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Bienvenue à la 18
e réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se tient dans un format hybride, qui n'est pas différent de celui des réunions que nous avons eues depuis un certain temps. Cela est conforme à l'ordre du 25 janvier 2021 de la Chambre. Les procès-verbaux seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. Pendant la diffusion sur le Web, ce sera toujours la personne qui parle qui sera montrée plutôt que tout le Comité.
Afin d'assurer le bon déroulement de la réunion, j'aimerais exposer quelques points à suivre. Je n'aime pas les appeler des règles. Faute d'un meilleur terme, appelons-les des recommandations de la Chambre.
Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts, et vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français.
Les membres qui participent en personne peuvent procéder comme ils le font habituellement lorsque l'ensemble du Comité se réunit en personne dans une salle de réunion. Gardez à l'esprit les directives du Bureau de régie interne concernant le port du masque et les protocoles sanitaires.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous êtes en vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre microphone. Pour les personnes qui sont dans la salle, votre microphone sera contrôlé comme d'habitude par l'agent des délibérations et des vérifications. Je vous rappelle que toutes les interventions des membres du Comité et des témoins doivent être adressées au président. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être coupé.
En ce qui concerne la liste des intervenants, comme toujours, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre de parole des membres du Comité, qu'ils participent virtuellement ou en personne.
Chers membres du Comité, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 29 octobre 2020, le Comité se réunit aujourd'hui pour continuer son étude sur la Banque de l'infrastructure du Canada.
Maintenant, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons aujourd'hui Derron Bain, administrateur délégué de Concert Infrastructure ainsi que Dylan Penner, militant pour le climat et la justice sociale du Conseil des Canadiens.
Monsieur Bain, vous avez cinq minutes. Vous avez la parole.
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Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
Merci de me donner la possibilité d'être ici avec vous pour contribuer à votre étude sur la Banque de l'infrastructure du Canada.
Concert Infrastructure est un investisseur indépendant à long terme, qui s'occupe aussi du développement et de la gestion des infrastructures publiques. Notre point de départ et notre force comprennent le soutien des Canadiens représentés par les 10 syndicats, y compris les régimes de retraite patronaux-syndicaux dans les métiers de la construction, qui sont nos actionnaires.
Concert Infrastructure a été créé pour investir dans les partenariats public-privé canadiens, les projets d'infrastructures, qui renforcent les collectivités tout en fournissant à nos actionnaires un rendement financier stable et prévisible.
Ce modèle d'investissement dans les infrastructures, axé sur le Canada, cherche à assurer l'avenir financier à long terme ou les revenus de retraite des Canadiens, tout en établissant des partenariats avec les entreprises canadiennes et en employant les travailleurs canadiens du bâtiment pour réaliser des projets d'infrastructures publiques essentielles.
Grâce à 10 investissements directs dans l'infrastructure, avec une capitalisation globale de presque 3 milliards de dollars, ce qui comprend l'aéroport international d'Iqaluit, plusieurs ensembles d'infrastructures scolaires et les projets relatifs au BC Children's Hospital et au BC Women's Hospital, Concert a servi d'outil permettant aux régimes de pension d'accéder aux investissements dans les infrastructures canadiennes.
L'investissement dans les infrastructures est essentiel pour renforcer le tissu économique et social des collectivités canadiennes. Il est bien connu que le Canada, comme la plupart des pays, fait face à un important déficit d'infrastructures. Concert soutient l'initiative du gouvernement visant à réduire ce déficit grâce au plan Investir dans le Canada et à son engagement financier de 180 milliards de dollars. Nous sommes également d'accord avec l'objectif du gouvernement et de la Banque de l'infrastructure du Canada qui est de tirer profit des investissements dans l'infrastructure du secteur privé pour réaliser plus rapidement davantage de projets.
Fin 2016 et début 2017, Concert a directement collaboré avec le gouvernement dans son initiative liée à la Banque de l'infrastructure du Canada. À ce moment-là, on nous a assuré que l'initiative n'aurait aucune incidence sur le modèle et le secteur des partenariats public-privé canadiens, qui sont bien établis, compétitifs et fructueux.
