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Je déclare la séance ouverte.
Je tiens d'abord à souligner que nous nous réunissons, à Ottawa, sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. Pour ma part, je me trouve sur les territoires traditionnels des Premières Nations haudenosaunee, anishinabe et chonnonton.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 25 février 2021, le Comité poursuit son étude de l'objet du projet de loi , Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Afin d'assurer le bon déroulement de la réunion, les participants sont priés de parler et d'écouter dans la langue officielle de leur choix. Au bas de votre écran, en cliquant sur l'icône du globe, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français. Choisissez celle que vous voulez, et si vous souhaitez vous exprimer tantôt en anglais, tantôt en français, vous n'avez pas à changer de canal. La technologie le fera automatiquement.
Lorsque vous prenez la parole, assurez-vous que la vidéo fonctionne et que vous vous exprimez lentement et clairement. Quand vous avez terminé, veuillez mettre votre micro en sourdine.
Conformément à la motion adoptée le 9 mars 2021, j'informe le Comité que Natan Obed n'a pas terminé les essais techniques préliminaires.
Nous recevons aujourd'hui, par vidéoconférence, trois représentants de l'APN, soit le chef national Perry Bellegarde, Wilton Littlechild et Mary Ellen Turpel-Lafond.
Je vous remercie tous les trois de prendre le temps de comparaître devant nous.
On demande au Comité d'accorder au témoin plus des six minutes normalement autorisées pour sa déclaration. À titre de président, j'hésite beaucoup à déroger à la règle par souci d'équité pour les témoins précédents et parce que je crains que cela n'établisse un précédent pour les futurs témoins. De même, nous avons reçu un certain nombre de mémoires écrits qui représentent plus de six minutes de lecture, ce qui me porte à rappeler aux témoins, comme je le dis souvent, qu'ils pourront toujours nous fournir des documents complémentaires à leurs mémoires après la séance s'ils ont le sentiment de ne pas avoir pu tout dire ou s'ils souhaitent insister davantage sur certains points.
Malgré tout cela, je demanderais au Comité son consentement unanime afin d'accorder aux représentants de l'APN jusqu'à 15 minutes pour leur déclaration préliminaire, en dépit de ce que prévoit la motion de régie interne sur le temps accordé aux témoins pour les déclarations préliminaires. Je prie donc que tous ceux et celles qui ne souhaitent pas accorder leur consentement à cette requête d'activer leur micro pour l'indiquer.
Est-ce que quelqu'un refuse d'accorder son consentement à cette prolongation?
Comme personne ne se manifeste, nous acceptons d'accorder 15 minutes à M. Bellegarde et à ses collègues.
Monsieur Bellegarde, je vous souhaite la bienvenue. C'est vraiment fantastique d'avoir l'occasion d'entendre le point de vue de l'APN.
La parole est à vous pour 15 minutes.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du Comité d'accepter de m'accorder 15 minutes.
[Le témoin s’exprime en cri ainsi qu’il suit:]
Nista mîna pikiskwêmêw apisîsi-ninanâksomon. Kinaskomitinâwaw kahkiyaw nitotêmtik niwahkomâkanak. Nista Okimâw Piyisiw Awâsis sihkâstêw. Kaskitêw Maskohsis ohci niya territoire visé par le Traité no 4. Nista mîna Nohtâwinân Kisê-Manitow kinaskomitin. Algonquins ôma Odawa kinaskomitinawaw.
[Les propos en cri sont traduits ainsi:]
Je veux aussi exprimer un peu de gratitude. Je remercie tous mes proches.
On m'appelle aussi le chef Fils de l’oiseau-tonnerre. Je fais partie de la Première Nation de Little Black Bear et viens du territoire visé par le Traité no 4. Je veux aussi remercier le Créateur. Je remercie tous les Algonquins d'Odawa ici présents.
[Traduction]
Je tenais à prononcer quelques mots en cri pour ma famille et mes amis.
