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Étant donné que nous avons le quorum et que tout va bien sur le plan technique, je déclare ouverte la présente séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Je vais d'abord souligner que nous nous réunissons, à Ottawa, sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 25 février 2021, le Comité poursuit son étude de l'objet du projet de loi , Loi concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
L'œuvre d'art que vous voyez derrière moi est une photo d'un ensemble remarquable de sculptures qui se trouve près de mon bureau, sur le lieu de la bataille de Stoney Creek de 1813. Il s'agit de quatre aigles de granite de neuf pieds sur lesquels sont gravés des symboles et du texte. Les sculptures sont installées sur une place circulaire. L'artiste, David General, est membre de la nation Oneida, qui fait partie des Six Nations de la rivière Grand. Cet artiste a un style distinctif dans ses interprétations des traditions culturelles des collectivités Haudenosaunee et Anishinabek pour illustrer le thème de la guérison et de la réconciliation. Je suis certain que c'est dans cet esprit que nous allons effectuer nos travaux aujourd'hui.
Les membres du Comité et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue de leur choix. Vous pouvez choisir la langue en cliquant sur le globe qui se trouve au bas de votre écran, au centre. Vous pouvez choisir l'anglais ou le français. Lorsque vous prenez la parole, veuillez vous assurer que votre caméra est activée et veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre microphone doit être en sourdine.
Nos témoins sont prêts. Nous accueillons Brenda Gunn, une professeure à la Faculté de droit de l'Université du Manitoba. Nous recevons également des représentants du Indigenous Resource Network, à savoir Arnie Bellis, président, et Heather Exner-Pirot, conseillère en recherche. Je crois que nous avons convenu que Thierry Rodon, qui comparaît à titre personnel, fera aussi partie de ce premier groupe de témoins.
Madame Gunn, vous avez la parole pour six minutes.
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[
La témoin s'exprime en mitchif nordique ainsi qu’il suit:]
Tawnshi. Brenda Gunn niya. Winnipeg ni weekin. Ma famee Red River ouschi.
[La témoin fournit une version en anglais dont voici la traduction:]
Bonjour, je m'appelle Brenda Gunn. J'habite à Winnipeg et ma famille est originaire de la rivière Rouge.
[Traduction]
Je suis métisse et, comme le président l'a mentionné, je suis professeure agrégée à la Faculté de droit de l'Université du Manitoba. Depuis près de 20 ans, je travaille dans les domaines du droit international et du droit constitutionnel, notamment dans le domaine de l'application au Canada du droit international en matière de droits de la personne. J'ai rédigé un manuel sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies et j'ai fait de nombreux exposés sur cette déclaration et la façon de commencer à la mettre en œuvre au pays.
Aujourd'hui, je vous parle depuis le territoire du Traité no 1 et de la terre natale de la nation métisse, mon territoire natal. Je tiens à saluer le peuple algonquin, car la Chambre des communes se trouve sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité aujourd'hui. Je suis très reconnaissante d'être ici et je tiens aussi à saluer les autres témoins.
Je dois dire d'abord que le 22 mars 2018, j'ai comparu devant votre comité au sujet du projet de loi . Lorsque j'étais en train de préparer mon exposé d'aujourd'hui, je me demandais ce que je devrais dire, en réfléchissant à ce qui a changé et évolué au cours des trois dernières années. Je revenais toujours à la même réflexion: il est terrible que nous ayons perdu ces trois années, qui auraient pu servir à élaborer un plan d'action national s'appuyant sur les travaux de la Commission de vérité et réconciliation et de l'enquête nationale; ce sont trois années durant lesquelles les peuples autochtones ont continué d'afficher des résultats sur le plan socioéconomique et en matière de santé plus faibles que ceux du reste de la population canadienne. Trois ans, c'est une longue période. En fait, pour ma fille, c'est toute sa vie.
Je suis en faveur du projet de loi, car j'estime qu'il constitue un pas important vers la réconciliation, vers la reconnaissance des droits fondamentaux de la personne et vers un Canada plus juste et plus équitable pour tous.
Lorsque je parle de la Déclaration des Nations unies et de la raison pour laquelle je crois qu'elle constitue un cadre pour la réconciliation, je mets souvent en lumière quatre paragraphes clés du préambule, que je vais vous lire maintenant.
Le premier se lit comme suit: « Affirmant que les peuples autochtones sont égaux à tous les autres peuples, tout en reconnaissant le droit de tous les peuples d'être différents, de s'estimer différents et d'être respectés en tant que tels ».
Le deuxième est celui où l'ONU se dit « Préoccupée par le fait que les peuples autochtones ont subi des injustices historiques à cause, entre autres, de la colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et ressources, ce qui les a empêchés d'exercer, notamment, leur droit au développement conformément à leurs propres besoins et intérêts ».
Le troisième est le paragraphe où l'ONU affirme être « Convaincue que la reconnaissance des droits des peuples autochtones dans la présente Déclaration encouragera des relations harmonieuses et de coopération entre les États et les peuples autochtones, fondées sur des principes de justice, de démocratie, de respect des droits de l'homme, de non-discrimination et de bonne foi ».
Enfin, le quatrième paragraphe est celui dans lequel l'ONU « Proclame solennellement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui constitue un idéal à atteindre dans un esprit de partenariat et de respect mutuel ».
Ce que ces quatre paragraphes du préambule me disent, c'est que nous devons cesser au Canada de croire au mythe selon lequel la reconnaissance des droits des peuples autochtones va déchirer en quelque sorte le Canada. Nous devons accepter le fait que les peuples autochtones sont brisés, qu'ils ont payé un prix trop élevé pour le développement du Canada, et ce, pendant trop longtemps. Nous devons accepter que la réconciliation passe uniquement par la reconnaissance des droits des peuples autochtones et par le passage d'une relation coloniale à une relation fondée sur la justice, la démocratie, le respect des droits de la personne, l'absence de discrimination et la bonne foi.
À la lumière de cette compréhension de la raison d'être de cette déclaration et de son importance au Canada, je tiens à souligner un aspect essentiel des droits fondamentaux inclus dans la Déclaration des Nations unies. Précisément, je tiens à souligner que la Déclaration des Nations unies inclut des droits économiques, sociaux et culturels dans des domaines comme les droits linguistiques, l'éducation, les soins de santé, le logement et le développement économique, qui sont tous essentiels à l'exercice des droits civils et politiques.
Dans le système international des droits de la personne, il n'existe aucune hiérarchie des droits.
Dans le cadre du projet de loi , l'élaboration d'un plan d'action national est essentielle pour garantir que les droits économiques, sociaux et culturels obtiennent la même attention et la même considération que les droits politiques et civils.
Durant le long débat sur le projet de loi , des propos alarmistes ont malheureusement été formulés. Ils ont fait naître de l'incertitude, des préoccupations à propos du droit des peuples autochtones au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et l'idée que les peuples autochtones pourraient essayer de stopper tous les projets d'exploitation des ressources.
Selon moi, ces prétendues préoccupations mettent en lumière la nécessité de mieux comprendre au Canada la Déclaration des Nations unies et la nécessité d'un effort coordonné pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies dans le droit canadien en s'appuyant sur la jurisprudence en matière de droits internationaux de la personne des 20 dernières années, sur laquelle est fondée la Déclaration des Nations unies. Le Canada a pris beaucoup de temps à exprimer son soutien à l'égard de la Déclaration des Nations unies. Il y a beaucoup de travail à faire. Nous avons perdu beaucoup de temps et le temps est venu de passer à l'action.
Bien que le projet de loi ne réglera pas tous les problèmes et n'éliminera pas toutes les tensions entre les peuples autochtones au Canada, cette mesure législative peut faire partie de la solution. Le projet de loi C-15 prévoit des étapes essentielles vers l'élaboration d'un plan pour mettre en œuvre les droits fondamentaux des peuples autochtones. Il comporte des mesures importantes de reddition de comptes pour s'assurer que le Parlement joigne l'acte à la parole. Il contribue à dissiper des malentendus à l'égard de l'application au Canada de la Déclaration des Nations unies.
Marsi. Je vous remercie et je serai ravie de répondre à vos questions.
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Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous adresser au Comité.
