:
La séance du Comité des affaires autochtones et du Nord est ouverte. Je tiens d'abord à souligner que, lorsque nous sommes à Ottawa, nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. Personnellement, je me trouve sur les territoires traditionnels des Haudenosaunee, des Anishinabe et des Chonnonton.
Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre du 10 décembre 2020, le Comité poursuit son étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l'action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada).
Je souhaite la bienvenue aux représentants d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qui sont avec nous pour répondre aux questions que les membres du Comité pourraient avoir sur la teneur du projet de loi, et peut-être aussi aux questions du président.
J'aimerais donner aux membres du Comité quelques instructions et quelques précisions sur la façon dont nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi dans le cadre de cette réunion hybride. Comme son nom l'indique, cette étude consiste à examiner tous les articles dans l'ordre où ils apparaissent dans le projet de loi. Je vais mettre chaque article aux voix successivement, et chaque article fera l'objet d'un débat et d'un vote. S'il y a un amendement à l'article en question, je donnerai la parole au député qui le propose pour qu'il puisse l'expliquer. L'amendement pourra ensuite faire l'objet d'un débat. Lorsqu'il n'y aura pas d'autres interventions, l'amendement sera mis aux voix.
Les amendements seront examinés dans l'ordre dans lequel les articles qu'ils proposent d'amender figurent dans le projet de loi ou dans la trousse que chaque membre a reçue du greffier. Les députés doivent noter que les amendements doivent être soumis par écrit au greffier du Comité, ou par courriel par les membres qui participent virtuellement.
Comme c'est la première fois que le Comité fait l'étude article par article d'un projet de loi dans le cadre d'une réunion hybride, je vais procéder lentement pour permettre aux membres de bien suivre les délibérations et m'assurer de bien respecter la procédure. Les amendements ont un numéro alphanumérique dans le coin supérieur pour indiquer quel parti les a soumis. Il n'est pas nécessaire qu'un comotionnaire propose un amendement. Une fois qu'un amendement sera proposé, il faudra le consentement unanime pour le retirer.
Pendant le débat sur un amendement, les députés peuvent proposer des sous-amendements. Ces sous-amendements doivent être soumis par écrit ou par courriel par les membres qui participent virtuellement. Ils ne requièrent pas l'approbation du député qui a proposé l'amendement. Un seul sous-amendement peut être étudié à la fois et ce sous-amendement ne peut pas être modifié. Lorsqu'un sous-amendement est proposé, il est d'abord mis aux voix, puis un autre sous-amendement peut être proposé, ou le Comité peut examiner l'amendement principal et le mettre aux voix.
Une fois que tous les articles auront été mis aux voix, le Comité se prononcera sur le titre et le projet de loi lui-même, et un ordre de réimpression du projet de loi pourrait être nécessaire si des amendements sont adoptés afin que la Chambre en ait une copie conforme à utiliser à l'étape du rapport.
Enfin, le Comité devra ordonner au président de faire rapport du projet de loi à la Chambre. Ce rapport ne contient que le texte des amendements adoptés ainsi qu'une mention des articles supprimés.
Merci à tous de votre attention, et espérons que l'étude article par article du projet de loi sera productive.
J'aimerais maintenant poser une question pour ma propre gouverne. En ce qui concerne l'annexe, l'ordre du jour indique que si l'amendement BQ-1 est adopté, les deux amendements suivants du NPD ne pourront pas être proposés. Pourriez-vous m'expliquer ce que cela implique?
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'imagine que vous voyez un peu quels seront mes arguments à l'appui de l'amendement du Bloc, mais je vais me permettre de les réitérer. Je tenterai de le faire de façon relativement concise, mais je souhaite quand même, pour les députés qui n'étaient pas présents aux autres rencontres, les présenter de façon extensive.
D'entrée de jeu, j'aimerais rappeler que le Bloc québécois est tout à fait en faveur de l'esprit du projet de loi et de son but, à savoir la reconnaissance des droits des peuples autochtones et l'aspect éducatif que cela présentera pour les nouveaux citoyens, lorsqu'ils prêteront serment.