Je suis très heureux d'être ici parmi vous.
Je viens d'utiliser l'un de mes noms spirituels, Enfant du roi Oiseau-tonnerre. C'est l'un des noms que je porte. Je fais partie de la Première Nation de Little Black Bear et viens du territoire visé par le Traité no 4, en Saskatchewan. J'ai remercié le Créateur pour cette magnifique journée et souligné que je me trouve sur le territoire ancestral des Odawa et du peuple algonquin, puisque c'est là d'où je travaille et je vous parle aujourd'hui.
Monsieur le président Bratina, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie infiniment de m'offrir cette tribune.
Je tiens à souligner également que je suis accompagné aujourd'hui de Mary Ellen Turpel-Lafond et de Willie Littlechild. Je souligne leur présence et les remercie de leur bon travail.
L'Assemblée des Premières Nations réclame depuis longtemps l'adoption d'un cadre législatif clair et robuste pour mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies.
J'ai comparu devant ce comité il y a trois ans pour appuyer l'adoption du projet de loi , le projet de loi d'initiative parlementaire présenté par M. Romeo Saganash. Je suis donc très heureux de pouvoir prendre maintenant la parole pour appuyer un projet de loi du gouvernement qui s'appuie sur les fondements du projet de loi C-262.
Les chefs en assemblée de l'APN ont adopté de nombreuses résolutions demandant la mise en œuvre intégrale de la déclaration. Ces résolutions comprenaient un appui à l'adoption du projet de loi .
Lorsqu'une obstruction a empêché le projet de loi de faire l'objet d'un vote final au Sénat (où ce projet de loi bénéficiait d'un appui suffisant pour être adopté), les chefs en assemblée de l'APN ont adopté une résolution en décembre 2019 demandant un projet de loi gouvernemental aussi fort ou plus fort que le projet de loi C-262. C'est mon mandat. C'est la responsabilité que les chefs du Canada m'ont confiée en ma qualité de chef national: obtenir un projet de loi gouvernemental aussi fort que le projet de loi C-262.
Le projet de loi répond à ce critère. Il offre une voie à suivre pragmatique et fondée sur des principes qui veille à ce que le Canada respecte et assure les droits fondamentaux de la personne qui ont été affirmés et réaffirmés à maintes reprises par la communauté internationale au moyen de résolutions faisant l’objet d’un consensus à l'Assemblée générale des Nations unies.
Je tiens à souligner que la Déclaration ne crée pas de nouveaux droits et que ce nouveau projet de loi ne le fait pas non plus. Ils n'empiètent pas non plus sur les droits ancestraux ou issus de traités, ou ne leur portent atteinte.
Lorsque j'ai témoigné devant ce comité au sujet du projet de loi , j'étais convaincu qu'une mise en œuvre collaborative et coordonnée de la Déclaration était essentielle pour combler le fossé social et économique auquel se heurtent les Premières Nations.
Aujourd'hui, je suis encore plus convaincu qu'une loi de mise en œuvre constitue la bonne façon de procéder. Je salue également le travail des élus d'autres sphères de compétence qui ont pris des mesures en vue de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies et je tiens à souligner que les chefs ont travaillé avec la Colombie-Britannique pour obtenir l'adoption unanime d'une loi à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique le 28 novembre 2019.
Étant donné la discrimination et le racisme profonds dont font encore l’objet chaque jour les membres des Premières Nations, l'engagement fondamental du projet de loi à combattre toutes les formes de discrimination rend ce projet de loi à la fois opportun et urgent. J'ai vu comment, en Colombie-Britannique, avec la mise en œuvre de la Déclaration, un travail important est entrepris pour lutter contre le racisme à l'égard des peuples autochtones au sein du système de soins de santé, en utilisant les normes de la Déclaration pour rassembler les gens dans le système de soins de santé.