Aujourd'hui, notre position et notre message au Comité au sujet de la Banque d'infrastructure du Canada demeurent les mêmes. Les partenariats public-privé ont été mis en œuvre avec succès dans tout le Canada depuis environ 20 ans, y compris en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario, au Québec et au Nunavut. C'est un modèle qui permet de réaliser des projets d'infrastructure en partenariat avec tous les ordres de gouvernement et des organismes en respectant le calendrier et le budget. Le modèle canadien de partenariat public-privé est largement considéré comme le meilleur de sa catégorie, et de nombreuses entreprises canadiennes exportent maintenant ce modèle à l'étranger.
Le Canada continue à sous-utiliser ce modèle et cette expertise, en particulier le gouvernement fédéral. Très peu de projets menés par le gouvernement fédéral sont mis sur le marché. Une grande quantité de capitaux privés est disponible pour les investissements dans l'infrastructure du Canada, mais l'offre de possibilités de projets est insuffisante. Les capitaux canadiens sont disponibles et attendent d'être investis dans nos infrastructures.
Les investisseurs institutionnels canadiens, comme les organismes chargés des régimes de pension, ont l'expérience, les bonnes références ainsi que le capital nécessaires pour investir dans ces projets. De manière similaire, l'Autorité financière des Premières Nations, au Canada, existe pour fournir un financement par des tiers aux projets d'infrastructures autochtones.
Le marché canadien des partenariats public-privé est un marché concurrentiel qui a atteint sa maturité, ce qui assure l'efficience de la tarification, du développement, de la réalisation et de la gestion des projets d'infrastructures publiques, souvent menés par des investisseurs institutionnels canadiens comme Concert.
L'un des principaux rôles de la Banque de l'infrastructure du Canada devrait être d'accélérer le développement du large éventail de projets d'infrastructures importants et de le mettre en forme de manière à ce qu'ils soient accessibles et qu'ils reposent sur ces réserves de capitaux du secteur privé.
Jusqu'à présent, l'activité de la Banque de l'infrastructure du Canada semble écarter la possibilité d'investissement par capital-actions et par emprunt du secteur privé dans les projets d'infrastructures. Dans le « Plan d'entreprise de la Banque de l'infrastructure Canada » de novembre 2020, à l'annexe 1, page 80, on présente les différents modèles et les différentes structures de prestation de services d'infrastructures en indiquant clairement que la Banque de l'infrastructure du Canada cherche à financer des projets de conception-construction-financement-entretien, CCFE, ou des projets de conception-construction-financement-fonctionnement-entretien, CCFFE, qui ont précédemment été financés par des investisseurs institutionnels canadiens.
Concert recommande au Comité d'inclure dans son rapport final trois grandes priorités en ce qui concerne la Banque de l'infrastructure du Canada.
D'abord, elle doit tirer profit des investissements du secteur privé pour structurer les projets et maximiser les capitaux propres et d'emprunt du secteur privé. La Banque de l'infrastructure du Canada ne devrait pas financer les projets de partenariats public-privé de CCFE et de CCFFE. Elle devrait respecter son mandat et assumer les risques liés à l'utilisation et aux revenus des projets.
Ensuite, la Banque de l'infrastructure du Canada devrait se voir attribuer le rôle de chef de file dans le choix et la mise en branle des grands projets d'infrastructures du gouvernement fédéral, tout en cherchant à maximiser les investissements par capitaux propres et d'emprunt du secteur privé. Cette activité permettra d'accroître la réserve de projets pouvant être financés. Il faudrait dresser une liste des projets de la Banque de l'infrastructure du Canada ainsi que des possibilités d'investissement privé qui soit transparente pour le marché canadien de l'infrastructure. Il faudrait réinstaurer la présélection fédérale obligatoire des projets de partenariat public-privé, afin d'encourager le secteur privé à investir davantage dans les infrastructures.
Enfin, la Banque de l'infrastructure du Canada devrait être indépendante du processus décisionnel habituel du gouvernement et disposer d'un mandat clair, qui serait de soutenir la mise en œuvre et la réalisation de projets d'infrastructures. Pendant que vous élaborez votre rapport, nous vous exhortons à prendre en compte la réussite actuelle du marché canadien des investissements en infrastructure et l'incidence de la Banque de l'infrastructure du Canada sur ce marché et, en fin de compte, sur la mise en place efficace et efficiente des infrastructures dans les collectivités canadiennes.
Merci.
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Merci de m'avoir invité à prendre part à cette importante discussion.