Je m'appelle Arnie Bellis. Mon nom en haïda est Gwaii Gwanglan. Je suis membre du Staa’stas Eagle Clan au sein de la nation haïda.
J'ai bien des choses à dire. La jeune femme qui a parlé avant moi a très bien résumé l'histoire du Canada et de sa relation avec les Premières Nations.
J'ai tendance à me reporter à la Constitution canadienne, pour laquelle nous nous sommes battus durant les guerres mondiales. Elle fait état du multiculturalisme, des droits et de toutes ces choses merveilleuses dont nous bénéficions.
C'est curieux que les peuples des Premières Nations aient dû s'adresser à la Cour suprême à de nombreuses reprises pour que leurs droits soient maintenus et examinés.
Je vais laisser les statistiques parler d'elles-mêmes en ce qui a trait à l'emploi, à l'incarcération, etc. Ces statistiques en disent long.
Cela fait plus de 10 000 ans que nous utilisons les ressources du Canada, et cela nous a permis de développer une société très sophistiquée. Nous nous sommes retrouvés assujettis à la Loi sur les Indiens, et des gens ont travaillé très fort pour nous amener à penser comme eux, sur le plan de la religion, et pour nous faire abandonner notre mythologie.
Dans une certaine mesure, notre esprit a été paralysé. Nous sommes maintenant de nouveau sur la bonne voie, et nous cherchons à utiliser nos ressources pour améliorer certains aspects, comme la culture et la mythologie. En vertu de la Constitution du Canada, nous avons l'autorisation de le faire.
Je tiens à mentionner que la population du peuple haïda est passée de 12 000 à 580 en raison de la variole. Nous essayons encore de définir notre relation avec le Canada, où tout le monde pourrait trouver son compte, car c'est une relation qui fonctionne dans les deux sens.
Nous avons créé l'Indigenous Resource Network pour nous exprimer au nom des travailleurs des Premières Nations. Nous sommes une jeune organisation non partisane. Nous avons senti le besoin de participer à la présente discussion pour tenter de faire progresser la relation entre les Premières Nations et le Canada, et l'industrie également.
J'ai travaillé longtemps avec l'industrie et je suis parvenu à des solutions très positives pour les deux parties.
J'ai étudié le projet de loi et j'ai participé à un certain nombre de tables rondes, de consultations et de conférences Zoom, et nos membres ont fait de même. Heather vous en dira davantage à ce sujet.
Le développement économique fait partie de la discussion. C'est l'un des aspects. Il y a d'autres aspects sur lesquels il faut se pencher. J'ai parlé de l'environnement, de la culture et d'autres choses de cette nature.
Nous sommes conscients qu'il y a d'autres éléments, notamment les investissements. Pour prendre davantage notre place, nous avons besoin d'investisseurs. Les Premières Nations n'y échappent pas. Nous aimons attirer des investisseurs, mais nous ne voulons pas tout céder, pour ainsi dire. Nous sommes tout à fait conscients que nous avons besoin des investissements.
Cela étant dit, je vais entrer dans le vif du sujet. Nous aimerions participer à l'élaboration du plan d'action, et je crois que nous pourrions avoir une très bonne conversation claire sur la façon de renforcer la relation et de favoriser une meilleure compréhension. Il y a maintenant une compréhension entre les Premières Nations et le Canada, qui s'améliore au fil du temps.
J'ai discuté avec un ami du Business Council of British Columbia, et je sais que la situation entourant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones nuit déjà un peu aux investissements. Nous devons nous préoccuper de cela si nous voulons attirer des investissements au sein des peuples autochtones.
Monsieur le président, j'aimerais vous remercier encore une fois et j'aimerais remercier Romeo Saganash et les personnes qui ont mené à bien ce projet de loi afin que nous puissions en discuter. J'ai des amis qui ont passé beaucoup d'années aux Nations unies et qui ont consacré une bonne part de leur temps à cette réalisation. J'aimerais leur dire hawaa et les remercier beaucoup pour le sacrifice qu'ils ont fait d'être loin de leur famille. Je tiens à le souligner.
Je vous remercie grandement de m'avoir invité à comparaître devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
Je suis professeur de science politique à l'Université Laval, mais je travaille plus particulièrement sur les questions autochtones, notamment sur les politiques autochtones du Canada et d'ailleurs. C'est donc dans cette perspective que je vais livrer mon discours. Je travaille aussi à un projet de recherche sur les relations entre les communautés autochtones et les compagnies minières au Canada, en Australie, en Fenno-Scandie et en Nouvelle-Calédonie. Il porte plus particulièrement sur les questions de la mise en œuvre du consentement préalable, libre et éclairé et sur l'acceptabilité sociale des projets miniers dans les communautés autochtones.
Je ne vous parlerai donc pas de l'aspect du droit, même si je connais bien les questions qui s'y rattachent, mais plutôt des enjeux et des rapports de force qui sont en train de se créer au Canada. Je vais m'attarder sur la question de l'incertitude, puisqu'on la comprend très mal. En fait, je pense qu'on vit actuellement de l'incertitude relativement aux grands projets.
Contrairement aux politiques autochtones habituelles du Canada, qui tendent à maintenir la relation coloniale qui a été établie depuis 1867 au moyen de la fameuse Loi sur les Indiens ou « Loi sur les sauvages », comme on la connaissait à l'époque, il s'agit d'une politique qui se démarque, car elle se concentre sur la relation entre le Canada et les premiers peuples. Il s'agit d'un changement qu'on a vu avec le nouveau ministère des Relations Couronne-Autochtones. C'est pour cette raison que je suis très favorable à l'adoption de cette loi, qui va permettre de changer cette relation. En fait, cela a un peu commencé, mais c'est surtout symbolique. Je pense qu'il est nécessaire d'avoir une loi à cet égard, même si elle est imparfaite — les lois sont toujours imparfaites — et qu'on peut la critiquer, avec raison.
Selon moi, la loi doit reconnaître qu'une relation avec les autochtones, les premiers peuples, doit être établie et qu'il faut trouver des solutions. À mon avis, le projet de loi a la potentialité de participer au processus de réconciliation qui est en cours, mais avec beaucoup de ratés. On a tous vu l'intervention armée de la GRC contre un groupe autochtone, les Wet’suwet’en. Ce sont ces questions qu'il faut se poser. Ce sont des choses qui se passent actuellement.
Je suis heureux de voir que des consultations sont menées auprès des peuples autochtones, même si, à mon avis, elles devraient être élargies. Je vais y revenir, parce qu'il faut se demander qui doit être consulté en lien avec ces questions. Présentement, on consulte les grandes organisations nationales autochtones, ce qui est une bonne chose, mais je pense qu'il faut aller un peu plus loin.
Je vais maintenant revenir à la question de l'incertitude, parce que les commentateurs qui s'opposent à cette loi en font souvent mention. Cela m'étonne un peu, puisque, selon moi, l'incertitude est actuelle. Ce n'est pas la loi qui va la créer. En ce moment, au Canada, il y a une incertitude pour ce qui est du développement de grands projets, surtout des projets linéaires, mais aussi en ce qui a trait aux projets miniers. D'ailleurs, je connais un peu mieux ce sujet. En général, les projets miniers posent moins problème, parce que moins de parties sont impliquées. Cependant, ils peuvent créer des tensions extrêmement fortes.
Voici quelques exemples, que vous connaissez tous. Tout d'abord, il y a le projet Trans Mountain, qui a donné lieu, pour une rare fois, à une décision du Cabinet, mais cette dernière a été annulée par la Cour supérieure de l'Alberta. Ensuite, il y a le projet Coastal GasLink; j'en ai brièvement parlé lorsque j'ai mentionné l'intervention de la police contre un groupe, les Wet’suwet’en, qui s'opposait à ce gazoduc. Enfin, il y a un autre cas que nous connaissons moins, soit celui de la mine Mary River, au Nunavut, exploitée par l'entreprise Baffinland, dont les projets d'agrandissement sont menacés, même s'ils avaient le soutien des organisations inuites.