À titre de rappel, le Bloc québécois a toujours été en faveur de la défense des droits des peuples autochtones. Il s'est toujours présenté comme un allié des peuples autochtones. Je l'ai d'ailleurs mentionné dans une question que j'ai posée à une réunion précédente du Comité.
Avant même la signature de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, le Bloc québécois avait participé à son élaboration. En 2004, à Genève, quand il y a eu une réunion du groupe de travail sur ce projet, le Bloc québécois avait appuyé la démarche pour faire reconnaître le droit à l'autodétermination des peuples autochtones par les Nations unies.
En 2006, à l'aube de l'adoption de la Déclaration par les Nations unies, le Bloc québécois a encore une fois multiplié les efforts aux côtés des peuples autochtones pour que les droits de ceux-ci soient reconnus par la communauté internationale. Nous sommes allés jusqu'au parquet de l'Assemblée générale des Nations unies pour soutenir le projet de déclaration. En 2007, quand le Canada manifestait son intention de voter contre la Déclaration, le Bloc québécois l'a soulevé et a maintenu la pression à la Chambre devant le gouvernement conservateur de l'époque pour s'assurer que le gouvernement signe la Déclaration, ce qui est finalement arrivé en 2010.
Le projet de loi vise à ce que les nouveaux citoyens reconnaissent les droits des peuples autochtones. On leur demande de connaître non seulement leur histoire, mais aussi leurs droits. Il y a un aspect éducatif à cela. Il faut se rappeler que, parmi les nouveaux arrivants qui viendront au Canada, certains seront aussi, je dirais même surtout — je l'espère — des Québécois.
Le libellé actuel du serment de citoyenneté qui figure dans le projet de loi fait en sorte qu'on leur demandera de reconnaître quelque chose que le Québec n'a jamais reconnu, à savoir la Constitution — je devrais plutôt dire la Loi constitutionnelle de 1982. Dans son témoignage, le professeur Cardinal avait bien expliqué la différence entre la Constitution canadienne et la Loi constitutionnelle. La Constitution est l'ensemble des règles et des décisions des tribunaux qui régissent le droit canadien. Dans le serment de citoyenneté, il est question plus précisément de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y aurait là une petite coquille à corriger.
On va demander à de futurs citoyens canadiens et aussi québécois de reconnaître la Constitution canadienne alors qu'aucun gouvernement québécois, qu'il soit souverainiste ou fédéraliste, n'a signé la Constitution dans l'honneur et l'enthousiasme. Une question se pose. La mention de la Constitution est-elle nécessaire dans le serment de citoyenneté?
Si je me reporte aux différents témoignages des différents leaders des communautés autochtones, je constate que personne n'a mentionné que cet ajout était absolument nécessaire. On a souligné que c'était un ajout intéressant. Par ailleurs, il ne faisait pas partie de l'appel à l'action numéro 94, qui est à l'origine de la volonté de changer le serment de citoyenneté.
La cheffe Poitras a même mentionné qu'elle aurait été à l'aise de voir le projet de loi reprendre le texte de l'appel à l'action numéro 94 tel quel, sans mention de la Constitution. Au mieux, la mention de la Constitution n'est pas absolument nécessaire dans le libellé du serment de citoyenneté. Au pire, j'aurais tendance à dire qu'elle est inutile, voire carrément erronée.
À ce sujet, je vous renvoie au témoignage du professeur Cardinal. Il nous a rappelé que le texte traitant de la prestation de serment, comme il se lit, reconnaît la Constitution, mais ne reconnaît pas spécifiquement les droits. Ce qui est reconnu, c'est vraiment la Constitution. On reconnaît la Constitution, laquelle inclut les droits, mais on ne reconnaît pas spécifiquement les droits.