L'utilisation de la Banque de l'infrastructure du Canada pour pousser plus loin la privatisation des infrastructures et les partenariats public-privé est une décision tout à fait mal orientée et dangereuse, et voici pourquoi. La structure actuelle de la Banque de l'infrastructure du Canada met l'accent sur un modèle de financement par partenariat public-privé défectueux, qui consiste à inviter les intérêts privés à prendre le contrôle des infrastructures et des services essentiels qui devraient rester entre les mains du secteur public et à les subventionner pour ce faire. Le partenariat public-privé est un outil qui investit mal les fonds publics en favorisant les intérêts des entreprises, sans soutenir les collectivités. La Banque de l'infrastructure du Canada pourrait jouer un rôle crucial en soutenant une reprise équitable après la pandémie et en appuyant la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, mais cela serait impossible si elle reste axée sur la privatisation et des partenariats public-privé.
Pour que les infrastructures servent réellement l'intérêt public, elles doivent être détenues et exploitées par le secteur public. Les partenariats public-privé suppriment des emplois, manquent de transparence et excluent les municipalités des processus décisionnels. Compte tenu des lacunes des partenariats public-privé, nous ne devrons pas être surpris qu'au moins un des projets de la Banque de l'infrastructure du Canada a été annulé avant même de commencer. L'été dernier, le canton de Mapleton a annulé son projet de privatisation de ses infrastructures hydrauliques avec la Banque de l'infrastructure du Canada, car la privatisation aurait été trop risquée pour le canton.
Les partenariats public-privé sont plus coûteux. Les Canadiens pourraient tirer profit de la Banque de l'infrastructure du Canada, si elle reprenait son mandat original. Un fournisseur fédéral de financement public à faible coût des projets d'infrastructures aiderait les municipalités d'un océan à l'autre. Cependant, le modèle actuel de la Banque de l'infrastructure du Canada, qui s'appuie sur le financement du secteur privé, fournit souvent aux municipalités des prêts dont le taux d'intérêt est deux à trois fois plus élevé que le taux des emprunts de l'État et exige des financiers d'assurer un rendement à leurs actionnaires. En conséquence, les coûts des projets sont nettement plus élevés, et il n'y a aucun avantage supplémentaire pour les municipalités.
Contrairement à ce que certains pourraient penser de la situation, dans le cadre d'un examen de 74 partenariats public-privé réalisé en Ontario en 2014, la vérificatrice générale a conclu qu'ils avaient coûté à la province 8 milliards de dollars de plus que s'ils avaient été financés par le secteur public. Un rapport similaire du vérificateur général de la Colombie-Britannique donnait à penser que les 16 projets de partenariat public-privé réalisés avaient coûté à la province près de deux fois plus cher que s'ils avaient reçu un financement public. Les gouvernements de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont gaspillé des milliards de dollars de fonds publics.
Les partenariats public-privé donnent moins de résultats, et ce, à un moment où la crise climatique nous oblige à avancer plus rapidement pour décarboniser tout ce qui nous entoure, y compris les infrastructures. Les infrastructures détenues et exploitées par le secteur public en font plus que les partenariats public-privé, qui sont sujets aux défaillances et aux retards. Dans l'espoir de faire des économies et de maximiser les profits, les entreprises privées qui exploitent le modèle des partenariats public-privé cherchent souvent à réduire leur main-d'œuvre et à éviter les investissements « non nécessaires » pour l'intérêt public, et fournissent une qualité moindre. L'analyse de rentabilisation des partenariats public-privé comprend souvent un montant important pour le transfert du risque, vraisemblablement parce que le secteur privé assume les risques associés au projet. Cependant, le vérificateur général de l'Ontario a déclaré que ce facteur de transfert de risque dans les projets de partenariat public-privé est régulièrement exagéré, sans preuve, souvent en faveur de l'option du partenariat public-privé.
En ce qui concerne les services essentiels comme l'approvisionnement en eau, le traitement des eaux usées ou les transports en commun, la collectivité et la municipalité assument toujours les conséquences, et les coûts plus élevés, lorsque les choses se passent mal. Le modèle de partenariat public-privé ne prévoit pas de reddition de comptes suffisante et retire tout pouvoir à la collectivité. Les gouvernements ont besoin de la flexibilité qui accompagne le financement des infrastructures publiques pour mettre en œuvre une politique industrielle stratégique. Caché derrière des contrats confidentiels, l'ensemble du processus de négociation et d'approvisionnement des partenariats public-privé se déroule à huis clos. Le contrat, une fois signé, retire au secteur public tout pouvoir sur les infrastructures et les services, et le prive de cette nécessaire flexibilité pour plusieurs décennies.