Ceux qui connaissent l'entente relative au Nunavut savent que des processus particuliers ont été mis en place relativement aux consultations et à l'approbation des projets, même si l'approbation relève finalement du gouvernement fédéral. Toutes ces procédures devaient mener au consentement. Or il n'y a pas eu consensus, puisque les communautés inuites sur le terrain se sont opposées à l'agrandissement, ont bloqué l'aéroport et ont finalement mis en danger l'agrandissement de cette mine.
Je dirais que nous ne savons pas encore comment obtenir un consentement préalable, libre et éclairé. Le fait d'avoir un projet de loi qui aide à mieux le définir contribuera à éviter tous ces conflits.
En effet, l'incertitude est dans les conflits, pour l'instant. Il en restera toujours puisque nous ne pouvons pas éliminer tous les conflits, mais le fait de ne pas avoir de façon claire d'agir sur ces questions pose un certain problème. Le fait de ne pas avoir pris en compte les droits des peuples autochtones a créé d'importants coûts à la société canadienne. Si nous ne voulons pas y penser sur le plan du droit, nous pouvons y penser sur le plan économique.
En fait, au cours de mes recherches, j'ai observé que les communautés autochtones se sont approprié le consentement préalable, libre et éclairé. Elles le mettent en œuvre pour l'instant de la seule façon qu'elles peuvent le faire, c'est-à-dire en établissant un rapport de force. M. Saganash pourra peut-être vous en parler, mais les Cris ont une politique très claire mentionnant qu'aucune mine n'ouvrira sur leur territoire s'ils ne donnent pas leur accord. C'est une façon d'établir un rapport de force, et ils l'ont établi. Ce peut aussi être fait au moyen de barrages et de blocages d'aéroports, entre autres.
Il est donc important que le consentement préalable, libre et éclairé soit mieux intégré au cadre juridique. C'est ce que le projet de loi essaiera de faire et cela pourrait contribuer à diminuer cette incertitude.
J'aimerais maintenant vous parler de quelques recommandations ou conclusions qui découlent de mes recherches, mais qui pourraient éclairer votre comité.
Tout d'abord, définir le consentement préalable, libre et éclairé n'est pas un problème. Nous savons ce qu'est le consentement. Il y a toutefois deux questions plus complexes, à savoir: quand a-t-on besoin d'obtenir le consentement et sur quel projet?
Nous avons une piste avec la cause Delgamuukw et la question du consentement, qui existe déjà en droit canadien. Je n'exposerai pas cela de façon détaillée.
Ensuite, et c'est peut-être le plus important, il faut savoir qui doit consentir. Savoir qui doit donner son consentement est d'ailleurs un problème qui découle beaucoup de la relation coloniale entre le Canada et les communautés autochtones, avec des gouvernements traditionnels et des gouvernements canadiens.
Je vous remercie
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les témoins, bonjour.
Nous entendons beaucoup d'excellents témoignages, et je tiens d'abord à dire que, de ce côté-ci, nous sommes ici pour appuyer l'esprit de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Elle ne manque pas d'éléments qui nous conduiront vers la réconciliation et un dialogue digne de ce nom.
Comme beaucoup d'entre vous le savent et comme certains d'entre vous en ont témoigné, elle pose des difficultés avec le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et, plus particulièrement, avec la signification de « consentement ».
Je pose ma première question à l'Indigenous Resource Network. D'après votre site Web, votre organisation sait que les investissements dans vos terres et vos gens tombent sur des obstacles et que le projet de loi , faute d'une définition convenable, pourrait en ajouter un autre et, peut-être, faire mourir l'idée d'investir dans les emplois et dans les potentialités de certaines de vos communautés.
Voulez-vous formuler des observations à ce sujet?
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Peut-être, monsieur Bellis, vous me permettrez de me lancer la première pour ensuite compléter ma réponse.
Je suis ravie d'être ici. Je me nomme Heather Exner-Pirot et je suis conseillère en recherche pour le réseau.
La réponse à votre question est oui. Comme M. Bellis l'a dit, nous avons fait une recherche sur le projet de loi et nous entretenons d'étroites relations avec certains joueurs de l'industrie. Nous nous sommes adressés à des responsables des secteurs minier, pétrolier et gazier, hydroélectrique, ferroviaire ainsi qu'à des investisseurs et gestionnaires de caisses de retraite et de fonds privés.
Des discussions assidues avec nos homologues du Conseil des ressources indiennes, de la First Nations LNG Alliance et de la Coalition des Premières Nations pour les grands projets nous ont permis de nous faire une idée des conséquences pratiques de l'adoption du projet de loi .
L'inquiétude est palpable. Si vous ne le croyez pas, adressez-vous aux investisseurs. Si votre principe directeur est que les Premières Nations, les Autochtones, méritent le développement économique et la mise en valeur de leurs ressources, c'est presque certainement la meilleure occasion de le faire. Ensuite, il est certain que nous tenons à un climat favorable à la mise en valeur des ressources au Canada.
De la discussion avec toutes ces personnes, il ressort, eh oui!, la perception que le Canada n'est pas un bon endroit pour investir et qu'il présente un risque. Le projet de loi est un autre facteur d'augmentation du risque, faute d'expliciter ce que le consentement exige. Est-ce une résolution d'un conseil de bande? Un référendum? Qui est l'organisme représentatif? Les chefs héréditaires? Le conseil de bande? N'importe quel membre d'une nation? Toutes ces questions sans réponse ne font qu'accroître le risque pour les capitaux.
On nous a dit qu'il était très difficile d'investir en territoire autochtone, parce que c'est très risqué. Je pense que vous savez tous que les Autochtones se sont impliqués davantage, particulièrement depuis le jugement sur l'obligation de consulter, rendu en 2004-2005. D'employés, ils sont devenus entrepreneurs et ils commencent maintenant à être actionnaires. Pour s'assurer d'attirer des capitaux, réaliser leurs propres projets d'exploitation des ressources, être leurs propres promoteurs, les nations autochtones doivent verser une indemnité de risque.
Comme M. Bellis l'a dit, le conseil des affaires de la Colombie-Britannique lui a avoué que, du fait de l'adoption du projet de loi 41 de cette province, cette indemnité a été de 1 %. C'est le chiffre avancé. C'est la prime de risque qui y affecte les projets de mise en valeur des ressources depuis l'adoption de cette loi.
Mes antécédents personnels et professionnels me font aspirer à ce que les Autochtones bénéficient entièrement de la mise en valeur de leurs ressources. Je comprends qu'on annonce un boum des produits de consommation et que nous sortons, pour ainsi dire, de la pandémie de COVID-19. Mais, si nous ajoutons trois années d'incertitude, pendant l'élaboration d'un plan d'action, qui hypothéqueront la capacité des investisseurs désireux d'investir dans la mise en valeur des territoires autochtones, conformément au désir des Autochtones, ça met en jeu des dizaines de milliards de dollars. J'en suis franchement persuadée.
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Merci de votre question. Je ferai de mon mieux pour y répondre.
J'essaierai de le faire par la bande et de peut-être répondre en même temps aux tendances que je discerne sur la scène internationale.
Il importe vraiment pour votre comité et pour le Parlement de savoir que, à l'étranger, on accepte de plus en plus l'obligation, pour les entreprises, de soutenir les droits de la personne. Actuellement, on négocie un traité international contraignant sur cette obligation.
Peu à peu, s'impose à l'étranger l'application de la déclaration de l'ONU, laquelle englobe le droit des Autochtones à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, dans certaines circonstances. J'espère que le Canada, qui se considère comme un chef de file des droits de la personne, continuera de participer constructivement aux discussions pour la promotion des droits de la personne.
Même si nous continuons, ici, à lancer l'alerte, on n’entend rien à l'étranger. En fait, même la Banque mondiale, dans son cadre environnemental et social pour les opérations de financement des projets d'investissement, ESS7, ou garde-fous proposés pour les peuples autochtones, précise que l'un des critères à respecter pour être admissible au financement de cette banque est le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Peut-être que les investisseurs se disent préoccupés, mais je peux vous dire que, à l'étranger, on s'attend à ce que l'industrie soutienne les droits fondamentaux de la personne. La déclaration de l'ONU n'est qu'un endroit vers lequel nous pouvons nous tourner pour comprendre leurs droits.