J'aimerais citer ici le professeur Cardinal:
Si on veut être pleinement cohérent avec le concept de réconciliation et les principes de relations de nation à nation, il y aurait lieu, selon moi, de retirer la référence à la Constitution et de simplement, directement, faire en sorte que la déclaration mentionne une promesse solennelle de respecter les droits ancestraux ou issus de traités des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Notre proposition d'amendement vise à corriger le tir, puisqu'elle préconise la reconnaissance directe de ces droits. De plus, nous faisons un ajout à la première proposition d'amendement que nous vous avons soumise et dont nous débattons présentement, à savoir la reconnaissance des droits inhérents. Encore une fois, je vais me permettre de citer le professeur Cardinal. Je lui ai demandé de m'expliquer davantage ce que sont les droits inhérents. Nous en avions parlé sans toutefois les définir. Il a répondu ce qui suit:
Les droits inhérents, cela signifie que ce sont des droits qui existent indépendamment d'une reconnaissance de l'État ou de la Constitution. Pour les peuples autochtones, c'est super important. Comme vous le savez, avant que les Européens arrivent ici et qu'on crée la Nouvelle-France, la Nouvelle-Angleterre et, éventuellement, le Canada, des peuples vivaient sur ces terres depuis des milliers et des milliers d'années, depuis des temps immémoriaux. Cette occupation ancestrale était bien organisée. Il y avait des sociétés organisées, ce qu'on peut appeler des ordres normatifs. Quand j'enseigne le droit autochtone, je décris toujours un cercle pour représenter les ordres normatifs autochtones et celui-ci n'est pas complètement inclus dans le grand cadre de ce qu'on pourrait appeler la Constitution canadienne, où l'ordre normatif est à type canadien. La Cour suprême reconnaît qu'il y a des souverainetés préexistantes de l'affirmation de souveraineté de la Couronne, donc des souverainetés autochtones. De celles-ci, des droits sont reconnus, mais pas complètement encore, par l'État canadien, mais de plus en plus, notamment par la Loi constitutionnelle de 1982, mais aussi par d'autres lois ou dispositions, par des jugements de tribunaux notamment. On dit que ces droits sont inhérents, parce que, longtemps, on a pensé que c'était la Proclamation royale qui conférait des droits aux Autochtones. Ce n'est pas le cas. Les Autochtones ont des droits particuliers au sein du Canada, parce qu'ils existaient avant l'affirmation de la souveraineté de la Couronne, c'est ce qu'on appelle des droits inhérents.
Le professeur Cardinal mentionnait aussi que la reconnaissance des droits autochtones par la Loi constitutionnelle de 1982 est une promesse qui n'a pas été complètement tenue. Quand je lui ai demandé de me donner des exemples à ce sujet, il m'a répondu qu'il y avait des négociations dans le cadre desquelles de nombreuses nations autochtones attendaient encore que l'État reconnaisse leurs droits. De plus, l'interprétation que la Cour suprême a faite de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 en a limité la portée en permettant à des gouvernements, dans certains cas, de porter atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités. À mon avis, une reconnaissance de la Constitution qui n'inclut pas une reconnaissance spécifique des droits des Autochtones est incomplète.
En conclusion, j'invite mes collègues à voter en faveur de l'amendement du Bloc québécois pour deux raisons principales. Comme je l'ai mentionné dans le cadre de mes questions, quand on défend les droits des peuples autochtones, ce sont les droits de l'ensemble des nations que l'on défend, notamment ceux d'une autre nation minoritaire, le Québec. Le projet de loi vise la reconnaissance des droits des nations puisqu'il consacre le principe général de la reconnaissance de l'histoire et des droits des nations. Par contre, le libellé actuel du projet de loi fait fi d'une partie de l'histoire de l'une des nations, à savoir le Québec. Je crains qu'en votant le projet de loi C-8 dans son libellé actuel, on édulcore un peu, on érode, le grand principe de reconnaissance des nations et cet important message. Il me semble que la reconnaissance des droits des nations doit être le cœur, le principe cardinal, qui guide la prestation de serment.
Je vais maintenant parler de l'autre raison pour laquelle j'invite mes collègues à voter en faveur de l'amendement du Bloc québécois.
Comme la cheffe Poitras le mentionnait, dans l'esprit de la réconciliation, il est important que le but recherché par le projet de loi soit affirmé à l'unanimité. Cela enverrait un message clair dans le contexte de la réconciliation.
Je tends donc une perche à mes collègues. En adoptant notre amendement, ils s'assureraient que nous arrivons à cette unanimité. Nous pourrions même espérer adopter plus rapidement ce projet de loi, qui est un peu trop souvent mort au Feuilleton.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie Mme Normandin de son intervention. J'apprécie le travail que le Bloc a fait au sujet de la DNUDPA, et nous espérons obtenir son appui lorsque nous ferons adopter le projet de loi à la Chambre et au Comité.