En mars 2018, par exemple, les conseillers municipaux d'Ottawa avaient seulement trois semaines pour revoir leur contrat de partenariat public-privé pour la deuxième étape du système léger sur rail, avant de le signer. Ce n'est qu'après les faits qu'ils ont appris que le consortium qui avait obtenu le contrat n'a pas obtenu la note technique minimale.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Brampton est une ville en pleine croissance et dynamique, et il est très important pour moi de défendre la ville où j'ai grandi et où j'élève maintenant mes propres enfants. Le dernier investissement dans les transports en commun de Brampton, de 45 millions de dollars, aidera nos résidents en leur offrant davantage d'options de transport viables tout en réduisant leur empreinte de carbone. Le projet Riverwalk de Brampton, qui a reçu près de 40 millions de dollars du Fonds d'atténuation et d'adaptation en matière de catastrophes, aidera à prévenir les risques d'inondation tout en libérant du potentiel économique pour de grandes perspectives d'emploi. Actuellement, puisque les députés libéraux de Brampton continuent de défendre les intérêts de Brampton, je sais que la question de la durabilité est prioritaire.
Monsieur Bain, le Canada n'est pas le seul pays à mobiliser le recours aux partenariats pour financer de manière durable les projets d'infrastructures essentielles. Par exemple, la Banque nordique d'investissement et la Banque européenne d'investissement utilisent des modèles similaires. Je pense que d'autres pays, comme le Royaume-Uni, envisagent de créer une banque d'infrastructure. Pouvez-vous nous parler des pratiques exemplaires internationales et des autres options de financement créatives que d'autres pays utilisent pour financer des projets d'infrastructures essentielles?
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Je vous remercie, monsieur le président. Merci aussi à nos deux témoins de comparaître aujourd'hui.
Je n'ai toujours pas décidé par où commencer. Vos deux témoignages ont été très intéressants. Je crois que je vais commencer par M. Penner.
J'essaie de ramener tout cela à des concepts plus simples. Récemment, nous avons appris que, pour certains des projets financés par la Banque de l'infrastructure du Canada, des frais seront exigés des utilisateurs, afin de générer des profits pour les exploitants du secteur privé. Ces projets reçoivent aussi, essentiellement, des prêts à faible taux d'intérêt de la BIC. La population canadienne fournit donc du financement à moindre coût, et devra quand même payer les frais d'utilisateur une fois les projets terminés.
D'après votre déclaration préliminaire, je tiens pour acquis que vous ne trouvez pas ça approprié. Je me demandais si vous pouviez nous expliquer rapidement pourquoi.
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Pour faire court, je crois, comme je l'ai dit, que le Conseil a pris conscience des risques très graves que supposent les partenariats public-privé — j'en ai mentionné certain — et qu'il a choisi, au bout du compte, de faire affaire avec la fonction publique.
J'aimerais tout de même situer les choses en contexte, parce que même si ce qui est arrivé à Mapleton est un exemple très important et très pertinent en ce qui concerne la BIC, il faut tenir compte du contexte, c'est-à-dire de l'effort mondial — auquel le Conseil est très fier de participer — visant à ce que la fonction publique reprenne le contrôle de l'eau. On parle actuellement de 267 municipalités dans 37 pays, pas seulement de Mapleton. Il y a un vaste effort de « remunicipalisation » en cours, parce que les gens, les collectivités et les conseils sont en train de se rendre compte à quel point les partenariats public-privé pour les services d'eau sont mauvais pour les collectivités.
Un autre exemple très important serait celui de Hamilton, en Ontario, où on a signé une entente de 10 ans en partenariat public-privé, en 1998, pour son système d'aqueducs. Un beau jour peu de temps après, les habitants se sont levés un matin, et 135 millions de litres d'eaux d'égout brutes avaient été déversés dans le port et avaient inondé les sous-sols et les entreprises. L'effectif des services d'eau de Hamilton avait été coupé de moitié, un autre exemple parmi beaucoup d'autres qui, selon moi, montre que les partenariats public-privé ne sont pas axés sur la création d'emplois et entraînent même des pertes d'emplois. Les coûts du projet ont explosé, et le contrat pour les services d'eau a changé de mains quatre fois.