Comme j'y ai fait allusion dans ma déclaration préliminaire, la déclaration de l'ONU n'est pas le seul texte utile. Il est très manifeste, dans le cadre d'autres traités internationaux contraignants sur les droits de la personne dont le Canada est signataire, que les peuples autochtones ont un droit de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Mentionnons entre autres le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Tout en voulant être conscients des répercussions économiques, nous devons également reconnaître que, en ce moment même, beaucoup de peuples autochtones paient le développement au prix fort. Peut-être s'agit-il d'une évolution dans certains coûts et avantages économiques de certains travaux de mise en valeur, mais je ne perçois pas, dans l'examen du projet de loi, la mise hors jeu du Canada. En fait, nous avançons de front avec ces développements internationaux. Si rien ne se produit, ça se fera ailleurs. Aussi bien nous mettre tout de suite à l'ouvrage pour nous assurer que nos façons de faire, au Canada, respecteront les normes internationales.
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Mon expérience internationale me permet d'affirmer que beaucoup de peuples autochtones se sont tournés vers les instances internationales quand, ici, au Canada, ils éprouvaient des difficultés et qu'ils étaient déçus dans leur attente d'un règlement.
Ce que j'ai vu et entendu et même ce que je continue d'entendre, aujourd'hui, au travers des discussions sur le projet de loi , c'est qu'il est maintenant venu le temps de reconnaître ces droits fondamentaux et inhérents des peuples autochtones. Nous ne pouvons plus continuer de les traiter comme des peuples inférieurs. Voilà pourquoi j'ai lu des paragraphes du préambule. Il est vraiment venu le temps, pour le Canada, de reconnaître les peuples autochtones comme des peuples. Une trop grande partie du droit canadien se fonde sur ces idées racistes... comme dans le jugement Johnson c. M'Intosh, en 1823, selon lequel les peuples autochtones étaient de féroces sauvages dont l'occupation était la guerre.
Maintenant, en 2021, nous devrions commencer à rejeter ces idées et à collaborer avec les Autochtones pour concrétiser ces droits fondamentaux de la personne.
L'important est que ce projet de loi contient beaucoup de sagesse. En effet, il ne suffit pas de dire que nous acceptons la déclaration de l'ONU, mais, en fait, il nous oblige à concocter un plan pour la mettre en oeuvre. Sur les inquiétudes soulevées, sur le plan national d'action, c'est maintenant et ici le moment et le lieu de discuter de certaines de ces questions et d'y trouver des réponses. Le projet de loi comporte en lui-même un mécanisme pour répondre à ces préoccupations et de ne pas seulement affirmer que nous sommes inquiets des éventuelles répercussions, mais d'examiner et de faire aboutir un plan qui assure que les peuples autochtones et les Canadiens profiteront des mises en valeur.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier l'ensemble des témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
Je sais que M. Saganash n'est pas encore avec nous, mais j'aimerais saluer le travail qu'il a fait au cours de la dernière législature. Je l'ai vu se battre pour son projet de loi, qui ressemble évidemment au projet de loi C-15, sur lequel nous nous penchons aujourd'hui.
Je veux également saluer les membres des Premières Nations qui, au cours des siècles, ont fait en sorte que nous étudiions aujourd'hui ce projet de loi. Comme l'a mentionné M. Rodon, cela est symbolique. Je crois que tout ce que nous sommes capables de trouver dans le symbolique et qui peut devenir concret est nécessaire. Je suis donc heureuse de pouvoir être avec vous aujourd'hui.
Je poserai une question au professeur Rodon.
Monsieur Rodon, dans la dernière parution de la revue Recherches amérindiennes au Québec, vous avez consigné plusieurs textes portant sur la question du consentement préalable, libre et éclairé.
Pouvez-vous nous parler plus amplement des usages politiques de cette notion?
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Je vous remercie, madame Gill. Je peux certainement le faire.
Nous avons publié un numéro spécial de la revue Recherches amérindiennes au Québec sur le sujet. Il y a peu de littérature en français sur la question; il y en a un peu plus en anglais, mais pas tellement.
L'idée était véritablement de regarder comment c'est mis en œuvre en pratique plutôt que dans des textes de loi et des déclarations. C'est un peu la question que nous nous posions. Je ne sais plus si j'ai eu le temps de le dire lors de ma présentation. Toutefois, quand nous parlons avec les membres des communautés autochtones, nous constatons qu'ils considèrent que c'est un de leurs droits. C'est le cas, d'ailleurs, car c'est dans la Déclaration.
Il ne s'agit donc pas de savoir s'ils ont ou pas ce droit au consentement libre, préalable et éclairé. Ils considèrent l'avoir et, de facto, ils essaient de le mettre en œuvre. On le voit partout. Chez les Cris, c'est très clair, même s’ils n'utilisent pas le terme de cette façon. En fait, l'une de mes étudiantes a mené des entrevues non pas avec les Cris, mais avec des gens de la région de l'Abitibi et du Nord-du-Québec. Ces derniers ont dit très clairement que, si les Cris s'opposaient à un projet, celui-ci n'aurait pas lieu. Ce n'est pas un droit de veto; c'est juste une réalité politique dans laquelle les Cris sont un acteur suffisamment important dans le Nord-du-Québec pour décider si un projet est acceptable et s'il bénéficiera à leur communauté.
Comme on l'a mentionné, dans d'autres cas, il y a évidemment plus de conflits. Dans ces cas, les acteurs n'ont pas le rapport de force que les Cris ont su établir au fil des ans. Je ne le dis pas de façon négative, au contraire. C'est tout à leur honneur d'avoir été capables de reprendre le contrôle sur leur territoire.
Dans les autres cas, des acteurs, comme les Wet'suwet'en, en Colombie-Britannique, et les communautés de Pond Inlet et de Clyde River, au Nunavut, prennent en main ce consentement et bloquent des aéroports et des routes, entre autres. Selon moi, Mme Exner-Pirot a soulevé un bon point sur la question des investissements. Cependant, l'incertitude est déjà là; ce n'est pas la loi qui va la créer, puisqu'elle est déjà sur le terrain.
Au Québec, il existe un projet de gazoduc qui passerait par le Nord. La question du consentement va se poser très rapidement. Pour l'instant, nous n'avons pas vraiment d'outils pour régler la situation. Il faudra faire confiance aux législateurs et à ceux qui regardent ce qu'ils font, pour voir comment on peut mettre en œuvre ce consentement afin de renforcer la certitude quant au projet.
On aura plus de certitude grâce à la reconnaissance des droits des Autochtones. Ce n'est pas en ne les reconnaissant pas qu'on aura plus de certitude; on aura juste plus de problèmes. C'est un peu ce que nous avons vu dans nos différentes études de cas, qui étaient plutôt centrées sur le Québec, mais aussi en Colombie. L'une de nos étudiantes a écrit là-dessus. Si ce sujet vous intéresse, vous devriez lire certains de ces articles.
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Je vous remercie de la question, madame Gazan. Je vais essayer d’y répondre le plus rapidement possible.
La Constitution originale comprenait l’idée d’essayer de négocier une meilleure compréhension de l’article 35 au moyen des tables rondes constitutionnelles qui devaient se pencher sur l’autonomie gouvernementale, en vain. Nous nous sommes retrouvés dans une situation très regrettable, au Canada, où c’est une expression générale, soit « droits ancestraux ou issus de traités », qui est protégée par la Constitution et, comme les négociations ont été infructueuses, vous avez raison, on laisse le soin aux tribunaux de trancher. Il continue d’y avoir des litiges sur la portée de ces droits et des négociations également.
Je pense que le et la Déclaration des Nations unies sont utiles, car ils aident à mieux comprendre ce que sont les droits ancestraux ou issus de traités. La Déclaration contient toute une liste de droits qui nous aident à comprendre. Je dirais simplement que, surtout, de mon point de vue, l’inclusion des droits économiques, sociaux et culturels ainsi que des droits civils et politiques est vraiment importante, en particulier quand on pense aux femmes autochtones. Je pense que l’enquête nationale ainsi que l’enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes autochtones disparues et assassinées mettent en évidence la mesure dans laquelle les droits économiques, sociaux et culturels sont particulièrement importants pour les femmes autochtones et pour l’égalité. Nous n’avons pas vu un grand succès dans les contestations relatives aux droits économiques, sociaux et culturels dans la Constitution ou la Charte, et je pense donc que le projet de loi C-15 peut aider à rendre les choses beaucoup plus claires.