Sans me lancer dans une longue discussion constitutionnelle, je tiens à souligner l'importance de la mention, dans le projet de loi , de la Loi constitutionnelle de 1982. C'est très important en ce sens que cela reconnaît certains droits très précis des peuples autochtones, qui sont définis à l'article 35.
Le projet de loi est un document qui a fait l'objet de consultations auprès d'un certain nombre d'organisations et de peuples autochtones, et nous croyons qu'il s'agit d'un moyen important de réaffirmer l'importance de la Constitution et des droits constitutionnels des peuples autochtones qui y sont enchâssés.
Je vais probablement m'arrêter là. Nous allons nous opposer à l'amendement, et même si nous apprécions les suggestions de Mme Normandin, je crois important d'intégrer cet élément dans un serment de citoyenneté.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout le monde a une copie de l'amendement, alors je n'ai pas besoin de le lire.
Je vais souligner le libellé proposé qui est ajouté au libellé du projet de loi. Il ajoute essentiellement « y compris les droits inhérents des Premières Nations, les droits découlant du titre et les droits ancestraux ou issus de traités des Premières Nations, des Inuits et des Métis », puis il passe à la partie concernant la Constitution.
Ce libellé a été proposé par l'APN dans le cadre des travaux du Comité. Par la suite, j'ai également demandé à d'autres témoins s'ils appuieraient ou non ce libellé, et les témoins qui ont répondu ont dit qu'ils l'appuieraient.
Il est important que le serment de citoyenneté insiste sur ce point, ainsi que sur les droits inhérents et les titres, comme l'a indiqué l'APN.
Il est important que les nouveaux arrivants comprennent à la fois les termes de la Constitution et ce qui a précédé la Constitution et les droits historiques. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé cet amendement.
J'espère que les membres du Comité l'appuieront.
:
Merci, monsieur le président.
Le NPD a indiqué que, dans le cadre de la DNUDPA, surtout en ce qui concerne les lois qui ont une incidence directe sur les peuples autochtones, un processus d'élaboration conjoint doit être élaboré et mis de l'avant. Même si l'APN a fait part de certaines réflexions au sujet d'un changement de libellé, nous avons d'autres organisations, d'autres peuples... Bien entendu, l'APN est un groupe de défense des droits, mais elle n'a pas de droits en soi.
Présenter ce genre de motions à ce stade-ci est en fait contraire au processus qui a été mis en place, en vertu duquel l'engagement avec l'ITK, les Métis et les Premières Nations nous a menés à cette étape.
Nous n'appuierons pas cet amendement.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
M. Anandasangaree a parlé du processus de consultation, tout comme Mme McLeod. J’ai demandé aux fonctionnaires, par l’entremise du Comité, la liste des intervenants qu’ils ont consultés. J’ai également demandé une liste des groupes qui ont mené à la différence entre le libellé proposé dans l'appel à l'action numéro 94 de la CVR et le libellé proposé dans le projet de loi .
Bien sûr, l’information fournie à tous les membres du Comité a fini par arriver, hier, mais elle contenait seulement la liste des groupes d’intervenants. Comme vous pouvez le constater, après cinq ans de consultation, la liste est très courte. À vrai dire, j’ai été très surprise par le niveau des consultations que le gouvernement a tenues au sujet de cet important projet de loi.
En ce qui concerne la question qui a été posée au sujet des groupes qui ont donné lieu aux changements dans le libellé, il n’y a pas eu de réponse. Ensuite, le Comité a décidé d’inviter diverses personnes à la table. L’AFAC, par exemple, a indiqué que le gouvernement ne l'avait jamais consultée à ce sujet. J’ai demandé précisément à l’AFAC si elle appuierait le libellé de l’amendement, comme je l’ai dit tout à l’heure, et elle a dit oui. Tous les témoins ont souligné l’importance de reconnaître les droits inhérents et les titres.
C’est pourquoi je crois important d'apporter cet amendement, plus court, comme le propose l’APN. Il s’agit simplement de reconnaître que les droits inhérents et les titres fonciers existaient bel et bien chez les peuples autochtones.