Il y a beaucoup de choses qui montrent pourquoi c'est une très mauvaise approche.
Nous avons essayé de transmettre le message au greffier, mais merci beaucoup, monsieur le président.
Je crois que je vais commencer par M. Penner, parce que j'ai adressé la plupart de mes questions à M. Bain, la dernière fois.
Je ne vais probablement pas vous faire changer d'avis en ce qui concerne les avantages des investissements du secteur privé ni en ce qui concerne les coûts liés à la croissance et à la production de projets, et vous n'allez probablement pas me convaincre... Ni vous ni moi n'allons convaincre l'autre, mais j'espère que nous pourrons trouver un terrain d'entente, en nous entendant sur le fait que, si le gouvernement va autoriser le secteur privé à participer à ces projets, alors il faudrait que les risques et les avantages aillent de pair. En d'autres mots, si la Banque de l'infrastructure du Canada va garantir un financement, afin de fournir un filet de sécurité pour les prêts ou des coûts d'emprunt inférieurs qui avantageront les entreprises du secteur privé qui participent aux projets, alors il faudrait évidemment que les risques correspondent aux avantages. Si nous acceptons que ces entreprises réalisent des profits grâce aux infrastructures publiques, alors elles devraient aussi assumer les risques que cela suppose.
Je crois que je vais m'adresser à nouveau à M. Bain, dans ce cas.
D'après votre expérience, et selon les discussions que vous avez eues avec vos partenaires, vos membres et les gens que vous représentez et avec qui vous travaillez, quels ont été les impacts des diverses approches que le gouvernement a adoptées par rapport à la banque de l'infrastructure? Si on prend le modèle opérationnel original, ce qui était proposé, c'est que la banque assume les risques liés au financement. Elle allait fournir soit des taux d'emprunt inférieurs ou des garanties de prêt et d'autres choses du genre. On pourrait croire que les entreprises se seraient jeté sur ce genre d'ententes: « Si le gouvernement veut assumer tous les risques, pourquoi ne pas participer? » Pourtant, cela n'a pas semblé susciter ce genre d'intérêt. Il n'y a seulement qu'une poignée de projets affichés sur le site Web du gouvernement, même si on compte ceux à l'étape de la conception. Selon ce que j'ai entendu des commentaires de divers intervenants, dans certains cas, les diverses approches adoptées ont fait en sorte que certains projets ont été déformés ou n'ont pas été retenus; ce sont des projets qui auraient pu être entrepris, mais qui ne répondent pas aux critères actuels du gouvernement. Pouvez-vous faire quelques commentaires à ce sujet?
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Laissez-moi un instant pour analyser la question et réfléchir à une réponse.
À dire vrai, dans les projets auxquels j'ai participé, le secteur privé a joué un rôle clé pour ce qui est de l'exécution, la construction, le financement et la gestion de la construction de l'infrastructure, mais il n'a pas participé à l'exploitation des services publics qui se fait dans ces installations.
De mon point de vue personnel, il y a une délimitation importante, qu'il s'agisse d'un hôpital en partenariat public-privé, comme l'hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique et l'hôpital pour femmes de la Colombie-Britannique, ou d'une école en Saskatchewan ou en Alberta. Nous n'empiétons pas sur les services publics qui sont offerts, à juste titre, par le gouvernement dans ces installations.
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Merci, monsieur le président.
Je crois que le point de cette discussion sur lequel nous nous entendons tous est que l'objectif, lorsqu'on construit des infrastructures, est d'optimiser la valeur pour les Canadiens et Canadiennes.
Il y a de nombreuses façons de mesurer la valeur. Jusqu'ici, nous avons surtout discuté de la valeur en argent et du fait que nous voulons obtenir le plus possible pour notre argent, si je peux m'exprimer ainsi. Bien sûr, il y a beaucoup d'autres choses qui ont de la valeur pour nous, dont certaines choses qui n'ont pas vraiment de prix.
J'aimerais demander à M. Penner de nous parler de la capacité des partenariats public-privé — ou devrais-je dire de l'incapacité des projets en partenariat public-privé — de fournir des résultats quant à certaines de ces valeurs non pécuniaires; les valeurs sociales, communautaires et environnementales qui sont aussi importantes, dans l'ensemble.
