trouver des procureurs, la primauté du droit est mise à mal. Comme de nombreux témoins l'ont fait remarquer aujourd'hui, quand la primauté du droit est enfreinte dans des cas d'intrusion, de problème relatif aux biens immobiliers matrimoniaux, de violence, de déversements illégaux ou de violations de la loi, cela a un effet corrosif sur le respect des lois fédérales et provinciales. Selon moi, il est ainsi plus difficile pour la GRC et d'autres forces policières d'assurer le respect la primauté du droit en ce qui concerne les lois fédérales et provinciales.
    Je dirais que de nombreux témoins et qu'un grand nombre de mémoires remis au Comité ont souligné l'importance d'agir immédiatement pour résoudre le problème du maintien de l'ordre, car cela ne fera pas qu'améliorer le respect et la conformité à l'égard des lois des Premières Nations; cela aura des conséquences bénéfiques allant au-delà du respect de la primauté du droit au Canada.
    C'est parfait. Je vous remercie beaucoup de cette réponse.
    J'ai une seconde question, mais je ne sais pas à qui la poser. Je regarderai peut-être simplement mon écran pour voir qui lève la main. Cela concerne l'éventail de solutions potentielles à la question de l'exécution de la loi et du maintien de l'ordre sur les réserves. La justice réparatrice a fort bien fonctionné à maintes occasions dans certaines régions de l'Ontario.
    Je ne sais pas si quelqu'un voudrait intervenir à ce sujet.
    C'est vraiment une excellente question. La justice réparatrice est une approche reposant sur la guérison au sein de la communauté qui vise à tenter de réparer les torts causés. Cette approche témoigne parfaitement de la culture et des traditions des diverses communautés. Il ne fait aucun doute que c'est extrêmement important.
    Par ailleurs, les témoins et les mémoires ont abondamment traité de ce que j'appellerais la justice occidentale traditionnelle ou courante, laquelle met l'accent sur les infractions, le maintien de l'ordre, les poursuites et la punition. Sachez que pour que la justice réparatrice prospère, les Premières Nations doivent pouvoir se prévaloir aussi de la justice punitive traditionnelle. Malheureusement, si certains considèrent qu'ils peuvent s'en tirer en bafouant les lois des Premières Nations, ils feront probablement fi des efforts de justice réparatrice également.
    La dernière observation que je formulerais brièvement sur la justice réparatrice, c'est qu'elle peut fonctionner de concert avec le régime judiciaire occidental. S'il existe un système bien compris et solidement établi au chapitre du maintien de l'ordre, des poursuites et du recours aux tribunaux traditionnels, les juges, en collaboration avec des partenaires des Premières Nations, ont accès à des approches de justice réparatrice. Plutôt que de punir un contrevenant, il peut être préférable de lui proposer la justice réparatrice et la guérison. Sans système traditionnel efficace, cependant, de trop nombreux contrevenants refuseront de se conformer à la loi, que ce soit par l'entremise de la justice réparatrice ou de l'approche traditionnelle.
(1240)
    Je vous remercie beaucoup. Cela nous amène à M. Powlowski, qui dispose de cinq minutes.
    L'étude se révèle fort intéressante. Nous avons constaté une unanimité parmi les chefs du pays, lesquels ont convenu qu'il a été très difficile, voire impossible d'appliquer les mesures de santé publique et de contrôle de la COVID. Ils ont réagi en adoptant diverses approches, certains chefs préférant utiliser les règlements pris en vertu de la Loi sur les Indiens, alors que d'autres ont recouru à la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Le Service des poursuites pénales du Canada a conclu une entente avec certaines Premières Nations pour tenter de faire appliquer les règlements. Aujourd'hui, les représentants du Manitoba ont, je pense, parlé d'un protocole utilisé pour appliquer les règlements dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations, alors que la cheffe Bill dispose des programmes d'agents de sécurité communautaire. La réaction diffère donc dans chaque communauté. La cheffe Bill a indiqué que chaque communauté est différente, ce qui est vrai.