Cela dit, nous savons que tout projet de loi peut être amélioré. Depuis le dépôt du projet de loi , nous avons entendu des critiques et des suggestions d'amélioration, surtout de la part des peuples autochtones eux-mêmes. Certains chefs régionaux de l'APN et des dirigeants des Premières Nations ont comparu devant vous et mentionné des points à améliorer, de leur perspective régionale. Vous devriez écouter attentivement ces positions. Au Canada, certaines Premières Nations appuient le projet de loi C-15, d'autres s'y opposent et d'autres encore l'appuient sous réserve de modification.
Ce que je présente aujourd'hui est une contribution de l'Assemblée des Premières Nations, qui propose quelques suggestions d'améliorations relativement simples. Celles-ci visent à répondre à l'objectif général des Premières Nations, lequel consiste à rendre le projet de loi plus fort et plus clair. Nous vivons sans aucun doute un moment historique.
La Commission de vérité et réconciliation du Canada a examiné de près la Déclaration des Nations unies et a conclu qu'elle constituait « le cadre pour la réconciliation à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société canadienne. » Elle en a fait son premier principe pour la réconciliation. C'est dire l'importance de la Déclaration, laquelle représente une source d'orientation et la base des mesures à prendre.
Les Canadiens ont largement adopté la cause de la réconciliation. La loi de mise en œuvre est essentielle pour concrétiser cet engagement.
Avec les améliorations que nous avons présentées, le projet de loi nous permettra d'aller de l'avant de manière collaborative et coordonnée, conformément aux droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations et aux obligations juridiques du Canada.
Je voudrais maintenant passer en revue ces 12 améliorations.
La première concerne le paragraphe 6 du préambule. Nous recommandons la suppression de ce paragraphe parce qu'il ne correspond pas à la réalité.
Deuxièmement, nous recommandons que le mot « racisme » soit ajouté au paragraphe 8 du préambule. Le racisme constitue un enjeu quotidien important pour les Premières Nations, et nous croyons sincèrement qu'il doit être pris en compte.
La troisième amélioration vise le paragraphe 9 du préambule. Nous recommandons que le paragraphe comprenne une référence explicite aux doctrines de la découverte et de terra nullius, pour qu'il soit clair que, comme l'a indiqué la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Nation Tsilhquot'in en 2014, ces doctrines ne devraient pas faire partie du droit ou des politiques du Canada.
En quatrième lieu, nous recommandons que la clause de non-dérogation prévue au paragraphe 2(2) soit révisée afin de refléter plus précisément le libellé de l'article 37 de la Déclaration des Nations unies et la formulation précédente du projet de loi C-262, et nous soumettons à votre examen un nouveau libellé.
Cinquièmement, il est également recommandé d'envisager l'ajout de deux nouveaux paragraphes à l'article 2 dans la section « Définitions et interprétation », afin d'éviter toute confusion ou interprétation erronée à l'égard de certains points très importants pour les Premières Nations. Il faudrait d'abord ajouter un paragraphe 2(4):
Pour plus de certitude, les droits des peuples autochtones, y compris les droits issus de traités, doivent être interprétés de manière souple afin de permettre leur évolution dans le temps, et toute approche considérant ces droits comme figés doit être rejetée.
Cette disposition est importante, car nous ne pouvons pas permettre l'interprétation des droits issus de traités, ou de tout autre droit des peuples autochtones, comme quelque chose de figé dans le temps. Les approches reposant sur des stéréotypes ou des idées anciennes, en particulier en ce qui concerne les droits issus de traités, sont autant d'obstacles continus au progrès qu'il faut absolument éliminer.
Sixièmement, voici la deuxième des nouvelles dispositions proposées, soit le paragraphe 2(5):
Pour plus de certitude, aucune disposition de la présente loi ne doit être interprétée de manière à restreindre ou à abolir les droits des peuples autochtones, y compris les droits issus de traités.