Dans la mesure où elle peut promouvoir et exécuter des projets d'infrastructure ou faire en sorte que ces projets soient proposés au marché pour qu'ils soient construits, alors elle aura certainement un impact. L'important, ce sont les emplois.
Bien entendu, une considération importante est le temps qu'il faudra avant que ces projets mènent au travail sur le terrain, mais dans la mesure où cela est possible, cela va créer des emplois. Cela va stimuler la productivité et, au bout du compte, la croissance économique du pays. Pour ces priorités et ces objectifs, c'est quelque chose d'essentiel.
Je crois que ce qu'il faut prendre en considération, ici, c'est surtout où nous en sommes. C'est peut-être un peu naïf de croire que ces grands projets, compte tenu du stade où ils sont rendus, auront des impacts immédiats dans les six à 12 prochains mois. Je crois que c'est plus raisonnable de parler à moyen terme, dans 12 à 18 mois.
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Je sais que M. Rogers a fait une remarque accusatrice à propos du plan des conservateurs.
Je crois qu'il est important de souligner qu'il y a un important pourcentage de fonds inutilisés dans les programmes libéraux. Ils sont très bons pour faire des annonces, mais pas aussi doués pour respecter leurs engagements.
Je crois que la BIC en est un exemple parfait. Il ne s'agit pas seulement d'un projet pilote qu'on a mis au point. Ce n'était pas un essai qu'on a fait pour voir si on pouvait incuber quelque chose et obtenir des résultats. C'était une grande annonce. C'était le résultat de réunions de très haut niveau. Si vous retournez consulter les rapports médiatiques à propos de la création de la banque, vous voyez que c'est la crème de la crème. Je parle de tous les gens qu'on invite au Forum économique mondial, et dont les boutons de manchette coûtent probablement plus cher que ma voiture. Ces gens se sont réunis et ont convaincu le que cela allait déclencher une avalanche d'investissements privés dans les projets.
Je comprends que, selon votre point de vue, il y a deux ou trois nouveaux départs. On a rebrassé les cartes quelques fois et réessayé avec du nouveau personnel. On a révisé le mandat et pratiquement tout recommencé depuis le début. Je comprends pourquoi vous croyez peut-être que cela va porter des fruits.
Puisqu'il ne s'agissait pas d'un essai, tout cela était censé fournir des résultats très mesurables... Vous avez parlé d'un investissement « deux fois supérieur », que le seuil de réussite... On a dit que les investissements du secteur privé allaient être doublés, par rapport aux deniers publics. Rien de tel n'est arrivé. Je comprends que vous voulez peut-être attendre avant de poser un jugement sur le plan actuel...
Selon vous, est-il juste de dire que, jusqu'ici, aucun objectif n'a été atteint?
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Je ne conclurais pas nécessairement que les objectifs n'ont pas été atteints. Y a-t-il du retard par rapport aux objectifs? Je dirais que c'est probablement plus juste.
D'après ce qui est exposé... Pour eux, dans le plan d'affaires, il y a des mesures très objectives en matière de rendement. Je crois que c'est important que le gouvernement et les Canadiens demandent à l'organisation de rendre des comptes relativement à son rendement par rapport à ces objectifs.
Aussi, comme je l'ai mentionné, je crois qu'il y a une période de gestation pour les grands projets d'infrastructure. Vous ne pouvez pas avoir des bottes sur le terrain du jour au lendemain. Il faut du temps pour planifier et concevoir des projets ainsi que pour l'approvisionnement.
Il faut s'attendre à ce que cela prenne un certain délai raisonnable. Si on prend d'autres organismes d'approvisionnement au pays, on voit que cela n'a pas pris trois ans à Partnerships B.C. ou à Infrastructure Ontario pour que les grands projets d'infrastructure soient prêts à démarrer.
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Merci, monsieur le président.
Ma question va s'adresser à M. Penner.
En parcourant le rapport annuel de la Banque de l'infrastructure du Canada, j'ai été surpris de constater qu'il n'y avait aucune information sur le salaire des hauts dirigeants ni sur les primes versées. Après tout, c'est de l'argent public qui est investi dans la Banque de l'infrastructure du Canada. Par ailleurs, le départ de l'ancien dirigeant de la Banque d'infrastructure avait fait les manchettes lorsque nous avions appris qu'il avait reçu une prime dont on a refusé de dévoiler le montant alors qu'il touchait un salaire annuel d'environ 600 000 $.