    Nombreux sont ceux qui diraient qu'il est colonialiste d'imposer des solutions et que chaque communauté doit trouver sa propre approche à l'égard de ses problèmes, mais je dois demander à nos témoins ce qu'ils pensent de ceci: est-il réaliste pour une communauté de 300 ou de 400 personnes d'élaborer un régime d'application de la loi et un système pour résoudre ses problèmes d'eau, de transports et de logement? En ce qui concerne le problème d'application de la loi dans les Premières Nations, faudrait-il adopter une solution globale dans l'ensemble du pays ou trouver une solution propre à chaque communauté? C'est ma première question.
    De plus, c'est le chef Louie qui, je pense, a affirmé que le recours à la Loi sur les Indiens est une offense et qu'il ne veut pas l'utiliser. Je ferais toutefois remarquer que l'article 107 de cette loi prévoit un processus pour nommer des juges de paix afin d'appliquer les règlements pris en vertu de la Loi sur les Indiens. Tout offensante que cette loi puisse être, il me semble que le processus d'élaboration de loi est plus lent que la dérive des continents. Il faudra donc beaucoup de temps pour modifier les lois sur le maintien de l'ordre. Ne vaudrait-il pas mieux, peut-être, utiliser les lois existantes et rétablir le processus judiciaire prévu à l'article 107?
    Ces questions s'adressent à vous tous. Quiconque veut y répondre peut commencer.
     Monsieur Powlowski, puis-je faire remarquer que c'est Robert Louie.
    Je veux simplement rafraîchir la mémoire des gens ici au sujet de la force de loi en ce qui concerne les codes fonciers.
    Nous représentons nos citoyens, qui bénéficient de l'autonomie gouvernementale. Il est fort offensant de recourir ou de se fier à la Loi sur les Indiens ou à toute disposition sur la gouvernance.
    En ce qui concerne nos codes fonciers et la manière dont la loi a été élaborée par le Parlement pour reconnaître que nos communautés sont des Premières Nations autonomes, je vous rappelle que le paragraphe 15(1) du Code foncier stipule qu'un code foncier a force de loi et est admis d'office dans toute procédure judiciaire. C'est très important.
    En outre, le paragraphe 20(3) du Code foncier indique que les textes législatifs « peuvent prévoir des mesures de contrôle d’application, compatibles avec les règles de droit fédérales [...] notamment en matière de visite, de perquisition, de saisie, de prise d’échantillons, d’examen et de communication de renseignements. » Bien entendu, la disposition sur les juges de paix, au paragraphe 24(1), dit qu'« afin d’assurer l’application de ses textes législatifs, la première nation [...] peut nommer des juges de paix notamment chargés de juger les infractions créées par ces textes. »
    Ce que je veux souligner, c'est que nous avons le pouvoir, comme l'a d'ailleurs admis le Parlement. Ce qu'il faut maintenant, c'est indiquer à tous les ministères, aux gouvernements provinciaux et aux autres autorités que ces textes législatifs sont valides et doivent être reconnus pour que lorsqu'ils sont mis en place, ce soit une question d'éducation et, à bien des égards, de simplement informer les autorités de maintien de la paix qu'elles doivent les respecter. La loi fédérale leur accorde la prépondérance, comme c'est maintenant le cas. Je pense donc que c'est très important.
    Pour nos communautés autonomes assujetties au Code foncier, il n'est pas acceptable de se fier à quelque chose à laquelle elles n'ont pas à se fier, particulièrement dans la Loi sur les Indiens.
(1245)
    Je vous remercie beaucoup, chef.
    Mesdames et messieurs, nous devrons suspendre la séance pour examiner certaines affaires à huis clos au sujet de certains travaux du Comité. Compte tenu de cette nécessité, je remercierai nos témoins et les membres du Comité, car nous avons eu d'excellents échanges et contre-interrogatoires. C'est réellement impressionnant.
    Aux témoins, je dirais que je souhaiterais que plus de Canadiens puissent entendre le genre d'exposés que les membres du Comité ont entendus, car cela va au-delà des simples confrontations sur des barricades, alors que la colère gronde et que la désinformation a libre cours. Il est fort impressionnant d'entendre des points de vue étudiés au lieu de commentaires comme « Misère, pourquoi cela se passe-t-il? », qui font la délectation des médias, mais qui ne contribuent pas vraiment à dénouer les situations. Je tiens à vous remercier tous de vos inestimables témoignages.
    Je demanderai une suspension afin que nous quittions la séance pour la reprendre à huis clos.
    Je remercie de nouveau tout le monde. La séance est suspendue.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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