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C'est une question qui se pose.
Selon moi, quand on parle de veto, c'est qu'on veut désamorcer politiquement cette question. Je ne crois pas que les Autochtones cherchent à mettre leur veto. Ce qu'ils cherchent à établir, c'est une relation. Évidemment, le droit de dire non fait partie de la relation et de la discussion, mais le veto est utilisé dans des situations où les gens disent oui ou non.
Je pense que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, c'est une relation. Dans cette relation, c'est aux deux acteurs de trouver des solutions pour arriver à réaliser le projet. Dans certains cas, le projet ne sera pas réalisable. On a documenté le cas de Matoush, qui concernait une mine d'uranium sur le territoire de la communauté crie de Mistissini.
Bref, ce n'est vraiment pas un veto. Si on le perçoit ainsi, c'est qu'on voit cela comme un rapport de force, ce qui est souvent le cas, actuellement, puisque cela se passe ainsi. En ayant une loi, on sort de cette logique de veto. Il s'agit de voir si les parties peuvent s'entendre. À la fin du processus, qui vise à obtenir ce consentement, on ne peut plus parler de veto, même si on a le droit de dire non, car le veto est un refus qui a été exprimé dès le début au sujet d'une question.
C'est donc ainsi qu'on doit considérer cette question. Tout le monde a quelque chose à gagner là-dedans. Souvent, une des façons très simples d'obtenir le consentement des Autochtones, c'est d'en faire des partenaires dans le cadre des projets. On le voit de plus en plus, et c'est une façon de régler la question du veto.
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Merci, monsieur le président.
Un certain nombre de personnes ont parlé du plan d'action aujourd'hui. J'aimerais poser une brève question à Mme Exner-Pirot.
Je crois comprendre que dans sa forme actuelle, le projet de loi actuel exige l'élaboration d'un plan d'action, comme c'était le cas du projet de loi . Or, selon le projet de loi, le plan d'action n'a pas à faire état des cibles ou des résultats attendus. Plus tôt, Mme Gunn a dit que, depuis 2018, trois années ont été perdues concernant l'élaboration d'un plan d'action. Elle a également dit que c'était maintenant et ici le moment et le lieu de trouver des réponses à bon nombre des questions.
Il me semble que Nouvelle-Zélande ait réglé la question. Elle fait le gros du travail et elle met en place son plan d'action avant la mise en œuvre de la mesure législative.
Madame Exner-Pirot, pouvez-vous nous expliquer ce que pourrait être, du point de vue de votre organisation, l'intérêt de mettre en place le plan d'action avant de mettre en œuvre la mesure législative pour dissiper une partie de l'incertitude des investisseurs dont vous avez parlé?
Il ne s'agit pas seulement des investisseurs. D'autres organisations autochtones s'intéressent au développement des ressources et ne veulent pas de cette incertitude. Les personnes avec lesquelles nous avons pu discuter s'entendent pour dire que le plan d'action serait un excellent moyen. Nous avons de nombreuses idées concrètes sur ce qui ferait en sorte qu'il serait plus facile pour les populations autochtones d'attirer des capitaux. Je pense aux normes ESG, à l'approvisionnement, etc. Je sais que nos partenaires ont des idées aussi.
Je pense que plus il est clair dans le projet de loi que le plan d'action précisera que le statu quo sera maintenu jusqu'à ce que le plan d'action soit accepté, mieux ce sera. Ensuite, on pourra procéder à la consultation.
Je sais que beaucoup de gens s'inquiètent du fait qu'il n'y a pas eu assez de temps, que cela semble précipité, et je pense que s'il était entendu que le plan d'action est le cadre dans lequel nous pouvons décider ce qui sera différent, ce qui changera et quels seront les effets concrets du projet de loi , cela répondrait à bien des préoccupations.
Je suis sûre que si vous parlez à d'autres personnes dans l'industrie ou à des gestionnaires de caisses de retraite, ils pourraient dire la même chose, mais il est certain que les organisations autochtones avec lesquelles nous travaillons ont de nombreuses idées concernant le plan d'action et préfèrent que ce soit le moyen choisi.
Je pense qu'il est vraiment important de rappeler que la Déclaration des Nations unies n'est pas sortie de nulle part. Cela revient à la question du député Battiste.
En fait, 20 ans de jurisprudence et d'études à l'échelle internationale nous aident à comprendre la Déclaration des Nations unies. Si nous disons ici, au Canada, que nous ne la connaissons pas, c'est uniquement parce que nous n'avons pas cherché. Je suis ravie de fournir à ce comité diverses études qui ont été réalisées et qui ont vraiment permis de préciser les choses. Je peux fournir des décisions sur la façon dont l'ONU comprend la notion le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Nous nous concentrons beaucoup sur le consentement. Le consentement est vraiment inclus pour s'assurer que les peuples autochtones qui comprennent très bien leurs droits participent à la prise de décisions qui ont des répercussions sur leurs droits. Je pense que vous avez tout à fait raison d'établir un lien entre le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et le droit des peuples autochtones de participer à la prise de décision. À l'échelle internationale, l'idée est que l'inclusion des peuples autochtones, y compris l'obtention de leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, nous aide à prendre de meilleures décisions, des décisions qui restent valables.
Enfin, je pense que cette question du veto laisse entendre que nous n'avons pas de discussions. C'est à cet égard qu'il est important que nous nous rappelions qu'il y a aussi le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Lorsqu'on réunit ces quatre concepts, l'idée est de s'assurer que les peuples autochtones sont présents, qu'ils participent au processus et qu'ils peuvent fournir les renseignements nécessaires. Il s'agit de s'assurer qu'il y a cette idée d'échanges qui nous permettent de comprendre les préoccupations qui pourraient être soulevées, d'avoir des occasions d'essayer de les apaiser et de travailler ensemble pour arriver à une solution. Voilà le sens qui est donné au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
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Oui, je suis ravie de poursuivre la discussion.
Si je remonte au début des années 2000, l'Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies a réalisé une étude sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause qui a établi une bonne partie des normes sur le type d'information... sur la signification de « donné librement » et de ce que nous entendons par « préalable » et « consentement ». Je pense que cela a ensuite été suivi par l'étude du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, en 2018, lorsqu'on a étudié une approche du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause basée sur les droits de la personne.
En ce qui concerne l'idée d'un veto, on précise que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause vise, en fait, encore une fois, à protéger les droits que nous reconnaissons de manière générale dans la Déclaration des Nations unies. Ainsi, au sujet du consentement, le Mécanisme d'experts indique qu'il existe des circonstances — et elles sont énoncées dans la Déclaration des Nations unies — dans lesquelles les États sont tenus d'obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones et que l'élément de consentement inclut l'idée que les peuples autochtones ont le droit de dire non, qu'ils peuvent refuser de donner leur consentement après avoir évalué les choses et conclu qu'il n'est pas dans leur intérêt d'accepter la proposition, et que le refus de donner leur consentement est censé convaincre l'autre partie de ne pas prendre le risque d'aller de l'avant.
Le Mécanisme d'experts a également indiqué que les arguments relatifs à la question de savoir si les peuples autochtones disposent d'un droit de veto à cet égard semblent largement miner la légitimité du concept de « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ».
Il s'agit vraiment d'inclure les peuples autochtones dans le processus pour nous assurer que nous protégeons leurs droits ou que nous comprenons en quoi divers projets peuvent avoir des répercussions sur leurs droits.
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Merci. Je vais essayer de répondre brièvement.
Je voulais faire allusion à mes observations préliminaires, mais je vais m'efforcer de demeurer davantage dans le concret.
Je pense que la Commission de vérité et réconciliation a misé sur la Déclaration des Nations unies comme cadre pour la réconciliation parce qu'elle a constaté que les États qui ont fondé leurs lois et leur compétence sur des idéaux et des doctrines racistes — comme celle de la découverte qui découle de l'idée que les Autochtones étaient, comme je l'ai indiqué, de féroces sauvages ne cherchant qu'à faire la guerre — s'en sont servi comme justification pour porter atteinte à leurs droits fondamentaux.