Selon vous, s'agirait-il d'un manque de transparence de la part de la Banque de l'infrastructure du Canada? À titre de comparaison, si je lis le rapport annuel de n'importe quelle des grandes banques canadiennes, qui sont pourtant des entreprises privées, je peux y lire toute cette information.
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Je vous remercie, monsieur Penner.
J'ai une autre question à vous poser. On fait écho au fait que les entreprises intéressées à investir dans des projets d'infrastructure rechercheraient des rendements de 7 à 8 %, ce qui représente un rendement élevé pour un portefeuille, vous en conviendrez.
Or le gouvernement, lorsqu'il cherche des investissements, obtient des rendements souvent inférieurs, mais le taux d'emprunt est de loin inférieur à cela.
Comment l'efficacité supposée du secteur privé peut-elle faire en sorte de compenser la différence de rendement, alors que le gouvernement emprunte souvent à des taux de 1 %, 2 %, 3 %? Il y a un grand écart entre les deux. Comment pouvons-nous ainsi y trouver notre compte?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur témoignage de ce soir.
Tout d'abord, je tiens à apporter une précision concernant les échéanciers des projets en PPP de cette envergure... M. Bain a tout à fait raison. Ce sont d'énormes projets avec une planification et des délais de construction très longs. J'ai travaillé sur le Big Dig de Boston en tant qu'urbaniste il y a de nombreuses années, et c'était un projet qui a mis 30 ans à se réaliser. Nous devons accorder à ces projets le temps nécessaire.
Demander si une entente en PPP est bonne, c'est comme demander la longueur d'un bout de ficelle. Tout dépend de la façon dont les PPP ont été créés et je pense qu'au début de l'expérience des PPP, certains ont été moins bien conçus que d'autres, et maintenant ils sont assez perfectionnés pour protéger l'intérêt public.
Le gouvernement participe à un programme d'investissement dans les infrastructures de 180 milliards de dollars qui est axé sur le partage des coûts avec les provinces et les municipalités, mais nous savons que le partage des coûts n'est pas toujours à la portée des municipalités et des organisations qui ont besoin de construire des infrastructures, surtout maintenant que la pandémie a frappé et que les municipalités se sont appauvries. Plus que jamais, les 35 milliards de dollars supplémentaires de la Banque de l'infrastructure sont importants.
Aujourd'hui, j'ai parlé à un fournisseur de transport rural, à une entreprise qui s'intéresse à l'énergie propre dans le Nord et à l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, qui s'intéresse à la large bande dans tout le pays pour la télésanté afin que tout le monde puisse y accéder. Dans chacun de ces trois cas: le transport en commun pour les personnes qui ont besoin d'aide pour se déplacer, l'énergie propre dans le Nord et la télésanté, il n'y avait pas assez d'argent disponible pour construire tout cela sans l'aide de la Banque de l'infrastructure.
Monsieur Penner, quand je regarde votre biographie, je constate que vous luttez pour un climat vivable, une transition juste et les droits des Autochtones. C'est exactement ce que nous faisons ici. Nous mettons à la disposition du public d'énormes sommes d'argent pour que les gens puissent obtenir les infrastructures dont ils ont besoin dans les collectivités, à un moment où les municipalités sont appauvries par une pandémie, et pour des projets qui, autrement, seraient voués à l'échec. Il semble que vous êtes d'accord avec la position de M. Scheer, à savoir que nous devrions réduire d'environ 18 milliards de dollars un programme d'infrastructure au moment où les Canadiens en ont le plus besoin.
Monsieur Bain, avec la pandémie, les municipalités appauvries et l'urgence climatique, est-ce le bon moment pour parler de retirer des fonds aux collectivités en investissant dans les infrastructures?
C'est la deuxième fois que j'entends un libéral essayer de faire valoir ce point. Aux fins du compte rendu, je tiens à préciser que c'est le gouvernement libéral actuel qui a vu des milliards de dollars demeurer inutilisés. Je sais qu'ils aiment accuser les gens de faire des coupures, mais c'est notre parti qui a un bon bilan en matière d'infrastructures. Le gouvernement actuel a laissé des milliards de dollars de dépenses d'infrastructure inutilisés, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas été dépensés. Je pense que la Banque de l'infrastructure en est le parfait exemple, car elle a été lancée avec 35 milliards de dollars et n'a réalisé aucun projet. Je pense que c'est dans ce contexte que notre étude est menée.