Cette disposition indique clairement que l'abolition des droits des peuples autochtones n'est acceptable en aucune circonstance et ne peut faire partie des lois ou des politiques du Canada. Les peuples autochtones ont été soumis à des politiques visant à abolir leurs droits et leur identité, comme les pensionnats indiens et d'autres politiques unilatérales de la Couronne. Une telle abolition des droits représente un obstacle systémique à la réconciliation et le Canada a l'obligation de la rejeter clairement et de façon permanente.
En septième lieu, nous recommandons que le sous-titre de l'article 4, c'est-à-dire celui de la section « Objet », qui est incorrect, soit remplacé par « Objets ». Romeo Saganash a d'ailleurs abordé cette question lors de sa comparution le 11 mars 2021. Il s'agit d'un problème grammatical évident, qui pourrait donner lieu à des interprétations inexactes à l'avenir et qui devrait être corrigé, car les Premières Nations l'ont désigné comme étant un point préoccupant. Je vous demande instamment de corriger ce problème lors de l'étude du projet de loi par les membres du Comité.
Huitièmement, il est recommandé de supprimer dans ce même article le mot « encadrer ». Comme le reconnaît le préambule du projet de loi, la Déclaration des Nations unies elle-même constitue le cadre, et le fait de référer à d'autres cadres ne fait que compliquer les choses et semer la confusion.
Neuvièmement, je souligne aussi que la référence au « gouvernement du Canada » dans l'article 4 sous la rubrique « Objet » doit être supprimée parce que l'obligation du Canada s'étend non seulement au gouvernement, mais aussi au Parlement, et que la formulation actuelle est inexacte. L'expression « gouvernement du Canada » pourrait simplement être supprimée, ce que je vous recommande de faire, comme on l'indique dans le tableau qui vous a été transmis.
En dixième lieu, il est recommandé que le délai fixé à l'article 6 pour le plan d'action soit ramené de trois à deux ans. La mise en œuvre a déjà beaucoup tardé. Le Canada aurait dû commencer à mettre en œuvre la Déclaration lorsque celle-ci a été adoptée comme norme minimale mondiale en 2007. Le Canada s'est engagé à mettre en œuvre la Déclaration sans réserve en 2017. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'attendre encore trois ans.
Onzièmement, il est recommandé d'ajouter le mot « racisme » à l'alinéa 6(2)a), comme on l'a fait pour le paragraphe 8 du préambule, car le même libellé est repris dans les deux parties du projet de loi.
Enfin, je recommande en douzième lieu que les termes « mettre en œuvre » et « mise en œuvre » soient utilisés dans le projet de loi uniquement en relation avec la mise en œuvre de la Déclaration. Pour toutes les autres utilisations, je recommande à la place des expressions telles que « exécuter ». Vous verrez ces suggestions dans le tableau ci-joint. Si d'autres exemples m'ont échappé, comme l'a indiqué le First Nations Leadership Council of British Columbia dans sa présentation, je recommande que nous adoptions ces recommandations afin de garantir que l'ensemble du projet de loi soit corrigé pour que le terme « mise en œuvre » ne soit utilisé qu'en relation avec la mise en œuvre de la Déclaration.
Le projet de loi mérite l'appui du Comité, et il mérite l'appui de tous les députés et sénateurs. À mon avis, les améliorations que nous avons proposées sont modestes et raisonnables, et je vous invite à les adopter lorsque votre comité en arrivera à cette étape de ses délibérations.
Pour conclure, je tiens à préciser que l'Assemblée des Premières Nations souhaite voir le projet de loi être soumis à un vote final à la Chambre des communes et au Sénat dès que possible. Les dirigeants des Premières Nations et les experts juridiques comme le chef Littlechild se sont investis corps et âme dans l'élaboration de la Déclaration. Ils l'ont fait pour une raison précise. Ils se sont rendus aux Nations unies année après année — pendant plus de deux décennies — parce qu'ils considéraient que cet instrument international de défense des droits de la personne était essentiel à l'établissement de nouvelles relations avec le Canada.