Les Nations unies ont fait valoir qu'il était grand temps que nous nous attaquions véritablement à ces problèmes, mais aussi, ce qui est vraiment important, que ce processus de reconnaissance des droits intrinsèques et fondamentaux des Autochtones en tant que personnes doit s'accompagner d'une évolution de notre relation avec eux grâce à l'abandon de l'approche colonialiste qui amène un État à penser de façon paternaliste, comme cela transpire à l'occasion dans les lois canadiennes, qu'il a complètement l'ascendant sur les peuples autochtones.
En reconnaissant les droits des peuples autochtones tels qu'énoncés dans la Déclaration des Nations unies, nous serons mieux à même d'opérer cette transformation et de nouer des relations plus harmonieuses. Nous pourrons ainsi établir ces relations sur de nouvelles bases. La Déclaration parle d'une relation fondée sur les principes de la justice, de la démocratie, du respect des droits de la personne, de la non-discrimination et de la bonne foi. Il ne faut plus se limiter à un modèle de domination coloniale — qui a pu être la base de cette relation par le passé —, mais plutôt nous efforcer de redéfinir cette relation en nous appuyant sur le respect de ces principes fondamentaux.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous les membres du Comité. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous et à vous présenter mes observations avant de répondre à vos questions.
L'Assemblée générale des Nations unies a réaffirmé au moins 10 fois par voie de consensus la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Aucun vote n'a été nécessaire. Nous pouvons donc affirmer aujourd'hui qu'aucun État du monde ne s'oppose à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C'est le sens qu'il faut donner à ce consensus.
En décembre dernier, l'Assemblée générale des Nations unies a souligné que la Déclaration « a eu une influence positive sur l'élaboration de plusieurs constitutions et statuts aux niveaux national et local, en plus de contribuer au développement progressif de cadres et de politiques juridiques sur les plans national et international. »
La Déclaration des Nations unies reconnaît, comme le mentionnait Mme Gunn, un large éventail de droits économiques, sociaux, culturels, politiques, spirituels et environnementaux. Il s'agit de droits intrinsèques ou, pour utiliser notre terminologie, préexistants. Il est donc urgent que le Canada reconnaisse enfin ces droits et les inscrive dans la législation fédérale.
Je me réjouis de constater que le projet de loi , Loi concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, s'inspire de mon propre projet de loi d'initiative parlementaire, le , en allant même plus loin à certains égards. J'ai multiplié les rencontres et les conférences un peu partout au Canada, et je peux vous dire que le projet de loi a toujours été largement appuyé aussi bien par les Autochtones que par le grand public. Le dépôt d'un projet de loi d'initiative parlementaire n'est pas chose facile. Mon premier projet de loi sur la Déclaration des Nations unies, le , a été déposé en décembre 2014. Il a été défait en deuxième lecture en avril 2015. En avril 2016, je suis revenu à la charge avec le projet de loi , une version améliorée du précédent. La Chambre des communes a adopté ce projet de loi en troisième lecture le 30 mai 2018. Malheureusement, l'obstructionnisme de quelques sénateurs a sonné le glas du projet de loi en juin 2019, soit quelques jours à peine avant le décès de ma mère.
Par conséquent, j'appuie sans réserve le dépôt du projet de loi par le gouvernement fédéral à la Chambre au début de décembre 2020. Il m'apparaît plus facile pour un projet de loi gouvernemental de cheminer dans le processus parlementaire à la Chambre et au Sénat. Le projet de loi confirme que la Déclaration établit les normes minimales à respecter pour assurer la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones. J'ajouterais la sécurité à cette liste. Comme on l'indique au deuxième paragraphe du préambule, ces normes minimales doivent être mises en oeuvre au Canada.
Étant donné que je suis moi-même un survivant des pensionnats indiens, je suis tout particulièrement heureux de constater que le projet de loi fait référence dans son préambule aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation et aux appels à la justice des commissaires de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, deux instances qui réclament la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies.
Il est important de souligner que les 17 paragraphes du préambule du projet de loi ont des effets juridiques marqués. On y trouve un contenu significatif qui s'ajoute à celui des sept dispositions du projet de loi et qui doivent être pleinement prises en considération. À titre d'exemple, le paragraphe 9 précise que les doctrines fondées sur la supériorité, comme celles de la découverte et de la terra nullius, sont racistes, sans valeur juridique et moralement condamnables. Le paragraphe 10 indique que l'on rejette également toute forme de colonialisme et que le gouvernement du Canada s'est engagé à promouvoir des relations fondées sur les principes de justice, d'égalité, de non-discrimination et de respect des droits de la personne.
Le paragraphe 11 du préambule insiste sur la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits intrinsèques des peuples autochtones. La Cour suprême du Canada a également confirmé nos droits intrinsèques et préexistants en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Le paragraphe 12 du préambule du projet de loi demande au gouvernement du Canada d'admettre que toutes les relations avec les peuples autochtones doivent être fondées sur la reconnaissance et la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autodétermination, y compris le droit à l'autonomie gouvernementale.
Comme cela est précisé dans les deux pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, le Canada a l'obligation expresse de reconnaître et de respecter notre droit à l'autodétermination. Comme vous le savez, monsieur le président, cette obligation existe depuis la ratification de ces deux pactes internationaux par le Canada en 1976.
Je veux aussi profiter de l'occasion pour signaler deux problèmes avec le libellé actuel du projet de loi . Premièrement, il y a certaines disparités entre les versions anglaise et française que l'on doit corriger sans tarder.
L'autre problème concerne l'article 4 du projet de loi dans sa version anglaise. Le libellé actuel amalgame à tort deux objectifs bien distincts pour en faire un seul qui semble renvoyer uniquement au plan à proprement parler. C'est carrément inapproprié et contraire à l'intention du projet de loi .
On devrait donc plutôt lire à l'article 4:
The purposes of this Act are:
Les éléments a) et b) suivraient.
Je pense que c'est tout le temps que j'avais.
Je serai ravi de répondre aux questions des membres du Comité.
Merci, monsieur le président.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Je veux d'abord souligner que la séance se tient en présentiel sur le territoire du peuple algonquin et que j'ai le privilège de vivre et de travailler sur le territoire de la Première Nation de Musqueam à partir duquel je me joins à vous virtuellement ce matin pour ceux qui sont sur la côte Ouest et cet après-midi pour ceux qui sont plus à l'est.
Je suis une Anishinaabe de la bande ojibwée du lac Supérieur. Je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits et politiques concernant les Autochtones du monde à l'Université de la Colombie-Britannique.
J'ai eu l'honneur de comparaître devant votre comité il y a trois ans, soit en avril 2018, lors de l'étude du projet de loi par le Parlement. Comme bien d'autres universitaires, défenseurs et membres des Premières Nations, j'ai été bien sûr très déçue que ce projet de loi ne soit pas adopté.
Quoi qu'il en soit, je suis tout à fait ravie d'être des vôtres aujourd'hui en espérant voir le Parlement corriger sans tarder les erreurs du passé en adoptant le projet de loi . Je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître.
Les textes internationaux traitant des droits de la personne comme la Déclaration des Nations unies sont conçus aux fins d'une mise en œuvre pleine et entière dans les différents contextes nationaux. Au sein des cercles universitaires spécialisés dans ces questions juridiques, on parle souvent de ritualisme des droits. En bref, cela signifie que des États tiennent un certain discours sur les tribunes internationales où il est question de droits de la personne, mais agissent à l'inverse à l'intérieur de leurs frontières.
Dans mes travaux de recherche en science politique, j'ai pu observer une tendance que j'ai qualifiée d'« adoption sélective ». Ainsi, certains États essaient de diluer les droits établis dans la Déclaration des Nations unies en se limitant à mettre en œuvre certains d'entre eux pour écarter les autres de leur propre chef. Il est tout à fait moralement inacceptable de choisir ainsi certains droits de la personne que l'on va respecter pendant que d'autres sont mis de côté.