L'étude est censée s'attaquer à la source du problème. Pourquoi cette banque s'est-elle révélée si inefficace, et que pouvons-nous conseiller au gouvernement? Pour tous les téléspectateurs qui nous regardent, pour les Canadiens à la maison qui s'intéressent à la question, il est très important de le comprendre. Depuis les vérifications internes au ministère de l'Infrastructure jusqu'au rapport du directeur parlementaire du budget et bientôt dans le rapport du vérificateur général, nous constatons que ce sont les programmes actuels qui ont été si incapables de débloquer des fonds et de mettre en œuvre des projets.
Je voudrais revenir sur une chose que M. Penner a dite à plusieurs reprises. À son avis, y a-t-il des exemples de gaspillage d'argent par le gouvernement?
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, avant de passer aux questions, permettez-moi de citer le premier ministre de l'Alberta, M. Jason Kenney, qui a qualifié les récents investissements dans l'irrigation des terres agricoles en Alberta ainsi:
... une grande preuve de confiance à l'égard de l'avenir de l'agriculture, voire de l'Alberta. Il s'agit du premier projet créé en vertu du plan d'expansion de 10 milliards de dollars récemment annoncé de la Banque de l'infrastructure du Canada. Nous sommes fiers d'accueillir le premier projet à être mis en œuvre.
Le premier ministre Kenney a aussi dit:
... cet investissement aujourd'hui n'est pas juste bon pour l'économie, et n'est pas juste bon pour les travailleurs agricoles et pour les entreprises de transformation d'aliments, il est aussi bon pour l'environnement, car nous allons ensevelir les canaux d'irrigation actuellement à l'air libre dans des tuyaux qui vont améliorer la rétention et la conservation de l'eau.
Je voudrais seulement rappeler à M. Scheer le premier projet dont le premier ministre Jason Kenney fait l'éloge.
Ma question pour M. Bain est la suivante: la pandémie de COVID-19 a eu une incidence sur tous les secteurs de l'économie. Pour y faire face, la a mis en place le volet Résilience à la COVID-19, qui crée déjà des centaines d'emplois, et appuie des projets clés comme des hôpitaux et des écoles, qui sont normalement de compétence provinciale.
Monsieur Bain, pouvez-vous expliquer les différentes façons dont la Banque de l'infrastructure du Canada peut aider à créer encore plus d'emplois syndiqués bien rémunérés durant la relance économique?
M. Penner peut poursuivre avec un commentaire, s'il le souhaite.
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Je pense que la réponse est très simple. Faire avancer les projets pour qu'ils soient prêts à être exécutés. Faire en sorte que les projets soient prêts à être mis en place, c'est la façon de générer des emplois qui pourront être appuyés par l'infrastructure.
Je pense que vous avez entièrement raison: à mesure que nous avançons, et comme je l'ai dit je crois, si nous parlons d'un financement relatif à la COVID-19 qui ne fait pas partie du mandat de la BIC, je pense que cela peut se faire, et que ce financement peut être investi dans l'économie ou versé aux municipalités ou aux provinces beaucoup plus rapidement que les quelque 10 projets majeurs de la BIC dont nous parlons ici. Comme nous en avons discuté plus tôt cet après-midi, ces projets, s'ils se rendent à l'étape de l'approvisionnement et de l'exécution, auront certainement une incidence importante sur les emplois, l'économie et la productivité économique dans l'avenir.
En date d'aujourd'hui, les Syndicats des métiers de la construction du Canada ont affirmé pas plus tard qu'aujourd'hui que les emplois dans le domaine de la construction étaient en baisse de 10 % environ comparativement à la période pré-COVID, selon le Globe and Mail. Ce chiffre varie selon l'administration. Je pense qu'en Alberta ou à Terre-Neuve l'incidence sur les métiers et la construction est plus importante en raison du ralentissement économique dans le secteur du pétrole et du gaz. Ce chiffre peut être moins important dans d'autres administrations, mais, à ce jour, selon le secteur des métiers de la construction, le taux d'emploi a diminué de 10 % depuis la COVID.