Des représentants du gouvernement du Canada ont également participé activement à ce long processus aux Nations unies. En fait, le Canada mérite aussi être félicité pour avoir aidé à obtenir l'appui d'autres États afin que la Déclaration puisse être finalisée et adoptée. C'est quelque chose que nous avons accompli ensemble. C'est quelque chose dont les Canadiens peuvent être fiers. Pourtant, malgré ce qui a été accompli, plus de 13 ans se sont écoulés depuis l'adoption de la Déclaration par l'Assemblée générale des Nations unies. Plus de 13 ans que les Nations unies ont proclamé que la Déclaration était la « norme minimale pour la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones » dans toutes les régions du monde. Au cours de cette période, les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux de toutes allégeances politiques nous ont exprimé leur appui à la Déclaration.
Le Canada a participé à l'adoption de nombreuses résolutions par consensus à l'ONU, s'engageant ainsi à mettre en œuvre la Déclaration à l'échelle nationale. Le Canada s'est engagé envers les peuples autochtones du monde entier à mettre en œuvre la Déclaration. Il est temps d'agir et de tenir ces engagements en travaillant ensemble. Le Canada s'est également engagé à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies dans le texte d'autres lois promulguées par le Parlement, notamment d'importants projets de loi sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale en ce qui a trait à la protection de l'enfance et aux langues autochtones. Toutefois, ce qui nous manque encore, c'est une loi qui mette en œuvre la Déclaration, nous mette sur la voie de la reconnaissance des droits et fournisse le cadre de la réconciliation, comme l'a judicieusement demandé la Commission de vérité et réconciliation par le truchement de ses appels à l'action. Le projet de loi ouvre cette voie. Il est important pour les Premières Nations — et je crois qu'il est important pour tous les Canadiens — de saisir cette occasion maintenant. Nous voulons entendre prononcer les mots « sanction royale » avant la fin du mois de juin.
Merci. Kinanaskomitinawow.
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Tout d'abord, nous savons tous à quel point l'ajout des droits à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ainsi qu'à l'article 25 de la Charte a été durement acquis. Malheureusement, l'histoire des 40 dernières années en est une où les peuples autochtones ont dû se battre durement pour la reconnaissance de leurs droits, y compris celle de leur titre.
Pour une bonne partie de cette jurisprudence, les choses ont été vraiment difficiles parce que, pour certains d'entre nous qui sommes concernés par ces affaires, la Couronne a adopté une approche très conflictuelle et hostile à l'égard de l'existence des droits des peuples autochtones, et cela a été difficile. L'article 35 de la Loi constitutionnelle est une disposition très importante pour laquelle les peuples autochtones se sont battus avec acharnement. Bien que ces droits aient été interprétés principalement par les tribunaux, en l'absence d'Autochtones, ils sont très importants.
En tant qu'instrument international, la Déclaration des Nations unies vise à nous aider à améliorer nos discussions sur les droits des peuples autochtones prévus à l'article 35, car elle donne de bons renseignements et une valeur quant à ce que devraient être les normes, les principes et les droits.
À mon avis, la Déclaration permet d'interpréter nos droits constitutionnels en comprenant mieux comment formuler les questions relatives aux peuples autochtones. Je sais que le chef national a beaucoup parlé des questions de racisme et de discrimination.
Si nous prenons l'article 2 de la Déclaration des Nations unies, qui stipule que les peuples autochtones ont des droits, comme tous les autres êtres humains, dont celui de ne pas faire l'objet de discrimination, je suis certaine qu'aucun membre du Comité ne s'y oppose. Cependant, ce n'est pas une idée qui est très clairement exprimée dans la Charte et la Constitution et elle doit y être renforcée, car nous avons bien constaté, par exemple durant la pandémie, dans quelle mesure les peuples autochtones vivent de la discrimination systémique et du racisme.