Je tiens à souligner que ces phénomènes du ritualisme des droits et de l'adoption sélective ne sont pas l'apanage d'un seul gouvernement ou d'un parti politique en particulier. Des gouvernements de toute allégeance ont rompu à répétition leurs engagements envers les peuples autochtones. On n'a pas manqué de transgresser des traités et de réinterpréter, voire de carrément ignorer, certains jugements de la Cour suprême tout en présentant le Canada comme un modèle mondial en matière de démocratie et de respect des droits de la personne.
Il va de soi que plusieurs s'interrogent sur le sérieux de la démarche du Canada pour la réconciliation. J'ai moi-même entendu certains Autochtones très frustrés affirmer que c'en est fini de la réconciliation.
Que devons-nous faire? Faut-il abandonner ou bien continuer d'essayer de trouver de meilleurs outils?
J'appuie sans réserve le modèle de mise en œuvre proposé au départ par Romeo Saganash dans les projets de loi et qu'il a déposés au Parlement. Ce modèle, qui sert de base au projet de loi , comporte différents éléments que j'estime cruciaux.
D'abord et avant tout, il exige une collaboration avec les peuples autochtones. Il nécessite en outre des mesures concrètes, y compris une réforme juridique et, comme on l'a indiqué précédemment, l'établissement d'un plan d'action. Il requiert par ailleurs la production de rapports publics et la reddition de comptes.
Mes travaux universitaires s'articulent en grande partie autour de comparaisons du vécu des peuples autochtones un peu partout dans le monde. J'estime que le projet de loi permet de faire avancer le débat planétaire à ce sujet et constitue un bon exemple à suivre pour d'autres pays.
En examinant ce qui se passe ailleurs dans le monde, on peut constater que différents États ont adopté des lois et des politiques aux fins de la mise en œuvre de la déclaration. Comme les membres du Comité ont pu l'entendre lors de la première heure de séance, on peut donner l'exemple de la Nouvelle-Zélande où un plan d'action national est en cours d'élaboration.
En outre, plusieurs pays d'Afrique ont aussi adopté des lois et des politiques nationales afin de concrétiser leurs engagements en faveur de la déclaration. Parmi les autres mesures essentielles, notons les réformes constitutionnelles et l'Amérique latine qui est particulièrement proactive en la matière.
La Déclaration a de plus été citée dans différentes décisions de tribunaux nationaux, du Belize jusqu'au Botswana, en passant par le Canada, le Chili, la Colombie, le Guatemala, le Kenya, le Mexique et la Fédération russe.
Les institutions nationales responsables des droits de la personne dans des pays comme l'Indonésie, la Malaisie, la Namibie, la Fédération russe et les États-Unis ont utilisé la Déclaration comme cadre de contrôle pour la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones à l'échelle nationale. La Déclaration est aussi mise en oeuvre par des instances régionales comme par exemple l'Union européenne, l'Organisation des États américains, la Commission africaine et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. La Cour interaméricaine des droits de l'homme s'est également largement inspirée de la déclaration des Nations unies.
Depuis maintenant plus d'une décennie, la Déclaration sert de base à l'établissement de lignes directrices et de normes à l'échelle internationale. Différentes organisations se sont donné des politiques et des lignes directrices pour aller dans le sens de la Déclaration. À titre d'exemple, et ma collègue Mme Gunn en a déjà cité quelques-uns, je pourrais vous nommer le Programme de développement des Nations unies, la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, la Banque asiatique de développement et l'UNESCO. Plusieurs agences et programmes des Nations unies se sont penchés sur les questions relatives aux droits des peuples autochtones dans le contexte des pratiques d'affaires et des activités commerciales. Les signataires des conventions internationales se servent par ailleurs de plus en plus de la Déclaration des Nations unies pour déterminer dans quelle mesure ces droits sont respectés, ce qui donne force obligatoire à la Déclaration dans la mise en oeuvre de ces conventions.
Disons tout simplement que le projet de loi représente la meilleure approche que j'aie pu observer à la grandeur de la planète pour la mise en oeuvre des droits de la personne, du fait qu'il combine tous ces éléments. En adoptant le projet de loi C-15, nous prêcherons vraiment par l'exemple auprès du reste du monde. Je sais que d'autres gouvernements et des peuples autochtones d'autres régions du monde surveillent de très près ce qui se passe ici.
La semaine dernière, mon collègue Joshua Nichols de l'Université de l'Alberta et moi-même avons publié un article d'opinion au sujet de ce processus de réconciliation qui reste inachevé. La Cour suprême a reconnu que la réconciliation est un impératif constitutionnel. Comme nous l'écrivions dans cet article, la Cour parlait ainsi d'une démarche beaucoup plus approfondie et difficile que le simple fait d'essayer de cohabiter. Pour qu'il y ait réconciliation, il faut que les droits et les titres intrinsèques soient reconnus de façon véritablement significative dans la pratique. Nous écrivions également que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont jusqu'à maintenant laissé cette tâche cruciale aux bons soins des tribunaux et qu'ils font ainsi fausse route.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord vous dire quelques mots au sujet du Congrès des peuples autochtones. Comme vous le savez sans doute, nous sommes l'une des cinq organisations nationales autochtones, et nous existons depuis plus de 50 ans. Nous représentons les Indiens inscrits et non inscrits, les Métis et les Inuits du Sud vivant hors réserve. C'est simplement pour vous donner une idée des bases de notre organisation.
Bien que je sois assurément favorable à la Déclaration des Nations unies en tant que femme autochtone, que personne autochtone et que dirigeante autochtone, je trouve problématique la définition utilisée. Je parle de celle donnée au début du projet de loi qui indique que « peuples autochtones » s'entend au sens que lui donne la Loi constitutionnelle de 1982 qui précise que ce terme regroupe les Indiens, les Inuits et les Métis.
Je constate malheureusement que le Canada a adopté une définition distincte qui inclut les Premières Nations, les Inuits et les Métis et qui est utilisée fréquemment dans les documents et les lois. À mon sens, le terme « Premières Nations » n'a pas de valeur juridique. J'estime que si le Canada compte adopter ce projet de loi, il convient de s'assurer que lorsque nous parlons des « peuples autochtones », cela englobe la totalité des Autochtones, car la Déclaration ne précise pas si elle s'applique aux Autochtones vivant dans les réserves ou à l'extérieur ou aux Indiens inscrits ou non. On parle simplement des peuples autochtones de ce pays.
Si l'on jette un coup d'œil rétrospectif à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, on constate que l'on y condamne d'emblée le colonialisme et toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination dont ils s'accompagnent, sous quelque forme et en quelque endroit qu'ils existent. Comment peut-on donc envisager d'adopter au Canada une loi qui n'inclurait pas tous les peuples autochtones et qui écarterait d'entrée de jeu la vaste majorité des Autochtones qui ne sont pas inscrits et qui ne vivent pas dans une réserve? Comment pouvez-vous affirmer que vous voulez travailler avec tous les peuples autochtones?
J'aimerais vous citer l'article 2 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones: « Les Autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres et ont le droit de ne faire l'objet, dans l'exercice de leurs droits, d'aucune forme de discrimination fondée, en particulier, sur leur origine ou leur identité autochtones. »
À la lecture de cet article, je m'inquiète du fait que la disposition en question ne soit pas déjà mise en œuvre au Canada. Le Canada l'a pourtant adoptée aux Nations unies. J'ai participé aux discussions à ce sujet aux Nations unies et j'étais même présente lors des pourparlers constitutionnels de 1982. Je suis active depuis un bon moment déjà. Ce qui m'inquiète surtout... Je suis tout à fait favorable à l'intention visée par la Déclaration des Nations unies. C'est une excellente chose. Je m'inquiète toutefois de son éventuelle mise en œuvre au Canada vu que le libellé et le préambule dans leur forme actuelle font en sorte que 80 % des Autochtones au Canada seraient laissés pour compte.
C'est vraiment ce qui m'inquiète dans ce préambule et ce projet de loi. Si vous voulez proposer des mesures touchant les Autochtones au Canada, vous devez y inclure tous les Autochtones du Canada et non quelques groupes sélectionnés. Par « sélectionnés », j'entends les Indiens inscrits aux termes de la Loi sur les Indiens.
C'est mon point de vue, et je tiens à vous remercier de m'avoir permis de le présenter au Comité. Je vous en suis reconnaissante, et je répondrai à toutes vos questions. J'ai hâte d'y répondre.