La Constitution du Canada existe. Ces droits existent. Ils sont importants, mais la Déclaration offre, dans le cadre du projet de loi, une occasion de favoriser une approche qui est davantage axée sur la réconciliation, de mettre fin à l'approche très conflictuelle et de passer à la reconnaissance des droits. C'est très utile sur le plan juridique, mais cela n'enlève rien aux droits constitutionnels des peuples autochtones, et le projet de loi contient une disposition de non-dérogation. Le chef national a fait des suggestions sur la façon dont elle pourrait être renforcée pour mieux refléter la formulation du projet de loi en fonction des préoccupations des Premières Nations. Il faut trouver un équilibre délicat lorsque nous mettons en œuvre des lois internationales, et le projet de loi C-15 va dans ce sens.
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Je vous remercie de la question.
Tout d'abord, en ce qui concerne le rôle du préambule, comme vous le savez, les préambules facilitent l'interprétation. Ils ne sont pas appliqués de manière indépendante, mais ils sont utiles et ils énoncent le cadre de la loi. Le préambule est important, et les dispositions du préambule de ce projet de loi sont très utiles et importantes.
Comme le chef national l'a dit au nom de l'APN, il est cependant nécessaire, à notre humble avis, d'y apporter des améliorations. Nous avons souligné trois d'entre elles en particulier. L'une est très simple et elle consiste à ajouter le mot « racisme », ce qui semble être un oubli.
En ce qui concerne l'amélioration la plus substantielle, soit dénoncer le concept de terra nullius et la doctrine de la découverte, c'est un élément important dans le préambule. Bien entendu, les députés ou les sénateurs peuvent décider s'ils souhaitent que cela figure à la fois dans le corps du projet de loi et dans le préambule. Il a du poids dans le préambule, mais il est très important de préciser que les doctrines de la découverte et de terra nullius sont des doctrines de supériorité morale qui doivent être rejetées. Je sais que d'autres personnes l'ont dit au cours de ces audiences.
La valeur interprétative d'un préambule est importante. En cas d'ambiguïté, on examine le préambule. Il établit le contexte général pour favoriser la réconciliation et répondre aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation et, plus important encore, il inclut certaines dispositions que ne comprenait pas le projet de loi , le projet de loi très important que Romeo Saganash a présenté. C'était un autre type de projet de loi — une époque différente.
Toutefois, il est important de mettre l'accent sur la lutte contre le racisme, la discrimination et toutes les formes de violence à l'encontre des peuples autochtones, tant dans le préambule que dans le plan d'action, car ces dernières années, les peuples autochtones ont été la cible d'actes de violence lorsqu'ils se sont levés pour faire valoir leurs droits. Ils ont... Nous avons eu de nombreux problèmes avec la police et ainsi de suite, et il est très important, comme le chef national l'a expliqué aujourd'hui, que le préambule soit renforcé en conséquence.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ravi d'être avec vous tous pour discuter de cet important sujet. Je crois que vous avez le mémoire que nous avons envoyé hier.
Je suis le président de l'Inuit Tapiriit Kanatami, l'organisation nationale qui représente les 65 000 Inuits du Canada. Nous vivons essentiellement dans l'Inuit Nunangat. Notre patrie couvre à peu près 35 % de la masse terrestre du Canada et embrasse de 75 à 80 % de son littoral. Nous avons contribué à la protection de la souveraineté du Canada sur l'Arctique canadien. Nous avons signé des traités modernes ou des accords de revendication territoriale avec le gouvernement du Canada et nous ne sommes pas assujettis à la Loi sur les Indiens.
Nous avons connu de nombreuses expériences coloniales qui ressemblent à celles des Premières Nations et des Métis. Dans la colonisation et la réconciliation en cours au Canada, nos relations avec ce pays, les provinces et les territoires comportent de nombreux éléments uniques en leur genre.
L'Inuit Tapiriit Kanatami accueille le projet de loi comme une occasion prometteuse pour combler les lacunes qui, dans les lois et les politiques, contribuent aux violations des droits de la personne contre les Inuits ainsi que pour prévenir la discrimination et assurer recours et réparations contre les violations des droits de la personne dont notre peuple a été victime.
Notre organisation a collaboré de façon constructive avec le gouvernement fédéral à l'élaboration du projet de loi , en disposant d'assez peu de temps pour l'élaboration du texte et en respectant les paramètres du mandat législatif du gouvernement. Compte tenu de ces facteurs limitants, le projet de loi devrait bénéficier d'ajouts de dispositions permettant la création d'une commission indépendante des droits de la personne des Autochtones, à nos yeux une bonification de quelque chose de déjà excellent. Les amendements que nous avons déposés améliorent le projet de loi que nous avons déjà bien accueilli et que nous avons appuyé dès sa première lecture.
Une loi fédérale est nécessaire pour mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies au Canada. Même si de nombreux articles en sont déjà reconnus comme règles contraignantes dans le droit international coutumier, son affirmation dans les lois nationales permet de mieux diriger l'effort législatif sur les droits qu'elle affirme. Faute de cette loi, les peuples autochtones sont susceptibles de continuer à chercher à la faire mettre en oeuvre par les tribunaux judiciaires et les tribunaux administratifs.
La Déclaration des Nations unies comble la lacune qui existait dans le régime international des droits de la personne comme instrument de promotion et de protection de la situation et des droits distincts des peuples autochtones. Son adoption par l'Assemblée générale des Nations unies a enrayé les tentatives du droit international traditionnel visant à englober les peuples autochtones et à consacrer une perception colonialiste des nations, des peuples et des communautés autochtones. Après 25 années de dialogue et de négociations entre les peuples autochtones et les États membres, la communauté internationale est parvenue à mettre en forme finale tous les articles de la Déclaration.
Les experts des droits de la personne de l'ONU ont reconnu l'existence de cette lacune dans le régime des droits de la personne. Les peuples autochtones ont cherché à exercer une pression politique pour réagir aux violations inquiétantes des droits de la personne qui exigeaient une réaction urgente dans le cas des Inuits de l'Arctique et des peuples autochtones d'ailleurs dans le monde.
À cet égard, il faut noter que les représentants inuits ont souligné le caractère prioritaire de ce travail par l'entremise du Conseil circumpolaire inuit, dont les représentants, de 1982 jusqu'à la Déclaration de l'ONU, en 2007, ont agi à titre de chefs du mouvement autochtone planétaire pour que l'ONU examine et finisse par adopter sa déclaration. Nous étions motivés par la nécessité d'élaborer un cadre des droits de la personne qui sauvegarderait notre peuple et l'intégrité de nos communautés.
Il importe de noter que les droits affirmés dans la Déclaration ne sont pas nouveaux; ils sont plutôt reconnus dans les lois nationales de nombreux pays et par le droit international. Le résultat de la Déclaration de l'ONU est de fixer le contexte culturel distinct des peuples autochtones, au niveau individuel comme collectif, pour d'importants droits économiques, sociaux, culturels, spirituels, genrés et politiques qui correspondent à notre situation et à nos droits distincts en tant que peuples autochtones.
Le projet de loi , que vous avez sous les yeux, se focalise beaucoup sur deux notions particulières: d'abord, l'harmonisation des lois et des politiques de notre pays avec la Déclaration de l'ONU; enfin, la création d'un plan d'action. Nous espérons en effet pouvoir axer cette discussion sur le comblement d'une lacune et nous assurer que tous ceux qui l'examineront ou qui le prendront en considération verront ce résultat pour nos droits de la personne, dans le régime canadien des droits de la personne. Les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne. C'est une catégorie de droits de la personne qui a besoin de cette loi particulière, et nous espérons que les Canadiens accepteront les droits des peuples autochtones comme des droits de la personne dans ce pays.
Merci.