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Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier et à remercier les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Nous étudions un projet de loi assez court, en réalité. Je l'ai à l'écran. Nul besoin de défiler très longtemps pour parvenir à la fin. Je pense qu'une fois imprimé, il tient probablement en deux pages, environ, après quoi il y a l'annexe, qui contient toute la Déclaration de l'ONU.
Selon moi, le coeur du projet de loi se trouve à l'alinéa 4a):
4 La présente loi a pour objet:
a) de confirmer que la Déclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien;
C'est probablement l'essentiel de ce projet de loi. La deuxième partie vise à établir un cadre de mise en oeuvre.
Je demanderai à chacun des témoins, un à un, de me dire s'ils appuient le projet de loi dans sa forme actuelle. Vous pouvez peut-être simplement me répondre par oui ou non.
Monsieur Saganash.
Il me fait un signe d'appui du pouce.
Puis-je connaître l'avis des autres témoins aussi?
Madame Augustine.
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, permettez-moi de souligner que je m'exprime devant vous depuis les terres non cédées du peuple algonquin, à Ottawa.
Je tiens à remercier tous les témoins, particulièrement mon bon ami, M. Romeo Saganash. Il nous manque cruellement, au Parlement, mais je sais qu'il n'est pas bien loin quand nous avons besoin de lui.
Merci, Romeo, du leadership incomparable que vous exercez.
J'ai été témoin de votre bon travail sur le projet de loi , depuis son dépôt jusqu'à son étude par la Chambre, de tout le travail que vous y avez investi. Je tiens à vous en remercier, et bien sûr, je vous remercie également du travail que vous avez fait pour mener à l'établissement de la DNUDPA.
J'aimerais que vous me donniez une idée, Romeo, de toute la mobilisation que vous avez faite avant de déposer le projet de loi . Vous avez déjà siégé à ce comité, et quand nous nous rendions dans les diverses régions du Canada, les gens venaient constamment vous voir en vous disant: « M. Saganash, vous êtes venu ici cet été. Vous êtes venu nous parler. »
Vous avez abondamment mobilisé les gens pendant tout le processus, sur le projet de loi . Pouvez-vous peut-être nous donner une idée de l'étendue de vos efforts à l'époque où vous prépariez ce projet de loi?
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Je dois souligner que le projet de loi a été adopté à la fin de 2019, quelques mois à peine avant le début de la pandémie, donc je vous dirais que la mise en œuvre de cette déclaration en Colombie-Britannique demeure encore à un stade très embryonnaire. Nous attendons toujours de voir le plan d'action, mais tout a été un peu perturbé par la pandémie et les circonstances, dans la province, particulièrement dans les communautés autochtones.
La province a présenté son premier rapport annuel, que vous trouverez en ligne grâce à une simple recherche sur Google. Il est très détaillé. Il présente beaucoup d'exemples de ses effets positifs en Colombie-Britannique. Bien sûr, on peut y lire des histoires moins réjouissantes aussi. À mon avis, c'est normal, dans toute conversation politique, dans tout contexte politique. Il y aura des succès, comme il y aura des échecs. C'est notre responsabilité de faire la part des choses.
Il importe de souligner que ces succès et ces échecs coexistent simultanément. Je répète que c'est tout à fait normal. C'est la même chose partout au pays, toute politique aura ses succès et ses échecs, et il y aura toujours de la contestation. C'est un aspect normal de la politique, de toute décision politique.
Pour répondre également à une observation précédente sur la nature de l'opinion autochtone sur ces questions, à l'échelle du pays, eh bien, cette opinion est tout aussi diversifiée que l'opinion parmi la population non autochtone sur n'importe quel sujet politique. Je tiens à vous signaler que cette norme, que ce qui nous semble normal dans la politique de tous les jours, s'applique aussi aux peuples autochtones.
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Comme je l'ai déjà mentionné, je vous ai envoyé une copie de l'étude que l'ONU a réalisée sur le concept du consentement libre, préalable et éclairé. J'invite tous les membres du Comité à en prendre connaissance. C'est un document important à prendre en considération, surtout dans le cadre de votre étude du projet de loi .
Par « libre », on entend sans coercition ni d'intimidation. Je vous donnerai l'exemple du barrage du site C, dans lequel BC Hydro a intimidé les opposants au projet à coups de poursuites de 4,3 millions de dollars par personne. C'est ce qu'on appelle de l'intimidation. Ce n'est pas permis.
Libre signifie exempt d’intimidation, de coercition.
Par « préalable », on entend que les discussions consultatives avec les peuples autochtones potentiellement touchés par un projet doivent avoir lieu avant que toute décision ne soit prise quant au projet.
On entend par « éclairé » que les personnes représentées doivent avoir accès à des études et à de l'information facilement accessibles. Par exemple, pendant longtemps, Hydro-Québec transmettait aux Cris des études sur les impacts de ses projets, mais exclusivement français, pas en anglais, ni en cri, donc nous ne pouvons pas être bien éclairés de cette façon.
Ces trois choses doivent survenir avant que ne commence une activité, et c'est justement ce que disait Thierry Rodon, qui a témoigné devant le Comité pendant la première heure. J'ai lu son mémoire, et il rejoint ce que dit l'ONU sur le consentement libre, préalable et éclairé.
Comme tous les droits de la personne, le droit à un consentement libre, préalable et éclairé est un droit relatif. Il faut donc prendre d'autres facteurs en considération, alors qu'un droit de veto est un concept absolu, qui ne tient pas compte des lois, des faits ou des circonstances en l'espèce.
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C'est une bonne question et une question importante, à mon avis.
Je peux vous affirmer sans hésitation qu'aucun organisme des Nations unies, à ma connaissance, n'a adopté une définition de « peuple autochtone ».
La seule définition que je connaisse est un projet de définition préparé en 1972 par Martinez Cobo, l'auteur d'une importante étude en cinq volumes qui a été remise aux Nations unies en 1978, si ma mémoire est bonne. Ce projet de définition, qui remonte encore une fois à 1972, n'a jamais été adopté par le Groupe de travail sur les populations autochtones, ou par un organisme des Nations unies.
En fait, je peux même ajouter que les deux pactes internationaux dont j'ai parlé, et qui ont été signés par le Canada en 1976, soit le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, parlent tous les deux, dans leur article premier, du droit des peuples autochtones à l'autodétermination.
En droit international, le terme « peuple » n'a jamais été défini, alors il n'y a pas de définition de ce mot non plus.
Je pense qu'il est important d'en être conscient, car à partir du moment où on décide de définir quelque chose, on en exclut d'autres, et à mon avis, c'est la principale raison pour laquelle les Nations unies n'ont pas adopté de définition de peuple autochtone.
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Oui, j'ai entendu parler de ces préoccupations, mais ce n'est pas mon interprétation du paragraphe 2(2). C'est l'inverse. Si on lit attentivement la première phrase du paragraphe 2(2), il prévoit que:
La présente loi maintient les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l'article 35
C'est très clair pour moi. Il s'agit d'une mesure qui protège les droits que nous avons actuellement comme peuples autochtones dans ce pays, et non le contraire.
Au sujet des autres préoccupations concernant la notion de terra nullius ou la doctrine de la découverte, je pense qu'elles sont rejetées catégoriquement et très clairement dans le préambule.
À mon point de vue, le seul élément qui manque dans le paragraphe 2(2), pour préciser mon point, c'est le fait qu'il faut ajouter ce que la Cour suprême du Canada a dit au sujet des droits ancestraux et des droits issus de traités. Ils ne sont pas figés dans le temps et doivent continuer d'évoluer.
J'ajouterais le paragraphe 2(4), après le 2(3), qui mentionnerait que les droits des peuples autochtones, y compris les droits issus de traités, doivent recevoir une interprétation souple pour permettre leur évolution au fil du temps et que toute approche constituant des droits figés doit être rejetée.
Dans l'arrêt Sparrow, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'expression droits autochtones « existants » doit être interprétée avec souplesse pour permettre leur évolution dans le temps. Je pense donc, pour remédier aux préoccupations concernant le paragraphe 2(2), qu'ajouter un paragraphe de cette nature permettrait de clarifier la situation et l'intention du paragraphe 2(2).